« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
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Rage is a quiet thing Ooh, you think that you've tamed it
But it's just lying in wait Rage, is it in our veins?
| Conte : Vaiana, la légende du bout du monde | Dans le monde des contes, je suis : : Vava, la fille du chef qui n'est pas une princesse même si elle chante et a des animaux de compagnie
I want to touch the northern lights. We could leave the world behind...
▼۞▼
C'est quand on commence à discuter avec son poulet qu'on réalise que rien ne va plus. Depuis Forsyth, les mois avaient passé mais rien ne s'était véritablement amélioré dans mon existence. Je vivais au jour le jour et passai la majeure partie de mon temps avec Hei Hei. Sa compagnie était bien plus agréable que celle de la majorité des gens.
J'avais décidé de faire un trait sur les relations humaines. Avais-je vraiment besoin de me faire des amis, de vivre en communauté ? J'avais l'impression de toujours tout gâcher et j'ignorais comment faire autrement. C'était trop compliqué. Certains se débrouillent très bien en étant tout seuls. J'avais décidé de prendre cette minorité en exemple. Hei Hei était le seul être vivant qui ne m'ait jamais lâché. Bon, je n'étais pas certaine qu'il sache que j'existais -peut-être qu'il ignorait que lui-même existait- mais quand je le prenais contre moi, ses spasmes habituels finissaient par se calmer. J'en avais conclu que je parvenais à lui faire du bien, et par sa présence, il m'en faisait également. Que demander de plus ?
J'avais fini par reprendre le travail, tout en gardant mes distances avec Hermès. Mon moral était loin d'aller mieux mais au moins, ça n'empirait pas. Bien souvent, je me figurais marcher sur une sorte de corde raide. Rien ne pouvait s'améliorer, mais rien ne pouvait être pire non plus. J'ignorais ce qu'était le bonheur. J'étais plongée dans une sorte d'engourdissement, sensation renforcée par les psychotropes que je consommais régulièrement. Je m'étais confortablement installée dans une bulle antisismique.
Ce jour-là, je promenais Hei Hei quand j'aperçus Hypérion à travers la vitrine de la librairie d'Alexis. Même plongée dans cet état proche de l'apathie, je perçus une pointe d'exaltation m'envahir peu à peu. Peut-être était-ce le moment de lui poser les questions concernant les Explorateurs, ma famille ? Quelles étaient-elles, déjà ? Je peinais à m'en rappeler. Oh, cela allait sûrement me revenir.
Tenant Hei Hei contre moi, je poussai la porte de la librairie. La sonnette tinta. Je grimaçai et le poulet dans mes bras tendit le cou, en alerte. Je lui caressai les plumes pour le détendre. Alexis se trouvait non loin. Personne d'autre.
"Wouaho. Les affaires vont mal on dirait." lançai-je sans réfléchir. "Mais pas de panique, Hypérion va acheter tout ton stock !"
Je lançai un petit air plein de défi au titan, avant de me mordre les lèvres. Je n'étais pas douée pour entamer la conversation, c'était clair. Je jetai un coup d'oeil à Alexis puis ajoutai :
"Désolée pour Hei Hei, je me voyais pas le laisser dehors. Il pourrait se paumer."
Le poulet émit un piaillement d'approbation. D'une certaine manière, j'étais persuadée qu'il comprenait quand je parlais de lui. Je lui grattouillai la tête, ouvris la bouche pour prononcer une autre absurdité, quand je sentis mon pouvoir enfler en moi.
"Oh non, non..."
C'était brutal et inattendu. Comment cela était-ce possible alors que j'avais pris ce qu'il fallait pour que ça n'arrive pas ?
Je chancelai et collai Hei Hei dans les bras d'Hypérion. Après quoi, je tentai de me diriger vers la porte. Hors de question de faire sauter la librairie. Chaque pas me semblait insurmontable. Mes jambes étaient lourdes, bien trop lourdes... Je n'avais pas bougé d'un millimètre.
Les yeux écarquillés, je lançai un appel au secours muet à Hypérion. Qu'il fasse quelque chose ! N'importe quoi ! La douleur à ma poitrine devenait si intense que je ne parvenais plus à prononcer un seul son. Une fournaise couvait à l'intérieur. Soudain, je sentis une main gigantesque, invisible, s'engouffrer sous ma peau, presser mon coeur et m'entraîner violemment en avant.
Le temps d'un battement de cils, je me trouvai debout dans un parc. Haletante, je battis des paupières. Mes jambes tremblaient. La douleur au niveau de ma cage thoracique se dissipait peu à peu, difficilement. D'un air hagard, j'observai Hypérion et Alexis. Ils se tenaient debout près de moi, et à en juger par leur expression anxieuse, ils venaient de subir exactement la même chose.
"Qu'est-ce... qu'est-ce qui s'passe ?" balbutiai-je.
Qu'avais-je fait, encore ? Nous nous trouvions près d'un arbre sous lequel était placé un banc en bois. Le parc était bien entretenu, avec des fleurs d'hiver ça et là. Au loin se devinaient les reliefs d'une ville bizarre, dont les toits rappelaient les tourelles des cathédrales.
"Je nous ai... téléportés ?"
Etais-je capable de faire ça ? Je clignai des yeux en direction de Hypérion. Puis soudain, une brusque angoisse terrassa toutes les autres questions.
"OU EST HEI HEI ?"
Le titan ne l'avait plus dans ses bras ! Je cherchai de tous côtés au niveau du sol et me sentis rassurée en le voyant zigzaguer vers une sorte de blaireau. Au moment où il voulut picorer son museau, le mammifère sursauta et alla se réfugier dans les bras d'une femme. Chelou.
"Excusez-le." dis-je tout en récupérant mon poulet. "Il ne connaît pas les bonnes manières."
Inexplicablement, la femme au blaireau poussa un cri strident et s'éloigna en courant. Avait-elle peur des coqs ?
A cet instant seulement, je m'intéressai au gens présents dans le parc. Ils nous observaient avec un mélange d'effroi et de stupeur. Tous étaient figés dans leur élan, comme si notre arrivée les avaient perturbés au plus haut point. Un autre détail me dérouta : chacun d'eux était accompagné d'un animal différent, qui nous fixaient avec la même intensité. Creepy.
"A votre avis, on est dans un parc animalier d'un nouveau genre ?" demandai-je à voix basse à Alexis et Hypérion.
J'avais l'impression d'être à la fois jugée et épiée par eux. C'était désagréable au possible. Peut-être étaient-ils mécontents de nous voir débarquer de nulle part sans que l'on ait payé l'entrée au parc ? Cependant, le regard insistant de tous les animaux n'était pas normal. D'ailleurs, certains commencèrent à se nicher dans le cou de leurs "maîtres" (très étrange de voir un renard s'enrouler autour de la nuque d'un quarantenaire, ou une tortue se cacher lentement derrière les jambes d'une femme) tandis que l'angoisse devenait d'autant plus palpable parmi les humains. Est-ce que nous leur faisions... peur ?
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Anatole Cassini
« Maîïîtreuuuh !!! »
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« Il existe 175.000
espèces de papillons... »
« Le papillon ne compte pas
les mois, mais les moments.
Ce qui lui confère suffisamment
de Temps pour vivre, ressentir, aimer. »
| Conte : ➹ Intrigue Divine | Dans le monde des contes, je suis : : ✲ Le Titan Hyperion, un papillon étoilé.
Je sentais dans son regard qu'elle était déçu. Je pouvais la comprendre. Les choses n'allaient pas toujours dans le sens que l'on souhaitait. Il fallait faire avec, et ce n'était pas toujours facile d'encaisser. Ces derniers mois, on avait beaucoup perdu. Des amis, des batailles. La vie s'était un temps soit peu compliquée. Atlas avait reporté son voyage, car il n'était pas très prudent dans l'immédiat de laisser la Cité et ce monde sans défense. On devait se montrer plus fort, et bien plus présent que d'ordinaire. Les Titans devaient prendre part à chaque conflits auquel nos amis étaient opposés.
Après que Hera, Vaiana, Hermès et Nora étaient rentrés de Forsyth, Thémis avait pris la décision de régler définitivement le soucis des inhibiteurs. Elle s'était rendu jusqu'à la Maison Blanche, dans le bureau de celui qui représentait l'Autorité chez les humains de ce monde. Du moins, pour une partie des habitants de cette planète. Comme elle nous l'avait raconté à Atlas et à moi même, il avait semblé enclin à accepter toutes ses requêtes. Elle savait se montrer convaincante. Pour ce qui était des divers appareils qu'ils possédaient, capable de contrôler les dieux, elle n'avait pas tenté de négocier. Sa décision avait été immédiate, sans appel. Tout ce que contenait la zone 51, la partie concernant nos enfants, disparu dans le néant. Elle s'était chargé de veiller à ce qu'il ne reste plus la moindre trace d'inhibiteurs où que ce soit dans ce lieu.
Sur le moment, ils n'avaient rien dit, acceptant la situation. Mais on se doutait que tôt ou tard, ils agiraient. Quoi qu'il en soit, ils ne pourront pas nier qu'on les a prévenus. Ce ne sont plus des dieux qui s'opposeront à eux, mais des Titans. Et comme l'avait si bien fait remarquer Atlas, même si cette solution ne nous convenait pas, si ils se montraient agressifs, ils perdraient leur domination sur ce monde et débuterait un nouveau règne.
Quant à Nora, je ne pouvais pas plaider en sa faveur. Ce qu'elle me demandait, n'était pas prudent. Il y avait certaines choses qui devaient rester chez les Titans, et uniquement chez nous. Sur le moment, cela m'avait peiné de devoir lui dire non. Elle était partie, sans montrer sa tristesse et sa déception. Je l'avais déçu. Mais c'était parfois le rôle des parents, n'est ce pas ? J'en avais parlé à Atlas quelques heures après, et il m'avait confié être du même avis que moi. Ce qu'elle souhaitait était au delà de ce qu'on pouvait lui permettre.
« Tu lui as parlé ? » me demanda t'il avant de partir.
Voyant que je ne lui répondais pas, Atlas s'en était allé. Il connaissait la réponse. On la connaissait tous les trois. Mais cet après midi, j'avais pris une décision. Celle de me rendre jusqu'à la boutique que tenait Alexis, et lui proposer de passer un petit moment ensemble un peu plus tard dans la journée, ou dans les jours à venir, afin de discuter. Je n'avais juste pas prévu ce qui était arrivé. Vaiana. Elle était entrée. Elle avait entamée la discussion. Elle me cherchait.
Son pouvoir s'était déclenché sans la moindre raison. Je n'avais pas eu le temps d'agir, sentant quelque chose m'agripper. C'était une sensation étrange. Comme si une main invisible s'engouffrait sous mes vêtements, sous ma chair, et qu'elle tentait de m'attirer à elle. Je ne pouvais pas lutter.
Puis, je n'entendis que deux mots. Sur le moment, je ne compris pas ce que cela signifiait. Je pensais que c'était prononcé par Alexis ou Vaiana, mais la voix venait d'ailleurs. Elle venait du néant. Elle m'emporta avec elle jusque dans un nouveau monde où j’apparus un poulet dans les bras. Il gigota et je dus le laisser quitter ma protection.
Je ne comprenais pas où nous étions. Qui étaient ces gens autour de nous ? Ils avaient tous, comme Vaiana l'avait fait remarquer, un animal avec eux. Le lieu ne m'étais pas familier. Même si il semblait ordinaire. On se trouvait, semble t'il, dans un parc. Et tout le monde nous épiait du regard. Je tournais la tête vers la jeune femme.
« Euh... il n'y a pas de problèmes ? Vous pouvez nous ramener chez nous, non ? »
Je devais prendre une décision. Rapidement. Je n'étais pas capable d'ouvrir un portail. J'ignorais où on se trouvait. Quelque chose me donnait la sensation que tout ici, était différent. Je le sentais au fond de mon être. Je tournais la tête vers Alexis afin de m'assurer qu'elle aille bien. Une fois fait, j'entrepris de m'adresser au premier passant. Il s'agissait d'un homme d'une quarantaine d'années, avec un béret. A hauteur de sa tête volait un colibri.
« Excusez-moi, mais où sommes nous ? » lui demandais-je, troublé.
Le bec du colibri qui se trouvait à proximité de l'oreille de l'homme, donnait l'impression que l'animal lui chuchotait quelque chose. Surpris, je détournais mon regard pour regarder comment les autres animaux agissaient dans ce parc. Ils semblaient tous très proche de leurs maîtres.
L'homme nous observa avec effroi. Il me regarda de haut en bas avant de se détourner de nous et de s'en aller, sans nous accorder la moindre réponse. Ils étaient véritablement différents de nous. D'ici, on les entendait tous se mettre à parler entre eux, voir parfois avec leur animal de compagnie. Certains nous fuyaient. Je tournais la tête vers les filles.
« On doit quitter cet endroit. Maintenant. » leur dis-je en indiquant un chemin au loin.
Les deux personnes les plus proches de nous se parlaient entres elles.
« C'est affreux, ils n'en ont pas ! »
Ici, on nous avait vue. C'était dangereux de rester. Je n'attendis pas la réponse des filles, me mettant en marche. A mesure qu'on avançait, les gens sur notre chemin se décalaient. A croire qu'on était des pestiférés. Il fallait mettre le plus de distance possible entre cet endroit, et là où on irait.
On arrivait au bout du chemin quand notre route croisa celle de deux hommes et de leurs chiens. Ils semblaient représenter les forces de l'ordre, vue leur look. A première vue, à leur ceinture se trouvait une matraque et un pistolet. Pas de pouvoirs sans doute. Ce qui allait simplifier les choses.
« Ne parlez pas. » précisais-je aux filles avant de me stopper dans ma marche.
On ne devait pas se montrer agressif, mais à l'écoute de ces agents. Une fois à notre hauteur, ils hésitèrent à avancer. Troublant, pensais-je. Le plus jeune des deux semblait plus anxieux que l'autre. Ils se décidèrent finalement à nous rejoindre. Je leur adressais un faible sourire, tentant de me montrer cordial et de leur faire comprendre qu'on était tout disposé à les écouter.
« Veuillez nous suivre, s'il vous plaît. » énonça le plus vieux des deux d'un ton ferme.
Je hochais la tête.
« Vous êtes en état d'arrestation. Vous avez le droit de garder le silence. Tout ce que vous direz sera retenu contre vous. » enchaina t'il en faisant tinter ses menottes.
Son acolyte fit de même. D'ailleurs, il avait deux jeux de menottes dans les mains. Je n'étais pas très fan de cette option.
« De quoi sommes nous accusé ? » demanda Vaiana un peu trop brusquement.
Je tournais la tête dans sa direction. N'avais-je pas demandé de me laisser parler ? Le flic lui répondit d'un air hautain, tout en me regardant moi et non elle.
« Vous commettez un outrage public à la pudeur, pour commencer. »
J'hésitais sur la marche à suivre. Il fallait qu'on en sache plus, et en même temps on devait se montrer méfiant, et ne pas les brusquer. Mais parfois, nos paroles dépassent nos pensées et on a du mal à les contrôler.
« Vous en avez déjà vue, n'est ce pas ? » leur demandais-je. « Des gens comme nous... » ajoutais-je sans détacher mon regard de celui qui semblait être le chef.
Ce dernier eu une lueur d'effroi dans le regard.
« Avant aujourd'hui, je ne savais pas que cela existait. Des choses comme vous... »
Des choses ? Il venait de nous qualifier de choses. Dans quel monde étions nous arrivé ? Si j'avais laissé aussi bien transparaître mes émotions que lui, ça aurait été dans mes yeux qu'il y aurait lu une lueur d'effroi.
« Allez, suivez nous sans faire d'histoires. » dit-il en posant la main sur son pistolet qui se tenait toujours à sa ceinture.
Son acolyte fit de même, mais la main légèrement tremblante. Leurs doberman montraient les crocs. J'adressais un regard à Alexis, puis à Vaiana. Il fallait se décider rapidement.
« Notre présence ici vous semble étrange et préoccupante. On ne cherche pas à vous causer du tord, ni à qui que ce soit d'autres dans ce monde. On vous suivra sans opposer la moindre résistance. Il est inutile de faire usage de vos menottes. »
Je voulais garder mes mains libres. J'ignorais si ces menottes étaient simplement faites de métal ou d'autre chose. Je ne pouvais pas prendre le risque. Il n'y avait pas que ma vie en jeu.
« Nous avons reçu des ordres ! » répondit sèchement l'homme, tandis qu'un de ses chiens aboya à l'intention de Hei Hei qui bougeait en continue dans les bras de Vaiana.
« Lâchez ce poulet, c'est ridicule ! » lança le plus jeune des deux.
« C'est bon messieurs, je m'en charge. » s'exclama un homme dans notre dos.
Je tournais la tête, voyant débarquer un rouquin. Il se plaça juste à côté de nous, de sorte à faire face aux policiers. Un animal de compagnie l'accompagnait, à lui aussi. Il s'agissait d'un chat au pelage roux.
« Et vous êtes ? » lança le vieux flic méfiant.
« Mandaté par le CDC. » répondit-il en sortant une carte qu'il montra rapidement avant de la ranger dans un mouvement classe du poignet.
Je vis sur la carte une petite photo de l'homme en couleur sepia. Son nom était indiqué dessus. Je lu : « Malcolm Polstead ». S'y trouvait également le sigle CDC.
« Je les emmène. » précisa t'il.
Les deux flics se regardèrent, hésitants. Les dobermans se mirent à grogner en direction du chat roux qui dressa ses poils, sans bouger. Quant au rouquin, il se contenta de fixer les flics sans ciller. Finalement, les deux policiers s'en allèrent, suivi de très près par leurs chiens. Je remarquais qu'ils ne leur avais pas donné l'ordre de les suivre. A croire que les chiens savaient précisément ce qu'ils devaient faire. Ca en était encore une fois troublant. Le rouquin tourna la tête dans notre direction.
« Ne traînons pas. Je connais un endroit sûr pour vous. »
Je hochais la tête une nouvelle fois. Mais cette fois ci, bien plus rassuré qu'avant. Même si il fallait rester sur ses gardes.
CODAGE PAR AMATIS
Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »
| Avatar : Kaya Scodelario
Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...
J'aurai dû le sentir. De façon inévitable et immédiate. Cette journée n’était pas comme les autres. Belle avait pris son jour de congé, Danny était à l’école et j’en avais profité pour ranger quelques cartons qui traînaient encore après le désastre d’Hadès quelques semaines plus tôt. J’avais alors entendu la cloche de l’entrée teintée et je m’étais presque figée de stupeur en voyant Anatole en face de moi. Je ne l’avais pas revu depuis l’enterrement, j’avais laissé le Temps au Temps et il semblait que le Temps avait décidé d’enfin rencontrer la Vérité.
- Qu’est-ce que tu fais là ?!
Le ton avait été plus brusque que je ne l’avais voulu. Etrange façon de le saluer mais pourtant si significative de mon flot de pensée. Il n’avait pas vraiment eu le Temps de répondre que déjà une autre de mes amis était apparue comme un boulet de canon, une revenante après un long moment de silence et d’absence. J’avais éclaté de rire en entendant son entrée en matière. Je ne me plaignais pas du manque de monde, mi-Février n’était jamais une très bonne période pour les affaires, surtout le matin. C’est ce que j’aurai voulu avoir le Temps de lui répondre mais je n’en avais pas eu le temps. Je l’avais soudain vu chanceler et alors que je m’élancer en avant pour l’aider, quelque chose au fond de moi m’avait stoppé. Je n’allais pas mieux qu’elle. Une sensation désagréable remontait du fond de mes entrailles. Je m’étais senti agrippée par une main invisible qui tentait de m’attirer à elle et en instant, nous n’étions plus là.
J’avais gardé le silence pendant plusieurs minutes, tentant de comprendre ce qui nous arrivait. Vaiana supposait nous avoir téléporter, ce qui était possible mais ni elle ni Anatole ne semblait décidé à faire machine arrière. Peut-être parce qu’ils... ne le pouvaient pas ? Mon cœur s’était mis à battre brusquement à cette pensée tandis que j’analysais mon horizon. Tout était des plus étranges. J’avais l’impression que nous étions toujours dans notre monde sans pour autant l’être. Le jardin botanique, les rues, tout me faisait penser à l’Angleterre, à Londres peut-être sans pour autant être Londres mais je remarquais avec une certaine gêne que tous les passants nous observaient avec des yeux exorbités. Chacun possédait un animal, plus ou moins encombrant, plus ou moins exotique. J’avais l’impression d’avoir voyagé dans le Temps, être peut-être à une époque proche de la Seconde Guerre Mondiale bien qu’aucune femme ne portait de pantalon, leur préférant des jupes longues. Non, tenir ma langue ne m’avait pas semblé d’une difficulté insurmontable dans les premières minutes tant la situation était inédite. J’avais espéré qu’Anatole puisse nous tirer d’affaire, notamment avec les policiers, mais il semblait aussi pommé que nous et un homme roux, filiforme travaillant pour la “CDC” avait fini par nous sauver la mise. Faute de mieux, on avait décidé de le suivre, au moins, il ne tentait pas de nous passer les menottes, lui. J’avais échangé un regard avec les deux autres, comme pour demander silencieusement le droit à la parole que je fini par prendre rapidement, de peur d’oublier la moitié de ce que je n’avais de toute façon pas compris :
- C’est quoi le CDC ? - Le Conseil de Discipline Consistoriale.
J’échangeai un nouveau regard perplexe avec les autres et après une courte pause, il précisa :
- Il s'agit d'une branche radicale du gouvernement, qui encourage l'endoctrinement des jeunes, la délation des hérétiques et les arrestations et exécutions arbitraires.
Il s’était tourné vers moi, le visage fermé. Il m’avait expliqué tout ça comme s’il parlait de la pluie et du beau temps mais de mon côté, j’avais eu un mouvement d’arrêt voir de recul. Une fois de plus j’avais regardé mes coéquipiers mais cette fois avec une certaine crainte au fond des yeux et un questionnement qui n’était pas si compliqué à deviner : “POURQUOI on le suit déjà ?” Nous n’avions pas voyagé dans le passé, j’en étais à présent à peu près certaine, je me souvenais pas trop d’un truc comme ça dans l’Angleterre des années 40. Une chose était certaine, où que nous étions, on était loin d’être avec une bande de rigolo. J’étais restée bloquée sur le mot “Hérétique” et j’avais presque l’impression d’avoir affaire à l’Inquisition Espagnole. Mais pour Anatole, c’était un autre mot qui l’avait rebuté. Il avait prit la parole d’un air surpris :
- Consistoire ? C'est une institution religieuse qui dirige votre monde ?
Le jeune homme avait froncé les sourcils :
- Exact. Il s'agit du Magisterium. Vous n'en avez jamais entendu parler ?
J'avais secoué la tête de gauche à droite pour lui répondre. En même temps, mon ami avait dit “votre monde”, il n’était pas bien compliqué pour le rouquin d’imaginer dans ce cas qu’on en avait jamais entendu parlé, pas vrai ? Il avait pourtant l’air sérieusement surpris avant d’ajouter :
- Une précision : je ne travaille pas pour le CDC.
Une vague de soulagement m’avait brusquement envahi tandis qu’il m’observait avec un sourire en coin. Je ne savais pas si je pouvais le croire mais dans la mesure où on était au milieu d’un endroit parfaitement inconnu et complétement hostile, ma volonté de percevoir qu’on allait s’en sortir me poussait à faire confiance à la seule personne qui ne se mettait pas à murmurer d’un air courroucé sur notre passage.
- Disons que c'est pratique d'avoir les papiers adéquats au moment opportun. Au fait, je m'appelle Malcom Polstead. Et voici Asta.
Il désigna le chat orangé qui le suivait comme son ombre et celui-ci se révéla elle une chatte lorsqu’elle prit la parole :
- Enchantée !
Je n’avais pas manqué de faire un bond en arrière en l’entendant, l’observant apeurer tout en levant mes mains comme pour me protéger du mal qu’elle n’avait à première vue pas l’attention de me faire. Je n’étais pas vraiment à l’aise avec les chats alors si en plus ils se mettaient à parler sans crier gare... Un peu perplexe, j’avais tourné la tête vers Hei Hei pour voir si lui aussi avait été doté de la parole, mais bien qu’apaisé par le maintient qu’exerçaient les mains de Vaiana sur lui, il semblait toujours uniquement capable de s’agiter comme un pigeon roucouler. La chatte m’observait toujours. Depuis le début, elle avait l’air plutôt curieux mais là semblait décidée à créer un lien. Aillant du mal à digérer l’information, je m’étais quand même remise en route en tentant de reprendre contenance :
- ... De même... elle parle... trop cool...
Rassemblant tout ce que j’avais compris en dehors du chat qui parle, j’avais alors de nouveau dirigé mon regard vers Malcolm :
- Si vous bossez pas pour eux... et que vous avez des papiers visiblement illégaux sur vous... vous êtes quoi, une sorte de rebelle ?
Il me lança un sourire, visiblement amusé par la situation. J’aurai bien aimé l’y voir lui, à ma place, aussi ! Il précisa avec sympathie :
- On peut dire ça. Je travaille pour une société secrète qui lutte contre les abus infligés par le CDC.
Oookay ça, ça me plaisait déjà un peu plus. Il n’y avait pourtant aucune raison que ça me plaise plus dans la mesure où j’ignorais tout du lieu et de la répression qui y régnait. De la puissance de leurs services secrets aussi. On avait déjà voulu nous arrêter juste parce qu’on avait troublé l’ordre publique alors que risquait-il de se passer si on nous trouvait en compagnie d’un mec qui était visiblement contre le régime ? Achevant ma pensée là-dessus, on était sorti du parc pour atteindre une rue adjacente qui me permettait de dessiner un peu mieux la ville dans mon esprit. Tout semblait ressemblait à l’Angleterre mais tout semblait aussi si ancien, si noble et majestueux, rappelant la bonne société anglaise de l’époque. Il n’y avait pas d’immeuble ou de bâtiments modernes qui se liaient pourtant au paysage urbain vieillissant dans mon monde. De nombreux bâtiments ressemblaient à des cathédrales, ce qui n’était pas très étonnant vu l’importance de la religion au sein du pouvoir comme l’avait supposé Anatole et confirmé Malcom. J’avais alors aperçu quelques véhicules au loin et si je les avais pris dans un premier temps pour des voitures banales, elles semblaient pourtant beaucoup plus silencieuses que ne l’étaient les nôtres et alimentées sur le devant par une espèce de faisceau lumineux. Plus de doute possible, ce monde était proche du mien par certains égards mais différents par d’autres. Nous n’avions pas voagés dans le Temps, nous avions juste... changé de monde.
Les gens semblaient tout aussi choqués que dans le parc de nous apercevoir. Ils étaient aussi habillés dans un style qui me rappelaient les livres d’histoire et les années 40 mais la plupart, toujours accompagné de leur animal, changeait carrément de trottoir pour éviter de nous croiser. Aucun doute possible à présent, nous étions de vrais pestiférés... Le rouquin se mit à accélérer l’allure brusquement en précisant :
- Dépêchons. Je n'ai pas envie de croiser d'autres policiers.
Docilement, j’avais aussi accéléré l’allure, préférant aussi éviter un nouvel épisode avec cette police qui ne semblait pas vraiment portée sur la rigolade. Nous finîmes par atterrir dans une ruelle plus sombre, bordée de grands bâtiments mais aussi moins fréquenté, nous laissant le loisir de souffler un peu. Je commençais à comprendre ce qui se passait ou du moins, j’en avais l’impression. Tous ces animaux autour de leurs propriétaires, j’avais dû écrire une fiche de lecture là-dessus. Une fiche que j’avais posé dans le rayon de la littérature pour enfant. Je n’avais pas eu l’occasion encore de lire le livre moi-même et je regrettai sincèrement à présent de ne pas l’avoir fait. “A la croisée des Mondes” était une suite de livres écrit par un certain Pullman, dans lequel les héros de son roman, où ceux de son premier livre tout du moins, évoluaient dans un monde particulier proche et différent du nôtre, tous accompagnés d’un animal qui représentait une part d’eux-mêmes. J’en savais pas plus. C’était stressant et un peu frustrant. Est-ce que tout avait recommencé ? Est-ce qu’après les pirates, j’avais fini par me faire aspirer avec mes amis dans un autre des livres de ma librairie ? Si c’était le cas, il nous suffisait alors de trouver la fin du bouquin, non ? Il me fallait pourtant plus d’informations pour être certaine de ce que je pensais :
- Et... on est où exactement ? Et tout le monde a un animal avec soit chez vous ?
Il se stoppa net pour me dévisager. Je maintenais son regard, le coeur battant :
Oui... il me semblait que c’était ça que j’avais écrit sur la fiche “démone” ou un truc du genre. Il semblait de son côté véritablement décontenancé, j’avais peut-être fait une boulette. Asta décida d’intervenir :
Il se passa une main sur le visage avant de nous préciser en nous avisant, Vaiana et moi :
- Ça expliquerait votre accoutrement.
J’avais baissé les yeux vers mon jean en me demandant ce qu’il pouvait bien lui vouloir à mon jean.
- Comment pouvez-vous ignorer où vous vous trouvez ? Vous êtes arrivés comment dans le Jardin Botanique ? - Ben ça... on l’ignore aussi d’une certaine façon...
Vaiana était restée bloquée sur notre accoutrement et avait précisé ce que j’avais pensé quelques secondes auparavant :
- Je le trouve cool. - Cool ?
Il n’avait pas l’air très familier avec le mot et échangea un regard indécis avec son chat, ce qui était quand même assez perturbant à voir.
- Les demoiselles et les dames ne portent pas de pantalons. C'est une attaque à l'ordre moral. On peut dire que vous avez fait très fort. Ça plus l'absence de vos daemons...
Il se tut pour commencer à réfléchir et le Titan demanda :
- Qu'est-ce qu'un daemon ?
J'ignore encore pourquoi j’avais fait ça, mais très contente de pouvoir répondre à la question et me donner l’impression d’être un peu moins pommée, je m’étais tournée vers Anatole :
- Je crois... je crois que c'est une part de l'âme de quelqu'un qui est extérieur au corps d'un humain et qui apparaît sous forme animale... c'est pour ça que chacun en a une ici... et qu'ils sont apparemment troublé qu'on en ai pas... c'est aussi pour ça qu'ils peuvent parler je crois... c'est ça ?
Avoir l’impression d’y comprendre quelque chose me rassurait d’une certaine façon. J’avais l’impression de reprendre le contrôle de ma propre vie, de mes propres actions mais peut-être aurais-je du trouver un autre moyen de me rassurer. Le jeune garçon m’avait regardé véritablement surpris, se demandant comment je pouvais en savoir autant tandis que le rouquin semblait brusquement très méfiant. Il acquiesça, surpris :
- Vous êtes subitement bien renseignée pour quelqu'un qui semblait très perdue quelques minutes plus tôt.
Me rendant compte de ma bourde, j’avais balbutié, tentant de trouver une explication plausible sans trop le brusquer. A savoir, la vérité sans pour autant dire “ben en fait je crois que vous êtes le personnage d’un livre qui se trouve dans ma bibliothèque et on est tombé dans ce livre à première vue donc voilà... je l’ai lu...” C’était peut-être un peu trop fort de café, même pour un lieu qui croyait en la religion donc d’une certaine façon en la magie malgré leur chasse aux sorcières incroyablement de mauvaise foi. Un mec qui divisait les pains et qui transformait l’eau en vin, si c’était pas de la magie alors je savais pas ce que c’était...
- Euuh oui... je l'ai lu dans un livre... de là où je viens, on théorise un peu sur... les daemons... et...
Je soupirais, comprenant que maintenant que j’étais sur cette voie, je devais aller au bout, que ça passe ou non :
- Je gère une librairie. - Et d'où venez-vous ? Il me semble que vous ne me l'ayez pas dit.
Il m’observa d’un œil perçant, ne bougeant toujours pas. Il était évident qu’il ne reprendrait pas la route si je ne répondais pas. J’avais posé quelques secondes les yeux sur le chat. Hypérion avait parlé de venir d’un autre monde, le chat avait repris l’hypothèse et ça n’avait pas l’air de le choquer plus que ça, alors pourquoi brusquement l’idée que dans mon monde on puisse s’intéresser aux daemons lui pose autant problème. Préférant jouer la carte de la sincérité tout en évitant de le brusquer, je m’étais contenté de lui dire :
- Storybrooke, vous connaissez ?
J’avais glissé un regard à Anatole comme pour lui demander de me venir en aide, ce qu’il fit presque instantanément :
- Monsieur Malcom, vue le regard insistant des personnes que nous croisons... peut-être qu’on pourrait continuer cette discussion dans un lieu plus... isolé ?
Il m’observa encore un instant en secouant la tête, sans doute répondant à ma question. Il avait l’air de me trouver de plus en plus bizarre, ce que je comprenais en soit. Mais si j’étais vraiment une de ses ennemis, il était fort à parier que je n’aurai jamais fait une telle erreur, non ? Je ne comprenais d’ailleurs toujours pas vraiment mon erreur. Elle avait sans doute un rapport avec les recherches faites sur les daemons mais il était impossible dans être sûre. Malcolm avait quand même repris la route à mon grand soulagement et tandis qu’il nous précisait :
- On est plus très loin...
Je fis quelques gestes en direction de Vaiana et Anatole pour m’excuser et leur promettre de... fermer ma gueule.
Vaiana de Motunui
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
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Rage is a quiet thing Ooh, you think that you've tamed it
But it's just lying in wait Rage, is it in our veins?
| Conte : Vaiana, la légende du bout du monde | Dans le monde des contes, je suis : : Vava, la fille du chef qui n'est pas une princesse même si elle chante et a des animaux de compagnie
I want to touch the northern lights. We could leave the world behind...
▼۞▼
J'avais écouté avec la plus grande attention, ce qui était difficile étant donné le brouillard qui flottait toujours plus ou moins dans mon esprit. Hei Hei avait fini par se calmer. Désormais, il haletait dans mes bras, ses yeux globuleux s'agitant en tous sens.
Tout au long du trajet, j'avais jeté des coups d'oeil insistants en direction du chat roux qui marchait près de Malcom. Un daemon... Tous les gens du coin se baladaient avec un morceau de leur âme en dehors de leur corps, matérialisée sous la forme d'un animal. C'était si aberrant que j'en restais médusée. Au moins, cela expliquait le comportement de ceux que nous avions croisés : en dehors du rouquin, tous nous avaient toisés avec crainte et dégoût.
Moi qui croyais nous avoir téléportés quelque part dans notre monde. En fait, je nous ai emmenés dans un autre monde, songeai-je, tourmentée.
Le plus inquiétant étant que Hypérion paraissait dépassé par les évènements. Faisait-il semblant ? Non, je ne pouvais croire qu'il soit aussi fourbe. Une part de moi cherchait désespérément à lui faire confiance, tandis qu'une autre se méfiait toujours un peu. J'aurais aimé qu'il soit le mentor dont j'avais besoin. Si seulement les choses pouvaient être simples...
Sans pouvoirs, sans réponses -autres que celles fournies par Malcolm- nous étions sans défense face à un monde inconnu.
Encore deux ruelles sinueuses et nous débouchâmes sur une allée plus large, bien que peu passante. Malcolm traversa la route d'un pas vif, nous encourageant ensuite à garder profil bas en rasant les murs. Peu à peu, la ville sembla s'élargir tandis que nous arrivions jusqu'aux abords d'un fleuve. Une péniche y mouillait, ainsi que quelques autres bateaux de plus petit gabarit. A cet endroit, les bâtiments étaient beaucoup plus espacés et nettement moins grandiloquents. La ville n'était plus qu'un ensemble de tours et de flèches au loin, au-dessus des nappes de brouillard qui commençait à s'installer tandis que le soleil se couchait.
Désormais, le jeune homme courait presque. Il se dirigea vers une vieille construction de pierre confortable, pleine de coins et de recoins, dotée d'une terrasse sur laquelle quelques personnes buvaient un verre à la lumière de lampes suspendues. S'agissait-il d'une auberge ? Rien n'était moins sûr puisque nous étions passés par l'arrière, côté fleuve et non côté rue. Etait-ce une bonne idée de nous emmener dans un lieu public ? J'interrogeai Hypérion du regard alors que Malcolm se précipitait vers un escalier en bois construit contre la paroi de pierre, menant au premier étage de la demeure.
"C'est ici. Entrez, vite !" nous pressa-t-il.
Je laissai Hypérion passer le premier. Même sans pouvoirs, j'estimais qu'il ferait un bon bouclier en cas d'attaque. Sans compter que j'avais un poulet dans les bras. L'escalier semblait vermoulu et fragilisé par les intempéries. Chaque marche craquait sous mes pieds. Nous entrâmes et nous retrouvâmes serrés dans un couloir exigu, envahi par la pénombre.
"La première porte à gauche." indiqua Malcolm.
Etant la plus proche, je poussai cette dernière du bout du pied et découvris un bureau à la décoration sobre et modeste. Tout était dans un style un peu ancien, à l'image de toute cette ville. Un bureau en acajou assez bien rangé trônait devant une large fenêtre aux rideaux tirés. La pièce était vide et baignait dans le clair obscur. Malcolm alluma plusieurs appliques aux murs ainsi qu'une autre lampe sur la table, en tournant une petite manivelle à la base des objets.
"Mettez-vous à l'aise. Je ne serai pas long." précisa-t-il. "Je dois prévenir Oakley Street."
"Oakley...?" répétai-je, incertaine.
S'il s'agissait d'une référence connue qui m'échappait, j'allais encore passer pour une idiote.
"Le nom de la société secrète." dit-il sur le ton de la confidence.
Il afficha une expression encourageante avant de refermer la porte sur nous. Avec une moue soucieuse, j'observai la pièce dans son intégralité. L'âtre de la cheminée était éteint et il ne faisait pas très chaud. Sur le manteau étaient posés divers objets comme une boule à neige et des bibelots sans intérêt.
"Ca sent le piège." déclarai-je finalement au bout de quelques instants. "Y a que moi qui le flaire ? On aurait dû fausser compagnie à ce type et s'en sortir par nous-mêmes."
Tendue et maussade, j'allai m'asseoir sur une chaise disposée près du bureau et maintins Hei Hei d'une main tandis que de l'autre, je jouais avec le bouton de la lampe, augmentant ou diminuant l'intensité.
"C'est pas électrique. Et c'est pas au gaz non plus. C'est bizarre..." réalisai-je, penchée sur la lampe. "Tout est bizarre, ici."
Ma jambe gauche tremblait. Lorsque je m'en rendis compte, je m'efforçai de la contrôler -surtout que ça devait donner l'impression à Hei Hei d'être sur une machine à laver en mode essorage- puis penchai la tête. Mes cheveux tombèrent devant mes yeux. J'hésitai un instant avant de dire à mi-voix :
"Je suis désolée. C'est encore ma faute si tout part en cou..."
La porte s'ouvrit brusquement. Je levai les yeux et repoussai ma crinière brune d'un geste peu gracieux. Malcolm, le retour. Il était encombré par tout un bric-à-brac bizarroïde.
"Cette auberge est sûre. Je connais personnellement le propriétaire." nous apprit-il.
Plus ça passait, et plus je le trouvais louche. Les mecs trop gentils ont toujours quelque chose à cacher.
Il plaça une sorte de grosse boîte sur un trépied puis demanda :
"Puis-je prendre un photogramme de vous ?"
"Un quoi ?" fis-je, méfiante.
Le mot contenait 'photo' donc j'estimais que ça ne devait pas être dangereux, mais je préférais m'en assurer.
"C'est une image de vous, comme une peinture mais immédiate." expliqua-t-il.
"J'avais pigé." fis-je un peu brusquement. "Mais d'où que vous voulez notre photo ? Vous allez en faire quoi ?"
Le rouquin parut décontenancé par ma manière de parler, à croire qu'il lui fallait presque un traducteur pour me comprendre. Je me contentai de le fixer, suspicieuse, par-dessus Hei Hei qui picorait mes cheveux. Finalement, ce fut la chatte qui répondit :
"Vous êtes différents. Le photogramme peut apporter des réponses à nos questions, aux vôtres comme aux nôtres."
Tout en parlant, elle avait sauté sur le bureau afin de me fixer de ses yeux jaunes. Hei Hei émit un piaillement craintif.
"Nous avons besoin de vérifier que vous dites la vérité." appuya-t-elle.
Un petit "clic !" se fit soudain entendre.
"Et le photogramme est pris !" lança joyeusement Malcolm. "Merci Asta."
"Mais je t'en prie." ronronna son daemon.
Je lançai un regard stupéfait et offusqué au rouquin qui nous fit un sourire ravi.
"Ca sera prêt dans quelques minutes. Je reviens."
Il décrocha une petite boîte de l'appareil principal et nous abandonna de nouveau, ainsi que son daemon.
"J'ai jamais aimé les chats." grommelai-je. "Toi non plus, hein ?"
Je lançai un regard entendu à Alexis car je connaissais son antipathie pour les félins.
"Ca prouve qu'il est fourbe, parce que les chats, c'est sournois."
Les minutes s'écoulèrent de nouveau, de plus en plus longuement.
"On est vraiment venu pour une séance de photomaton ?"
Je dévisageai Hypérion. Ne jugeait-il pas le moment opportun pour se barrer ?
"Tu as une autre explication à notre présence ici ?" demanda-t-il.
Etait-il en train de me provoquer ?
"Ouais. J'ai une meilleure idée." lançai-je, incisive.
Je me levai, lui confiai Hei Hei en ajoutant :
"Tenez-le bien, cette fois."
Puis contournai le bureau afin de mieux l'observer. Quelques papiers traînaient sur la table, mais en me penchant dessus, je découvris avec déception qu'il s'agissait de feuilles de comptes. Aussi j'entrepris de fouiller les tiroirs. Sans succès. Evidemment, ils étaient tous fermés à clé. Par dépit, je donnai un petit coup de pied dans la table.
"Si tu as fini, tu pourrais peut-être récupérer ton animal." déclara Hypérion d'un ton lassé.
Je lui jetai un regard oblique avant de reprendre Hei Hei. Etant donné qu'il s'était calmé -il était presque amorphe- je le calai sous mon bras tandis que de ma main libre, je me saisis d'un cadre posé sur la table. Dans des teintes sépias presque dorées, un petit garçon aux cheveux clairs souriait à l'objectif, tenant un poisson presque aussi gros que lui à bout de bras. Cette photo de la honte... Je la reposai et tournai la tête vers Hypérion en l'entendant parler de nouveau.
"Ne te sens pas responsable. Notre présence ici n'est pas de ton fait."
Je m'attendais à tout sauf à ça. Prise au dépourvu, je parvins seulement à déglutir. J'aurais aimé répliquer quelque chose de cool mais une boule obstruait ma gorge. Ca faisait incroyablement de bien de ne pas être accusée, pour une fois. La culpabilité m'écrasait un peu moins, même si je savais que Hypérion avait dit cela afin que je me sente mieux.
"C'est quand même étrange qu'ils nous laissent tout seuls ici. Nous, des inconnus sans daemons..." reprit-il d'un ton pensif, à l'adresse de tout le monde, cette fois-ci.
"Vous n'êtes jamais vraiment seuls." dit une voix dans notre dos.
Je me retournai. Une jeune fille d'à peu près mon âge venait de sortir de nulle part. Elle se trouvait près d'un mur qui se situait loin de la porte toujours fermée. Par conséquent, comment était-elle entrée ?
Blonde et pâle, elle ressemblait à une apparition. Elle aurait pu être jolie, mais son visage était marqué par quelque chose d'indescriptible qui la rendait plus angoissante que charmante. Je notai qu'elle portait une jupe grise ainsi qu'un chemisier par-dessus lequel elle avait passé un cardigan blanc. Sur ce dernier, au niveau de l'épaule, était accrochée une sorte de broche noire. Elle posa sur chacun de nous un regard accru. Un frisson parcourut mon échine quand je me rendis compte que ce que j'avais pris pour une broche était en réalité une grosse araignée velue. S'agissait-il de son daemon ? Brr... ça en disait long sur la personne.
Tranquillement, elle marcha jusqu'au bureau derrière lequel elle prit place. Elle dévissa un stylo plume avec lenteur, attrapa une feuille puis nous fixa, prête à écrire.
"Je suis membre d'Oakley Street." déclara-t-elle d'un ton pondéré. "D'après Malcolm, vous venez d'un autre monde. Racontez-moi. Comment est-il ?"
Une lueur d'avidité brilla au fond de ses yeux lorsqu'elle posa cette question. Je la fixai sans ciller. Elle ne m'inspirait vraiment pas confiance, et ne faisait que renforcer mon impression que nous nous trouvions dans la gueule du loup.
"Bien sûr, on va tout vous déballer." fis-je d'un ton sarcastique. "Si vous nous disiez plutôt ce qu'on fabrique dans cette pièce, pendant que votre pote développe ses photos ?"
La jeune fille tourna la tête vers moi et plissa des yeux. Puis, elle baissa le regard vers Hei Hei. Elle répondit à ma question par une autre, ce qui avait le don de m'énerver.
"Est-ce que la présence de cette volaille est nécessaire ?"
"C'est mon daemon." affirmai-je en serrant Hei Hei contre moi avec une moue.
"Non, c'est un coq. Très mal en point, si je puis me permettre." rétorqua-t-elle d'un ton sec.
Pendant qu'elle parlait, l'araignée faisait onduler ses huit pattes en bas de son épaule, pour tenter d'escalader sa manche. Elle n'y prêtait pas la moindre attention. Comment pouvait-on avoir un tel daemon ? C'était vraiment flippant. Pour un peu, je regrettais presque la présence de Malcolm. Depuis que cette nana était entrée (inexplicablement) dans la pièce, l'ambiance avait quelque chose d'étrange et de grinçant, un peu comme l'atmosphère d'un film d'horreur juste avant une scène flippante.
CODAGE PAR AMATIS
Anatole Cassini
« Maîïîtreuuuh !!! »
| Avatar : ➹ Bill Nighy & John Krasinski
« Il existe 175.000
espèces de papillons... »
« Le papillon ne compte pas
les mois, mais les moments.
Ce qui lui confère suffisamment
de Temps pour vivre, ressentir, aimer. »
| Conte : ➹ Intrigue Divine | Dans le monde des contes, je suis : : ✲ Le Titan Hyperion, un papillon étoilé.
La venue de la jeune fille fut comme une apparition. Elle était arrivée de nulle part, avec ce qui semblait être une araignée sur son épaule. A partir de ce moment, j'entrepris de faire bien attention à tous les Daemon que portaient les diverses personnes qui croisaient notre chemin. La première chose sur laquelle je m'étais attardé chez elle, quand nos regards se sont croisés, furent l'emplacement de son animal de compagnie, qui dans ce monde ne semblait pas réellement avoir la même signification que chez nous. Elle possédait une araignée.
Ces petites créatures sont des tisseuses. Elles entrelacent leurs toiles à divers endroits de la maison, au dehors, de manières toujours aussi magistrales. Des spirales centrifuges capables de capturer leurs proies. Chaque être que la Nature a mis au monde a son rôle a jouer. Que ce dernier soit agréable a regarder, ou effrayant. Beaucoup de gens ont peur des araignées. C'est assez étrange de penser que quelqu'un comme Vaiana, qui était bien plus grande, avec un pouvoir enfoui en elle, peut-être perturbée par la présence de cet animal.
Observant un peu plus en détail la nouvelle venue, je remarquais qu'elle portait des vêtements qui par chez nous donnaient l'impression qu'ils venaient d'un autre temps. Pour ma part, j'aimais beaucoup. Je n'étais pas très friand des habits qu'on portait aujourd'hui. C'était bien loin des toges et tuniques de mon époque. Mais il y avait eu d'autres moments dans l'existence des humains, où ils portaient des choses bien plus agréables à contempler. J'admirais beaucoup Jules pour cela. Il avait des mouchoirs en tissus. De même que Sinmora. Rien que pour ce petit détail là, ils montraient leur attachement aux anciens Temps. J'en avais toujours un sur moi, même si il ne m'était d'aucune utilité. Ce sont ces détails qui ont toute leur importance.
J'écoutais attentivement l'échange entre la jeune fille et Vaiana. Elle travaillait pour la même société secrète que le dénommé Malcolm. La présence de HeiHei semblait la déranger. Comment voyaient-ils les animaux par chez eux ? En tout cas, ils savaient très bien faire la différence entre un Daemon et un animal. Une part d'âme... c'était plutôt étrange de penser qu'ils ne faisaient qu'un avec leur Daemon.
Afin de permettre à Vaiana de faire une pause, dans sa magnifique prestation de questions et réponses qui tournaient autour de son coq, j'entrepris de me lever. Je pris ma chaise et l'approchait du bureau, afin d'être face à face avec la jeune personne. Puis, je m'assis une nouvelle fois, posant mes coudes sur ce même bureau, et joignant les mains, afin de reposer ma tête dessus. Je la fixais droit dans les yeux, avec un air neutre. Je ne voulais ni l'intimider, ni la mettre mal à l'aise. Mais j'avais envie de lui faire comprendre que c'était désormais avec moi qu'elle s'adresserait. Ca permettait aussi à Vaiana de prendre connaissance qu'elle devait arrêter de trop parler. Voir de parler tout court.
« Anatole. » débutais-je. « Anatole Cassini. » ajoutais-je. « Je ne crois pas avoir retenu votre nom, mademoiselle. »
Physiquement, elle ressemblait à une jeune fille d'une vingtaine d'année. A peu près l'âge de Vaiana. Mais au niveau des yeux, elle semblait avoir vécu de nombreuses choses. Elle avait ce regard fatigué qu'ont les personnes qui ont beaucoup souffert par le passé. On ne devrait pas avoir vécu autant de choses à un âge aussi jeune.
« Lyra Parle-d'Or. » me répondit-elle calmement.
Je lui adressais un petit sourire, me montrant convivial.
« Qu'est ce qui vous faire penser que nous venons d'un autre monde que celui-ci ? »
Elle me fixa sans ciller. C'était rare qu'on soutenait mon regard.
« Eh bien pour commencer, aucun de vous a un Daemon. Ensuite, vos deux compagnes portent des pantalons. »
Ah les filles... elles ne faisaient jamais comme il fallait. C'était surprenant que ce soit l'une d'entre elles qui fasse remarquer cela.
« Et pour finir, votre style vestimentaire est très différent de ce à quoi nous sommes habitués par ici. » acheva t'elle en baissant légèrement les yeux vers mes vêtements.
« Ce qui me surprend, c'est que ça ne semble pas vous surprendre, à vous, qu'on vienne d'ailleurs. Nous ne sommes pas les premiers, n'est ce pas ? »
« J'ai vue beaucoup de choses. » dit-elle en marquant une courte pause. « Soyez honnêtes, et je le serais. Chacun énonce une vérité à tour de rôle. »
J'entendis Vaiana soupirer derrière moi. Elle semblait agacée. Ah...
« Bien. Qu'il en soit ainsi. » répondis-je. « Mon monde est aussi mystérieux que le vôtre. Mystérieux à tel point que nous ignorons comment nous sommes arrivé jusqu'ici. »
Je marquais une petite pause, à mon tour. Je tentais de voir si ce que je disais, surprenait ou non la jeune femme.
« Avez-vous une idée de la façon dont nous avons pu être amené jusqu'à vous ? »
L'araignée se remit à descendre lentement le long du bras de la jeune femme. Ca ne semblait ni la perturber, ni la déranger. Pouvait-elle parler, elle aussi ? Quoi qu'il en soit, la jeune fille eu l'air intriguée.
« Il y avait un portail ? Une fenêtre ? Il faut forcément un passage. »
Ce n'était pas totalement faux. Du moins sur le dernier point. Car les portails et fenêtres n'étaient qu'un moyen de traverses les mondes. Mais le passage était obligatoire.
« A quoi ressemblaient les autres mondes ? »
« Aucun n'est semblable, même si chacun présente des similitudes. »
« C'est ainsi qu'est notre monde. Identique et différent à la fois. »
Je remarquais que depuis le début, elle n'avait pris aucune note. Le stylo n'était qu'un élément du décors. A ma dernière phrase, elle se mordit les lèvres. Je la sentais troublée. Elle baissa les yeux vers l'araignée. Elle avança sa main pour la prendre et la remettre sur son épaule, délicatement.
« Ils n'avaient pas de Daemon, n'est ce pas ? »
Elle pencha légèrement la tête.
« Ils vous ressemblaient beaucoup. »
La jeune fille posa son stylo. Elle semblait réfléchir avant de parler.
« On ne cherche pas les ennuis. Ni à vous causer le moindre tord. On tente juste de comprendre comment on peut retourner chez nous, le plus rapidement possible. »
« Je veux vous aider. » laissa t'elle échapper. « Tous les portails doivent être refermés. »
Elle marqua une nouvelle pose. Je sentais toujours de l'hésitation dans sa voix, dans sa façon de faire, de s'adresser à nous.
« Quand j'étais petite, mon père a ouvert un passage dans l'Aurore pour aller dans un autre monde. »
L'Aurore ? Ce qu'elle venait de dire m'interpella directement. Si il y avait bien quelqu'un qui connaissait l'Aurore, s'en était son Gardien. Ca m'intéressait de plus en plus ce qu'elle disait. J'en étais limite à en oublier qu'on était coincé ici.
« J'ai emprunté ce chemin et je me suis retrouvée ailleurs. »
« Ca devait être fascinant et effrayant à la fois. » lui dis-je afin de lui faire comprendre ce que je ressentais à l'heure actuelle. Vue que je me trouvais à sa place, comme elle l'avait été par le passé.
Elle acquiesça faiblement en me regardant avec attention.
« Je suis la seule à connaître l'existence des mondes parallèles. Et je peux vous assurer que... »
Elle fut coupée par la porte qui s'ouvrit derrière nous. Malcolm était de retour. Son chat le suivait de près. Il s'interrompit en voyant la jeune fille assise au bureau. Etait-il surpris de sa présence, ici ?
« Oh je vois que tu as fait connaissance, Lyra. » dit-il d'un sourire forcé.
Lyra l'observa d'un air incertain. Elle retrouva cependant rapidement son aplomb.
« Mrs. Polstead est au courant de leur présence ? »
Il eu l'air pris au dépourvu.
« Bien entendu. D'ailleurs un repas va vous être servis en cuisine. Ca sera bien plus discret que si vous allez dans la salle du restaurant. »
Il fronça les sourcils en direction de l'araignée. Lyra baissa les yeux, avant de le regarder fixement. Pourquoi était-il surpris par le Daemon de la jeune femme ?
« On va vous cacher ici quelque temps. Vous pouvez rester. » annonça Malcolm.
Je trouvais opportun de me lever. Je lui adressais un petit sourire, avant de me tourner vers Lyra.
« Je vous remercie pour les réponses que vous nous avez apporté. Et merci à vous aussi de nous avoir accueillis, ici. Mais nous ne comptons pas rester. » dis-je en indiquant aux filles de se lever.
« Enfin ! » laissa échapper Vaiana tout en se levant la première et en se dirigeant directement vers la porte, HeiHei dans les bras.
« Non. » répondit Lyra catégorique.
J'eu une petite moue contrariée. J'avais peur qu'on en arrive là. Me tournant vers la jeune fille, j'attendis qu'elle nous en dise plus sur sa grande envie de nous garder à ses côtés. Elle ne me regarda pas, se contentant de regarder Malcolm.
« Ils ne peuvent rester terré ici indéfiniment. Et ils veulent rentrer chez eux. Il faut les aider. »
Malcolm ouvrit la bouche pour répliquer, mais Lyra le coupa une nouvelle fois.
« Je dois me rendre dans le Nord. Et vous allez m'accompagner. Là bas quelqu'un pourra vous venir en aide. »
S'éloigner d'ici. Se rendre dans le Nord. C'était un plan étrange. Malcolm semblait fortement contrarié par l'idée. Il ne répondit pas pour autant. Attendait-il une réaction de notre part ?
« Plus de temps nous passerons ensemble, plus vous en saurez sur nous. Qui me dit que nous pouvons vous faire confiance. » dis-je en marquant une pause. « Votre Magisterium fait preuve d'Autorité, n'est ce pas ? Ils pourraient nous venir en aide également. »
« Le Magisterium n'aide personne. A part quand c'est dans son propre intérêt. »
« Vous êtes libre de partir si vous le désirez. » nous répondit Malcolm.
On pouvait demander de l'aide à quelqu'un d'autre. Mais eux, ils étaient venu d'eux même. Je ne croyais pas au hasard. Tout avait un but dans la vie. J'hésitais un petit moment avant d'adresser un regard à Alexis, puis à Vaiana. Ensuite, je portais une nouvelle fois mon attention sur la jeune fille.
« Elle s'appelle Alexis. » dis-je en indiquant la jeune femme. « Et elle, c'est Vaiana. » ajoutais-je en indiquant, toujours du regard, la seconde jeune femme. « Ce sont mes amies. Et on vous suivra tous les trois dans le Nord si ça peut nous aider à rentrer chez nous. »
Malcolm soupira. Il s'entendrait bien avec Vaiana.
« Bien. Je vais aider madame Polstead à préparer le repas. Nous partons à l'aube demain. »
« Je vous accompagne. Si vous le permettez, bien entendu. Cela me permettra de faire connaissance avec cette gentille dame qui accepte de nous héberger pour la nuit. »
Je voulais en savoir plus sur notre hôte, et m'assurer que ce qu'on nous servirait, sera tout aussi bon que je pouvais l'imaginer. Sans le moindre arrière goût ou effet secondaire indésirable...
« Je ne pense pas que madame Polstead voit cette aide comme bienvenue. Sa cuisine c'est son sanctuaire. » me répondit-elle.
Après une petite hésitation, je hochais la tête. Puis, la jeune fille nous quitta. Je tournais la tête vers Malcolm, attendant la suite les festivités. Je me demandais ce qu'il nous avait concocté en attendant le repas.
CODAGE PAR AMATIS
Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »
| Avatar : Kaya Scodelario
Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...
La blonde venait de sortir de la pièce et elle avait laissé derrière elle une aura de terreur. Je détestais les araignées. Une sainte horreur, une phobie incontrôlable sur laquelle je ne pouvais me maîtriser. Et il fallait que je parte au “Nord” avec cette fille ? J’espérais que le “Nord” soit bien au Sud dans ce monde... Un silence s’était installé après son départ que Malcolm décida de rompre :
- Je vais vous montrer vos chambres.
J’avais lancé un regard vers Vaiana. Si Anatole semblait de plus en plus à l’aise avec l’idée de poursuivre notre aventure avec eux, la jeune fille restait aussi réticente que moi. Elle décida pourtant de suivre le rouquin en silence et je lui emboîtait le pas. L’auberge n’était pas très grande. Nous étions désormais dans un couloir avec plein de portes qui se faisaient face. Chacune portait un numéro et notre guide se stoppa face à la numéro 9. En ouvrant la porte, nous découvrîmes une petite chambre sommaire. Le mobilier était simple, il n’y avait qu’un lit deux places au centre de la pièce et un fauteuil dans un coin qui avait clairement connu des jours meilleurs. En face du lit se trouvait une cheminé avec à côté dans un petit panier quelques rondins de bois. Elle n’était clairement pas du luxe car j’avais directement ressenti une certaine fraîcheur quand nous étions entrés dans la pièce. Apparemment, ils ne connaissaient pas le chauffage central dans ce monde et encore moins le chauffage au sol. Le rouquin s’était avancé d’un pas franc vers l’unique fenêtre aux rideaux tirés et les avaient ouverts d’un geste. Dehors, la nuit commençait à tomber fortement. Il actionna une des lampes qui ressemblait à une lampe à huile dans la pièce et se tourna vers nous :
- Cette chambre est pour vous deux.
Il s’était ensuite tourné vers Anatole :
- Vous aurez la chambre d’en face.
Anatole ne s’était pas départi de son sourire et répondit avec calme :
- On va rester ensemble. - Non.
Euuuh pardon ? Et la marmotte en emballe le chocolat dans le papier alu ? Mon “non” était sorti tout seul, catégorique, presque au même moment où Vaiana avait tourné vers moi un regard paniqué, visiblement du même avis que moi. De son côté, le rouquin semblait légèrement perturbé par la nouvelle :
- Mais il n’y a qu’un grand lit...
Anatole avait gardé son sourire et le même calme :
- Je sais.
Toujours abasourdie, je l’avais dévisagé avec un air d’incompréhension et son regard avait alors soutenu le mien avec une force nouvelle, comme pour me faire passer un message silencieux : il était hors de question que nous nous séparions, pour aucune raison que ce soit. Je me souvenais en plus de cela qu’étant un Titan, il ne devait donc pas dormir, ce qui signifiait qu’il pourrait clairement veiller sur nous durant la nuit. J’avais alors tourné à mon tour la tête vers Malcom, soudain plus calme :
- Oui.
Le rouquin nous observa l’un après l’autre d’un air choqué. De son côté, Vaiana avait aussi compris où nous voulions en venir et avait tenté d’appuyer la demander d’une moue approbatrice et d’un hochement de tête confiant. “Monsieur Polstead” s’était mis à rougir et à mesure qu’il semblait prendre conscience de son rougissement, il devenait de plus en plus gêné, comme prêt à exploser. Je l’avais observé d’un œil compatissant. Je pouvais comprendre sa gêne : si son monde était régi par des institutions religieuses, il n’était pas compliqué d’imaginer qu'un homme et deux femmes dans la même chambre et le même lit pouvait le déranger quelque peu. De son côté, Asta semblait beaucoup moins frileuse, elle observait son double humain en contre bas avec un air qui signifiait clairement “ressaisie-toi voyons !”. Le jeune homme se passa alors la main sur la nuque, comme pour se donner contenance :
- Dans... dans ce cas... je peux vous donner un lit d’appoint... un lit supplémentaire... - Ce ne sera pas nécessaire.
Le titan avait toujours le sourire aux lèvres. J’avais voulu préciser à notre hôte que c’était en effet inutile pour l’insomniaque qu’il était mais me rendant compte que je pouvais commettre un nouvel impaire et ajouter des questionnements supplémentaires, j’avais préféré me taire et acquiescer :
- Ouais !
Une fois de plus, Vaiana acquiesça à son tour d’un signe de tête entendu après un regard que lui avait lancé Anatole. Une fois de plus le rebelle se mit à bégayer :
- La... la salle de bain est au bout du couloir. Je... vous... Je vous laisse vous rafraîchir et...
Il se racla la gorge avec une puissance impressionnante et Asta décida de prendre la main sur la situation, terminant à sa place :
- Nous vous attendons en bas de l’escalier pour vous amener aux cuisines.
J'avais regardé autour de moi d’un air un peu perplexe :
- Merci... et sinon... sans vouloir abuser de votre hospitalité, vous n’auriez pas de quoi nous... “rafraîchir”... on est un peu venu sans rien... Si vous aviez aussi des vêtements de votre époque histoire qu’on fasse moins tâche dans le décor... - Oui oui bien sûr, tout est là...
Il me passa devant pour ouvrir une armoire de fortune qui contenait des vêtements de seconde main, du savon solide et quelques serviettes propres. Après un dernier regard, le rouquin et sa chatte avaient fini par sortir de la pièce et je profitais de ce moment de solitude pour tenter de partager mes théories avec mes compagnons d’infortune :
- Vous pensez qu’on est dans le monde des contes ? Le truc des daemons, c’est une histoire que j’ai en rayonnage... peut-être que l’un des livres s’est activé... ça m’est déjà arrivé... - J’ai senti mon pouvoir s’activer...
Elle tourna la tête vers Anatole :
- Vous, vous pensez que c’est pas de ma faute...
Après un instant, ce dernier précisa d’un air pensif :
- Je doute qu’on soit dans l’un de nos mondes mais j’ignore où nous sommes. Cette histoire d’âme est fascinante mais elle ne correspond pas à quelque chose que j’ai déjà côtoyé. - Donc on est bloqué ici en gros ? Notre seul espoir c’est la fille à l’araignée ?
J’avais eu un air de dégoût que je n’avais pas pu contrôler.
- Disons que pour le moment on doit se fier à elle. - Ça choque que moi de se fier à une personne dont la moitié de son âme ressemble à une araignée ? - Les apparences sont souvent trompeuses, il ne faut pas se fier à son premier jugement. - Ça reste une araignée... - Déjà que l’autre il a un chat...
Anatole avait ouvert la bouche pour répondre à Vaiana mais en entendant mon marmonnement sur Asta, il s’était stoppé dans son élan pour me fixer :
- En quoi ça te dérange que ce soit un chat ?
Je comprenais son intérêt soudain pour ma remarque. Après tout, la seule créature qu’Hypérion avait créé à ma connaissance était Socrate, un chat. Mais il n’avait aucune raison de se sentir vexé par mes paroles. Pour moi, créer un chat n’avait rien à voir avec le fait de posséder une partie de sa propre âme sous forme d’un chat. Il était en mesure de créer n’importe quoi, ça ne le définissait pas forcément... en revanche son âme était intrinsèquement liée à lui. Avec un haussement d’épaule, j’avais expliqué avec franchise :
- J’aime pas trop ça... je les trouve fourbe... - Vous avez une meilleure option ? - Tu peux pas tenter de nous téléporter ? Contacter quelqu’un ? Localiser quelqu’un de notre monde pour rentrer ? - Si qui que ce soit de notre monde pouvait nous venir en aide, ce serait déjà fait. Mais si tu veux un meilleur message d’espoir que celui-ci... A moins que je sois le seul de détenir ce don, je sens une très bonne odeur venir d’en bas.
Donc c’était officiel, on était dans la mouise jusqu’au cou. Personne ne pouvait nous “entendre” d’où on était et pour ne rien arrangé, il avait fallu qu’il parle de l’odeur. J'avais reniflé avec un peu plus de force ce qui semblait émaner de sous nos pieds, sans doute de la cuisine. Une forte odeur d’agneau. Très forte. Trop forte. Bien que je ne rechigner jamais à manger de l’agneau, je n’avais jamais trouvé son fumé particulièrement agréable. Depuis peu, j’avais l’impression que mon odorat s’était légèrement plus développé, en particulier sur les odeurs que je n’appréciais pas vraiment. Et cela était loin d’être un don que j’aimais posséder : il me donnait des haut-le-cœur et des nausées assez puissantes qui me coupaient instantanément l’appétit. Le nez froncé, j’avais porté ma main à ma bouche pour retenir le hoquet qui me venait :
- Tu parles d’un message d’espoir... je pense que je vais vomir.
Au même moment, quelqu’un frappa à la porte d’une façon extrêmement timide. Trop contente d’avoir une distraction pour éviter de me concentrer sur l‘odeur plus longtemps, je m’étais dirigée à grand pas vers la porte de la chambre que j’avais ouverte à la volée sur le rouquin toujours aussi rougissant. Il nous avisa du regard les uns après les autres, comme pour vérifier que nous n‘étions pas en train de faire quelque chose d’immoral et termina son regard sur Vaiana:
- Je pense qu’il est préférable que vous laissiez votre coq dans la chambre le temps de manger en bas...
J’avais tourné la tête vers mon amie à la seconde où le jeune homme s’était adressé à elle et j’avais pu voir sa prise sur Hei Hei s’intensifier instinctivement. Redoutant une guerre nucléaire entre les deux, j’avais tenté de calmer le jeu en reportant mon visage sur l’aubergiste :
- Y’a possibilité d’avoir quelque chose à lui donner en attendant ? Des graines ou... je sais pas ce qu’il mange... - Bien sûr. J’y avais déjà pensé.
Il sortit de sa poche un petit sac de graine et s’approcha du vieux fauteuil pour le poser sur l’un des accoudoirs. Vaiana resta hésitante une fraction de secondes avant de capituler et de poser Hei Hei sur le fauteuil. Avec douceur, elle ouvrit le sachet et en sortit quelques graines qu’elle déposa près de la tête du poulet :
- Comme ça il les trouvera... et encore je suis pas sûre...
Elle avait un air dubitatif et je lui lançais un sourire encourageant :
- T’inquiète, si jamais c’est pas le cas on l’aidera quand on remonte.
Lorsque Malcolm nous quitta une seconde fois, je me dirigeais vers l’armoire pour récupérer une chemise blanche, une des jupes longues grise et une ceinture de cuir. Me tournant vers Anatole, je laissais, en ne le quittant pas du regard pour accepter de le suivre dans son plan de se fier à eux :
- Bon ben... je vais me changer du coup...
J’étais sortie de la chambre pour me diriger vers la salle de bain. Comme j’avais pu m’y attendre, c’était loin d’être le summum du confort dans la mesure où rien n’était à ma taille. J’avais peiné à refermer mon chemiser. Mes seins avaient du mal à s’y faire une place et j’avais l’impression de porter de nouveau un corset malgré moi. En revanche au niveau de la jupe, il y avait sans aucun doute une taille de trop, ce qui pouvait clairement cacher mes chaussures mais je remerciais tout de même le ciel de m’avoir fourni une ceinture qui m’éviterai de tenir le vêtement durant tout le temps de l’aventure. On avait fini par aller se changer à tout de rôle et une fois tout le monde dans une tenue un peu plus adéquate, nous étions descendus pour rejoindre Malcolm et Asta au pied de l’escalier, comme ils nous l’avaient indiqué. Du coin de l’œil, j’avais vu la salle de restaurant mais nos hôtes nous avaient plutôt emmené vers un autre escalier qui menait au sous-sol, dans les cuisines. Ces dernières étaient placées dans une pièce assez grande aux murs de pierre. Je pouvais voir contre le mur un grand évier rectangulaire en ciment. Il était face aux fines fenêtres qui donnaient sur le sol de la rue. Au centre de la pièce trônait une grande table en bois d’un style rustique. La moitié de celle-ci était dressée avec des couverts, des verres et des assiettes l’autre servait de garde mangé à un gros jambon, quelques oignons et un sac de pomme de terre. Depuis que nous étions entrés dans la pièce, l’odeur d’agneau mijoté avait pris une ampleur phénoménale et mes nausées s’intensifiaient de plus en plus. Je pouvais voir accrocher au mur une batterie de casserole et mon regard fini par apercevoir Lyra, face à une grande gazinière à l’ancienne, en train de remuer une des marmites. Instinctivement, mes yeux cherchèrent son daemon sur son corps et je réprimai un frisson en voyant que je ne parvenais pas à la trouver mais une femme entra dans mon champ de vision, détournant mon attention.
Elle avait les cheveux auburn, devait être âgée d’une cinquantaine d’année et assez corpulente. Elle était en train de placer à côté des assiettes des serviettes qui s’apparentaient un peu plus à des torchons. Ce fut lorsqu’elle se déplaça que je le vis, dans un coin e la pièce, dans un panier à côté des cageots de légumes. Un blaireau semblait posé, tranquillement et nous toisait du regard d’un air aussi supérieur que soutenu. Ce devait être le daemon de la femme qui nous observait avec un regard d’inquiétude bienveillant, comme si elle ne comprenait pas plus que les autres comment nous ne pouvions pas avoir de daemon mais qui tentait tout de même de garder l’esprit ouvert.
- Bonjour, je suis Brenda Polstead.
Elle se tourna vers Malcolm :
- Tu as bien fait de les amener ici. Installez-vous, je vous en prie.
Elle faisait son maximum pour paraître chaleureuse. Je décidais alors de lui sourire pour paraître sympathique sans bouger d’un poil pour autant. Il était hors de question que je rentre dans une pièce aussi sombre avec une méga araignée dans les parages sans savoir où elle était. Pire que de voir une araignée, c’était de brusquement plus la voir. Je tentais tout de même quelques présentations avant de me tourner vers Lyra :
- Bonjour, je m’appelle Alexis, merci de nous accueillir chez vous. Voici Anatole et Vaiana. Elle est où l’araignée ? Sans vouloir être désobligeante...
La blonde s’en offusqua avant de me répondre froidement :
- Elle est sous mon chemisier. - Sûre ? - Tu veux venir vérifier ?
Elle me toisait avec un regard plein de défi mais elle n’avait pas bien compris qui j’étais. Si elle s’attendait à ce que je batte en retraite, c’était mal barré :
- Ouais... mais de loin.
Elle me fixa un moment et je soutins son regard puis soudain, elle soupira, secouant la tête comme voulant dire qu’elle ne s’abaisserait pas à cela. C’étaiçt pourtant elle qui l’avait proposé. Tandis qu’elle s’asseyait à un bout de la table, là où il elle plaça son assiette entre le jambon et les oignons, je décidais de contournais le reste de la table pour aller m’asseoir le plus loin possible d’elle, juste en face. Tout le monde s’était alors installé en silence, la confrontation ayant jeté un léger froid sur la cuisine. Vaiana et Anatole s’étaient assis respectivement à ma gauche et à ma droite tandis que Madame Polstead avait pris place à côté d’Anatole et Malcom à côté de Vaiana. Comme pour tenter de détendre l’atmosphère, Brenda avait lancé d’un air enjoué :
- J'espère que vous aimez le ragoût de mouton !
J’avais eu un nouveau haut-le-cœur que j’avais tenté de maîtrisé avant de sourire aimablement :
- Ce sera une première me concernant. - Ma mère est une excellente cuisinière !
Malcolm tentait de me rassurer d’un air fier, visiblement très confiant dans la nourriture de sa maman. Je ne pouvais pas lui en vouloir. J’avais aussi l’impression de pouvoir aimait cela, moi qui aimais ce genre de viande mais inexplicablement, l’odeur ne me rendait pas la tâche facile. Face au compliment de son fils, Brenda rougit :
- Oooh Malcolm !
Madame Polstead amena sa marmite pour commencer à servir le ragoût. Anatole se leva brusquement, récupérant mon assiette au passage pour lui tendre et l’aider au service :
- Permettez !
Il garda son sourire durant tout le temps qu’elle se mit à me servir le ragoût accompagné d’haricots blancs et d’une généreuse tranche d’une miche de pain campagnard. Lorsqu’il détourna le regard en ma direction pour me tendre mon assiette, son sourire s’évanouit brusquement pour me regarder sévèrement, m’intimant d’une certaine façon à manger et me taire. Je soutenais son regard sans ciller, têtue dans ma démarche. Cette FILLE avait une araignée sous son chemisier, j‘avais pas signé pour ça, il pouvait pas m’en vouloir d’avoir des phobies. Une fois la tablée servie, nous avions commencé le dîner en silence et je devais avouer que le rouquin, qui mangeait avec le plus d’entrain et d’appétit, n’avait pas menti : sa mère était une excellente cuisinière. J’avais remarqué qu’il y avait à côté de Madame Polstead un couvert en plus et comme pour répondre à mon interrogation silencieuse, Malcolm demanda :
- Où est papa ? - Il est en train de discuter sur le grossiste sur la terrasse.
Elle s’était assise à son tour, se ressuyant les mains avec un torchon avant de plonger sa fourchette dans le ragoût. Tout en essuyant mes lèvres et en avalant ma bouchée, j’avais alors précisé :
- C’est délicieux Madame Polstead ! - Tu en reveux ?
Elle avait réagi avec un entrain non dissimulé, prête à me resservir alors que mon assiette était encore pleine. Je levais les mains pour la stopper dans son élan :
- Euh non non, merci ! Je vais déjà terminer mon assiette... j’ai un petit appétit en ce moment. - C’est vraiment succulent, ce que vous avez préparé. - Merci !
J’avais eu un sourire en coin en comprenant ce qu’Anatole avait tenté de faire sans succès. Là où je peinait à avancer dans mon plat par crainte de la nausée, le titan avait déjà presque terminé la sienne et avait espéré être resservi en la complimentant à son tour. Malheureusement pour lui, Madame Polstead avait préféré éviter un second impair et avait gardé le silence. Mon regard croisa alors celui du jeune homme et je lui proposais silencieusement de me délester d’un peu de mon repas pour lui en donner. Pour toute réponse, son sourire s’évanouit de nouveau, comme pour me forcer de nouveau à manger. Il me boudait. Je m’en fichais. Il tourna alors la tête vers Lyra pour lancer la conversation :
- Pourquoi comptiez-vous entreprendre un voyage dans le Nord ?
Après une pause, il ajouta :
- Si ce n’est pas indiscret bien sûr.
La jeune fille prit le temps d’avaler ce qu’elle avait dans la bouche avant de préciser :
- J’ai des choses à faire là-bas.
Une réponse des plus prolixe qui satisfit forcément le Titan de la réponse prolixe... mais pas Malcolm qui enchaîna :
- Et on peut savoir en quoi elles consistent ces choses ?
Elle l’observa alors, un peu prise au dépourvu et se reprit :
- Les photogrammes doivent être prêts maintenant, non ?
Il l’observa un instant d’un air agacé et réprobateur avant de se lever à contrecœur :
- Je vais voir.
Il quitta alors la table puis la pièce et durant les minutes qui suivirent, seul le bruit des couvers raclant les assiettes se fit entendre. Tentant de relancer la conversation, Brenda demanda :
- Donc... euh... Comment avez-vous perdu vos daemons ?
Histoire d’éviter de m’attirer une nouvelle fois les foudres de mon ami, j’avais tourné la tête d’un air entendu vers Anatole mais celui-ci avait tourné la tête vers la fille à l’araignée, comme pour lui demander s’il pouvait répondre. Après un court silence, ce fut elle qui brisa l’attente :
- Ils viennent d’un endroit où il n’y a pas de daemon. - Mais.... ça n’existe pas un endroit comme ça... - Il y a beaucoup de choses qui dépassent notre entendement.
Avant que sa mère ne puisse répondre, le fils était de retour, dans l’encadrement de la porte. Il tenait à la main des sortes de carte à jouer mais beaucoup plus épaisses. Il avait l’air d’avoir vu un fantôme et nous regardait méduser, en silence. Inquiète, j’osais en sa direction :
- Ca va ?
Pour toute réponse, il s’approcha de Lyra et lui tendit les photogrammes. Elle les observa un instant avant de nous regarder à son tour, aussi perturbée que le rouquin :
- C’est impossible... - Qu’est-ce qui se passe ?
Le jeune homme tourna alors son regard vers moi pour m’expliquer :
- L’appareil dont je me sers pour prendre des photogrammes est un peu particulier, il mesure aussi la Poussière.
Récupérant les espèces de cartes à jouer, il s’approcha de moi pour m’en montrer une.
- Ceci est un photogramme d’une personne de notre monde.
Sur la photo dans les tons sépia, je pouvais voir un homme qui prenait la pause dans une rue. Il était accompagné d’un chien qui devait être son daemon. On pouvait voir qu’un espèce de faisceau de lumière, comme un rayon du soleil, semblait partir du haut de la photo pour se diriger droit vers son cœur avant de se répercuter sur son chien. Un peu perplexe, je montrais le photogramme à Vaiana et Anatole. Ce dernier ne le prit pas et l’observa tout en continuant de manger tandis que la jeune fille se mit à le faire passer tandis que Malcolm reprenait ses explications :
- La Poussière est partout autour de nous et les adultes l’attirent tandis que les enfants ne sont pas touchés par elle. - Ça veut dire que les enfants n’ont pas de daemon ?
Lyra décida alors d’intervenir :
- Bien sûr que si ! Mais le daemon d’un enfant a la faculté de changer de forme, il ne se stabilise qu’à la puberté.
J’avais cligné des yeux, observant le photogramme de loin passer de main en main avant de préciser d’un air incertain :
- Mais... sur cette photo, la Poussière semble relier l’humain à son daemon... je me disais que la Poussière connectait peut-être les deux... mais du coup... qu’est-ce qu’elle fait si elle est inexistante dans la vie d’un enfant ? C’est elle qui stabilise son daemon ? - En quelque sorte...
Elle hésita avant de préciser :
- Le Magisterium pense qu’elle est mauvaise. Il pense qu’elle est le Péché. - Quel est votre avis sur la question ?
Il avait été plus rapide que moi mais j’avais hoché la tête d’un air entendu, aillant la même question en tête. Lyra sembla pensive un instant, presque triste avant de préciser :
- Tout dépend de ce que l’on fait de la Poussière. - Ah parce qu’on peut l’utiliser ? A quoi peut-elle servir ? - La Poussière est consciente. Chaque action que l’on commet la rends bonne ou mauvaise.
Pendant tout ce temps, Madame Polstead avait bu les paroles de Lyra, comme choqué, un morceau de mouton en équilibre sur sa fourchette. Ce dernier ne tarda pas à s’en décrocher pour s’écraser dans les haricots dans un “splash” sinistre, éclaboussant au passage légèrement son tablier. Elle ne semblait pas du tout au courant de tout ce que Lyra était en train de lui apprendre. Comme toute bonne dictature, le fameux “Magisterium” avait sans aucun doute juste précisé que la Poussière était à bannir sans pour autant donner plus d’explications, notamment sur sa prétendue conscience. Malcolm en revanche semblait bien plus au fait des discussions, comme s’il en avait déjà parlé avec Lyra. Il décida de reprendre les explications en main, posant devant moi un second photogramme sur lequel on nous voyait tous les trois, Anatole, Vaiana et moi, dans le bureau que nous avions quitté un peu plus tôt. Nous n’avions pas vraiment l’air à l’aise mais ce n’était pas le plus surprenant. A la place du faisceau de Poussière que j’avais pu voir avec l’homme et son chien, Vaiana et moi avions aussi un faisceau qui entrait au niveau de notre cœur sans pour autant en ressortir. Mais la matière était différente, une matière que je connaissais déjà... du Sable Noir. Pour ce qui était d’Hypérion, c’était d’autant plus confu : il semblait entouré de ce sable, il n‘avait ni l’air d’émaner de lui, ni l‘air d’entrer en lui... il était juste en suspension tout autour de lui, le brouillant sur certaines parties de son corps et de son visage.
- Au moins ça prouve une chose... vous n’êtes vraiment pas du coin...
J’observais la photo, surprise. Je déglutis un instant avant de laisser échapper un petit rire nerveux, tentant de détendre l’atmosphère, tout en observant Anatole :
- T’es un peu barbouillé toi en ce moment, non ?
Vaiana de Motunui
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
| Avatar : Zendaya Coleman *o*
Rage is a quiet thing Ooh, you think that you've tamed it
But it's just lying in wait Rage, is it in our veins?
| Conte : Vaiana, la légende du bout du monde | Dans le monde des contes, je suis : : Vava, la fille du chef qui n'est pas une princesse même si elle chante et a des animaux de compagnie
I want to touch the northern lights. We could leave the world behind...
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D'après Malcolm et compagnie, c'était choquant que la Poussière soit sombre autour de nous. Me concernant, je trouvais cela plutôt logique, puisque je voyais tout en noir. Cependant, il était étrange qu'il en soit de même pour Alexis. Quant à Hypérion, la "Poussière" était trouble et l'englobait totalement. Etait-ce parce qu'il était un titan ? Il s'agissait probablement du Sable Noir. Je n'osai pas l'évoquer à haute voix car je me doutais que Hypérion ne souhaitait pas trop en dévoiler à nos hôtes pour l'instant. Aussi je gardai le silence. Malcolm rangea les photogrammes mais je remarquai très bien à son regard qu'il n'en avait pas fini avec cette histoire.
Après le ragoût -étonnamment bon en dépit de l'odeur- Mrs. Polstead nous servit à chacun une part de tarte à la pomme garnie de flan. Je mangeai rapidement, car il me tardait de retrouver Hei Hei.
"Il faut être à la gare à sept heures, demain matin." annonça soudain Lyra.
Je remarquai qu'elle avait à peine touché à son dessert, et je ne me souvenais pas qu'elle ait mangé beaucoup de ragoût. Pour une fille qui avait un daemon-araignée, elle avait un appétit d'oiseau.
"Je viendrais vous réveiller une heure avant." déclara Mrs. Polstead à tout le monde. "Ce sera suffisant ?"
Elle posa les yeux sur moi et je tressaillis légèrement, embarrassée d'être brusquement le centre de l'attention.
"Euh... ouais, ça devrait le faire." répondis-je en interrogeant mes compagnons du regard.
Mrs. Polstead parut hésitante, comme si elle n'avait pas tout à fait saisi le sens de mes paroles. Elle croisa le regard de son fils qui afficha une moue dubitative.
"De toutes façons, tu seras debout avant tes maîtres, je suppose." opina la cuisinière avec un sourire entendu. "Tu pourras préparer leur départ."
J'ouvris des yeux ronds. Heureusement que j'avais fini ma part de tarte, autrement je me serais étouffée avec. Passée la seconde de stupéfaction, je décidai d'en rire.
"Ah non, attendez..." fis-je en m'esclaffant de manière jaune. "Anatole et Alexis ne sont pas mes maîtres. Je suis ma propre maîtresse."
Cette phrase était très bizarre. Je grimaçai avant de reprendre, paraphrasant un poème que Jules appréciait beaucoup :
"Je suis maître de mon destin, je suis le capitaine de mon âme."
Je m'étais exprimée d'un ton ferme, histoire que ça entre dans la caboche de notre hôtesse. Etait-ce ainsi qu'elle me percevait ? Et Malcolm, pensait-il la même chose à mon sujet ? C'était révoltant ! Dans ce monde, l'esclavage était considéré comme étant normal ? Il fallait vraiment dépoussiérer leur monde plein de Poussière !
"Oh..." fit Mrs. Polstead, embarrassée. "Eh bien... je suis confuse."
Elle se leva pour débarrasser la table, avec des gestes maladroits. Je voulus l'aider mais elle refusa.
"Allez vous reposer." dit-elle avec gentillesse. "Un long voyage vous attend."
Etant donné que Lyra-l'araignée avait pris le parti de faire la vaisselle, je n'insistai pas : son daemon n'était pas visible et j'avais trop peur qu'il se promène autour de moi. Que se passerait-il si je l'écrasais par mégarde ?
Tandis que nous quittions la cuisine, je posai la question à Malcolm :
"Il se passe quoi si un daemon est blessé ? Du genre grièvement ?"
Je vis les oreilles d'Asta se dresser et elle posa sur moi un regard perçant. Malcolm montait déjà les marches menant à l'étage.
"Si le daemon meurt, l'humain meurt." répondit-elle.
Je m'attendais plus ou moins à ça. C'était curieux, un monde dans lequel une personne possédait deux cibles en mouvement...
"En principe, nous ressentons les mêmes choses." compléta Malcolm tout en montant rapidement les marches. "La joie, la peine, la souffrance... nous partageons tout avec notre daemon."
"En principe ?" répétai-je, les sourcils froncés. "Il y a des exceptions ?"
Arrivé dans le couloir du premier étage, il stoppa net, si bien que je manquais de le heurter. Qu'est-ce qui lui prenait ?
"Nous devrions leur dire, Mal." dit Asta d'une voix douce.
Le jeune homme exhala un soupir résigné. Puis, il pivota vers nous dans le couloir éclairé par de rares appliques aux murs.
"Le lien qui unit l'humain a son daemon est extrêmement complexe. Quand on est enfant, le daemon est un excellent compagnon de jeu, mais en grandissant, il arrive que certaines personnes s'éloignent de leur daemon. Parfois, ils ne parviennent plus à s'entendre tous les deux."
"Cela doit être affreux." renchérit Asta et un frisson parcourut son pelage.
"Vous, vous n'avez jamais eu ce genre de souci ?" demandai-je, intriguée.
Malcolm et Asta se lancèrent un regard -le même regard indéchiffrable, comme s'ils se remémoraient en un éclair tout ce qu'ils avaient traversé- puis la chatte répondit :
"Nous avons eu des hauts et des bas, mais dans l'ensemble, j'estime que nous nous en sommes plutôt bien sortis."
Malcolm esquissa un sourire, qui se ternit quand je posai la question suivante :
"Lyra et son daemon n'ont pas l'air d'avoir la même complicité qu'Asta et vous."
Il acquiesça avec réticence. Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose, sembla se raviser, et finalement déclara :
"Lyra vit un moment très difficile."
J'attendis qu'il en dise davantage, mais il ne semblait pas décidé. A la place, il nous indiqua la porte de notre chambre. J'avais opté de ne pas insister, car, puisque nous partions en voyage avec la fille-araignée, nous finirions bien par savoir ce qui lui arrivait.
"Je vous laisse vous reposer."
J'opinai, avant de tirer sur ma jupe grise trop large qui grattait.
"Pas mécontente d'enlever bientôt ces fringues-là."
Le look mémère, ça n'était pas mon style. Je n'étais pas spécialement axée sur les vêtements mais j'aimais porter des choses confortables, et de préférence, tout sauf des jupes.
"Vous trouvez ça sexy, vous ?" fis-je en prenant à parti Malcolm.
Ses yeux clairs s'écarquillèrent de stupeur. Au moins, pour une fois, il avait l'air de comprendre ce que je disais.
"Eh bien... ce sont des vêtements fonctionnels..." bafouilla-t-il, pris au dépourvu.
Il s'empressa de se détourner dans l'espoir de cacher ses joues qui prenaient de nouveau une teinte rose vif, tandis qu'Asta trottinait à ses côtés dans le couloir.
"Toi, alors..." soupira-t-elle.
Malcolm maugréa dans sa barbe quelque chose à son daemon et se rendit jusqu'à une chambre un peu plus loin. Juste avant de fermer la porte, il nous souhaita bonne nuit.
"Chelou." commentai-je avec une moue.
Avais-je dit quelque chose de déplacé ? Je n'en avais pas l'impression. Y pouvais-je quelque chose si ce gars prenait la mouche pour un rien ? D'une certaine manière, il me rappelait Hermès. J'eus un petit coup au coeur en pensant à mon boss. Depuis que j'avais repris le travail, plus rien n'était comme avant entre nous. Forsyth avait cassé quelque chose. Lorsque j'étais allée le voir, quelques jours après son retour, il s'était montré si indifférent...
Si ça se trouve, je ne le reverrai plus jamais, réalisai-je.
Non, je ne devais pas raisonner ainsi. Il y avait toujours de l'espoir. A chaque fois que nous nous trouvions dans une situation désespérée, quelque chose finissait toujours par arriver. On s'en sortait toujours.
En retournant dans la chambre, je me précipitai vers Hei Hei qui était réveillé. Il était debout sur le fauteuil et picorait l'accoudoir, juste à côté de là où se trouvaient les graines. Délicatement, j'orientai sa tête afin qu'il trouve la nourriture. Il en colla aussitôt partout. Je lui tapotai affectueusement les plumes puis ouvris l'armoire, en quête d'un pyjama. Une exclamation maussade m'échappa en découvrant des chemises de nuit blanches en dentelle. J'en montrai une à Alexis avec une grimace. Ma seule consolation étant qu'Anatole allait devoir en porter une aussi, puisqu'il n'y avait rien d'autre... J'avais hâte de voir ça.
CODAGE PAR AMATIS
Anatole Cassini
« Maîïîtreuuuh !!! »
| Avatar : ➹ Bill Nighy & John Krasinski
« Il existe 175.000
espèces de papillons... »
« Le papillon ne compte pas
les mois, mais les moments.
Ce qui lui confère suffisamment
de Temps pour vivre, ressentir, aimer. »
| Conte : ➹ Intrigue Divine | Dans le monde des contes, je suis : : ✲ Le Titan Hyperion, un papillon étoilé.
...un appât pour toute âme en quête de renouveau. »
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Mon monde me manque. Pas celui que je viens de quitter, mais celui où je suis né. Titania a toujours été de toute beauté, quelle que soit la saison. Des forêts s'étendaient à perte de vue, peuplées d'une riche verdure qu'on ne voit plus aujourd'hui. La cime des sapins montaient jusque dans l'azur, et s'y perdaient. Il y avait de magnifiques prairies, dont une qui jouxtait mon Palais. Les animaux, dons de la Nature, s'y aventuraient, y gambadaient. On pouvait tomber sur l'un d'entre eux, broutant l'herbe qui sortait du sol, ou sur tout un troupeau.
Je prenais chaque jour, depuis que j'avais failli causer bien des dégâts, le temps d'observer ce magnifique tableau. De lever les yeux vers le ciel. D'admirer les aurores boréales. Mon monde possédait l'un des plus beaux horizons de l'univers tout entier. Aujourd'hui, en fermant les yeux, il m'arrivait de m'y replonger, encore et encore. J'y trouvais le calme, la paix, la sérénité qui me permettait de me rapprocher jour après jour de celle qui nous avait à tous, mit au monde.
La Nature. Elle est tout. Elle est présente en chacun d'entre nous. Elle est l'ensemble de tous les êtres vivants et pensants qui peuplent l'univers. Les merveilles de la Nature. Les lois de la Nature. Elle guide nos pas, elle nous protège, nous berce jour après jour. Et après tout ce temps, elle reste encore un immense mystère à découvrir.
Je pensais aux âmes. Au fait qu'ici, elles étaient divisés en deux. D'un côté, l'homme, de l'autre, le Daemon. Je ne comprenais pas bien comment cela était possible, ni dans quel but on s'était retrouvé ici. Mais il y avait quelque chose à comprendre, à apprendre, de ce lieu, de ces habitants. Je souhaitais rentrer. Mettre Alexis, Vaiana et HeiHei à l'abri. Mais quelque chose me poussait à vouloir en savoir plus, et à ne pas précipiter notre départ. Le Nord. Sans doute que c'était là bas qu'on y trouverait les réponses à nos questions. Lyra m'intriguait. Malcolm également. Tout ici était tellement différent. Si je pouvais dormir, je n'en trouverais pas le sommeil.
Il fallait que je sorte. Que je quitte cette auberge. Que je me mette en quête de la connaissance et du savoir. Que j'observe simplement le ciel. Que je m'engouffre juste ce qu'il faut, dedans. Je veux toujours en découvrir plus. Aller plus loin. Mais je tente de garder constamment les pieds sur terre, afin de ne plus me perdre dans ce néant sans fin. L'étude a ses limites. Chaque être doit rester à sa place dans l'univers, et laisser les choses se faire. Accepter le changement. Accepter la fin. Sa fin. On doit tous prendre part à la Nature. C'est dans ce but qu'on a vue le jour. Afin de la retrouver le moment venu.
« Je ne suis pas encore prêt... » laissais-je échapper, tandis qu'une brise légère me caressa le visage.
Le Temps n'était pas encore venu, même si j'entendais son appel en continue.
Je contemplais la Tamise face à moi. Je m'y étais rendu discrètement, en tentant de ne pas croiser le regard de qui que ce soit. Je ne voulais pas qu'on me voit sans Daemon. Il y avait très peu de passants à cette heure avancée de la nuit. J'étais désormais seul, face à l'eau. Les minutes passaient, s'écoulaient. Les heures. Je n'avais plus trop la notion du Temps, perdu dans mes pensées. Les filles ne risquaient rien. Elles étaient ensemble, dans la même chambre. L'auberge n'était pas loin d'ici. Je pouvais m'y rendre à tout moment, au cas où.
Au bout d'un moment, j'entendis du mouvement derrière moi. Tournant la tête, je vis un jeune homme avancer avec la silhouette de son chat, qui l'accompagnait. J'eus un petit sourire, avant de fixer une nouvelle fois la Tamise. Malcolm se plaça à côté de moi.
« Vous aussi vous rencontrez des difficultés à trouver le sommeil ? »
Je tournais la tête, une nouvelle fois dans sa direction, avant de pencher ma tête en direction de Asta. Cette dernière me regardait avec curiosité, la tête renversée en arrière. Ses yeux brillaient dans le noir. Je lui adressais un petit regard, sans laisser paraître la moindre émotion, avant de fixer l'homme.
« Nos pensées sont dirigées vers la même personne, je suppose. »
Malcolm me regarda avant de répondre.
« Je ne pensais pas que nous étions si proche, au point de partager nos pensées. »
Je lui adressais un petit sourire. Il était amusant.
« Elle semble prendre les décisions. Elle est plutôt jeune pour diriger votre groupe secret, n'est ce pas ? »
Ce n'était pas un reproche, simplement une constatation. Mais en soit, oui, elle était plus jeune que lui, et pourtant elle paraissait bien plus expérimentée. Qu'est ce qui les avait fait se trouver ? Quel était le but réel de leur union ?
« A quoi doit-on s'attendre en nous rendant dans le Nord ? »
Est-ce que ça allait être dangereux ? On avait accepté de les suivre sans même savoir sur quoi on pouvait tomber. Ils nous avaient demandés de prendre part à ce voyage, sans même savoir si on était digne de confiance. On marchait dans les deux groupes, sur une corde raide, espérant chacun dans notre coin, de pouvoir nous fier à l'autre. Mais pouvions nous véritablement confier nos vies à l'inconnu ? Et celle de nos amis ? J'espérais ne pas commettre d'erreurs.
« Je ne suis pas le mieux placé pour vous répondre. Car je ne m'y suis jamais rendu. C'est Lyra qui y est allée, il y a une dizaine d'années. »
Il me regarda avec un petit rire au fond des yeux.
« Et juste une parenthèse, elle n'est pas la chef de Oakley Street. »
Je lui rendis son sourire. Elle arrivait pourtant très bien à en donner l'impression.
Malcolm mis les mains dans les poches de sa veste. Il se balança d'avant en arrière sur ses pieds.
« Elle a un sacré tempérament. » laissa t'il échapper.
Il voulait sans doute dire que ce n'était pas toujours facile avec elle. Je voulais bien le croire.
« C'est là bas que c'est arrivé ? » lui demandais-je.
Je me doutais qu'il ne comprenait pas où je voulais en venir. Je ne comptais pas le faire patienter trop longtemps. Je cherchais simplement mes mots, tout en l'observant et en croisant son regard.
« Quand on perd quelqu'un de proche, une part de lui ne nous quitte jamais. Elle laisse une trace sur nous, que ceux qui en souffrent, peuvent percevoir. »
Le jeune homme fixa la Tamise. Je ne détournais pas mon regard de lui. Les muscles de sa mâchoire se tendaient légèrement. Signe qu'il réfléchissait, mais hésitait également. Il était soucieux. Avais-je était un peu trop indiscret ? Il frémit d'un seul coup, avant de pencher la tête vers Asta qui se frottait tout contre sa jambe. La chatte le regardait, d'un air bienveillant. Leurs regards se croisèrent, avant qu'il se mit à fixer une nouvelle fois la Tamise.
« Ca n'est pas arrivé dans le Nord. C'est bien plus récent. »
J'ignorais si je pouvais continuer ou non à le questionner sur cette partie de sa vie, ou plutôt de celle de la jeune femme. J'attendais de voir si il continuait de lui même. Tout en l'observant, je percevais ce lien entre le Daemon et lui. C'était indescriptible. Ca donnait l'impression qu'ils étaient là l'un pour l'autre, indissociable. S'en était troublant.
« Son Daemon est partit. Ca fait quelque jours. Elle évite d'en parler. »
Il marqua une pause.
« Elle se cache à l'auberge. »
Sa réponse m'en coupa le souffle. Je pensais commencer à comprendre ce lien entre les Daemon et l'homme, et d'un seul coup, il balayait tous mes acquis d'un simple geste de la main.
« J'avais cru comprendre que vous étiez indissociable de votre Daemon. Vous pouvez vivre éloigné de lui ? »
« Non sans souffrances. » dit-il. « Celle de Lyra est abyssale. »
Il semblait réellement affecté par ce qu'il disait. Je l'étais tout autant. Je voulais lui demander la raison de cette rupture, mais c'était bien trop indiscret. Ce qui avait causé cela était entre la jeune femme et son Daemon. C'était à elle de décider d'en parler le moment venu, si elle trouvait cela opportun.
« Si son Daemon est partit, à quoi correspond cette araignée ? »
Est-ce qu'un autre Daemon prenait la place ? L'âme se divisait en trois morceaux ? C'était bien trop complexe pour que je trouve la réponse par moi même. Il y avait bien trop d'inconnues.
Il soupira.
« C'était juste une araignée. Elle cherchait à vous impressionner. »
Je m'en étais douté. Même si de base, je pensais que son Daemon avait juste changé d'apparence. Mais à en croire ce qu'ils nous en avaient dit, ce n'était pas possible une fois l'âge adulte atteins.
« Est-ce que... » débutais-je sans réussir à m'en empêcher. « Est-ce qu'il y a une chance que ça s'arrange pour eux ? »
Je voulais savoir jusqu'où leur relation pouvait aller. Si elle était aussi forte que je l'imaginais.
« Je l'espère. »
« Aller dans le Nord, ça l'y aidera ? »
« J'imagine que c'est lié, mais je ne vois pas très bien comment. Lyra est un être complexe. Parfois je n'arrive pas à la suivre, mais je lui fais confiance. »
Des mots raisonnaient dans mon esprit. Deux mots que j'avais entendu en arrivant ici. Leur sens prenait tout doucement forme dans ma tête.
« Je la connais depuis qu'elle est tout bébé. » dit-il avec une grande douceur dans la voix, et un léger sourire. « J'ai veillé sur elle lors du Déluge. Il y a dix neuf ans de cela. »
Je laissais passer quelques instants. Mon regard fit un vas et viens entre Asta et Malcolm. Puis, je fixais une nouvelle fois la Tamise. Je me sentais apaisé. J'avais la sensation d'avoir appris beaucoup de choses avec cette petite sortie en pleine nuit. Des choses non seulement sur nos hôtes, sur leur monde, mais aussi sur le fait, que j'avais la conviction au fond de moi, qu'on pouvait se fier à eux, et leur faire confiance. J'avais moins peur de me diriger vers l'inconnu, une fois le soleil levé. Tournant la tête vers Malcolm, je lui avais adressé un petit regard.
« Je vous aiderais du mieux que je pourrais. »
J'ignorais pourquoi j'avais dit cela. Après tout, c'était nous qui avions besoin d'aide. Mais j'avais la sensation qu'on pouvait se rendre la pareil. Qu'on était plus fort, ensemble. Et qu'il devait en avoir conscience. Il acquiesça.
« Je vais rentrer. Vous devriez en faire de même. » me conseilla t'il.
J’acquiesçais à mon tour.
« Une dernière chose, si vous le voulez bien. » lui demandais-je avant qu'il me quitte. « Quel est le nom de son Daemon ? »
« Pourquoi cette question ? » me demanda t'il surpris.
« J'aurais une pensée pour lui. » répondis-je.
J'avais retenu que c'était un monde porté sur l'Eglise. Et si elle représentait la même chose que dans le monde que je venais de quitter, les prières avaient une place importante pour faire rentrer les choses dans l'ordre.
Malcolm paru sceptique. C'est Asta qui me répondit.
« Pantalaimon. »
Je marquais une pause. Pantalaimon.
« Passez une bonne nuit. Tous les deux. » dis-je en regardant Malcolm, avant de baisser les yeux pour contempler Asta et lui adresser un petit sourire, ainsi qu'un léger signe de tête en guise de remerciement.
J'entrepris de rentrer à mon tour, après avoir passé un dernier moment tout seul.
CODAGE PAR AMATIS
Lyra Parle-d'Or
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
| Avatar : Elle Fanning
We are all broken.
That's how the light gets in.
| Conte : A la Croisée des Mondes | Dans le monde des contes, je suis : : Lyra Belacqua / Parle-d'Or
Je m’étais endormie comme une masse, brusquement, épuisée. Je n’arrivais pas à me souvenir combien de temps il m’avait fallu pour m’endormir mais cela m’avait semblé presque instantané. Depuis peu, je commençais à me demander si je ne couvais pas une sorte de virus de ceux qui confinerait toute une population tant mon état s’en allait à tout va. Je me sentais constamment épuisée, je dormais mes nuits d’une traite, dignes d’un coma, mon estomac faisait souvent des siennes, alternant entre les nausées et les brûlures. C’était l’enfer. Et l’idée d’être dans cet état dans un monde que je ne connaissais pas n’arrangeait rien à la situation. J’avais donc mis un certain temps à sentir se doigt qui s’enfonçait pourtant dans ma joue avec insistance. Comprenant au bout d’un moment que ce n’avait rien d’un rêve, j’avais ouvert les yeux en grimaçant, les paupières plissées par le trop plein de lumière qui me parvenait. Vaiana avait allumé la lumière dans la chambre et m’observait, penchée au-dessus de moi, anxieuse :
- Hyperion est plus là. Ils l'ont chopé. Je suis sûre qu’ils l'ont chopé.
J’avais dégluti, la bouche encore pâteuse de la nuit, tentant de comprendre ce qu’elle était en train de me dire, me rappeler la raison de sa présence dans mon lit et du décor autour de nous. Je m’étais alors tournée lentement, me redressant légèrement en position assise pour observer le reste de la chambre et constater qu’elle avait raison : aucune trace d’Anatole.
- De base, il ne dort pas... il est peut-être allé se balader ? Moyen moyen pour quelqu’un qui voulait pas qu’on se sépare...
J’avais marmonné la dernière phrase en tenant de me sortir du lit, m’asseyant sur le bord, les pieds dans le vide, tout en tentant de replacer ma tignasse brune correctement d’un geste impatient de la main. Je m’étais dirigé vers la fenêtre après avoir tiré les rideaux pour observer au dehors. Il faisait encore nuit et à part les reflets de la Tamise, je ne voyais pas grand-chose :
- On devrait peut-être descendre ? Il est peut-être dans la cuisine ou quelqu’un l’a peut être vu ?
Je l’avais senti m’agripper un bout de la chemise de nuit avant de s’approcher de moi, l’air toujours aussi anxieux, le corps tendu :
- Non. Faut qu'on élabore un plan avant de sortir. S'ils ont chopé un titan, c'est qu'ils sont très forts. On doit se montrer plus balèzes qu'eux.
Je scrutais tout son visage, inquiète. Elle avait vraiment pas l’air bien, plutôt fortement paniquée et pas du tout résolue à penser qu’il était peut-être juste sorti petit-déjeuner plus tôt. Après tout, Anatole était un grand gourmand, il était fort probable qu’il avait voulu goûté à la cuisine de Brenda plus tôt que prévu. Comme pour nous aider à rompre notre contact visuel, Hei Hei avait continuer d’avancer sur son fauteuil jusqu’au vide. Il s’écrasa au sol dans un bruit sourd, la tête la première, le bec planté entre deux lattes de parquet. Contournant mon amie, j’avais sorti le coq de sa situation avec une grande douceur avant de le remettre sur ses jambes. Me relevant avec un soupire, je m’étais tournée vers Vaiana avec un air sceptique :
- T'es vraiment sûre que NOUS là...
Je nous avais montré toutes les deux à plusieurs reprises d’un geste de la main avant de pointer Hei Hei qui continuait à marcher sans but, comme si de rien n’était :
- ... avec lui... On est capable d'être plus fortes qu'un Titan ? Ça se trouve on s'inquiète pour rien en plus... j'espère...
Je n’étais plus sûre de rien. Après tout, elle avait peut-être raison mais si c’était le cas, je ne donnais pas chère de notre peau. Je n’avais jamais vraiment vu “Hypérion” à l’œuvre mais j’en avais vu d’autres comme Japet et il me semblait évident que si lui n’avait pas réussi à s’en sortir, alors nous avions aucune chance. Mais je refusais de céder à la panique, tant au moins que je n’étais pas sûre qu’il était potentiellement juste en train de terminer le ragoût ou que sais-je encore à la cuisine. Un peu désemparé, je m’étais mise face à la cheminée éteinte et j’avais levé le bras en sa direction, me concentrant sur mon pouvoir, ignorant le regard étrange que me lançait Vaiana. Il fallait se rendre à l’évidence : je n’avais plus mes pouvoirs. Soupirant, je me tournais vers mon amie :
- T'as ton pouvoir toi ? Parce que moi perso j'ai plus de jus en plus... - Non, je ressens plus rien. D'un côté c'est peut-être mieux comme ça, parce que ça serait chaud si je pétais l'auberge...
Je concédais d’un signe de tête tandis que la brune observait l’âtre de la cheminée d’un air intrigué :
- Tu penses qu'il est passé par la cheminée ?
J’avais tourné la tête vers elle, un sourire en coin, persuadée qu’elle me faisait une blague mais mon sourire s’évanouit brusquement lorsque je me rendis compte qu’elle l’envisageait vraiment. Elle l’avait pris pour qui, le père Noël ?!
- Euh...
J’avais regardé la cheminé... puis Vaiana... puis la cheminée. Après un moment de blocage j’avais de nouveau observé la cheminé... puis Vaiana. Son attitude commençait à m’inquiéter sérieusement. Je me souvenais du bouge de drogué où on l’avait trouvé et je me demandais si elle consommait encore, au point que peut-être le manque se faisait sentir. Gardant cette note mentale, je me promis de l’observer pendant les prochaines heures, l’aider au besoin, mais je préférais garder cela pour moi pour le moment, ayant beaucoup trop peur qu’elle se braque. Tentant d’avoir un ton maîtrisé, j’avais précisé :
- Je pense qu'il est passé par la porte plus tôt... t'étais réveillée depuis longtemps ? - Non j'ai ouvert les yeux y a dix minutes grand max.
A première vue, il ne m’avait pas semblé, son visage semblait presque aussi endormi que le mien lorsqu’elle avait décidé de m’enfoncer son index dans la joue mais lui poser la question revenait à évaluer depuis combien de temps au moins on savait qu’Hypérion avait... “disparu”. Je m’étais dirigé vers notre tas de “vêtements” pour tendre les siens à mon amie en précisant :
- Je pense qu'on devrait s'habiller, quoi qu'on décide on ira pas loin en chemise de nuit aussi... canon soit-elle.
J’avais tiré sur la dentelle, un sourire moqueur aux lèvres, tendant de détendre l’atmosphère et la brune par la même occasion. Machinalement, nous nous étions mise dos à dos pour nous changer. Nous n’étions que des filles, il n’y avait pas de raison dans rougir et j’avais suffisamment la tête dans le coltar pour ni prêter attention au corps de Vaiana, ni être pudique. D'un air goguenard, la jeune femme m’avait répondu :
- C'est pas comme si les fringues qu'on s'apprête à mettre vont nous rendre follement sensuelles. - Beeen d'après Malcolm... si ! T'as vu comment il a rougi hier soir ?
J’avais éclaté de rire en revoyant en souvenir la tête du rouquin. Mon amie en avait rit aussi avant de reprendre un peu son sérieux, finissant de parfaire sa tenue :
- Tiens d'ailleurs, tu le trouves comment le Malcolm ?
J’avais relevé la tête brusquement, me retournant par la même occasion pour observer Vaiana d’un air malicieux tout en remettant ma ceinture sur ma jupe trop large. La soutenant du regard, j’avais répondu avec honnêteté :
- Il est pas maaaal....
Voyant que rien n’arrivait après, j’insistais :
- Pourquoiiii ? Il te plaît ? Avant de lui dégommer la tronche pour qu'il nous rende Anatole t'aurai bien envie de te rapprocher, si t'en a l'occasion ? Je sais pas...
Elle semblait y réfléchir pendant qu’elle boutonnait son chemiser, me faisant glousser au passage. Je tentais vainement de refermer également les boutons de mon haut, compressant douloureusement ma poitrine endolorie par la même occasion.
- Ca dépend s'il c'est un enfoiré ou pas. Je voulais juste connaître ton point de vue sur lui au cas où. Histoire qu'on marche pas sur les plates-bandes l'une de l'autre... Mais en vrai, faudrait que j'arrête de crusher sur des gars dont je sais pas grand-chose. C'est une sale habitude.
Elle s’observa de haut en bas en grimaçant tandis que dans son coin Hei Hei s’était mis à picorer le mur allégrement :
- Et puis il pique un fard au moindre truc. Il est sûrement pas doué.
J’étais revenue sur le début de ses explications avec une surprise tellement forte qu’elle en était sonore. Il y avait un malentendu si elle pouvait ne serait-ce que penser que le rouquin m’intéressait et il y avait une bonne raison à cela. D’un geste de la main qui signifiait quelque chose comme “laisse tomber”, j’avais précisé :
- Oulaaa non tu peux y aller tranquille je suis...
J’avais sans doute parlé un peu trop vite. Lorsque je m’en étais rendu compte, ma voix s’était perdue dans le silence et j’avais commencé à bredouiller, ne sachant plus vraiment comment finir ma phrase. Pourtant, il valait bien la finir alors avec un soupire de courage, j’avais précisé :
- J'ai... j'ai déjà quelqu'un en fait...
Cette pensée m’avait brusquement fait rougir... j’avais jusqu’alors toujours eu du mal à me considérer en couple avec lui mais je devais avouer que les dernières semaines et révélations avaient un peu plus précipité les choses et dans la mesure où il n’avait pas fui à toute jambe, je pouvais considérer que j’étais en couple... non ? Cette pensée me ramena d’ailleurs douloureusement à lui et à ma situation... on était bloqué ici... j’étais toujours d’un naturel optimiste et après tout je m’étais tirée de situations bien plus difficiles que celle-ci mais un fragment de peur était venu se greffer à mon cœur : et si je ne le revoyais jamais ? Chassant cette pensée d’un signe de tête, j’avais décidé de me concentrer de nouveau sur Malcolm :
- Du coup t'as le champ libre ! Je peux pas t'en vouloir en même temps, un mec dont tu sais pas grand chose c'est mystérieux... quand en plus il vient d'un monde inconnu c'est exotique... et exotique et mystérieux généralement ça marche bien sur les humains... Par contre, ouais il a pas l’air d’y connaître grand-chose... près faut jamais se fier aux apparences mais vu dans monastère dans lequel ils semblent tous vivre, je suis pas sûre qu'il puisse vraiment en parler librement avec quelqu'un...
Elle avait approuvé mes propos malgré une moue qui avait semblé vouloir dire le contraire. Je lui avais souri tandis qu’elle m’observait, comme pensive à ce que je venais de lui dire, surtout sur ma situation amoureuse :
- Dès qu'on sera sortie d'affaire, faudra qu'on parle, toutes les deux. - Si tu veux...
J’avais opiné du chef, un sourire gêné sur les lèvres mais pas complétement contre l’idée. Tout plutôt que de ne jamais revenir chez nous alors si c’était le prix à payer, j’étais prête à le faire. Et puis Vaiana était une amie, elle ne me jugerait sûrement pas... Je m’étais rendue compte que je me massais alors le ventre depuis quelques secondes, coïncident avec le moment où j’avais serré ma ceinture. Sentant le besoin de m’asseoir, je m’étais laissé tombée assise de mon côté du lit sous le regard inquiet et étonné de Vaiana :
- Ça va ?
J’avais tenté de lui faire comprendre de ne pas s’inquiéter d’un geste de la main mais je sentais une nouvelle nausée monter, en même temps qu’une sueur froide désagréable. La tête me tournait légèrement :
- Ouais... je crois que ce que j'ai mangé hier soir est pas très bien passé... C'est pas top en ce moment les matins, je suis souvent malade... mais ça va !
Me rendant compte que je risquais de la tendre encore plus, j’avais ajouté précipitamment :
- C'était déjà comme ça avant qu'on arrive hein, je pense pas qu'on a tenté de nous empoisonner !
Elle avait semblé rassurée de savoir que c’était quelque chose de récurrent mais m’observait toujours d’un œil soucieux. Elle risqua :
- Tu manques peut-être de vitamines. - Ouais je pense que ça doit être un truc comme ça... mais je pense pas que c'est ici que je vais me trouver des vitamines... à moins de me faire sniffer de la poussière... - Ça serait à tester.
Elle l’avait dit sans réfléchir et se gratta la tête, comme réagissant à ce qu’elle avait dit. Je m’étais relevé, voyant avec inquiétude une lueur d’intérêt dans les yeux de Vaiana. L’idée de sniffer de la poussière ne lui semblait pas désagréable, ce qui augmentait mes doutes sur le fait qu’elle soit clean. Elle se tourna vers la porte qui était fermée :
- Faut qu'on ait de quoi riposter si jamais ils ont vraiment chopé Hypérion.
Avançant dans la pièce, elle s’était dirigée vers le panier de bûche pour en récupérer une qu’elle me donna en précisant :
- Ça peut servir d'arme au cas où.
Je baissais les yeux d’un air sceptique sur la bûche que je tenais dans la main tandis que la brune en récupérait une qu’elle tenait comme une batte de baseball. Si Anatole était véritablement juste parti déjeuner en avance, il allait vraiment nous tuer de nous montrer si hostiles.
- Ouaip... mais s'ils l'ont pas fait on risque de se les mettre à dos et Anatole va encore nous faire la gueule... voilà ce que je te propose : je vais en première ligne, tu me suis avec ta bûche ! Si jamais ça se passe mal, tu frappes. Bon flic, méchant flic, t'en penses quoi ? - Ca marche. Excellent plan.
Elle avait opiné du chef d’un air énergique avant de se tourner vers son poulet qui picorait toujours le mur avec ferveur.
- Hei Hei, tu bouges pas.
Elle avait levé un index d’un air autoritaire et comme un miracle le volatile... s’était stoppé, brusquement ! Complétement abasourdies, on s’était regardée bouche bée, l’une et l’autre. Le coq avait-il ENFIN compris quelque chose et était ENFIN sorti du brouillard qui semblait l’entourer constamment ? Malheureusement pour nous, c’était un faux espoir. Complétement sonné par le fait de frappé sa tête contre le mur, il avait juste manqué de perdre l’équilibre et s’était rattrapé sur l’une de ses pattes avant de recommencer à frapper le mur de sa tête.
- Allez, c'est parti...
J’étais passé devant la jeune femme l’air pas plus rassurée, après avoir reposé ma buche dans le panier. Avec un instant d’hésitation, j’avais ouvert la porte pour sortir dans le couloir pongé dans la pénombre. Vaiana m’avait suivi de près avec son gourdin et nous avions refermé la porte de la chambre. Il faisait vraiment très sombre et j’avançais à tâtons, pas certaine de mon manque de vision. Brusquement, mon pied buta dans quelque chose de mou. Sur le coup de la surprise, j’avais étouffé un tout petit cri de surprise au fond de ma gorge, me raccrochant au mur de ma main gauche pour ne pas tomber. Ma main droite était venue s’abattre dans le vide et s’était posée sur ce qui semblait être une épaule. Perplexe, les sourcils froncés, j’attendais que ma vision s’habitue de plus en plus à la pénombre tout en remontant ma main vers le visage que je touchais assez abondamment pour tenter de retrouver la forme de la bouche, du nez, des oreilles. Ma main était remontée jusqu’aux cheveux, courts, que je touchais à plusieurs reprises avant de m’exclamer en chuchotant :
- Anatole ?!
Je m’étais penchée un peu plus en avant pour être sur de bien le voir avant de me tourner vers Vaiana avec un regard qui signifiait clairement “Tu vois ? J'avais raison...”. Je commençais alors à mieux percevoir les formes et je me rendais compte qu’en me sentant buter, elle avait levé son gourdin, prête à frapper. Abasourdie, elle demanda en chuchotant :
- Qu'est-ce qu'il fout par terre ? T'es sûre que c'est bien lui ? - Oui, Vaiana, c'est bien moi.
Il était en train de se remettre les cheveux en place tandis que je me relevais, soulagée. Il me tendit la main pour que je l’aide à se relever, ce qui je fis en bougonnant :
- T'étais où ? Pourquoi t'es pas resté avec nous ? Ça valait bien le coup de nous faire passer pour des mormons si c'est pour nous laisser toutes seules, on était inquiètes ! - J'étais là. - Mais qu’est-ce que tu faisais là ?? - Vous avez bien dormi ? Ça fait un petit moment que ça sent une odeur de brioche.
Avec Anatole, je n’insistais jamais très longtemps, ça ne servait à rien. Même si en cette situation, je trouvais ça un peu égoïste... on était tous dans le même bateau ! J’avais froncé le nez en l’entendant parlé de brioche, l’estomac toujours pas en place :
- On peut arrêter de parler de bouffe s'il vous plaît ? - Tu n'as pas faim ?
Il avait l’air surpris, ce que je pouvais comprendre.
- Le petit déjeuner, c'est le repas le plus... appétissant de la journée. D'ailleurs, j'espère que madame Polstead nous accompagnera. Sa cuisine est divine. - J'aurai peut-être plus faim une fois en bas...
J’avais amorcé un début de chemin vers l’escalier mais je m’étais stoppée brusquement pour me retourner vers Vaiana, l’air gênée :
- Euuh... tu devrais peut-être aller reposer la bûche, tu crois pas ? - Surtout pas !
Je m’étais tournée vers Anatole, surprise. Il regardait la brune d’un air inquiet :
- Imagine qu'on tombe sur un grand méchant dans l'escalier. Avec des crocs acérés. Et un regard... méchant, de... méchant.
Dans une autre circonstance, j’aurai sans doute éclaté de rire mais le regard noir que lui avait lancé Vaiana m’avait coupé toute envie de le faire. Ils avaient sniffé la même chose tous les deux ou quoi ? C’était pas très sympa de sa part de la ridiculiser de la sorte. Elle avait posé la bûche et au même moment Lyra aka “Rayon de Soleil” nous avait rejoins sans le moindre sourire :
- Ah, vous êtes déjà réveillés. Parfait. On vous attend en bas.
Elle s’était déjà détournée de nous pour redescendre et j’avais décidé de la suivre pour éviter que les deux autres en profitent pour s’étriper.
- Depuis qu'on a senti l'odeur, on se hâte jusqu'à vous.
J’avais presque senti le sourire dans la voix d’Anatole. Ouais donc c’était officiel je savais pas ce qu’ils avaient sniffé les deux, mais c’était de la bonne. Et si au passage ça coupait les nausées, j’en voulais bien aussi. Arrivés dans la cuisine, l’odeur de brioche était devenue extrêmement présente et elle commençait à mon tour à m’ouvrir l’appétit. Il régnait une douce chaleur dans la pièce, la rendant agréable. La table était déjà dressée et Mrs Polstead posa un pot de lait frais sur la table, juste à côté d’une énorme brioche tressée qui devait au moins avoir la taille d’un raton laveur. Un peu plus loin, du lard grillait dans une poêle, et du porridge trônait sur la table à côté d’haricots blancs à la sauce tomate. Un vrai petit déjeuner à l’anglaise. Je m’étais diriger vers ma place pour m’y installer tandis que Brenda nous observait avec un large sourire et que son blaireau nous toisait, toujours dans son panier :
- Vous avez bien dormi ? - Oui, très bien merci !
Je m’étais de nouveau tournée vers le blaireau, me rendant compte qu’on l’avait snobé la veille au soir alors qu’il n’était pas non plus un animal...
- Bonjour !
L’animal remua le museau, apparemment ravi qu’on lui adresse la parole :
- Bien le bonjour. Ah, ça fait plaisir !
Il se retourna ensuite dans son panier, dos à nous, pour ne plus nous calculer. Un peu perplexe, je continuais à l’observer tandis que la mère de Malcolm me précisait :
- Kerin a son petit caractère. - J'ai entendu. - Comment prenez-vous vos œufs pour le petit déjeuner ? Au plat, pochés, à la coque ? - Je les prendrai bien en omelette. - A la coque, s’il vous plaît. - Ome... Omalette ? Qu'est-ce que c'est ? - Peu importe.
Rayon de soleil avait eu l’air intrigué lorsqu’Anatole avait parlé d’omelette. Après quoi, elle s’était renfermée de nouveau comme une huître et je commençais sincèrement à me demander pourquoi c’était pas plutôt ça la forme de son daemon... daemon qui n’avait d’ailleurs pas pointé le bout de son nez à ma plus grande crainte. J’espérai qu’elle l’avait toujours fourré dans son foutu chemisier. Elle s’était levée pour tenter d’aider Mrs Polstead à la commande de nos œufs mais cette dernière l’avait chassé:
- Oust ! Je cuisine !
Lyra s’était alors sentie contrainte de se poser à table avec nous, le coude contre le bois. Elle nous demanda un peu brusquement :
- Vous êtes prêts à partir ? - Euh... oui ? Et toi ?
Elle hocha la tête avec certitude avant de préciser :
- Il vous manque encore quelque chose. Mais ça ne devrait plus tarder. - Un faux daemon ?
C’était sorti tout seul, j’avais l’impression que c’était désormais la seule chose qui nous manquait pour faire partie du décor mais Rayon de soleil plissa les yeux dans ma direction pour me préciser avec condescendance :
- Si c'était si simple, je n'aurais pas passé des heures à élaborer un plan. Personne dans ce monde ne peut être dupé par un faux daemon. Il va falloir que l'on passe inaperçu autrement. - Désolée... je pouvais pas deviner, je pensais juste que c'était un effet de style.
Je lui avais répondu avec une certaine acidité, terminant ma phrase en montrant ses énormes cernes d’un signe de tête. Il était évident qu’elle n’avait pas assez dormi mais elle se donnait tellement un air de Morticia Addams avec son araignée et sa mauvaise humeur que je pouvais tout aussi bien supposait qu’elle se donnait un style “émo” comme tous les ados en “crise existentielle” dans les années 2000. Mrs Polstead avait fini par nous servir et nous nous étions mis à manger quand soudain, Malcolm débarqua du dehors avec une malle et des housses dans les mains :
- Bonjour tout le monde ! Vos tenues de voyage sont arrivées !
J’avais tourné la tête vers Vaiana avec un sourire entendu qu’elle m’avait rendu. Entre les vêtements et le rouquin, cela faisait de sacrer clin d’œil à notre conversation. Je me tournais ensuite vers le jeune homme :
- C'est ce qui nous permettra de passer incognito ? - Il y a ici trois tenues de religieuse et une autre de prêtre.
Il avait hoché la tête d’un air content tandis que je détourné le regard pour lancer un nouveau sourire à Vaiana, peinant même, tout comme elle, à retenir un début de fou rire. Oui... Malcolm et sa religion prude. De son côté Rayon de Soleil nous toisait d’un œil mauvais en se demandant sans doute ce qui nous faisait rire mais je décidais de l’ignorer. Quant à Anatole qui n’y comprenait pas grand-chose de plus, il tenta de garder son sérieux :
- C'est... une excellente idée. Je prends la tenue de prêtre. - C'est ce qui était prévu. - Aaah bon ? Tu prends pas la religieuse ?
J’avais eu un faux air de surprise pendant une fraction de seconde avant qu’il ne se transforme en air taquin. Après tout le stress de la veille et du réveil, ça faisait du bien de rire un peu... Mais ce n’était pas pour autant que nous étions tirés d’affaire. Reprenant mon sérieux, j’avais observé les housses d’un air perplexe :
- En quoi le fait d'être en religieux va nous aider ? Je suppose que vu le Magisterium, ils ont peut-être des sauf-conduits mais... ça ne règle pas notre problème de daemon, si ? - Les gens ont du respect envers les serviteurs de l'Autorité. Ils nous regarderont, mais sans voir l'absence des daemons. Le meilleur moyen de se cacher, c'est de rester en pleine lumière.
Avec Hyperion, nous avions hoché la tête d’un même geste sans pour autant se concerter, plutôt d’accord avec l’idée. De son côté Mrs Polstead nous observait, l’air soucieux. Quant au blaireau...