« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
There's magic in the air and it don't matter how old I am
❝ I feel like a kid again. ❞
La nuit était si lumineuse qu’il faisait presque aussi clair qu’en plein jour. Malcolm était étonné de contempler autant de faste. Hypérion l’avait prévenu que les fêtes de fin d’année dans ce monde avaient quelque chose de magique, et il ne pouvait qu’approuver. Emerveillé par les décorations et les guirlandes multicolores, il se promenait sur le marché de Noël. Il avait découvert le vin chaud et son gobelet à moitié rempli fumait dans sa main, tandis qu’Asta trottinait à ses côtés, observant les alentours d’un œil plus méfiant. Emmitouflé dans une écharpe tricotée par sa mère, Malcolm souffla sur le gobelet avant de le porter à ses lèvres. De temps à autre, il bougeait la tête en rythme sur la musique réconfortante qui passait dans les haut-parleurs.
— C’est tellement différent de notre monde, remarqua enfin Asta.
Un sourire au coin des lèvres, Malcolm acquiesça. Ici, Noël était une fête pleine d’espoir et de joie, tellement loin de l’austère cérémonie à laquelle tous devaient se rendre, tête baissée, en se repentant de leurs péchés jusqu’au petit matin.
— N’as-tu pas l’impression de commettre une faute en manquant la veillée ? demanda son daemon.
— Au contraire, j’ai le sentiment de vivre enfin.
Asta ne fit aucun commentaire. Elle semblait partagée entre l’avis du jeune homme et la réticence d’admettre qu’ils s’amusaient beaucoup plus ici que dans leur monde. Ils avaient assisté à une magnifique parade lumineuse et Malcolm avait reconnu la shérif James sur l’un des chars – le plus mémorable, puisqu’il était empli de jouets débordant d’une hotte géante. La jeune femme avait salué le public avec un mélange de rigidité et d’embarras. Puis, le maire avait fait un discours avant que l’immense sapin de la grande place ne s’illumine. Cela avait été un grand moment.
Tandis que Malcolm déambulait sur le marché de Noël, il ne s’attendait pas à tomber de nouveau sur la shérif. Et pourtant, il l’aperçut près d’un stand de burgers de Noël, ces drôles de sandwichs ronds qui l’intriguaient sans qu’il n’ait encore jamais osé y goûter. Vivement, s’avança vers elle, suivi par Asta qui lança d’un ton pincé :
— Tu te souviens que nous devons être à la Truite demain matin ?
— Je ne compte pas passer la nuit avec elle, répondit-il sans réfléchir.
Aussitôt, s’apercevant du double sens, il stoppa net et pivota vers son daemon, qui s’assit sur son arrière-train pour le fixer avec un mélange de lassitude et de réprobation.
— Tu m’as compris. Je... je veux juste discuter.
— Bien entendu, soupira-t-elle. Tu clignotes autant que la guirlande derrière toi.
Malcolm porta une main à sa joue brûlante et se mordit les lèvres. Il attendit quelques secondes, le temps que les rougeurs se dissipent, même s’il avait l’impression que plus il se forçait à ne pas y penser, moins elles disparaissaient. Asta soupira de plus belle et contre toute attente, marcha jusqu’à la jeune femme. Elle paraissait vouloir en terminer au plus vite. Malcolm pivota vers elle, soufflé par son audace mais n’eut pas le temps d’agir qu’il l’entendait déclarer d’un ton blasé :
— Bonsoir, shérif James. Vous avez fait forte impression auprès de l’imbécile qui arrive.
Il tenta au mieux de se composer un visage souriant - plutôt crispé - tandis qu’il s’avançait pour tendre la main à la shérif.
— Bonsoir. Comme je le disais à Asta, vous étiez éblouissante sur le char de jouets...
Il cherchait à rattraper du mieux possible les propos de son daemon, qui se contenta de lui lancer un regard exaspéré. Malcolm l’ignora, les yeux rivés sur Jessie.
— Voulez-vous boire quelque chose ?
A cet instant, il se souvint qu’il avait toujours un gobelet de vin chaud en main. D’ailleurs, c’était sûrement cette boisson qui avait fait fourcher sa langue, quelques instants plus tôt. Il tenait beaucoup moins bien l’alcool que son père. En dépit de tous les éléments qui semblaient jouer contre lui, il espérait que Jessie accepte son invitation. Il la trouvait sympathique.
.
Jessie James
« Jessie never gives up, Jessie finds a way! »
Elle va être sympa cette mairie, j'le sens bien... On va s'entendre copains comme cochons...
Edition Août-Septembre 2020
| Conte : Toy Story | Dans le monde des contes, je suis : : Jessie, l'écuyère
There's magic in the air and it don't matter how old I am
❝ I feel like a kid again. ❞
— Mais... vous ne buvez pas déjà quelque chose, vous ?
Question pertinente. Malcolm baissa aussitôt les yeux sur son gobelet de vin chaud à moitié plein et eut envie de disparaître à l’intérieur. Tandis qu’il cherchait une réponse intelligente à fournir, il constata avec soulagement que l’attention de la shérif était de nouveau happée par le stand de sandwichs ronds appelés hamburgers. Son regard s’éclaira quand elle lui proposa de goûter à cette fameuse spécialité.
— Oh, j’en serais ravi !
Surfant sur la vague de l’invitation, il ajouta afin de donner du poids à ses propos précédents :
— Boire un verre sera d’autant plus pertinent, car il faut bien s’hydrater quand on mange.
A mesure qu’il la prononçait, cette phrase lui sembla plate au possible. Le regard consterné que lui jeta Asta termina de le convaincre qu’il était un idiot fini. Il décida d’enchaîner rapidement :
— J’aime le vin chaud. C’est très surprenant toutes ces épices... Là d’où je viens, le seul vin que l’on boit au Réveillon de Noël, c’est le vin de messe. Même si mon père enfreint un peu la tradition en sabrant le champagne avant et après la messe.
Il eut un sourire à cette pensée. C’était la seule période de l’année où Reginald Polstead était de nature guillerette. Puis, il se retrouva vite dépassé par la profusion d’ingrédients à inclure entre les deux tranches de pain rond. Dérouté, il déclara à Jessie :
— Je prends la même chose que vous. Avec une sauce moutarde-ketchup aussi.
N’était-ce pas curieux de mélanger deux sauces ? Allaient-elles se marier parfaitement entre elles ? Sceptique, il décida de faire confiance à la shérif. La jeune femme récupéra la commande, fit la distribution des hamburgers auprès de ses collègues, puis revint vers Malcolm, non sans essuyer quelques remarques grivoises et sourires en coin. Le jeune homme fit semblant de les ignorer tandis qu’Asta laissait échapper un soupir parfaitement audible. Il prit le hamburger que Jessie lui tendait avec un sourire reconnaissant, et tenta de le maintenir correctement fermé dans le papier qui l’enveloppait en partie.
— Tu veux peut-être que je te commande quelque chose ?
La question de Jessie à Asta surprit Malcolm, mais après tout, elle avait du sens : elle ignorait les habitudes d’un daemon.
— Je n’ai pas besoin de m’alimenter, répondit-elle, mais c’est gentil de vous en inquiéter.
Le jeune homme perçut que son daemon était flatté par cette attention, à la manière dont sa queue en panache se dressa tandis qu’elle trottinait près de lui. Il indiqua à Jessie le stand de boissons chaudes, à quelques mètres.
— Tout est si différent dans votre monde, déclara-t-il soudain. Dans le mien, Noël est une célébration solennelle, un moment de recueillement et de pénitence. Les dignitaires du Magisterium seraient indignés de voir autant de couleurs, de guirlandes et de lumière !
Il eut un petit rire à cette idée. Puis, son visage s’assombrit tandis qu’il ajoutait :
— Le Magisterium représente l’Autorité. Ils sont les représentants de dieu sur terre et n’hésitent pas à abuser de leur pouvoir. Ils oppriment le peuple, obligent à avoir une seule façon de penser – la leur – et condamnent tout ce qui les dérange.
Avec une moue revêche, il reprit :
— Déjà enfant, je trouvais que leurs méthodes étaient mauvaises. Elles me déplaisaient. En grandissant, j’ai rejoint une société secrète qui lutte contre leurs pratiques. J’ai bon espoir de renverser le système, un jour, avec l’aide d’autres résistants. Nous étions peu nombreux au départ mais nous parvenons à créer un réseau de plus en plus solide.
Tout en approchant du stand de boissons, il poursuivit :
— Si je viens ici, c’est pour trouver des solutions afin d’aider Oakley Street. Sur certains points, vous êtes plus avancés que nous.
Puis, réalisant qu’il monopolisait la conversation (et que c’était très malpoli), il ajouta :
— Excusez-moi, je parle beaucoup trop. C’est juste que... je me sens en confiance avec vous. Et puis, nous avons affronté tant de choses ensemble. Ce serait ingrat de ne pas vous expliquer un peu mieux ce que je fabrique dans votre monde.
Il adressa un sourire en coin à Jessie, avant de baisser les yeux sur le hamburger qu’il avait libéré en partie du papier.
— Bon alors, comment mange-t-on ceci ?
Aussi délicatement que possible, il saisit le hamburger par les bords. Hélas, son manque de pratique à dompter ce spécimen culinaire lui valut que la moitié de la choucroute tombât au sol. Il haussa les épaules : il en restait suffisamment à l’intérieur du pain. Il était du genre à voir le verre à moitié plein. En parlant de verre, il déclara :
— Choisissez ce qui vous plaît, je vous l’offre.
C’était bien la moindre des choses vu qu'elle avait payé le hamburger. Après quoi, il mordit dans le hamburger et ouvrit des yeux ronds. Le goût était étonnant. Il ne pouvait parler pour l’instant car il avait la bouche pleine, mais il ne manquerait pas de donner son ressenti très rapidement.
.
Jessie James
« Jessie never gives up, Jessie finds a way! »
Elle va être sympa cette mairie, j'le sens bien... On va s'entendre copains comme cochons...
Edition Août-Septembre 2020
| Conte : Toy Story | Dans le monde des contes, je suis : : Jessie, l'écuyère
There's magic in the air and it don't matter how old I am
❝ I feel like a kid again. ❞
La jeune femme était vive et pétillante. Malcolm ne voyait pas le temps passer en sa compagnie. Chez le vendeur de boissons, elle choisit un cidre chaud et lui demanda s'il trouvait le hamburger à son goût. La bouche pleine, il fut incapable de répondre. Il s'était montré trop entreprenant avec son repas ; ayant mordu à belles dents, il se retrouva à mâcher pendant plusieurs minutes sans s'arrêter, avant de pouvoir enfin avaler. Il paya la boisson sans parvenir à articuler le moindre mot, quelque peu honteux de paraître sans doute malpoli auprès du vendeur. Puis, il s'éloigna du stand en compagnie de Jessie, tout en se débattant toujours avec le hamburger. Elle suggéra un chocolat chaud pour le dessert, et il se souvint que c'est ce qu'elle lui avait promis lors de leur rencontre. Souriant à ce souvenir, il se figea tout net quand il vit Jessie s'accroupir devant lui au beau milieu du marché de Noël. Que faisait-elle donc ?
Plusieurs personnes tournèrent la tête vers eux, les observant avec stupeur. Certains semblaient même choqués et dégoûtés. Malcolm fronça les sourcils et manqua de s'étrangler lorsque Jessie releva la tête vers lui. Aussitôt, une image s'imposa à son esprit, une image qui l'embarrassa tellement qu'il sentit le rouge lui chauffer les joues. Il tenta de garder contenance et se concentra sur une guirlande colorée qui épousait la charpente d'un chalet, un peu plus loin que la jeune femme. Hélas, se focaliser sur autre chose ne fut pas suffisant pour écarter l'idée qui s'était immiscée dans son esprit. Il n'osait plus regarder Jessie, dont il perçut la gêne dans la voix lorsqu'elle se redressa. Elle semblait ne pas avoir agi sciemment, et s'être aperçue de sa bévue trop tard. Il ne pouvait lui en vouloir. Accepter ses excuses aurait été reconnaître qu'elle avait commis une faute. Mieux valait faire comme s'il ne s'était rien passé. Les gens autour d'eux avaient repris leurs activités, même si certains continuaient de leur lancer des oeillades offusqués.
Jessie s'étant éloignée pour jeter le mouchoir, il en profita pour terminer son verre de vin chaud. Trop nerveux, il s'étouffa à moitié avec les quelques centilitres restants. Revenant vers lui, elle s'excusa de plus belle, précisant qu'elle se montrait parfois trop "tactile". Heureusement que Malcolm ne buvait plus, autrement il se serait à nouveau étranglé, probablement. Ensuite, la jeune femme le bombarda de questions. Elle évacuait sûrement sa nervosité de cette manière. La gorge encore en feu, Malcolm déglutit avec peine. Lorsqu'elle eut fini de l'interroger, le jeune homme leva l'index en l'air (dans sa main qui tenait le gobelet vide) puis s'éloigna à son tour. Il lui fallait quelques secondes afin de se remettre de ses émotions. Il ralentit volontairement avant d'arriver jusqu'à la poubelle, dans laquelle il jeta le gobelet. Puis, il fit demi-tour et revint jusqu'à Jessie. Il entreprit alors de répondre à toutes ses questions dans l'ordre :
— Oui, je connais le cidre. J'y goûterai peut-être plus tard, dit-il tout en baissant brièvement les yeux sur le gobelet de Jessie. Je vais essayer de dompter ce hamburger, pour commencer. Qui est surprenant et délicieux. Chez nous, nous n'avons pas ce genre de nourriture. Elle serait peut-être même jugée blasphématoire.
Il eut un petit rire à cette idée. Cette fois-ci, il mordit de façon plus raisonnable dans le hamburger, afin de pouvoir parler ensuite, sans avoir à mâcher durant plusieurs minutes.
— Concernant mon père, c'est un sujet plus délicat.
Un petit soupir lui échappa.
— Il s'habitue très mal à ce monde. Il souffre d'être loin de ma mère. Il a fini par accepter de se faire opérer, mais il a dû garder le silence ensuite pendant plus d'une semaine, car l'ablation d'une partie de la thyroïde était très proche d'une corde vocale. Heureusement, il se porte mieux. Le traitement fait son effet. Mais il me semble de plus en plus taciturne. Il se renferme sur lui-même. Je crains que si ça continue ainsi, il ne fasse une rechute puisque le moral ne suit pas.
Anxieux, il se mordit les lèvres tout en fixant un point imprécis par-dessus un chalet illuminé.
— Le souci étant qu'on ne peut repartir chez nous tant que son traitement n'est pas terminé. Il doit avoir un suivi médical, pour l'instant. J'essaie de lui changer les idées autant que je peux mais... en toute honnêteté, je me sens impuissant face à sa détresse.
Son monde manquait à Malcolm, mais il trouvait toujours de quoi s'occuper l'esprit. Qui plus est, il pouvait sortir à loisir, visiter, explorer. Son père, en comparaison, trop épuisé par le traitement, ne pouvait pas faire beaucoup d'efforts et restait donc assigné à résidence la majeure partie du temps.
— J'ai prévu de lui apporter quelque chose de bon à manger. Que me conseillez-vous ?
Il baissa les yeux sur son hamburger avant d'esquisser une grimace.
— Je ne suis pas sûr que ça lui plaise. Il est plutôt traditionnel.
En tous cas, Malcolm était déjà décidé à lui ramener une bouteille de vin épicé, qu'il ferait réchauffer. Cela égayerait sensiblement l'humeur de Reginald.
Pensif, le jeune homme mangea le reste de son hamburger, savourant chaque bouffée tout en souriant de temps à autre à Jessie.
Soudain, il perçut de la nervosité de la part d'Asta ; surpris, il la regarda. Elle reculait rapidement vers lui tandis qu'une petite fille de huit ans environ s'approchait d'elle en tendant la main. Il s'empressa de se placer devant Asta. Surprise, la fillette se redressa, la main en suspens.
— C'est ton chat ? demanda-t-elle.
— Ce n'est pas chat, il s'agit d'un daemon, expliqua-t-il.
La petite fille sembla ignorer l'information puisqu'elle ne la comprenait pas. Elle essaya de contourner le jeune homme. Asta en profita pour l'escalader. Malcolm se mordit les lèvres pour s'empêcher de crier sous le coup de la douleur. Son daemon accroché dans le dos, dont le poil hérissé signalait son agacement, il reprit d'une voix assez mécanique :
— Un daemon est une partie de l'âme d'une personne, la mienne en l'occurence. Il est interdit de le toucher.
— Pourquoi ? s'étonna l'enfant.
Elle eut un petit rire en voyant Asta accrochée dans le dos de Malcolm. Ce dernier, le souffle haletant, voulut reprendre la parole mais son daemon le devança :
— Parce que c'est très impoli !
Elle était si énervée et anxieuse qu'elle siffla presque ses paroles, comme un chat aurait craché de fureur. Déçue, la fillette baissa enfin la main.
— D'accord. Désolée madame la démone.
La tête basse, elle s'éloigna. Malcolm se sentit coupable, mais grimaça de nouveau quand Asta le lâcha enfin.
— Pourrais-tu arrêter de faire ça ? marmonna-t-il. C'est très douloureux.
— Tu te serais senti bien plus mal si cette enfant m'avait touchée, fit remarquer Asta d'un ton sec.
Malcolm ouvrit son manteau pour passer une main dans son dos, sous ses vêtements. Puis, réalisant qu'il ne pourrait voir l'étendue des dégâts pour l'instant, il referma son manteau.
— Tout ceci doit vous paraître très étrange, dit-il à Jessie. Personne ne touche le daemon de quelqu'un. C'est un geste tabou, en quelque sorte, car c'est atteindre une partie très intime de la personne. Comme toucher l'âme.
Asta, subitement, très digne, souhaitait de toute évidence faire oublier le récent épisode en se léchant la patte avant, assise royalement sur son arrière-train. Le jeune homme roula des yeux en la voyant ainsi.
— Dans mon monde, chaque personne naît avec un daemon. Celui de mon père est un chien, comme vous avez pu le constater.
Tout devait sembler plus clair à la shérif, désormais. Comment allait-elle réagir ? Un peu anxieux, Malcolm l'observa tout en mangeant la dernière bouchée de son hamburger. Peut-être aurait-il dû lui en parler plus tôt ? Cela faisait partie des informations essentielles qu'il avait omis de préciser.
.
Jessie James
« Jessie never gives up, Jessie finds a way! »
Elle va être sympa cette mairie, j'le sens bien... On va s'entendre copains comme cochons...
Edition Août-Septembre 2020
| Conte : Toy Story | Dans le monde des contes, je suis : : Jessie, l'écuyère
There's magic in the air and it don't matter how old I am
❝ I feel like a kid again. ❞
Malcolm était quelque peu étourdi par la vivacité de Jessie. Elle avait tant parlé en l'espace de quelques minutes qu'il ne savait par quoi commencer afin de lui répondre. Il était quelqu'un de méthodique, il aimait procéder dans l'ordre. Cependant, face à une telle tornade, il devait bien admettre qu'il se retrouvait à la traîne. Il avait l'impression de courir derrière un train en marche. Asta fixait la jeune femme avec des yeux ronds, stupéfaite elle aussi par le flot de paroles qu'elle était capable de dire à la minute.
Le jeune homme tentait de rassembler les différentes informations dans son esprit embrouillé. Il eut toute la peine du monde à poursuivre cet exercice quand Jessie mentionna sa théorie concernant sa "part féminine", ainsi que de potentiels sentiments à l'égard des garçons. Il cligna plusieurs fois des yeux. Tout d'abord, il ne comprit pas où elle voulait en venir. Puis, lorsqu'il prit conscience de ce que cela impliquait, il ouvrit la bouche, offusqué et perplexe. Dans son monde, avoir une inclination pour une personne du même sexe était considéré comme un péché. Lors de ses études en théologie, il s'était penché sur ces cas de figures particuliers, car il en était très intrigué. Le Magisterium punissait quiconque s'adonnait à ce genre de pratiques. La plupart du temps, les coupables étaient placés en hôpital spécialisé et effectuaient des travaux d'intérêt général afin d'absoudre leur vice. En cas de récidive, un exorcisme était pratiqué afin de libérer les malheureux du "démon" qui les habitait. Si les prières ne suffisaient pas, d'autres méthodes étaient employées pour "purifier" : électrochocs ambariques, trépanation...
Malcolm ne cautionnait pas ses méthodes de guérison qu'il jugeait archaïques et barbares. Cela faisait partie des raisons qui l'avait poussé à rejoindre Oakley Street et combattre les abus du Magisterium.
Un peu perdu, il ne sut quoi répondre à Jessie concernant ce point. Fort heureusement, Asta prit la parole d'un ton étonné :
— Vous nous trouvez si différents l'un de l'autre ?
Elle leva la tête vers le jeune homme. Leurs regards se croisèrent.
— Nous le sommes peut-être, reconnut-il. C'est difficile pour nous de le voir, puisque nous sommes directement concernés. Pourtant, je dirais plutôt que nous sommes complémentaires. Asta est souvent plus sceptique que moi, plus méfiante aussi. Elle me permet de me montrer prudent.
— Malcolm est le plus fantaisiste de nous deux, ajouta-t-elle. Il a souvent des idées abracadabrantes qui, je dois l'admettre, nous permettent souvent de vivre de belles aventures.
Agréablement surpris, il adressa un sourire à son Daemon qui s'empressa de préciser à Jessie :
— Souvent, pas tout le temps. Il arrive parfois qu'il se trompe et que nous nous retrouvions dans le pétrin par sa faute.
Malcolm leva les yeux au ciel. Asta était avare de compliment, alors il s'estimait content du peu qu'elle venait d'offrir.
— La majorité des adultes n'a pas la même complicité avec leur Daemon. Asta et moi avons de la chance.
— Nous avons beaucoup travaillé pour en arriver là. Certains jours, il faut même travailler très dur, glissa-t-elle d'un ton blasé.
Imperturbable, Malcolm poursuivit à l'adresse de Jessie :
— Quand on est enfant, le Daemon est à la fois un compagnon de jeu et un confident. Mais plus on grandit, et plus le lien devient difficile à entretenir. La rancoeur, la culpabilité, la colère ternit le lien. Beaucoup d'adultes ne parlent presque plus avec leur Daemon. Parfois, c'est parce qu'ils ont honte, ou qu'ils ont peur de se retrouver face à eux-mêmes.
Avec un pincement au coeur, il songea à Lyra, qui avait vécu une véritable séparation avec le sien. Il avait tant de peine pour elle. Il ne pouvait qu'imaginer la souffrance et la solitude que cela devait être. Il espérait que quand il la reverrait, elle aurait fait la paix avec elle-même.
— Et pour répondre à votre question, le Daemon est fréquemment du sexe opposé à la personne. Peut-être pour équilibrer les forces, comme vous l'avez suggéré.
— Si je suis blessée, Malcolm ressentira ma douleur, précisa Asta. Et s'il meurt, je disparaitrais aussitôt. C'est pareil si c'est moi qui suis touchée mortellement.
— L'un ne peut vivre sans l'autre.
— Mais ne vous en faites pas pour moi : je sais me faufiler afin de ne pas être touchée par n'importe qui.
Elle avait dit cela d'un ton hautain, même si Malcolm perçut dans sa voix qu'elle appréciait la jeune femme et toutes ses questions. Son Daemon avait un petit côté diva : il aimait qu'on tienne compte de lui.
— Vous pouvez continuer de me tutoyer, je ne me formalise pas pour si peu, ajouta-t-elle, la queue en panache.
— Ou, pour faire plus simple, on pourrait tous se tutoyer, proposa Malcolm, enthousiaste. Enfin... si vous ne trouvez pas cela trop cavalier.
Il avait ajouté la dernière phrase à mi-voix, ses joues se colorant légèrement sous l'effet de sa propre hardiesse. Il ne voulait pas paraître désobligeant.
Ils venaient d'arriver devant le stand de tartiflette, mais Malcolm, l'esprit en ébullition, ne put s'empêcher d'enchaîner :
— Mais vous, alors ! Ainsi, vous étiez une poupée cowboy ! C'est tellement révolutionnaire !
Dans le doute, il avait préféré continuer à vouvoyer la jeune femme, c'était bien plus galant. Fasciné par les récentes révélations de Jessie, il la contemplait de haut en bas sans même imaginer que cela pouvait sembler malvenu. Il la regardait comme un fabuleux trésor insoupçonné. Bien entendu, il était au courant que Storybrooke avait été sujette à une Malédiction et que ses habitants venaient tous d'un autre monde. Jamais encore il n'avait côtoyé une personne qui avait été un jouet dans une autre vie. Il détailla le visage de la jeune femme, cherchant des traces de couture, avant de secouer la tête. Quel imbécile il faisait ! Evidemment, elle était humaine à présent. Aussi humaine que lui.
— Ce doit être tellement étrange de se réveiller avec les souvenirs d'une poupée. Même en imaginant je... je n'y parviens pas. Comment était-ce, dans votre autre vie ? Et surtout, comment avez-vous fait pour concilier votre part de poupée et votre part humaine ? Parce que, si je ne m'abuse, lors de cette Malédiction, vous aviez de faux souvenirs en tant que femme.
Malcolm avait toujours été fasciné par la psychologie, et d'autant plus depuis qu'il était le secrétaire d'Aloysius Black. Il avait dévoré bon nombre d'ouvrages sur le sujet, même s'il lui semblait qu'il demeurait toujours de grosses parts d'ombre. Après tout, le cerveau humain ne possède aucune limite. Par conséquent, comment compartimenter les différents maux auxquels l'Homme pouvait être sujet ?
— Excusez-moi, maintenant c'est moi qui deviens trop curieux, dit-il avec un sourire contrit. C'est juste que... je vous trouve captivante.
Un peu confus, il se mordit les lèvres. Peut-être n'aurait-il pas dû dire cela ? Par moments, son exaltation vis-à-vis de l'inconnu lui faisait oublier les convenances.
Asta, placée entre eux, les regarda tour à tour et jugea préférable d'orienter la conversation sur un autre sujet :
— Le pin's dont vous avez parlé ne peut pas fonctionner jusqu'à notre monde, car nous venons d'au-delà de l'Aurore. Il ne s'agit pas du "monde des contes", comme vous l'appelez, mais d'un autre endroit. Plus loin. Plus difficile d'accès.
— Hum, hum, approuva Malcolm afin de retrouver une contenance.
Intérieurement, il estima qu'il devait une fière chandelle à son Daemon. Malgré tout, il jetait des regards furtifs à Jessie, impatient d'en savoir davantage sur sa vie, sur qui elle était, son parcours avant et après Storybrooke. Il faisait de son mieux pour ne pas la dévorer des yeux.
Il en avait totalement oublié la tartiflette et la raclette, dont l'odeur de fromage depuis le stand face à eux était pourtant prononcée.
.
Jessie James
« Jessie never gives up, Jessie finds a way! »
Elle va être sympa cette mairie, j'le sens bien... On va s'entendre copains comme cochons...
Edition Août-Septembre 2020
| Conte : Toy Story | Dans le monde des contes, je suis : : Jessie, l'écuyère