« Huit cents trente sept. »

Les mains dans les poches, je regardais un manège tourner. Huit cent trente sept, c’était le temps, en seconde, que mettait ce manège à faire un tour complet. Pas une de plus, pas une de moins. Les gens sortirent avec le sourire. C’était une espèce de chenille qui tournait très vite. Ce n’était pas vraiment mon délire.

« Quatre cents vingt trois. »

Je m’étais tourné vers un second manège. Là, il s’agissait d’une grande roue. Un classique, qui était d’ailleurs toujours présente à Storybrooke. Comme à Londres.

« Neuf cent huit. »

Là, je m’étais tourné vers un grand huit, où les gens en sortaient avec le sourire, les joues roses et le reste du teint assez pâle. Il fallait vraiment être maso pour monter dans ce genre d’endroit.
Quelques secondes passèrent, et je fis une pause. Mes yeux passèrent de manèges en manèges. Les mains dans les poches de mon grand manteau, je restais immobile au milieu de la foule. Ne tournant mes talons que de temps en temps pour fixer un manège et… compter.
Soudain, Nora se trouva devant moi. Ah, celle là, je ne l’avais pas du tout vu venir. On était début Février, et depuis Noël, je n’avais pas du tout oser lui parler. Pour plusieurs raisons. La première c’était que j’avais honte. Honte d’avoir gâché son Noël. Même si je n’accordais pas tellement d’importance à cette fête, j’avais l’impression que pour elle ça l’était. La deuxième raison ; c’est que j’avais honte. Honte d’avoir essayer de faire l’amour avec elle. J’avais été persuadé que c’était le bon moment. Le bon tempo, le bon endroit. Mais je m’étais totalement planté.
Pour moi Nora était un puzzle incompréhensible. Et je savais que c’était ça qui m’attirait chez elle. Parfois j’étais persuadé que tous les voyants étaient au verts, alors qu’en réalité tout était au rouge.
Parfois je pensais qu’elle m’aimait, alors qu’il devait en être totalement le contraire.
Et parfois, j’avais l’impression d’être dans une tornade chaotique, faites de pures et simples moments vécus, des instants de vie propre à nous. Qui était souvent gâché.
Bref, j’avais honte. Ah oui. J’avais honte, aussi, parce que je ne lui avais donné aucune nouvelle depuis presque deux mois.

« Salut. »

J’étais resté face à elle, les mains dans les poches.

« Sept cents trente quatre. »

Je pointais un train fantôme.

« Ah. Qu’est ce que je fais là tu dois te dire ? Je suis en train de m’entraîner à compter plusieurs rythmes en même temps. Ca fait travailler mon cerveau. Je compte, en décalé, combien de temps dure trois manèges. C’est une gymnastique pas facile. Et j’aime bien venir ici. »

Je tournais la tête pour désigner la fête foraine.

« Ca me calme. Je m’attendais pas à te voir ici. Cinq cents trente deux. »

Je pointais un manège où des gens en sortaient et en entraient. C’était un labyrinthe à miroir.

« En fait, c’est très régulier. C’est pour ça que j’aime bien venir. Enfin, tous sauf celui là. »

Je m’étais arrêté de compter. J’avais désigné une toute petite maisonnette étrange, avec un espèce de lutin à l’entrée qui alpaguait les passants, afin qu’ils rentrent dans la maisonnette. Il n’y avait pas de porte, juste un immense rideau rouge en velours.

« Là, les gens rentrent, et ne ressortent pas. Curieux. Tu as bonne mine en tout cas, ça fait plaisir. »

Mélanger plusieurs sujets, c’était le but de cet entrainement, ça me permettait de refléchir à plusieurs choses à la fois. Je levais les sourcils, et tout s’arrêta. J’arrêtais de compter, et je ne me concentrais plus que sur Nora.

« Hé bien. C’était cool de t’avoir revue, t’es resplendissante. Bonne journée. »

Et, je lui serrai la main.