❝ Les chiens parlent, mais seulement à ceux qui savent écouter. ❞
Dinah patientait le pied nerveux dans la salle d’attente du cabinet, jaugeant les lieux de son regard limpide. La décoration n’avait que très peu changée. L’endroit respirait le propre et la clarté, tout ce qu’une bonne partie de ceux qui en arpentaient les murs ne possédaient pas. A la vue de ce décor familier, la pompière se sentait, sinon apaisée au moins dans un lieu familier. L’immobilité de certaines choses les poussaient à devenir pour certains des refuges et peut-être était-ce le but recherché, ici. Si elle ne se mentait p as, cela faisait quelque chose de revenir ici. Ne serait-ce que dans cette petite salle d’attente confortable et agréablement meublée. Lui revenait en mémoire, le temps d’attente devant cette porte, les magasines feuilletés un peu nerveusement au début puis avec davantage de tranquillité les autres fois qui s’ensuivirent.
Dinah n’avait pas toujours été...très à l’aise à l’idée de consulter. Les appels d’aide, les conseils, c’était davantage elle qui les dispensait. Elle avait du tenir ce rôle de roc, cette masse solide pour la construction de l’ensemble de sa famille. Jusqu’à ce que les fissures ne viennent à s’accumuler. C’était Ben qui avait réagi à l’époque. Elle devait l’admettre, il était le seul dont elle admettait les conseils, le seul qu’elle ne considérait pas comme à protéger. C’était lui qui avait perçu sa détresse masquée sous un sourire trop forcé, son acharnement scolaire qui masquait ses angoisses, ses rêves qui la poussaient à se réveiller en hurlant, le corps moite. C’était à ce moment précis qu’Aloysius Black était entré dans sa vie. Un érudit poli et doux qui avait su gagner sa confiance progressivement. Loin de tenter de forcer sa collaboration, il avait su la gagner par son professionnalisme et sa fiabilité. Progressivement, au fur et à mesure de ses allées et venues,
Dinah avait pris plaisir à converser avec lui, lui offrant une confiance sereine croissante. De ses traumatismes, il avait su lever les fondements, trouver les explications et mieux les solutions qui lui avaient permis de les dompter. Un jour venu, elle s’était considérée prête à cesser les consultations, non sans remercier grandement celui qui lui avait permis d’envisager l’avenir de manière bien plus sereine… Depuis ce jour, ils se croisaient encore, ponctuellement parfois et échangeaient lorsque l’occasion se présentait.
Mais, à présent… elle se tenait dans la salle d’attente du psychiatre, dans l’attente de l’aide du Docteur Black, la laisse serrée dans sa main. C’était peut-être une décision idiote, elle espérait clairement ne pas l’offenser d’une quelconque manière en empruntant cette voie, mais elle n’avait pas d’autres recours.
La porte s’ouvrit, dissipant le reste de ses doutes. De toute manière, l’heure n’était plus aux tergiversations. Elle s’était levée, forçant le chien à faire de même tout guilleret qu’il était de cette surprenante promenade.
Aloysius était déjà à la porte, l’accueillant de son air habituel courtois. Elle eut à sa vue, un sourire franc et sincère.
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« Bonjour Docteur Black... Merci de me recevoir si vite... »TukTuk se pressait presque dans ses mollets pour entrer dans cette nouvelle pièce, le frisson de la découverte semblant l’avoir saisi. Si le psychiatre n’avait pas encore remarqué la présence de l’animal, il ne pourrait que le faire sous peu. Son imposante carrure fourrée d’ocre le rendait...difficilement dissimulable. Et si le psychiatre appréciait peu les animaux ? Et s’il en était effrayé d’une quelconque manière ? Elle avait mal agit, aurait tout du moins du annoncer qu’elle venait accompagnée… La pompière se tendait déjà, presque à se confondre en excuses, lorsque Aloysius fit un geste en direction de TukTuk, lui présentant sa main doucement. Il savait s’y prendre… La douceur du geste, la manière dont il lui présentait sa peau… Cela eut pour effet de détendre la jeune femme… Au moins, elle n’avait pas créé un incident diplomatique. Mieux, peut-être que son idée folle s’avérerait concluante… Elle vrilla son attention sur Tuktuk, lequel avait avancé le museau. Celui-ci frétilla avec lenteur sous cette saveur inconnue. Aucun signe de défiance ou d’agressivité.Il restait...apathique comme la plupart du temps jusqu’à ce que sa truffe ne semble le mettre en éveil. Au moins, avait-il parfois quelques réflexes… C’était rare...et concluant. Une des rares personnes qui semblait tirer l’animal de sa léthargie bienheureuse. Lorsque le psychiatre posa la main sur le haut de son crâne, Tuktuk ferma les yeux. Bien… Aloysius était adopté.
Dinah ne connaissait pas encore de reclus dans la grande famille du coeur de TukTuk mais au moins, le psychiatre semblait avoir attisé la curiosité du chien. Peut-être en avait-il un lui-même ?
Dinah se rendit compte qu’elle ignorait tout de cette éventualité. Balaya le cabinet d’un regard à la recherche d’une quelconque photographie livrant cette information. N’en trouva aucune. Bien évidement. Pourquoi s’étonner ? Le cabinet du docteur ne délivrait aucune information personnelle le concernant. Il était conçu pour offrir à ses visiteurs détente et calme, apaisement et confidences.
Puisqu’il lui proposait,
Dinah libéra TukTuk de sa laisse, non sans lui avoir glissé une énième indication de prudence et de sagesse à son encontre, auquel l’animal répondit par un petit jappement joyeux… Avant de « s’empresser » de grimper sur la méridienne, tout fier de lui.
Dinah adressa un petit sourire gêné à l’adresse de son interlocuteur.
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«Je… je suis désolée... » déclara-t-elle en levant les deux mains, témoignant de son impuissance
« Vous risquez de croire que je n'ai plus toute ma tête... » elle s’arrêta un instant, laissant échapper un petit rire songeant au lieu où elle se trouvait avant de poursuivre
« Loin de moi, l’envie non plus de vous donner l’impression de rabaisser votre profession. Au contraire ! Mais… Je suis complètement perdue. Et lorsque j’ai fait le tour des personnes capables de m’aider, votre nom est arrivé en tête de liste… »Elle manqua d’arpenter les lieux, se contenta de soutenir le regard du psychiatre, lui permettant de lire toute son désarroi :
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« J’ai… hérité de TukTuk au travail. C’est une bonne pâte. Un amour. J’adore ce chien. Mais...il n’est pas destiné à devenir un chien de salon. Il appartient à la caserne, il m’a été attribué...pour que je le dresse et qu’il puisse m’assister en mission. Le problème, c’est que...je n’y arrive pas. » elle passa ses doigts dans l’une de ses mèches nerveusement
« Mon patron l’a déjà constaté. Il veut que je produise des résultats. J’essaye.. Mais il est réfractaire à toute tentative de dressage... »A ce mot, Tuktuk avait eu l’idée saugrenue de tenter de se percher sur deux pattes. Comme pour montrer que non, non, non il n’était pas réfractaire. Puis tomba aussi vite, le museau sur ses deux pattes avant, arrachant à la pompière un rire attendri…
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« Autre tentative de dressage au-delà des petits tours comme celui-ci. En fait, il est intelligent. Seulement, il est...très très peureux. Je ne sais pas quoi faire… Je ne comprends pas le problème. S’il vient de moi ou d’un traumatisme qu’il aurait pu subir. Je ne sais pas… Vous aviez fait des merveilles avec moi, alors je me suis dit que peut-être...vous pourriez l’aider » elle s’interrompit brutalement soupirant « Mais si vous n’êtes pas qualifié pour ça... si vous ne pouvez rien faire, dites-le moi, je ne veux pas abuser de votre temps... »