Il fait beau, il fait chaud, tout le monde se balade en se réjouissant de l'été qui vient, malgré les cicatrices qui apparaissent ici et là après toutes ces mini-apocalypses. Je dois reconnaître que Storybrooke est quand même solide face à toutes ces histoires ; mais de toute manière, je n'y prête pas une réelle attention. À la place d'y réfléchir, je me balade, un pull sur le dos, la capuche dissimulant partiellement mon visage. Ce n'est pas que j'essaie de me cacher ; ou peut-être que si, je sais pas trop. Disons que je suis du genre timide, et chaque fois que je croise le regard de quelqu'un qui marche dans la rue, je peux pas m'empêcher de baisser le mien en rougissant. Ça en devient pathétique, parfois.
Mais heureusement, il y a la musique. J'ai toujours sur les oreilles ou autour de mon cou un vieux casque audio que j'ai l'impression d'avoir toujours eu ; et dans ma poche, je glisse un vieux MP3 où j'accumule toutes les chansons qui ont le don de me faire vibrer à chaque fois que je les écoute. Alors que je longe la rue pour rejoindre le centre commercial, on peut entendre les murmures de « Homeless » de Marina Kaye. Une merveille, cette chanson, et ça colle parfaitement à mon état d'esprit…
Pourquoi ? Parce qu'à la maison, c'est pas la joie. À la dernière pleine lune, il s'est passé quelque chose d'inattendu, quelque chose qui m'a clouée au lit pendant plusieurs semaines. Mon corps s'est transformé en celui de Moro, ma mère adoptive, une louve gigantesque, et cette métamorphose a épuisé mon énergie vitale. Je ne sais pas pourquoi c'est arrivé ; ça n'a jamais été le cas depuis la levée de la malédiction… un autre mystère sur lequel je vais me pencher !
Mais vous savez ce que c'est le pire ? Ce n'est pas ça mon plus gros problème. Ça, c'est Ranko, mon frère aîné. Depuis toujours, il s'occupe de moi et Ranveer, notre autre frère. Depuis toujours, il veille sur nous, instaure des règles, joue un peu les papas puisque nous n'avons pas de parents à proprement parler. Je croyais que ça lui convenait ; lui il gérait les choses « sérieuses », Ranveer prenait soin de moi malgré nos disputes constantes, et moi… moi rien en fait. J'étais tout le temps malade avant le retour des souvenirs, alors c'était assez difficile et même impossible pour moi de mettre la main à la patte ; mais alors que je croyais que tout le monde était heureux, j'apprends que Ranko en avait réalité sa claque de toujours avoir à être derrière moi et Ranveer pour nous faire la leçon et nous pousser à bouger.
C'est pour ça que je suis au centre commercial ; je n'ai pas envie de rentrer, pas envie d'avoir encore et encore la même dispute, pas envie de culpabiliser parce que je n'ai pas d'utilité particulière à la maison. À la place, je fais la chose la plus sensée qui me vient à l'esprit : partir en quête de travail !
Mais voilà que les heures passent, voilà que je pille littéralement toutes les boutiques à la recherche d'un petit job sans le moindre succès. Personne n'a rien à me proposer, et je commence à me demander si je vais vraiment finir par trouver quelque chose. C'est naïf de ma part de penser que c'est si facile de décrocher un travail ?

« Oh, excusez-moi ! »

Je me pousse en retirant vivement mon casque audio alors qu'une grande femme brune s'apprête à franchir la même porte que moi, lui faisant un sourire maladroit, avant de pencher la tête sur le côté, réalisant que j'ai l'impression de la connaître. Elle me regarde un peu étrangement, avant de répondre à mon sourire et de passer son chemin. Attends… mais je l'ai déjà vu ! Elle a une boutique en ville non ? Oh mais j'ose pas l'aborder… je ne voudrais pas la déranger… et puis…
Oh et puis zut Rani, c'est peut-être l'occasion du siècle !
Prenant mon courage à deux mains, je la rattrape vivement, manquant de m'encoubler au passage sur à peu près tout ce que je croise, avant de me placer devant elle avec mon éternel sourire maladroit.

« Bonjour madame… euh… mademoiselle… madame… Enfin, vous avez une boutique en ville non ? Je voulais savoir si vous… enfin si vous voulez… si vous avez une place vacante pour travailler ? À mi-temps, quand vous voulez ! »

Sans vraiment m'en rendre compte, je joins mes mains devant mon visage, tandis que mes yeux brillent d'une lueur pleine d'espoir.

À vrai dire, je n'y croyais qu'à moitié. Et c'est en faisant de grands yeux surpris que j'observe la dame qui se tient devant moi, toute étonnée qu'elle ait réellement quelque chose à me proposer. Je pensais qu'elle allait soit m'envoyer paître en bonne et due forme, et je ne lui en aurai pas voulu d'ailleurs, c'est pas courant de se faire « agresser » comme ça par une inconnue telle que moi ; soit qu'elle allait gentiment refuser ma proposition, surtout qu'on approche de l'été et que tous les petits jobs sont déjà pris par les étudiants en quête de se payer des soirées alcoolisées ou un nouveau téléphone durant l'été.
Mais d'un autre côté, elle a surtout l'air de se sentir forcée par ma requête, et ça, ça me met dans tous mes états. Mais je voulais pas qu'elle se sente obligée !

« Oh mais vous savez si vous ne pouvez pas ce n'est pas grave hein ! Je suis désolée, je ne voulais pas vous forcer la main… On me dit que j'ai tendance à prendre les gens au dépourvu, je ne sais pas pourquoi d'ailleurs. Ce serait marrant de trouver pourquoi... »

Je secoue la tête, déjà en train de partir dans des auto-psychoanalyses, ce que j'ai tendance à faire un peu trop souvent. Ce n'est pas de ma faute, c'est dans ma nature ; je passe mon temps à me poser mille questions à remettre en question la moindre petite chose que je fais ou dis. C'est lourd d'ailleurs parfois, pour moi comme mon entourage, car il semblerait que je peine à me rendre compte que le monde ne tourne pas autour de ma petite personne… Enfin c'est comme ça que Ranveer me l'explique, en moins vulgaire.

« Oui je suis très motivée vous savez… durant la malédiction je n'avais pas une bonne santé physique, et du coup j'étais obligée de compter sur mon frère aîné pour survivre… mais maintenant que je vais mieux j'aimerais vraiment pouvoir l'aider, car je sais que c'est lourd parfois d'avoir ses frères et sœurs à charge ! »

Et voilà Rani, petite sotte, tu es encore en train de raconter ta vie à une parfaite presque inconnue ! Tu veux pas lui donner ton adresse, ton identité complète et ton numéro de carte bancaire pendant que tu y es ?!

« Oh euh pardon… Je ne sais jamais quand m'arrêter dans mon blabla ! Tout ça pour dire qu'il ne faut pas vous sentir obligé de me prendre si vous n'en avez pas les moyens ! Enfin… voilà quoi ! Je ne vais pas vous déranger plus longtemps ! »

J'émets un sourire un peu niais façon Rani, me grattant nerveusement l'arrière de la tête, sans trop savoir comment finir cette conversation de manière optimale et la laisser tranquille pour qu'elle puisse continuer sa journée sans que je la dérange. C'est fou quand même d'être aussi bête et bizarre !
Mais… elle a bien dit Regina Mills ? La mairesse qui nous a tous amené ici ? Elle s'est mise à la confiserie ? Eh bah… c'est bizarre comme concept !

« Enfin, je suis désolée du dérangement. Je passerai quand même à la boutique, j'adore vos chocolats, et mes frères en raffolent. Et c'est un vrai compliment, je vous l'assure, c'est rare pour des anciens loups d'apprécier autre chose que de la viande ! »

Et je le pense vraiment ! Avec mes frères, on a des réserves de viande de dingue -enfin quand l'un d'entre nous a pas tout dévoré par impulsion. Les pâtes, les légumes, les bonbons, tout ça, on est pas très fan ; mais on aime beaucoup les chocolats de confiseurs, à l'inverse des chocolats industriels qu'on trouve dans les grands magasins.

« Bonne fin de journée hein ! »

Je m'apprête à repartir, quand je me rends compte que je ne sais pas exactement où je suis dans le centre… Wow, j'ai réussi à me perdre ! Moi qui suis sensée être une fille de la Louve, c'est quand même pas possible !

« Euuuh… vous pourriez juste m'indiquer la sortie ? C'est grand ici et je ne viens pas souvent, je crois que je suis un peu perdue ! »

Je me sens comme devenir toute rouge quand je vois que la dame devant moi accepte ma proposition. Mais ! J'ai comme l'impression de lui avoir forcé la main, et d'un seul coup, je me sens mal et confuse, n'ayant pas envie de déranger plus longtemps la presque inconnue. En plus elle ajoute que je lui ai donné une idée… Tiens ?

« Ah mais c'est gentil, ne vous sentez pas obligée ! »

Dis, Rani, t'es pas encore plus agaçante quand tu refuses alors que le destin se place en ta faveur, pour une fois ? Je veux dire, elle vient de dire que c'est bon pour elle sous conditions, et toi t'es en train de complètement te rétracter en te demandant comment ficher le camp le plus vite possible. C'est quand même pas possible d'être aussi inconstante ! Enfin. Essaie de gérer un peu, tu pourras écouter ta musique plus tard pour calmer ton émotion…

« Enfin je veux dire, si cela pose un problème je m'en vais tout de suite, mais si vous êtes d'accord je suis disponible quand vous voulez ! »

En tout cas, la jeune femme devant moi à l'air du genre sensible, et je dois dire que c'est assez rare de rencontrer des gens qui prennent le temps de vous écouter. Chez les Loups, dans le monde des contes, il n'y a rien de plus important que la famille et l'entraide ; mais chez les humains, et je l'ai remarqué avec les changements de comportement de Ranko, c'est beaucoup plus difficile de se faire entendre et surtout, de se sentir soutenu. Souvent, les gens font semblant d'en avoir quelque chose à faire, mais hausse les épaules dans ton dos et rigolent de ton infortune avec leurs autres amis en disant à quel point tu es « chiante » et « gonflante » avec tes soucis du quotidien, prétextant que « faut arrêter » parce que « tout le monde a des problèmes ». Mais ça c'est quelque chose que les gens comprennent rarement ; oui, tout le monde a des problèmes, mais ça ne veut pas dire que les soucis de chacun ne sont pas importants, quelle que soit leur ampleur. Ça me fait toujours penser à une citation que j'avais vu un jour et qui m'a marquée : « Ne me dis pas que je ne dois pas pleurer parce qu'il y a des gens qui vivent des choses bien pires ; ça voudrait dire que je n'ai pas le droit de rire parce qu'ils a des gens qui vivent des choses bien mieux ». C'est tellement véridique ! Bien sûr, ça ne veut pas dire que je dois m'apitoyer sur mon sort, mais ça veut aussi dire que j'ai le droit d'être triste ou en colère, non ? Alors pourquoi dans nos sociétés c'est si difficile d'être soi-même ? San, au moins, mon ancienne moi, elle n'hésitait pas à mordre littéralement quand ça n'allait pas…

« Vous êtes très gentille en tout cas, merci… c'est rare que les gens prennent le temps d'écouter comme ça, surtout les bavardes un peu boulet comme moi ! »

Je lui fais cette fois un sourire qui respire la joie plutôt que la gêne, tandis que je m'apprête à rejoindre la sortie qu'elle m'a indiqué, avant qu'elle ne me pose une main sur l'épaule pour m'inviter boire quelque chose et faire plus amples connaissances. Euuuh… mais ! Je suis pas douée en conversation, encore plus pour faire l'apologie de ma personnalité en espérant obtenir le job…
Je la regarde avec des grands yeux, un peu intimidée, mais décide de la suivre, tandis que nous partons nous installer dans un petit tea shop de la cafétéria.

« Eh bien d'accord, enfin… je peux payer si ça pose problème ! » Je tâtonne mes poches, cherchant de la monnaie. Enfin je crois… « Oh mais je vous raconte ma vie et je ne vous dis même pas mon nom ! Je m'appelle Rani Mékong Wolfgang et j'ai eu 21 ans… Mais vous pouvez m'appelez Rani tout simplement ! »

Je lui fais un sourire intimidé, tandis que le serveur s'approche de nous pour prendre nos commandes. Je ne sais même pas ce que j'aime comme thé !..

Décidément, je n'aurais jamais pensé faire une rencontre aussi fortuite aujourd'hui. Je n'irais pas jusqu'à dire que les gens sont « méchants », en général, mais disons que dans une ville où tout le monde a vécu deux vies, il n'est pas facile de s'adapter aux gens que l'on croise. On ne sait jamais ; si ça se trouve, le gentil monsieur qui tient le magasin de journaux est peut-être Scar, ou le type ultra-louche qui dirige le Daily Mirror c'est peut-être Panpan dans Bambi. On a tous été doté d'une personnalité différente, ici ; moi-même, je ne suis pas San. Je suis Rani, une fille un peu bizarre -selon les gens, souvent- et assez timide, voire même fragile. San, c'est pas du tout ça ; c'est une battante, une guerrière, qui laissera jamais personne lui marcher sur les pieds et qui n'hésite pas à tuer si cela est nécessaire. Et je ne commencerai même pas à parler de Moro ; c'est tellement compliqué, au fond…

« Ah non non, je serai ravie de travailler le week-end ! Je ne fais presque rien de mes journées, alors si je peux remplir le samedi et le dimanche, c'est super ! »

Je dis cela avec enthousiasme non dissimulé, mais la San qui est en moi réalise que je viens de reconnaître que je n'ai absolument aucune vie sociale. Je n'ai pas d'amis, en fait. Il y a bien Cathal avec qui je m'entends à peu près bien, mais pour le reste, c'est pas trop ça. La plupart des gens de mon âge sont des étudiants ou des gens super actifs ; et vu que j'ai jamais vraiment été confrontée au « monde extérieur » durant la malédiction, j'ai un peu de mal à croiser du monde. La tournée des bars, c'est pas exactement ma tasse de thé… alors la perspective de pouvoir avoir quelques heures remplies par semaine, ça me permettrait peut-être de faire des rencontres justement, non ?

« Enfin, tout ça pour dire que les week-end ça me va. Je ne sais pas encore si j'aurais quelque chose la semaine, par la suite, mais déjà deux jours, si ça vous convient, je serai ravie ! »

Ma motivation est apparente ; et je commence vraiment à l'adorer, cette Amelia. Elle n'a pas peur d'être gentille dans un monde peuplé d'humains vicieux et teigneux ; où la discorde règne et où les gentils se font bouffer tout cru. C'est fou quand même, dans les contes c'est toujours les gentils qui gagnent ; mais ici, ce n'est pas aussi facile. Cela dit, dans le conte d'où je viens, c'est un peu plus ambigu quand même…
Le serveur prend nos commandes ; je choisis un simple thé au citron. J'aime bien l'acide ; mes frères font toujours des têtes de déterrés quand j'arrose allègrement la viande avec du jus de citron. Je ne sais pas, il y a quelque chose d'agréable dans ce drôle de goût, qui réveille, qui te fait revenir à la réalité quand tu passes ton temps avec la tête dans les nuages.

« Les gens vous trouvent… conne ? Mais c'est débile ! Je suis d'accord avec vous. Dans ce monde-ci, c'est bien plus compliqué d'être gentil ou méchant ; tout le monde est un peu des deux, au fond. Alors que là d'où l'on vient, on avait les héros et les méchants. Enfin, pas dans mon conte exactement… c'est compliqué. »

C'est vrai que là d'où je viens, maintenant que j'ai la perspective d'une humaine, c'est bien plus difficile à imaginer ; il n'y avait pas de gentils ou de méchants. Il n'y avait pas la méchante sorcière d'un côté, et Blanche-Neige de l'autre ; et désolée maman, je sais que tu aimes penser que les humains sont tous des êtres perfides. Mais la réalité est tout autre ; nous ne faisions que défendre notre territoire et tous ses habitants, et les humains, ils faisaient la même chose. Chaque camp avait simplement des valeurs, des idéaux différents ; chaque camp pensait qu'il était le camp des gentils.

« Ah non non, je ne suis pas étudiante ! Désolée si ça a pu prêter à confusion. À vrai dire, je ne fais rien ; ma santé durant la malédiction m'empêchait d'être autre chose qu'un boulet à la charge de mes frères. Du coup pour l'instant je cherche des choses à faire, pour pouvoir m'occuper et libérer un peu de poids pour mes frères… Et vous au fait ? Enfin à part la chocolaterie. Vous aimez quoi dans la vie ? »

Le savoir m'intéresse réellement ; il n'y a rien de tel qu'écouter les histoires des gens qui nous entourent.

Un de mes grands problèmes, c'est de prendre les choses au premier degré.
Oh, avec mes frères, c'est pas trop compliqué d'être sarcastique ; mais eux, c'est mes frères, je les connais par coeur. Enfin je croyais, en tout cas. Ils ont l'habitude ; on est proche, c'est normal. Mais avec des gens que je ne connais pas, je deviens tellement nerveuse que mon détecteur de taquineries cesse aussitôt de fonctionner ; et ainsi s'enchaîne les sourires débiles.

« Oh je m'en serais doutée ! Mais d'accord. Merci encore, c'est vraiment génial ! Je passe vers quelle heure samedi prochain ? Histoire de ne pas commencer par un retard ! »

Je lance un sourire naïf, tout en me grattant l'arrière de la tête, comme je fais toujours quand je suis nerveuse. Ça va me changer, quand même, de ne pas être à la maison H24. Je veux dire, c'est cool pour ceux qui bossent de rien avoir à faire de temps en temps, mais quand c'est tout le temps, ça devient vite très lourd. Surtout quand on a deux frères au caractère impossible sous la main. Pas que je les aime pas, au contraire ; mais quand on passe trop de temps avec des gens, parfois, on sature. Et comme ça, ils pourront pas dire que je ne fais aucun effort !..

« Oh mais il n'y a pas de soucis, je peux aussi venir travailler de temps en temps gratuitement la semaine ! Ça ne me dérange pas ! » Vous voyez, quand je parlais de premier degré ? Je croyais sincèrement qu'elle me le suggérait sérieusement. Et puis, ça me parait tout à fait normal de donner un coup de main quand je le peux, alors pourquoi pas ? « Oh mais je ne voudrais pas vous déranger ! Mais c'est gentil de proposer... »

Nouveau sourire. Je ne sais faire que ça, c'est vraiment déprimant. Ah ma pauvre Rani, va falloir que tu travailles tes capacités sociales, ça va de catastrophe en catastrophe ! Encore heureux que t'es pas tombée sur un type louche, tu l'aurais suivi…
Mais non, je suis vraiment bien tombée. À vrai dire, je me sens de plus en plus à l'aise face à Amelia ; c'est un autre genre que maman. Pourtant, je sens en elle un passé de prédatrice ; elle a dû être un grand félin ou un canidé dans une autre vie. Ou peut-être une chasseuse ; Maman aurait deviné tout de suite avec ses instincts de loup, mais moi, j'ai encore du mal à me faire une idée. Et puis, c'est bizarre de se dire qu'une femme aussi gentil ait pu être une lionne ou une tigresse ; personnellement, j'aurais plutôt dit une biche ou une lapine. Ces animaux-là sont la gentillesse incarnée. Quoique, les lapins des fois ils sont d'une fourberie… mais leur viande est tellement bonne !

« Oh pas de problème, c'est facile de se tromper ! Storybrooke est une ville étudiante, j'ai l'impression, les gens de mon âge sont presque tous à l'université. » Je fais une pause dans mon discours, prenant le temps, pour une fois, de siroter mon thé au citron. Excellent breuvage ! En plus Amelia prend la même chose que moi, je suis flattée ! « Beaucoup mieux ! C'est assez long à expliquer, mais ce n'était pas des problèmes standards, d'humain. Mais ça je l'ai découvert seulement quand la malédiction est partie ; c'était un problème un peu plus… magique. Mais depuis que la magie est revenue, l'équilibre est aussi revenu, alors ça va beaucoup mieux, merci de vous en inquiéter ! » Je vais pas lui balancer tout de suite que ma mère vit dans ma tête et mon corps, quand même ! « Oh... » Je rougis lorsqu'elle me dit que je ne suis pas un boulet. Avec mes frères, notre manière de nous montrer notre affection, c'est de nous taper dessus ; et parfois, c'est difficile de distinguer affection et colère, avec eux. « C'est gentil. Vraiment ! Je ferai de mon mieux pour que tout se passe bien, n'en doutez pas une seconde ! » Nouveau sourire, cette fois déterminé. « Wow ! Vous en faîte des choses dans la vie ! En tout cas j'ai hâte de goûter tout ça ! À la maison on prend pas trop le temps de cuisiner… et on fait surtout de la viande. Mes goûts se limitent un peu à ça… mais je n'ai jamais pris le temps de goûter de la vraie cuisine ! En tout cas je vous admire ! Ce n'est pas facile de vivre dans ce monde, encore moins quand on a plein de choses à faire ! J'espère rencontrer vos enfants un jour, ce serait cool ! »

Je fais une petite pause, toujours pour boire mon thé ; j'aimerais que la journée dure pour l'éternité. Moi qui était sortie pour me vider la tête des horreurs que m'avait dit mon frère, je passe un agréable moment avec une parfaite inconnue des plus appréciables !

« Oh, il n'y a rien de bien intéressant, pour ma vie d'humaine. Enfin, j'ai toujours été humaine… mais ici, comme je vous l'ai dit, j'ai surtout passé mon temps alitée, à cause de la malédiction. Mais dans le monde des contes, je m'appelais San ; je suis la fille adoptive de Moro, un esprit de la forêt qui a la forme d'une louve géante. Mes deux frères sont ses fils biologiques ; et c'est pas toujours facile, quand on est humaine, de s'intégrer dans une famille de loups… mais ça marchait bien. Et je les aimais plus que tout. Je n'ai jamais connu mes vrais parents ; et Maman m'a dit qu'ils n'étaient pas de bonnes personnes. Ils m'ont abandonnée... »

Je ne souhaitais pas trop rentrer dans les détails des circonstances de mon abandon ; après tout, j'avais littéralement été jeté en pâture à Moro, le jour où elle avait attaqué le village où j'étais née. Et la louve avait décidé de m'adopter ; mais c'était si compliqué, qu'il me faudrait des heures pour tout expliquer !..