A la cueillette de nos souvenirs

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Comme chaque matin, je me promenais tôt dans les sous-bois. J’avais toujours apprécié cette ambiance de calme et de quiétude. Ayant grandit au fond d’un royaume niché dans un lac, je ne m’étais adapté que difficilement à la vie de château. Malgré ma fierté d’appartenir aux tous jeunes chevaliers du royaume de Logres, je faisais mon possible pour fuir Camelot et partir à la recherche d’une nouvelle quête. Aujourd’hui, si le décor qui m’entourait avait changé, mes vieilles habitudes demeuraient toujours les mêmes. J’avais même décidé de fuir la petite ville de Storybrooke et ses rues goudronnées pour m’installer dans les bois aux abords de la frontière de la ville. Cela ne m’empêchait pourtant pas d’entretenir de bonnes relations avec certains membres de la cité.

Comme à l’époque où nous nous trouvions dans le royaume de Bretagne, je demeurais un ami fidèle d’Adam fils d’Uther Pendragon. Nous nous étions connus à l’époque où j’étais arrivé au château de son père aux côtés de mes compagnons d’aventure. La dame du Lac qui m’avait élevé ainsi que Merlin m’avaient bien fait comprendre que notre entente était primordiale pour le futur du royaume de Logres. Je me devais de devenir le plus grand chevalier de Bretagne certes, mais avant tout le plus fidèle compagnon du futur roi de Logres. Je n’avais pas à me poser de questions. C’était juste que là reposait ma destinée. Une chance pour nous, nous nous étions très vite très bien entendus. Je n’avais d’ailleurs aucune raison de trahir cette amitié qui m’apportait tant de bienfaits.

Pourtant, le royaume de Camelot semblait tellement loin aujourd’hui. La pensée de cet ancien monde m’enserrait mon cœur dans un étau à chaque fois. J’aurais tellement voulu pouvoir réaliser les rêves d’enfants qui peuplaient mes nuits. Je voulais accomplir la destinée qui m’avait été désignée. Mais aujourd’hui, j’avais cette horrible impression qu’elle ne rimait plus à rien. Que Lancelot du Lac n’était plus qu’un héros tourmenté tout juste digne à vivre dans l’imagination des enfants. Je devais bien admettre que cela me désolait. J’espérais plus que tout qu’un jour nous pourrions retourner dans le monde des contes pour redorer le blason de notre légende.

En attendant, je tentais de m’adapter à cette vie-là. J’essayais de donner un sens à cette nouvelle existence. Redevenir une sorte de chevalier blanc pour ma communauté qui en avait bien besoin. Car même ici, le monde avait besoin de héros pour continuer à croire en un avenir radieux. D’ailleurs cette vie imaginée de toutes pièces avait également un impact dans ma vie de tous les jours. Lors de la malédiction, j’avais été inspiré par ma mère adoptive qui m’avait transmis sa passion pour les plantes médicinales. Bien sûr, ce n’était qu’un songe. La Dame du Lac ne m’avait jamais réellement transmis cet héritage que j’avais plutôt acquis auprès de Merlin.

Malgré tout, c’était devenu une habitude pour moi. Je récoltais parfois des plantes en forêt afin de me concocter des potions pour améliorer mon état de santé. J’espérais que l’un d’entre eux pourrait me permettre de guérir mon esprit tourmenté depuis bien longtemps. Il était hanté par des hallucinations visuelles et sonores qui me rendaient parfois totalement fou, me laissant seul face à elles. Jamais personne n’avait entendu parler de cela. J’étais Lancelot du Lac et à ce titre je ne pouvais pas me permettre d’annoncer à tous que j’étais la victime de voix m’incitant à faire preuve d’une violence effrayante. Cela me faisait parfois peur, très peur. Je craignais plus que tout qu’un jour je ne puisse plus rien tenter pour me défendre. Que je finisse ma vie en m’autodétruisant. Mais je tentais malgré tout de garder raison même si ce n’était pas toujours évident.

Tout occupé à rechercher des plantes, je finis par entendre des bruits aux alentours. Il n’y avait rien en cela d’étonnant. Cette forêt ne m’appartenant pas, je pouvais toujours croiser un individu au détour d’un chemin. Cela dit, je ne perdais jamais mes vieux réflexes. Portant ma main à ma ceinture, là où je gardais constamment sur moi mon poignard, je me faufilais derrière cette ombre et l’appelais pour avoir le cœur net sur l’identité de cette personne.

« Je croyais pourtant être seul ici. Qui êtes-vous ? »

Au moment où la jeune femme se retourna dans ma direction, je demeurais quelques instants interdit. Je tentais alors de garder mon sang froid, ce qui n’était pas des plus évident devant une telle apparition.

« Da… Dame Morgane ? »

Cette jeune femme ne m’était pas inconnue. Je l’avais rencontrée il y a bien longtemps à Camelot, alors que la jeune femme forte et intelligente forçait mon admiration. Je m’entendais bien avec la demi-sœur d’Adam. Si les circonstances nous l’avaient permis, j’étais certain que nous aurions pu être amis. Mais elle avait choisi la haine à la vertu, la facilité d’un cœur vengeur à la perfection d’une âme sans défauts. Son association avec Mordred avait semé le trouble entre nous et notre relation avait fatalement été terriblement entachée. Cela faisait si étrange de la recroiser aujourd’hui, de manière si fortuite. J’ignorais pourtant qu’elle avait elle-même était touchée par cette malédiction. Pour moi, la plupart des personnes que j’avais rencontrées à cette époque n’étaient plus que des lointains souvenirs d’un passé révolu. Voilà pourquoi j’avais tant de peine à trouver mes mots. Il me fallut un peu de courage avant de me lancer.

« J’ignorais que vous aviez été touchée par la malédiction de la Méchante Reine. Adam sait-il que vous vous trouvez ici ? »

J’avais tant de questions qui raisonnaient dans ma tête. Elles tourbillonnaient sans cesse dans mon esprit, si bien que j’espérais qu’une parole de la brunette pourrait l’aider à l’apaiser.

b l a c k f i s h