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 Beautiful Chains ϟ Erwin

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Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière.
C'est au détour d'une Ombre
que nous attends le Mal. »


Alexis E. Child

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Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...


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Edition Octobre-Novembre 2020

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________________________________________ 2023-01-15, 23:53 « Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »




Beautiful Chains


C’était une drôle de sensation. Une de celle qu’on arrivait pas toujours à définir. Est-ce que c’était lié au choc dans lequel la situation m’avait plongé ? Je n’arrivais pas me définir par ce que j’étais, je ne savais le faire que par ce que je n’étais pas. Je n’étais pas triste. Pas heureuse non plus. Je n’étais pas sûre de vouloir être là. Pas sûre non plus de ne pas vouloir y être. Je n’étais pas soulagée d’être avec Erwin mais pas angoissée non plus. Je n’étais pas en train de regretter d’être venue, d’avoir pris la décision de l’avoir appelé ou d’avoir baissé la garde mais je n’étais pas sûre non plus que cela avait été ma meilleure décision. Je n’étais pas gênée d’être là... j’avais pensé au départ, mais ce n’était pas de la gêne, c’était autre chose, similaire et différent.

Je posais mes bagages où il me le proposait et je n’avais rien trouvé de mieux à faire pour embrayer la conversation que de lui demander à boire. C’était plus un besoin, un cri du cœur, qu’une simple demande de courtoisie. Il fallait que je boive, que je sente quelque chose de fort couler dans ma gorge qui pourrait brûler ce qui me rongeait de l’intérieur. Quelque chose qui me grise assez pour me faire oublier la situation, son passé et son présent. C'était aussi une réaction de défense à ce qu’il venait de me dire : il m’avait fait de la place dans les armoires. Réellement. Il l’avait précisé dans ces termes. Il en avait même un peu rit, comme une douce blague, mais c’était bien plus que cela. Il ne m’avait jamais réellement laissé de la place dans ses armoires. Il poussait tout au mieux ses vêtements dans une penderie commune quand nous partions en voyage mais jamais jusqu’alors il avait sacrifié de son espace vitale pour me laisser une bulle d’air... ou peu, très peu. Et là, sans même que je lui demande quoi que ce soit, alors que j’étais pleinement chez lui, il l’avait fait. Réellement. Était-ce une de ces marques d’affection que je devais prendre en considération ? C’était sans doute bien peu pour le commun des mortels mais Erwin était dans ses pires jours égoïstes et égocentrique. Ce petit geste de partage en disait donc long. Si long que j’avais paniqué, changeant de sujet, sans le remercier pour éviter de faire face à ce geste qui m’avait pourtant troublé.

Et je m’en voulais bien sûr de l’expédier ainsi. Il était rare qu’il fasse preuve d’une telle sollicitude alors que je n’attendais que ça et le jour où il le faisait enfin, je l’envoyais bouler sans la moindre retenue. Mais pas sans remord. Je me sentais horrible. Alors je me pliais et dépliais, sous le poids du stress, des douleurs engendrées par tout ça, tentant de revenir à un sujet de conversation neutre pour briser la glace : sa discussion avec la police. Il m’assurait que tout s’était bien passé mais la remarque du shérif sur la tache de sang engendrée par mon effusion à son encontre lui avait laissé un goût amer, je le voyais, l’avais entendu. J’avais tenté de m’en excuser mais le son était resté bloqué au fond de ma gorge, sans doute encouragé par l’alcool qui me faisait cruellement défaut. Il ne semblait pas m’en vouloir outre mesure, plus à la situation en tant que tel, mais je ne pouvais pas m’empêcher de me sentir coupable... de ça, de tout. Si je ne l’avais pas appelé il n’en serait peut-être pas là, si je ne l’avais pas pris dans les bras... et tout ça pour quoi ? Pour un lien ? C’était si fou que j’en avais le tournis, j’avais préféré garder le silence et m’asseoir tandis qu’il me précisait de l’attendre, farfouillant à la recherche de mon verre tant attendu. Il me l’avait tendu avec nonchalance, tentant de savoir comment j’avais bien pu connaître l’alcool que je lui avais demandé et qu’il avait dans son alcothèque. Est-ce que ça devait m’étonner qu’il puisse l’avoir ? Non, Erwin avait de nombreuses connaissances en mondanités et connaître les différents spiritueux faisait parties des compétences qui allaient avait. Est-ce que son étonnement à lui était compréhensif ? Tout à fait. Il fallait dire que les Etats-Unis avaient leurs propres produits et ce genre de chose n’avait pas vraiment été importé d’Europe. Qu’une pure jus américaine comme moi, bloquée de surcroit pendant de nombreuses années dans une ville victime la connaisse, c’était forcément une surprise, mais j’avais plus d’un tout dans mon sac. Observant le liquide épais et transparent qu’il m’avait mis en bonne quantité tout en le faisant tournoyer dans mon verre, j’avais répondu modestement :

— C’est quelque chose que j’ai découvert lors de mes nombreux voyages en Italie. C’est Ronchetti qui me l’a fait découvrir au cours d’une soirée d’ailleurs, tu sais, notre ami commun. Enfin... L'ami de mon “mari”.

J’avais réalisé des guillemets avec les doigts de ma main libre, un faible sourire sur le visage lorsque mon regard croisa le sien. C’était un de nos premiers souvenirs, un des moments qui avait tout bouleversé. Me le rappeler à ce moment me semblait si à propos. Nous avions poursuivi la conversation sur les articles récents du Daily Mirror. Le fait que la presse à scandale s’empare de l’affaire lui faisait grincer des dents, je le savais, je le voyais. Mais il semblait pourtant emprunt aussi d’une certaine confiance sur le fait que le vent tournerait et rien dans son ton ne semblait me laisser la possibilité d’imaginer qu’il en douter. Erwin était plus que rôdé à ce genre d’exercice. Je ne doutais pas qu’il l’avait été dans son monde, il l’était aussi ici. Tout n’était qu’un cycle, il l’avait très bien compris et attendait simplement que la roue tourne plutôt que de se faire un sang d’encre, comme le ferait tout débutant. Ça avait quelque chose de relaxant à cet instant précis, je n’aurai pas su dire pourquoi. Peut-être parce que ça diminuait un peu la culpabilité que je ressentais à son égard. Et sa détente allait jusqu’à sa posture, un bras placé le long du canapé, dans ma direction, sans me toucher pourtant, la façon dont il faisait tournoyer son verre, avec bien plus de calme que le mien. Rien que cette vision me força à prendre une gorgée conséquente du liquide anisé, le laissant me brûler le palais et la gorge avec un plaisir certain, le sentait enflammer tout mon être et me redonner un peu du courage et de la force qui me quittait.

— Je suis désolée.

C’était sorti si vite, de but en blanc, tandis que je sentais ma lèvre inférieure trembler. Elle avait fini par sortir, cette culpabilité. Celle qu’Erwin désirait réfuter. Je ne l’avais pas regardé, n’observant que le fond de mon verre mais j’avais vu du coin des yeux son visage se tourner brusquement vers moi, ses yeux acérés posés sur ma silhouette. J’avais senti la sévérité de son propos lorsqu’il me questionna. Pour lui, ça ne faisait aucun doute que je n’avais pas à m’excuser et pourtant pour moi, rien n’était si sûr. Je l’avais observé alors, luttant contre mon envie de fuir, me faisant un devoir d’honneur que de soutenir son regard :

— A quel titre devrais-tu te sentir désolée à mon sujet, trésor ?

— A beaucoup de sujets je pense... Je n'aurai pas dû t'appeler, c’était égoïste. Elliot était avec nous, il aurait pu nous protéger tous les deux, il voulait rester avec moi, je l’ai fait partir avec Isaac parce que je savais que j’allais t’appeler et... je crois que je savais que tu viendrais.

Je m’étais senti rougir, mes joues flambant en un instant. C’était si fou à avouer parce que je ne l’avais pas réalisé jusque-là mais pourtant à l’instant où je l’avais dit, je savais que je disais la vérité. C’était pourtant si paradoxal. Je lui en voulais depuis des mois de n’avoir pas su me dire ce que j’aurai voulu qu’il me dise, de m’avoir négligé plus que je ne le voulais. Je m’en voulais aussi de poursuivre sur cette voie et de penser à lui. Je n’arrivais pas à comprendre le “lien” qui nous unissait et qui pour lui expliquait tout. Il n’expliquait rien pour moi, je le lui ai avait même fait remarquer quelques heures plus tôt dans la forêt. Et pourtant à la minute où j’avais décidé de l’appeler, j’avais su qu’il viendrait. Pour quelle raison il le faisait, c’était pourtant si flou, mais je le savais, au fond de moi, quand j’avais demandé à Elliot de partir, ça n’avait fait aucun doute.

— J’ai été égoïste. J’aurai dû comprendre que ton départ précipité aurait des conséquences sur la fête... Je... Bon il est vrai que je n’avais aucune idée que je n’étais pas la seule dans ce cas, qu’il y avait eu d’autres cambriolages et que ça allait amener à un tel article mais même s’il n’y avait eu que moi, j’ai éveillé des soupçons sur ton départ... et j’en ai encore éveillé plus quand je t’ai prise dans mes bras.

Je l’avais montré de ma main libre, faisait référence à la tache de sang que le shérif James avait relevé sur lui et dont il m’avait fait part avec une certaine acidité quelques minutes plus tôt.

— Je te remets là-dedans aussi avec Crafty alors que de base tu n’y es pour rien, que c’est entre lui et moi et...

J’avais laissé un silence, tout se mélangeait dans ma tête à mesure que les larmes montaient dans mes yeux. J'avais l’impression que ma poitrine était cette fois-ci autrement en feu, plus dû à l’alcool mais à quelque chose de plus douloureux. J’avais alors bu une autre gorgée de Sambucca avant de poser ma question : pourquoi ? Pourquoi était-il venu, tout simplement, malgré tout ça alors que je savais qu’il viendrait. J’avais senti sa main mollir sur ma pomette, celle qu’il avait posé quelques minutes plus tôt comme pour m’apaiser de la culpabilité que j’avais ressenti. J’avais vu la commissure de ses lèvres se courber un court instant dans un sourire mauvais lorsque j’avais parlé de Crafty mais ça a avait si furtif que je n’avais pas décidé d’en prendre plus grande considération. Je ressentais pourtant toujours la colère sourde qu’il ressentait à son encore et cette envie de vengeance palpable qui m’effrayait un peu. Mais pour la première fois depuis le début de notre conversation, il avait faibli. Pas son regard qui avait gardé toute son intensité dans le mien, comme s’il nous servait de connecteur pour nous dire tout ce que nous ne parvenions pas à dire avec des mots. Mais le reste de son corps c’était brusquement affaiblit, comme atteint par une balle invisible à la seconde où il l’avait pourtant déclamé avec une évidence sereine :

— Parce que j’ai eu peur pour toi.

L’impact que ça avait eu sur lui raisonnait comme une Vérité inattendu et nouvelle mais je savais qu’elle était sincère : il tenait à moi. Malgré tout ce qu’il disait, malgré la faiblesse qu’il voyait en l’amour, celui-ci avait tout de même fait son œuvre derrière les barrières qu’il érigeait : il tenait à moi. Et je le savais. C’était sans doute pour cela que j’avais été déçue ce soir de Noël, je le réalisais à présent. Pas parce que je pensais qu’il ne m’aimait pas, parce que je savais que c’était le cas mais que je ne comprenais pas pourquoi c’était si dur à avouer, pourquoi il pensait que je n’en valais pas assez la peine pour nous le dire franchement. Et c’était parce que je le savais que j’avais su qu’il viendrait. Je le voyais dans l’éclat dans ses iris dorés, dans le reflet des miens à travers les siens et tout cela avait fait monter en moi une vive émotion à laquelle j’avais pourtant refusé de céder. Je l’avais remercié, un peu maladroitement, tentant de transcrire ma pensée plus que chaotiquement. Si pour lui tout avait sonné comme une évidence, j’étais nettement plus brouillonne dans mes paroles. Mais il ne m’en avait pas tenu rigueur, alors que sa main était venue se poser sur mon épaule avec douceur, sans équivoque et sans draguerie, juste pour le soutien et la recherche de proximité.

Et cette recherche s’était poursuivie. Tant dans les mots que dans les gestes. Je n’avais rien osé dire, je l’avais laissé parler. Il semblait si bien lancé et j’étais si émue de l’entendre que le mieux était encore de le laisser monologuer. Il me disait toute sa peur de risquer ma perte et à son discours se superposait son visage affolé lorsqu’il s’était précipité dans la cuisine, la façon dont il s’était mis à genoux devant moi, sans réfléchir, lui qui ne se mettait jamais à genoux pour rien, sa façon de vérifier si j’étais blessée... tout comme la fois où son visage s’était durci et avait blanchi en me voyant agonisé le jour de l’accouchement, sa façon de sortir Isaac sans même se poser de question... pouvais-je seulement remettre en doute ses paroles ? Bien sûr que non et toutes ces images étaient gravés en moi, celles de l’accouchement depuis longtemps me confortant sans doute dans le fait qu’il viendrait. Il m’assurait que c’était sa décision, qu’il avait été ravi d’en être, que je l’appelle et je réalisais alors que tout comme moi, lui aussi avait douté du fait que je décide de faire marche arrière, que je refuse d’avancer dans notre relation et que je m’en détache. Pour lui répondre, je m’étais contenté de fermer les yeux un instant, sentant mes larmes coulés, acquiesçant lentement de la tête comme pour le rassurer sur le fait qu’il n’en avait jamais été autrement. J’avais senti sa main chaude serrer les miennes et j’avais senti mon corps de réchauffer tout entier à ce contact. Et son front qui vint se poser doucement sur le mien, à peine effleuré, comme s’il n’osait pas encore affirmer ce geste d’intimité que nous faisions sans relâche pour nous exprimer notre affection. Il me promettait qu’il veillerait à ce que Crafty ne me touche jamais, que personne ne me touche jamais d’ailleurs et que j’étais en sécurité et même si je voulais le croire, je ne pouvais qu’en douter. Je pensais qu’il me disait cela parce qu’il se savait maire, qu’il se savait en bonne position pour donner les ordres à la police et faire avancer l’enquête, j’ignorais ce qu’il voulait dire réellement et en cet instant, c’était nettement mieux ainsi. Je préférai croire à sa version romanesque qui lui donnait cet Espoir fou pour lequel je doutais plutôt que de voir la noirceur de cette promesse. Il s’était reculé un instant pour finir son verre et j’en avais fait de même comme si c’était là le signal qu’il nous fallait le reste de courage pour finaliser cet échange.

J’avais alors eu à peine le temps de poser mon verre que j’avais senti ses mains encercler mes joues, ramenant mon visage vers le sien, contre le sien, mes lèvres contre les siennes. Il n’y avait aucune fougue et aucune violence dans notre baiser. Juste une douceur et un respect mutuel, un de ce complétement incarné qui donnait à notre relation une élévation nouvelle. J’avais remonté en douceur mes mains vers sa nuque, la caressant lentement en y déposant la pulpe de mes doigts. C’était comme des retrouvailles. Nous nous étions embrassés pourtant depuis Noël mais rien n’avait la saveur de ce que nous vivions à cet instant : cette certitude de tenir l’un à l’autre, d’être là l’un pour l’autre, d’être en sécurité ensemble, que cela créait une force nouvelle et mutuelle : celle de ne pas être seuls. Et combien je ne voulais plus être seule, plus me battre seule, tant contre le monde que mes vieux démons. Mais je savais aussi qu’il fallait avant tout m’aimer en premier avant que quiconque ne m’aime et ce chemin était encore long... et j’avais faussement l’impression qu’Erwin m’aidait à y accéder. Nous avions pourtant fini par nous éloigner, après un long moment, un long baiser où nos langues s’étaient mélangées, comme pour sentir notre proximité au plus profond de nos êtres. J’avais alors vu dans son regard le même regret que dans le mien, celui de devoir suspendre ce moment que j’aurai pourtant tiré à l’infini. Comme pour m’y raccrocher encore un instant, j’avais posé une main sur sa joue, paume contre sa pommette, la pulple de mes doigts sur sa tempe.

— Je...

T'aime. Je n’avais pourtant pas voulu le dire, pas tomber dans le piège de revenir à cette conversation qui nous avait rongé et je l’avais éteint dans un soupire, fermant les yeux au passage, le terminant plus par des gestes que des mots, collant à nouveau mon front une seconde sur son front avant de me reculer définitivement, tandis qu’il décidait d’enchaîner sur mon installation, de sorte sans doute à dissiper au plus vite tout malaise.

— C’est gentil, merci... Il faudra quand même que j’aille chercher son lit si jamais nous devons rester, pour le moment je n’ai pris que son lit parapluie mais si ça prend du temps, je préférai qu’il soit dans un vrai lit... Je... je ne sais pas encore si je souhaite rester ici je t’avoue... Tu dis que le lieu est sécurisé et inconnu mais des mecs comme Crafty savent fouiner où ils veulent, j’en suis sûre. La preuve, il est parvenu à remonter jusqu’au bail de mon appartement initialement pour me faire chanter et a retrouvé mon adresse. Ne le prends pas mal mais j’ai un peu du mal à me sentir en sécurité où que ce soit... surtout... surtout si je ne peux pas compter sur la police pour me protéger...

J’avais baissé les yeux, un peu honteuse de ce que j’avouais. Cela pouvait sonner comme un reproche mais ça n’en était pas un. Je savais les risques que notre relation pouvait engendrer, je savais que nous n’avions pas le droit à la visibilité des autres couples mais il fallait que je fasse en fonction de ce que je ressentais, du traumatisme et surtout tout pour la sécurité de mon fils. Déglutissant, j’avais caressé mon bras de ma main d’un air gêné en relevant les yeux vers lui :

— J’hésite à plutôt emménager chez Regina le temps que tout se tasse... Elle pourra protéger le manoir au cas où et sera ravie de nous avoir avec Isaac pendant quelques temps. Je pense qu’elle n’y verra pas d’inconvénient si tu nous rends visite... je sais que c’est un peu moins intime mais... Je suis pas certaine de pouvoir vivre seule pour le moment, même... même si tu m’as laissé une vraie place dans les armoires... rien que pour ça, j’ai presque envie d’accepter l’offre.

J’avais eu un petit rire, tentant de détendre l’atmosphère. De son côté, Erwin était passé sur l’interrogatoire.

— Oui, tout s’est bien passé... Oui... on a parlé de tout. C’était... C’était pas évident mais elle a été très douce et rassurante, je crois que ça m’a quand même fait du bien, j’ai eu l’impression que le dossier était entre de bonnes mains et j’ai préféré lui donner le plus d’informations possible... J’espère ne pas avoir fait de bêtise dans ce que je lui ai dit mais normalement j’ai dit exactement ce qu’on s’est dit...

Il en était alors venu sur le vol des sous-vêtements et mon ancien métier au Rabbit Hole. Je devais bien avouer que je l’avais regardé un peu surprise. Je n’étais pas certaine qu’il connaissait cette partie de ma vie. Il avait toujours vécu pas très loin de chez Regina et avait sans doute suivi une bonne partie de ma vie mais je n’en avais absolument aucun souvenir. Peut-être même que mon métier le lui avait seulement été révélé lors de mon premier différent avec Crafty. J’avais bien vu que je l’avais surpris par moment, comme s’il s’attendait à autre chose... et le temps m’avait permis de savoir qu’il portait très peu de considération à ce genre d’établissement et aux gens qui y travaillaient. Je doutais brusquement, est-ce que c’était pour cela qu’il souhaitait faire des choses... “particulières”... avec moi dans notre intimité ? Il semblait en tout cas penser que je n’avais absolument aucun complexe, ce qui allait avec la pensée générale de ce qu’il se faisait du milieu. Je m’étais alors senti un peu rougir de devoir parler de ce moment avec lui, ne m’étant absolument pas attendu à cette question, ni même à ce qu’il puisse relier ça à mon vol de sous-vêtement, ça n’avait aucun rapport pour moi. Malaxant mes mains sous l’effet du stress, j’avais décidé de répondre, un peu hagarde :

— Oh... J’ignorai que tu connaissais cette partie de ma vie... Euh... le prends pas mal mais ta question est un peu bizarre...

J’avais eu un petit rire gêné mais tendre, pas moqueur. Il semblait être empreint de jugement sur le métier sans y connaître grand-chose, à moi d’être pédagogue pour ouvrir son horizon. Avec douceur j’avais relevé les yeux vers lui pour lui expliquer :

— Si j’ai choisi ce métier, c’est avant tout pour faire chier Regina déjà. J’étais à la sortie de mon adolescence et j’étais un peu perdue... je savais pas quoi faire de ma vie. Tout le monde trouvait sa voie, encore plus avec la fin de la malédiction et j’avais l’impression de trouver ma place nulle part. J’en voulais beaucoup à ma mère... à tort et à raison pour être honnête. Alors en plus de mon métier de fleuriste, je me suis dit que c’était pile le truc qu’il la ferait sortir de ses gongs. Je comptais pas vraiment le faire au début ou juste un temps, c’était pas un truc qui me branchait et puis... Et puis j’ai découvert à quel point c’était salvateur d’une certaine façon. Ça m’apprenait la confiance en moi, j’avais l’impression de reprendre le contrôle de ma vie et de mon corps... Je n’ai jamais fait beaucoup de striptease ou de Pol dance, j’étais plus serveuse mais il arrivait parfois à Hadès de me proposer quelques shows... je crois qu’il crushait un peu sur moi à l’époque... Sur mon physique du moins.

J’avais eu un sourire gêné en plaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille.

— Bref, si je te dis tout ça, c’est aussi pour te donner un contexte. Quand j’ai fait ce métier-là, c’était mon choix. Mes règles, protégées par les règles du boulot. Ça faisait partie du truc de se faire mater et reluquer mais si un touchait sans permission alors il se faisait recadrer. Je savais que pendant quelques heures je jouais de mon corps et que j’étais payée pour ça, je jouais un rôle et quand je rentrais chez moi ben... j’étais moi... dans mon intimité. C’est comme un métier d’arts et spectacle en soit ou... ce qu’on a essayé de faire toi et moi... les limites sont celles de qu’on veut faire et ce qu’on permet de faire. Ce que Craf... ce qu’il a fait c’était... autre chose. C’était purement intime et contre mon consentement. Il est venu CHEZ moi, il a observé MA lingerie, celle que je destine à personne d’autre que moi et aux hommes à qui je veux la montrer... toi en l’occurrence ces derniers temps. Il en a volé pour s’imaginer et faire je sais pas quoi avec... c’est... c’est humiliant... je contrôle rien dans un moment comme ça c’est... comme un viol... et après on me demande d’en parler à quelqu’un d’autre. Ça n’a rien à voir. On joue pas avec mes règles, je joue pas un rôle, c’est ma véritable intimité à laquelle on touche, sans mon consentement et c’est... c’est beaucoup plus dur de l’avouer du coup... tu comprends ? Et du coup il faut encore que je montre mon tiroir intime à pleins d’autres gens que je connais pas et à qui je veux rien montrer pour qu’ils constatent le vol et prennent des photos qu’ils vont mettre dans un dossier comme une preuve à conviction. C’est comme me demander de me balader nue dans la rue. Ou de m’y forcer. Ce que j’ai fait pendant ces années-là, j’ai bien voulu le faire et j’ai accepté d’offrir une partie de moi pendant certaines heures à certaines personnes... ça veut pas dire que je suis prête à le faire tout le temps et devant tout le monde. Tu comprends la différence ?

J’avais hésité un instant avant de lui poser la question qui me brûlait les lèvres et pourtant, je sentais que c’était maintenant ou jamais, maintenant qu’il avait ouvert la boîte de pandore. Je n’avais aucune intention de démarrer une dispute, pas en cet instant, mais je sentais que c’était le bon moment pour crever un abcès qui risquait de se créer si jamais je ne posais pas ma question :

— Est-ce que... Est-ce que c’est ce que tu as vu en moi les premiers temps ? Une dévergondée accroc au sexe et sans aucune intimité ? Est-ce que... c’est ce qui t’a poussé à commencer une relation avec moi au départ en pensant que ça serait forcément facile ? Tu m’as déjà plus ou moins montré que c’était pas un univers qui te plaisait grandement et pour lequel tu avais certains préjugés... et du coup je me demande si tu es passé outre avec moi en y voyant autre chose ou au contraire tu es allé dans les premiers instants dans ces stéréotypes juste pour avoir une nuit sympa en dehors de ton mariage ? Ne m’en veux pas de te poser la question, s’il te plaît, je ne juge pas... je vois juste que tu fais un raccourci dans ta demande alors je m’interroge... je me demande aussi... si... c’est ce qui fait que tu me propose d’avoir ce type de relation sexuelle un peu plus... poussé ? Pardon je sais pas comment dire tout ça et je pense que tu as pu voir que c’était plutôt nouveau au contraire pour moi...

Une fois de plus, j’avais baissé les yeux, regrettant presque que mon verre soit désormais vide.

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Erwin Dorian
« If the crown should fit, then how can I refuse? »

Erwin Dorian

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- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)

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________________________________________ 2023-03-05, 13:19 « If the crown should fit, then how can I refuse? »




Le lien




Dès qu’Alexis avait pris conscience des événements, Elliot était intervenu dès la prise de conscience. Preminger le savait. Elle lui avait dit. Pourtant, dans la précipitation, dans les cris, le sang, l’effroi et la panique, il n’avait pas pris la mesure de ce que cela signifiait. Ou n’avait pas voulu l’entendre. Bien évidement qu’Elliot possédait la capacité de gérer l’entièreté de la situation. S’il l’avait voulu, le futur Titan Roi aurait pu lui livrer Crafty d’un claquement de doigt. Il tenait en main, d’après le Destin et les deux lunes présentes dans le Ciel, la Destinée de tout à chacun entre ses mains. Leur devenir. Il pouvait anéantir Crafty. Et de manière moins extrême que cette certitude, à la minute où Elliot avait pris connaissance de la situation… Isaac comme Enora ne risquaient plus rien. Il était et aurait été en mesure de les protéger, de les mettre à l’abri et même d’appeler la police. A la minute de son intervention, toute la situation se trouvait sous contrôle. Preminger portait peu « l’éternel adolescent » dans son coeur – il se souvenait encore de son commentaire sur son costume lors de leur première rencontre- et pourtant, il savait qu’au-delà de toute l’espèce de dédain qu’il éprouvait à son égard, ce dernier possédait des pouvoirs...incomparables. Et qu’il vouait à sa maîtresse, une affection amicale sans limite.
Et pourtant, Alexis, dans l’entièreté de son mal être, dans sa peur, dans son effroi n’avait pas souhaité recourir à son aide, hormis pour mettre Isaac en lieu sûr. Non. Elle l’avait renvoyé pour l’avoir LUI. Ce qui n’était pas sans gorger d’orgueil, le fier paon que pouvait être l’ancien ministre.
Cependant, aussi fier que l’ancien ministre pouvait l’être, il se savait, cependant, plus dénué de pouvoir. Mais cela ne faisait que renforcer davantage tout l’attrait qu’elle mettait sur sa relation avec lui. Elle qui doutait encore jusqu’à peu, n’avait réclamé que Lui. Tout en sachant qu’il était moins à même de la protéger au sens où Elliot le pouvait. Cela n’avait pas eu d’importance à ces yeux lorsqu’elle s’y était livré. Elle avait simplement besoin de Lui à ses côtés.
Et il n’avait pu que le comprendre. Le savoir. Après tout, Erwin savait pertinemment que la jeune femme disposait, dans son cercle privé de proches, des personnes disposant de capacités...phénoménales. Et c’était un euphémisme. Qu’il soit cependant celui appelé en cas de danger voulait TOUT dire.
C’était aussi une part qui l’avait poussé à se précipiter à son chevet. Même si cela tenait davantage à la peur franche et terrifiante de la perdre que de savoir qu’elle le réclamait. Mais cela restait une manifestation claire de ce qu’elle ressentait pour lui et qu’elle n’avait pas eu peur d’exprimer. Pouvait-il considérer que c’était la certitude de se sentir aimé ? Oui… Du pouce, il lui avait caressé la pommette, doucement, caressant le rosé de ses joues que cette déclaration faisait naître. Elle était charmante ainsi. A l’orée de la douceur, de la fragilité, et cependant si forte malgré ses fêlures.

- « Oh voilà qui est très vilain, dis donc…  » il l’avait susurré, avec délicatesse, des notes narquoises ponctuant son sourire. Pourtant ce dernier restait doux, vide de toute moquerie, et son regard sérieux achevait de l’exprimer « Je préfère que tu m’aies appelé. Mille fois. » L’assurance qu’avait pris sa voix ne laissait nulle place au doute. « Quant aux « soupçons » que cela a pu générer, ne t’en préoccupe pas. Je savais que mon départ précipité pouvait faire parler, quand bien même j’ignorais tout le contexte extérieur… Je peux gérer cela. Tout comme je peux gérer quelques tâches de sang inopportunes sur ma chemise. Je pense que nous pouvons apparaître suffisamment liés, aux yeux de l’opinion publique, pour que cette dernière puisse admettre qu’en proie à un choc aussi terrible, tu aies pu te précipiter sur l’individu venu te prêter main forte. Et que, considérant ton choc, mon réflexe n’ait pas été de te repousser. Nous n’avons rien fait de condamnable. Et tout se justifie… Vraiment ne t’en préoccupe pas, apaise-toi à ce sujet… Ceci est de ma responsabilité. Si le Maire ne peut pas régler le mécontentement temporaire des citoyens, alors il est indigne de ses fonctions. Quant à Crafty…. » il avait laissé un temps s’écouler, en fronçant les sourcils « Tu sais… C’est ce malfaiteur et non toi, qui m’a lié à cette affaire, en décidant de te faire chanter par l’intermédiaire ce titre de propriété. Voilà ce qui m’a inclus dans l’équation. Je suis persuadé qu’il n’en n’a tiré que plus de satisfaction à l’époque puisque, comme je te l’ai déjà dit, l’animosité est un terme faible pour décrire ce que je ressentais déjà à son égard. Alors, non, c’est lui qui m’a forcé à rentrer dans ce rapport de force entre toi et lui. Aucunement toi. Si j’y suis aujourd’hui, en voilà l’origine. Tu ne m’y as pas appelé, aujourd’hui, en m’appelant. J’y étais déjà, depuis l’origine, trésor. Et puisque j’y suis, je ne compte pas en sortir. Ce n’est pas toi contre lui. Nous sommes une équipe, trésor. Et je ne vais certainement pas le laisser gagner.  »

Un petit ricanement avait égrené ses propos. Non. Crafty ne pouvait pas gagner. Surtout lorsqu’on savait lequel des trois était en réalité l’intrus. Un intrus qui avait, par trop, pris ses aises. Bien dommage ! A bien des égards Crafty avait été et possédait tous des qualités d’un excellent exécutant et d’un bon chef d’équipe lorsque Preminger le jaugeait à son rang comme homme de la pègre. Aussi peu doté de beauté de naissance, Crafty possédait son petit charisme dans sa carure imposante et ses sourcils broussailleux qui lui donnait un air d’ours mécontent. Par son bagout et sa force, il s’était bâti une petite influence appréciable. Il faisait du travail net, efficace et souvent définitif dans le sens le plus strict du terme. Mais en dehors de cela, Preminger n’appréciait guère l’individu. Il était frustre, grossier, vulgaire…et avait perdu une occasion de le dissimuler. A présent, il ne perdait rien pour attendre. Il avait été trop loin. Bien trop loin. Rien qu’à y penser, le Ministre songeait avec délices aux sévices qui l’attendait.
Alexis en parallèle l’interrogeait sur la raison de son action, de sa venue de sa précipitation. Il l’avait admis. Dit. Énoncé. Il avait eu peur. Il ressentait encore cette sensation d’apaisement alors que sa main se déposait sur sa pommette. Il ressentait sa présence et cela le ramenait à ce qu’il aurait pu perdre. A cette peur qu’il ne ressentait plus, maintenant que le danger était passé mais qui était susceptible de rejaillir, aussi vivement qu’elle l’avait fait, tel l’eau puissante et inarrêtable d’un conduit d’eau percé. Ou d’une jarre d’eau percée, oui, cela était plus métaphoriquement joli. Tout comme ceci se révélait être… C’était sa Vérité inattendue. Sa Vérité étonnante mais vrai. Il n’avait pas souhaité la perdre. Il ne le permettait pas. Et ne permettrait jamais plus à Crafty de s’immiscer dans cette relation, en en brisant les repères.
Jamais elle n’aurait du voir bafoué et sali sa propre maison. Un lieu si beau. Un lieu qu’il l’avait vue aménager et entretenir de ses propres mains, avec amour et patience, dans le même trait de temps qu’Isaac s’était développait en elle. Il la revoyait préparer cette chambre d’enfant, encore ignorante à l’Amour fou qui la lierait à son fils… Et ce que cette vermine en avait fait.
Preminger lui avait dit d’ailleurs. Tout dit… Enfin ce qu’il se sentait de dire et que sa bouche exprimait enfin avec plus de facilité que jusqu’alors. C’était une évidence… Des yeux maintenant clos de sa maîtresse, des larmes s’échappaient, alors que sa tête oscillait en un oui. Elle admettait. Entendait ce qu’il lui déclarait. Sa main était venue enserrer celles de la jeune femme lui rappelant encore qu’il était là, alors que son front se déposait sur le sien ; Cela serait tout. Cela et la promesse que Crafty ne toucherait jamais ne serait-ce qu’un de ses cheveux, qu’il le mettrait hors d’état de nuire.
Puis… d’un baiser il avait fini par l’étreindre. De ces baisers doux qui ne voulaient rien, ne prenaient mais donnaient tout. Ils ne faisaient rien d’autre que vivre l’instant et vivre les sentiments qu’ils transmettaient et éveillaient. Il y avait du respect, de la douceur et un sentiment d’affection sincère et vivace.
Tout à cette démonstration, il avait senti ses mains se déposer sur ses joues. Elle venait ainsi, par son attitude, prendre possession du baiser et se faisant, elle Les retrouvait. Les liaient à nouveau. Maints baisers avaient été échangés depuis Noël et pourtant… Pourtant celui-ci possédait une saveur particulière. Il était Réconciliation. Pardon. Retrouvailles. Il était le Pont entre le Passé et l’Avenir. Le chemin vers ce qu’ils deviendraient ensemble. Étonnamment, il se sentait plus léger, une certaine sérénité passait en lui. Il avait admis et les choses allaient plus simplement. Comme si rien n’avait jamais été restreint que par seule résistance.
Bien malgré eux, pourtant, le baiser s’était tari, et ils s’étaient reculé, avec le même regret, le même souffle court d’une respiration nouvelle. Délicatement, sa maîtresse était venue déposer sa main droite sur sa joue gauche. Elle avait pris un soin tout particulier à englober son visage, dans ce geste mué de tendresse.

« Je… »

Ses mots avaient initié le prémisse d’un aveu renouvelé pourtant tu, dans un frémissement. Puis avait clos les yeux, comme une porte battante refermée sur un secret. Pourtant, Preminger savait. Il savait très bien ce qu’elle avait failli admettre. Tous deux savaient. Il n’y n’avait pas d’ombrage, ne s’en serait pas refermé pour autant. Mais pour autant, elle ne s’était pas aventurée sur ce sentier rocailleux mais connu. Non. Cela revenait à ouvrir une brèche sur une ancienne discussion qu’elle ne souhaitait visiblement pas mettre à l’ordre du jour. Erwin comprenait. Cela les avait tenus éloignés des mois durant. Non physiquement, mais là où les corps se retrouvaient encore, l’osmose des êtres, elle, subissait des difficultés. Elle l’avait fuit, il l’avait laissée… Ils s’étaient attendus à leur manière respective… Et avaient vécu ces derniers Temps des choses davantage importantes. Un bouleversement qui les avait rappelé à Eux de manière inextricable. Si les mots pouvaient encore avoir une force négative, les gestes eux ne provoquaient pas d’esclandre ou de conversation. Ils parlaient pour eux. C’était ce qu’elle avait fait en l’appelant. C’était ce qu’il avait fait en venant. Et tous deux le savait. Doucement, Alexis avait incliné la tête apposant son front sur le sien, comme pour y inscrire son aveu. Fusionner d’une manière bien plus symbolique et douce que l’acte charnel le permettait parfois. Davantage à la manière des animaux saluant leurs compagnons.. Ils étaient restés ainsi, encore, figés dans le Temps…. Avant qu’elle ne se recule.
Alors avait-il enchaîné sur les installations, un sujet davantage « léger »… même s’il était justifié par un événement qu’il espérait pas trop traumatique pour la jeune femme. Au moins, serait-elle en sécurité à ses côtés, ici. Il y avait veillé. Et puis, cela leur rappelerait, sans nulle doute, leurs débuts clandestins. Certains non-dits avaient été dissipés depuis, et de nombreuses choses s’étaient améliorées et amplifiées, mais...y voyait non une régression mais une consécration.
Si bien qu’il avait froncé un peu les sourcils, fâcheusement surpris, lorsqu’elle avait évoqué l’éventualité de ne pas demeurer ici. Craignant pour sa sécurité…

« … Oh tu sais, lorsque tombe l’annonce de leurs méfaits, les hommes recherchés comme l’est Crafty vont essayer de se faire tout petit, ma très chère. » décréta-t-il en levant l’index « Parce que si cet imbécile a ne serait-ce qu’un sou de jugeotte… il saura que tu as mis la police à ses trousses. Alors, pour un moment, il devra se mettre en retrait. Il n’a aucun intérêt à trop se placer dans ton ombre pour le moment. » Ses épaules avaient roulé, tandis qu’il ajoutait « Oh, je ne dis pas qu’il ne cherchera pas à garder un œil sur toi, bien sûr qu’il tentera de le faire. Par l’intermédiaire de ses hommes, d’abord. Puis, lorsqu’il pensera la pression policière moins présente, alors il sortira de sa cachette. Mais crois-moi, il te cherchera là où il s’attendra à te trouver : chez toi, à la librairie, chez ta mère, chez ta tante ou ton entourage proche. C’est ce qu’il a fait, précédemment. Mais ICI ? Dans mon appartement non officiel ? » il avait levé un sourcil ironique « JAMAIS. Comment diable pourrait-il savoir ceci ? Il ne sait rien sur nous. S’il en avait su quelque chose, il aurait eu grande idée de l’exploiter contre nous. Il est remonté jusqu’au bail de ton appartement parce que cela le concernait, trésor. Et il avait du temps, il était caché… Là… c’est tout autre chose. Ici est le dernier endroit où il te cherchera. Mais… Je comprends tout à fait que tu puisses… considérer que la présence de la p olice puisse être… rassurante. »

Il ne lui en voulait pas. Aussi important qu’il puisse être dans la ville, il ne bénéficiait pas d’une milice privée. Et celle suivie par sa mafia lui était totalement inconnue. Et il n’était pas question de lui en révéler l’existence. D’autant qu’il était particulièrement notable que ce jour, elle avait failli à sa mission et qu’une restructuration corsée s’imposait en la matière…
Il avait opiné, tordant sa bouche lorsqu’elle évoquait son hésitation et son choix qui la poussait à rejoindre la maison de sa mère. C’était compréhensible sur bien des points. En tant que fille, déjà. La maison familiale ne représentait pas toujours une sorte de cocon protecteur ? Le concernant, jamais, mais c’était souvent le cas chez autrui. Pour elle ? Cela pouvait être néanmoins discutable. Les rapports entre Alexis et la notion de famille avaient toujours été des plus complexes et notamment ceux la liant avec Regina… Mais les deux s’aimaient profondément. Et puis, c’était la maison de la Méchante Reine. Regina avait beau avoir effectué une rédemption notable, aucun habitant n’avait oublié ce dont elle avait été capable par colère, vengeance et souffrance. Si bien qu’instinctivement, les personnes gardaient l’instinct de ne pas la contrarier. Même en cela, Crafty avait été d’une bêtise dangereuse…

— « Il est vrai que ta mère… Bénéficie de sérieux atouts pour assurer ta protection. Même si je maintiens tout de même que son domicile sera forcément l’un des premiers où toute personne te chercherait... » il secoua la tête, néanmoins, agacé, « Oublie-cela. Je suis susceptible de t’effrayer par égoïsme… Alors qu’il est notable qu’il est clair que ne serait-ce que par l’existence de ses pouvoirs, Regina assure déjà davantage ta protection. Si on y ajoute sa réputation… Je suis bien plus que perdant… Cela sera seulement...difficile de se voir, mais… nous avons survécu à bien pire, nous survivrons à ceci… Si jamais tu la choisis. »

ll avait levé les deux mains…lui avait offert un sourire peiné.
Puis avait enchaîné sur l’interrogatoire. Il ne voulait pas ainsi. Bien sûr qu’il souhaitait qu’elle reste ici. C’était ce qui les arrangeaient le plus. L’arrangeait le plus. Il avait tout prévu pour l’y mettre en plein confort, lui avait aménagé de la place… Et tout se passait si bien. Les retrouvailles se révélaient si tendres, qu’il ne s’en sentait que plus que frustré de se voir peut-être ravir cette quiétude soudainement promise. Et pourtant, il se forçait à ne pas être totalement, ainsi. Si elle restait, cela devrait être son choix. Si en dépit de tout, elle se sentait plus en sécurité auprès de Regina, et bien..quelle y aille donc. Elle n’était pas censée savoir que la menace qui la faisait tressaillir ne serait bientôt plus en état de lui nuire. Et que ces précautions prises ne serviraient donc à rien.
Il devait se taire à ce sujet. Il ne pouvait que se taire à ce sujet. Alors, quitte à rester le fautif de sa peur, il préférait encore qu’elle choisisse l’option que la fasse se sentir le plus en sécurité.
En attendant, Alexis semblait s’être particulièrement entendue avec Jessie, de ce qu’elle semblait lui en dire. Ne serait-ce que l’évocation d’Isaac par la jeune policière lui avait mis la puce à l’oreille. Mais cela se confirmait. Il s’agissait de deux jeunes femmes au caractère diamétralement différent pourtant mais.. il pouvait voir en quoi le côté brusque et franc de la shérif pouvait séduire sa maîtresse. La Shérif dégageait une telle impression de vérité qu’elle en provoquait la confiance. Et aussi brute de décoffrage pouvait-elle être, il se doutait qu’elle pouvait faire preuve de douceur lorsque les circonstances l’exigeiaent. Après tout, leur discussion avait été très professionnelle, en dépit de tout ce qu’elle pensait de sa « culpabilité » dans les événements. Pour cela, il se réjouissait du choix d’Hadès. N’en déplaise à ce dernier, il avait placé une femme compétente et incorruptible à ce poste. Ce qui était tant une épine dans son pieds qu’une alliée bienvenue. Au moins, savait-il qu’elle ne le trahirait pas et qu’elle agissait au mieux des intérêts de la ville et de la morale.

« Je suis persuadé que tu as fait de ton mieux. Si tu as dit ce que nous avions convenu, il n’y a pas de raison de s’alerter… »

Sa main s’était déposée sur celle de la jeune femme, tendrement. Se satisfaisant de la tendresse retrouvée. Elle lui avait manqué. Il pinça les lèvres, songeant à Hera… Il la voyait lever sa coupe remplie d’un vin rouge et au demeurant délicieux, à son encontre. Qu’à cela ne tienne si elle n’avait pas tort… Il n’en demeurait pas moins satisfait…
Et le sujet suivant étant venu de lui-même… Peut-être tiré des retrouvailles et du sentiment de purification qui en ressortait. Ils se retrouvaient, mettaient à bas les non-dits. Alors sûrement s’agissait-il du meilleur moment pour l’interroger, d’autant que son comportement face aux agissements de Crafty avait attisé sa curiosité. Ses yeux avaient scruté son attitude, jusqu’au rougissement que le sujet avait provoqué sur ses joues.

« Oh... J’ignorai que tu connaissais cette partie de ma vie... Euh... le prends pas mal mais ta question est un peu bizarre... »
« Je ne le prends pas mal. C’est peut-être indiscret. Ca l’est, d’une certaine manière, mais… après tout, nous sommes proches… Mais ce n’est pas une raison, tu n’es pas obligée d’y répondre. Enfin... »

Il s’était arrêté. Il s’agaçait à ne pas être clair, à être… par trop à fleur de peau. La colère et la peur laissaient encore des marques en lui, quand bien même, il considérait avoir repris le contrôle de la situation. Peut-être était-ce simplement le fait de la voir là, à ses côtés, fraiche, lavée… Et de ne pouvoir encore empêcher son cerveau de se la remémorer imbibée de sang…. Il dérivait. Fronçant, les sourcils, agacé, il finit par reprendre :

- « Je l’ai appris en feuilletant ton dossier. Je cherchais ton contact, je me suis dit que le plus simple était peut-être de te contacter à ton travail. Et certaines anciennes informations étaient encore indiquées dans les documents que j’ai du ressortir… Voilà comment je l’ai su. Peut-être qu’à l’époque aussi, j’avais appris l’information par le bouche-à-oreille, mais depuis lors je l’avais occultée. Je ne fais pas réellement attention aux cancans... Si tu ne veux pas en parler... »

Il lui avait dit qu’il ne faisait pas attention aux cancans. Et c’était vrai… à sa manière. La plupart du temps, les petits ragots de bas-étage passaient bien en-deça de ses si grandes préoccupations. Mais en définitive, il ne les oubliait jamais. La résurgence folle de la Cour, que cela. Elles revenaient spontanément, lorsqu’elles présentaient matière à servir ses intérêts. Il savait très bien quoi en retenir, quoi en déduire. Et au regard de ce qu’il avait pu savoir d’elle dans le passé, ce choix ne l’avait pas spécialement étonné. Lorsqu’il avait appris sa reconversion en libraire, il avait trouvé en revanche ce revirement salutaire.
Néanmoins, il avait laissé sa phrase en suspend. Si elle ne voulait pas en parler elle n’avait pas à le faire. Quand bien même il avait présenté l’interrogation de la plus douce des manières, la question n’en restait pas pour le moins curieuse et peut-être source de gêne pour celle qu’elle était finalement devenue.
Mais elle avait parlé. Parlé de la raison qui l’avait poussée à faire ce métier. Sa mère. Regina. Et sa peur de ne pas trouver sa place dans la vie… Ce n’était pas nouveau, songea-t-il, déjà plus jeune, en pleine adolescence, elle avait déjà cette tendance à une sorte d’autodestruction qui raisonnait comme l’expression d’un profond mal-être. A présent qu’elle posait elle-même les mots sur cet état d’esprit, il l’associait plus aisément à ce qu’il avait pu entrevoir d’elle à cette période et ce qu’elle était, aujourd'hui. Etait-ce sa non-appartenance à cette ville ? Le poids d’une mère comme Regina ? Ou une peur viscérale de l’abandon ? De ne pas être assez bien pour beaucoup qui la poussait à l’auto-sabotage ? Il l’ignorait mais il n’était pas si étonnant de la voir raisonner ainsi. Oui. La faire sortir de ses gongs. La forcer à s’intéresser à elle. A une volonté de crier, de hurler l’attention vers elle. De crier qu’elle existait. De la « pire » des manières pour beaucoup, mais tout de même. Elle existait. Elle pouvait être vue. Etre désirée. Qu’elle n’était pas contrôlable. Qu’elle possédait son propre contrôle. Ses propres envies. Etonnament, elle usait d’un métier pur où le regard d’autrui vivait en maître et où Preminger avait toujours eu l’impression que celles qui l’exerçaient se pliaient au regard des clients. Et pour autant, il était vrai que résidait dans cette sorte « asservissement », une maîtrise de soi particulièrement curieuse. Et une réciprocité réelle. Se sentir désirée, puissante par ces regards, sans pour autant s’y sentir contrainte d’y céder. Oui, il y avait peut-être là une forme de puissance. Elle venait certes pour les clients, mais elle demeurait maîtresse du jeu… Elle restait libre de ses envies. Ce n’était finalement pas eux qui jouaient avec elle, mais elle qui jouait avec eux.
Elle avait poursuivi dans ce même raisonnement. Les limites qu’elle y trouvait. Et alors qu’il y réfléchissait, il y voyait un parallèle surprenant avec sa propre situation passée. Il avait toujours eu tendance à ramper parfois pour obtenir ce qu’il désirait. Et sans en tirer pour autant la moindre honte… Chose qui aurait été pour la plupart des gens très mal comprise.
Le pouvoir dans ce genre de situation ne résidait pas là où l’on pensait qu’il était. C’était peut-être d’ailleurs, tout ce qui l’avait toujours tenu éloigné de ce genre d’établissements. Il n’était pas du genre à se laisser dominer par autrui, il se laissait dominer par ses propres désirs. Ceux qui les fréquentaient en revanche se retrouvaient asservis par les autres, ils en dépendaient…
Mais il y avait dans cet exercice quelque chose de particulièrement plaisant que de contrôler ses actions, d’en être maître. Elle agissait de même, ce faisant, d’une certaine manière. Elle jouait. Jouait un rôle. Ne ressentait rien d’autre que le plaisir de la démonstration. Et ce rôle qu’elle enlevait dès qu’elle franchissait la porte de l’établissement. Comme un costume que l’on enfilait avant un spectacle… Comme ceux qu’elle revêtait pour la Cause mystérieuse qui l’avait poussée à Paris.
Aussi sûrement qu’il appréhendait la chose, il prenait conscience qu’elle n’avait jamais cédé à aucun des comportements qu’il lui avait prêté ou alors si peu. Les strip-teases ou quoique ce soit de ce genre. Elle s’était contenté de servir à table… Oh les « tenues vestimentaires » de ce genre de personnel n’en portaient que le nom, mais cela levait aussi le voile sur ce qu’il avait toujours saisi d’elle depuis qu’il l’avait rencontrée et collait davantage avec sa personnalité.

Ce que Craf... ce qu’il a fait c’était... autre chose. C’était purement intime et contre mon consentement. Il est venu CHEZ moi, il a observé MA lingerie, celle que je destine à personne d’autre que moi et aux hommes à qui je veux la montrer... toi en l’occurrence ces derniers temps. Il en a volé pour s’imaginer et faire je sais pas quoi avec... c’est... c’est humiliant...

Oui. Cela il ne pouvait que le comprendre. Une fois qu’il perçait à jour ses intentions, ce qu’elle avait voulu faire en rejoignant le Rabbit Hole, il comprenait à quel point cela ne la différenciait pas de la femme qu’il connaissait. Mais la complétait davantage. Elle avait l’assurance d’une femme qui savait se respecter et ne laisserait jamais autrui porter atteinte à sa personne. Et c’était cela qu’elle avait acquis et arboré à travers cet emploi. Cette certitude de ses limites et de qui les imposait. Ce qui ne l’empêchait ainsi pas d’être pudique. L’un rejoignait en définitive l’autre. Ce qui l’avait poussé à opiner de la tête, après un bref silence d’introspection, lorsqu’elle finalisa son discours.

« Je...comprends. Je t’avoue que j’avais une vision toute différente de cette situation. De ce qui avait pu t’y motiver. Et sans que je ne te juge – peut-être le faisais-je malgré moi, il s’agissait d’une période de ta vie qui me semblait avoir peu de cohérence avec la femme que tu es. Même si j’avais que je n’avais que mal saisi ce que tu y faisais, ce qui.. amplifiait le paradoxe, à tort. Parfois, certaines expériences nous forment, nous modifient… Il se pouvait qu’il en soit ainsi pour toi, cependant cela me semblait… curieux. » Il lui avait souri, légèrement, ses sourcils toujours froncés, sans la moindre animosité. Il réfléchissait encore, se voyait à nouveau tenter de comprendre la cohérence, sans parvenir à le faire «  Et une fois l’expérience expliquée, une fois tes mots posées sur ton expérience, oui… oui, je pense que je peux comprendre ce qui t’a poussé à t’y lancer. L’impression de t’y sentir… Plus vivante qu’ailleurs, peut-être, plus regardée, plus remarquée et paradoxalement plus forte. Tu voulais y provoquer une réaction familiale et en définitive, la réaction proposée s’est réveillée être peut-être davantage plus intime que ce à quoi tu t’attendais… Hum… oui. » il s’arrêta un bref instant, terminant son verre d’un trait« Je ne vais pas te mentir, car tu l’as de toute manière deviné, j’ai toujours tenu cet établissement en peu d’estime. Oh, je ne te ferais pas le numéro de l’homme d’autrefois effarouché des mœurs d’aujourd’hui… Ici comme ailleurs, ce genre d’établissements a toujours trouvé son pendant. Les tavernes et auberges dites de "mauvaise réputation" existaient déjà et j’ai été amené à m’y rendre pour d’autres causes que celles-ci. Autrefois, disons que tout était peut-être moins sectorisé en terme d’hôtellerie, et que lorsque l'on manquait d'argent, on dormait où le gîte se révélait être disponible. Mais la chose ne m’y a jamais intéressé. J’ai toujours considéré comme mépris tout cela. Pour moi cela se bornait à … de l’étalage de chair humaine offerte au nez et à la barbe de badauds dépravés dépendant des autres et de leurs pulsions… J’ai en horreur les clients de ce genre d’établissement. Et ce que ce genre d’endroit est susceptible d’offrir. Enfin, ce n’est qu’une opinion non vérifiée.  »

Il lui avait dit avec la plus grande des délicatesses, finalement. Pourtant il n’avait pas honte de son opinion. C’était ce qu’il pensait. Fondamentalement. Il dédaignait les maisons de passe et les temples de démonstration charnelles où les employés ou employées se trémoussaient face à des yeux luisants. Peut-être était-ce parce que cette obsession du plaisir physique lui passait ordinairement au dessus. Il s’était toujours valorisé au dessus de quiconque pour s’abaisser à désir quelque chose d’aussi bas qu’un acte avec une parfaite inconnue « séduisante » selon les critères de l’époque… Et puis, il avait davantage l’habitude d’être courtisé que l’inverse.

« J'espère que cela ne te paraîtra pas offensant. J’entends que cela puisse être différent dans les faits… Et que cela n'est que mon ressenti... Et je ne peux en revanche que comprendre à quel point, en définitive… le pouvoir réside davantage dans celui qui de prime abord, semble être le rompu de l’expérience. C’est là, la plus grande force de l’exercice et je ne peux que comprendre à quel point… lorsque l’on se trouve aux frontières de tout, c’est un moyen d’exister qui se révèle être catharsis… Il n’empêche... » il avait attendu un bref moment avant qu’un sourire ne vienne ponctuer ses lèvres « ..Hadès... »

Il avait roulé des yeux, en secouant la tête amusé. Il trouvait la situation grotesque sans pour autant considérer que sa maîtresse n’en méritait pas l’attention. Au contraire. C’était une bien belle femme et il trouvait qu’elle dépassait de loin en terme de beauté, grand grand nombre d’entre elles et notamment la femme de l’ancien maire et son tempérament trop survolté. Pour autant… C’était un peu désagréable mais surtout particulièrement...saugrenu…Lorsque l’on songeait aux rapports qu’ils entretenaient à présent. Si bien qu’il en avait grimacé aussi, avec humour, cependant à l’encontre de la jeune femme.

« Tu as visiblement un charme taillé pour séduire les maires de cette ville, as-tu remarqué ? Avant même qu’ils le soient» plaisanta-t-il dans un clin d’oeil davantage malicieux.

Après tout, au-delà de Hadès, il y avait eu Jack. Et à présent, il y avait LUI. Bien évidement, il ne la tannait pas de personne intéressée. Il savait très bien qu’elle ne l’était pas. Non. Et son ton ne laissait pas de place au doute. Il ne lui disait pas qu'elle était intéressée, qu'elle cherchait à les déduire. C’était seulement, visiblement, les « hommes de pouvoir » - et il s’incluait dans le lot – qui se retrouvaient sensible à ses charmes. Bien qu’il doutait que chacun ait cédé pour les mêmes raisons. A vrai dire, les trois poursuivaient sûrement, à l’inverse, trois raisons bien diverses.
Pour autant, une question avait surgi chez Enora… Une qui avait pourtant hésité à s’échapper de ses lèvres à en juger les secondes d’hésitation qui avaient précédé son prononcé.

Est-ce que... Est-ce que c’est ce que tu as vu en moi les premiers temps ? Une dévergondée accroc au sexe et sans aucune intimité ? Est-ce que... c’est ce qui t’a poussé à commencer une relation avec moi au départ en pensant que ça serait forcément facile ? Tu m’as déjà plus ou moins montré que c’était pas un univers qui te plaisait grandement et pour lequel tu avais certains préjugés... et du coup je me demande si tu es passé outre avec moi en y voyant autre chose ou au contraire tu es allé dans les premiers instants dans ces stéréotypes juste pour avoir une nuit sympa en dehors de ton mariage ? Ne m’en veux pas de te poser la question, s’il te plaît, je ne juge pas... je vois juste que tu fais un raccourci dans ta demande alors je m’interroge... je me demande aussi... si... c’est ce qui fait que tu me propose d’avoir ce type de relation sexuelle un peu plus... poussé ? Pardon je sais pas comment dire tout ça et je pense que tu as pu voir que c’était plutôt nouveau au contraire pour moi…

Elle était nerveuse, il le remarquait. Et elle avait même dégluti à la fin de sa phrase, son regard se déposant sur son verre vide. Pourtant, elle ne désirait pas de l’eau, non. C’était le sujet qui soudainement la faisait regretter ne pas avoir de l’alcool. Comprenant son état d’esprit, il lui avait sourit, d’un air détendu, et avait proposé d’un ton doux et tranquille :

« Nous devrions peut-être reprendre un verre, non ? Attends-moi, je reviens. » il s’était penché pour lui déposer un rapide et doux baiser sur le front puis s’était levé, rejoignant la cuisine. La bouteille de sambucca s’y trouvait encore. ll l’avait remporté, prenant la peine de s’asseoir, tout en dé bouchonnant le contenant.
Il la retrouvait là, assise. Peut-être que le fait de l’avoir laissée seule, ne serait-ce que moins de deux minutes avait amplifié ses interrogations ? Ou peut-être s’était-elle rassurée de son attitude, devinant dans sa tranquillité, la promesse de la franchise future ? Il l’ignorait. De toute manière, il ne comptait pas lui mentir… Il versait l’alcool dans son verre, lorsqu’il commença à parler :

- « Pour revenir sur ce que tu disais… Non. Pas le moins du monde… » il s’était suspendu néanmoins, après une seconde d’hésitation, il cherchait à le formuler «  Enfin, pour être totalement transparent… c’était l’image que je me faisais de ce que tu étais devenue, oui. Une fille de ce monde, avec tous les stéréotypes que je peux en avoir… Avant que tu ne te présentes dans mon bureau… Après » Il avait levé les mains, signifiant un effet notable « Après, tu n’avais rien à voir avec la jeune femme dévergondée que je m’attendais à rencontrer. Du tout. Ce contraste m’a frappé pendant les premiers temps puis… Tu me croiras ou non, je l’ai totalement occulté…. A Paris, encore plus. Tu n’avais rien de l’image que je me faisais d’un être ayant mené ce métier. Tu étais… sensible, intelligente, cultivée. Tu étais ravissante certes, mais ce n’est en aucun cas ce qui m’a le plus frappé Disons que cela venait orner à merveille, d’autres qualités à mes yeux davantage importantes. Voilà ce qui m’a plu. La première fois lorsque tu es venue dans mon office, puis davantage à Paris. Toi. Dans ta Vérité. »

Il but une gorgée complète de sambucca. La liqueur glissa bientôt, brûlante, le long de sa gorge. Ou peut-être était-ce parce qu’il se livrait avec encore, davantage de franchise que jusqu’alors? Il ne s’était jamais appesanti sur ce qui l’avait poussé à la séduire cette nuit-là. Il ne voulait pas évoquer le caprice qui l’y avait poussé, mais il pouvait aisément admettre pourquoi ce caprice était né dans son esprit, à son profit. Déposant le verre sur la table de salon, il était venu se reculer dans le canapé, s'y allongeant presque... Un lâcher prise, pour mieux refaire flotter à nouveau les vérités de leur relation...

«  A Storybrooke, j’ai découvert une jeune femme aimable, raisonnée, censée, vive et réfléchie. Ce sont des qualités que j’affectionne particulièrement. A Paris… ceci m’est revenu aux yeux avec davantage d’acuité. La tournure des événements se trouvaient plus…en adéquation avec un éventuel dérapage. A Stoybrooke tu étais une cliente. Là...disons que les frontières se trouvaient floues. Nous étions davantage partenaires d’une danse à jouer… Et je t’ai retrouvée semblable à ce que j’ai vu de toi la première fois… En rien comparable avec l’opinion que je me faisais de toi. »

Il avait sourit à ce souvenir, puis lui avait pris la main, avec douceur, sans pour autant se redresser...

« Tu sais, je n’avais pas prévu de me lancer dans une relation extraconjugale, un jour. Si on m’avait demandé de miser sur des candidates potentielles, jamais je n’aurais donné ton nom car je n’aurais pas su donner un seul nom, à vrai dire. Non par affection pour mon épouse, tu sais ô combien je ne la porte pas dans mon coeur… Mais… parce que je voyais aucun attrait à la chose… Ni à qui que ce soit. Ce sont les circonstances qui ont fait que… » Il avait haussé les épaules, pour signifier sa non-maîtrise « Que cela est soudainement arrivé. Je n’attendais rien de cette soirée. Je n’ai pas attendu plus après cette fameuse nuit, non plus… Mais disons que cela m’a ouvert une porte...que je n’ai, finalement, pas refermée... »

Il s’arrêta, promenant une main sur son visage songeusement. S’il occultait toutes ses vengeances, sa volonté de se servir de la jeune femme en la séduisant… Il ne mentait pas. Il n’avait rien attendu de ce moment. Il en avait tiré une réelle jouissance, mais en la quittant, rien ne le laissait présager que bien plus tard, il se retrouverait à ses côtés à évoquer justement ce sujet. Non. Ciel, non ! Il avait réfléchi pourtant. Il avait apprécié leurs moments. Puis petit à petit… A partir de quand cela était-il devenu plus ? Il ne pouvait pas réellement le matérialiser. Peut-être cela avait-il toujours eu vocation à devenir plus, à être plus …

« Mais non, je ne t’ai pas prise pour une jeune femme facile. Pour une accro au sexe... Je n’ai pas pensé une seconde à ce que tu avais pu faire auparavant. Au contraire. C’est ce que tu étais là-bas, à Paris, à ce moment précis qui m’a donné envie de te séduire… Et c’est ce que tu es, toujours. C’est la raison pour laquelle, en définitive, je n’ai jamais refermé cette porte. Et je ne compte pas le faire »

Son visage était tourné vers elle, ses yeux dorés brûlant d’une certitude acérée. Il voulait qu'elle le voit, qu'elle le comprenne.

« Quand à ce que..nous faisons… ce que nous expérimentons » lâchant sa main, la sienne était venue caresser avec douceur son bras, jusqu'à son épaule « … Non. Cette envie est venue de nos ébats eux-mêmes. Je ne peux pas nier que ma vie sexuelle s’est davantage pimentée depuis que je t’ai rencontrée. Mais cette envie m’est propre. Ou en tout cas, elle n’a jamais été motivée par ton ancienne profession. Je...suis très dirigiste, trésor, et j’apprécie certaines pratiques. Et, je trouve que... » il s’était arrêté, lâchant un sourire presque coquin et complice « nous sommes plus que compatibles de ce point de vue. Tu connais mon caractère. Ma manière d’être. Disons que le sexe est une manière comme une autre de l’exprimer, dont je n’avais pas forcément connaissance avant de te rencontrer. Mais qui est devenu une évidence. Il y a une osmose entre nous, qui se traduit par…en tout cas me concernant une envie d’aller… disons au bout de certains fantasmes. Même encore inconnus jusqu’alors. Voilà ce qui motive cette envie. Cette confiance et cette certitude que puisque nos êtres se mêlent si bien d’ordinaire, ils ne peuvent que le faire à la perfection à ce moment. » Son regard toujours dans le sien, il avait ajouté « Je pensais, parfois que certaines pratiques te seraient plus familières, non pas à cause de ton passé, mais par certains aspects de ton caractère. Tu es aventureuse. Cependant, non, je ne le fais pas pour l’image faussée que je pourrais avoir de toi, je ne le fais parce que je nous sens…sur la même longueur d’ondes à ce sujet. Parce que j’ai décelé, au gré de nos ébats, et non d’autres choses, que nous pourrions être raccords dans cette pratique au regard de certaines de tes préférences ou des miennes…J’ai songé que cela te plairait davantage que tu ne le croirais et que y trouverai une libération, une sorte de jouissance, bien plus puissante que tu ne le penserai… Ai-je foncièrement tort ? En définitive, n’y prends-tu pas réellement plaisir ? As-tu cette impression d’être...réduite à une image dégradante ? Parce qu’au grand jamais, je n’y ai vu cette métaphore, au contraire…mais davantage l’expression d’une complicité, je puis te l’assurer. »

Il lui avait sourit avec douceur, mais ses yeux étaient demeurés sur elle, la jaugeant, fouillant dans son regard. Tâchant de comprendre si elle le croyait. Tâchant de la saisir.

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Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière.
C'est au détour d'une Ombre
que nous attends le Mal. »


Alexis E. Child

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Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...


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Edition Octobre-Novembre 2020

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________________________________________ 2023-10-24, 22:38 « Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »




Beautiful Chains


Si je restais indécise de bien des choses, le temps semblait être beaucoup plus favorable à Erwin. L’agacement et la prudence dont il avait fait preuve en début de journée avait laissé place à une terreur et une colère franche lorsqu’il m’avait retrouvé dans ma cuisine. Il avait hésité presque autant que moi quand je l’avais rejoint dans sa... “garçonnière”... mais il semblait à présent plus détendu, prompt à tenter de me rassurer avec humour et même d’argumenter. Je me laissais porter au gré au moment, ne parvenant toujours pas à me définir autrement que la négation tandis qu’il se faisait plus attentif à mes besoins et ce que j’étais mais plus assuré également, comme si quelque chose, passé tout le choc de ce qu’il avait vécu à mes côtés lui avait donné une certitude nouvelle en l’avenir. J’aurai pu me questionner à ce sujet... mais même si j’étais plus humble qu’il ne le serait sans doute jamais, je pouvais facilement accepter cette idée simple : son énergie lui venait de moi. Peut-être pas de moi en tant que tel, mais de mes choix, de ce qui faisait que nous étions en cet instant dans son canapé, un verre à la main à discuter, rassembler les souvenirs et planifier la suite. C’était une évidence que je ne pouvais ni nier, ni plus cacher : j’avais besoin de lui. J’avais eu besoin de lui en cet instant précis et même si la douleur des derniers mois m’avaient rendue plus distante, je n’avais pas non plus cherché à détruire entièrement ce que nous avions.

Ce n’était pas par peur, j’en avais la certitude, ni même par un besoin compulsif ou une impression que je ne vivrai jamais plus quelque chose de similaire. J’avais appris avec le temps à avoir suffisamment confiance en moi pour ne pas tomber dans les bras du premier venu ou me persuader que jamais plus je ne pourrai trouver une relation. Non, tout cela n’avait absolument rien à voir avec moi et ma psychologie parfois vacillante, cela avait juste à voir avec les faits, ce que je savais intrinsèquement au fond de moi. Erwin m’aimait. A sa façon, mais il m’aimait. Pas comme n’importe quel homme qui voulait de sa coucherie et qui voulait pouvoir me garder sous le coude “au cas où” et par gourmandise. Il tenait à moi. Plus qu’il n’était capable de le dire et peut-être même de se l’avouer mais pas plus qu’il était capable. Il ne me l’avait pas prouvé aujourd’hui, je m’étais trompé en le pensant dans un premier temps : il n’avait fait que le confirmer. En le voyant débarquer sans se poser aucune question, les traits tirés et le teint livide, j’avais revu celui qui était venu à mon accouchement. Celui qui avait fui peut-être dans un premier temps mais celui surtout qui avait tenté de me soutenir, allant jusqu’à même sortir notre fils malgré son dégoût immense pour m’éviter la mort. Celui qui regardait encore parfois mon ventre d’un air absent, un léger tressaillement sur la peau. Il m’aimait. Pas parce qu’il me le disait, ni même parce qu’il m’embrassait mais simplement parce qu’il lui arrivait d’agir pour moi par pur instinct de bonté, sans aucun calcul, s’oubliant entièrement dans ces moments. Il avait retiré Isaac car il avait eu peur de me perdre, pas pour m’endormir plus à sa cause, il était venu en loupant son discours de clôture auquel il tenait tant parce que je le lui avais demandé. Il n’y avait rien qui était fait pour lui dans ces gestes et le fait qu’il soit sans aucun doute la personne la plus égoïste et intransigeante que je connaissais finissais sans doute de me convaincre.

C’était parce que nous avions ces sentiments communs, bien que parfois disruptifs et contradictoires, qu’il était désormais plus à l’aise que je ne l’étais. Là où je restais prudente et me flagellais sans doute aussi un peu trop de toutes mes culpabilités, lui s’apaisait, se repaissait de son triomphe : je l’avais appelé, j’avais eu besoin de lui, j’avais voulu de lui plus que de n’importe qui... Il avait sa confirmation. Pendant des mois, nous avions tâtonnés. Et comme plus tôt dans la journée, il lui arrivait d’avoir des gestes d’impatiences, parfois quelques peu violents où il tentait de trouver lui-même la réponse aux questions qu’ils se posaient mais auquel je ne garantissais rien. Alors il s’approchait de moi plus que de mesure, sondait mes regards, provoquait des sensations par ses toucher ou ses baisers, jusque pour être certain que peut-être et selon sa conception, “je lui appartenais toujours”. Tout comme sa course effrénée vers moi avait été ma réponse, la sienne, il l’avait trouvé dans mon appel désespéré. Alors pourquoi se refermer ? C’était inconcevable selon lui. Il s’aimait comme il était n’y voyait aucun inconvénient et se persuadait depuis toujours que je finirai par tout accepter. Ce dernier aveu était le signe pour lui que tout redeviendrait comme avant. Pour moi en revanche...

Même si j’avais cette sensation d’avoir compris quelque chose de fort venant de lui, ma raison ne pouvait pas m’empêcher de rester prudente. Je n’étais pas sûre que tout cela puisse un jour me convenir. Je le savais, j’avais du mal à m’aimer par moment, j’avais aussi du mal à comprendre qu’on puisse m’aimer et j’avais besoin de savoir que je l’étais, qu’on ne m’abandonnerait pas, comme on l’avait si souvent fait par le passé. Erwin ne cessait de le répéter : il ne me lâcherait pas, il ne partirait pas mais ce n’était que des mots, des mots d’un bon orateur, ce qui me poussait à me demander s’ils avaient vraiment une valeur. Et comme c’était paradoxal pourtant de savoir que ce qui nous avait amené jusque-là, c’était seulement trois petits mots qu’il refusait de prononcer. Pourtant, même si je préférai largement les actes, je devais bien avouer que ceux-ci aussi étaient rares. Il le faisait quand il était au pied du mur, le reste du temps, il se contentait de se gorger de tout ce qu’on lui donnait en ne donnant que ce qu’il ne s’était pas déjà donné à lui-même. Et c’était tout cela qui me faisait douter, me faisait souffrir... est-ce que son amour dissimulé mais réel méritait que je souffre ? Est-ce que je devais rester ou continuer à m’éloigner ?

Pour Erwin, la question était apparemment tranchée. Revigoré de mon appel de l’après-midi sur la direction que prenait notre “nous”, il tentait à l’aide de grands mots bien choisis de me convaincre de rester vivre dans cet appartement qu’il me prêtait gracieusement. C’était sans aucun doute pour lui le meilleur des choix. Il aurait l’occasion de s’assurer de ma sécurité en me mettant sous sa surveillance, chose qui collait parfaitement à sa personnalité, j’en convenais, même si j’ignorais tout à ce moment de ses ordres à sa mafia de me surveiller et me suivre depuis plusieurs mois à présents, si ce n’était pas des années. C’était pour lui aussi l’idéal pour nous permettre de nous voir en toute intimité quand il le désirait, sans doute bien plus facilement que lorsqu’il venait chez moi. Mais ces avantages qu’il faisait sien, moi je ne les voyais pas. Déjà je me demandais comment il justifierait de me prêter un appartement aux yeux du grand public qui pourrait m’y voir emménager. Je ne doutais pas qu’il avait déjà prévu tout une armada d’excuse et de mensonges mais l’idée même d’y penser en cet instant m’épuisait mentalement. Je ne voulais plus mentir et détourner, je l’avais suffisamment fait pour les mois à venir auprès du shérif James. Restait ensuite l’idée de notre sécurité, à mon fils et moi. Il avait beau être certain que personne ne viendrait me chercher ici, je savais qu’il suffirait d’une erreur, d’un œil mal placé et ma cachette serait révélée. Le secret, c’était la seule arme dont disposait Erwin, contrairement à ma mère ou même Elliot. Bien sûr, je pouvais toujours demander à ma mère ou à mon meilleur ami de réaliser quelques tours sur cet appartement plutôt qu’ailleurs pour assurer notre protection mais c’était sans aucun doute la dernière raison qui me poussait à ne pas envisager ce contre argument. Je n’étais pas sûre. On en revenait toujours à ça. Je n’étais pas sûre de vouloir vivre au plus près d’Erwin, dans son appartement, à sa portée constante, pire encore, maintenant qu’il savait ce que j’étais capable de faire dans un cas désespéré. Je le voyais bien s’enflammer, gommant le passé, se gorgeant de tout ça pour récupérer son “trésor” qui semblait lui filer entre les doigts depuis plusieurs mois, rongé d’incertitude.

Cela transparaissait certes dans son attitude plus détendue mais surtout dans la myriade d’arguments qu’il était en train de m’exposer pour que, définitivement, je le choisisse lui, plutôt que tout autre forme de vie qui serait susceptible de mieux me convenir. Il avait commencer à contre argumenter sur la volonté que j’avais prêté à Crafty de me rechercher dès à présent. Je devais bien avouer que sa réflexion sur le profil bas qu’il allait adopter était logique et sans doute plus cohérente. Il l’avait d’ailleurs dit avec une telle assurance et une voix si experte qu’il semblait rodé à l’exercice, ou – tout du moins – expert en la matière. Je réalisais cependant que trop me concentrer sur ce point en cet instant risquait de déclencher en moi une folle envie de vomir, un mal de ventre, une suée ou tout autre désagrément dont j’avais bien envie de me passer pour cette raison, déjà qu’une grande partie des symptômes était présents grâce à l’incroyable discours d’Erwin. Il me promettait la patience de Crafty, toute sa cruauté et sa fourberie pour me traquer dès que le moment serait plus propice et qu’aucun lieu en somme n’était assez sécurisé pour moi hormis… cet appartement. Et s’il avait raison ? N'étais-je pas la pire des égoïstes en souhaitant emménager chez ma mère ? Et si je la mettais elle aussi en danger ? Que le manoir était touché ? Et devais-je vraiment retourner travailler ? S’il se pointait du jour au lendemain dans les allées ? Et Isaac ? Est-ce que j’avais vraiment songé à lui ? Ne risquait-il pas un enlèvement à la crèche ? Si Crafty se pointait là-bas quelques minutes avant moi et se présentait comme un ami de la famille venu me dépanner en récupérant mon fils plus tôt ? Ne devais-je pas donner une photo de l’individu à la crèche ? Rien ne prouvait encore que c’était lui mais j’avais tout de même droit de prendre les devants, non ? Mais si je ne travaillais plus, alors il n’aurait plus besoin d’aller à la crèche et nous serions alors en sécurité, ici, dans cet appartement. Oui… tout se tenait… et j’avais terriblement mal au ventre, une envie irrépressible de vomir et depuis quand déjà je me mordais les petites peaux de mes doigts ?

— Oublie-cela. Je suis susceptible de t’effrayer par égoïsme… Alors qu’il est notable qu’il est clair que ne serait-ce que par l’existence de ses pouvoirs, Regina assure déjà davantage ta protection. Si on y ajoute sa réputation… Je suis bien plus que perdant… Cela sera seulement...difficile de se voir, mais… nous avons survécu à bien pire, nous survivrons à ceci… Si jamais tu la choisis.

Sa phrase m’avait ramené brusquement à la réalité, comme si me demander d’oublier le point m’avait subitement aidé à le faire. C’était faux pourtant, je stressais toujours autant, mais la suite de ses mots avait eu le don de m’apaiser. C’était exactement ce qu’il était en train de faire. M’effrayer par égoïsme, avancer des arguments puissants pour que je me retranche sous son idée et sa protection. Il avait au moins l’honnêteté de l’avouer, ce qui était rare avec Erwin mais plutôt plaisant. Il manipulait, on le savait tous les deux, mais il n’en parlait pas pour autant, à moins de s’en vanter. Ici, il le faisait plus comme un aveu de sa faute. Il ne me promettait pas d’arrêter - c’était dans ses gênes après tout – mais il me le faisait remarquer, pour que je m’en prémunisse. Je m’étais contenté d’hocher la tête d’un air entendu, préférant taire ma décision au moins... jusqu’à ce qu’elle apparaisse à moi comme l’évidence. Pour éviter que le malaise ne s’installe, il avait changé habillement de sujet, revenant à la discussion avec la Shérif, sujet sur lequel je m’étais jeté comme une bouée en pleine mer pour ne pas avoir à réfléchir à ma décision ou à lui communiquer. Mais le sujet avait vite passé, laissant la place à quelque chose d’autrement plus surprenant et épineux : ma vie au Rabbit Hole. Pourtant, je ne m’étais sentie honteuse de rien, acceptant totalement ce pan de ma vie. J’avais au contraire pris le temps d’expliquer ma position, de poser les questions qui me brûlaient les lèvres depuis un certain temps. A son tour, il y avait répondu, avec calme et pédagogie, ne se privant pas de m’expliquer sa vision des choses, bien plus fermée que n’avait pu l’être la mienne à ce genre d’établissement et aux personnes qui y séjournait. Il s’était inquiété pourtant d’une éventuelle susceptibilité de ma part quant à ce qu’il pensait et je l’avais rassuré à ce sujet d’un simple geste de la main et d’une négation de la tête. Qu’il puisse pensait cela ou avait pu penser cela ne m’étonnait guère, je le connaissais suffisamment pour convenir que cette pensée était entièrement liée à sa personnalité et ses valeurs. Et ce n’était pas non plus la première fois que j’entendais ce genre de discours, Regina me l’avait rabâché de long en large en apprenant où j’avais osé prendre mon premier job en abandonnant les études. Je les trouvais un peu hypocrites, l’un et l’autre, tout engoncés qu’ils étaient dans leurs bonnes mœurs, alors qu’il avait fait bien pire par d’autres pan concernant ma mère ou avaient des pensées tout aussi salaces le concernant. Mais les apparences avaient la peau dure et tout ce qui était trop visible était bien souvent dérangeant. Pourquoi se montrer au grand jour et s’affirmer quand on pouvait faire de même bien caché ?

Je n’en avais pourtant rien dire, le laissant dérivé sur Hadès après que je lui ai appris son petit “crush” de l’époque. Il ne semblait pas s’en émouvoir plus que de mesure, s’en amuser tout au plus, et je m’étais bien gardée de lui expliquer à quel point tout avait dégénéré avec lui à plusieurs reprises. Hadès faisait partie de ces relations beaucoup trop hors du commun pour les classer dans une catégorie. Il n’était pas un amant, pas un ami, pas un ami, pas de la famille, pas un ennemi non plus et pourtant tout à tour il avait été tout cela... ou presque... l’amant en moins de mon côté. Je préférai encore garder pour moi toutes ces fois où il m’avait mise à nue, littéralement, sans consentement, les viols que j’avais failli subir, la violence aussi qu’il m’avait infligé pour que mon pouvoir se révèle pleinement, nos colères, ma violence envers lui, ses mots cruels envers moi, ses mensonges... parce qu’aujourd’hui il était le parrain de mon fils et que c’était sans aucun doute le choix le plus incompréhensible que j’avais pu faire jusqu’alors. Il n’en restait pas moins qu’à l’instant T, il m’avait semblé être un des meilleurs possible aussi. Erwin n’appréciait déjà pas grandement Hadès et il avait déjà suffisamment à faire avec toutes les informations à sa disposition pour que j’y ajoute une telle rancœur, qui irait sans aucun doute à contrecourant de ce que je pensais de Crafty aussi. Après tout, j’étais écœurée de ses mots, de son vol, de ses fouilles intimes et Hadès avait fait cela et bien pire et il faisait désormais pleinement partie de la vie de mon fils.

— Tu as visiblement un charme taillé pour séduire les maires de cette ville, as-tu remarqué ? Avant même qu’ils le soient.

— Ouais... je dois tenir ça de ma mère...

J’avais eu un rire gêné qui avait accompagné ma phrase, sans doute sortie un peu trop vite de ma bouche. Je m’étais massé le poignet, mal à l’aise, un sourire en demi-teinte toujours placé sur les lèvres. Je ne lui en voulais pas. Il avait essayé de détendre l’atmosphère et il ne pouvait pas savoir ce qui se passait dans ma tête. J’avais bien senti qu’Erwin n’avait nullement cherché à insinuer que j’étais une femme intéressée. Il me connaissait désormais bien trop pour voir que ça avait un quelconque intérêt à mes yeux. Peut-être l’avait-il pensé un moment, en même temps qu’il me voyait de petite vertu. Libertine et accro aux hommes de pouvoir, la véritable croqueuse de diamant en chair et en os... mais force était de constater que sa remarque, aussi mutine fut elle, avait éveillé en moi une réflexion que j’avais depuis désormais un certain temps. C’était sans aucun doute irrationnel pourtant de fixer là-dessus, sur le nombre total de mes relations ou des personnes qui avaient pu avoir un intérêt sur moi, ceux qui étaient devenus maire de la ville étaient plutôt un pourcentage moindre. Mais je devais bien avouer que de manière générale, depuis que toute la vérité avait éclaté en 2013, je devais bien avouer que j’avais quelques atomes crochus avec les méchants de conte de fée... et avec ceux qui cherchaient ou exerçaient le pouvoir d’une façon ou d’une autre. Ça me renvoyait forcément à ma génitrice, cette femme dont je savais si peu de chose mais qui avait eu le cran de séduire un homme très haut placé pour ses convictions, un homme qui était même devenu Président des Etats-Unis et qui l’avait épousé. Même si je savais qu’elle avait fait tout cela pour le bien du plus grand nombre, je ne pouvais m’empêcher d’avoir cette peur de lui ressembler, peut-être un peu trop, sur ce point. Parce que moi, contrairement à elle, je n’avais aucune cause de la sorte à défendre ou, tout du moins, ma place n’était pas dans ce type d’échiquier. Et pourtant, avant ma mère, il y avait eu Léontine Aubart... il n’y avait que 2 femmes que je connaissais de ma vraie famille... toutes deux maîtresses, toutes deux avec des hommes de pouvoir, sans être superstitieuse, je ne pouvais m’empêcher de voir l’Histoire se répéter et au fond, ça ne me mettait pas à l’aise.

— Je ne doute pas que la plupart des membres de ta famille soient séduisants, Trésor.

Il m’avait gratifié d’un clin d’œil auquel j’avais répondu par un léger sourire. Il tentait de dissiper mon malaise et j’acceptais de m’y laisser faire.

— Mais, je pense que cela t'est inhérent.

— Mais pourquoi ?

Je l’avais expulsé comme si une bombe venait d’exploser. Pas avec force cependant, mais brusquement, comme si cette interrogation me brûlait les lèvres depuis longtemps, que cette question m’avait déjà longuement torturé.

— Qu’est-ce qui fait que c’est le cas ? C’est vrai quoi, je suis plutôt simple, je cherche pas les chichis et je ne les apprécie pas vraiment. Je préfère un langage plus franc et moins policé aux belles lettres de la littérature parce que je trouve que ça fait trop tourner les gens autour du pot. J’ai aucune ambition politique même si c’est vrai que j’ai mes propres valeurs et que je les défends, mais dans mon quotidien, pas à échelle diplomatique. Je suis super mal à l’aise en société ou quand l’attention est trop portée sur moi, je trouve que les politiciens sont très souvent des gens qui font semblant de savoir de quoi il parle juste pour gagner un salaire sans pour autant en être réellement expert ou même le vouloir – no offense.

J’avais levé la main dans sa direction comme pour proférer une excuse que je ne disais pourtant pas.

— BREF je suis LOIN très LOIN d’être celle qu’un politicien devrait vouloir dans son entourage...

J’avais soupiré, secouant la tête de gauche à droite d’incompréhension.

— Je parlais de ta séduction. Le reste avait surtout visée à te taquiner, trésor, mais si tu le demande...

Il se pencha en avance, les mains jointes dans le ton de la confidence et de l’anayse :

— Je pense que les hommes politiques sont des planètes où ne gravitent que des individus par nature diplomates et parfois hypocrites. Toi, tu as une sincérité rafraichissante et gracieuse mêlée d'une tête bien faite. Il est agréable d'échanger avec toi et ce n'est jamais en vain. Même si, tes fréquentations "politiques", en l'occurrence, sont très variées et la source de celles-ci l'est aussi.

— Mouais... D’accord...

J’esquissais un léger sourire en coin, tandis que de nouvelles questions me venaient brusquement, largement plus lié au reste de la conversation et à notre vie ensemble : mon passé avait-il joué un rôle dans son envie d’explorer notre sexualité autrement ?

Il était allé nous chercher un verre pour la suite de notre conversation et je lui en étais reconnaissante. Il fallait bien l’avouer, malgré Isaac, j’avais une furieuse envie de finir complétement ivre, m’apaiser au contact de l’alcool, tout oublier pour une nuit seulement. Et les questions qui avaient fusées dans ma tête suite à ses précisions sur mon métier étaient un poids supplémentaire dont je ne savais que faire. Il l’avait vu. Il l’avait et il y remédiait avec de l’alcool. C’était le soutien le plus neutre qu’il pouvait m’apporter, loin des effusions qu’une fois le choc et la terreur passés, je ne souhaitais pas spécialement avoir pour le moment... j’avais besoin d’être apprivoisée, petit à petit, et à il était suffisamment fin pour le comprendre. Il avait osé un baiser sur le front cependant, tendre et survolé et j’avais fermé les yeux à ce contact, le laissant faire. Une fois revenue, je m’étais directement penché sur le verre qu’il m’avait versé, en buvant une bonne gorgée sans retenue. La suite, c’était ses mots qui m’avaient apaisé.

Il m’aimait pour moi. Pas pour l’objet sexuel que je pouvais rencontrer. Parce que plus que l’intéresser, cela l’avait dans un premier temps rebuté. Il ne l’avait pas formulé ainsi, mais l’idée qu’il puisse avoir des “stéréotypes” à mon propos d’après ses dires et voyant ce qu’il pensait des lieux de notre conversation précédente, il semblait évident que plus que l’intéresser, cela l’avait plutôt préservé. Et s’il avait basculé dans ce que nous avions aujourd’hui, c’était pour moi. Mon esprit, mon attitude, ce que j’étais en somme et pas pour une représentation qu’il pouvait avoir. Cela me rassurait, je devais l’avouer... un peu.

Puis il était allé plus en détail sur mes craintes, ces envies qui étaient nées avec notre relation, cette envie charnelle que nous découvrions ensemble. Il disait l’avoir découvert avec moi. Je voulais bien le croire. Il ne semblait pas si expérimenté. Pas parce qu’il faisait et sa façon de le faire, je n’avais rien à redire là-dessus, mais plus parce que je voyais qu’il restait pour lui des zones d’ombres dès qu’il s’agissait de sortir du carcan basique du coït marital ou presque... de bonne vertu si je pouvais dire ça comme ça. A mesure que son discours avançait j’ignorais ce qui m’étourdissait le plus entre ses paroles et le verre de sambucca que je descendais avec une vitesse assez certaine. Il parlait d’osmose entre nous, je pouvais même ajouter “alchimie”. C’était vrai. C’était sans doute cela qui était le plus étourdissant. Malgré son caractère, le mien et la froideur qui s’était installée, malgré sa façon de porter de l’affection et ma recherche d’amour, il y avait une alchimie qui nous faisait tenir ensemble, qui soudait la passion du ciment de la raison, plus que je ne voulais l’admettre, peut-être parce que cela me faisait peur. Erwin avait toujours tout voulu contrôler et j’aimais profondément mon indépendance. Même s’il existait parfois des faux pas entre nous, il avait toujours accepté cela, ne cherchant pas à gagner en tyrannie. En contrepartie, nos ébats se faisaient largement plus soumis à son joug, toujours parce que nous le voulions tous les deux. Un équilibre qui s’était fait simplement, naturellement, au fil du temps, parce que nous étions effectivement complémentaires... et peut-être mieux assortis que je ne souhaitais l’admettre.

— Si... c’est vrai... j’apprécie... Je sais que tu n’essayes pas de me dégrader. C’est juste parfois difficile de l’accepter parce que je n’ai pas l’habitude de me laisser traiter ainsi dans la vie réelle disons mais... ça reste plaisant pour moi aussi. Et j’aime découvrir ça avec toi. Je voulais juste dissiper ce doute... parce qu’il est arrivé brusquement dans mon esprit et que je ne voulais pas le laisser pourrir là. Le fait que tu en savais plus sur moi que je ne le pensais à juste soulever des nouvelles questions, c’est tout.

Je lui avais souris timidement en finissant mon verre. Tout en me redressant pour le reposer sur la table basse, je me sentis partir sur le côté, complétement déséquilibrée, me rattrapant sur sa cuisse.

— Oula, pardon.

Je me relevais avec difficulté et posait enfin le verre tout en précisant :

— Je crois que j’ai moins tenu l’alcool que je ne le pensais ce soir...

Ce n’était pourtant généralement pas deux verres qui avaient raison de moi, même lorsqu'il s’agissait de liqueur mais la fatigue et la terreur éprouvée dans la journée n’avaient sans doute pas aidé à rester sobre. Je me sentais bien. Pour une fois depuis que j’avais poussé la porte de chez moi, je me sentais bien. Presque insouciante, je m’étais redressée tant bien que mal en posant le verre sur la table, un léger sourire sur les lèvres. Je l’observais, avec ce même sourire, un peu absent, un peu trop alcoolisé, un peu trop illusionné de sérénité. Ses lèvres fines, ses pommettes saillantes, ses yeux dorés, aussi perfides que profond, qui me faisait autant entrapercevoir une ombre qui m’effrayait et qui savaient m’apaiser et me sonder comme si j’étais la seule personne au monde qui ai de l’importance, en dehors de lui, sans aucun doute. Pourquoi est-ce qu’il y avait eu tous ces doutes déjà ? Pourquoi cette douleur ? Pourquoi ces questions ? C’était stupide. Il était là, je l’aimais, c’était suffisant. Tout s’arrêtait maintenant parce que j’avais juste une forte envie de l’embrasser...

— Ahem...

Je m’étais reculée brusquement, réalisant que j’avais été à deux doigts de l’embrasser, mes lèvres à quelques centimètres des siennes. Ça n’aurait pas été la première fois que ça serait arrivé, nous nous étions embrassés tout de même les derniers mois, mais j’avais senti quelque chose de plus fort prendre possession de mon être, naître au creux de mon ventre et j’en avais eu peur. Cette envie de tout envoyer valdinguer, de me lancer à corps perdue contre lui, avec la passion et la fougue qui nous caractérisait il y avait encore cela moins d’un an et que si je franchissais le pas, refaire les choses avec lenteur et douceur serait impossible ensuite. Pourtant c’est ce que je voulais réellement, prendre le temps de me réhabituer à son contact plus proche, d’accepter ce que nous avions vécu aujourd’hui, ce que ça signifiait. C’était ça que je voulais vraiment, sobrement, quand j’étais sobre. Tout l’inverse de ce que l’alcool me poussait à faire en cet instant. Replaçant une mèche derrière mon oreille, je bredouillais :

— Excuse-moi... je... je ne voulais pas te donner un faux espoir ou... je suis juste fatiguée je crois et... j’ai... je... je crois que j’ai quand même besoin d’un peu de temps, de laisser tout ça reposer...

— Tout va bien, Trésor. Ce n'est...juste pas le moment. Lorsque tout sera apaisé, dans ton esprit, sûrement davantage...Mais, je ne te demande pas d'être prête, instantanément ou rapidement. Ce serait minimiser ce que tu as vécu. Chacun va au rythme de la guérison de ses effrois... Tout va bien.

— D’accord... merci.

Je lui avais souris faiblement avant d’ajouter, prudemment :

— Je... je crois que je vais prendre la décision d’aller habiter chez Regina. Au moins dans un premier temps. Histoire... de vraiment être certaine d’y aller à mon rythme comme tu dis... sans... sans me faire influencer par le moment un peu particulier, le fait de vivre chez... toi d’une certaine manière, de se voir peut-être plus facilement aussi... je... Enfin bref. Je pense que c’est mieux...

Même s’il m’avait assuré que je pouvais prendre tout le temps qu’il me fallait, cette nouvelle ne l’avait pourtant pas ravi. Je l’avais vu se raidir, même si c’était infime, j’avais cru apercevoir sa mâchoire se raidir avant qu’il ne réponse :

— Si tel est ton plaisir. Même si, je ne voudrais pas que tu refuses cette proposition à cause de ma présence...physique ou mentale. Si tu penses qu'attendre chez Regina est la meilleure des idées, alors soit...mais...garde les clefs. Si tu changes d'avis. Tu n'as même pas besoin de me prévenir, si cela t'inquiète. Et puis...tu sauras où me trouver quand tout ira mieux.

— Oui...

Je l’avais dit un peu dans le vague, ayant détourné le regard, légèrement gêné par le moment et ce que je venais de décider. Je savais que ce n’était pas du tout ce qu’il voulait, mais j’étais persuadée pourtant que c’était la meilleure des solutions, pour moi mais aussi pour nous. Avec douceur j’avais tout de même ajouté :

— Je garde les clés, d’accord... au cas où...

Reposant mon regard sur lui, je l’avais gratifié d’un nouveau sourire gêné tandis qu’un petit silence s’installait. Un silence où la tension était perceptible. Peut-être parce qu’il attendait silencieusement que je change d’avis. Peut-être parce que de mon côté je ne savais pas comment poursuivre après avoir dit ça. La voix un peu éraillée, je précisais alors :

— Bon il est surement temps pour moi de...

— Tu vas sans doute devoir rentrer... tu es déjà parti depuis un certain temps... après ce qui s’est passé aujourd’hui, le mieux est peut-être que tu rentres...

Il avait commencé sa phrase en même temps, que moi, confirmant qu’il pensait à la même chose que moi. Nous nous étions arrêtés en même temps, voyant qu’il ne poursuivait plus, j’avais continué à sa place. Il se contenta donc de confirmer mes dires :

— Oui... Effectivement, le devoir m'appelle, hélas encore...

Il avait eu un étrange tic à la commissure de ses lèvres. Il semblait désabusé, mécontent de la tournure que prenaient les choses. J’aurai eu envie qu’il reste avec moi ce soir, j’espérai qu’il me le propose lorsque j’avais commencé ma phrase, mais il m’avait confirmé qu’il devait partir, me laissant avec mon corps battant jusque dans mes tempes. J’avais dégluti en hochant la tête d’un air entendu. Je ne pouvais pas lui dire de rester, pas après lui avoir dit que je n’emménagerai pas ici, pas après lui avoir mis une telle pagaille dans sa journée. Il avait d’autres obligations, un autre foyer et ce n’était pas juste que je lui demande quoi que ce soit. J’aurai juste espéré qu’il se propose. Voyant le silence qui s’éternisait entre nous, il précisa :

— Il ne me reste plus qu'à te souhaiter une bonne soirée, alors trésor...?

— Oui... Faisons cela... bonne nuit.

Je lui avais souris une nouvelle fois, toujours gênée. Il n’avait pas bougé, sans doute par politesse de ne pas me jeter dehors. Je m’étais alors levé d’un bon récupérant les deux verres pour les ramener à la cuisine, les plaçant dans le lave-vaisselle en silence. J’avais senti sa présence dans mon dos tandis qu’il s’était approché lentement. Stoppant mon mouvement tandis que je fermais le lave-vaisselle, il le referma à ma place en donnant une petite impulsion sur mon poignet qu’il tenait toujours pour me faire comprendre qu’il voulait que je lui fasse face. Je levais les yeux vers les siens, tandis qu’il proposait avec douceur :

— Et si nous restions ici, juste pour ce soir… juste ensemble. Juste cela.

— Sans... sans rien faire d’autre ?

J’avais envie d’être avec lui, mais j’avais envie juste de lui, de nous, de sérénité. De sentir son corps contre le mien, d’entendre les battements réguliers de son cœur et sa respiration, sans penser à plus, sans effusion charnelle, sans dérapage. Juste prendre conscience que nous étions ensemble, sauf, sans conséquence supplémentaire. De la tendresse, des caresses, quelques discussions, un peu d’alcool et de nourriture, c’est tout ce dont j’avais besoin ce soir. Prendre conscience de ce qu’avait été ma journée, prendre conscience de la chance que j’avais en cet instant et faire semblant d’oublier, pendant un court moment du moins. Son regard parlait pour lui, il acceptait cette parenthèse, peut-être la voulait-il autant que moi, me laissant le temps de prendre mes aises, à mon rythme comme il me l’avait dit lui-même.

— C’est... c’est possible pour toi ? Je voudrais pas te créer des ennuis supplémentaires... on va finir par se demander où tu es passé...

— Bien sur… Tu ne me crées jamais aucun souci, trésor. Je donnerai les coups de fil adéquats. Ne t’en fais pas pour cela.

Il m’avait embrassé avec douceur sur le front et tout mon argumentaire s’était noyé en cet instant. Je m’étais avancé avec lenteur pour le prendre dans mes bras, ma tête contre son torse et de nouvelles larmes avaient fini par couler, secouant mon corps de grands sanglots tandis que je déchargeais tout ce qui devait encore l’être. J’appellerai sans aucun doute Regina après, pour lui expliquer la situation, elle viendrait sans aucun doute me chercher et me redéposer par téléportation, le temps juste que j’embrasse et borde mon fils qui avait eu aussi son propre traumatisme et pour lequel je voulais aussi être là et nous profiterions ensuite sans doute d’une soirée de calme et de discussion, avec un peu de musique ou un film... peut-être. En attendant, en cet instant, j’étais exactement où je voulais être et déchargeant le reste de mes tensions, je réalisais qu’Erwin était bien plus nécessaire à ma vie que je n’avais jusqu’alors pu le penser.

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Jessie James
« Jessie never gives up,
Jessie finds a way! »


Jessie James

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Elle va être sympa cette mairie, j'le sens bien... On va s'entendre copains comme cochons...


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Edition Août-Septembre 2020

| Conte : Toy Story
| Dans le monde des contes, je suis : : Jessie, l'écuyère

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| Cadavres : 744



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________________________________________ 2023-11-02, 22:59 « Jessie never gives up, Jessie finds a way! »


Beautiful
Chains
Elle avait fini par s’endormir de fatigue. A bout de force, les yeux brûlés par la luminosité tamisée de son studio et l’encre noire sur le papier blanc. Son rapport était tapé depuis quelques temps déjà, ses deux rapports à vrai dire, mais quelque chose clochait, elle en avait l’intime conviction. Rapport 1 ? Rapport 2 ? 2h du matin. La nuit était déjà bien avancée et pourtant, quelque chose la tenait en éveil. Ce n’était certainement pas le café, boisson infâme à laquelle elle ne touchait jamais. Non c’était plutôt l’adrénaline, la certitude d’être passé à côté d’une chose importante. Était-ce lié à son premier rapport ? Un état des lieux détaillé du désastre qui avait ébranlé la ville le jour même, une suite désordonnée de cambriolages pourtant mise en place de façon méticuleuse et qui faisait écho à ceux vécu en février dernier. Ou alors était-ce plutôt le second ? Le compte-rendu écœurant d’une jeune femme qui avait vu sa maison saccagée, son bébé et elle-même touché par une humiliation dont elle semblait avoir été la seule cible ? Les autres effractions étaient de simple cambriolage, aucune mauvaise farce y avait ajouté... contrairement au sien... Se frottant vigoureusement les yeux, Jessie avait alors détourné le regard de sa lourde tâche pour observer, un sourire attendrit sur les lèvres, Pilpoil qui avait cessé de s’activer depuis maintenant près d’une heure et qui dormait paisiblement à côté de son lit, son corps uniquement agité d’une respiration lente et régulière. Elle était crevée. C’était une évidence face à laquelle elle devait capituler. Un peu de sommeil ne lui ferait pas de mal. Au moins pour remettre les idées en place. Se levant avec difficulté, son corps endolori d’avoir trop longtemps gardé la même position crispée à son bureau, elle s’était dirigée d’un pas traînant vers son lit, se laissant tomber dessus, s’endormant sans doute avant même que sa tête ait touché l’oreiller.

C’ETAIT CA !! Jessie s’était relevée en sursaut, propulsée presque hors du lit par cette impulsion qui lui venait des tréfond du sommeil. Quelle heure était-il déjà ? Un rapide coup d’œil sur l’horloge numérique lui avait appris qu’il était 4h15 du matin. Elle dormait depuis deux heures à peine et réalisait à présent qu’elle n’avait aucune idée de si elle était en train de rêver ou non. Mais du plus profond de son sommeil, elle avait fini par trouver la solution qui la tarauder. Sautant hors du lit, elle avait manqué d’écraser la queue de Pilpoil et de le réveiller. Sans s’arrêter pour autant, elle s’était jetée sur son bureau, cherchant fébrilement la preuve qu’elle attendait. Elle était sûre qu’elle l’avait vu, elle n’avait pas pu la rêver, tout cela avait été parfaitement réel, elle en était persuadée. C’est alors qu’elle la vit. La photo qu’elle cherchait. Lentement, elle la leva en direction de la lumière pour mieux l’observer. Tout s’éclairait à présent, pas seulement l’image. C’était ça qui lui était passé à côté, ça qu’elle comprenait à présent. Une petite discussion allait s’imposer... Mais en attendant, l’heure était au sommeil, elle l’avait bien mérité. Fermant la lampe de bureau qu’elle avait oublié de fermer deux heures plus tôt, elle retourna se coucher, le sourire aux lèvres, avec la certitude du travail accomplit.



    Le lendemain.


Julian avait fini par lui trouver un rendez-vous. Elle avait insisté pour que ce soit le jour-même. Au diable les réunions politicardes, ils avaient un problème plus urgent sur les bras et Jessie voulait que Dorian le comprenne. Deux salves de cambriolages en à peine 2 mois, la situation était en train de dégénérer et s’il avait gagné la première bataille, elle comptait bien cette fois gagner la guerre. Il le lui avait promis, à voir si à présent il tenait plus ses promesses qu’elle ne le pensait de prime abord.

Elle n’avait obtenu qu’un rendez-vous pour 20h. Ça lui allait. Elle n’avait personne qui l’attendait à la maison hormis son chien et une douzaine d’anciens jouets. Mais personne qui ne dépendait d’elle ou risquait de lui faire quelques reproches amoureux. Elle vivait pour son travail depuis plus de deux ans et ça lui convenait parfaitement. Si de son côté, Dorian se fichait suffisamment de son mariage pour se donner une image de travailleur plus que respectable, alors soit.

Le soir-même, ses dossiers sous le bras, elle avait pénétré dans la mairie sombre et silencieuse, déserté de tous ses occupants ou presque. Seule la guitoune du gardien était éclairée. Elle le salua et monta les marches quatre à quatre en direction du bureau du maire. Après avoir frappé et l’avoir entendu l’inviter à entrer, elle passa la porte d’un pas énergique, refermant la porte derrière elle et se dirigea vers le bureau où une des deux chaises l’attendait.

— M’sieur l’maire, merci de me recevoir. Vous avez eu l’occasion de vérifier le rapport que je vous ai transmis ce matin ?

— Je vous en prie ! Asseyez-vous.

Après lui avoir serré la main, elle s’installa tandis qu’il reprenait en sortant et feuilletant sa propre copie du rapport :

— Oui. Terrible, malheureusement mais vous avez fait un travail exemplaire et je vous en remercie au nom de l’ensemble de nos concitoyens.

S’il pensait qu’elle allait s’endormir avec des belles paroles, c’est qu’il ne la connaissait pas encore réellement mais elle ne pouvait pas lui en vouloir d’essayer. C’était dans les gênes des politiciens de se comporter de la sorte. Le voyant arriver à la conclusion, elle se redressa pour pour appuyer son doigt sur la conclusion :

— Super... et que pensent nos concitoyens du fait que cela aurait pu être cadré ou, encore mieux, empêché si vous aviez écouté mon précédent rapport et mes conseils du mois de janvier ? C'est pas que la police qui sera bientôt mise en cause, vous avez ? Vous y jouez aussi votre mandat. Est-ce qu'on a eu suffisamment d'évènements "terrible" pour reconsidérer ma demande ?

Elle y allait fort, elle en avait conscience, mais elle venait là pour obtenir ce qu’elle voulait et elle ne comptait pas y déroger. Storybrooke était dans une situation dramatique après que les derniers maires en postes aient drastiquement réduit les moyens et les effectifs de la police. La mafia avait commencé à se développer de façon plus visible, jusqu’à gangréner des quartiers qu’elle ne touchait précédemment pas. Erwin Dorian était loin d’être le seul responsable de la situation mais c’était à lui de payer pour tous, à lui de redresser la barre et à lui qu’incomberait le titre de “celui qui a fait couler la ville”, s’il ne réagissait pas maintenant. Jessie se refusait d’être de ce mandat. Elle refusait le rôle de “pire shérif” qui lui pendait au nez. Alors Dorian allait redresser la barre et le faire vite, il avait toutes les clés en main pour le faire, toutes les preuves accablantes devant les yeux.

— Crier à la recrudescence de la criminalité serait une injustice pour vous et moi. Nous œuvrons pour la justice et notre mairie est forte et votre police également. Mais oui, vous pourriez me tenir responsable de ces agissements et je le suis. Je le suis j’y ai contribué en ne voyant pas les alertes. Sachez que j’en suis désolé et je regrette amèrement que les faits puissent avoir mené à cette tragédie. Contrôlée certes mais tragédie tout de même.

Il avait levé les bras en signe d’impuissance, tout en secouant la tête. De son côté Jessie s’était renfrognée sur sa chaise, le toisait, les bras croisaient. Ça ne prenait pas. Il avait clairement intérêt à lui sortir plus que son discours du démuni parce qu’il ne l’était pas et ils le savaient tous les deux. Sans doute sentit-il que cela ne serait pas suffisant, il ajouta :

— Pour en revenir à votre demande. Oui. Je vous accorderai cette subvention c’est la moindre des choses pour tenter de réparer cette désastreuse aventure. Il faut que nous travaillons de concert et j’admets avoir mésestimer les risques. Vous êtes un shérif compétent vous m’aviez alerté. Il est normal que vous ayez le budget vous permettant de répondre efficacement à cette criminalité.

Surtout, ne pas hurler de joie, de victoire, le bras brandit en l’air. Professionnelle. Elle se devait de rester professionnelle. Même si un petit yodel aurait été bienvenu. Pourtant, sa voix resta neutre et ne trembla pas quand elle demanda :

— Parfait. Et quand pouvons-nous espérer avoir ce budget que vous me promettez depuis maintenant plusieurs mois pour peu que je vous apporte la preuve qui est désormais sur vot’ bureau ? Il s’agirait d’agir rapidement, pour rassurer la population et faire aussi comprendre aux malfrats que leurs crimes ne resteront pas impunis bien longtemps. Je vous ai apporté le budget que j’avais évalué en janvier, si vous avez besoin d’une mémoire des chiffres.

Elle lui tendit l’un des dossiers qu’elle avait amené avec elle d’un air décidé, sans que son bras ne vacille.

— Vous pouvez poser tout cela ici.

D’un geste du menton il lui avait montré le bord du bureau et elle l’avait posé, non un regard teinté d’un certain regard dépité. Ses manières laissaient à désirer mais elle avait déjà eu tant à gérer avec Hadès qu’elle n’était plus à ça près.

— Mais toute renégociation ne sera pas nécessaire. J’ai tenu plusieurs réunions d’urgence aujourd'hui, et je me suis entretenu avec notre trésorier. Après discussion voici…

Il sortit une feuille de papier de l’un de ses dossiers pour lui tendre. Jessie la récupéra et commencer à observer le document avec attention, détaillant les postes, les sommes alloués et bien sûr... le montant total.

— ...la somme que nous allouerons à l’amélioration de notre police. Deux tiers seront sur le compte de votre service avant la fin de semaine, le reste avant la fin du mois. Il faut tout de même quelques démarches administratives à assurer. Cela vous convient-il ?

— C’est un début oui.

C’était un parfait début même. Sur le papier, elle était parvenue à avoir la somme qu’elle avait demandé, une centaine de dollars en plus même, pas assez pour faire la Rolls Royce des polices mais au moins de quoi engager quelques gars supplémentaires, leur allouer des formations et aussi des meilleurs équipements. Et quand l’argent viendrait à manquer, elle saurait se rappeler à son bon souvenir. Comme pour faire bonne mesure de ce qu’elle venait de lui et de confirmer, elle hocha la tête une fois d’un geste brusque et entendu avant de placer la feuille dans ses papiers.

— Vous saurez vous en contenter.

Il avait esquissé un léger sourire, cherchant sans doute à faire de l’humour... un humour qui n’était pas spécialement au goût de Jessie mais puisqu’il faisait un effort...

— Oui je ferai un effort pour ce soit le cas...

Elle lui avait souri à son tour, sans doute pas les sourires dont elle était capable quand elle était purement en joie, mais quelque chose qui restait poli et policé.

— Vous avez fait drôlement vite.

Ce n’était rien de plus qu’une constatation, mais une constatation tout de même. Pour quelqu’un qui avait commencé par un discours plutôt impuissant, il avait tout de même pris le taureau par les cornes très rapidement... trop rapidement ? De son côté, il s’en dédouanait, haussant les épaules, les paumes dirigées vers elle.

— Hélas, il n’y a pas de mystère : découpe budgétaire. Je ne fabrique pas encore l’argent, Shérif. Cela serait par ailleurs illégal. Le chantier de rénovation rue Avery attendra quelque temps encore, la sécurité ne le peut plus.

— Sans aucun doute.

Elle s’était mordu la langue pour éviter de lui dire le fond de sa pensée, que si elle l’avait écouté au mois de janvier, la rue Avery n’en serait peut-être pas là aujourd’hui mais l’heure n’était pas à la confrontation. Du moins pas à celle franche et violente que leurs deux caractères légèrement corsé pourraient avoir. Elle avait un sujet autrement plus délicat à aborder avec lui et pour cela elle se devait de le garder dans la meilleure des conditions. Après un moment de silence, elle rassembla ses dossiers, remettant au-dessus de la pile celui qui l’intéressait à présent. Elle avait préféré parler des fonds avant, tout simplement parce qu’elle ne voulait pas lui laisser l’opportunité de penser que ce qu’elle allait mettre sur le tapis à présent pouvait se révéler être un chantage juteux. Ce n’était nullement son attention de faire une chose aussi abjecte, elle n’était pas comme ça et espérait ne jamais devoir l’être. Les subventions qu’elle avait récupérées, elles les avaient récupérés honnêtement, par son dur labeur et sa verve, pas par un coup de Trafalgar et un pot de vin. Il n’en restait pas moins qu’elle souhaitait aborder ce sujet, qui lui tenait tout autant à cœur.

— Bien, je pense que nous avons fini sur ce sujet. Je ne pensais pas que ça irait aussi vite... mais je vous en suis reconnaissante. Auriez-vous encore quelques minutes à m’accorder, j’aimerai vous entretenir d’un autre sujet.

Il avait fait un geste de la main, l’invitant à poursuivre :

— Et bien, je vous écoute, Shérif.

— Bien... je voulais revenir sur les débuts de notre collaboration, où nous nous étions accordés mutuellement pour être sincères l’un envers l’autre, vous vous souvenez ?

— Bien évidemment, shérif. Vous souhaitez me confier quelque chose ?

— Oui, à vrai dire je voudrai reparler de l’affaire Child et je voudrai savoir pourquoi vous n’avez donc pas souhaité conserver notre accord à ce sujet ?

Elle l’observait intensément, le sondant autant qu’il pouvait le faire à son égard en cet instant. Il cilla, écarquillant les yeux, comme décontenancé, précisant alors :

— Toutes mes excuses, Miss James, mais je ne vois guère où vous voulez en venir. J'ai mis à votre disposition toutes les informations factuelles à ma disposition pour vous permettre d'identifier et d'emprisonner promptement l'effroyable individu ayant commis cette...ces menaces éprouvantes !

Ne se laissant pas démonter pour autant, elle sorti son calepin ainsi qu’une feuille dans le dossier contenant la déposition du maire et lui posa sous les yeux. Tout en lisant son carnet, elle pointait du doigts les phrases dont elle parlait sur la feuille pour qu’il suive en même temps qu’elle :

— Vous m’avez ici précisé que vous étiez en train de remonter la rue par hasard car vous aviez quelque chose à faire avec votre associé. Au volant de votre voiture, vous avez donc vu une licorne débouler dans votre champ de vision et, manquant de l’écraser, vous avez compris que quelque chose clochait chez les Child et vous vous êtes dirigés vers la maison pour apporter votre aide.

Elle prit un temps de pause pour sonder une nouvelle fois son regard avant de préciser avec calme :

— Je sais que cette explication est fausse. Vous n’avez jamais vu la licorne par hasard... ce qui me laisse supposer que vous n’étiez donc pas dans cette rue par hasard et que la raison qui vous poussez à y être était sans aucun doute de venir porter secours à Miss Child. Je déduis donc que vous m’avez menti... et donc que vous n’avez pas conservé notre accord. Cela n’a certes rien à voir avec votre rôle de maire bien que ça a tout avoir avec mon rôle de shérif. Je ne vous accuse pas non plus d’avoir quoi que ce soit à voir avec l’agresseur de Miss Child... je pense juste, qu’il a quelque chose que vous me cachez à ce sujet et j’en ai la preuve. Preuve que je n’ai pas consigné dans mon rapport et que je ne compte pas consigner car je crois comprendre ce qui se trame... et j’aimerai vous donner l’occasion d’être franc avec moi, puisqu’après tout... je suis franche avec vous.

Elle le fixait droit dans les yeux, sans aucune animosité, juste pour montrer le sérieux qu’elle mettait dans cette situation. De son côté, son visage était devenu parfaitement impassible, comme s’il se retenait de laisser paraître quoi que ce soit, ce qui le rendait d’autant plus suspect en soit. Il s’était figé, c’est qu’une partie d’elle avait raison et qu’une partie de lui voyait où elle venait en venir. Il réfléchissait.

— Miss James… Vous êtes visiblement une enquêtrice hors pair, et je connais les règles judiciaires. Pourrai-je savoir de nous parlons exactement ?

Il n’avait pas l’air hostile, son compliment n’était d’ailleurs pas tellement acide, il souhaitait juste qu’elle soit un peu plus directe, plutôt que de se trahir lui-même et elle allait bien sûr lui donner ce qu’il voulait. Calmement, elle sorti du dossier une photographie et la posa devant lui, la tournant dans son sens pour qu’il l’observe dans le meilleur angle. C’était l’une des photos réalisées par la police criminelle. Une photo pourtant anodine où l’on voyait l’entrée d’Alexis Child, saccagée et souillée d’une énorme mare de sang. Quelques traces de pas ensanglantés se devinaient en direction de la cuisine. Il n’y avait rien d’autre sur le cliché et pourtant tout était là.

— On reprend. Hier après-midi, vers 16h, Miss Child rentre chez elle avec son fils après avoir assisté à la chasse aux œufs que vous aviez organisé pour Pâques. Après y avoir passé quelques temps, elle rentre à pied et se diriger vers l’entrée de sa maison. Elle aperçoit alors la porte entrouverte et se méfie de quelque chose. En poussant la porte, un seau rempli de sang de porc lui tombe dessus, à elle et son fils qu’elle s’empresse de prendre dans les bras pour lui nettoyer le visage et notamment les yeux. Elle demande l’aide d’Elliot Sandman, parrain du garçon qui apparaît et repars avec le petit pendant qu’elle se charge du reste. C’est à ce moment que la licorne est sortie de la maison, comme pour poursuivre quelqu'un et que vous entrez en scène. Le seul problème... c’est qu’il n’y a aucune trace des sabots de la licorne dans la tache de sang. Elle est pourtant si grande que l’animal n’aurait pas pu la contourner. Vous avez d’ailleurs du vous-même y déposer un peu de votre semelle pour entrer dans la demeure.

Elle pointa du doigt un léger morceau d’empreinte qui figurait sur le cliché.

— Pourtant aucune trace de ses empreintes à elle. Si la licorne est sortie de la maison, elle est sortie bien plus tôt que vous ne nous l’avez dit... et donc vous n’avez pas pu être alerté par celle-ci.

Elle l’observa un instant avant de poursuivre :

— Alexis Child était en état de choc. Elle n’a laissé personne s’approcher d’elle. Moi-même j’ai tenu mes distances. Elle ne semble pas encline aux contacts physiques avec les étrangers et, de son propre aveu, elle a vécu cette expérience, comme un souillage profond, elle a qualifié cela d’un presque viol, ce qui la poussait à protéger son corps de toute intrusion malencontreuse. Pourtant... quand vous êtes venu l’aider de façon totalement inattendue... elle s’est jetée dans vos bras. Vous, l’étranger, la figure politique qu’elle ne connait que de vue et parce que vous avez été son voisin dans son enfance.

Elle lui lança un nouveau regard qui en disait long, sans pour autant juger l’homme qui se trouvait devant elle ou le témoignage de la jeune femme.

— Alexis Child me semble être une jeune femme courageuse. Elle n’a pas hésité à rester dans la demeure pour tenter de s’en occuper après avoir mis son fils en sécurité. Beaucoup auraient fui. Rares sont les personnes aussi courageuses. Et je pense qu’aucune personne saine d’esprit serait restée absolument seule. Elle se serait au moins assurée d’avoir un peu d’aide, un peu de soutien, vu la détresse psychologique dans laquelle elle était. Et de toutes les personnes encore disposées à l’aider... c’est vous qu’elle a choisi. Elle vous a appelé.

Toujours aussi patiente, elle sorti du dossier le journal du matin, sur lequel on voyait une photo du maire en plein discours dans le parc de Storybrooke. Le Daily Mirror titrait “Désastre de Pâques pour le Maire Dorian”. Elle lui montra une ligne qu’elle avait surligné et qui précisait que peu de temps avant le discours de clôture, le maire était parti suite à un appel téléphonique. Après un silence plus long où elle sonda son regard, elle précisa :

— C’est votre fils, n’est-ce pas ? Alexis Child et vous entretenez une relation. Il ne reste rien de la mairie d’Hadès... hormis le carton des actes de naissance. Il y avait un court message sur les boîtes... “Pour Isaac”. Le fils d’Alexis Child se prénomme Isaac, son parrain est Hadès et la personne, quelle qu’elle soit, qui a laissé ce mot à l’attention de votre mairie savait qu’au moins quelqu’un comprendrait. Vous. Permettez-moi le compliment, mais vous avez des yeux parfaitement singuliers m’sieur le maire. D’une couleur des plus étonnantes. Je n’ai jamais vu ça nulle part.… sauf peut-être dans le regard de ce petit bonhomme qu’Alexis Child m’a montré en photo... les mêmes yeux... c’est fou, non ? Les coïncidences... Et c’est donc pour tout cela que vous m’avez menti.

Elle regarda les différents documents étalés entre eux deux avant de préciser :

— Je comprends que vous l’ayez fait. Ce ne sont pas des choses qu’on veut ébruiter. Une relation adultère n’est jamais très bonne pour les élections ou les mariages. J’en sais quelque chose, mon mari de malédiction m’a trompé, lui aussi. Mais je pense que vous ne faites pas que de passer du bon temps ensemble... je pense qu’il y a quelque chose de plus profond. Vous tenez à elle, sinon vous n’auriez pas tout risqué de la sorte. C’était très serré de témoigner. Ce que vous faites de votre vie ne me regarde absolument pas. Et je n’ai absolument aucune intention de vous le faire payer, vous remarquerez que nous avons fini de parler du budget avant que je me mette à vous parler de ça. Je veux juste vous dire que vous auriez quand même du me le dire. Parce qu’en omettant des choses volontairement, vous risquez peut-être sans le vouloir de compromettre l’enquête... et d’éviter malgré vous que leur protection soit assurée. Si je vous en parle, c’est parce que nous nous sommes promis de la franchise alors je vous en fait part, parce que je compte bien vous réinterroger dès à présent pour être certaine que nous ne passons à côté de RIEN pour le bien d’Alexis Child et d’Isaac Child et parce que je veux vous prouver que vous pouvez avoir confiance en moi. Non pas que j’ai réellement besoin de votre confiance, mais je sais que je n’aurai jamais été votre choix en tant que Shérif et que vous êtes obligé de composer avec moi, tout comme je suis obligée de composer avec vous. J’adorerai pouvoir avoir l’impression que malgré cette obligation, je peux compter sur vous alors... je vous rends la pareille. Je vous l’ai dit. Je ne ferai pas apparaître cette preuve à mon rapport, je ne parlerai de ça à personne. Pas parce que je suis une vendue, pas parce que je veux un pot de vin ou vos faveurs et pas par pur plaisir de la dissimulation. Juste parce que ça n’apporte rien à l’histoire, ça n’aide pas à résoudre quoi que ce soit. Et que ça risque d’entacher 3 vies, dont celle d’un enfant innocent. Les enfants sont ma priorité. Ils l’ont toujours été. Il est hors de question que je fasse ça à Isaac Child. Je vous demande qu’une seule chose en échange, en dehors de cette nouvelle déposition qui ne sera consignée nulle part : faîtes nous enfin gagner du temps, cessez votre petite comédie et jouez carte sur table m’sieur le maire.

Un long silence s’était installé entre eux, un silence qu’il avait démarré au moment où elle s’était mise à parler pour lui. Pour une fois, malgré son amour de s’écouter parler, elle n’avait pas eu à l’intimité au silence, il s’y était muré seul. Il observait ce qu’elle lui montrait scrupuleusement avec une concentration accrue, sans rien ne laisser paraître, jusqu’à ce qu’un tic fît frémir sa mâchoire. Avait-elle touché un point de rupture ? Il donnait l’impression de blêmir, se reculant un peu cillant et déglutissant pour tenter de se donner une contenance. Le contrôle de lui-même dont il faisait preuve constamment semblait l’avoir quelque peu perdu, comme si ce qu’elle lui disait avait ouvertu une brèche vers l’inquiétude et l’incertitude, qu’elle retrouvait d’ailleurs dans son regard :

— Je… Vous… il ne vous… Vous avez to...

Il se figea subitement, comme s’il cherchait à trouver une légitimité à ce qu’il disait, comme s’il soupesait la nécessité de se battre. Ses lèvres se pincèrent et il les humecta nerveusement avant de virer complétement son angle d’attaque :

— Vous avez raison. Effectivement… Les choses... sont… Disons que le contexte entourant Miss Child et moi-même est effectivement plus complexe et foisonnant qu’on pourrait le croire. Quant à Isaac...

Il s’interrompit une nouvelle fois, baissant les yeux, un peu fuyant, et prit le courage de les relever :

— Comprenez Shérif que je ne comptais pas contrevenir à votre enquête. Mon intervention auprès de vos services n’avait vocation qu’à appuyer les dires d’Ale… Miss Child. Qu’importait la nature de notre relation, je voulais et tenais à rapport ce que j’avais vu et constaté chez elle, pour que sa déposition soit prise avec le plus grand sérieux et sa sécurité ainsi que celle de son… D’Isaac soit assurée. Je ne vous demande pas de comprendre la nature de ce qui peut bien nous...unir mais… Soyez assurée que Je n’ai voulu rompre non plus notre promesse de franchise, mais j’aurais souhaité qu’une limite puisse subsister quant à ma vie privée… Comprenez-vous ?

Plongeant ses yeux verts dans les siens, elle précisa avec le plus grand sérieux :

— Je vous l’ai dit. Votre relation ne m’intéresse pas et ne me regarde pas. La seule chose qui me regarde c’est l’enquête. Et je prends TOUJOURS mes affaires avec le plus grand sérieux afin d’assurer la meilleure sécurité. Votre vie privée est donc entièrement préservée. Maintenant il faut arrêter de me mentir et passer à table en revanche, pour que je puisse faire mon travail correctement. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Et qu’avez-vous réellement vu ?

Et il l’avait fait... si tant est qu’on considérait que cette fois, le maire ne mentait pas. Il mentait pourtant bien, c’était difficile de voir où s’arrêtait la frontière de la vérité. Après tout, que pouvait-elle attendre d’autre d’un homme politique à l’égo surdimensionné qui s’était lancé dans une relation extra-conjugale et la tenait au point d’avoir mis sa maîtresse enceinte. Elle avait tout de même noté que s’il n’avait eu aucun mal à qualifier sa relation avec Alexis Child une fois le masque tombé, il avait observé une certaine réserve quant à l’enfant, le nommant jamais comme son fils. Se pouvait-il que l’enfant ai été un accident ? Jessie ne l’espérait pas, elle ne souhaitait que le bonheur du petit garçon, comme tous les enfants du monde et en tant qu’ancien jouet, elle savait à quel point les parents absents pour une raison ou une autre pouvait causer du tort dans le développement d’un humain. Mais l’heure n’était pas à ce genre de confidence. Elle s’était contentée de noter consciencieusement dans son carnet la nouvelle déposition qui ne différait pas tellement de la première si ce n’était qu’il n’avait jamais vu de licorne poursuivre qui que ce soit. La licorne était partie bien avant, ce qui laissait supposer que le coupable était bien plus loin au moment où la police était intervenue que ce qu’elle avait pu penser initialement. Une fois les informations récupérées, elle hocha la tête d’un air entendu et se leva, en rangeant son carnet :

— Parfait ! Si vous n’avez rien de plus à dire, de mon côté j’en ai fini, je retourne au poste.

Elle rassembla les dossiers encore sur le bureau ainsi que la feuille du budget tandis que Dorian reprenait la parole :

— Je vous remercie… pour la discrétion dont vous avez fait preuve… et que vous me témoignez encore ainsi qu’à Miss Child. Je…j’avoue que je n’aurais pas dû vous mentir. Mais j’ai…eu peur des conséquences. La journée a quelque peu joué sur mes nerfs à bien des égards. Je vous présente mes excuses…

Il leva les mains paumes vers elle lui affirmant :

— Je ne vous mentirai plus…dorénavant Shérif. Même s’il sera plus facile de tout vous dire à présent… vous connaissez mon secret le moins avouable.

Il eut un rire un peu plus détendu bien toujours un peu gêné. Il semblait pourtant plus libéré à présent, comme si tout ça demeurait un poids sur ses épaules. Jessie ne comprenait pas pourquoi. La solution était pourtant simple. S’il entretenait une relation avec Child depuis si longtemps, pourquoi ne tout simplement pas divorcer ? Les hommes étaient encore un si grand mystère pour elle.

— Je vous remercie. Notre ville a la chance de vous avoir... Votre intégrité vous honore.

Il faut au moins que, pour le bien de cette ville, elle honore l’un de nous deux. La phrase lui avait brûlé les lèvres mais elle ne l’avait pas prononcé. Elle avait bien précisé ne pas vouloir s’immiscer dans sa relation, elle n’allait pas la juger à voix haute. Si elle avait su prouver qu’il pouvait avoir confiance en elle, la réciproque était toujours en attente. Elle se contenta d’hocher la tête sobrement avant de le saluer avec une poignée de main et se dirigea vers la sortie. Après un moment d’hésitation, elle se tourna une dernière fois vers lui :

— Je ne doute pas que vous êtes très bien entouré et elle aussi... mais j’ai toujours fait, dans cette vie et dans la précédente, du bien-être des enfants ma priorité. Si un jour votre... “secret” vous empêche d’être présent pour Miss Child et son fils et qu’elle a besoin d’aide avec le petit, n’hésitez pas. Bonne soirée m’sieur l’maire.

Sans laisser la conversation s’éterniser, elle avait ouvert la porte et s’était engouffrée dans le couloir en refermant derrière elle.

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________________________________________ 2023-11-09, 23:06 « If the crown should fit, then how can I refuse? »




Le lien



Ils s’étaient retrouvés. Enfin. Et...
Tout aurait pu se fracturer encore. Les séparer, alors que personne ne le souhaitait et que chacun recherchait l’autre. Elle avait refusé sa proposition, il lui avait laissé les clefs. Elle choisirait ou non de les utiliser, il comptait sur elle pour faire le choix le meilleur pour elle… Et espérait grandement que cela serait en sa faveur. Il avait feint de partir, était finalement resté, comme escompté. Il ne souhaitait pas la quitter. Non. Pas dans cet état de torpeur pareille à de la porcelaine.
Il avait frustré de l’entendre refuser sa proposition au profit de sa mère. Ne lui avait-il pas trouvé la situation idéale ? Un endroit où ils pouvaient se voir en totale sécurité, là où personne ne les verrait. Bien sûr, elle n’avait pas accès à toute la situation globale mafieuse permettant à Preminger de lui assurer avec une certitude sa sécurité… Mais, il s’était démené pour faciliter son arrivée. Et avait vécu son refus avec une dose de frustration. Comme un pas de côté face à leur réconciliation. Comme une volonté de ne pas céder encore trop vite. Elle avait avancé, des arguments pertinents aussi, qui n’avaient pas trait à eux non plus… Regina saurait la protéger. Erwin le savait. Elle se préoccuperait de leurs besoins et celui qui tenterait de s’en prendre à la famille de l’ancienne Méchante Reine se verrait rôti. Oui… Et même sur le plan émotionnel, Alexis était entre de bonnes mains. Mais… Regina était une bonne mère, elle saurait trouver les mots, mais ce n’était pas de sa mère, dont Enora avait besoin ce soir. C’était de Lui. Lui, qu’elle avait appelé dans l’heure pleine de la Panique. C’était à Lui qu’elle avait souhaité s’en remettre, c’était avec Lui qu’elle souhaitait panser ses plaies, quand bien même la difficulté en serait complète. Elle n’avait jamais rien désiré de plus que sa présence. Seulement sa présence. Sans rien d’autre. Il l’avait retrouvée. De manière impromptue. De manière involontaire même si ses mains n’étaient pas blanches d’innocence dans cette histoire. Mais l’avaient-elles jamais été ? Et devait-il s’en vouloir d’en tirer une certaine satisfaction ? Aussi horribles que pouvaient être les agissements de Crafty, et aussi profondément en colère et chargé de haine qu’il pouvait l’être à l’égard du délinquant, il restait néanmoins satisfait des faits ressortis de cette catastrophe. Elle était là, avec lui. Et puisqu’elle acceptait de rester... Il ne la laisserait pas. Il ne la laisserait plus…
Avec douceur il l’avait entraînée dans le canapé pour l’inciter à s’y asseoir à nouveau. S’y creusant une petite place, il l’avait incitée à se pelotonner contre lui, alors qu’il l’entourait de ses mains. Sa tête reposait sur son torse, doucement, et il lui avait caressé la cime de la tête, du bout des doigts, aussi légèrement qu’une caresse née du vent.
« Trésor. Mon doux trésor...»
Ils étaient restés ainsi. Posés. Ensemble. La chose n’avait pas dérivé vers un instant plus passionnel. Le moment n’était pas venu. Il viendrait… L’heure était aux plaies ouvertes que l’on tachait de refermer, aux blessures que l’on pansait, aux effrois que l’on apaisait. Attendre l’un contre l’autre, avec pour seule force, la chaleur petite mais puissante d’une épaule touchant l’autre, un sourire partagé et un silence complice. Ils se réparaient dans le silence et la présence. Ne la brusquait pas davantage. La forcer aurait contribué à détricoter ce qui s’arrangeait progressivement, dans le Temps et l’attente, la compréhension et l’aide. Parfois, ils avaient parlé, parfois non mais ils s’étaient écoutés.
Il lui avait servi un peu de vin, encore, et ils avaient ris encore à l’écoute d’une musique que la radio passait, commentant les paroles peu recherchés, dans une critique douce. Avaient parlé d’Isaac, de Regina, de Jérémie, d’eux aussi, avec une pudeur tranquille.
Et ce ne fut que lorsqu’elle s’absenta pour coucher Isaac, cherchée par Regina qu’Erwin sortit de cette léthargie douce et contemplative, reposant devant lui, le verre presque vide du vin rouge absorbé. Le Temps solitaire lui était compté et il devait s’arranger pour que celui-ci soit parfaitement mis à profit pour le plan qu’il ruminait dans ses moments de silence et qu’il lui tardait de mettre délectablement en œuvre.
Déjà son téléphone composait le numéro de l’interlocuteur qu’il désirait et la voix de Midas envahit bientôt les ondes.
« Elle va mieux ? »
« Elle essaye. »
Ils n’avaient pas besoin de la nommer, pour qu’elle flotte entre eux. Et l’intérêt était sincère. Midas appréciait Enora. Comme tout le monde, en définitive. Preminger ne connaissait que peu de monde vouant un mépris ou un désintérêt pour la jeune femme à l’exclusion d’Aloysius...et Crafty. Les deux avaient du faire les frais de sa capacité à fouiner. Lui aussi. Mais en définitive, s’en était bien plus que accommodé. Crafty, en revanche…
« Elle reste ? ».
« Je passe la nuit, avec elle, à l’appartement, oui.  ».
Ce n’était pas la question posée par Midas, mais il ne souhaitait pas aller dans le détail, ni admettre un regret. Au pire des cas, Midas le connaissait suffisamment pour déduire de sa tournure de phrase qu’une petite péripétie avait pu se dérouler.
De toute manière, il devait aller vite.
«  De ce fait, je ne me déplacerais pas, tu orchestreras le tout, à ma place. »
Il avait soupesé l’idée. Il ne quitterait pas Alexis dans cette étape pour festoyer sur une victoire au goût amer ou encore moins pour se hâter d’enserrer le cou de la vermine. Le Roi n’accourait pas pour nettoyer la saleté, il revenait à la saleté d’attendre qu’il daigna prendre soin de son cas, le tout dans une terreur maîtrisée. Il n’avait pas le Temps à accorder à celui-ci, préférait largement prolonger la soirée en compagnie de la jeune femme. Et puis, de toute manière, confier la finalisation des tâches relatives au fonctionnement de ses sbires à Midas n’était pas un acte anodin. L’orchestration était un art. Peu connaissait son visage, il ne conversait directement ou par l’intermédiaire de Midas qu’à ceux ayant gravi le sommet de l’échelle hiérarchique. Au-delà de ces rares exceptions, il conversait, dans l’obscurité, par interphone ou différents moyens interposés. Crafty se trouvait dans l’ignorance de son identité. Ce devait d’ailleurs, être l’un des plus grands rêves de ce colossal crasseux que de poser les yeux sur sa personne. Quelle douce ironie.
Cela pouvait même considérer une plaisante désillusion à l’égard de ce malotru.
- « Après tout, Crafty a fait un travail considérable, ce soir. Veille à l’en avertir qu’il va recevoir la juste récompense à la hauteur de ses initiatives… S’il n’est pas trop idiot, il devrait déjà se mettre à redouter un mécontentement conséquent. Lorsqu’il sortira de son entrevue, tu feras le nécessaire proprement. Je veux qu’il disparaisse de la surface aussi conséquemment que fut sa trace : misérable. Aucun esclandre. Un silence. Rien d’autre. Un silence est tellement plus significatif. Puis, il te reviendra d’informer sa bande que dorénavant, Donovan Renly prendra sa suite. »
C’était un choix astucieux. Il restait populaire dans les plus fortes têtes du clan Crafty et peut-être une partie de ses hommes avaient pu être monopolisés pour suivre à la trace Alexis. Mais, décimer tous ceux qui avaient pu y participer de près ou de loin, subitement aurait pu attirer les interrogations. Le seul moyen d’agir plus radicalement aurait été d’éliminer l’intégralité de la bande. Cela aurait été un vrai gâchis. Preminger préférait agir ainsi. Lorsqu’il les aurait tous identifiés, il pourrait les avoir, chacun, individuellement, de manières si diverses qu’ils ne s’en douteraient pas et ne feraient aucun lien. Et puis, loin de lui l’idée de tous s’en débarrasser. Ils restaient utiles à leur manière, Crafty ayant néanmoins bien formé ses troupes. Donovan possédait sa trempe sans en avoir les penchants nauséabonds. Il ferait l’affaire et satisferait le clan.
« Pour Crafty, veux-tu que je l’exécute ? Que je te le garde...ou... »
« Je veux que tu l’apportes à Camille. Je lui réserve un programme qu’il n’oubliera pas, jusqu’à son dernier souffle. Bien évidement, que mes hommes ne l’abîment pas trop sur le trajet… Mais qu’ils ne se privent pas de le railler. Après tout, n’est-ce pas un jour de liesse ?».
Sa voix roulait, telle de la soie, sous l’écho d’une douce menace, trahie par l’éclat démoniaque de son sourire d’acier. Outre le fait que Crafty arriva en vie, il laissait d’ores et déjà les membres les plus proches de sa bande s’amuser avec lui. Ensuite Camille ferait le reste, et le ferait excellemment bien. Il avait déjà su se révéler suffisamment habile et retords pour attirer l’attention de l’ancien ministre. Pour des ambitions nécessitant patience, cruauté et manipulation psychique, Camille saurait se montrer une aide de taille. Il allait souffrir. Souffrir là à chaque entaille créée. Chaque stress, chaque peur ancrée et survolée.
« Le Caméléon ? Faut que je le prévienne ou... »
- « Je vais m’en charger. De nombreuses tâches t’attendent, mon cher Midas et je tiens à m’assurer que tu sauras les accomplir parfaitement, sans trop te distraire en inutilité. »
Il avait ricané, pourtant sans réelle méchanceté davantage bercé par la voix de sa propre arrogance. Il faisait néanmoins confiance en Midas, suffisamment, pour savoir qu’il réussirait sans heurts. Placer de telles responsabilités dans les mains de Nick et Nack relevaient davantage d’une véritable profession de foi. Lorsque sa conversation avec l’ancien caniche s’était terminée, il avait guetté le Temps complémentaire que lui accordait sa montre et l’avait considéré faisable. Camille décrochait toujours promptement son téléphone et n’avait besoin d’aucun contexte. Une proie, un objectif lui suffisait ce qui faisait de lui un virtuose en la matière. Il serait vif, efficace, laconique. L’idéal pour un travail de cette envergure… Preminger songea à Crafty, s’interrogeant sur la manière dont ce pantin ventripotent aurait le culot de se présenter ce soir. Il devait exulter, certains d’avoir visé et éliminé une grande partie de ses objectifs…bouffi d’orgueil et de vengeance. Il croyait se voir récompensé. Il le serait. Oh, il le serait.
L’ordre distribué, la victime désignée, il raccrocha et pu même se payer le luxe de se pomponner… Il ne l’avait cependant pas fait… Si Enora avait accepté son offre, peut-être ne serait-elle pas en train de border Isaac mais simplement de lui donner le bain… Son imagination suivait aisément le tracé que cette scène pouvait donner. Isaac, chargé de mousse dans les cheveux, sa mère tentant de le rincer et riant aux éclats, alors que les mouvements de son fils venaient fixer dans ses cheveux ou la pointe de son nez, des morceaux de mousse voletant dans l’atmosphère.
Voilà le type de soirées, qu’ils auraient mérités. Mais les contours de cette vision ejoignaient les contours familiers du domicile d’Enora. Souillé par le sang. A présent, ils se voyaient presque chassés de leur demeure par un misérable petit cancrelat. Et la réparation des dégâts se poursuivrait sur quelques semaines…
Il fallait qu’elle accepta son offre de s’installer ici. Qu’importe qu’elle ne céda pas au départ, qu’elle prenne le Temps de se ressourcer chez sa mère… Mais cet appartement possédait un confort considérable. Et puis… Tout semblait aller mieux. Vers la guérison. Elle l’avait appelé, LUI. Indépendamment de toute fierté, de toute colère, de tout rejet, c’était de Lui, dont elle avait eu besoin. Pour cela, oui, il s’en gorgeait… Si elle avait refusé ce baiser précédément c’était dans la crainte de lui céder encore. Pleinement. Qu’à cela ne tienne, qu’elle prenne donc son Temps : elle lui reviendrait. Preuve en était : elle lui était revenue.

« Merci. Isaac a du trouver cela d’un exquis délice culinaire. Si même s’il ne l’a pas verbalisé. Tu exagères trésor, tes lasagnes sont délicieuses et mêlées au savoir faire de Regina, je crains que nous ayons dégotté l’apocalypse. Tu devrais te charger de prévenir Chronos le Ragnarok avant lui. Oh. Oui, oui… Bien sûr. Oui je t’embrasse, trésor. Salue donc Regina de ma part… Et Isaac, oui, bien évidement ».
La nuit était passée. La retrouver au matin, dans une simplicité débordante était d’une évidence. Il regrettait que cela leur ait pris tant de Temps. Le charnel avait eu être absent, l’intimité, elle, était bien présente et retrouvée. Peut-être était-ce pour cela, que malgré toutes ces atroces péripéties, il avait passé une nuit délicieuse et il lui avait semblé que pour elle, la même chose s’était produite. Il avait prolongé le plus possible le moment de la séparation…
Le reste de la journée était passé, loin de la torpeur. La mairie avait travaillé dur pour améliorer les choses, solutionner, réfléchir… Il fallait redorer l’image du Maire, de la Mairie, rassurer les habitants, prendre les mesures d’urgence, tant au point de vue civil et sécuritaire. Preminger ressortait, d’ailleurs, d’une entrevue quelque peu surprenante qu’il avait eu avec la Shérif, Jessie James et n’avait qu’une envie, laisse libre court à son imagination au détriment de ce misérable nuisible qui avait causé l’ensemble de cette situation saugrenue.
Elle SAVAIT. Jamais ô grand jamais, n’aurait-il parié cela. La faute à ce satané Hadès et ce malotru de Crafty… Voilà qui causait des situations embarrassantes. Bien sûr, CERTES, le mensonge inventé à cause de Pétunia n’avait pas arrangé la situation mais… Voilà ce qui causait les embarras. Si Hadès n’avait pas souhaité saboter sa mairie… S’il n’avait pas laissé une note en faveur de son filleul… Si Crafty n’avait pas mis en danger lavie d’Alexis… Les secrets aussi dangereux en seraient restés. Ils n’auraient pas eu besoin d’inventer un mensonge rapidement pour protéger leur secret… Peste !
Cependant… Jessie James s’était révélée...juste et honnête. Et un autre que Preminger en aurait été touchée. Lui s’en trouvait...satisfait et rassuré. Oui. La shérif était une personne bien. Même sûrement au-delà de la moyenne des habitants de Storybrooke. Certaines personnes auraient gardé l’information pour eux, la soupesant ou ne dissimulant pas leur aversion pour la situation. D’autres l’aurait fait chanter ou l’aurait vendu à la presse.
Elle, elle était honnête, et suffisamment intègre pour ne pas tenter une quelconque manœuvre à son intention. Et pourtant,elle tenait là une information capable de le discréditer aux yeux d’un bon nombre de ses concitoyens et de faire exploser une partie de ses sacrifices et ne portait pourtant pas dans son coeur, initialement. Oui, Jessie James pouvait décemment penser qu’elle tenait là son image public entre ses mains. Pourtant, il n’avait lu aucun jugement dans ses yeux intransigeants. Elle était demeurée neutre et droite. Fiable. Elle n’approuvait pas. Mais avait su garder ses opinions personnelles au vestiaire. Si une information aussi capitale était révélée, qu’elle en soit, finalement, la seule détentrice de ce secret était sûrement la meilleure des choses. Il n’aurait même pas besoin de l’intimider ou de la faire taire, elle n’avait aucune volonté de libérer la vérité.
Et, il ne devait même pas cela à la force de sa persuasion, mais au seul tempérament de la jeune shérif. Elle ne portait pas des coups par opportunisme, elle ne jugeait pas son prochain. Elle était plus qu’habité par de bons principes, elle les appliquait quotidiennement. N’avait-il pas songé qu’elle était incorruptible ? Cela terminait de le montrer. Elle suivait sa route et la justice.
Pourtant, Preminger le savait : Miss James ne lui offrait que très peu de confiance et cette révélation n’avait sûrement pas aidé. Cependant, le contexte l’avait servi : il s’était précipité chez Alexis, légitimant ainsi cette liaison et la sincérité de la relation qui l’unissait à la jeune femme. Cela avait forcément tempéré le ternissement de son image. Il était un homme infidèle, mais un homme sincère attaché à sa compagne et à l’enfant qu’il avait eu avec elle. Il était menteur, certes, mais cela consistait en un mensonge « classique », basique, loin de la criminalité à laquelle il s’adonnait. Si il feignait de lui ouvrir sa porte, si il acceptait de travailler de concert avec elle, il pouvait endormir ses soupçons. Et tirer profit de ses qualités. Ils pouvaient faire du bon travail et il appréciait sincèrement sa discrétion. Elle pouvait être une alliée. Et il aurait fallu être sot pour ne pas en tirer partie… N’avait-elle pas, elle-même proposé son aide dans cette situation délicate ? Elle ne lui devait rien pourtant… Il aurait pu s’interroger de cette proposition et pourtant… Il la sentait sincère et se surprenait à y l’envisager. Même si rien d’aussi catastrophique et terrifiant n’attendrait jamais son fils.
Crafty était hors d’état de nuire et Crafty l’attendait… N’allait-il pas là expier toute ses frustrations nées de ces récents événements ? Oh, si… Et d’une bien plaisante manière. Le téléphone rangé, il poussa la porte de l’impressionnante pharmacie, s’éclipsa dans le vestibule, puis descendit le couloir bétonné derrière la porte dissimulée sous l’épais rideau. Qui soupçonnerait seulement quelque chose ? L’endroit était connu. Le lieu parfaitement surveillé, qu’il puisse constitué l’un des points d’entrée dans des lieux secrets demeuraient rarement soupçonnable. A la fin de l’escalier, la lumière artificielle s’arrêtait, laissant place à quelques dédales éclairés à la bougie. Preminger avait souhaité cette esthétique, proche des cachots de son époque. Cela possédait aussi l’avantage de la surprise. Ses membres étaient alertes et aguerris à circuler dans ces corridors. Le moindre recoin, le moindre passage était connu. Pour l’inconnu qui s’y glisserait, lourde pouvait être la difficulté. Mais personne n’était encore venu s’y aventurer. Il tourna à droite, distinguant une toux non loin de là, remplie de crachats. Il pouvait en deviner la voix rocailleuse et désagréable à qui elle appartenait.
Le long corridor menait à une unique cellule où les bruits se répercutaient, rebondissants sur les parois creusées dans la pierre. Encore à l’orée du couloir, il entendit le cancrelat traqué s’agiter, subitement éveillé à l’arrivée prochaine d’un visiteur. Il avait demandé à Camillo de l’attendre à l’entrée et savait que ce dernier ne le rejoindrait que passé un certain Temps.
Ce fut en partie la raison pour laquelle il ne chercha même pas à camoufler le bruit de ses pas, préférant laisser ses talons claquer sur la pierre brute sur les quelques mètres le séparant du lieu. Il ne lui était nullement utile de s’approcher davantage ; la lanterne branlante illuminait déjà le captif pour ses éventuels visiteurs, en le maintenant en permanence dans une clarté dérangeante. La manière dont la lumière avait été positionnée renforçait à l’inverse la pénombre dans laquelle Preminger se trouvait. Il aurait pu franchir encore quelques pas, pour se positionner en dessous du faisceau lumineux. Il préféra s’arrêter, précédemment, laissant les ténèbres l’envelopper. Sa voix pouvait le trahir, mais Crafty n’était pas homme à noter les timbres de voix. Et puis, dans de telles circonstances, Preminger se faisait un plaisir de laisser sa voix prendre de l’importance et s’exprimer.
Alors qu’il s’arrêtait, Crafty se mis debout, son corps volumineux semblant soudainement grotesque, porté par des jambes flageolantes. Même s’il avait vraisemblablement tenté de se rendre présentable, son attitude le trahissait. Il ouvrit la bouche, hésitant sûrement pour l’une des premières fois de sa vie, transpirant l’effroi. Misérable… Erwin se souvenait du jour où il avait été arrêté par la police, les caméras en avaient capturé la suffisance, lorsqu’il s’était laissé mettre les menottes, éructant assuré de sa sortie… A présent, ses yeux ronds sondaient l’obscurité, la peur chevillée au corps. Ce n’était qu’au moins, tout ce qu’il lui souhaitait…
« Qui…va... » même sa demande formulée comme un ordre au commencement, mouru dans la gorge de son porteur.
Crafty n’était pas en possession d’ordonner ni même de discuter. Et il le savait. En prenait conscience à chaque seconde supplémentaire pulsant son corps.
Preminger l’avait observé un instant supplémentaire, se nourrissant de la haine dédaigneuse qui s’écoulait de lui… Il n’avait même pas besoin de l’imaginer retraçant ses menaces vulgaires au sein de la maison d’Enora, sa face rubiconde le faisait pour lui… Misérable petite vermine. Il le tenait. Il manquait de s’adonner à un rire de triomphe. Cela était après tout la seule attitude qui allait de soi, il ne lui devait rien : ni colère, ni explication, ni compassion. Si bien qu’une exécution rapide aurait été aussi brève et nette que la limite qu’il avait impunément franchie. Mais… Preminger était aussi un individu fantasque et...en l’occurrence rancunier dans cette affaire. Crafty avait choisi de s’amuser ? Alors il allait s’amuser d’une manière parfaite… Et la souillure qu’il avait infligée disparaîtrait, il le payerait maintes fois de son sang.Il n’était guère violent, mais la simple vision de son visage grossier lui donnait l’envie d’enserrer son cou de ses griffes.
« N’est-ce pas vous qui vous faisiez appeler...Comment était-ce déjà ? Ah oui, le Molosse des Docks ?
Sa voix s’était glissée susurrante entre les barreaux, venant trouver la victime qu’il cherchait. Un molosse, un chien dans s version la plus simplette et la plus agressivement agaçante. Mais il s’essayait lorsque son Maître lui intimait le silence.
Oui c’était…
— « Un surnom navrant et minable, oui, ne vous donnez pas la peine de me le dire. A votre image. Mais qui avait su se répandre de manière significative, assez brute pour des tâches ingrates, n’ayant pas peur de se salir les mains, ayant du cran, assez pragmatique aussi pour mener une petite bande à la réussite. Assez loyal pour que je prenne la peine de le sortir de prison. Vous savez, très cher, je sais que vous avez toujours eu l’ambition de me témoigner votre reconnaissance pour ma...générosité. »
C’était une pièce qu’il lui lançait et comme attendu, Crafty s’était jeté dessus avec l’énergie du désespoir et l’orgueil stupide de se croire indispensable… Cette loque pensait peut-être parvenir à lui être essentiel… Erwin songea à quel point, il avait du tramer avec une satisfaction répugnante la mise en place de son stratagème sanglant.
— « Je vous suis très reconnaissant, Monsieur. Infiniment. Et loyal. Très loyal. Vous pouvez me demander n’importe quoi. J’vous jure. Je voulais vous témoigner ma reconnaissance… Vraiment je suis… »
Sa main, baguée avait surgit de l’obscurité et Crafty s’était tu. Ce silence, Preminger l’avait prolongé encore, avant de reprendre.
— « Pourtant… J’attendais une tâche très particulière. Un détail lorsque l’on offre si généreusement une seconde chance aussi opportunément… Je vous ai demandé d’avancer sans votre rancune… Formellement précisé qu’aucune vengeance ne devait être réalisée…
— « Oui...Je… Je l’ai fait. Je ne me suis pas vengé, directement. Vous m’aviez laissé carte blanche aujourd'hui, c’était..l’occasion rêvée de me venger de cette catin’.
Le sang avait pulsé dans les veines d’Erwin. Déjà il répliquait :
- « AVEZ-VOUS » il baissa le ton qu’il avait involontairement monté pour couvrir l’insulte … L’entendre insulter Enora, son trésor, l’avait ramené à l’état de désespoir dans lequel il avait trouvé Alexis, sa panique au téléphone, la manière dont elle s’était jetée sur lui, le sang qui la maculait de la tête aux pieds. Il l’avait rabaissée… Il songea à la petite promenade destructrice qu'avait fait le bandit dans la chambre de la jeune femme. Dans LEUR chambre… Inspira. « Avez-vous ne serait-ce pu croire que parce que je vous avais laissé carte blanche, je vous incitais à tirer votre revanche sur...les détestables individus qui vous avaient conduit au bas-fond ? Ou saviez-vous que je désapprouverai et que vous vous rendiez coupable d’insubordination sans aucun égard ? Ou m’imaginiez vous seulement assez stupide pour ne pas faire le lien ? Quel gâchis déplorable… Savez-vous ce que vous êtes ? Une misérable et visqueuse petite brute… Rien d’autre. Vous étiez voué à finir en prison… Dénoncé par Miss Child ou non…Comment pourriez-vous espérer que je vous donne une autre chance ? Et quand bien même je pourrais comprendre le geste, je ne pourrais vous pardonner ni même vous offrir une seconde chance.
« Donnez-moi une chance...je vous en prie… » Il était tombé à genoux, ses jambes rejoignant la terre poussiéreuse et sale qu’il n’aurait jamais du quitter, maculant davantage le costume soigné qu’il avait revêtu pour l’événement.
N’avait-il donc rien écouté ? Ne venait-il pas de lui dire qu’il n’en n’aurait pas ? Et pourtant, Preminger l’avait prévu, ce sursaut d’espoir chez ce simple d’esprit. L’avait même incité. Cette nuance d’espoir que l’on faisait naître avant de briser davantage ce qui restait d’âme et de consistance. Il voulait voir cette descente, cet effroi lorsqu’il comprendrait qu’il n’obtiendrait aucune issue…
A même la terre, le prisonnier poursuivait, la voix vacillante :
« Je lui avais promis vengeance. Je le devais, pour mes hommes, pour moi, pour votre entreprise... Je pensais...que vous l’accepteriez...que la vengeance que j’infligerai à cette catin vous serait douce... »
«  Qu’ai-je à faire de la petite dénonciation de cette jeune femme ?  Elle m’a coûté trois hommes. Mon monde est si étendu… « Le revers d’épaule terminant ses propos, achevait d’en témoigner. « Ma seule tâche consistait à vérifier qu’elle ne remonterait pas jusqu’à moi. La vôtre était de profiter de votre seconde chance, vous l’avez sabotée de la plus sotte des manières… Et pire, que cela, vous m’avez déplu. Ne me dites pas que vous l’avez fait pour vos hommes, pour moi, par loyauté ou par souci de votre promesse, que vaut votre parole, très cher ? Vous l’avez fait pour vous… Uniquement. Parce que vous n’avez pas su dominer vos instincts… Et pourtant, vous sembliez en effet songer à recueillir mon approbation. Vous avez payé cher ce costume pour le voir se vautrer dans la terre, la poussière et le sang. »
Crafty avait sursauté, nerveusement, à l’emploi de ce mot et à juste titre : il ne portait encore aucune trace de sang. Cela viendrait. A chaque insulte rajoutée, il alourdissait sa dette.
« Je…Je ferais tout pour me racheter… Monsieur. Je ferais TOUT.  »
Il avait serré l’un des barreaux de sa prison, levant la ter ses yeux ronds larmoyants de larme dans les ténèbres, là où il devait supposer que se trouvait ses yeux. Il suppliait déjà. Et supplirait encore plus, une fois le châtiment posé.
« Je sais que vous le feriez. » assena-t-il sèchement. Cependant, il conserva dans le ton, dans l’intonation, une possibilité « Je peux aussi concevoir votre envie de vengeance, et votre orgueil. La colère que vous avez éprouvé. Votre envie de mettre cette fille plus bas que terre. Après tout, selon vous elle vous avez manqué de respect. »
Crafty était incapable d’entendre les subtilités de langage, il y avait vu une capacité de faire valoir son point de vue et y fondit .
« C’est une garce. » avait-il asséné, la gorge rauque, persuadé d’avoir trouvé une porte de sortie, de quoi le convaincre.
Et à la différence des fois précédentes, Preminger ne l’interrompit pas, il avait crispé ses machoires, serré les dents... Qu’il vienne donc. Persuadé de pouvoir le convaincre… Avide de colère et de vengeance. Crafty ne regrettait rien, il le voyait encore, ses mots choisis, outre d’une extraction basse et d’une éducation bâclée, témoignait de sa rage foudroyante. Chaque mot, chaque acte était une attaque portée. Il avait savouré sa vengeance, à n’en pas douter. Apprécié chaque partie misérable, chaque carnage et chaque stigmate laissé derrière lui. Qu’il crache donc sa haine et s’en repaisse donc un peu, bientôt sa vie prendrait un tournant si cauchemardesque...
« Elle et ce connard de Dorian m’ont vendu. » Le coin de la bouche d’Erwin avait frémi « Une gosse de riche, petite pourrie gâtée que la vie n’a pas blessée comme il se doit… Elle fait du strip-tease, fourre son nez là où il faut pas, pour les sensations, traîner avec la vermine ou faire le tapin ça lui fourre le petit frisson sans s’soucier des conséquences, elle en a pas elle est pleine aux as, elle marche sur nous comme des moins que rien, car il lui arrivera rien. Et bien qu’il lui arrive quelque chose ! Qu’elle aille se faire foutre. Elle et ses semblables ! Elle et Dorian. Ce richard de Môsieur le Maire. C’connard guidé, bourré de principes et de préjugés, cet abruti impuissant de fils à papa, persuadé de détenir un peu de pouvoir : Qu’il s’étouffe avec sa bien-pensance. Qu’ils crèvent. Ces gens là méritent ce qu’ils ont. »
Un éclat de rire aigre avait finalement stoppé le cancrelat dans son petit speech. Preminger avait laissé un bref moment, son rire se prolonger, rebondir, envelopper sa victime, puis avait annoncé dans une voix suave
« Oh Crafty vous êtes hilarant… Vous n’avez toujours pas compris ? Le vrai pouvoir n’est ni aux riches, ni aux pauvres, il est à MOI. » Une dose de gloutonnerie s’était infectée dans sa voie, alors qu’il poursuivait « Je suis le Pouvoir. Et je suis…. Erwin Dorian. Voyez ? » Il s’était avancé dans la lumière poursuivant sa petite litanie, les yeux diaboliques, dégustant l’appréhension sidérée qui se peignit sur le visage de son larbin « Je suis l’Alpha et l’Oméga de cette ville. Sa face luisante et sa moralité, tout comme ses bas-fonds… Je suis la Justice et la Criminalité. »
Crafty avait cherché à se relever, avait trébuché, suffisamment pour que Preminger puisse saisir un pan de sa chemise et d’amener son visage contre les barreaux. Aussi fort que pouvait être Crafty, la peur, l’angoisse, la faim l’empêchaient de tenter quoique ce soit. Et Preminger avait toujours eu une certaine force dans les mains..
«  Et le pire, très cher… » sussurra-t-il en s’approchant doucement sur un ton de confidence. « C’est que vous n’allez pas mourir pour cela, non. Non. Vous allez mourir pour les actes commis à l’encontre de Miss Child. »
« Mis…
k]] «  Voyez-vous… les tragiques circonstances de votre emprisonnement nous ont quelque peu...rapprochés. Gardez pour vous cette confidence voulez-vous? »[/b] gloussa-t-il, méchamment mais ses yeux restaient en mouvement, « Ce n’est guère pour rien que je vous ai ordonné de ne plus vous en soucier. Parce qu’elle est à moi. Je ne tolérerai pas que vous portiez la moindre parcelle de votre personne ou de vos idées sur elle. Elle ne mérite pas d’être souillée, encore moins par vous. Même si oui, je ne l’ai pas immunisée, ce soir. Que voulez-vous, le jeu était fait ainsi, pour brouiller les cartes, il faut prendre des risques... Mais elle ne craignait rien pour sa vie. Jusqu’à ce que vous entriez dans la balance » son sourire s’accentua et ses yeux flambèrent. « Vous l’avez humiliée, souillée, effrayée, tâchée de ce sang visqueux et vulgaire…
Pour tout cela, vous serez châtié. Je graverai chaque peur infligée, chaque mot, chaque bravade, chaque sous-entendu écoeurant, chaque mesquinerie, dans votre chair. A vif, bien entendu. Et, comme vous le devinez, je suis d’une redoutable inventivité à ce sujet… »

Il ne restait plus qu’à le lâcher. Pour autant, il l’avait attiré avec une vigueur mauvaise, claquant son visage sur la barre de fer, dans un ricanement cruel avant de le relâcher en arrière. Crafty avait gémi dans la douleur avant de s’affaisser comme une marionnette molle dans la terre… Il crachota un peu, colorant le sol d’un liquide chaud. Le premier... Comme la flaque qu'il avait répandu...
« Ne vous l’avais-je pas dit ? La terre, la poussière et le sang… Voilà tout ce qu’il vous attendra... »
Il tournait les talons, s’engouffrait presque dans l’obscurité lorsqu’il l’entendit. La supplication. Il pivota alors, le clair obscur de la pièce s’inscrivant sur son visage sculpté.
« Pitié, épargnez ma vie... » pleurnichait Crafty, rendu à l’état de larve.
« Oh...très cher… Lorsque l’on vous aura dorloté de toutes les sévices adéquats à votre personne, croyez moi, vous me supplierez de vous achever. En attendant, préparez-vous… votre nuit sera longue et elle portera le visage de celle que vous avez osé humilier... Et même la mort ne vous semblera pas douce. »

FIN

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