Le jeune garçon avait évité l'une des questions d'Amelia en lui faisant goûter un chocolat plutôt bon, d'ailleurs. Cet avis sembla le ravir, ce qu'Amy ne pouvait que comprendre: elle aussi, après tout, éprouvait cette joie étrange lorsque quelqu'un la complimentait sur ses créations. C'était un peu étrange comme réaction, car après tout on ne dit pas merci au boulanger de faire du pain, mais la jeune femme prenait, semble t-il, cette affaire très à coeur.
En revanche, ce qu'elle ne comprenait, c'était le malaise étrange qui s'était emparé de Charlie. Avait-elle dit quelque chose de travers? Amy espérait ne pas l'avoir vexé, ne voyant pas tellement comment elle aurait pu faire son compte, cependant. L'un dans l'autre, il y avait anguille sous roche, c'est à dire un nouveau mystère à résoudre! On ne donnait pas subitement sa langue au chat pour des prunes, après tout!
Mais lentement, son rythme, le jeune garçon commença à répondre. Se faisant, il lui rappelait de plus en plus son fils, quand il essayait d'annoncer une nouvelle que sa mère n'allait pas aimer. A croire qu'ils s'étaient passés le mot...
Mais Amelia ne voulait pas tirer de conclusions trop hâtives, aussi, avait-elle décidé de lui laisser du temps pour révéler ce qui avait tout l'air d'être un secret. Mais le jeune homme ne saisit pas la perche, se contentant de déposer un billet sur le comptoir avant de demander une autre pâtisserie à la "Madame".
Amy sourit, même si elle n'était pas se faire appeler de la sorte. Ca faisait vieux, selon elle. Et bien trop formel pour la personne qu'elle pensait être.
- Tu peux m'appeler Amelia ou Amy, précisa t-elle donc en lui cherchant la viennoiserie en question.
Elle allait lui tendre la pâtisserie dans son sachet lorsque son jeune client manqua de lui tomber dans les bras, se rattrapant de justesse au comptoir. Une chance qu'il soit là, pour le coup, songea la jeune femme en le regardant d'un air inquiet.
- Tu n'as pas à t'excuser, lui assura t-elle d'un ton doux et maternel. Tu parles à la grande maladroite de la ville, crois moi ce genre de situations ça me connait!
Elle fit sembla de croire à son excuse scolaire, somme tout plausible, d'ailleurs. Sur les conseils d'April (ou plutôt sur ses injonctions), Amelia tâchait en effet de ne pas se mêler tout le temps de la vie des autres. C'était aussi ce qui l'avait conduite à ne pas insister sur le malaise que Charlie avait ressenti quelques minutes auparavant - même si cela avait indéniablement titiller sa curiosité. Cette fois ci, Amy laissa donc courir cette petite histoire, lui permettant ainsi d'assouvir sa curiosité en posant une question qui n'avait rien à voir avec l'incident.
- Bonne question, commenta t-elle l'air songeur. Tu sais quoi? Je ne m'étais jamais posée la question avant! Plutôt dingue, non? Le truc c'est qu'avant de proposer une nouveauté à la boutique je fais des tests chez moi, sur mes cobayes d'enfants, donc, et parfois je retravaille beaucoup la recette avant de la proposer ici parce que je sens que je peux mieux faire mais parfois pas. Et à côté de ça, il y a bien sur les tests pour les anniversaires de mes proches, Noël et ce genre de choses... Je peux passer beaucoup de temps sur ce genre de menus, bien plus que sur mes recettes pour la boutique, en fait. Ma soeur ainée s'en agace beaucoup mais au fond elle est bien contente du résultat final, j'en suis sure! Et toi, c'est comment quand tu cuisines? demanda t-elle en s'accoudant à son comptoir, bien décidée à le cuisiner lui aussi.

Charlie l'écoutait attentivement, souriant à sa façon de faire. ça aurait pu être un point commun avec elle, concernant les test sur sa famille, mais l'ambiance devait être si différente, il aimerait voir ça un jour, enfin non, il n'allait pas s'inviter chez une personne qu'il connaissait depuis quelques heures à peine, ça ne se faisait absolument pas. Il roula des yeux, il avait perdu ses bonnes manières si il agissait ainsi. Il l'aurait dit tout haut devant certaines personnes, il se serait fait bien remonté les bretelles.

Pendant qu'elle lui racontait les petites histoires de test et de temps dans la cuisine, il mangea la pâtisserie qu'elle lui avait donné. Il l'écouta attentivement, il avait un beau petit sourire dessiné sur son visage, il aimait bien écouter les histoires des personnes. Sa curiosité ne pouvait qu'être satisfait, quand l'un parlait de lui. Alors il prit soin de retenir tout détails, car ce sont dans les détails qui semblent futile pour beaucoup, qui nous apprend beaucoup de choses sur les personnes. Observateur, conscient de cela.

Elle avait été assez compréhensive et n'avait pas cherché plus loin, quand il lui avait donné l'excuse de l'école, du boulot qu'il donnait, suite à son petit étourdissement. Il se tenait d'ailleurs encore contre le comptoir, il préférait, il ne se sentait pas totalement prêt à être sur ses deux pieds. Bien entendu, il avait remarqué, qu'elle voulait en savoir un peu, convaincu sans l'être. Il savait que s'était un mensonge son excuse, même si ça pouvait se tenir. Mais, ce genre de choses...ça ne se disait pas et puis pour lui ce n'était pas important. Il n'y avait pas mort d'hommes comme on dit. Il sortie ces pensées de sa tête.

Il ria légèrement à ce qu'elle venait de dire. "Vous avez l'air d'avoir une grande et belle famille Mad..Amelia. Vous avez bien raison de faire cela et puis c'est bien de partager avec son entourage avant de le faire partager à ses clients. Ou même de le conserver bien au chaud pour vous et votre famille. C'est cool" lui répondit-il. Il avait entendu sa question. Comment allait-il répondre à celle-ci.

"Je fais souvent la cuisine" commença t-il par dire, ce qui était pour le moment la vérité, même si l'ambiance devait être très différente de celle de cette dernière. Surtout que, même quand c'est bon...ça ne l'est jamais. Il a une famille étrange de toute manière, mais étrange que de l'intérieur. Il sourit légèrement, mais au fond s'était quelque chose de triste. "J'aime bien cuisiner, mais plus pour mes amis, je pourrais y passer des heures que je me rendrais pas compte de l'heure qu'il serait. Comme quand je sculpte. J'aime toucher à tout, je suis dans mon monde et puis mes amis aiment ce que je fais alors, c'est ce qui compte". avait-il avoué en évitant de parler vraiment de sa famille. Il avait parlé de sa deuxième passion. "Enfin quand je crée, je me laisse aller à mon inspiration. J'ai encore beaucoup de choses à apprendre et avec Wil..", il se stoppa un instant et reprit sans sourcilier. "Willy un ami, on aime créer des choses et les faire goûter autour de nous..comme ce que je vous ai fait goûter tout à l'heure..", il sourit, quand il en parlait, il en était heureux, s'était sa place, la création.

Il baissa un peu son regard, vérifiant l'heure qu'il était. Il n'était pas si tard que ça, d'habitude il serait aller dans un coin où il avait l'habitude de se rendre, à écouter de la musique, dessiner ou écrire. Cependant, il aimait bien être là également et puis ça lui donnait l'occasion de faire connaissance avec une autre personne.

Madame ? Amelia était à cheveu de tiquer, de rappeler qu'elle ne faisait pas encore partie des vieilles personnes etc mais Charlie se reprit de justesse en l'appelant par son prénom. De fait, la pâtissière n'avait plus aucune raison de faire le moindre commentaire et se radoucit, l'écoutant abonder dans son sens.
Comme n'importe quelle personne, Amy adorait qu'on abonde dans son sens, ou simplement qu'on trouve ses idées "cool", pour citer Charlie. C'était probablement dû à un léger manque de confiance que les compétences pourtant avérées d'Amelia n'avaient pas encore totalement éradiqué. La jeune femme n'en savait rien et ne se posait à vrai dire pas la question (ce qui moi, auteure, ne m'empêche en rien de la poser, même dans le vide).
Et puis à son tour, Charlie commença à se confier. Apparemment il cuisinait souvent. Mais Amelia sentait quelque chose d'étrange dans son intonation, sans pour autant savoir ce dont il retournait. Une chose était sûre cependant, il ne mentait pas et faisait réellement "souvent la cuisine". Mais il ne disait probablement pas tout, et Amy ne pouvait au fond pas lui en vouloir. Chacun ses secrets, comme on dit. La jeune n'avait pas non plus étalé les siens en mentionnant son marie aux abonnés absents et toutes les autres bizarreries de son clan d'anciens lions. Alors elle n'allait certainement pas en tenir rigueur à Charlie.
De toute façon, il s'était trahi tout seul.
Et pourtant, c'était bien parti.
Comme la cuisine avait semblé le mettre mal à l'aise, Charlie avait embrayé sur la sculpture, une autre passion. Puis il avait mentionné "Willy, un ami" mais cette information n'avait pas été disséminée avec autant d'adresse et ressemblait plus à une gaffe qu'autre chose.
- Willy ? releva la jeune femme nonchalamment. Comment Willy Wonka ou y en a t-il un autre ? le taquina Amelia. Moi en tout cas je ne connais que ce Willy là, plus de réputation d'ailleurs qu'autre chose. Je n'ai pas eu l'occasion de goûter ce qu'il fait mais il me semble qu'il s'en tient au chocolat, non ? De toute façon, nous ne vendons pas les mêmes produits et je ne vais pas houspiller les gens parce qu'ils vont chez lui. Je vais bientôt me lancer aussi dans le traiteur à domicile, alors je ne crains pas sa concurrence et c'est même une bonne chose d'en avoir. Mais passions. Je suis sûre qu'on gagne à connaitre ton ami Willy. Tu disais que tu fais de la sculpture, c'est bien ça ? Ca doit être chouette ! Hormis sculpter le sucre ou le chocolat, je ne m'y connais pas. Tu sculptes quoi ? voulut savoir Amelia, sûre que ce sujet de conversation mettrait Charlie plus à l'aise.

Charlie sourit se détendit même un peu. Apparemment, cela ne la gênait guère. Il en était plus ou moins rassuré. Mais, il se disait tout de même, que cela ne se faisait pas. Il était bizarre que voulez-vous. C'était lui tout cracher, s'inquiéter alors qu'il n'y avait pas lieu d'être, mais au fond, il voulait bien faire et ne blesser personne.
Enfin, il réfléchissait quelques minutes, il n'était pas du genre à prendre des gants et là pourtant il en avait pris, ne sachant pas comment elle pouvait réagir, maintenant il était fixé. Alors, il ne pouvait pas le nier et passer outre. Soyons honnête, il l'était, alors pourquoi ne pas continuer sur cette voix.

-En effet, c'est bien ce Willy. Je suis son associé et je tiens sa boutique avec lui. avait-il annoncé lui souriant. Je suis heureux d'y travailler quand je peux. Il fait aussi des friandises.

Il s'était accoudé contre quelque chose. Il était temps qu'il réponde un peu plus aux questions, il fallait bien, et puis pourquoi cacher cela, ça ne servait à rien, juste à faire des histoires. Il fallait qu'il sorte de sa bulle.  

- Oui je sculpte, du bois ou de la pierre. dit-il fièrement. Il sortie un petit bout de bois de sa petit sacoche, là ce n'était pas grand chose. Il avait fait bien plus, mais celui-ci lui tenait à cœur. Il le montra à son interlocutrice.

Elle représentait deux personnes, qui étaient en train de se prendre dans les bras. Il l'avait imagé, avec de ce qu'il se souvenait. Elle était petit car cela lui permettait de l'emporter partout avec lui.

-Cela m'a beaucoup aidé pour certaines créations de chocolats ou friandise. Rajouta t-il .

Il sortie son calepin de dessin en attendant qu'elle la regarde de plus près. Acceptant que quelqu'un la tienne dans sa main. Il ne savait pas si cela allait l'intéresser, mais il ajouta tout de même.

-Je dessine par moment, ce que j'aimerais faire en sculpture, enfin ça dépend quoi, sinon je me pose et je fais. Il avait le sourire, il aimait bien ne parler, même si parler pour lui ne rimait pas à grand chose. D'ailleurs, il cherchait des cours de langage des signes.

Enfin bref, il montra quelques petits dessins, gardant le reste pour lui, s'était bien une des rare à les voir.

-Je vais peut-être pas vous déranger plus...vous avez sans doute du travail . lui dit-il pas sur à cent pour cent.

Charlie lui montra l'une de ses sculptures, effectuée sur un petit morceau de bois. L'objet était relativement petit puisqu'il tenait dans une poche mais taillé avec précision. Amelia n'eut donc aucun mal à reconnaitre un couple enlacé, tout ce qu'il y a de plus mignon. L'ancienne lionne sourit tandis que son âme d'éternelle romantique imaginait déjà l'histoire de ceux qu'elle prenait pour des amoureux. Elle fut bien contente quand Charlie lui permit d'y toucher afin qu'aucun détail de son travail ne lui échappe.
Puis le jeune garçon sortit un calepin pour lui montrer ses dessins. Un vrai artiste, décidément ! La jeune femme put alors admirer ses jolis dessins tout en écoutant ses explications. Elle reconnut effectivement au détour d'une page la sculpture qu'elle tenait en main et nota qu'il avait vraiment du talent.
- C'est vrai très joli, le complimenta Amelia en lui rendant sa sculpture. J'espère que tu continueras à exercer ton potentiel et à le développer. Ca pourrait même devenir ton métier un jour... Mais tu as le temps de voir, évidemment, le rassura t-elle. Allez, tu devrais filer, l'heure tourne et tu as sans doute mieux à faire que discuter avec moi. Ceala dit, ma porte reste ouverte, précisa Amelia avant qu'il ne s'en aille.

Fin