« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
« If the crown should fit, then how can I refuse? »
| Avatar : Rufus Sewell
- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)
| Conte : Coeur de Princesse/Le Prince et le Pauvre | Dans le monde des contes, je suis : : Preminger
La dernière fois qu’un carton d’invitation pour des vacances surprises tout frais payés s’était retrouvé dans la boîte aux lettres d’Erwin Dorian, le séjour avait eu le don de tourner en une étrange petite expérience, mortelle pour certains… Si bien que lorsque sa boîte aux lettres lui avait livré le privilège de se faire emmener en croisière tout frais payés, il avait manqué de déchirer le billet. Las, Geneviève rodant toujours non loin de lui lorsqu’il s’agissait des petites insignifiances de la vie quotidienne, la vue du ticket lui avait arraché un cri… Et son visage s’était glissé par dessus son épaule, avant même qu’il n’ait pu le réduire à néant.
- « Ooooh merveilleux ! Nous aussi ! J’en étais sûre ! Je l’avais dit à Madame Underson que ce n’était pas un gain aléatoire. Elle pleurait presque cette pauvre femme à l’idée que sa voisine Paola ait reçu cette invitation dans sa boîte aux lettres et non elle. C’est une femme réellement désagréable,Tu sais ce qu’elle disait, que c’était une honte que les employés municipaux en charge des déchets publiques passent de jour et qu’on pourrait nous éviter ce spectacle... et je pèse mes mots, tu sais que je dis peu de mal des gens… Mais cette femme ! Aaah. » - « Oh, ça ne fait qu’une gradation dans la pauvreté, après tout... » - « Erwin ! »
Elle n’avait fait le « réprimander » gentiment et Preminger tourna vers elle un regard innocent où ne se lisait que la pure plaisanterie, chassant ainsi toute méfiance inexistante chez son épouse.
- « Le rapport de toute cette tirade édifiante avec cette invitation ? Tu te disperses, mon ange… » - « Et bien, il paraît que d’autres avaient reçu ce carton d’invitation hier dans un autre quartier… Et je ne sais pas...j’ai soupçonné, vu ton incroyable occupation et ton air distrait du moment que...tu y étais peut-être pour quelque chose.. - « Je… J’offrirai un séjour au bon petit peuple par… Oh, tu voulais dire...la mairie. » il avait songé rapidement que cela aurait pu être le cas...s’il n’avait pas été en charge des finances de la ville, après tout, il n’aurait pu que le savoir si le maire piochait sans vergogne dans les finances qu’il s’évertuait déjà à vider… « Huuuuum techniquement nous ne sommes pour rien mais il reste des plus curieux qu’un généreux bienfaiteur se manifeste de cette si étrange manière…. »
Il avait tenté de mener son enquête les jours suivants mais n’avait rien de trouvé de particulièrement probant… Il avait été avéré que l’ensemble de la ville de Storybrooke avait été pourvu de cette invitation fabuleuse.. Mais de la part de qui ? Ce fut l’objet des rumeurs les plus folles. La rumeur principale, très vite répétée par les misérables ragots de commères, venait d’un cadeau secret de la mairie pour offrir aux habitants de Storybrooke des « vacances dignes de ce nom ». Preminger savait personnellement qu’il n’aurait jamais approuvé un tel gâchis d’argent pour la populace. Une majorité des individus ne possédaient d’intérêts que dans le travail qu’ils effectuaient pour l’enrichir...en dehors de cela, ils polluaient plus l’espace… Alors l’idée de leur offrir des vacances, le révulsait clairement. Le personnel de la mairie avait sa petite opinion bien différente sur le sujet et pointait bien davantage du doigt l’étrange Magrathea… La petite planète qui si l’on en croyait les racontars passait son temps à observer les habitants de Storybrooke. A n’en pas douter, dans l’hypothèse de l’existence de cette planète, il ne faisait de doute qu’il en aurait été l’ULTIME STAAAAR. Et parce qu’il n’aurait jamais participé au moindre programme télévisuel le mettant en scène avec un ensemble énergumènes de même espèce, bien inférieurs à lui, peut-être avaient-ils mis un budget bien plus colossal dans la balance pour tenter de l’appâter… Dans tous les cas, cela amènerait peut-être une volonté de tester leurs invités… C’était l’intitulé de la brochure qui cependant avait bien plus attiré son intérêt qu’autre chose et l’avait dissuadé de la jeter ensuite, au-delà de l’enthousiasme bien trop excessif pour mériter attention de Geneviève.
"là-bas, tout vos rêves deviendront réalités..."
Preminger...était des plus sceptiques quant à la faculté d’une île à exaucer ses vœux les plus chers… Mais… Il devait admettre avoir été l’un des rares à avoir profité avec allégresse de chaque minute passées au « Bon Endroit ». Il avait eu de sublimes plâts, une nuée de petits esclaves robots, un complexe aménagé avec un soin certain...et il bénéficiait à présent, en son honneur, d’un accès « Preminger » à l’endroit… Même si la proposition de séjour lui inspirait le complot à plein nez, il devait admettre que l’envie de s’y mesurer le séduisait.. Certes...l’endroit ne tiendrait pas ses promesses, il n’appartenait qu’à lui de les réaliser mais… comment refuser le luxe, le défi et un séjour qui s’affichait prometteur ? Et s’il y avait là une faculté d’avancer dans sa quête...comment refuser ? Le notaire avait cependant rapidement confronté à un contrat sans appel… Lorsqu’il s’agissait de se rendre séant face à une situation obscure… Et qui plus est pour potentiellement tenter d’en tirer profit,… Il fallait choisir ses batailles ainsi que ceux qu’il souhaitait y associer. Georgia...n’était pas de taille à affronter une déconvenue sur le séjour, qu’elle envisageait sans heurts et sans enjeux. A marcher à ses côtés pour le pouvoir encore moins… Il ne désirait pas non plus prendre le risque de lui dévoiler son double visage… A cela s’ajoutait le fait qu’il ne pouvait pas mettre, dans une subite envie de divertissement, la reine qui symbolisait son alliance avec le pouvoir dans une quelconque balance… Sans compter...que si l’enjeu se révélait séduisant, il escomptait en parallèle profiter du séjour… Et toute la ville de Storybrooke avait été dotée d’un billet… Même Alexis… Surtout Alexis. La jeune femme n'avait pas caché son enthousiasme dès la réception de son invitation. Elle en avait envie, c'était évident, c'était criant. Et la savoir pouvoir faire partie pour la même croisière que lui et son épouse, lui donnaient des idées...faisables sur le principe mais contradictoires dans la forme… Cela nécessitait aussi une grande manipulation de l’espace et des apparences ce qui se révélait difficile s’il décidait de ne prendre en compte que des deux variables principales de l’équation en s’excluant… Une ville comme Storybrooke était déjà bien petite pour empêcher une éventuelle rencontre. Mais une croisière saupoudrée de l’excessive habitude de Geneviève de faire la conversation avec le moindre individu croisant sa route, héritage de son passé de « souveraine à l’écoute de son peuple »...en revanche.. Non, ce n’était guère raisonnable… Ce qu’il l’avait amené à considérer qu’il convenait d’éliminer son épouse de l’équation...pour la sécurité de sa Couronne, de ses ambitions, de sa liaison et de son ménage. Ils partiraient de toute manière officiellement en vacances estivales comme initialement prévus. Il l'avait annoncé à Alexis, satisfait de voir la joie suscitée par son cadeau pondre sur son si charmant visage. Ne restait qu'à convaincre Georgia de renoncer à ce séjour inopportun qui lui faisait subitement tant envie… Pour cela, Preminger disposait d’un moyen des plus efficace et radical pour lui permettre de voir la folie déraisonnable que constituait ce petit projet pour elle… Il lui avait fallu quelques jours pour que cette perspective s’inocule dans son esprit. Progressivement, de manière de plus en plus durable fur et à mesure que l’échéance approchait. Elle palissait à vue d’oeil, observant les vacances qui se profilaient, se tordant ses mains moites tandis que ses lèvres exhalaient des soupirs plaintifs. Elle qui se réjouissait, sautillant presque en préparant les valises non loin de leur lit les premiers jours, ne les ouvraient même plus, se consentant de les observer de son lit, les yeux mornes. Las, elle préférait bien plus languir dans son le fauteuil , le remerciant de chaque tasse de thé qu’il lui apportait avec un dévouement exquis.. - « Je ne suis pas sûre que ce voyage soit bien raisonnable » avait-elle fini par gémir une semaine avant le départ, dépliant sa main de la couverture pour se saisir lentement de la tasse « Pour moi en tout cas... » - « Si tu ne t’y rends pas, je ferais de même, mon ange… Je me rangerais à ta décision » minauda-t-il doucement en s’accroupissant un peu jusqu’au bras de cuir « Mais je suis satisfait que tu sois rendue à ma conclusion…tu es raisonnable ». Elle avait arrêté sa main, doucement, en secouant la tête :
- « Tu peux y aller toi. Tu es fatigué. Cela te fera du bien… Moi, tu sais que je ne risque rien, ici. Tu perdras bien plus ton temps à tourner en rond ici ou à te cloisonner au bureau pour cacher ton inquiétude. J’ai bien plus envie que tu profites un peu... » - « Cela n’a aucun sens... » - « Erwin, ça en a un pour moi. Je ne risque rien, tout va bien… Tu as dit que tu te rangerais à ma décision, alors va-y, ne te morfond pas inutilement. Il suffit d’attendre que cela passe, tu le sais. C’est juste un petit coup de froid... » Il avait fini par hausser les épaules après de longues protestations étudiées pour glisser, en « abdiquant » : - « Très bien, tu l’auras voulu… tu devras te servir à nouveau ton thé seule… Sauf si je demande à Jérémie ? » D’aucuns auraient dit que la légère maladie attrapée par Georgia était tombée à point nommée pour servir les intérêts de Preminger… En ce qui le concernait, Erwin savait ce qu’il devait au savoir-faire de Dewenty en matière de breuvages… Et il avait toute confiance en la force de sa femme pour guérir rapidement….
Le jour du départ, le Juillet 2021 il avait donc emporté ses quelques valises jusqu’au lieu de rendez-vous, non sans promettre à sa chère épouse de prendre régulièrement des nouvelles et lui assurant qu’elle ne quitterait pas ses pensées. Puis avait envoyé un message à Alexis pour lui indiquer qu’il quittait son domicile… Après tout, si l’embarquement emportait autant d’habitants que le nombre de cartons d’invitation distribués, il valait mieux se retrouver assez rapidement pour éviter ensuite de passer le reste du séjour à tenter de se retrouver. Il avait d’autres choses à faire qu’à jouer à la « chasse au trésor »… Il préférait d'avantage en profiter un peu. Il l’avait néanmoins aperçue au point de rendez-vous, à l'heure convenue, dans la ruelle qui portait la rue de la rampe d’embarquement. Un grand sourire débordait de son visage et s'était accentué lorsqu'elle l'avait aperçu. Visiblement, elle était en joie et l'ombre qui avait abrité ses yeux dernièrement semblait être chassée... Il songea que l'air du large lui ferait le plus grand bien pour ses inquiétudes tout comme sa si plaisante compagnie. Oui, ils allaient passer un excellent moment.
- « Vous ici, Miss Chiiiild, quelle plaisante surprise... » roucoula-t-il avant de l'envelopper de ses bras, saisissant délicatement sa nuque pour l'attirer plus pleinement à lui.
Il avait déposé un long et profond baiser sur ses lèvres douces, comme une agréable promesse, avant de jeter un coup d’oeil à ses bagages, trop légers à son goût, fronçant les sourcils comme saisi d’un doute avant de déclarer mi- amusé mi- perplexe:
- « Tu es sûre de n’avoir rien oublié, mon trésooor ? Je suis parti, en ce qui me concerne, avec une telle précipitation, que j’ai du faire quelques choix de dernière minute, cette valise ci ne fermait pas… Honteux de savoir qu’ils ne prévoient pas une valise plus efficace. Il faut toujours les multiplier pour être sûr d’avoir avec soi le minimum... » soupira-t-il dramatiquement avant de saisir sa main pour la porter à sa bouche « N’avons-nous pas mérité ce repos, trésor ? Nous allons vivre un fa-bu-leux moment! N'est-ce pas ce qu'ils nous annoncent? Il me tarde taaaant de savourer en détail tous les délices de ce si prometteur séjour… Après tout, "là-bas, ne vont-ils pas exaucer tous nos rêves ? »
La perspective lui hanta l’esprit un bref instant, lui arrachant un sourire fugace, carnassier, tandis qu’il observait la jeune femme : - « J’ignore le temps de trajet nécessaire pour atteindre l’île mais si tu as bien réservé juste après moi comme convenu, nous serons tout d'abord voisins de cabines pour cette traversé... Enfin si le voyage se prête à une nuit en mer... » minauda-t-il.
« Puisse-t-elle être plus glorieuse que celle du Titanic... » son esprit l’y avait pensé subitement, se remémorant leur première et dernière croisière ensemble… Il ignorait si elle y pensait aussi, mais il préféra ne pas matérialiser verbalement les souvenirs qui se formaient dans son esprit à l’heure d’embarquer. Aussi, il sourit avec grâce, sans que la moindre ombre n’apparaisse au creux de ses yeux, puis desséra la taille de la jeune femme :
- « Je vais embarquer en premier, si tu le veux bien. Je suis infiniment chargé, pour le strict minimum...je...n’en peux déjà plus… Il y a encore vingt pas à faire ! Quel périlleux périple ! Ahala » soupira-t-il en faisant mine de s’essuyer le front avant de poursuivre. « Une fois à l’avant poste, je flânerai sur le pont, faisant mine de saluer un ami venu assister à mon départ et comme tu arriveras, je t’aiderai à hisser ta valise…A tout de suite, il me taaarde de te revoir...»
Il était parti dans un gloussement entendu, non sans l'avoir égréné d'un baiser joyeux puis s’était joint à la foule, non sans requérir l’aide de trois membres du personnel du navire pour s’occuper de ses valises. Bientôt, il montait les marches non pas percevoir l’arrêt massif qu’avait eu la foule pour l’observer monter les marches, trois stewards chargés à sa suite, jetant des brefs coups d’oeil par dessus son épaule pour les haranguer de conseils sur la bonne manière de tenir sa valise… Ils disparurent avec ses effets personnels une fois le pont atteint et il croisa les bras sur la rambarde. Ses yeux scrutaient la masse informe à la recherche d’Alexis, la discernant aisément au milieu de ces visages sans valeur, s’approcher du bateau. De son poste, il perçut avec plus d’acuité sa silhouette qui ne parvenait plus à masquer sa grossesse à la face du monde. Pour peu qu’elle l’ait voulu un jour… Ce qui ne constituait quelques mois auparavant qu’un arrondi perceptible mais non imposant selon les vêtements choisis, sautait aux yeux… Incroyable presque qu’une minute auparavant, il en avait à peine pris garde, trop occupé à discourir avec cette dernière. Il trouvait cela….indécent. Cette manière outrancière qu’avaient les futurs enfants à naître de se manifester de manière si pesante en permanence pour rappeler leur existence… ! A chaque fois qu’il posait le regard sur cette partie de son corps, il lui semblait observer les yeux pâles et la mine fine et diluée de l’Erreur… Comment Alexis faisait-elle pour ne pas se sentir cernée en permanence ? Observée en permanence. Oh, elle devait vivre bien pire puisqu’en plus de peser son poids, il bougeait parfois… Mais, c’était trop lui demander que d’accorder plus de temps à cette idée. C’était effrayant, effrayant plus qu’autre chose même si tout le monde semblait associer cette situation à un état de grâce. Malgré tout le malaise que cela lui provoquait, il se félicitait malgré tout de cette situation à cet instant précis. Jamais ne bénéficierait-il de meilleure couverture pour eux à présenter à la masse. Une jeune femme enceinte et lui qu’elle rencontrait par hasard sur le paquebot...Et l’amitié courtoise qui en découlait. Puisqu’elle opérant la montée de la première marche, il claqua des doigts à destination du steward qui revenait vers lui, après avoir entreposé ses valises quelque part, désignant la silhouette de la jeune femme en bas des marches :
- « Monsieur… Cette jeune femme est apparemment enceinte. Ne résulte-t-il pas de votre devoir de vous empresser de l’aider ? La moindre des choses serait d’avoir un personnel posté en bas des marches pour palier à ce genre de situation ». - « Sauf votre respect, Monsieur... L’entièreté de notre personnel était réquisitionné pour vos bagages... » - « Et bien vous voilà, à présent…Alors qu’attendez-vous ?» se borna-t-il à répliquer en souriant faussement.
A quoi donc bon se donner la peine d’être particulièrement aimable ? Après tout, c’étaient les vacances. Il avait observé l’individu grommeler quelque chose puis se hâter en bas de la centaine de marche qui distinguait le port du bateau pour aider Alexis. Alors qu’elle parvenait à sa hauteur, il lui sourit un peu, s’apprêtant à la saluer lorsqu’il sentit une main se poser sur le rebord de sa jolie veste cyan. Il manquait presque de secouer le bras d’un geste vigoureux, criant à l’offense, lorsqu’il reconnu Miss Pardle, une vieille rentière et cliente à lui à l’extrémité de la main. Visiblement elle avait été quelque peu déstabilisée et la canne qu’elle tenait dans la main droite venait de glisser un peu, lui faisant perdre l’équilibre :
- « TOUTES MES EXCUSES, Maître Dorian » s’exclama-t-elle tandis qu’il se penchait pour lui rendre la canne. - « Oh, ce n’est rien, Madame… Vous ne vous êtes pas fait mal au moins ? » demanda-t-il en plissant les yeux - « Non...Non ; encore plus fringuante qu’à quatre-vingt ans, vous me connaissez Maître ! Et puis, c’est un plaisir de tomber sur vous, au sens propre comme au figuré» croassa-t-elle dans un piaffement gai « Mon Homer dirait que je n’en rate pas une… M’enfin, vous me connaissez, Maître » répéta-t-elle « Vous faites la traversée avec la charmante Madame Dorian ? » - « Oh… Je crains que la perspective de ce trajet lui donnerait des hauts de coeur…au sens propre. Voyez-vous elle est un peu souffrante dernièrement... » - « Quel dommage.. Vous lui transmettrez mon bonjour ? » - « Bien évidemment.... »
Il avait espéré qu’elle s’en fut, mais elle s’était accoudé non loin de là, prenant l’air de la mer et observant l’embarquement des derniers voyageurs. Qu’à cela ne tienne. Voyant qu’Alexis se trouvait encore à proximité, il avait feint de faire tomber un mouchoir, pour mieux se pencher de son côté et simuler de la découvrir en se relevant,
- « Oh..Miss Child ! Quelle surprise de vous voir ici...Enfin, j’ignore si le terme est approprié, si on considère que l’entièreté de la ville a reçu cette invitation » déclama-t-il à voix haute, il avait fait un pas vers elle, serrant sa main en une poignée joviale qu'il avait levé cependant l'enveloppant dans ses deux mains, , avant de descendre la tête vers le ventre comme découvrant l’information pourtant évidente qu’elle portait sur elle fièrement : « Toutes mes félicitations, d’ailleurs ! Voilà qui change une vie ! »
Il s’était reculé, lui offrant un sourire lumineux s’’accoudant à la rambarde élégamment, se sachant particulièrement beau dans cette posture…Satisfait de sa propre allure – comme habituellement – il avait ajouté, menottant ses yeux dans ceux de sa maîtresse :
- « Que venez-vous chercher pour ces vacances Miss Child ? En dehors de ce simple mot « vacances » ? L’entièreté de vos rêves devenus réalités ? Ou quelque chose de bien plus intimiste ? Recherchez-vous la chaleur solaire de l’été ? La promiscuité qui se glisse sous l’ombre complice du ciel étoilé ? L’agéable réconfort des baignades ? » Il sourit « En parlant de baignade… quelle chaleur… Je vais aller m’hydrater. D’ailleurs…D’ailleurs, sans indiscrétion, vous voyagez seule ? Si tel est le cas, peut-être voudriez-vous également boire quelque chose ? J’ai lu qu’il convenait de bien s’hydrater autant pour vous que pour votre enfant à naître… Surtout si nous passons en pleine mer très bientôt...Le soleil va se lever et il n’est sûrement pas bon de demeurer sur le pont. Si vous le désirez, nous pouvons cheminer ensemble...»
Il avait penché la tête, lui désignant discrètement la proposition de s’éloigner, tandis que son regard fondait dans celui de la jeune femme. Elle comprendrait sa proposition, elle comprenait toujours. Même si une petite dose d’interprétation publique ne le dérangeait pas outre mesure. Il aimait le risque… Mais il comptait bien profiter de ses vacances de manière bien plus pleines que de simples sous-entendus échangés par moyens détournés au détour de phrases publiques...Même si le reste faisait partie du jeu amusant qu’il appréciait jouer, il savait qu’Alexis ne recherchait cette fois-ci, moins le sens du frisson qu’une envie simple d’un moment passé à ses côtés. D’une certaine manière, elle l’obtiendrait… Après tout… : "là-bas, tout vos rêves deviendront réalités..." La sirène stridente du bâteau avait annoncé leur départ et il avait salué un ami imaginaire par dessus la rambarde, en profitant pour glisser sa tête par dessus l'épaule d'Alexis, renforçant leur proximité, tandis que la terre ferme s'éloignait tranquillement.. Oui...avait-il répété mentalement, dans un frisson d’anticipation..
"là-bas, tout vos rêves deviendront réalités..."
Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »
| Avatar : Kaya Scodelario
Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...
Je venais de garer ma voiture sur le parking du port, impatiente à l’idée d’avoir enfin ces vacances dont je rêvais depuis quelques jours. Il y avait peut-être une semaine de cela, j’avais découvert dans ma boîte aux lettres un coupon m’annonçant un voyage en croisière tous frais payés à partir du 4 Juillet prochain. Le paquebot semblait luxueux, l’invitation offerte au plus grand nombre, ce qui sentait clairement l’arnaque à plein nez. J’avais eu tôt fait de me détourner de ce “pass” miraculeux avec une moue peu engagée quand l’appel d’Erwin m’avait fait changer d’avis. Un voyage pour nous deux, l’occasion de se retrouver pour de vraies vacances. L’idée m’avait tout de suite plus emballée, devenant presque insensible aux différents risques que nous pouvions courir avec cette nouvelle aventure. Nous n’avions pas, jusqu’alors, eu vraiment du temps à passer pour nous, pour nous seul. Nous l’avions pris lors d’un petit week end à l’annonce de ma grossesse et un autre pour fêter nos anniversaires respectifs mais l’idée d’avoir plus de temps pour nous dans un cadre paradisiaque m’emplissait de joie, me rendant presque surexcitée à l’idée d’y arriver. Certes, je n’avais pas perdu de vue l’idée que nous serions entourée du tout Storybrooke et que nous ne pourrions donc pas pleinement vivre le moment comme un couple normal mais il ne m’avait pas parlé de sa femme, ce qui supposait sans doute qu’elle ne viendrait pas, nous laissant assurément plus de liberté que si elle était venue.
Lorsque j’étais arrivée au point de rendez-vous je me rendais compte qu’Erwin était déjà là. J’avais sorti ma grosse valise de l’arrière de la voiture, sans pour autant la mettre dans le coffre. J'entamais gentiment mon 7e mois de grossesse et ma gynécologue m’avait conseillé de commencer à ralentir sur mes activités, à prendre du repos et éviter les trop gros efforts pour éviter de déclencher la grossesse plus tôt que prévu. La valise avait donc bien mieux trouvé sa place aux pieds de la banquette arrière. La tirant joyeusement derrière moi, sentant le vent léger de la mer soulever les pans de ma robe pour glisser entre mes chevilles, je l’avais observé avec un sourire rayonnant, marchant en sa direction à bonne allure, qui ne manquait pas de décrire tout mon enthousiasme du moment. J’aurai sans doute dû m’inquiéter quant au fait qu’on puisse nous voir mais je savais le lieu savamment choisi et très discret. J’avais aussi décidé de ne pas plus m’en faire lors de la traversée. Il était évident que d’être bloqué sur un bateau avec le tout Storybrooke était le plan le plus foireux pour passer un moment en amoureux mais pour une fois, je décidais de le laisser seul gérer ce point. Pour cette croisière, c’était son problème, plus le mien. Après tout, j’étais enceinte de 7 mois, il ne me restait plus que 2 petits mois avant que ma vie...que notre vie, change considérablement et bébé pesait de tout son poids dans mon ventre, il était hors de question que sa femme et son adultère pèse également sur mes épaules. Chacun son fardeau en somme... et il semblait s’en accommoder parfaitement. J’avais fondu dans ses bras tandis qu’il m’accueillait avec un sourire prononcé. J’avais senti sa main se refermer sur ma nuque pour m’attirer à lui et je l’avais laissé faire, me hissant légèrement sur les pointes de mes pieds pour déposer un baiser sur ses lèvres. Il avait impulsé le même mouvement à mon encontre et notre étreinte avait été longue et profonde, comme à chaque fois que nous nous retrouvions ou presque. Et comme à chaque fois, je prenais le temps de m’en repaître pleinement, goûtant au plaisir de le retrouver, lui et ses lèvres, fermant les yeux, humant l’air empli de son parfum, profitant de cette petite suspension du Temps.
Nous avions pourtant fini par nous détacher l’un de l’autre et il avait observé ma valise avec un air perplexe qui eut le don de faire naître sur mes lèvres une moue moqueuse. J'avais bien l’intention de profiter de la piscine et de la plage. Je passerai donc la moitié de mon temps en maillot de bain, je n’avais pas eu besoin de prendre grand nombre de vêtements. J’avais quand même pris soin de prendre de jolies tenues de soirées, mon maquillage, divers bijoux dont ceux qu’il m’avait offert et les chaussures adéquates mais tout était parvenu à entrer dans la chose rectangulaire que je trainais derrière moi, à son grand amusement et désarroi.
— Que veux-tu ? Je suis une femme qui voyage léger, ça compense avec Môsieur dirons-nous.
J’avais fait mourir mon rire sur ses lèvres en l’embrassant une nouvelle fois plus fugacement, tandis qu’ils me précisaient ses déboires avec sa ou plutôt ses valises. Mon bras avait menotté sa taille un instant tandis qu’il portait mon autre main à sa bouche. J’avais ensuite perçu son enthousiasme avec une petite pointe de crainte. Ce que j’avais considéré comme un simple slogan de publicité, il semblait l’avoir pris au pied de la lettre. Exaucer tous nos vœux... Erwin ne m’avait jamais fait mystère de ses propres vœux et le voir brusquement si déterminé avec un sourire si... carnassier, aussi fugace avait-il était, m’avait légèrement glacé le sang. Tentant de reprendre la conversation, j’avais précisé :
— Oui... je pense que nous pouvons dire que nous l’avons mérité. Les derniers mois ont été compliqués et tu m’as semblé avoir eu beaucoup de monde à l’étude alors... c’est un repos attendu.
Je lui avais fait un sourire légèrement indécis, toujours hantée par le sourire qui était apparu furtivement sur ses lèvres. Il avait tôt fait de poursuivre et j’avais hoché la tête d’un air entendu pour lui certifier que j’avais bien réservé juste après lui, comme nous l’avions convenu. J’avais alors perçu son sous-entendu avec un petit sourire mutin appuyé.
— Avec un si joli voisin de cabine... je ne promets pas que la mer ne soit pas légèrement mouvementée.
Je l’avais presque soufflé tout en me hissant une nouvelle fois sur mes pieds pour déposer un baiser doux et léger dans son cou. Il raffolait des compliments, il les méritait d’une certaine façon, je ne lui avais jamais caché que je le trouvais séduisant depuis notre incartade à Paris et cela me mettait de ce fait un peu plus à l’aise à l’idée d’en faire... même si cela me demandait toujours beaucoup d’effort et que j’avais tôt fait de les cacher dans un mouvement qui me permettait de me dissimuler à sa vue. Mais tandis que je glissais mon nez et mes lèvres sur sa gorge, une pensée bien moins agréable était née de l’adjectif “mouvementé” qui avait eu écho dans ma mémoire. La dernière fois qu’Erwin et moi avions fini sur un bateau, il s’appelait le Titanic et il s’apprêtait à couler en mer dans une eau à 2 degrés. Avions-nous seulement bien fait de tenter ce voyage ? Après tout, tout semblait bizarre sur le prospectus, pourquoi n’y avais-je pas pensé avant ? La situation n’était de plus pas si différente de la première fois : il était un homme qui avait laissé sa femme au port pour voyager en compagnie de sa maîtresse, enceinte de lui... J’étais la maîtresse enceinte... une fois de plus. La seule différence, c’est que cette fois-ci, il était au courant de ma grossesse et même avec tous les efforts du monde il n’aurait pas pu la nier car, autre différence, j’étais enceinte de 7 foutus mois. Aucune façon de fuir cette fois-ci... Un peu prise en proie au doute, j’avais failli ouvrir les lèvres pour lui en faire part mais je le sentais déjà se détacher de moi, me précisant qu’il monterait le premier. Reprenant contenance, j’avais répondu à son sourire par un sourire, me ravisant sur mon choix : aucune raison de l’alarmer, tout se passerait bien, des vacances sans embrouille et si on devait couler au large de Storybrooke, je pouvais toujours demander à Elliot de nous sortir de là, cette fois-ci.
En montant sur le pont, tant bien que mal avec ma valise qui pesait tout de même un petit poids, j’avais brusquement senti un stewart débouler à côté de moi pour me proposer son aide. Un peu surprise, j’avais sursauté avec un sourire gêné, tentant de lui assurer que j’allais me débrouiller. Mais il avait insisté avec une telle véhémence que j’avais fini par céder et lorsque je l’avais vu lever les yeux en direction d’Erwin un instant, j’avais alors subitement compris que c’était lui qui lui avait demandé de m’aider. C’était sans aucun doute ce qu’il avait voulu dire en me précisant qu’il “m’aiderait à hisser ma valise”. A en voir son attitude générale, il ne l’avait sans doute pas gratifié d’un de ses fameux pourboires et je n’avais vu m’empêcher de sourire un peu plus fortement en imaginant à quel point le pauvre garçon avait dû en baver avec ses bagages. Comment un homme aussi peu discret pouvait-il se permettre d’avoir une maîtresse ? C’était un des mystères d’Erwin... et en parlant de discrétion... Sans doute trop à ma joie de le voir apparaître dans mon champ de vision, je n’avais jusqu’alors pas observé la couleur de son costume. J’ignorai comment j’avais pu passer à côté. Sans doute qu’à trop le côtoyer, j’en oubliais ses excentricités... mais il était... bleu. TRES bleu. C’était le moins que je puisse dire à ce sujet. Un léger sourire avait étiré mes lèvres à cette pensée et j’avais vu un mouvement de tête de sa part précédent un salut qu’il avait tôt fait de ravaler. Mes yeux fusèrent dans la même direction que les siens, pour voir une vieille femme accrochée à son bras un instant. Elle avait sans aucun doute dû perdre l’équilibre. Reprenant contenance, comme si je n’avais eu aucune intention de le saluer, je tournais la tête en direction du pont que je venais de franchir avant de remercier le stewart.
Il me l’avait assuré avec un sourire avenant et un hochement de tête entendu et j’avais alors acquiescé avec un sourire. Le jeune homme s’éloigna à vivre allure, tirant ma valise tandis que je m’accoudais avec douceur à la barre du point, observant la foule qui se massait devant le bateau, non loin d’Erwin et de sa douce amie. De là où j’étais, leur conversation me venait clairement et je souriais légèrement, bien contente que mes lunettes de soleil dissimulent légèrement mes expressions. Je commençais à me demander si la chute malencontreuse de la vieille femme n’avait pas été plus attendue que prévue, tant sa voix était minaudante. Je me surprenais alors à me demander si lui qui aimait tant plaire et être remarqué notamment pour sa beauté, était du genre à être flatté dans un pareil moment où si cela le gênait parfois d’attirer les vieilles rombières. Je sentais presque son impatience poindre dans sa voix, déterminé à mettre fin à la conversation malgré sa sympathie apparente mais un détail m’avait brusquement fait perdre mon sourire. Sa femme était souffrante... elle n’était pas venue car elle... était... souffrante... Curieuse coïncidence, non ? Il ne m’avait jamais parlé d’elle pour ce voyage, même quand ça allait de soi qu’elle serait là, il tâchait de me le préciser d’une façon ou d’une autre pour me rappeler à la discrétion... Mais pas cette fois. J’avais simplement pensé qu’elle n’avait pas pu prendre de congés ou qu’elle n’était pas emballée par ce genre de vacances. Mais s’il ne l’avait pas pris en compte et qu’elle était souffrante signifiait-il que le destin nous avait aidé ? Est-ce que j’étais sincèrement en train de penser qu’il avait pu l’empoisonner ? J’étais horrible. Après tout, elle était juste peut-être gravement malade, une de ses maladies qui se déclenche un jour et qui nous rends de plus en plus faible comme un cancer... et moi j’étais là à me réjouir de partir en vacances avec son mari. J’étais vraiment horrible.
Cette pensée ne m’avait pas encore quittée quand il s’était élancé à ma rencontre. Mes yeux encore grands ouverts derrière mes lunettes de soleil regardaient dans le vide, horrifiée, sa voix me parvenant d’un monde lointain. Pourtant, j’avais fini par me ressaisir en clignant des yeux, me tournant vers lui avec un sourire qui n’en était pas vraiment un, encore à mi-chemin entre mon choc et ma joie feinte.
— Bonjour Maître Dorian.
J’avais eu un léger rire nerveux tandis qu’il enveloppait la main que je lui serrai entre les deux siennes, m’empêchant de la retirer sans que cela ne paraisse aux yeux du badaud malpoli. Il baissa les yeux vers mon ventre, chose qu’il ne faisait presque jamais aussi longtemps et je m’étais sentir rougir jusqu’aux oreilles tandis que je précisais d’une voix timide, posant ma main libre sur mon ventre pour le caresser doucement.
— Merci, en effet il a déjà commencé d’ailleurs. J’en suis très heureuse.
Il s’était alors lancé dans une diatribe de questions que j’aurai été bien aise d’arrêter. Inépuisable, il continuait de parler, encore et encore, dans une position des plus avantageuses. Peut-être aurais-je pu admirer la vue, laissant mes yeux glisser lentement sur son corps offert ainsi, le mettant sérieusement à son avantage si une question lancinante ne venait pas me rappeler à son bon souvenir constamment : IL AVAIT VRAIMENT AIDE SA FEMME A TOMBER MALADE ?! Clignant des yeux, je ne savais plus vraiment à quel moment intervenir dans son flot de paroles et mes yeux se concentrèrent sur ce qui se passait au second plan. J’avais toujours aimé les histoires de second plan dans les comédies, là où l’absurde et le burlesque explosait tout à leur aise tandis qu’au premier plan, les héros innocents continuaient leur action innocemment. Pourtant cette fois-ci, bien moins que l’idée de me faire sourire, elle avait eu le don de me stresser d’autant plus. J’avais pu observer que la rombière était restée proche de nous après la fin de leur conversation. Sans doute avait-elle espéré qu’il continuât à lui parler. De ce que j’avais compris, elle devait être veuve et l’idée de se croquer un “petit jeune” ne devait pas lui être étrangère. Elle semblait du coup des plus contrariée à l’idée que son morceau de choix se soit tournée vers moi pour me faire la conversation plus grandement qu’il ne lui avait fait et tentait presque de se décrocher le coup par-dessus la balustrade avec des airs courroucés pour tenter de voir au mieux nos deux postures. J'avais vu son regard sévère se poser un instant sur mon ventre. Loin de l’apaiser à l’idée que je ne puisse pas concourir pour le même animal que le sien, elle avait constaté d’un air vif et observateur que je me trouvais aussi seule que le supposait “maître Dorian” et je l’entendais presque penser que je devais être une de ces femmes de petites vertus croqueuse de diamant. Je le reconnaissais bien là cet air hypocrite, prêt à me juger d’oser prendre le mari d’une autre alors qu’elle ne s’en serait pas priver une seule seconde s’il avait daigné ne faire durer la conversation que quelques minutes de plus. J’avais presque l’impression de voir la chaîne alimentaire se dessinait entre nous trois et le vautour qu’elle semblait être ne désirait sans aucun doute pas lâcher sa proie.
— Euh...
Je m’étais rendu compte que brusquement perdue dans mes pensées, j’avais laissé sa dernière phrase en suspension et elle commençait à l’être depuis un peu trop longtemps à présent. Voyant la femme en arrière-plan ouvrir la bouche sans aucun doute pour lui spécifier que de son côté, elle sera ravie de “cheminer ensemble”, je m’étais brusquement éveillée en clignant des yeux :
— Euh oui, avec plaisir. Veuillez m’excuser, je dois bien vous avouer que je ne me sens pas très bien. La montée m’a sans doute épuisée un peu plus que je ne l’aurai cru, à moins que ce soit la perspective d’un mal de mer... dans mon état, tout est brusquement plus fort et je me suis laissée déconcentrée. Je pense qu’un verre d’eau me fera le plus grand bien, en effet et si vous vous portez volontaire pour m’y accompagner... comment refuser ?
J'avais eu un léger frémissement à la commissure de mes lèvres. Un quart de seconde avant, je n’avais pas envisagé une seule seconde de lui dire cela. C’était presque sorti instantanément. C’était depuis un certain temps devenu un tel jeu cette phrase entre nous, que l’idée qu’elle échappe à mes lèvres m’avait brusquement aidé à me calmer car j’avais eu l’occasion de voir également sa réaction joueuse. Il m’avait alors tendu son bras d’une façon très guindé, d’un autre temps, sans pour autant que cela ne paraisse intime, sous le regard frustré de la vieille en arrière-plan. Même si je commençais à bien connaître ses mœurs, je n’avais pas manqué de paraître surprise et maladroite car il n’y avait aucune raison que je connaisse cette façon de faire. J'avais alors enroulé mon bras autour du sien, posant ma main au niveau du creux interne de son coude et il avait initié un mouvement sur le pont que j’avais suivi. La sirène avait brusquement annoncé le départ et après un léger sursaut, je m’étais à mon tour penché un peu plus vers la barre du pont pour observer le départ, tandis qu’il saluait dieu ne savait qui. Nous avions alors tourné au coin pour entrer à l’intérieur du bateau et j’avais senti sa tête se rapprocher de mon corps, un sourire d’aise naissant un instant sur mes lèvres. Encore loin de toute l’agitation, j’en avais profité pour le prévenir directement :
— Avant que nous profitions, je vais devoir voir un touuut petit détail avec toi car je sens que je me sentirai pas à l’aise avant que ce soit réglé...
— Avez-vous besoin d’aide pour être guidés jusqu’à votre cabine ?
Ma question était restée bloquée dans ma gorge tandis qu’un stewart s’était approché de nous avec un sourire et une voix onctueuse pour nous proposer son service.
— Euhm... Nous ne sommes pas ensemble. Mais tout va bien, merci, nous souhaitons peut-être profiter du bar un peu avant.
J’avais vu le visage du jeune homme se crisper bien qu’il ne dit rien, se contentant d’amorcer un regard furtif vers mon ventre qui m’agaça. Tentant de rester poli malgré le raffermissement de mon ton, je précisais :
— Une femme enceinte a toujours le droit aux boissons sans alcool, je vous rassure et il me semble qu’un bar est un endroit idéal pour en trouver. Je laisserai les alcools à monsieur.
Je lui avais lancé un sourire légèrement forcé avant de demander avec une pointe hautaine dans la voix :
— Du coup... le bar, je vous prie ?
Il nous avait indiqué la route tout en nous précédent et tandis qu’il s’élançait, je marmonnais en direction d’Erwin :
— Je commence à en avoir ras-le-bol de tous ces biens pensants qui s’estiment qualifiés pour me donner des leçons sur ma grossesse.
Je n’attendais pas de lui une réaction ou une remarque quelconque. J'avais juste envie de le partager. A mesure que mon ventre s’arrondissait, je devenais, il fallait bien l’avouer, de plus en plus susceptible également. Mais je détestais cette façon dont le monde tout entier avait de se croire supérieur à une femme enceinte, comme si son ventre appartenait à tout le monde et qu’elle était forcément inconsciente et incapable de se débrouiller seule. Ce n’était pas dans mon habitude de mépriser les gens qui avaient un métier de service ou les gens de façon plus globale mais je ne pouvais m’empêcher de devoir rappeler le contrat tacite qui nous unissait dans un cas pareil : j’étais la cliente, tu n’étais pas mon père. Alors moins de leçon et plus de service, merci. Lorsqu’il nous avait présenté la porte du bar, à point dans mon énervement, j’étais passé devant lui sans le remercier, préférant éviter d’ouvrir la bouche de peur de m’énerver. Nous étions arrivés devant le bar et j’avais commandé une eau gazeuse avec une rondelle de citron et j’avais laissé Erwin commander sa propre boisson avant d’aller m’asseoir un peu plus loin dans un endroit calme. Il avait fini par me rejoindre, son verre à la main et pendant les premières minutes, nous avions parlé légèrement, commentant le bar, dont les meubles étaient d’un acajou brillant, les fauteuils de cuir et de velours confortable et où l’épaisse moquette bleu rendait l’endroit encore plus beau. La vue que nous offrait l’immense fenêtre devant laquelle j’avais trouvé notre table rajoutait encore plus de cachet à la scène. Je concluais mon description joyeuse d’un :
— Je suis heureuse d’être là... avec Toi.
Je lui lançais un sourire en buvant une gorgée de mon verre, l’image de sa femme ne me quittant pas. Celle-ci vint se superposer à celle de la rombière et une boutade me vint alors brusquement en tête, me faisant pouffer de rire. Le sourire malicieux, je lui précisais :
— La prochaine fois, évite juste de rassembler toutes tes conquêtes au même endroit, c’en était presque gênant. Elle n’était pas au courant du calendrier ? Elle c’est demain, pas aujourd’hui.
J’avais tourné la tête vers la fenêtre l’air innocent, avant de reporter mon attention sur lui pour lui expliquer :
— Je sais pas qui c’était cette dame mais en tout cas, je crois qu’elle était déterminée à ce que tu passes la croisière avec elle. Ce pauvre vieux Hector s’est peut-être retourné dans sa tombe d’ailleurs mais... “vous me connaissez, Maître”.
Je l’avais imité avec une voix quelque peu chevrotante avant d’éclater de rire. Prenant de nouveau une gorgée j’avais précisé sans l’observer, jouant avec la rondelle de citron et le pique en plastique qui trônait dans ma boisson.
— T’aurais dû la voir quand tu t’es retourné vers moi, j’ai cru qu’elle allait me jeter par-dessus bord. C’est pour ça que j’ai été déconcentrée, excuse-moi d’avoir été un peu lente à te répondre.
J'avais détourné la tête pour observer une nouvelle fois notre environnement, me délectant du début de ses vacances quand une vision brusquement moins sympathique m’étais alors apparue. Un jeune homme blond, plutôt baraqué venait d’entrer dans la pièce en compagnie de... Victoire. Cool. Trop bien. Un peu décontenancée, j’avais dégluti avant de m’apercevoir que son regard vert venait de se poser sur moi. Je la vis nous observé tous les deux et un peu gênée, je levais la main en signe de salut. A ma grande surprise, elle se contenta elle aussi de lever la main avec un sourire sincère avant de tapoter sa main sur son ventre. Je comprenais alors la question implicite et j’y répondais avec un hochement de tête franc et un sourire enjoué. Elle me lança un clin d’œil avant de lancer un salut de tête vers Erwin avec un sourire plus mesurer et de s’avancer vers le bar. De notre côté, nos boissons étaient plus qu’entamées à ma plus grande joie et je proposais à Erwin :
— Ça te dirait qu’on finisse dans nos chambres ? Je préfère régler le dernier truc là-bas aussi...
J’impulsais le mouvement en me levant de mon fauteuil après avoir terminé mon verre. Après une visite jusqu’à un pilonne d’enregistrement, nous avions chacun reçu la carte de notre chambre, nous précisant que nos bagages nous y attendaient déjà. Comme attendu, nos chambres étaient voisines, soit côte à côté, soit l’une en face de l’autre, tout restait à découvrir. Nous avions emprunté les couloirs décris par l’hôtesse d’accueil pour nous rendre jusqu’au pont B. Un frisson avait parcouru mon échine lorsque j’avais entendu la lettre, me remémorant brusquement une fois de plus le Titanic où nous étions situés au même endroit. Préférant ne rien dire de ce souvenir légèrement désagréable, je m’étais contenté de lire les numéros sur les portes à l’approche de nos cabines. Elles étaient l’une à côté de l’autre. Voyant quelqu’un traverser le couloir, j’avais enfoncé ma carte dans le lecteur tout en faisant un petit signe de tête discret à Erwin pour lui préciser que je le rejoindrai lorsque la voit était libre. Actionnant la poignée, je m’étais engouffrée à l’intérieur de ma chambre et avait pris quelques secondes pour l’observer. Nous étions loin d’une cabine d’équipage : un grand lit double trônait dans la pièce, tout comme une causeuse en acajou. Des portes coulissantes dissimulées une salle de bain spacieuse avec une baignoire et des toilettes séparées. Il y avait suffisamment de rangement pour toutes mes affaires et ma valise de trouvait bien là comme promis. La seule chose qui me perturba était une porte à côté du lit. Elle semblait menée à la cabine précédente, celle d’Erwin. Un peu perplexe, je me dirigeais vers celui-ci pour tenter de l’ouvrir et à ma grande surprise, j’y parvins. Les yeux ronds, j’observais Erwin qui s’était retourné en entendant la porte s’ouvrir. Je fus alors brusquement prise d’un petit rire nerveux tandis que je constatais l’heureux hasard qui nous permettait de nous retrouver sans que cela ne se voie. Toutes les cabines étaient-elles communicantes deux par deux ? J’en doutais sérieusement, ce qui amoindrissait aussi le hasard de la situation. Tout en déglutissant, je me demandais alors intérieurement si l’équipage savait tout de notre relation et si cela avait avoir avec le fait que les “rêves” risquaient de devenir “réalité” sur cette croisière.
— Bon ben... voilà qui facilite les choses... Donc tu as vraiment cru qu’on partait 3 mois...
J’avais eu un petit rire moqueur en constatant les valises avant de refermer la porte derrière moi. Je m’approchais de lui, brusquement revigorée par cette petite surprise qui m’avait fait le plus grand bien. C’était comme si nous avions pleinement notre petit secret à nous, loin des oreilles et des yeux indiscrets. Enroulant joyeusement mes bras autour de son cou, je pris un instant pour baiser ses lèvres avant de m’arrêter brusquement, le souvenir du “petit détail” me revenant en mémoire. Les bras toujours autour de lui, je me tenais pourtant un peu plus en respect, le scrutant profondément de mes yeux, attentive à la moindre de ses expressions avant de lâcher tout de go :
— Ta femme... souffrante... t’y es pour rien, hein ?
C’était pas tout à fait comme ça que ma tête avait préparé le terrain mais c’était comme ça que ma bouche l’avait sorti. Il avait eu à son tour un léger mouvement de recul, sans doute pour mieux me juger, l’air mi-surpris, ce que je pouvais comprendre, mi-goguenard, ce que j’aimais nettement moins.
— Allons allons... comme tu y vas... Tu ne me soupçonnes tout de même pas d'avoir empoisonné ma femme !?
J’aurai sans aucun doute pu battre en retraite à cet instant mais la façon dont il avait penché la tête, me souriant moqueusement avec un coin de bouche relevé ne me mettait pas du tout en confiance. Un homme accusé de tentative de meurtre avait plutôt tendance à s’offusquer, s’énerver plutôt que de réagir avec un tel calme. Totalement déboussolée, je l’observais, soufflée, les mains toujours autour de son cou, plus par incapacité totale de bouger que par volonté.
— Tu... Tu l’as quand même pas fait hein? Dis-moi que t’as pas fais ça... Comment tu veux que je te soupçonne pas avec la tête que tu me tires, sérieux ?! Je t’accuse d’un truc hyper grave et c’est ta seule réaction ? Je t’ai entendu tout à l’heure “elle est un peu souffrante ces derniers temps” et tu m’a jamais parlé de l’éventualité qu’elle puisse t’accompagner... Punaise tu l’as fait...
Mes bras étaient retombés brusquement et j’avais fait un tour sur moi-même pour tirer mes cheveux en arrière, en plein choc de ce que je croyais désormais vrai. C’était évident. Pourquoi c’était brusquement si évident comme si ça me semblait normal qu’il puisse fait un truc pareil ?! Pour toute réponse, il avait ri, s’asseyant sur le bord de son lit, les jambes croisés et m’observa en précisant :
— Ou peut-être, ai-je forcé le trait pour justement te confronter à l'impossibilité de cette interrogation et qu'il m'a paru un peu incroyable voire même drôle sur le moment que tu aies pu imaginer cela ? Tout comme j'ai pu, aussi, mentir sur la raison de son absence, non ? Invoquer une épouse souffrante reste une excuse d'absence plus acceptable à offrir une cliente que de m'épancher sur ma vie privée et le fait que nous ne souhaitons pas partir ensemble ? Ou peut-être qu'effectivement... Je l'ai fait je l'ai...empoisonnée.
Il souriait toujours puis il se releva, amorçant un pas vers moi, un sourcil circonspect. De mon côté, je m’étais stoppée, l’observant à mon tour avec le même sourcil circonspect, nous jaugeant l’un l’autre. Après un instant de silence, j’avais précisé avec une légère grimace de dégoût :
— En tout cas, pour quelqu’un qui l’a pas fait tu restes vaaachement évasif sur la réponse...
Est-ce que j’avais vraiment envie d’en savoir plus maintenant et ainsi gâcher le moment ? J’avais presque l’impression que ce que son regard m’appelait à me demander. Toujours hésitante, j’avais fini par demander :
— Elle va bien au moins ? Si tu as menti... elle va bien, non ? Et si tu n’as pas menti... c’est rien de grave, elle va s’en sortir ?
Si je voulais réussir à passer à autre chose, j’avais au moins besoin d’être sûr que ce possible empoisonnement se rapprochait plus d’un yaourt qui avait tourné dans le frigo que d’un véritable meurtre. Au fond de moins, je ne pouvais pas l’envisager en meurtrier, déjà parce que c’était au-dessus de mes forces, ensuite parce que sa femme était toujours avec nous, dans un futur hypothétique de 10 ans plus tard... ce qui m’aidait aussi à garder un certain calme. Même si l’idée qu’il puisse tout de même la rendre malade me semblait gonflée. En cet instant, j’avais juste besoin de savoir, quel que soit le choix, qu’elle irait bien... après tout, je ne parlais que de “détail” depuis le début... c’était mentir que de croire que je pouvais vouloir me pourrir le seul moment de pur bonheur que nous avions rien qu’à nous. Pour toute réponse, Erwin leva les yeux au ciel, sans aucun doute agacé de la situation avant d’hausser les épaules :
— Bien sûuuur qu'elle va bien. Et si cela peut calmer tes angoisses, trésor... Je t'assure que je n'ai nul doute que Madame Dorian se portera comme un charme à mon retour. Et je sais qu'elle assumera ses engagements de bienfaisance pendant la durée de ces vacances, je t'enjoindrai à vérifier, même... Enfin! T'ai-je durablement rassurée sur la question ?
J’avais hésité un instant, l’observant toujours. Il semblait légèrement vexé à présent de ma supposition, sa voix s’était faite plus sèche mais je pouvais toujours percevoir en sous-ton cette malice qui le caractérisait et qui ne parvenait pas clairement à me rassurer. Devais-je l’être de voir que si c’était vraiment le cas il ne cherchait pas trop à me mentir ? Epuisée à l’idée de me questionner sans arrêt à son sujet et me rappelant brusquement de mes vacances, je l’avais gratifié d’une moue peu convaincue :
— Mouaiiiiis... je vérifierai quand même puisque tu me le permets, histoire d’être véritablement “rassurée sur la question”...
Tentant pourtant de ramener la situation à quelque chose de plus doux, j’avais amorcé de nouveau un pas dans sa direction, puis un second pour revenir entre ses bras. Je savais que généralement quand il “boudait” il me laissait faire sans pour autant appuyer mes essais jusqu’à ce qu’il estime que sa bouderie était finie. J’avais alors déposé quelques baisers rapides et légèrement fiévreux dans son cou, remontant jusqu’à sa mâchoire pour reprendre, comme un leitmotiv humoristique d’une voix légèrement chevrotante :
— Vous me connaisseeeez, Maîiiitre...
Avec un éclat de rire franc, c’était ainsi que j’avais classé ce point pour les semaines à venir.
Décidant de profiter du Temps qui nous été accordé, l’image de sa femme avait fini par s’effacer de ma mémoire et après avoir rangé mes affaires dans ma chambre, j’avais enfilé une tenue de plage avec un maillot de bain une pièce, plus pratique pour mon ventre, une robe blanche légère de plage, un chapeau pour me protéger du soleil, mes lunettes de soleil et des tongs. Nous avions décidé de nous rejoindre à un endroit particulier indiqué par le prospectus présent dans nos chambres : un endroit plus calme, réservé à certains passagers avec tout le confort du reste du bateau : piscine, bar, jacuzzi, transats... de quoi passer un moment “en toute discrétion” de ce qu’il était inscrit. Après un moment de doute, nous avions finalement décidé de consentir que cette croisière nous offrît déjà tout ce que nous pouvions désirés et nous nous étions donnés rendez-vous là-bas. Il avait fallu suivre le plan car l’accès n’était pas des plus facile mais avec bonheur, j’avais découvert un endroit vide de monde, sur les hauteurs du bateau, où nous pouvions enfin être en couple sans se méfier des yeux indiscrets... ou tout du moins, le temps que personne ne nous rejoigne. Nous avions alors largement profité du moment de la journée, du déjeuner aussi, nous laissant voguer sur un océan de calme et de vacances où s’étaient entremêler baisers, baignades, boissons et repos. Pour l’après-midi, nous avions chacun opter pour une virée au spa. Ils proposaient des massages pour femmes enceinte et depuis un certain temps, mon dos me faisait terriblement souffrir. Toute la journée avait été un pur bonheur et c’était donc avec un sourire ravi et une Georgia Dorian loin de mon esprit que je me préparai pour la soirée, attendant de le rejoindre et de voir ce que la nuit nous préparait. Me vaporisant de parfum, après avoir fini de me maquiller, je vis dans le reflet du miroir la porte communicante s’ouvrir sur lui, resplendissant, pour un dernier baiser avant de se retrouver “fortuitement”. Je pris un instant pour l‘observer dans le miroir, ses cheveux parfaitement soignés, son costume qui lui allait à merveille, son sourire toujours quelque peu mystérieux. Son parfum avait alors envahi mon espace tout comme le mien avait dû envahir le sien et je m’étais relevée pour me diriger vers lui. J’avais beau lui avoir dit qu’il en mettait beaucoup trop pour la femme enceinte que j’étais, il ne semblait pas avoir trouvé le dosage adéquat de parfum entre mon nez sensible et sa vanité. Essayant de ne pas succomber trop rapidement à ma première migraine, j’avais déposé sur ses lèvres un doux baiser avant de lui dire dans un presque chuchotement :
— Tu es magnifique...
Petit à petit, je me détendais réellement, commençant sincèrement à penser que loin d’être un piège, ces vacances étaient définitivement une excellente idée.
Erwin Dorian
« If the crown should fit, then how can I refuse? »
| Avatar : Rufus Sewell
- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)
| Conte : Coeur de Princesse/Le Prince et le Pauvre | Dans le monde des contes, je suis : : Preminger
Les vacances n’avaient que pour but de profiter de la vie comme les longs jours de labeurs ordinaires ne le permettaient pas… Mais cela valait pour le commun des mortels. Preminger, même s’il s’était incliné, prosterné voir avait rampé pendant dix années au « service » de la Couronne considérait toujours l’existence essentiellement comme une source de plaisirs. Il aimait s’amuser, se divertir… Tout pouvait y être prétexte.. Du menu fin et délicat qu’on lui servait à la mine dépitée du serveur lorsqu’il s’en plaignait. Il avait toujours eu le sens de l’exagération. C’était inné. Ce qui l’avait prédisposé à la vie à la Cour. Sur la croisière, il espérait – non pas en retrouver la saveur c’était déjà peine perdue – mais au moins évoluer dans l’environnement le plus satisfaisant au possible pour l’époque. Il jetait donc un regard scrutateur, évaluateur sur chaque porte franchie, sur chaque poignée lustrée, les serviettes choisies, les draps installés. Oui… Cela restait satisfaisant dans le sens le plus simple du terme… Passable pour un petit temps de distraction. Voyager à la vue de tous en compagnie de sa charmante maîtresse parachevait le tableau, y ajoutant une délicieuse touche de danger à ce panorama… Cette démonstration toute évidente de duperie à la face du monde entier clamait sa supériorité devant ces brebis bêlantes et sottes. Et puis, lorsque le flot de population le lasserait, il disposerait d’endroits de tranquillité. Si l’endroit était vaste cela permettrait d’éviter des passagers impromptus à toute heure. Il n’avait rien contre un petit quart d’heure d’échanges de façade avec la populace pour satisfaire le bas peuple mais tout de même… Puisque sa prestance ne prenait jamais de vacances. Miss Pardle ne l’en démentirait pas et il avait rit à l’imitation cynique d’Alexis sur la question, saluant la fin des « soupçons » qu’elle clôturait à merveille. Oh, il avait manqué de tout lui avouer mais cela aurait faire passer son divertissement avant la délicatesse qu’il s’était promis de tenir vers la jeune femme s’agissant des révélations le concernant. Il irait pas à pas, progressivement. Lui balancer avec une indifférence frôlant la jubilation qu’il avait fait preuve de clémence envers Georgia en lui administrant un poison qui ne faisait que simuler une maladie quelconque serait revenu à lui causer un choc bien trop important. En définitive, le choix du ton adopté était idéal, parfait. Légèrement mesquin franchement amusé mais suffisamment trouble pour y ajouter le voile d’une possible innocence. En définitive, elle ne savait pas réellement sur quel pied danser et choisirait sa propre conclusion selon son cœur et son intelligence. Et ce qui pourrait suffisamment calmer sa moralité. Toute cette discussion s’avérait intéressante, non mieux : instructive. Cela consistait l’exercice pratique le plus parlant pour constater l’avancée d’Alexis dans ses réflexions le concernant et mieux encore l’épreuve de sa moralité. Elle avait toujours eu cette « fâcheuse » tendance à se méfier de lui. Il avait toujours suscité sa curiosité la plus profonde. Dans leurs premiers moments, enfant puis adulte, il avait incarné cet être, ce mystère un peu insondable dont elle avait toujours eu envie de soulever le voile. Il ne tenait qu’à lui de lui tenir la main pour l’y permettre. Et il le faisait, comme cet instant auparavant. Avec parcimonie toujours mais bien plus de lisibilité que jusqu'alors. Il était un portrait gigantesque, colossal dont on admirait les effets sans posséder le recul nécessaire pour le contempler entier. Mais il savait qu’elle le ferait. Il en avait eu le pressentiment rapidement à leurs débuts et son cadeau lui avait offert la preuve. Ce triptyque c’était lui...avec bien plus de symbole que le peintre n’en n’avait mis. Et sa présence, son rang, ces enfants égrainaient cette piste qu’elle, Lui et le Destin avaient eux-mêmes tracés. Au delà de cette évidence que la vision de son futur lui avait confirmé, il voyait les choses bouger sous ses yeux et n’appréciait rien de plus que cela. Il avait toujours a-do-ré voir l’influence qu’il possédait sur autrui. Avec Alexis, c’était différent. En définitive, il ne considérait pas tant cela comme de la manipulation que comme une simple ouverture vers une autre vision du monde qu’il avait à coeur de lui faire découvrir. Il ne forçait rien mais s’enthousiasmait en revanche des progrès qu’elle faisait pour appréhender le Monde, sans même s’en apercevoir elle-même. Ou en le refoulant. Auparavant, elle se serait enfuie peut-être, se serait énervée, se serait réellement horrifiée de la situation et plus important..de lui-même. A présent, elle s’était révoltée par l’idée, par l’image, par l’acte intrinsèque. Tuer quelqu’un. Empoisonner quelqu’un. Voilà qui restait terrifiant, révoltant, pour elle. Mais elle avait déjà glissé vers un chemin plus obscur puisqu’elle n’avait finalement jugé que l’acte et ce en quoi il pouvait être révélateur de lui-même. Elle ne l’avait pas jugé. Elle n’avait pas abimé ses sentiments envers lui envers lui dans un dégoût total. Voilà pourquoi il convenait de veiller à ne lui révéler tout que progressivement, doucement. Une chute trop brutale, trop précoce ne serait d’aucune autre utilité que de faire vaciller la relation, briser tout le socle progressif qu’elle avait elle-même commencé à modifier. Non. Il ne ferait pas vaciller tout cela. Et puis… Il convenait de passer un agréable moment ensemble. Ils étaient partis pour leurs anniversaires respectifs – surtout le sien évidement – mais là au moins pourraient-ils bénéficier d’une période plus longue de détente. S’il n’y avait pas eu l’agaçant et volumineux rappel de la présence de l’erreur de manière outrancière à présent. Enfin… Erwin savait qu’il était inutile de dire qu’il en ferait abstraction il ne pouvait pas, mais il tâchait de lui accorder tout l’intérêt qu’il méritait à savoir...aucun. Il ne gâcherait pas ses vacances. Ni leurs vacances. Il avait toujours apprécié la compagnie de la jeune femme, et au fur et à mesure du temps cela se révélait plus évident encore. Il partait tout de même en sa compagnie pour un voyage hors de prix sachant pertinemment que son corps lui empêcherait tout envie et malgré tout, il avait voulu qu’elle soit là. Cela lui avait semblé être une évidence. Alors, il était hors de question, qu’un misérable petit embryon vienne gâcher leur relation. Surtout que le paquebot...non, le bateau. -le mot paquebot lui causait encore un désagréable souvenir qu’il aurait préféré oublier- proposait divertissements variés et « hauts de gamme » qu’il lui hâtait de tester et d’essayer. S’il aimait le goût du risque, il trouvait néanmoins des plus curieux que l’entièreté de la croisière semblait lui permettre d’évoluer avec sa maîtresse en « toute discrétion ».. Cette situation, à force d’être si permise lui semblait ne plus être qu’un secret de polichinelle, que renforçait la présence de l’Erreur. Il détestait cela. Il se savait suffisamment intelligent pour ne pas offrir tant d’indices n’en déplaise à sa nature pour le moins...fantasque. Aussi, cette désagréable impression que tout ceci avait été fait pour lui et donc pour eux le dérangeait. Il était impossible qu’ils puissent se douter de quoique ce soit à moins de l’observer depuis un plus long moment qu’une vulgaire petite invitation. Ce qui nécessitait d’admettre que sa propre équipe de protection rapprochée échouait à protéger ses arrières… Ou alors, toute cette proximité facilitée marquait l’œuvre d’une personne tierce à cet effet. Une personne qui se situait sur le bateau en même temps qu’eux… Mais quel intérêt aurait eu Hera de favoriser leur intimité ? Aucun. Et puis, elle aussi voyageait accompagnée… D’un individu qui ne lui était pas inconnu. Oh il n’avait jamais eu l’occasion de discuter avec cet homme qui arborait des goûts vestimentaires et un sens du « style » très…..très éloignée de son sens de l’esthétique… Mais le notaire s’était acharné les premières années de son « réveil » à constituer l’arborescence de l’entièreté des personnages qui peuplaient Storybrooke. Les rangs de chacun, les pouvoirs de chacun, les atouts et les faiblesses…. Il en avait dédié les quatre murs entiers de l’une de ses « pièces secrètes » au-delà des registres qu’il complétait à l’arrivée de chaque client à qui il soutirait ces informations. Chemin faisant, il connaissait en principe les identités d’un maximum d’individus et Arthur Pendragon était forcément un de cela. Il figurait en rouge dans le seul intérêt principal du royaume dont il venait. Camelot… Excalibur… Le Graal..et la Fontaine de Jouvence. Voilà un objet des plus chimériques qui avait pris une réalité toute palpable lorsqu’il avait noté la présence de cet ancien « roi bâtard » dans son royaume.
L’après-midi se passa néanmoins à merveille. Ils ne croisèrent personne et profitèrent donc de leur tranquillité pour savourer leurs vacances. Alexis s’inscrivit à un « massage pour femme enceinte » ce qui était pour Preminger une vraie source d’interrogation qui pourtant ne le poussa pas à verbaliser clairement. Il voulait faire abstraction. Bien que la chose soit plus difficile à réaliser lorsque la jeune femme se trouvait habillée en maillot de bain et non en robe… Mais qu’importait. Lui se prélassa avec aise dans le propre massage que l’on prodigua à son merveilleux corps puis s’en vit l’heure de rentrer pour se changer. Il opta pour un costume d’un bordeaux presque prune, épingla un mouchoir de soie moucheté de vert amande sur le haut de son costume, se nimba d’un nuage conséquent de sa flagrance, se sourit de longues minutes, puis après avoir maintes et maintes fois éprouvé sa splendeur, rejoignit sa maîtresse par la « porte fortuite » qu’on leur avait laissée. Elle lui offrit un compliment d’une évidence même… Mais Alexis n’était pas femme à oser formuler directement ses compliments d’ordinaire, il fallait l’inciter, l’y encourager un peu, trop pudique sur ses émotions pour les verbaliser. Aussi, l’entendre le faire naturellement était une satisfaction réelle.
– « L’inverse eut été étonnant, non ? » répliqua-t-il pourtant en se rengorgeant avec vanité, en lui dédiant néanmoins un sourire appréciateur qui tendait à lui indiquer que malgré tout, le compliment avait été apprécié. « J’aime le choix de ta robe, cela te met en valeur…Enfin..même lui… » Il l’embrassa à nouveau doucement sur les lèvres puis observa sa suite songeusement « A vrai dire, si je n’étais pas on ne peut plus curieux d’observer les festivités qu’ils nous promettent, j’eus proposé de passer le reste de la soirée dans mes appartements. Nous aurions pu converser plus à notre aise et la vue sur le balcon de l’océan est très ravissante. J’entends que nous soyons placés de manière aussi agréable pour observer le couchant… Je doute que nous conservions cette « fortuite chance »d’être isolés de tous, le reste de ce voyage… »
Il recula un peu le visage, observant ses traits délicats qui l’observaient avec avidité et lui embrassa le sommet du front avant de se reculer complètement, ne conservant que les deux mains de la jeune femme entre les siennes.
– « Allons, en piste, ma charmante… Autant ne pas risquer de se distraire trop rapidement. J’aime bien trop les festivités pour risquer de rater la moindre miette du spectacle ! D’ailleurs… Puisque ce sera sûrement un dîner trésor, je trouve qu’il serait plus opportun de ne pas dîner seuls. S’il y a bien un lieu où nous ne serons pas à l’abri des regards indiscrets plus longtemps, c’est bien en salle de réception, tu l’as dit toi-même, je suis merveilleux…. . C’était une chance incroyable que d’avoir jusque là pu nous trouver ensemble sans que quelqu’un ne puisse nous observer. Si nous dinons en tête à tête ce serait des plus inconvenants. Nous ne sommes, hélas, pas sous identités secrètes mais bien à la vue du tout à chacun de Storybrooke. J’ai beau mépriser ces bons gens et leurs cancans, il est, on ne peut plus évident, que je voyage actuellement sans mon épouse et toi, sans le père mystérieux de ton fils. L’imagination des autres est si mesquine. Evitons de donner du grain à moudre qu’aux plus misérables commérages que leurs esprits médiocres peuvent créer. C’est pourquoi, je préconise que nous choisissions de nous joindre à une table commune, dans l’hypothèse où le choix existe. Nous pourrons ainsi être ensemble...dans la masse. Aussi nous aurons ce que nous souhaitons… Il n’y a rien de plus parfait que d’agir, mettre sous le nez des autres la vérité est le meilleur moyen pour les en détourner… ».
C’était l’idéal dans une situation comme celle qu’ils avaient choisi. S’il possédait l’impertinence hautaine de jouer avec le feu sans craindre de s’y brûler c’était bien parce qu’il s’interdisait le moindre dérapage impromptu… Il quitta ses quartiers non sans lui adresser un salut élégant de la main, puis rejoignit sa propre cabine… Il boucla un instant l’une de ses mèches dans son miroir, se félicitant d’être si gracieusement séduisant sans que cela ne soit lassant, ô quelle chance avait le Monde, puis dû se forcer à quitter son image pour rejoindre le couloir. Il avait été décidé qu’il quitterait les lieux cinq minutes avant Alexis, ce qui lui laissait le temps, il avait compté, de se trouver sur le haut du corridor lorsqu’elle sortirait de sa chambre. Il remonta ainsi dépassant les portes closes, se félicitant d’avoir quelque peu laisser dépasser l’heure pleine, pour ne croiser personne ici, puis se tourna légèrement sans dévier la tête. Alexis n’était pas encore sortie, ce qui lui laissait de l’avancer. Apercevant un steward, son œil pétilla un peu lui offrant l’excuse parfaite pour demeurer dans ces lieux sans paraître attendre quelqu’un… Parfait timing.
– «...Monsieur. » apostrapha-t-il sans prendre le temps de saluer l’individu « J’ai remarqué en croyant accéder à une autre pièce de ma suite que ma porte communiquait avec la chambre voisine. Je trouve cela très inopportun et d’une maladresse impardonnable ! Un voleur ou une voleuse, que sais-je pourrait s’y glisser en mon absence…J’ai en ma possession de nombreux objets de valeurs qui pourraient être substitués et si cela devait se produire, j’en accuserai personnellement votre compagnie. »
Non pas qu’il détesta le fait que les portes soient communicantes… au contraire. Mais un homme intègre, net de tout soupçon n’aurait manqué de s’en inquiéter. Pour mieux utiliser le passage, il valait mieux dissiper les doutes. Du coin de l’oeil, il vit l’ombre d’Alexis – son ventre rebondit facilitant cette fois le repérage- s’aventurer dans le couloir. Tandis qu’elle s’affairait sur le verrou, le serviteur répliqua tranquillement :
- « Toutes nos chambres sont aménagées à la convenance de tous nos passagers… Aucune n’est en principe source d’insatisfaction par nos convives...Elles sont pensées et attribuées pour les satisfaire pleinement. »
Ce qui ne disait rien qui vaille à l’ancien ministre. Cette sorte d’évidence déclamée de la manière la moins naturelle au monde… Comme un sous-entendu qu’il ne comprenait que trop...
- « Dois-je me répéter ou êtes-vous totalement idiot ? Ma chambre communique avec la chambre du voisin... »
Le regard du steward s’était soulevé de dessus l’épaule de Preminger pour contempler un point lointain qu’il supposa être Alexis puis reporta son attention sur l’ancien ministre :
- « Je vais signaler votre mécontentement. Dans le pire des cas, votre clef peut verrouiller cette porte puisqu’elle ne vous est d’aucune utilité..Je comprends que vous souhaitez éviter les risques d’allers et venues aventureuses inconvenantes...Notre désir premier est votre satisfa » – « Dans ce cas, si vous continuez ainsi, vous ne ferez pas long feu...… » déclama-t-il doucereusement.
Et il l’avait dépassé avec hauteur. Piqué au vif. Ils savaient, c’était évident. Pas les autres, mais cette manie du personnel de tout orchestré avec un savoir-faire qui ne faisait que contenter son stratagème et son adultère, ce n’était pas normal. Rien n’était normal. Cela et… cette invitation... Dans un léger tour de taille, il vit Alexis s’approcher et pressa le pas pour ne pas se faire rattraper. Le steward semblait s’être volatilisé derrière une porte réservée au personnel de toute évidence… Peu importait. La désagréable impression d’avoir été épié même lisible ne le quittait pas tandis qu’il cheminait jusqu’à l’escalier. Feignant de n’y prendre gare, il gravit les marches atteignant la salle de réception, salua quelques convives de la tête sans pour autant presser le pas vers eux, jusqu’à se présenter au maître d’hôtel. Il sentit la présence d’Alexis derrière lui, reconnaissant sa démarche élégante mais ralentie par la grossesse, et déclama à haute voix :
- « Maître Erwin Dorian, je souhaiterai une place à table…. s’il vous plaît »
Comme feignant de découvrir l’emplacement de celles-ci, il se retourna un peu, laissant courir son regard sur les lieux, les convives puis la file d’attente et mima la surprise devant elle.
– « Oh bonsoir Mademoiselle Child, vous êtes si radieuse… Vous allez dîner également, je suppose ? Question rhétorique, je vous l’accorde. »
Il ne lui embrassa pas la main, ne fit même pas le moindre geste amical à son encontre, hormis ce sourire qui lui était entièrement dédié et dont l’engeance trahissait un peu plus, derrière l’air policé abordé, la complice question qu’elle sous-entendait. La file derrière elle s’était accrue et il ne souhaitait pas effectuer la moindre bêtise.
- « Puisque vous vous connaissez et le hasard faisant bien les choses, il reste deux places à l’une table. Vous serez placés côté à côté ! Comment rêver mieux ? » s’exclama de derrière lui la voix du maître d’hôtel d’un ton enthousiasme avant de rajouter d’un ton plus placide « Souhaitez-vous que je vous y escorte ? » - « Comment refuser ? C’est votre travail, après touuuut. » rétorqua-t-il dissimulant son acidité derrière une bonhomie réjouie.
Il l’avait laissé les placer, la mine rigide malgré tout à l’égard du jeune homme. Miss Pardle attablée à une table non loin de là l’avait salué. Elle arborait un rouge à lèvres violent et une tenue constellée de dentelles qui loin de la mettre en valeur lui faisait ressembler à un vieux napperon défraichi qu’il ne doutait pas qu’elle ait choisi de porter en son honneur…. Ah la faiblesse des autres… Fort heureusement, bien que la table où elle se trouver disposait d’encore deux couverts vides, ce ne fut pas là qu’on les attabla. Le regard perçant de la vieille femme s’était rembruni en apercevant la silhouette d’Alexis non loin de son aura et le sourire rouge qu’elle arborait avait disparu, laissant place à une grimace méfiante. Erwin avait songé qu’il convenait de ne pas laisser cette situation s’envenimer davantage sinon il disposerait d’un problème supplémentaire à résoudre… Ce qui n’était pas complexe en soit mais nécessitait de lui accorder du temps. Et n’était-il pas censé être en vacances, diantre ? Alors qu’Alexis prenait place à ses côtés, il salua ses camarades de table qui, fort « chanceusement » lui étaient parfaitement inconnus et se présenta aisément non sans profiter pour lui glisser, tout en feignant de commenter le menu :
- « Le homard bleu est un excellent choix, regardez...ici. Si tu en as l’occasion, tourne discrètement la tête vers la table de droite, une charmante vielle dame MEURT d’envie de te saluer de la tête… » Il pouffa un peu, puis entreprit de converser négligemment avec les autres convives, laissant la jeune femme tourner la tête vers Miss Pardle, but un peu, puis lui glissa à l’oreille, – « Elle se sait déjà vaincue par la splendide concurrence que tu lui opposes. Petite effrontée... » Son regard s'était attardé sur l'ensemble de son visage, descendant jusqu'à ses lèvres, remontant ensuite jusqu'à ses joues. Son verre à la main, il avait porté son propre verre à sa bouche, avant de détourner la tête négligemment, se plongeant dans la conversation des autres avec un naturel déconcertant. Il opinait, donnait son opinion, s’adressant à Alexis, sans dissimuler leur « amitié » mais sans jamais franchir la moindre barrière.
– « Je trouve ce plat exquis, n’est-vous pas de mon avis ? Ce n’est rien de moins qu’exaltant ! »
Il en profita néanmoins pour croiser les jambes, laissant son mollet se déposer délicatement sur celui de sa maîtresse. Pour le reste du repas, il fut, comme à l’ordinaire, fin et spirituel, d’une amabilité légendaire et profondément agréable. Un convive parfait, comme on en faisait peu. Il plaisanta avec certains, raconta quelques anecdotes erronées, conversa galamment avec Alexis, lui dédiant quelques sourires appuyés ou quelques sous-entendus qu’elle seule était en mesure de percevoir. Quelques caresses légères aussi, plus audacieuses mais réussies. Une fois le dîner mangé, ils sortirent sous le perron, profitant de la vue imprenable qui dégageait le ciel en un millier d’étoiles. Un groupe de musique jouait sur le pont, des musiques plus actuelles qu’il l’aurait aimé… Ravalant un commentaire, il préféra scruter l’horizon qui s’était tâché d’encre noire. Leur petit groupe avait fait quelque pas ensemble encore puis s’était dispersé et il était demeuré seul avec elle, éloigné des commérages…
– « C’est agréable » commenta-t-il le nez ployé vers la voûte céleste, dévisageant le cosmos comme s’il n’attendait que lui « Profitons un peu de la vue, qu’en dis-tu ? Sauf à ce que tu sois fatiguée et que tu souhaites rentrer… »
La grossesse fatiguait paraissait-il. Il ne prenait pas réellement la peine de se documenter sur la chose, l’idée d’ouvrir un livre l’instruisant sur autre chose que LUI et PIRE sur l’Erreur, quelle odieuse idée - mais cela paraissait évident qu’un encombrant phénomène comme l’erreur puisse épuiser. Puisqu’il l’épuisait déjà d’ennui, il n’osait même pas imaginer l’effet qu’il devait peser sur sa mère. Attendant sa réponse, il s’accouda un peu, savourant le calme de la nuit qui tombait, déclamant tranquillement - « Étoiles qui d’en haut voyez valser les mondes, faites pleuvoir sur moi de vos paupières blondes ; vos pleurs de diamant ; Lune, lys de la nuit, fleur du divin parterre, Verse-moi tes rayons, ô blanche solitaire, Du fond du firmament ! »
Il ramena ses yeux sur la ligne de l’horizon, se trouvant paisible à ses côtés. Une nuance de bleu ne faisait que différencier la limite entre le ciel et l’océan… L’Océan. Tout était si bien… Et pourtant.. Soudainement. Il les entendit, les vit… Les cris, la proue du bateau qui se dressait sous ses pieds, le froid qui lui mordait le corps, l’imminence de la Mort…« Il n’y a rien de pire que l’excellent lorsqu’il devient Mauvais, tu le sais mieux que quiconque, n’est pas Preminger ? » La voix unique, grinçante et ricanante du clown lui revenait en mémoire, comme sa silhouette effrayante surgie de la brume du soir. Qu’était cette chose pour savoir tant de chose sur LUI ? Et où se trouvait-il encore pour que tout semble se répéter à nouveau ? Avait-il mis les pieds dans un piège identique au précédent où lui comme Gugghenam à l’époque voyageait en compagnie de sa maîtresse enceinte sur un paquebot de rêve ? Non ! NON… Il surprit ses mains crispées sur la rambarde et les détendit à la va-vite, piqué au vif. Pourquoi donc se jeter dans la panique… ? Pourquoi donc ? Tout se passait à merveille. Et le Titanic, quand bien même son surnom se voulait être « le paquebot de rêves », n’avait jamais eu vocation à les exaucer. Il était plus fort que cela. Si la peur était acceptable, les traumatismes étaient pour les faibles. Et Preminger n’était pas faible. Il ne l’avait jamais été… N’en déplaise à sa condition première. Il était cette excellence corrompue. Il valait mieux que cela. Il se doutait qu’Alexis éprouvait ce même malaise. Cette même sensation d’appréhension. Il l’avait observé, sa peau veloutée d’opale que la lune colorait d’argent et ses yeux bleus profonds que la tiedeur de la nuit obscurcissait toujours et dissimulés parmi les autres, il avait embrassé ses lèvres douces. L’interdit faisait fuir l’appréhension...
Ils rentrèrent peu de temps après, s’escortèrent poliment jusqu’à la cabine où il lui baisa la main cérémoniellement en lui souhaitant une « bonne nuit » avec tout ce que son regard pouvait comporter d’invitation. Elle était venue peu après le rejoindre, alors qu’il se débarrassait seulement de sa veste. Il l’avait invitée à s’asseoir d’un geste, après un baiser et se servit un verre, pensivement, continuant à se mettre à l’aise. Elle s’était assise sur le lit et il l’avait dévisagée dans le reflet du miroir de la chambre.
— « C’est une croisière superbe lorsque la nuit paraît... » il demeura silencieux un peu, grave avant de demander « Toi aussi tu y penses n’est-ce pas ? Cela me traverse l’esprit aussi… » Il pensait au Titanic sans le nommer… Une grimace chassa cette image et il ajouta« Et ce personnel !… Ce personnel ne m’inspire pas confiance. Il y a une limite entre l’incompétence et le dérangeant, et cette limite est on ne peut plus franchie en ce qui les concerne. Ces misérables sont désobligeants au possible sous couvert d’onctuosité… Ciel...S’ils ne tenaient qu’à moi, ils auraient tôt fait de passer par dessus bord.. Simple expression bien sûr » Il avait explosé dans un rire sarcastique, excessif expulsant une part de sa frustration. — « Ce n’est pas trop mal en dehors de cela…Oui, cela vaut un peu les étoiles qu’il se donne même si je ne tarderai pas à lui en enlever ne serait-ce que pour ne pas avoir fait le tri dans les personnes à qui adresser les invitations… Cela dit...il y a tout de même une piscine ouverte aux bains de minuit qu’il est possible de privatiser l’envie nous en prend… Cela peut être réellement...intéressant... J’ai envie d’explorer les lieux. Autant voir ce qu’il nous réserve et s’il mérite vraiment.» il s’était avancé s’asseyant sur le rebord de son lit, attrapant son visage fin entre ses mains, plongeant ses yeux dans ceux de la jeune femme y infusant l’or sur le bleu nuit « Et puis, profiter de nous. J’ai envie que tu puisses savourer l’immeeeeense ravissement de partager ces journées n en ma compagnie… »
Erwin Dorian
« If the crown should fit, then how can I refuse? »
| Avatar : Rufus Sewell
- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)
| Conte : Coeur de Princesse/Le Prince et le Pauvre | Dans le monde des contes, je suis : : Preminger
Le matin s’était levé… Et il avait observé le soleil filtrer à travers les rideaux lourds, s’était retourné paresseusement dans les draps un bref instant, exhalant un long soupir repu. Puis s’était étiré. Tirant son miroir, il s’était observé un long moment. Il reposait l’objet, lorsqu’Alexis bougea un peu, à son tour, entre les draps. Se retournant délicatement, il avança sur les couvertures, dépassant l’épaule douce de sa maîtresse pour plonger son visage dans la masse ondulée et brune de ses cheveux longs. — « Bonjour...petit trésor…Il n’y a-t-il pas plus plaisant réveil ? Et dire qu’il est déjà si taaaard… 9h30 déjà, voilà que nous paressons » Il avait sourit, sentant son corps chaud se tendre sous l’éveil, sa bouche embrassant son épaule : — « Tu n’as pas envie de te prélasser, encore tout de même ? Je vais commander le petit déjeuner ici...Pourquoi se lever quand le monde peut accourir jusqu’à moi ? »
Et c’était ce qu’il avait fait. Il avait pressé l’index impérieusement sur le combiné du téléphone placé sur sa table de chevet puis avait ronronné sa commande, avec une douceur qui n’annonçait rien d’autre que son narcissisme se sentait parfaitement au sommet pour cette magnifique journée. Puis s’était retourné vers Alexis, souriant encore. Elle le connaissait suffisamment pour savoir qu’il raffolait de ces moments qui lui rappelaient les levers du château… La libraire avait pu faire l’expérience un peu, lors de leur trop court séjour dans cette vie parfaiiiite. Même s’il y avait taaant de choses PASSIONNANTES dont elle n’avait pu faire l’expérience. Une chorale qui chantait les louanges du Roi au petit matin, voilà qui aurait été de très bon goût ! Sans compter ceux qui préparaient parfois un petit spectacle en son Hommage. Aaaah, la vie de si glorieux souverain l’attendait taaant. La vie qui lui était due… Il avait cependant englouti rapidement la première tartine de son petit déjeuner, invitant Alexis à s’y prêter à son tour, une fois le steward repartit,
— « Ne crains rien, il ne t’a pas vue. Et quand bien même… Je serais bien amusé de voir QUI ici aurait l’audace de m’opposer un commentaire. Personne. Tout ce que savent faire les autres, c’est m’envier... » roucoula-t-il en mordant dans son croissant, « c’est appétissant… Une jolie mise en bouche de cette grandiose journée, n’est-ce pas ? Je pense débuter en optant pour un costume trois pièces vert amande, la finesse de cette couleur une merveille !C’est parfait pour la matinée, ça soulignera l’aspect frais et dispos qu’apporte le sommeil ! J’hésite encore pour le déjeuner, j’ai en revanche déjà le reste. Les manches sont dentelées et oooh j’ai fait broder des pierreries sur mon costume de ce soir… C’est tout ce que je t’en dirais, je te laisserai la surprise de la découverte, c’est une folie mais comment refuser ? »
Il avait sourit pour la dévisager intensément, se rappelant qu’elle-même commençait à user de ce leitmotiv à son encontre, l’ayant assimilé, sans s’en rendre compte. Cela ajoutait à son charme, il fallait l’admettre. Bien évidement, elle ne comprenait pas toute l’étendue du pouvoir et du symbole que représentait cette phrase à ses yeux. Pour elle, cela ne devait être qu’un jeu entre eux, une complicité. Elle l’était aussi puisqu’elle était bien plus. S’approchant par dessus le plateau, il avait baisé pleinement ses lèvres offertes, satisfait du temps qu’ils possédaient. Mais qu’il convenait de ne pas gaspiller à la légère… Il l’embrassa aussi une nouvelle fois, plus frivolement, puis reposant sa tasse de thé sur le plateau, il s’enroula dans son peignoir violet, sans la quitter des yeux :
- « Si tu permets trésooor...termine tranquillement ce petit déjeuner, pour ma part, je vais faire ma toilette… »
« Voilà l’Agréable du voyage incognito » songeait-il encore en fermant la porte un sourire satisfait sur les lèvres. Disposant de deux salles de bain, il pouvait prendre l’intégralité du temps qu’il désirait – il l’aurait fait de toute manière- pour se préparer convenablement à sa première sortie matinale. Et il le fit donc. S’observa un long moment dans le miroir, pris un bain, appliqua quelques crèmes parfumées, se vaporisa un nuage conséquent de parfum, se sourit à nouveau, coiffa ses superbes cheveux en soupirant une fois encore sur le nacre qu’avaient autrefois ses cheveux parfaitement blancs, se trouva comme à l’ordinaire renversant de superbe… puis se rappela qu’il n’avait même pas encore revêtu pourtant son costume… Ah que le Monde l’avait bien fait ! Il l’enfila avec précaution, rajouta une dose de parfum en surcouche « légère ». Tout satisfait de son effet, il sortit en grande trombe, trouvant Alexis déjà apprêtée d’une tenue fort seyante assise non loin de la porte :
— « Cette rapidité de préparation me laissera toujours pantois ! Y Allons-nous ??? »
Il s’exclamait, avançant vers elle, clairement minaudant dans l’intérêt de son costume… exagérant un peu ses mouvements comme il aimait tant le faire. Il avait néanmoins manqué de glisser, déséquilibré subitement et avait stoppé son geste, par grands moulinés, de justesse, fronçant les sourcils. Un faux pas ? Il n’en faisait jamais.. Non c’était le sol qui tanguait, visiblement. Levant le menton, il avait fait un pas de plus, tâchant de feindre l’indifférence, puis… avait abaissé le regard à nouveau vers le sol moelleux du bateau…. Revaît-il ? Ou cette sensation était-elle bien réelle ? Cette étrange impression de…
— « Alexis ! As-tu toi aussi l’étrange impression que nous tanguons ? En tout bien tout honneur, je t’en prie… ».
S’il avait eu un début de sourire, le mouvement du navire l’avait subitement fait cesser, percutant toute dérision qui subsistait encore dans son esprit. Ne restait que la certitude. Une effrayante certitude… Le bateau tanguait bel et bien.. Vers la gauche… Vers la droite. Il songea subitement tandis que ses yeux croisaient ceux de la libraire que peut-être croirait-elle en une bête résurgence du naufrage qu’ils avaient essuyés…. Un souvenir glacé se supposa à sa vision, floutant les contours de ce qui se trouvait devant lui… Une secousse plus vive l’en délogea néanmoins lui arrachant un cri vif. De la gauche… Vers la droite
— « Que se passe-t-il ? » Il avait tourné un visage blanc vers sa maîtresse, ne pouvant que ressentir un mauvais pressentiment gagner l’intégralité de son corps… « Non… Non… C’est impossible. C’est impossible ! »
Dans un bond, il s’était précipité jusqu’à sa fenêtre l’ouvrant à volée, pour mieux glisser son visage dans l’interstice. Que se passait-il ? La mer ne semblait pourtant pas agitée… Et elle ne l’était pas… Ce… Il cligna des yeux, agrippant la poignée
— « Alexiiis… J’ai...l’impression que… Quelle est cette sorcellerie ! » glapit-il en direction de la jeune femme, incapable de s’arracher pourtant au spectacle qui se déroulait sous ses yeux. La fascination jumelant l’effroi « Le bateau... »
Il bougeait seul… Sur une mer calme… Le Titanic explosa sous ses yeux, tandis qu’il inspirait prestement, tachant de ne pas céder à la panique. Un plan… Il fallait un plan. « Réfléchis... » Reculant de la fenêtre, sans prendre la peine de la refermer, il avança vers Alexis, se focalisant sur ses jambes pour ne pas trébucher au rythme des secousses :
– « Il faut que nous partions, tout de suite, trésor…. Je ne sais par quel sort le bateau est en train de bouger seul... mais ça ne me dit rien qu’y vaille. Il faut… Il faut partir avant que cela ne dégénère…Il faut que nous trouvions Hera.»
Il avait saisi par réflexe le poignet d’Alexis, dans l’espoir de l’entraîner dans une course effrénée tandis que son buste partait vers l’avant, dans l’espoir vain de se rattraper. Las, une nouvelle secousse plus vive ne l’en déséquilibra que davantage, le faisant franchement perdre l’équilibre et il glissa au sol, entraînant la jeune femme dans sa chute, malgré les moulinets désespérés qui, cette fois, ne parvinrent qu’à freiner l’atterrissage. BIM En définitive, la secousse inverse ralentissant l’ensemble, il glissa bien plus au sol qu’il n’en tomba, se réceptionnant à la hâte contre le sol. Il fermait les yeux sous le choc lorsque Alexis se superposa en supplément lui arrachant un jappement de surprise. Il avait rouvert les paupières, trouvant le visage de la jeune femme plus proche qu’il ne l’était jusqu’alors.
— « AIE…. Allons, allons, trésor… Ce n’est pas le moment, hélas » ironisa-t-il, le souffle court du choc « Qui plus est, j'ai le souffle coupé! tu...m’écrases. »
Ou plutôt c’était LUI qui l’écrasait. LUI ... Et le ventre qui lui servait de repère… Il ne l’avait jamais senti encore, n’en n’avait jamais ressenti l’envie ni même le besoin – la ridicule photographie récupérée de l’échographie lui suffisait bien – mais il lui sembla que du fait de cette position, il le subissait de force, qui plus est, involontairement et se glaça instinctivement, repoussa un peu plus vivement la jeune femme. Quelle horreur! Fort heureusement, il n’écouta pas son premier instinct qui aurait été de la repousser dans un geste de dégoût, mais il lui recula les épaules, pinçant la bouche, l’aidant néanmoins à se remettre sur pieds, puis se massa le vendre un peu théâtralement, fronçant les sourcils, une fois dedans.. — « Peste.. ! » maugréa-t-il entre ses dents, la bouche toujours pincée
Puis il releva la tête, reprenant conscience de ce qui se jouait autour… Les secousses qui n’avaient cessé de secouer le bateau. Encore et encore… De plus en plus fort. Vers la gauche...puis vers la droite..
— « Je vais bien… Toi aussi ? Vite il faut… Penses-tu pouvoir courir malgré… ? »
Son regard était tombé machinalement sur sa « condition ». Après tout avec un ventre si volumineux… Alexis possédait des réserves, elle luttait, se battait pour sa vie, elle était combattante… Mais il savait malgré tout que l’enfant pesait son petit poids… Avec une telle masse… Quoique l’Erreur ne devait pas peser bien lourd, puisqu’il était si insignifiant… Mais tout de même, il n’aurait pas aimé devoir la laisser là et ils n’avaient pour ainsi dire pas énormément d’autres options en dehors de tenter de courir pour regagner le pont. Ou espérer que le navire ne se calme.. Ce qui était un choix aveugle qui ne le correspondait pas réellement… Fallait-il l’attendre ou se précipiter dans le couloir ? L’attendre ou se précipiter ? Il avait fini par lui saisir la main, dans un geste d’agacement non dirigé contre elle :
— « Ecoute.. Tentons. Nous aviserons ensuite »
Et ils se précipitèrent hors de la chambre. Le Temps n’était pas venu, non… Il n’était pas venu. Il lui semblait rejouer la symphonie cruelle du Titanic, avec une dose de surréalisme complémentaire qui avait le chic pour suspendre l’ensemble de la tension dans une interrogation hypothétique. Pourquoi ? Et si ? Ils traversèrent leur corridor désert, à grandes enjambées, se retenant aux murs, poignées de portes pour ne pas glisser et ne pas se retrouver à nouveau projetés à terre par l’effet des embardées du navire. Loin de se calmer, les secousses se faisaient plus violentes. Au fur et à mesure de leurs avancées, il lui semblait que les parois valsaient aussi… Arrivé à l’escalier, le bateau voguait si violemment de gauche puis à droite, faisant et défaisant la gravité…qu’il du se raccrocher vivement à la rampe, forçant pour gravir rapidement les marches… Parfois jetait-il des coups d’oeil à par son épaule vérifiant la présence d’Alexis, derrière lui. Elle semblait en difficulté mais tenait la cadence, visiblement. Derrière elle, d’autres passagers empruntaient à leur tour le chemin du pont, courant, tombant, criant, dans un tohubu de masse… Il détourna la tête, dégoûté à leurs vues, focalisant à nouveau son attention devant lui. Il se tint, escaladant chaque marche comme s’il y en avait eu vingt, finissant par atteindre avec difficulté le pont de sécurité. Il se retint à la porte, sentant Alexis saisir son bras tandis que l’embardée du navire se faisait plus horizontale. Il dansait à présent comme un ivrogne à outrance… Menaçant de se renverser dans l’eau claire et lumineuse du plein jour. Il raidit son bras pour emprisonner celui d’Alexis contre elle, tandis que la descente manquait de les faire tomber. Plusieurs cris raisonnèrent sous ses pieds présageant de la chute de quelques passagers, dévalant l’escalier dans un bruit mat. Au dehors, c’était l’excès inverse, la folie… Il observa interdit, levant un sourcil circonspect face à l’incroyable… Lorsque se dressait l’adversité...n’y avait-il pas lieu à s’enfuir ? Telle était le raisonnement de Preminger mais tel ne semblait pas être l’inconscient populaire face à une telle menace.. Non. Que nenni ! Bienvenue en revanche était l’idée de s’élancer collectivement, sous les yeux ébahis du ministre, dans le sens opposé au redressement opéré par le navire… En espérant ainsi l’endiguer... Il les regarda s’aligner tous en ligne puis se mettre à courir d’un seul homme tandis que le bateau prenait de la hauteur, et cette vision chassa temporairement son stress- ou l’en fit sortir que davantage- puisqu’un rictus nerveux agita sa bouche avant qu’il ne reverse la tête pour se mettre à rire à gorge déployée, alors qu’ils glissaient sous l’altitude..
— «Lamentable! » pouffa-t-il sonorement « VOIS-TU? VOIS-TU CELA Trésor ? » interrogea-t—il en pointant un doigt impérieux sur les pauvres loques qui dévalaient à présent le pont dans le sens inverse, sous un hurlement « Les idiots !! »
Cela ne fonctionnerait pas. Mais voilà où résidait l’intelligence des hommes du commun...dans leur bêtise. Ceux qui Titanic en revanche avaient possédé suffisamment de jugeote pour comprendre ce qui les attendaient. Les habitants de Storybrooke eux… luttaient bêtement. La marée ne faisait pas tanger ce bateau, c’était différent, c’était intrinsèque.. Tout ce qu’il y avait à faire restait de… Là… Il la vit à travers la foule… Elle était remontée sûrement par l’intermédiaire de l’escalier opposé, se trouvait à présent sur le fronton du bateau , observant la foule dans un air choqué… Non loin d’elle le roi bâtard jetait de grands coups de machoire stupéfait sur le spectacle qui se déroulait sous leurs yeux… Il fallait qu’ils traversent jusqu’à elle… Il le fallait… Ramenant ses forces pour s’extraire de la cage d’escalier, il pressa Alexis contre son flanc gauche, lui murmurant à l’oreille :
– « Là-bas… Hera est là-bas. Il faut que nous parvenions jusqu’à elle. Elle...nous téléportera…Sinon… Nous sauterons. Il faudra sauter… »
Un cri groupé s’élevait tandis que les chaises longues de la piscine s’effondraient, passant par dessus bord, emportant quelques passagers sur son passage. Pour ne rien risqué, il aurait fallu sauter là où le navire ne dansait pas..
– « Nous ne périrons pas. Ni aujourd’hui. Ni demain… Tu le sais... » murmura-t-il brièvement, plongeant ses yeux dorés dans ceux de la jeune femme « Alors au besoin, trésor, Couvre-nous,… Ouvre nous un passage au besoin »
Puis il s’élança, avec elle, faisant des pieds et des mains pour fixer son attention sur le seul visage de la déesse non loin de là… Elle les aiderait. Au besoin, il la forcerait à le faire ! Son visage se découpait, seul dans le tumulte environnant. Il écartait, poussait à l’aveuglette, avec une indifférence rageuse les obstacles sur son passage, sans le moindre ménagement pour autrui. Il n’en n’avait jamais eu, ni auparavant, ni même sur le Titanic… A présent que la situation se reproduisait presque, pourquoi diantre aurait-il accordé à ces traînes-misères une miette d’attention. C’étaient eux ou lui et Preminger s’était toujours si aisément choisi.
– « Presse-toi… Nous y sommes presque »
Il entendait la respiration d’Alexis à ses côtés, ses cheveux châtains s’agiter dans une course effrénée. « Maudits stewards ! Maudite compagnie ! Maudit voyage ! » Il maudissait tout le monde, même Georgia qui avait encore le culot de se trouver misérable au chaud emmitoufflée dans une couverture, se plaignant sûrement sur son sort insignifiant quand LUI risquait de mourir. Il ne le pouvait pas… Il ne se laisserait pas emporté sottement ainsi ! Il fendait la foule, repoussant bouche, mains glissantes, marchait sûrement sur quelques corps..quelle importance de toute manière, ils ne pouvaient pas tomber plus bas… Ils étaient déjà la poussière de ce monde. Il sentait le sol de bois vibrer sous ses chaussures, s’amplifier sous sa course et se rattrapa de justesse à un petit garçon, son arrêt permettant à Alexis de se raccrocher à lui. Il se servit de l’enfant pour impulser la suite de sa course. Ils y étaient presque. Il était presque… Hera se rapprochait. Et avec elle, la fin de toute cette piteuse catastrophe… Il se remémora l’importance de lui demander de les téléporter ainsi que le contenu de l’ensemble de ses valises. Hors de question de tout perdre ! Elle n’avait pas semblé le voir, le regard tourné vers un point qu’il ne voyait pas… Mais il s’approchait et là était le plus important… S’il tenait, si Alexis tenait, ils seraient saufs sous peu…Une brusque secousse, bien plus importante que la précédente le destabilisa et il tomba à genoux une nouvelle fois ; glissant pour éviter qu’une femme plus conséquente n’en profite pour l’assommer. Il relevait la tête lorsque ses yeux se figèrent d’horreur, apercevant Hera basculer en arrière dans un mouvement brusque, par dessus la rembarre , avalée par l’océan…
– « Noooon ! »
Il avait crié, sentant ses propres jambes battre dans le vide. Il allait tomber… Passer par dessus bord… Son coeur bondit alors dans sa poitrine, dans une panique effroyable. Sa main s’était refermée sur le bras d’Alexis et il avait senti le poids de leurs deux corps se projeter dans le vide. Tout ne devait durer qu’une brève seconde et pourtant il sembla à l’ancien ministre que sa vie défilait devant ses yeux, de ses brefs moments de plaisir à bord à ses victoires. Sa bouche hurlait quelque chose qu’il entendait sans comprendre, comme dissocié de son effroi, il battait seulement des mains, dans un tumulte inquiet, puis ressentit la mer l’envelopper à deux bras….Et il avait sombré dans l’océan.
Ses yeux dorés s’étaient ouverts sur un ciel bleu azur, net de nuages. Et une impression improbable de vêtements secs… S’était redressé d’un bond découvrant le transat blanc au bois d’acajou qui l’accueillait, la plage qui desservait une vue magnifique sur l’océan, le sable fin qui coulait sous ses chaussures… Que ? Etait-il mort ? Non. S’il avait un au-delà il ne pouvait ressembler à cela. Il sentait encore puissamment son organe vital battre dans sa poitrine sous les récents événements et il y porta la main, tournant la tête de tous côtés, pour tâcher d’apercevoir quelque chose… Alexis reposait à ses côtés sur une chaise longue en tout point identique, les yeux clos. Au delà d’elle, personne. Aucune âme qui vive. Il tenta de se tourner, tâchant d’évaluer et de découvrir les environs, plissant les yeux. Cela ressemblait à une sorte d’île… la plage s’étendait encore derrière lui semblant rejoindre des larges fourrés entourés de palmiers, un sentier se dressait plus loin, se confondant dans la forêt.. Un parfum de sable chaud embaumait l’air, imprégné de soleil… Il lui sembla saisir une forme humaine s’en extraire.. Etait-ce… Oui.. Oui c’était bien une silhouette d’homme vêtu d’un costume blanc qui resplendissait sous le soleil et formait comme une tâche lumineuse parmi les branchages qui parachevait l’allusion d’un lieu paradisiaque, presque onirique… Reprenant sa position initiale, il tapota le bras d’Alexis, légèrement, pour tenter de la tirer de son sommeil, finissant par lui saisir au fur et à mesure que l’individu s’approchait
– « Alexis… Alexis. ! .. »
Elle avait papillonné des yeux et il avait capté son regard volontairement pour l’ancrer le plus possible dans la réalité, caressant sa joue, pour déclamant très rapidement:
– « Trésor, tout va bien… S’il te plait… Ne panique pas…nous avons été transporté dans une sorte d’île paradisiaque.. Ce doit être lié au bateau, ce qui explique tout : l’invitation, toutes les situations parfaites lors de notre transport, le retournement du bateau...Tout est lié… Je ne sais pas encore ce que cela signifie, mais je vais le découvrir... Il faut que nous trouvions un moyen de quitter les lieux rapidement. Mais un individu vient vers nous, alors s’il te plaît, ne panique pas.... »
Il se redressa vite, affichant un sourire hautain sur son visage. L’homme atteignait leurs transats, les saluant de la main. Un sourire chaleureux était inscrit sur son visage, ce qui le rendit instinctivement détestable auprès de Preminger. Cette manie chez les autres de feindre ou pire de vivre la bonté était horripilante, comme ce costume trop blanc, trop propre, trop pur… Il lissait son propre costume net de la moindre goutte d’eau avec hauteur, lorsque l’inconnu déclama d’une voix toute aussi enthousiasme que le laissait présager le sourire qui dévorait à présent son visage bronzé :
— « Bienvenue sur l’île Fantastik ! Je suis Monsieur Roke et je serais votre guide durant ce voyage. Si vous voulez bien me suivre, je vais vous conduire jusqu’à votre chambre. Vous êtes extrêmement chanceux de vous trouver ici...en effet, tous vos rêves deviennent réalités ici ! — « Oh formidable ! Evidemment, ça a toujours été mon rêve de vivre un naufrage... Quelle chance » commenta Preminger en reniflant dédaigneusement, avant de pointer un index autoritairement vers le large « Merveilleux ! En réalité, je suppose donc que tout ce petit désastre sur la mer n’était qu’un léger spectacle censé nous amener ici ? AMAAAAAZING… » Pour toute réponse, l’individu s’était borné à rire bêtement… De ces rires qui semblaient crier «aaah quel idiot vous faites ». Ce qu’il valait mieux éviter face à un individu aussi narcissique que Preminger. Oh d’ordinaire, il y aurait à peine prêté attention, se focalisant davantage sur sa propre et unique supériorité… Mais là… là il était outré, vexé de cette frayeur précédente qui le renvoyait au spectre de l’Imersible et son bain gelé. Comment pouvait-on avoir l’outrecuidance de le traiter ainsi et de se gausser de lui à son nez ? Pour qui se prenait-il ? I l s’était levé d’un bond, ricanant à son tour à la barbe de l’individu : – « Ooooh reaaaaaally ???? Amaziiiing… Je doute pourtant claiiiirement de votre capacité à réaliser le moindre rêve. Un voyage digne de ce nom, une compagnie digne de ce nom n’aurait pas manqué de prévenir sa clientèle de cette « petite manœuvre »…Aussi je doute que vous puissiez me contenter en quoique ce soit, lorsque l’on dispose d’un sens du service aussi pitoyable que le vôtre..» « Si je possédais les pleins pouvoirs, je vous aurais fait pendre vous et tout votre équipage ». Cela il ne le dit pas, mais il le pensait. Et en pensant ainsi, il s’abimait encore dans son dédain ponctué de colère. Il aurait pu y passer ! Quelle honteuse idée ! Comment pouvait-il ne serait-ce que penser que cela soit normal ? Oh bien sûr, il ne faisait aucun doute que cela cachait bien plus encore… Il aurait pu poser d’autres questions, se montrer plus curieux encore, mais mieux valait pour le moment ne manifester que le courroux des plus légitimes et éviter de se trouver gênant car gêneur. Là, il se contentait de son rôle sincère d’individu outré… Et un individu outré était des plus légitimes à demander :
– « Et si je ne souhaite pas poursuivre l’expérience ? Madame est enceinte et vous l’avez placée dans une situation des plus dangereuse pour elle et pour la poursuite de sa grossesse.
Il s’était mordu les lèvres pour éviter de ricaner néanmoins. C’était bien la seule chose positive qui aurait pu en résulter mais Alexis se portait visiblement merveilleusement bien et donc cette petite sangsue d’Erreur également…
— « Je regrette mais vous avez embarqués sur notre croisière. Vous ne pourrez repartir que lorsque vous aurez compris.. Alors, pourquoi ne pas profiter du séjour en attendant ? Je vous vois tendus… Mais ¨Peut-être changerez-vous d’avis après la vue de votre résidence particulièrement » – « Surprenez-moi »…
Il l’avait suivi néanmoins de mauvaise grâce, les dents serrées, offrant son bras à Alexis. Cette situation ne perdait en rien son étrangeté avec un tournant qui n’était pas sans lui rappeler le « Bon Endroit » avec en revanche une déconvenue première qui le laissait sur ses gardes. Le Bon Endroit avait perdu ses fonctions d’excellence lorsqu’une défaillance était née chez les machines...Là en revanche… Il lui semblait que tout n’avait fait que suivre une voie déjà tracée. La manière de faire était dangereuse, déplaisante et la méfiance qui l’avait suivie dès l’embarquement ne pouvait que se renforcer… Ils s’étaient engagés dans le sentier pour mieux ensuite dépasser les arbres, atteignant un immense complexe de luxe à la façade engageante. Des personnes s’y baladaient souriants, une majorité de couples, de familles qui riaient… Il ne reconnut aucun visage familier mais cela aurait été de la folie que de croire que Preminger se soit intéressé plus que cela à ceux qui avaient effectué la traversée à leurs côtés… Il pinça les lèvres. Certes l’endroit paraissait prestigieux, propice à d’excellents moments de détente et possédait un cachet certain pour ses goûts mais… Il ne parvenait pas à se départir de cette suspicion qui empêchait tout potentiel emballement, toute joie et tout transport au « pays des rêves »… Il ne croyait pour ainsi dire pas que cet endroit soit en mesure de rendre ses rêves réalités… Dès que les lumières se seraient assombries, une fois les lieux étudiés, ils s’enfuieraient. Mais avant encore fallait-il comprendre… C’était ce que l’Homme avait dit… Comprendre… Trouver la clef. – Toutes les chambres sont situées à l’intérieur de ce bâtiment ? Avait-il interrogé à l’encontre de leur guide Ce dernier avait secoué la tête, négativement : – « Non… Cela dépend. Notre complexe possède des chambres d’hôtel, des bungalows, des chalets, des petites habitations, cela dépend de chacun… Voici la clef de la vôtre… » Il avait extirpé de la poche de son costume, qu’il avait manqué de lui tendre, se ravisant pour la désigner à Alexis « Miss Child… Vous pouvez suivre les panneaux approchez vous en... »
Il leur avait désigné d’un geste de la main, des panneaux de direction surplombant un énorme plan du complexe hôtellier. Suivant l’incitation, Erwin s’y était avancé, pressé d’observer le plan des environs, lorsqu’on en disposait, on pouvait ensuite s’en extraire, n’est-ce pas ? Relevant la tête, il s’était retourné pour interroger le guide mais constata que celui-ci semblait s’être volatilisé. Il pivota le visage vers Alexis :
— « Il semble que notre bon ami nous ait laissé voués à nous même… Cela ne fait rien.. Il vaut mieux être seuls que mal accompagnés, de toute manière… » Son regard glissa vers la clef de bronze que l’individu avait remise à Alexis, sur le porte-clef, au-delà de la description et du numéro de chambre, était inscrit « Alexis Child & son ami ». Il fronça les sourcils, vexé « Cela commence à « merveille ». Lorsque l’on met cette désignation sur cette clef, c’est….c’est...un incroyable sens du service et amplement te remettre à la place qui te revient ! Comme on dit toujours : honneur aux dames ! Y allons-nous ma lady ? »
Il avait parlé oui. S’était entendu oui. Mais n’avait pas compris. Ces mots n’étaient absolument pas les siens. Cet enthousiasme, non. Ce ton mielleux encore moins… Que s’était-il donc passé ? Etait-il devenu totalement délirant pour ne pas s’offusquer de ne pas être mis en avant ? Et pourtant, il l’a ressentait encore cette colère mesquine qui brûlait acide en lui… Alors pourquoi diantre ne l’avait-il pas exprimée ? Pourquoi n’y avait-il pas réussi ? Etait-ce...l’influence d’Alexis ? Il secoua la tête, non ce n’était rien… Il avait du rêver sûrement. Il s’était forcément plaint, ça ne pouvait pas être autrement... Et pourtant...
Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »
| Avatar : Kaya Scodelario
Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...
J’étais brusquement parfaitement apaisée. Chose étrange quand on savait que je venais de passer par-dessus bord d’un bateau qui tanguait à s’en reverser. Et pourtant en cet instant, les yeux fermés, allongée, dans un état second, j’avais l’impression que tout irait pour le mieux. Les seuls choses qui me revenaient alors étaient les dernières heures que j’avais vécu sur le bateau. La soirée d’abord, plus qu’amusante. Je devais bien avouer que notre relation cachée aux yeux des autres avait quelque chose que j’appréciais grandement, le goût du risque, de l’aventure, l’impression de se sentir vivants. C’était si plaisant de se sentir uniquement deux au milieu d’une salle remplie de monde. Là où tout le monde vivait dans un espace-temps dédié, j’avais l’impression que nous avions le nôtre, petit univers parallèle qui faisait battre mon cœur plus fort. Chaque regard complice, chaque sourire, chaque sous-entendu ne pouvait être que perçu par lui, laissant les autres dans l’ignorance et j’avais alors l’impression que rien d’autre n’avait d’importance que nous et ce moment de partage si précieux dissimulé et pourtant à la vue de tous. C’était le plus plaisant dans l’aventure extraconjugale que nous vivions. Comme entendu, je l’avais laissé passer avant moi, feignant la surprise de le retrouver dans la file du restaurant puis à ma table, à mes côtés. J’avais senti un frisson parcourir ma peau à chaque fois qu’il avait chuchoté à mon oreille des mots qui ne m’étaient que destinés, pour rire de la pauvre Madame Pervenche qui en avait presque mangé son assiette, assise à la table derrière nous. J'avais senti mes joues rosirent et mon cœur battre à tout rompre en sentant sa jambe contre la mienne, sa chaleur se distillant sur moi et j’avais même osé, en réfrénant un petit rire, un effleurement sur sa cuisse lorsque la table derrière nous s’était vidés, me laissant un peu plus de liberté dans mes mouvements et de mes caresses. Sa main s’était brusquement refermée sur la mienne, autoritaire, lorsque je m’étais aventurée trop loin et il m’avait fallu me mordre la langue pour empêcher un éclat de rire qui aurait dénoté avec la conversation.
Il y avait eu la nuit, ensuite. Cette balade sur le pont à la douceur de l’été où j’avais eu l’impression que le Temps s’était arrêté. La beauté des étoiles, le bruit apaisant de l’eau se fendant sur notre passage. Un moment privilégié uniquement gâché par un souvenir aussi amer qu’effrayant d’une autre balade sur le pont qu’un vent frais avait tôt fait de ranimer à mon esprit. Presque instantanément, je m’étais revenue dans ma robe d’époque, j’avais senti le froid mordant d’Avril au nord de l’océan Atlantique et les hurlements déchirants qui précédait le silence assourdissant. Un frisson avait envahi mon corps et nous étions rentrés. Il n’avait pas l’air beaucoup plus à l’aise que moi, il me l’avait d’ailleurs avoué sans détours quelques minutes après. J’avais tenté de l’apaiser à ses premières paroles, à son acidité dirigée contre le personnel, prenant avec douceur son visage entre mes mains, plongeant mes yeux dans les siens tandis que je reposais avec calme son front contre le mien. J’avais attendu qu’il ait fini d’expulser toute sa frustration pour embraser tendrement ses lèvres, sans autre volonté que de le soutenir, de le comprendre et de le calmer. Un baiser d’un attachement puissant à ce que nous étions, ensemble et ce que nous vivions. Je n’avais pas tenté d’argumenter, de lui partager aussi ma surprise de le voir aussi angoissé à l’idée que l’équipage puisse être aussi “dérangeant”. On s’était embarqué sur une croisière qui avait offert son billet à la ville entière alors que le paquebot semblait clairement approprié à des gens qui avaient certains moyens. Ils avaient promis sur leur brochure d’exaucer tous nos rêves, comment aurait-il pu être autrement qu’ainsi : les voir fouineurs et connaisseurs de nos moindres secrets et envies ? Au fond, nous étions sans aucun doute fous et complétement stupide d’avoir accepté de faire cela, plutôt que de prendre nos propres vacances en dehors de toute cette organisation. Mais cela aussi je ne l’avais pas dit, ne voulant pas ajouter à son stress une colère qui gâterait nos vacances ensemble. Et de lui-même, il l’avait senti. Il avait changé de sujet et tout s’était terminé de la plus tendre des façons. J’avais accepté sa proposition, nous avions fini par retrouver ce point à l’abri de tous les regards pour un bain de minuit relaxant, j’avais pris garde de ne pas trop lui montrer de mon état. Nous avions bu, bien plus alcoolisé pour lui que pour moi, nous avions mangé, notamment des fruits frais dont je raffolais depuis le début de ma grossesse et nous avions fini par rejoindre notre cabine pour un repos bien mérité. Rien que le souvenir de cette nuit m’enveloppait dans un cocon de douceur.
Cela faisait plusieurs mois que nous ne faisions plus rien du tout et si ma libido le réclamait, il semblait évident que la sienne était partie en vacances dans un autre coin du monde. Ce n’était pas grave. Nous n’en avions pas parlé. Parce que je lui avais promis de respecter sa façon de voir les choses. Parce que j’avais aussi lu beaucoup de choses à ce sujet et que nombreux hommes mal informés ne souhaitaient plus toucher leur compagne, notamment par peur de toucher le bébé. J’étais persuadée qu’Erwin était mal informé. Il n’avait jamais évoqué le moindre intérêt pour la question et il n’était pas du genre à se cultiver de ce qui le rebutait. Avait-il peur de toucher le bébé ? C’était une possibilité qui m’avait effleuré l’esprit dans la mesure où il craignait déjà le moindre contact externe. Il ne s’en effrayait pas car il avait peur de le blesser... juste sans doute d’entrer en contact avec lui. Son regard aussi se bornait à ne pas se poser sur mon ventre, comme si l’idée même de voir celui-ci de rebondi le dégoûtait. J’aurai pu m’offusquer, m’énerver de le voir brusquement si grossophobe mais j’avais promis de n’accepter que ce qu’il me donnerait. Si son état persistait après l’accouchement ou que des remarques venaient à viser directement mon corps après cela, alors nous aurions une discussion car cela ne dépendait plus d’Isaac. Mais pour le moment, aucune raison de s’inquiéter. Après tout, malgré son déni et son dégoût, c’était avec moi qu’il avait voulu faire ce voyage, il acceptait toujours autant que nous nous endormions l’un contre l’autre alors au final... tout était bien.
Tout était bien jusqu’au lendemain cependant... Le levé doux que nous avions eu ensemble avait vite laissé place à l’agitation et la terreur. Terrorisée, je m’étais débattue autant que je pouvais pour rester en vie, pour LUI permettre de survire, à lui, mon fils. Tout était si flou de ce moment pourtant, l’effroi ayant tout emporté de mon monde des souvenirs. Je n’avais quelques bribes, l’effet du bateau tanguant toujours un peu plus. La main d’Erwin se refermant avec force se mon poignet pour m’entraîner à sa suite sans que je ne puisse l’en empêcher, notre chute où il avait amorti celle d’Isaac non sans un dégoût prononcé qu’il avait fait disparaître à la hâte en me repoussant plus violemment qu’il ne l’avait jamais fait. Le cri des gens, le spectacle effrayant du ballet qu’ils avaient tenté pour survivre, notre course effrénée jusqu’à Hera, le grand plongeon et...
— Alexis… Alexis. ! …
Je percevais la voix d’Erwin mais de si loin pourtant, tout comme l’étrange touché que je subissais sur mon bras. Mon esprit restait focalisé sur des choses qui me revenait à présent que j’avais oublié le temps de la course. La façon dont il avait repoussé mon ventre, le visage plein d’effroi quand il s’était rendu compte qui le touchait... il ne voulait pas être père. Tout en cela le dégoûtait. Alors pourquoi avoir voulu faire partie de sa vie ?! La façon dont sa main s’était refermée sur mon poignet, avec la force d’une tenaille, prête à m’entraîner à sa suite, même si je me débattais. Un savoir-faire qu’il ne pouvait pas avoir de façon innée... Le doute dans son regard lorsqu’il avait fallu qu’il choisisse entre me laisser derrière et fuir ou avancer ensemble. Ce doute, je l’avais déjà vu, maintes et maintes fois dans nos autres péripéties et je ne lui en avais jamais voulu d’avoir cette lueur de condition, cet aspect forcé de m’aider alors que tout lui criait de sauver sa peau avant tout. Cette fois-ci, plus qu’une obligation, c’était un serment. Ce changement dans ses yeux m’avait profondément touché. Erwin tenait à la vie de la façon la plus possessive qu’il soit et si jamais mis sur le compte de son égoïste latent toutes les fois où n’avait pensé qu’à lui dans son sauvetage, ce moment-ci m’avait profondément touché. Nous étions loin des hurlements acides du Titanic où lui crier ma peur ne servait à rien. Tout le monde avait peur. C'était la seule réponse qu’il m’avait offerte. Et pourtant cette fois, enceinte jusqu’aux yeux de cet enfant qu’il ne voulait pas, susceptible de le ralentir considérablement, je l’avais vu ce choix, cette promesse, d’essayer au moins, de ne pas me lâcher. Un changement s’opérait... peut-être plus invisible que celui qui dévastait mon corps mais pas moins important.
J’avais papillonné des yeux, revenant petit à petit à moi, perdant ce doux instant de sérénité où je m’étais remémorer les meilleurs moments et les moments les plus importants des dernières heures pour me rappeler uniquement la panique et les cris. Le reversement. Je sentais la chaleur du soleil me mordre la peau, mes cheveux étaient pourtant secs... depuis combien de temps j’étais là ? La voix d’Erwin me parvenait mais son flot de parole était si rapide qu’il m’était encore dénuer de sens. Ne pas paniquer. C’était la seule chose que j’avais compris. Pourquoi ne pas paniquer ? Mon Bébé ?! Instinctivement, mes mains s’étaient posées sur mon ventre que je sentais pourtant toujours grandement rebondi. Sans me soucier de qui pouvait me voir, mes mains étaient descendues jusqu’à mon intimité à la recherche d’un tissu humide voire poisseux qui pouvait révéler une perte des eaux ou le sang d’une fausse couche mais non, tout allait bien, tout semblait bien. Je ne ressentais que la tension de mon stress et la douleur que cela me provoquait dans tout le corps. La silhouette du notaire était floue au-dessus de moi et je m’étais lentement relevé, la main en visière pour voir l’homme arriver vers nous, son sourire jovial sur les lèvres, son costume immaculé. Erwin avait directement pris les choses en main et j’étais encore bien trop déboussolée pour l’empêcher de le faire. D’autant plus qu’il semblait avoir une grande colère à évacuer, sans aucun doute due à sa peur et que je préférai encore qu’il passe ses nerfs sur le fameux monsieur Roke plutôt que sur moi. Pendant toute une première partie du discours, je les avais écoutés distraitement, portant attention à mon état global, à mon ventre pour m’assurer que tout allait bien. L'argument de ma grossesse était d’ailleurs passé par les lèvres d’Erwin et j’avais relevé la tête instinctivement pour lui, pour l’observer. Le spasme qu’il avait eu à la commissure de ses lèvres pincées m’en avait appris beaucoup sur sa véritable pensée sur le sujet. Il se contrefichait bien de savoir comment j’allais véritablement, pas tant pour moi peut-être que pour Isaac mais tout de même. Ce semblant de gentleman qu’il donnait à tout le monde sur ma grossesse n’était qu’un faux semblant comme beaucoup de choses, qu’il piétinait une fois arrivée dans l’intimité.
Si seulement Erwin était capable de devenir un véritable compagnon aimant et père de famille... si seulement nous pouvions vraiment devenir une famille...
— Je regrette mais vous avez embarqués sur notre croisière. Vous ne pourrez repartir que lorsque vous aurez compris.. Alors, pourquoi ne pas profiter du séjour en attendant ? Je vous vois tendus… Mais Peut-être changerez-vous d’avis après la vue de votre résidence particulièrement – Surprenez-moi … — Comprendre quoi ?
Je m’étais levée d’un bond, faisant face à l’homme, à côté d’Erwin. Les sourcils froncés, je l’observais un peu inquiète mais il m’avait regardé avec la même bienveillance que par le passé.
— Si je vous le dis, très chère, alors vous ne comprendrez pas. Pour comprendre...
— … Il faut vivre.
J’avais hoché la tête d’un air entendu, bien au fait de cette maxime qu’on m’avait tant rabâché durant mes séjours auprès des Templiers. Il m’avait avisé en baissant un peu la tête d’un air malicieux, comme si nous nous comprenions soudain. Était-il un des Nôtres ? J’en doutais plus que fortement, pariant largement plus sur quelqu’un qui savait une fois de plus beaucoup de choses sur nous. J’avais dégluti et il avait commencé sa visite d’un air enjoué. Je n’aimais pas ça du tout. Comprendre pouvait avoir tellement de signification et je n’avais aucune idée de ce qu’ils attendaient de nous. C’était quoi au juste ? Une sorte de leçon géante ? Un avertissement ? Une télé-réalité ? Me souvenant de celle que j’avais subi à Zootopie, je m’étais mise à regarder tout autour de moi, la moindre végétation suspecte faisant penser à un câble ou à une caméra. Malheureusement, je ne décelais rien du genre. Comme pour me donner du courage, j’avais enfui ma main dans celle d’Erwin, écoutant très peu tous les mérites qu’il nous vendait de l’hôtel. Lorsqu’il eût terminé, il nous tendit la clé de notre chambre, bungalow ou que sais-je dans la mesure où nous avions tous quelque chose de personnalisé mais tandis que le notaire allait s’en emparer, Monsieur Roke changea son geste de direction pour me la tendre. Un peu surprise, j’avais échangé un regard avec mon compagnon avant de récupérer la clé d’une main incertaine. Il m’avait alors invité à suivre les panneaux et Erwin s’était rué avant moi pour observer le plan du complexe et sans aucun doute ses sorties également. Se pensait-il lui aussi dans un jeu télévisé ou dans une sorte d’escape game ? Une chose était certaine, il ne se sentait plus du tout en vacances et avait bien plus l’intention de partir d’ici au plus vite. Le laissant à ses explorations, j’avais baissé les yeux sur la clé pour observer la petite plaque qui l’accompagnait. Généralement, le numéro de la chambre était inscrit sur ce genre de truc et devait nous aider à nous repérer. Pourtant, l’annotation me laissa pantoise : “Alexis Child & son ami”.
— Euh...
J’avais tourné la tête vers “mon ami” pour voir sa réaction et son air vexé ne me détrompa pas. Pourtant lorsqu’il ouvrit la bouche ce ne fut pas une remarque acide qui en sorti, bien au contraire...
— Cela commence à « merveille ». Lorsque l’on met cette désignation sur cette clef, c’est...c’est...un incroyable sens du service et amplement te remettre à la place qui te revient ! Comme on dit toujours : honneur aux dames ! Y allons-nous ma lady ?
— Mon chéri ? T’es sûr que ça va ?
J’avais instinctivement posé ma main sur sa joue tout en m’approchant de lui pour l’observer de plus près, inquiète, comme s’il couvait une terrible maladie. Rien que le surnom que je lui avais donné donnait mon état de panique. J'étais peu habituée à lui donner des surnoms amoureux, lui préférant son prénom, le faire relevait d’un moment particulier, souvent agrémenté de peur ou de panique. J’avais brusquement voulu retirer ma main et me reculer vivement, me méfiant de l’individu comme si on avait remplacé mon Erwin par une espèce de robot mais l’expression surprise qu’il avait eu face à ses propres mots m’avaient rapidement rassuré sur son identité... mais pas sur son état. C’était sorti de sa bouche malgré lui et ça... je pouvais y croire sans aucun souci. L'idée qu’il puisse me mettre en avant de la sorte tout en s’effaçant de l’équation sans rien demander en retour était impensable. L’observant toujours, j’avais presque chuchoté, la voix serrée par la peur :
— Mais qu’est-ce qui se passe ici ?
Me tournant de nouveau vers le panneau, je l’avais observé à mon tour dans les moindres recoins jusqu’à y trouver une serrure cachée. Après un moment d’hésitation, j’y avais entré ma clé et l’avait tourné. Le panneau s’était alors illuminé de violet, un violet léger, parfait mélange entre le rouge et le bleu, deux couleurs contraires mais que j’aimais tout autant l’une que l’autre. Voyant le chemin tracé, j’observais les panneaux comme Monsieur Roke me l’avait proposé pour me rendre compte que ceux-ci s’étaient pour certains illuminés d’or, nous montrant le chemin.
— Cool la signalisation... Bon ben... autant aller à la chambre... Si jamais la seule sortie est de comprendre, il faut qu’on commence à vivre l’expérience...
Je lui avais tendu ma main d’un air décidé et après qu’il l’eut pris, nous avions pris le chemin que les panneaux nous indiquaient. Je me rendais alors compte à mesure que nous marchions que nous nous dirigions vers les hauteurs, comme pour surplomber tout le reste du complexe hôtelier. Si l’endroit devait réaliser tous nos rêves, il réalisait sans doute celui d’Erwin qui rêvait toujours de luxe et de grandeurs. Après plusieurs minutes de marche nous étions arrivés à une grande villa moderne, protégée par deux agents de sécurités. J’avais eu un moment d’hésitation, m’avançant vers le domaine avec un doute et une timidité grandissante. Et si nous nous étions trompés ? Est-ce que j’avais loupé un embranchement ? Est-ce qu’on risquait la mort si on continuait ? Les deux molosses, tout de noir vêtu, n’avaient pas l’air des plus commodes. J’attendis alors une interpellation qui ne vint pourtant pas. A la place, ils se contentèrent de nous saluer, bien qu’ils ne m’observent que moi et je pu enfin voir à quoi ressemblait notre “chambre”. C’était assez étrange, très verdoyant avec un magnifique jardin. Au milieu de celui-ci trônait l’imposante villa moderne, faite de bois et de baies vitrées. C’était un style plutôt joli qui me plaisait assez, à mi-chemin entre la maison impersonnelle et l’endroit le plus cosy du monde sous ses airs de chalets de luxe. J’avais échangé un regard avec Erwin avant de monter les quelques marches du perron. Après une profonde inspiration, j’avais enfoncé la clé dans la serrure et après l’avoir tourné, j’avais ouvert la porte. Le lieu était illuminé par la lumière du jour et les rayons du soleil mais il y régnait une fraîcheur douce. Tout était silencieux dans les lieux et accueillant. Revigorée, j’avais donc passé le perron, Erwin à ma suite, le laissant refermé la porte derrière nous.
— Mère !!
— Papa !!
Je n’avais même pas eu le temps de me rendre compte de ce qui venait de nous arriver que deux tornades un peu plus grandes que moi nous avaient foncés dessus. L'une d’elle m’avait prise dans les bras et j’avais fait un bond en arrière pour protéger mon ventre tant la vigueur du jeune homme avait été puissante. Me dégageant de son étreinte, j’avais porté mes mains à mon ventre que je trouvais... totalement plat. En complète panique, je découvrais à présent que je n’étais plus habillée comme je l’étais encore quelques minutes auparavant. Je chaussais à présent de longues bottes de cuir à talonnettes qui remontaient à la manière de bottes cavalières. Un pantalon noir était coincé dedans et je constatais que les quelques kilos pris pendant ma grossesse étaient un lointain souvenir. Un long manteau tout aussi noir parachevait le tout et j’avais brusquement l’impression de faire un remix de Matrix. Abasourdi, je m’étais tournée vers Erwin qui avait également changé de tenu pour arborer un pantalon beige et une chemise bleue marine, ensemble bien plus sobre que ses vêtements habituels. Il semblait être habillé de façon bien plus détendue que moi, confortable, comme l’image qu’on se faisait du bon père de famille à la retraite ou suffisamment proche de ses enfants pour ne pas se soucier d’avoir une apparence “business”. Je croisais son regard avec une certaine panique quand tout à coup, la voix d’un des jeunes hommes me força à tourner la tête vers eux :
— Mère... tout va bien ? Je... je suis désolée de vous avoir offenser de mon étreinte.
Le jeune garçon semblait véritablement bouleversé de ma réaction et je n’avais pas pu pour autant ouvrir la bouche. Tout était beaucoup trop choquant, je ne savais même pas par où commencer. Où était MON bébé ? Pourquoi ces deux garçons m’appelaient ainsi ?! Est-ce qu’on était reparti pour un tour ? Est-ce que nous étions dans le futur ?! Et dans ce cas OU était Isaac ? Et ROSE ?! Tout ce que j’avais en face de moi, c’était ces deux enfants fortement identiques et âgés d’environ 17 ans... des jumeaux. Aucun d’eux n’avait le visage d’un Isaac plus âgé, ils étaient intièrement différents, si différents que j’avais du mal à reprendre pieds. Passant une main tremblante sur mes lèvres, j’avais fini par répondre :
— Quel jour sommes-nous ? Quelle est la date d’aujourd’hui ?
— Mais Mère...
— La DATE !
Je perdais mes moyens beaucoup trop rapidement. Ce n’était pas dans mes habitudes. L’ordre avait claqué avec tellement de force que le garçon le plus proche de moi avait eu un pas de recul. Prenant mes mains dans mes cheveux, je tentais alors de me calmer en inspirant profondément. On venait de me voler mon bébé et on me présentait un futur que je n’appréciais pas du tout.
— Recule Gaspard, Mère a eu une rude journée, laisse-la souffler. Nous sommes le 4 Juillet, Mère.
— L’année ?
Cette fois, l’autre garçon qui s’était avancé pour poser une main amicale sur son frère au bord des larmes et l’avait forcé à reculer m’avait dévisagé avec un air de surprise proche du mien. C’était phénoménal. Ces deux enfants étaient les nôtres à n’en pas douter. Pas aussi éloquent que pouvait l’être Isaac mais je reconnaissais tout de même chacun de nous deux derrière leurs traits, comme brouillés et mélangés. Ils avaient la noirceur du cheveu de leur père mes ils avaient tous les deux mes yeux.
— Euhm... 2021...
Sans aucune raison valable, j’avais accueilli cette nouvelle avec un soulagement palpable. Ma main s’était instinctivement posée sur mon cœur et j’avais expiré ma peur lentement à travers mes lèvres entrouvertes. Ce n’était pas notre futur, ces enfants étaient juste une projection, quelque chose qui n’existait pas et pour mieux rentrer dans le moule, il fallait que je ne sois plus enceinte. C’était le début de leur simulation. Pour comprendre. Vivre pour comprendre. Tout irait bien. Voyant le regard interrogateur des jumeaux, j’avais fini par préciser :
— Tout va bien, je suis juste un peu fatiguée.
Cela leur sembla une réponse adéquate, ce qui n’avait absolument aucun sens. Après un moment d’hésitation, les deux garçons finirent par me lâcher des yeux pour se diriger vers leur père. J’avais instinctivement serré les dents en voyants le bras s’écarter pour l’étreindre mais à ma grande surprise, Erwin les avait accueillis l’un et l’autre pour des embrassades prononcées. J’avais pu remarquer alors une certaine réticence dans ses gestes qui n’avait rien de naturel. Rien à voir avec un geste maladroit mais volontaire qu’il ne savait pas maîtriser par un manque de fibre paternel. Cela me donnait largement plus l’impression qu’il avait été forcé malgré lui, un peu à la manière du compliment qu’il m’avait fait précédemment. Se pouvait-il que cette simulation le pousse à faire des choses ? Pourquoi ne me sentais-je pas forcée de mon côté ? Nerveusement, mes mains s’étaient mises à jouer avec la clé que je tenais toujours. Il avait voulu la donner à Erwin avant de se raviser et de me l’offrir, est-ce que cela avait un quelconque lien avec ce qu’Erwin se forçait à faire ? Mes yeux se baissèrent alors sur la petite plaque que j’avais déjà lue auparavant mais à ma grande surprise, celle-ci avait changée d’inscription. Là où il était précédemment écrit “Alexis Child & son ami”, il était à présent écrit “Enora Taylor & son mari”. Mon propre nom me glaça le sang instantanément et la bague que j’aperçu à mon annulaire fini de m’achever. Le cœur battant j’avais alors tenté de l’enlever en me rendant pourtant compte que c’était impossible : celle-ci était presque soudée à mon doigt et j’étais certaine qu’un peu de savon n’y ferait rien.
Respire, calme-toi. Tout va bien. Il faut vivre l’expérience pour la comprendre... mais comprendre QUOI bordel ?!
Les paroles de Monsieur Roke et même d’Erwin avant lui m’étaient revenu en mémoires, ces mêmes paroles que scandait la brochure que j’avais reçu dans ma boîte aux lettres : une croisière où nous rêves devenaient réalités... Je me revoyais alors sur la plage à espérer qu’un jour Erwin serait un père aimant, un véritable compagnon... Mon cœur avait loupé un battement tandis que j’observais toujours le spectacle désolant qui s’étalait devant moi. Mais qu’est-ce que j’avais fait ? C’était pas ça dont j’avais rêvé ? Je voulais qu’il le fasse de son plein gré, pas parce qu’il se sentait obligé... Et est-ce que je détenais vraiment la clé du problème ? Après tout, si c’était mon rêve qui se réalisait, pourquoi n’y avait-il pas Rose et Isaac plutôt que ces ersatz que je ne connaissais ni d’Eve, ni d’Adam ? Et pourquoi je portais ce prénom que j’avais laissé derrière moi il y avait si longtemps ? Et ce nom de famille que je haïssais ? Pourquoi Erwin ne se ressemblait pas ?! Je n’avais aucune envie qu’il change son apparence. Toutes ces questions commençaient à me donner le tournis.
— Tout va bien Mère ? Avec Ursule, nous devrions peut-être vous laisser jusqu’au déjeuner.. vous avez l’air épuisée...
Gaspard me regardait avec un air désolé et sincèrement inquiet, mais c’était le prénom du second qui m’avait fait réagir, plantant mon regard dans celui d’Erwin pour échanger avec lui un regard entendu. Ursule... le nom de sortait pas de nulle part, c’était le nom qu’il s’était proposé de donner à notre fils si nous ne l’avions pas appelé Isaac... pourquoi ressurgissait-il à présent ? Pour nous donner un nouvel indice sur le fait que rien de tout cela n’était réel ? Une réalité parallèle que nous avions loupée ou alors juste les pantins de ce vœux absurde et stupide que j’avais fait ? J’avais envie d’hurler et ce tournis qui ne me lâchais pas...
— Alexis...
Peut-être m’avait-il juste interpelé pour me pousser à leur répondre dans un sens ? Ou m’aider à m’ancrer face au choc que nous vivions ? Une chose était certaine, je n’avais pas pu avoir la fin de sa phrase car les deux garçons s’étaient reculés aussi vivement et aussi scandalisé que s’il venait de m’insulter. Ce fut Ursule qui reprit ses esprits le premier, bombant le torse face à son “père”, il plissa les yeux sur un air de défi en précisant d’une voix solennelle qui avait tout d’une menace :
— Nul n’est censé appeler la souveraine ainsi. C’est du passé. Un passé oublié de lorsqu’elle a quitté Storybrooke... lorsqu’elle n’avait que 21 ans.
J’étais restée concentrée sur Ursule, n’osant pas regarder Erwin. Je n’avais jamais quitté Storybrooke à 21 ans mais je savais désormais exactement de qui il parlait. Ce double, cette personne que plusieurs personnes avaient vu dans le futur, cette ombre de moi-même qui était toujours resté dans un coin de ma tête. Elle s’appelait Enora... est-ce qu’elle s’appelait Taylor, j’en doutais, je commençais à avoir l’impression d’être dans une espèce de mauvais rêve, comme une simulation. Après tout, nous avions officiellement coulé, il n’y avait aucune raison qu’on ait atterri sur une île... et si nous étions dans un simulateur à la manière de ce que nous avais fait vivre Elliot mais plutôt que de nous montrer le futur, il donnait corps aux différentes choses qui parasitaient notre esprit ? Perdu dans mes pensées, j’avais jeté un regard circulaire au plafond, comme si j’espérais y voir un plafond de verre qui me montrerait la fin de la simulation mais bien entendu, il n’y avait rien. Rien que nous dans ce truc et... mon reflet. C’était là que je m’étais aperçue, dans le miroir. J'avais toujours l’âge que j’étais censée avoir mais j’avais l’impression qu’une vie entière m’étais passée dessus. Mes cheveux n’avaient plus cette fantaisie et cette fougue bouclée, ils étaient raides et tirés en arrière, maintenu dans une queue de cheval, mes traits étaient tirés, j’avais l’impression d’avoir menés tant de bataille et en parlant de ça... même ma tenue ressemblait à une tenue de guerre. Pourtant ce n’était pas le futur que les autres avaient vu, parce que j’étais moi, que je n’étais pas à Storybrooke, et qu’au lieu de vivre seule parmi ruine et décombre, je vivais apparemment dans une villa de luxe sous haute sécurité avec mon “mari” et mes deux jumeaux. N’y tenant plus, j’avais levé la tête en direction de mon autre fils :
— Gaspard... tu as raison, je suis épuisée. Prends ton frère avec et allez dans votre chambre... je vous appellerais plus tard.
— Excuse-toi.
Les mots d’Ursule avaient fusé avec une telle force que j’avais instinctivement tourné la tête vers lui. Il se tenait toujours fièrement sur sa position, les poings serrés et il ne lâchait pas son père des yeux. Voyant l’éclair passer dans la prunelle des yeux d’Erwin et sentant le drame arriver, j’avais décidé d’intervenir :
— C’est inutile, ce n’est pas grave, un simple oubli.
— Non. Il doit s’excuser. Nul n’est censé ignorer la loi. Nul est au-dessus que le souverain.
Il avait tourné la tête vers moi lentement, avec un air me faisant comprendre qu’il ne l’était apparemment pas... puisque je l’étais. Tout cela n’avait absolument aucun sens. Je n’avais JAMAIS souhaité être Reine. Erwin en revanche... Était-il autant puni de ses souhaits que moi ?
— Oui mais si le souverain décide de gracié le supplicié...
— Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne et vous le savez.
Il avait de nouveau lentement tourné la tête vers son père, le regard toujours dur.
—Excuse-toi.
Nous étions dans une impasse et je sentais que je ne pouvais rien faire d’autre que de me laisser aller. “Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne”, la phrase était si étrange dans ce contexte... comme pour me rappeler ce que nous devions comprendre... et vivre. On devait aller au bout des règles, pour les comprendre et apprendre peut-être à les contourner. Prise de panique à l’idée qu’un danger nous menaçait sincèrement si nous ne jouions pas selon les règles, j’avais à mon tour tourné la tête lentement vers l’homme si fier que j’aimais, une lueur de panique dans les yeux, une émotion vive et douloureuse dans la voie, n’ayant aucune envie de le lui demander mais le faisant pourtant :
— Erwin... excuse-toi.... S’il te plaît.
Erwin Dorian
« If the crown should fit, then how can I refuse? »
| Avatar : Rufus Sewell
- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)
| Conte : Coeur de Princesse/Le Prince et le Pauvre | Dans le monde des contes, je suis : : Preminger
S’il savait que sa réaction « ô combien » trop attentionnée n’était pas naturelle, Alexis aussi l’avait sitôt remarquée, puisqu’elle n’avait pas tardé à s’enquérir de son état de santé. Ce qui aurait pu le vexer dans un autre contexte, s’il n’avait pas considéré ceci comme flatteur en soit. Cela démontrait qu’elle le connaissait bien et l’appréciait tel qu’il était : un individu qui accordait peu de temps à flatter et amadouer les autres gratuitement et surtout JAMAIS en s’excluant de l’équation. Ce n’était pas qu’il considérait la jeune femme sans attrait, non pas, loin de là même. Mais il gaspillait peu de son précieux temps à faire l’éloge d’autrui, lorsqu’il pouvait faire le sien. Rassurée par la surprise qui l’avait sais, elle avait fini par se détourner pour insérer la clef dans le panneau générant une faible lueur violette dans chacun de ceux qui se trouvaient aux alentours. Au moins une bonne surprise que ce parcours lumineux… Si on occultait le fait que cette lueur ne parvenait pas à retranscrire toute la chatoyante du violet qu’il affectionnait tant. Il l’aimait vif, profond, intense, là où celui des panneaux rejoignait la tendresse d’un mauve doux. Bien plus proche que celui qu’aimait Alexis…
— Cool la signalisation... Bon ben... autant aller à la chambre... Si jamais la seule sortie est de comprendre, il faut qu’on commence à vivre l’expérience... – « J’allais te le suggérer... » opina-t-il de la tête dans un sourire
Et pourtant, il n’avait pas réellement la tête à sourire. Sûrement sa bouche avait-elle ébauché cet encouragement pour accuser l’épreuve qui les attendrait en haut… Il n’avait aucune confiance dans cet établissement. Aucune confiance dans cet endroit. Tout se trouvait...anormal, curieux, détestable. Toute cette précédente mise en scène de panique inutile l’avait suffisamment irrité pour qu’il considéra les choses avec l’œil le plus maussade dont il faisait preuve… Il comptait comprendre vite et s’en aller de là aussi rapidement qu’ils y étaient venus. Ce serait évidemment un jeu d’enfant bien en-deça de la hauteur de sa malice…Il songeait ainsi alors qu’ils cheminaient, montant, leurs jambes et mollets se tendant sous le chemin grimpant de la butte. Il semblait que les hauteurs les attendaient. « Surplomber la vue voilà qui ne serait pas inutile...Mais qui gênerait aisément le moindre de leurs gestes pour qui les observeraient du bas » songea le ministre tandis qu’il bifurquait, glissant un regard vers le bas de l’île qui se fondait en d’obtus feuillages… De nuit, cela serait, moins praticable mais plus dissimulant. Le soleil projetait des ombres que la nuit fondait en son sein… Il grimaça dans un sourire en apercevant leur destination et surtout...leurs geôliers. Deux agents de sécurité, aux mines dissimulées sous des lunettes de soleil, gardaient le portail d’une grande villa moderne. Visiblement, on les destinait à ce lieu. Il pencha la tête, prenant le temps de soupeser l’édifice de son jugement altier. Moui… C’était acceptable. Cela semblait à ces grandes villas de vacances, larges et hautes aux grandes devantures blanches prisées par les célébrités. Loin de la grandeur d’un palais… C’était froid et acceptable comme une sorte de forteresse moderne. Les agents de sécurité avaient salué leur arrivée, ô moins avaient-ils appris le savoir-vivre, et il les dépassa avec un dégoût non feint...qui n’outrepassa pas ses lèvres. Une fois les grilles dépassées, il devait admettre que le lieu était un peu plus agrémenté et plus agréable à l’œil que ce qu’il paraissait sous la ferraille. Mais trop simple, biiien trop simple. Et impersonnel. Il détestait l’impersonnel. Alexis en revanche semblait plus emballée. Il la connaissait suffisamment pour deviner que cela devait être pour elle, le compromis idéal, l’assemblage le plus agréable de ce qui représentait la richesse et la simplicité à laquelle, elle, elle tendait. Étonnamment, il y préférait de loin les notes de simplicité qui ponctuaient le lieu, et qui lui ressemblait, à la grandeur rigide qu’elle dégageait en sous-ton. MAIS pour un lieu de villégiature pourquoi pas… C’était déjà mieux qu’espéré… ll ne plissait le front que suite à l’accueil, encore vexé de leurs tumultes… La clef s’était enfoncée dans la porte et cette dernière avait révélé un lieu paisible, plus chaleureux que ce que l’extérieur proposait. Évidemment, Preminger y notait déjà ce qui lui déplaisait : le parquet trop simple, le manque de couleurs et….
— Mère !! — Papa !!
Une masse avait fondu sur Alexis sans permettre à Erwin de le dévisager. Ou plutôt de les dévisager. Ils étaient deux. Parfaitement identiques.. Ou plutôt non. Parfaitement ressemblants. Des...jumeaux… Des sosies. En lui-même montant un relent flagrant du passé… Anneliese et la vulgaire petite couturière. Il tourna la tête vers sa maîtresse, lorsqu’ils s’en écartèrent, accusant un nouveau choc.. Depuis quand s’était-elle.. Ses yeux s’étaient baissées, promptement, facilement vers la zone qu’il prenait soin d’éviter sciemment depuis des mois. Disparue… Envolée… Ce qui..aurait du être une parfaite nouvelle pour l’ancien conseiller. Si ce n’est qu’il n’avait pas sacrifié un enfant pour en récolter deux… Quoique...au moins aucun de ces deux là ne portaient sur eux la déplaisante contrefaçon ratée de sa merveilleuuuuuse beauté. Ils étaient… communs. Enfin. Charmants dans leur genre, bleus de regard, d’une figure allongée comme la sienne, où un peu de la douceur d’Alexis s’était glissée, tempérant sa séduction vénéneuse mais les dotant de son propre charme… Il revint à sa maîtresse, détaillant sa tenue de cavalière. Cela lui allait bien. Bien plus austère qu’à l’ordinaire, mais si l’on combinait cela avec le faste d’une tenue du XVIIIème, si l’on ornait de jabots cette veste, si on attendrissait la couleur d’un violet sobre, quelle merveilleuse tenue d’équitation cela ferait à ses côtés ! Il abaissa le regard sur son propre reflet, certain de se voir vêtu d’une tenue des plus similaires… Et hoqueta soudainement avec un dédain paniqué ! Qu’est-ce que c’était que cela, que diantre ? Qu’était ce pantalon de lin ? Ce simulacre de gilet que l’on appelait, s’il en croyait la modernité, chandail ? Qu’était donc cette tenue sobre ? Sans élégance – enfin si puisqu’il rendait élégant tout ce qui était digne d’être porté- mais d’une simplicité renversante de… Où croyait-il donc aller ainsi ? A la plage des loqueteux ? Pourquoi ce laisser-aller insoutenable ? Il devait aller se changer ! Ciel, il devait aller se changer de suite !
— Quel jour sommes-nous ? Quelle est la date d’aujourd’hui ?
Il l’écoutait presque à moitié, tenant choqué un pan de sa chemise bleu marine entre les mains. Fort heureusement, ce n’était pas du tissu de seconde zone ! Mais ! Diantre ! Il releva la tête vers Alexis, néanmoins, comme pour la prendre à partie, la découvrant tout aussi bouleversée que lui. Pourquoi ? Après tout, elle était – au moins revêtue d’une tenue des plus seyante… Oh mais oui… Evidemment. La manière dont elle se tenait son ventre soudainement plat…
— Mais Mère... — La DATE ! — Recule Gaspard, Mère a eu une rude journée, laisse-la souffler. Nous sommes le 4 Juillet, Mère.
Erwin observait la scène, relâchant soudainement le bout de tissu qui fila de ses doigts. Il se changerait bien assez tôt. Il tâcherait avant de comprendre… Puisque c’était l’étape pour sortir de cet endroit. S’il comprenait assez vite, il gageait que tout reviendrait rapidement à la normal. Et peut-être aurait-il droit à des vacances avec une garde-robe décente et...une Erreur de retour. Ce qui ne l’enchantait pas outre mesure, mais cela aurait au moins le bénéfice d’éviter à Alexis une crise de nerf et tout ce qui pouvait arriver à une personne suffisamment attachée à autrui lorsqu’on lui arrachait brusquement… Il fallait qu’il la calme à ce sujet, d’ailleurs… Qu’il la rassure rapidement sur le fait qu’il doutait sincèrement que son nouvel état soit réel. Sa mise du jour le prouvait bien : comment aurait-il pu ne serait-ce que se laisser aller à porter des vêtements aussi simplement que le reste du monde ?
— Euhm... 2021...
Dans un sens, le dénommé Gaspard avait mis un terme à cette suspension craintive qui flottait au-dessus de leurs têtes. Ce n’était pas un futur… Non. Alors qu’était-ce donc ? Clairement pas leur rêve ! Oh que non ! Bien évidement, ils avaient un confort, ils possédaient un toit acceptable, l’Erreur avait disparu et ces deux Dupont et Dupond semblaient aussi insignifiants que possible… Il les regarda, tâchant d’y découvrir une note, une différence entre eux, puisqu’ils semblaient par ailleurs, l’ignorer royalement depuis tout à l’heure, leur attention toute fixée sur leur mère… Il n’en trouva d’abord aucune si ce n’est un curieux manque de rigueur dans la tenue à l’un… Sa chemise avait été arrachée d’un bouton et se retrouvait froissée. L’autre en revanche était bien mieux mis, dans un costume en tout point identique.. Physiquement en revanche, ils étaient deux faces d’un même miroir, possédaient chacun sa chevelure sombre initiale, les yeux doux de leur mère… A la rigueur le premier semblait-il...plus… indolent, sensible. Semblant soudainement prendre conscience de sa somptueuse présence et de son regard sur leurs personnes, leurs deux têtes avaient pivoté entièrement vers lui, et ils s’étaient projeté chacun de part et d’autre de son buste pour l’enlacer. Il levait déjà la jambe pour reculer, lorsqu’il avait senti SES bras serrer leurs membres contre lui. Non pas pour les étouffer, les faire souffrir pour les décourager de continuer cette étreinte désagréable, comme l’aspirait son esprit, mais bien pour la prolonger… Il n’avait pour ainsi dire jamais serré quiconque avec autant d’emphase qu’il le faisait… Quelle détestable expérience.. Pourquoi diantre, le faisait-il ? Pourquoi donc ? Sa tête avait inspirée avec dédain, ployée, fixant le plafond. Vivre pour comprendre… Comprendre quoi ? Il avait déjà parfaitement compris qu’il détestait les effusions ! Qu’il détestait tout ce qui avait trait aux..autres. Et cette manière qu’il avait de continuer l’expérience… .Qu’il avait de baiser leurs joues, et même d’ébouriffer leurs chevelures… C’était...tout bonnement horrifique. Il n’avait qu’une envie, s’enfuir rapidement, se passer la tête sous l’eau froide… Tenter de reprendre le contrôle de ce qui visiblement ne lui appartenait plus… Son corps, son corps ne lui appartenait plus. Il avait décelé les prémices de cette horrifiante nouvelle lorsqu’on lui avait remis la clef, cette douceur, cette...bienveillance… PUIS ENFIN CETTE TORTURE AVAIT PRIS FIN. Cela n’avait duré qu’à peine dix secondes, mais les jumeaux s’étaient reculé, faisant disparaître cette atroce simulation, lui donnant l’impression de se reconstituer. Cela n’avait du n’être qu’une...qu’une impression, non ? Non ? Non. c’était bien réel.
— Tout va bien Mère ? Avec Ursule, nous devrions peut-être vous laisser jusqu’au déjeuner.. vous avez l’air épuisée...
Ursule. Un joli prénom… Si la situation n’avait pas été si catastrophique, cela lui aurait peut-être tiré un sourire… Mais… Il fallait qu’il sorte de cet endroit. Il devait parler à Alexis. Et vite. Et puisque cet énergumène jumelé proposait de les laisser seuls, n’était-ce pas l’occasion parfaite ?
– « Alexis » commença-t-il
Ca n’avait vocation qu’à attirer son attention, lui démontrer qu’il était encore lui-même, comme elle le lui avait prouvée, d’elle-même par sa réaction violente précédente… Mais il n’avait pas prévu le reste…. Que ce seul propos, ce seul mot, ce seul prénom déclencha une réaction si vive de recul et de stupeur chez les Dupont… Ils l’avaient soudainement regardé comme le découvrant pour la première fois, scandalisés. Tandis que l’ancien ministre levait un sourcil hautain, l’attitude d’un des jumeaux s’était modifiée, se rigidifiant. Le dénommé Ursule, s’il avait bien observé… Le plus guindé des deux, le moins sensible de prime abord, lui avait scandé d’une fois sans détour où perçait une solennité empruntée :
– « Nul n’est censé appeler la souveraine ainsi. C’est du passé. Un passé oublié lorsqu’elle a quitté Storybrooke lorsqu’elle n’avait que 21 ans. »
Ses yeux luisaient d’autre chose que de la colère, c’était en-deça, mais vivant pourtant, une sorte de… joie à le braver. Mais ce ne fut pas ce qui frappa Preminger. Ce fut le reste.. Ces. Ridicules élucubrations sans sens… Une souveraine ? Où ça ? Il ne s’était adressé qu’à Alexis. Erwin s’était tourné vers elle, une moue perplexe sur le visage. Alexis n’était pas princesse. Elle était encore moins souveraine… A moins que… Qu’elle n’ait épousé un ROI. Un début de sourire s’était dessiné sur son visage, vite parasité. Non. Quelque chose ne tournait pas rond. S’il était roi… Comment… Comment cet endroit pouvait-il...si peu lui ressembler ? Il n’y avait rien de lui, là dedans. Rien. Rien dans ce royaume... Dans le choix des couleurs, des ornements, des décorations, la manière dont ces misérables doubles s’adressaient à lui. « Mais cela est censé m’offrir ce que je désire le plus au monde ! »… Le plus au monde. Il désirait une quantité de choses diverses. Et ce n’était en rien cela… Et pourtant, il y avait des choses… L’erreur avait disparu, les deux enfants qui lui faisaient face ne lui ressemblaient en rien… Mais… La souveraine sans souverain. Impossible. Cela n’avait aucun sens.. Si Alexis était souveraine de ce Monde, qu’était-il ? Qu’était-il ? Ses yeux avaient glissés, dans une lenteur affolée pour se focaliser sur son annulaire gauche. Il n’était pas vide. Restait orné. Mais l’alliance dorée et superbe qui l’accompagnait d’ordinaire avait disparu, remplacée par une autre, argentée, sobre. Le symbole de sa réussite. Sa Couronne. Tout avait disparu. Tout lui avait été volé ! Nerveusement, il avait relevé la tête, vers les doubles, tandis qu’Alexis bredouillait un mot qu’il ne comprit pas, il n’entendait rien, la tension affluait dans son esprit, vrillant ses sens. Il avait..perdu saCouronne. Son Trône. Son titre ! Toute son élévation qu’il avait mis des années à construire, dépeçant pièce après pièce, celles qui s’étaient dressées en travers de lui et de sa Destinée… Pour qu’on le lui subtilise ainsi ? D’un claquement de doigt ? Pour qu’on offre à d’autres ce privilège en lui offrant l’atrocité de l’observer quotidiennement ? « Non… C’est faux ! Tout est faux ! Ce n’est qu’une simulation ! » cria son esprit. Oui…Ce n’était que cela. Mais tout de même ! Vivre pour comprendre. Comprendre quoi ?
— Excuse-toi.
Il avait relevé les yeux d’instinct pour se fixer sur Ursule, le regard flamboyant d’une nuance cruelle. S’EXCUSER ? Pour qui le prenait-il ? Croyait-il seulement avoir ne serait-ce qu’un pouvoir pour l’y contraindre ? Il ouvrait déjà la bouche pour ricaner. Et son rire se coinça dans sa gorge, lui rappelant soudainement la raison pour laquelle, il avait tenté d’alerter « la souveraine » un instant plus tôt. Cet effroyable impression de sentir son corps lui échapper…
— C’est inutile, ce n’est pas grave, un simple oubli. — Non. Il doit s’excuser. Nul n’est censé ignorer la loi. Nul est au-dessus que le souverain. « Mais JE suis le souverain, misérable ! » avait-il voulu hurler. Mais ses mots une nouvelle fois s’étaient coincé dans sa gorge, lui provoquant une quinte de toux involontaire. Ses pensées voltigeaient en lui. Tout ceci avait forcément un sens… Cela venait des souhaits de chacun… Il avait observé Alexis, sentant l’ombre d’un doute s’agiter en lui...voulait-elle aussi le pouvoir ? A trop tenter de l’inciter jusqu’à son chemin, cachait-elle aussi ce délicieux désir de conquête ? Si cela était, il devrait le lui arracher. Le pouvoir n’appartenait qu’à lui. Il était son dû. Comme sa Couronne. Sa superbe couronne… Pourtant… Alexis semblait aussi désoeuvrée que lui. Aussi perdue. Aussi inquiète. Elle avait vite tenté d’aplanir la chose, enchaînant rapidement sur une décision de grâce, vite coupée par la bouche froide d’Ursule.
— Oui mais si le souverain décide de gracié le supplicié... — Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne et vous le savez.
Il jubilait, songea Preminger soudainement. Derrière cette froideur, ce semblable visage, il y avait bien plus qu’un simple énoncé des règles. Il pouvait le dissimuler à tous, mais pas à lui. Parce qu’il connaissait ce sentiment, bien plus que lui encore. La première gorgée de pouvoir que l’on s’accordait, la première faiblesse que l’on écrasait, ce sentiment grisant et fascinant qui s’emparait de soi. Un sourire méprisant naissait sur ses lèvres altières. Ursule avait beau ressentir cela, il était insignifiant. Il ne pouvait être si dénué de pouvoir. Il ne pouvait avoir régressé, ne pouvait s’être laissé régressé ainsi. Il avait rampé autrefois oui. Mais avait acquis son pouvoir, plus qu’une gorgée, il en avait bu la coupe entière. Il s’humilierait si le pouvoir était au bout du tunnel, mais gratuitement jamais. Si c’était cela qu’il fallait comprendre, alors cela faisait bien longtemps qu’il l’avait compris ! Il avait contemplé le regard dur de celui à qui il était censé avoir donné la vie, avait froncé les sourcils vers son frère qui se tenait en retrait, plus choqué, les yeux déviants vers sa mère pour revenir inlassablement se poser sur lui. Comme s’il avait réellement commis là une offense lourde, la première de sa vie, et comme si par là, il avait fait exploser toute l’affection qu’il avait pu nourrir pour lui.
— Erwin... excuse-toi.... S’il te plaît.
Il avait tourné vers Alexis, un sourire moqueur, fixant tout le désarroi de la jeune femme de ses yeux luisants. NON. Elle semblait sérieusement inquiète, mais de quoi donc aurait-elle du avoir peur ? D’un misérable marmot que d’un seul mot de souveraine, elle aurait pu et DU condamner au fouet ? « Je vais te montrer ce qu’est un véritable monarque, mon trésor, n’aie aucune crainte ! » songea-t-il avec vanité. Il ne comprenait pas son inquiétude, ne savait-elle pas d’expérience à quel point il était charismatique ? Comment pouvait-elle croire naivement que la loi se dictait à un souverain? NON. Un souverain dictait la loi, la défaisait aussi. Si 'ce n'était pas comme cela que cela fonctionnait', il était du bon vouloir d'un monarque de le changer aussi aisément qu'en claquant des doigts.. Il avait retourné la tête vers Ursule, avait ouvert la bouche décrétant sonorement, avec le plus grand des dédains dont il était capable :
– « Non Alexis, je ne m’excu…. »
BAM. Ses genoux s’étaient fracassé au sol avec éclat, tandis qu’il saisissait sa gorge prise dans une quinte de toux violente. Il n’avait pas voulu tomber, il n’avait pas glissé. Son CORPS l’avait projeté violemment au sol.
– « Excuse-toi! » répéta Ursule, les yeux froncés. « Comment oses-tu à nouveau lui manquer de respect ! »
« Misérable petit cloporte » hurla son esprit, tandis que ses yeux s’agitaient furieusement, dévisageant Ursule avec une colère grandissante. Il ouvrit la bouche :
– « Je SUIS.. afreusement...Absolument PAS… Dés...DES ! JE ne veux...PAS ! AAH »
Il se figea horrifié, écartant avec un effroi paniqué la main droite de sa gorge. Il l’avait sentie… L’avait sentie se resserrer d’ELLE-MEME, tandis que sa tête heurtait avec violence le carrelage de la pièce. « Que m’arrive-t-il… ? Que m’arrive-t-il ? ». Les contours s’étaient floutés, les voix s’étaient assourdies autour de lui et il se sentit grelotter dans une peur paniquée.. Il ne voyait rien, n’entendait plus rien, l’effroi de sa maîtresse, le regard glacial d’Ursule, rien… Rien que le sol, rien que la douleur lancinante dans ses membres, rien que la sensation de sa propre main se refermant dans une étreinte d’acier sur sa gorge… comme un étau… Il fallait qu’il s’enfuie.. Qu’il quitte cet endroit maudit au plus vite ! Il tenta de se relever. En vain. Il ne parvint qu’à trébucher davantage.. Ses jambes le clouaient au sol, le forçant à ramper, jusqu’à… Jusqu’à l’excuse. Ses yeux brûlaient de haine et d’une peur viscérale bien plus puissante qu’il n’avait jamais ressentie jusqu’alors. Il ne pouvait rien faire. Son corps lui-même se rebellait contre lui. Une lutte contre elle-même où les supplications de son amante pourtant souveraine n’empêchaient rien. Il n’y avait qu’une issue. S’il souhaitait parler à Alexis, s’enfuir, quitter ce lieu infernal… Il devait… mentir. s’excuser… ramper. Il l’avait déjà fait, des milliers de fois. Mais jamais devant elle. C’était pire qu’humiliant, c’était une torture au fer rouge. Non ! V’LAN ! Sa tête heurta une nouvelle fois le carrelage, lui arrachant un cri de douleur supplémentaire et il songea à sa sublime beauté dans une souffrance panique. Tout ce qu’il fallait...pour la Liberté… Pour le pouvoir. Il ouvrit la bouche « Je suis sincèrement désolé » désirait-il dire, mais son corps força ses traits, lui arrachant de sa bouche :
- « Pardonnez mon égarement, ma lumineuse reine… Je suis navré de cette honteuse bavure ! Puissiez vous absoudre ma faute, O Majesté et me gracier au-delà de mon insignifiance »
S’il avait pu rayer le parquet de son envie de mordre chaque mot pour se réduire au silence. Mais cela avait porté ses fruits, puisqu’il avait senti ses mains l’aider à se relever, chaque paume qui bien loin de frapper le sol comme il le désirait n’avait que puisé pour le remettre en position debout. Il avait observé chacun de ses « fils », ces misérables petits miroirs vides, sentant que la sentence ne pouvait se finaliser par ces seules excuses. Il commençait à comprendre le but du manège… Entrer dans le personnage que le souhait avait fait de lui. Ce souhait qui ne venait pas de lui. Mais qui avait fait de lui, ce personnage vide, faible, un serviteur comme autrefois. Tout ce qu’il avait honni et dont il avait revêtu l’habit que pour mieux le désagréger de l’intérieur. Cet individu là, était pire, il était AIMANT. Ce qui expliquait le choc causé à ses enfants face à son « outrecuidance ». S’il voulait survivre, il devait être cet homme là. Il avait cédé alors, à ce sourire contrit que souhaitait prendre son visage, à cette désespérante aura d’impuissance qui émanait de lui :
– « Mes garçons… Mes Tweedle Die et Dum « -Ciel avait-il réellement donné ces ridicules surnoms d’affection ? - « Je suis vraiment désolé… Je ne sais pas ce qui m’a pris. Je crains que Papa ne soit un peu trop surmené par ces temps qui courent..Il perd la main… » – « Tu as fait le meilleur choix en te consacrant à nous, en nous élevant. » décréta soudainement Ursule, toute trace de dureté disparaissant soudainement de son visage, comme un mirage, en déposant une main douce sur son épaule « Mais, ne t’en fais pas… Nous n’aurons bientôt plus besoin de toi... »
Un sourire long étira son visage, où la douceur d’Alexis épousait à merveille une dose de son arrogance avide. Erwin se força à sourire de même, ses yeux dorés s’attardant néanmoins sur la longueur de ce sourire.
– « A dix-sept ans, nous pouvons enfin vivre comme des hommes dignes de ce nom, non ? » ajouta le nommé Gaspard venant poser à l’identique sa main sur sa seconde épaule.
Il ne voulait plus souffrir, ne voulait pas ressentir la douleur une nouvelle fois. Mais son âme vaniteuse avait bravé cette crainte, ivre de rage et de pouvoir, rassemblant ses forces pour articuler lentement dans un sourire forcé :
– « Bien sûr… Il est tant que je trouve une nouvelle occupation...so much mine ! »
Puis il avait rendu les armes, sentant son corps basculer à nouveau dans une étreinte, serrant les dents de dégoût sous la violence encore vive de ses genous meurtris, projetant son esprit au loin alors que sa bouche décriait avec un bonheur écœurant :
- « Vous êtes ma plus belle réussite, mes fils ! »
PA.THE.TI.QUE. Il se serait volontiers à nouveau étranglé...quoique… Gaspard avait eu un sourire étrange, puis ses yeux s’étaient déposé à nouveau sur sa mère, restée en retrait, la contemplant d’un œil trouble:
– « Oh non… Votre plus prodigieuse réussite, père… C’est la conquête de notre si resplendissante souveraine et mère ! »
Il n’y avait pas de quoi s’en surprendre pourtant lorsqu’on était, notamment, aussi doué de splendeur que lui. N’était-il pas aussi addictif que le plus redoutable des poisons ? Il avait jeté un regard vers Alexis puis s’était écarté, laissant ses pas la rejoindre. Ses jambes étaient douloureuses, sa tête résonnait encore des coups violents qu’il s’était infligé… Mais son corps le portait encore, lui faisant la « grâce » de lui permettre de quitter ce lieu et ces jumeaux maudits… Caïn et Abel… Ils souriaient, mais le regard de Gaspard suivit la main qu’Alexis glissa sur son dos insondable, tandis qu’Ursule arborait un sourire aussi figé que la raideur de son maintien… Ils les dépassèrent pourtant et quittèrent la pièce. Il sentait dans la main sur son dos toute la sollicitude qu’elle tentait de lui transmettre, et devinait le regard identique des jumeaux posés sur leurs dos, jusqu’à l’escalier qui devait précéder l’étage et leur chambre… Il pressa les lèvres, se gardant bien d’interpeler à nouveau Alexis par le « prénom maudit » qui semblait devoir être éviter à tout prix. Regarda droit devant lui, évitant même de croiser son regard. Il avait besoin avant toute discussion de rassembler ses esprits.. Son corps entier se dérobait sous l’effroi et pourtant ce même corps le faisait avancer, à présent, comme si l’horreur précédente n’avait été qu’un mirage. Mais le tremblement de son front lui rappelait que cela n’en n’était pas un. Il était coincé dans une odieuse simulation où plus qu’être un misérable et faible père de famille, sa Couronne lui avait prise et où il retrouvait marié à une souveraine, sans ne posséder ne serait-ce qu’une miette de pouvoir… Et comment avait-elle pu qu’accéder à la royauté ? Alexis ne disposait d’aucun sens royal, hormis le statut de fille adoptive de Regina… Mais si elle avait quitté Storybrooke à 21 ans, ses origines initiales la ramenaient seulement à une destinée républicaine… L’étage desservait plusieurs pièces, mais une femme de ménage effectua une révérence en sortant de l’une d’entre elles, laissant la porte ouverte comme supposant qu’ils souhaiteraient y entrer. Désignant du menton l’endroit, il sentit son visage fondre d’un sourire amical vers la jeune femme rousse :
– « Bonjour Emma ! Comment va votre père ? Remis de sa chute, j’espère ? » « Que nous chaut ce paternel...Il nous fait perdre du temps. S’il était six pieds sous terre, voilà qui serait bien mieux, nous ne perdrions pas du temps en palabres...! » Il se moquait comme d’une gigue de la famille de cette soubrette ! Elle n’était là que pour faire son travail et à en juger sa mise, elle débutait.
– « Oh Bonjour Monsieur. Le docteur est venu hier pour changer son plâtre, vous le connaissez, il ne tient pas en place ! Il est comme vous, toujours plein d’entrain. Mais avec la vieillesse en plus, ce qui ne facilite pas sa guérison ».
Il s’était entendu éclater d’un rire joyeux, qu’il n’avait pas tenté de contenir, trop bien inquiet à l’idée de pouvoir à nouveau se mutiler devant une personne tierce… Il y avait déjà bien de la chance que ces deux fils ne l’aient pas jugé bon pour l’asile… En attendant de comprendre, il crachait son venin en pensée, tandis que son rire, bien trop gommé de tout fiel se répercutait sur les murs, puis s’était glissé dans la pièce refermant la porte, dans un long soupir que son corps ne lui avait pas volé. Alexis le dévisageait, sa main glissée sur son poignet.
Puis suspendit sa parole, réfléchissant. Il mourrait d’envie de tout déballer, de tout cracher. Mais pour rien au monde il ne désirait encore sentir son visage heurter la surface du sol sous sa propre poigne… Comment pouvait-il faire ? S’il souhaitait parler, il suffisait de tenter de lui dire ce qu’il désirait, sans porter offense à son titre. L’appeler Alexis semblait ne constituer une faute qu’aux yeux de ce monde, mais son corps ne lui en avait pas fait payé le prix. Néanmoins, s’il était possible d’éviter de reproduire à nouveau cette honteuse humiliation gratuite, il en était gré… Son regard se posa sur un miroir qui siégeait de l’autre côté de la pièce, attiré. Mais ne fit pas un pas. Il se contenta d’observer un instant sa maîtresse. Elle n’avait pas besoin de s’exprimer, il voyait au-delà tout le choc, l’incompréhension et l’horreur qu’elle vivait…
– « Tout va bien.. » déclama sa voix dans un calme qu’il ne partageait pas.. Pinçant les lèvres, il ajouta sans acrimonie mais avec une légère teinte d’humour « Mais mon trésor chéri, aurais-tu l’extrême obligeance de bien vouloir me désigner le nom par lequel je dois m’adresser à toi, selon les lois ? Pour éviter tout tracas de petite envergure comme celui que je viens d’essuyer ? » Oh qu’il détestait cette sollicitude ! Cette voix douce et tendre ! Il se crispait à cette entente… – « Non pas que je n’aime pas me référer à toi, comme ma Reine... » Mensonge. « Je préférerai juste éviter tout incident diplomatique de ce genre, que je déplore taaant, les enfants ont été si choqués ! »
Qu’est-ce que cela pouvait bien lui faire ? Pourquoi ? Ses yeux se crispèrent dans la rage et il se força à inspirer lourdement pour tenter de reprendre le contrôle. Ce n’était que parce qu’il avait pensé l’inverse. Parce qu’il tentait de projeter sa rage à travers ses mots. Lui qui se délectait ordinaire de cette langue vipérine qui tançait, mordait si aisément, faisant des mots son plus inocculable poison, voilà qu’elle s’en retournait contre lui. Pour parler naturellement, il devait se contenter d’énoncer des faits. Purement des faits.
– « Nous sommes dans une simulation, trésor. Aucun mal n’est arrivé à Isaac. Ne t’en fais pas.. Il est toujours là... » ce geste de sollicitude pur qui traversa son bras pour se déposer sur son ventre n’était pas prévu, encore moins voulu, mais il faisait partie de ce que son corps commandait au-delà de son esprit. Même si les mots en revanche n’étaient pas forcés. Et dans un sens, ce geste ne créait aucune difficulté à présent. « Maintenant, il faut en sortir au plus vite. Comme tu n’as pu que le remarquer… Je… Je ne suis pas maître de mon corps. Il parle, il réagit sans mon bon vouloir... Comme si je n'en n'étais pas maître... Le tien apparemment ne subit pas cela, fort heureusement Et te voilà aître de ce royaume »
Un sourire pâle et sans vie avait traversé son visage, où luisait la fatigue, il avait laissé sa main chuter de son ventre pour rejoindre ses propres flancs, les yeux dirigés vers la fenêtre… Dehors le Soleil continuait de luire… Comme une ironie à son si pourtant glorieux destin… « Ce n’est qu’une simulation… Elle n’a aucun sens ! » lui cria son cerveau. Mais son orgueil en revanche…
– « Excuse-moi, que dirais-tu de t’asseoir pour te remettre de tes émotions ? Moi-même je suis…rompu. J’ai besoin de m’asseoir... »
Il s’était écarté d’un pas d’Alexis pour rejoindre la fenêtre, contemplant le paysage au dehors. Il ne voyait pas plus loin que son domaine, évidement. Il avait reculé d’un pas, de dépit, pour mieux se tourner vers son si joli reflet. Il détesta. Oh bien sûr, il était toujours beau, mais il était tellement en deçà de son potentiel. Bien qu’il écrasa déjà toute la concurrence… Et pire que ça…. Il hoqueta plaquant vivement sa main sur le haut de son front où se formait un bleu vif Défiguré !!!! Ses yeux cernés le regardèrent brillant farouchement dans un visage qui bien qu’étant le sien, semblait vibrer d’une énergie différente, une énergie plus douceâtre, détestable. Il se força à sourire, pourtant, par défi satisfait néanmoins de voir que toute sa vanité pouvait encore enchanter ses traits lorsqu’il le désirait. Se tournant à nouveau, vers Alexis, il se laissa poser sur le lit, lui tendant la main pour l’inviter à le rejoindre, laissant poser son autre main sur son bleu, pour le masquer.
– « C’est atroce… Aurais-tu de quoi dissimuler cette catastrophe ? » minauda-t-il en soupirant de dépit, avant de poursuivre tandis qu’elle s’asseyait à ses côtés dans un long soupir tragique « Trésor, qu’est-ce que tout ceci ? Il y a des clefs que je ne maîtrise pas. Comment...cette réalité a pu advenir ? Que s’est-il passé pour que tu sois reine, ainsi ? Sans que… »
Sans qu’il ne soit roi. Il n’avait pas besoin de le dire, sa question se criait au-delà de ses yeux dorés. Il savait qu’il ne l’était pas, la discussion avec Emma, aussi remplie d’ennui qu’elle avait pu être l’avait au moins renseigné sur ce détail. Il n’était que Monsieur. Monsieur ! Il ne possédait même aucun titre de noblesse. Il n’était pas même Maître Il n’était RIEN. Cette certitude qui le secouait d’indignation, de rêve de revanche. Il la contenait autant qu’il en voyait le désarroi se peindre sur le visage de sa maîtresse, mais il avait besoin de lui demander :
– « Désires-tu être souveraine ? Réponds-moi franchement. Moi OUI. »
C’était la première fois qu’il l’admettait avec une telle franchise acérée, droit dans ses yeux bleus d’acier, sans aucune parabole, sans aucune faribole. Juste une vérité immense. Il ne disposait pas d’autres moyens pour lui demander ce qu’il désirait. S’il s’agissait de comprendre… Peut-être était-il question de permettre à l’autre de comprendre ce que l’on voulait ? Il poursuivit tranquillement de cette voix douce que la simulation forçait :
– « Qu’est-ce que ce monde ? Est-ce là le monde de tes rêves ? Il ne ressemble pas à ce que tu es... Il est guerrier, froid." Il pouvait se targuer de connaître suffisamment Alexis pour présumer qu'elle n'avait jamais désiré porter le pouvoir, ce rêve de pouvoir c'était le sien. Alors pourquoi ne lui échaupait-il pas? " C'est un rêve où nous sommes mariés. Mais où je ne suis... »
Il ne pouvait pas le dire. Il n’était pas rien, il ne pouvait pas l’être puisqu’il était tout ! Sa main droite avait conservée sa destination initiale, la main de la jeune femme et il observa son visage posément. Elle avait changé dans cette réalité. Cela lui donnait une allure, différente. Séduisante aussi. Son aura semblait différent, proche d’une femme de pouvoir, son visage plus ferme, plus marqué. Mais la vivacité de l’Alexis qu’il connaissait tempérait cette dureté. Comme sa nature tempérait l’espèce d’odieuse bonhomie de ses traits, ses émotions, sa candeur vivaient encore au-delà. Elle ne ressemblait pas à Alexis. Peut-être plus à Enora, mais d’une manière différente que ce qu’il envisageait pour elle. Il voulait une Enora fière oui, avec autant d’élégance que celle qui l’observait. Mais il ne voulait pas pour autant qu’elle changeât. Il ne voulait qu’elle se modifia à sa cause mais restât la même. Et celle qui voyait danser derrière le visage ferme était tout aussi perdue que lui. Et c'était celle-là qu'il connaissait et dont il ne désirait pas perdre le soutien et la compagnie... Il inclina la tête, faisant rencontrer leurs fronts, doucement. Il savait qu’elle apprécierait. Et il faisait de même. Il avait besoin de sentir sa peau contre lui, sentir son désarroi rencontrer le sien, sentir ce qu’il savait : sa détresse tout aussi présente que la sienne. Il était resté un bref instant immobile ainsi, posé. Au-delà de chercher une solution, son esprit accueillait un apaisement, puis sa main s’était levée, glissant jusqu’au menton de sa maîtresse, attirant son visage jusqu’à ses lèvres. Il aurait pu être furieux contre elle. Il ne l’était pas. Il était furieux de la situation, d’un titre qu’on lui avait usurpé, volé, dénié. Il était furieux contre cette simulation, contre ces gouttes d’eau semblables et sottes. Mais contre elle ? Non. Il la sentait peinée, perturbée, aussi effrayée que lui et par-delà toute la situation, à ses côtés. Non. Elle ne voulait pas être reine. Elle détestait tout autant que lui cet endroit. Elle voulait s’en extraire autant que lui Et il sentait au goût de ses lèvres, par la saveur qu’elle dispensait autour, à quel point elle demeurait à ses côtés, non au-dessus, non soumise, mais avec lui. Et tant qu’il possédait cette alliance, à quoi bon porter sa fureur contre celle qui ne désirait rien d’autre que ce qu’elle possédait déjà ? Oh, elle avait voulu cette affection, cette démonstration auprès des enfants ; C’était son rêve, il en était certain. Mais il possédait des contours plus noirs, plus atroces, des sacrifices qu’elle n’avait pu demander. L’absence de l’Erreur en était la marque, ce pouvoir qu’elle semblait exercer, malgré elle. C’était un mélange de rêve et d’effroi, tout comme lui… Mais lui qu’en tirait-il ? Hormis la satisfaction de voir disparaître l’Erreur ? Rien… Rien, c’était pire qu’avant. Plus révoltant que sa condition actuelle ! Sa main glissa sous la nuque de la jeune femme, laissant ses lèvres dévorer les siennes, s’y ressourcer aussi, tirer de sa bouche, la note qui infusait la certitude de sa victoire. Il s’en sortirait. Ils s’en sortiraient. Il glissa un peu, l’entraînant dans sa chute jusqu’au matelas, laissant son épaule gauche heurter avec douceur. Il aurait pu s’en relever tout de suite, mais.. Ce n’était qu’une note de légèreté. De frivolité. Parmi tous ces drames, un zeste d’insouciance ne faisait pas de mal. Il lui sourit un peu, observant son visage délicat proche, un peu exalté, y lisant un embellie neuve.
– « Il y a des choses que j’ai souhaitées qui se sont...réalisées. Mais ce ne semble pas être le but de tout cela. Visiblement cet endroit fait bien moins que nous offrir nos rêves, il les corrompt dans une version pour le moins contestable… Il corrompt dans leurs pires versions des choses. » proféra-t-il sérieusement avant de sourire encore, ses yeux glissants sur elle « Mais aussi insupportable soit cet environnement, au moins nous nous trouvons côte à côte… et j’aime énormément ton apparat. » savourant de s’entendre mesquinement adroit sans la moindre contestation corporelle agressive.
A vrai dire, il en avait besoin. D’une pause. De cette impression de tranquillité lorsqu’ils restaient ainsi. S’il se bornait à la vérité, au moins il lui semblait recouvrer le contrôle de son corps. Aussi, resta un peu, dans cette position curieuse qui lui seyait peu d’ordinaire. Ainsi, il lui semblait retourner ailleurs. Ainsi il pouvait être partout. Dans un lit de son palais, dans une cabine à bord du Titanic, jusqu’à son ancienne chambre au dessus de sa bibliothèque, il étai partout, mais il était là, et il restait lui-même, ce qui était le principal pour un individu tel que lui. Il formait une bulle autour d’eux, faite de draps, tandis qu’elle restait à le contempler.
– « Ne pas railler, ne pas déplorer, ne pas maudire, mais comprendre ! Nous allons comprendre. Il faut que nous comprenions. proféra-t-il promenant un index le long de sa joue « Le plus vite sera le mieux. Examinons avec ce que nous avons. Explorons les lieux. Comme dans un jeu de piste. »
Il l’avait embrassée à nouveau, prenant le temps de faire écouler un long instant de quiétude autour d’eux. Elle-même en avait besoin, face à cette nouvelle épreuve...encore. Puis, ses lèvres s’étaient déssoudées des siennes et il se releva, sautant presque à pieds joints sur le parquet, avant de grimacer sous l’effet de ses genoux. Levant le menton, puisqu’il ne pouvait s’en plaindre s’en risquer de provoquer plus odieuses douleurs, il désigna la tenue d’Alexis demeurée encore à moitié allongée sur le lit, d’un geste désinvolte :
– « Cette tenue te va à ravir… Je préfère tes cheveux bouclés, mais l’ensemble te donne, ma jolie cavalière, un style martial pour le moins réussi. Nous sommes visiblement en guerre néanmoins. Penses-tu savoir contre qui ? En attendant... »
Tout en lui prêtant une oreille des plus attentives, il avait contourné le miroir pour ouvrir grande la penderie qui se dressait derrière, trop heureux de pouvoir trouver…
– « Malheur ! Ciel quel désespoir ! Comment puis-je espérer être présentable vêtu de ces vêtements indigents ! » il avait grimacé difficilement, s’étouffant dans une nouvelle quinte de toux pour pouvoir l’admettre.
Mais COMMENT aurait-il pu rester de marbre ? L’ensemble de l’armoire étalait pourtant une penderie complète à son intention -UNE UNIQUE misérable petite penderie, remplie de chemise de cotons, soie ordinaire, d’une banalité déplorable, LUI qui était né pour revêtir la quintessence de la QUALITE ! Que nenni, il se retrouvait là avec une petite quarantaine de tenues, comment diantre pouvait-il espérer sans sortir, quand on ne possédait même pas de quoi se vêtir une insignifiante petite semaine ? Il aurait pu faire une crise d’apoplexie si son corps n’avait pas risqué de l’en étouffer définitivement. Bien qu’ayant saisi avec horreur quatre chemises qu’il aurait pu jeter dans un colérique dépit, sur le sol, ses bras ne faisaient que les déposer gracieusement sur le lit, avec une indolence cruelle ! AAAAh quelle horreur ! Il tourna la tête vers Alexis, piqué, haussa les épaules :
– « Puisque je n’ai ….trouvé rien qui me sied ce jour dans cette pourtant toute charmante armoire, je pense opter pour ce costume officiel. Il semble être réservé aux grands jours mais… Pour moi, il fera l’affaire… Je… compte sur toi pour me le passer si ce corps ne se laisse pas vêtir comme il se doit. Naïf et modeste père de famille que je suis… »
Il avait rêvetu le costume d’un noir nuit, où seul transperçaient les épaulettes rouges qui desservaient les fils dorés qui couraient le long de ses épaules, chaussé un pantalon plus ajusté et des bottes noires rutilantes qui soulignaient à merveille l’élancement de ses jambes. Oui, il avait décemment plus d’allure ainsi ! Comme un SOUVERAIN partant en guerre. Voilà qui était bien plus révélateur ! « Si jamais tu...ne veux...pas de cette couronne... » Après un moment, il s’abaissa pour ouvrir une boîte où trônaient sûrement les boutons de manchette, tomba avec dépit sur une quantité de foulards féminins, propriété d’Alexis :
– « Dommage tu n’as pas de violet. Je t’en aurais emprunté, avec ta douce permission.. » il fronça les sourcils, observant au creux des soieries un bouton noir, visiblement arraché… Il dénoté de son costume et pourtant il était persuadé de l’avoir déjà vu… Mais où ? Mais oui, évidement ? Se retournant vers Alexis, il lui désigna l’objet d’un ton goguenard :
– « Visiblement l’un de nos deux charmants jumeaux fouille dans tes affaires… Gaspard, si je ne me trompe pas… Sous ses airs effacés.. » persifla-t-il avec de se saisir la gorge « Je les trouve...pour le moins...excentriques ! »
NON PAS EXCENTRIQUES ! AMBIGUS! Mais il ne pouvait pas le dire ! Il ne pouvait pas dévier de son rôle si « parfait »..
– « Sortons-nous ma jolie souveraine ? Pour explorer les contours de ton ô combien divin royaume ? » proposa-t-il tandis que son coude s’avançait de lui-même, proposant son bras à Alexis. « Si évidement, sa gracieuse majesté me fait le privilège d’admettre que ma modeste personne lui tienne compagnie ? »
Il leva les sourcils agacé de ces fariboles excessives. Elles n’avaient de saveur que lorsqu’elles étaient désirées. Sinon...toutes ces obséquiosités prenaient le goût de souffre dans sa bouche. Mais au moins, pouvait-il dire qu’elles venaient facilement. Trop facilement.. Comme un relent sordide de son passé, où il ne possédait aucun corps, aucun impact… Ils quittèrent les lieux pourtant, entreprenaient d’avancer vers le couloir lorsqu’ils croisèrent Ursule sortant visiblement de ses propres quartiers, revêtu d’une veste en soie blanche. Trop tard pour l’éviter, songea Preminger, d’autant que les yeux du jeune garçon s’était directement posé sur lui pour mieux se rembrunir :
– « Mère » s’était-il empressé de saluer de nouveau en se courbant dans une révérence gracieuse bien que martiale avant de se tourner vers lui, le dévisageant de haut en bas.
Un mécontentement profond s’agitait sous le calme de ses yeux, tandis qu’il s’attardait sur le costume qu’il avait revêtu.
– « Papa j’ignorais que.. Tu ne comptais pas escorter, Mère, jusqu’à son conseil ? »
Si la première partie était demeurée polie, le mécontentement sous-jacent que Preminger avait perçu, ternissait l’intégralité de ses propos, gâtant l’apparente connivence qu’il essayait de feindre. Et au regard de la stupéfaction qui gagnait ses traits, accompagnait sa chère épouse et souveraine ne semblait pas faire partie de ses préoccupations quotidiennes.
« Et pourquoi donc, NON, vulgaire petit maraud ? » – « Je ne vais qu’au bon vouloir de Sa Majesté. Tout comme toi… »
Il avait grimacé pour pouvoir l’ajouter, mais quelle pure satisfaction cela était que de le voir pour si peu se décomposer. Ursule avait tourné la tête vers Alexis, adoucissant son ton
– « Mère… N’aviez-vous pas convenu que je vous y accompagnerai ? J’ai préparé un discours… Et Papa… Papa n’y connais, tu n’y connais rien. » Les pupilles bleues du jeune homme avaient vrillées dures « Tout le monde sait bien que tu ne fais que de la figuration ! Ne va pas te ridiculiser et ainsi jeter notre famille en pâture à la risée ! »
L’ancien ministre s’était agité nerveusement, les lèvres clouées. De la figuration LUI ! Alors qu’il avait administré un royaume pendant 10 années aux côtés de sa royale épouse actuelle qui s’était volatilisée au même titre que sa couronne tout cela pour que plus que stagner, il s’enlise ! Mais pour QUI le prenait-on ? Il ne ramperait jamais devant personne. Il refusait de servir sans que cela ne lui profite ! Mettre sa vie au service d’autrui ? Pour rien ? Mais c’était un cauchemar, une insulte à sa personne ! Non. Non, il ne ferait jamais cela… Mais pourtant, ici, il le faisait bien ! Par crainte de la douleur, par force ! S’adoucissant à nouveau, Ursule avait ajouté, comme croyant que ses misérables propos avaient la faculté de le blesser, l’imbécile !
– « Papa, s’il te plaît ! Je sais que tu penses agir pour le mieux, mais le mieux c’est encore quand tu ne fais rien...Je dis ça pour toi... »
Le jeune homme avait les yeux tristes, la mine peinée, la bouche pendante… Mais il n’en pensait pas un mot. Pas un seul. Il s’effrayait et mordait insidieusement pour ne pas perdre le privilège qu’il avait tant espéré avoir. Pour cela, il n’était pas son fils pour rien… Mais il avait des années d’expérience de plus que lui et au-delà de cela, il était bien plus manipulateur qu’autrui. La tromperie ne pouvait le duper. Elle dupait peut-être le père qu’il était dans cet endroit, mais pas Preminger. Preminger était bien trop vaniteux, trop intelligent pour cela. Même s’il mourrait d’envie de donner ne serait-ce qu’une miette de petit aperçu d’une réelle manigance à ce dernier. Pour l’instruire. Mais il ne le pouvait… Se contentait de le fixer, ses épaules s’haussant déjà sous un geste d’impuissance et d’abandon, mais ses yeux dorés demeuraient fixes, mordants. Un éclair les aveugla néanmoins. Gaspard venait de faire son entrée dans les lieux, muni d’un appareil photo.
– « Oh pardon, j’aurais du vous prévenir ! Mais...Vous aviez un magnifique profil ! » proféra-t-il dans un sourire d’excuse… »Regardez... » – « Ce n’est ri... » commençait déjà Erwin dans un geste faussement lassé de la main, tandis que le jumeau les rejoignait
Qui refusait une photographie en hommage à sa beauté ? C’était bien l’un des seuls plaisirs de cet endroit ! Il tendait la main vers l’objectif, lorsque son deuxième duplicat eut un geste de surprise :
– « Oh. Toi aussi tu veux voir ? » marmonna-t-il en baissant la tête.
Ses mains s’étaient crispées sur l’objectif, comme pour le dissimuler, puis à regret, il leva l’appareil devant les yeux tandis qu’Erwin s’impatientait. Etaient-ils tous idiots ? A quoi bon s’embarrasser de lui proposer de vérifier si c’était pour s’embarrasser de ronds de jambes ennuyeux ? Mais il comprit lorsqu’il vit la photographie, tandis que le dépit l’envahissait.
– « Oh… C’est ! Formidable mon garçon, tu as un talent fabuleux pour la saisir » !
Cette dernière phrase bien que de lui ne reflétait pas son état d’esprit, LOIN de là… Comment aurait-il pu ne serait-ce que l’en féliciter ? Il n’apparaissait même pas… L’objectif était centré sur « la souveraine ». Son expression contrariée tandis qu’Ursule et lui discutaient. Eux avaient été, et surtout LUI, soigneusement gommé du paysage… Sans plus se soucier davantage de lui, Gaspard tournait à présent l’appareil vers sa mère, un sourire lumineux picoré par l’anxiété se dessinant sur son visage :
– « Qu’en pensez-vous Mère ? » demanda-t-il, se glissant promptement entre Preminger et Alexis « N’est-ce pas superbe ? Parce que vous l’êtes, évidemment ! J’ai tellement hâte d’entendre votre discours ce soir à la cérémonie !»
Oh que cela était pathétique ! Un regard échangé avec Alexis lui avait tiré un sourire complice. Oui.. Il y avait vraiment de quoi se le demander… : Entre cet adorateur transi à la limite de l’inconfort et l’ambitieux petit roublard qui continuait de le dévisager sous un sourire hypocrite, où donc étaient-ils encore tombés ?
Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »
| Avatar : Kaya Scodelario
Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...
C’était un cauchemar. Un pur cauchemar. J’en avais pourtant vécu des choses, des choses effrayantes, des choses stressantes mais d’aussi loin que le choc me permettait de remonter, rien, absolument RIEN n’avait été aussi cauchemardesque que de voir Erwin se fracasser volontairement le crâne sur le carrelage parce que j’avais souhaité qu’il soit un peu plus aimant et attentionné envers sa famille. Je l’avais entendu lutter contre ses propres mots, hurlant dans ses excès de rage effrayant, et ses genoux qui le projetaient au sol et sa main sur sa gorge, et son crâne sur le sol... J’étais bouleversé et au milieu de toute cette horreur, je ne voyais que mon “fils”, c’est espèce de simulacre de ce que nous aurions pu créer, ressemblant autant à Erwin qu’à moi qui le toisait de toute sa hauteur, une cruauté brillant au fond de ses yeux aussi bleus que les miens. La terreur avait atteint son paroxysme lorsque son front s’était abattu une seconde fois sur le sol. Hurlant sous l’impulsion, je m’étais jetée sur lui pour lui venir en aide, mes genoux au sol glissants jusqu’au sien tandis que j’attrapais ses épaules à pleines mains pour l’aider à se relever.
— Je suis désolée, tellement désolée, je n’ai jamais voulu ça, ce n’était pas ce que je voulais...
Mon corps était pris de tremblements incontrôlables que seuls mes sanglots ponctuaient, mes larmes roulant sur mes joues, dévalant la pente jusqu’au sol meurtrier. Erwin n’avait rien dit de plus, n’avait fait aucun geste pour me repousser, il s’était contenté de se redresser et de m’observer. Il semblait alors que la leçon avait été assimilée : il s’excusa de la plus complète et la plus étrange des façons, une façon qui lui ressemblait dans sa verve mais qui n’avait nullement son âme. Toujours en larmes, mes mains avaient rejoint son visage pour l’encadrer avec douceur tandis que je retirais par de vives caresses les mèches de cheveux qui avaient pu se déposer sur ses pommettes et sur son front, cherchant ainsi à voir les dégâts qu’il s’était infligé.
— Mais qu’est-ce qui t’arrive, mon dieu... qu’est-ce qu’il t’arrive...
Pourtant, le Temps sembla alors figé. Je réalisais qu’il continuait à m’observer, sans rien dire ni faire et qu’un silence plus pesant c’était fait. Tournant la tête vers le monstre de loi qui me servait de fils, je constatais qu’il m’observait avec intensité, tout comme son frère un peu plus en retrait, attendant apparemment que je décide ou non de l’absoudre. Tentant de ravaler mes sanglots, j’avais effacé mes dernières larmes d’un revers de manche en précisant d’une voix forte :
— Vous... tu !
Il m’avait suffi d’un regard en direction d’Ursule pour voir qu’une nouvelle offense s’annonçait. Il ne méritait apparemment pas les marques de respect de vouvoiement qu’ils mettaient tous en place pour moi. C’était absolument insensé. Jamais de ma vie je n’aurai voulu d’une telle chose. Cette idée d’être placée sur une stèle à part, plus haute que celle des autres sous des prétextes dérisoires me donnaient la nausée. Les humains naissaient égaux. Et si ce n’était pas le cas, ils méritaient au moins qu’on change cela pour que ça le devienne. Malgré mes pensées, j’avais pourtant rapidement troqué mon vouvoiement pour un tutoiement avant qu’on ne l’oblige encore à je ne savais quels sévices.
— Tu es pardonné.
Ça avait été presque automatique. Je l’avais vu prendre appui sur ses mains et se relever, tout comme moi, bien que toujours tremblante de l’expérience. Elle me semblait si traumatisante que j’avais l’impression que mes jambes ne me portaient plus. J’avais vu Gaspard tenté un mouvement dans ma direction mais je l’avais ignoré, préférant aller prendre appui sur le meuble de l’entrer, m’y reposant entièrement. De son côté, Erwin avait ouvert ses bras à ses fils et le tableau aurait presque paru beau si je ne le connaissais pas aussi bien, si ça n’avait pas été aussi soudain compte tenu que nous les connaissions depuis 10 minutes et si cela ne se déroulait pas juste après la monstruosité qui l’avait poussé à se punir lui-même sous les yeux des enfants qui n’avaient pas perdu une miette du spectacle. J’étais perdue, si perdue que je sentais cette nausée remonter une fois de plus et je préférai encore me perdre dans mes pensées que d’écouter les idioties qui se déblatteraient en face de moi, sous peine de continuer à prendre conscience d’à quel point Erwin se forçait. Ce n’était pas ça que j’avais souhaité, pas ça du tout. Il était vrai qu’une partie au fond de moi espérait qu’il se révèlerait père avec l’accouchement. Après tout, il avait déjà bien plus accepté que je ne l’avais espéré et je savais que c’était intrinsèquement lié à notre relation qui évoluait et nous faisait grandir au contact l’un de l’autre. Je n’avais jamais eu de père. J’avais eu un géniteur. Mais cet enfant... je lui voulais un père, même si je semblais destinée à reproduire la même erreur que j’avais vécu. Je l’avais fait en mon âme et conscience pourtant, bien que forcée par le destin. Je n’avais pas désiré tomber enceinte, je l’avais été voilà tout. D’un homme qui se refusait à autre chose. Est-ce qu’il en avait été de même de ma mère ? Ou m’avait-elle désiré ? J’avais tant entendu sur cette histoire, les anecdotes suivantes démentant les précédentes. Au final je ne savais plus si ma mère m’avait désiré avant de m’avoir ou si j’avais été créé et que l’amour était venu. Et voilà quelques années après, inconsciemment et pourtant en ayant sciemment conscience de mes volontés, que le schéma se répétait. Et pourtant... je voulais plus. Bien plus. C’était un trait que nous avions en commun avec Erwin. Nous ne nous battions pas pour les mêmes choses et pourtant, nous avions cette même gourmandise de parvenir à nos fins, cette même ambition. J’aurai tellement voulu qu’il s’éveille à ma grossesse, qu’il s’éveille aux yeux de notre fils lorsqu’il les ouvrirait pour la première fois, à ses premiers cris, ses premiers mots. Je l’espérai si fort au fond de moi, tout en ne voulant rien forcé que j’avais fini par le souhaiter, ici et maintenant, après avoir vu énième dégoût, un énième rejet, une énième indifférence.
Pourtant, le portrait que j’avais en face de moi était à l’opposé avec tout ce que je désirais. Ces mensonges et ces faux-semblants, tout cela semblait tellement monté de toute pièce que j’avais la curieuse impression d’être victime d’une télé-réalité, comme au centre d’un Truman Show horrifique. Un mouvement m’avait alors sorti de ma rêverie, voyant Erwin avancer vers moi et les jumeaux s’éloigner pour retourner sans aucun doute dans leur chambre. Un peu hagarde, j’avais cligné des yeux avant de me redresser, tentant de reprendre le cours de cette vie stupide et irréel en suivant notamment Erwin qui s’était à son tour diriger vers l’étage. J’avais pris le soin d’observer les différentes pièces ou du moins ce que j’en voyais car de nombreuses portes étaient closes. L'endroit était spacieux, décoré avec goût mais avec une certaine épuration qui rappelait un peu cette royauté militaire qui me mettait mal à l’aise. J'avais constaté que les enfants avaient chacun leur chambre et je manquais alors de rentrer dans une jeune femme rousse qui était brusquement apparue devant moi. J’observais son regard fuyant et sa révérence tandis que mon incroyable petit mari prenait le parti de commencer une conversation avec... Emma. Je l’observais alors avec une telle intensité qu’elle ne pouvait ne pas le voir du coin de l’œil. J’avais d’ailleurs vu ses joues rosirent légèrement tandis qu’elle continuait à parler avec Erwin de son père apparemment blessé. Je connaissais cette fille. Je l’avais déjà vue. Après quelques secondes, j’avais alors refait le lien, sentant mes entrailles se tordre au fond de moi et mon cœur louper un ou deux battements. C’était la servante. La servante qui s’occupait de moi au palais, dans ce rêve qu’Elliot nous avait offert dans son laser game, ce rêve d’un futur plus ou moins réel, plus ou moins appréciable. C’était elle, j’en étais sûre. J’en étais tellement sûre que j’avais fait un pas en avant dans sa direction pour l’observer un peu plus, un peu malgré moi et qu’elle s’en était raidit comme si elle craignait un quelconque geste de ma part.
— Tout va bien Emma, mes excuses je... c’est une nouvelle coupe que vous avez là ?
— Oui Majesté, j’ai... j’ai légèrement fait raccourcir.
Elle me souriait timidement en trifouillant ses boucles rousses avec une gêne palpable. Je n’avais dit cela que pour détourner son attention de ma réaction étrange mais je semblais l’avoir mis encore plus au supplice. Décidant d’y mettre fin par pitié, je lui souriais sympathiquement :
— C’est très joli, très réussi !
— Merci, Majesté.
Après une ultime révérence, elle nous avait laissé et tandis que je renfermais la porte derrière nous, Erwin traduisait toute ma pensée : enfin seuls. J’avais senti mon corps me lâcher instantanément, reprenant ses tremblements incontrôlables tandis que les yeux d’Erwin se posaient sur le miroir le plus proche. A ma grande surprise pourtant, il ne s’y dirigea pas, se contentant de détourner le regard pour m’observer. Il m’assurait que tout allait bien. Non rien n’allait bien au contraire ! Il venait de se fracasser le crâne au sol à plusieurs reprise parce qu’il avait eu l’affront de m’appeler Alexis, nos enfants semblaient être des psychopathes en puissance qui n’avaient pas même été choqués de la punition, j’étais plate comme limande et je ne parlais absolument pas de mes seins... QU’EST-CE QUI ALLAIT BIEN SELON LUI ?! J’avais envie d’exploser de rage, de le lui hurler ma question et pourtant je n’en fis rien, réalisant qu’il n’y était pour rien, cherchant juste à se montrer rassurant, sa voix étant le témoin de cette action. J’étais brusquement si explosif, entre les jumeaux et maintenant lui... J’avais l’impression que ma situation hormonale de femme enceinte n’avait pas diminué et pourtant, IL n’était plus là... De son côté Erwin s’enquérait de la façon dont il devait m’appeler, de cette même manière qu’il avait tout déclamé jusque maintenant : calme, bonhomie et déférence et je sentais poindre en moi une nouvelle envie de hurler contre le monde entier.
— Non pas que je n’aime pas me référer à toi, comme ma Reine...
Je n’avais pas pu m’en empêcher, ce n’était tellement pas lui que je l’avais toisé froidement, haussant un sourcil inquisiteur. J’aurai voulu qu’il prenne un vrai plaisir à se référer à moi ainsi, mais pas parce que je souhaitais cette pantomime ridicule, simplement parce qu’il se voulait Roi et que j’espérai au fond de moi, qu’un jour, plus que sa maîtresse, nous soyons véritablement ensemble. Peu importait le titre d’ailleurs, mais puisque pour lui c’était important.
— Je préférerai juste éviter tout incident diplomatique de ce genre, que je déplore taaant, les enfants ont été si choqués !
S’en était trop, j’avais éclaté en sanglot, mais pas de tristesse mais de rage, un râle colérique s’échappant de ma gorge tandis que je prenais ma tête dans mes mains, m’en arrachant presque les cheveux. J'avais fait quelques pas comme pour me vider de cette énergie néfaste qui montait en moi avant de me tourner vivement vers lui :
— Es-tu encore seulement là ?! Ou je suis toute seule dans ce truc ?! Dis-moi que c’est toi, par pitié ! D’une façon ou d’une autre, montre-moi que derrière cette guimauve pleine de mensonges tu es encore là... TOI...
Nous n’étions qu’à un mètre de distance maintenant et j’avais plus clairement voir passer dans ses yeux un instant de rage salvateur qui me donnait la réponse à mon désespoir : je n’étais pas seule. Il était différent, mais il était toujours là. Et lui m’assurait que notre fils l’était également. J’avais frémi en sentant sa main se poser sur mon ventre, ce geste pourtant si simple, il ne l’avait plus fait depuis tellement longtemps que j’avais l’impression qu’il le faisait pour la première fois. Fermant les yeux douloureusement avec l’espoir qu’il disait vrai à propos d’Isaac, j’avais alors posé ma main sur la sienne, savourant ce contact retrouvé, regrettant pourtant que mon fils ne puisse pas le sentir également. Accentuant encore plus sa pleine conscience de la situation, il m’avait avoué ne plus avoir de prise sur son corps et n’avait pas non plus manqué de constater mon rôle dans ce foutu royaume à la con. Je ne pus m’empêcher de lever un court instant les yeux au ciel, atterrée de voir à quel point il y portait un intérêt alors qu’il y avait à mon sens tellement plus grave présentement. Il avait proposé de s’asseoir et je l’avais fait avec une certaine vigueur, ne pouvait qu’approuver son besoin … et son envie. De son côté pourtant, il avait trainé, d’abord près de la fenêtre puis près du miroir et je l’avais observé dans chacun de ses gestes avant qu’il ne s’asseye enfin, tendant la main pour que je me rapproche de lui, ce que je fis.
— C’est atroce… Aurais-tu de quoi dissimuler cette catastrophe ?
— Non mais t’es sérieux là ? Tu me demande du fond de teint ? C’est bien plus d’un médecin que tu as besoin, bougonnais-je tout en posant à mon tour mes mains sur son visage, écartant quelques mèches noires pour mieux observer l’hématome qui se former en prenant garde de ne pas le blesser. Il doit bien y en avoir au moins un, dans ce foutu patelin. Je demanderai à Emma tout à l’heure, il faut qu’on t’examine, pas que ce soit dangereux.
Voyant l’éclat dans ses yeux, je levais une fois de plus les yeux au ciel en soupirant :
— Et APRES, si on est sûr que ce n’est rien de grave, je te promets qu’on te trouvera de quoi dissimuler ça.
Il semblait plutôt partant pour l’idée puisqu’il avait directement enchaîné sur les premières questions qui nous avaient emmenés dans ce monde.
— Trésor, qu’est-ce que tout ceci ? Il y a des clefs que je ne maîtrise pas. Comment...cette réalité a pu advenir ? Que s’est-il passé pour que tu sois reine, ainsi ? Sans que…
— Non mais parce que tu crois que je maîtrise un truc là ? J’ai vraiment l’air de savoir ce que s’est passé pour que...
— Désires-tu être souveraine ? Réponds-moi franchement. Moi OUI.
— NON.
Mon “non” et son “oui” s’étaient croisés, entremêlant nos voix autant que nos destins s’étaient mêlés. J’avais toujours aspiré à une petite vie tranquille, heureuse et amoureuse, entourée de ma famille, de mes amis, de celui que j’aimais. Il avait toujours rêvé de couronne, de pouvoir et de la solitude qui venait avec tout ça et à nous deux, on tentait tant bien que mal, à la manière d’équilibristes, d’allier nos désirs pour que tout ce que nous voulions marche ensemble. J’avais humidifié et pincé mes lèvres de colère, tentant de maîtriser mon énervement qui ne me quittait plus tout en expirant pour faire redescendre la pression. Avec douceur, j’avais remonté ma main le long de sa joue tout en reprenant plus calmement.
— Je SAIS Erwin que tu désires être souverain. Je SAIS que tu désires ça plus que tout au monde tellement même que...
… que je me demande si tu l’as vraiment été un jour. Je l’avais pensé, mais je ne l’avais pas dit, me contenant de soupirer une nouvelle fois en détournant le regard. Il avait cette envie vorace de sa couronne et de diriger comme si c’était quelque chose qu’on lui avait retiré bien trop vite pour qu’il ne se rende compte de ce que tout impliquait : le poids des responsabilités, les trahisons, les instigateurs autour de lui, l’absence de vie privée... Ce n’était d’ailleurs peut-être pas des choses qui le dérangeaient ou l’attiraient pour certains points mais sa façon d’exulter lors du laser game m’avait donné l’impression de plus... il n’avait pas l’air de retrouver la couronne, il avait l’air d’exulter enfin. Et en cet instant, c’était pour lui sans aucun doute la pire des tortures : lui qui l’avait toujours voulu, lui qui était tellement plus légitime que moi de par son mariage et son lieu de provenance, il se retrouvait relégué au second rang, à m’observer dans ce rôle sans pouvoir même s’en approcher. De mon côté, c’était l’exact opposé : cette idée que tout reposait constamment sur moi, que tous m’observaient quand je ne faisais que chercher la paix et la solitude me donnait la nausée, c’était si terrible de voir tout cela et de le vivre seule avec pour seul refrain “mais pourquoi moi ?!”. L’observant de nouveau, j’avais inspiré profondément avant de reprendre de plus belle :
— Ca n’a jamais été un truc que j’ai souhaité et ce n’est pas aujourd’hui que ça va commencer. J’ai envie de changer le monde mais pas comme ça... j’ai pas... bref, non je ne veux pas être souveraine, je suis juste en train de paniquer depuis qu’on a franchi cette porte, tout ce que je dis est parole d’évangile, ça me terrorise, tu le vois pas ou quoi ?!
Bien sûr que non il ne le voyait pas, bien trop concentré à ruminer sur ce que lui n’avait pas... tandis que moi j’étais bien trop occupée à ruminer sur ce que moi je ne voulais pas... on... ne... s’écoutait... pas. Pour comprendre... il faut vivre. Et Vivre... c’était aussi écouter. Nous étions venus ensemble... pour s’écouter l’un l’autre. Mon souffle était presque devenu court sur l’impact de la réflexion. Mes lèvres étaient restées entrouvertes un instant, tandis que mes yeux avaient dérivés, pensifs, avant de se replonger dans l’ambroisie des siens. Lentement, j’avais alors précisé :
— Si je suis Reine Erwin... c’est parce que ça nous fait tous les deux souffrir. Il faut que tu écoutes ce que je te dis, c’est très important. Pour comprendre, il faut vivre... et il faut s’écouter. J’essaye de comprendre pourquoi tu as à ce point envie d’être Roi depuis que je te connais. Et je te promets que je fais des efforts pour me dire que ça a un sens et que c’est quelque chose de normal ou de sain... mais ça ne l’est pas pour moi. Peut-être... peut-être qu’on nous a inversé les rôles pour que je comprenne à quel point ça te donne envie et pourquoi je dois t’épauler là-dedans et toi... toi tu dois pouvoir comprendre que j’en ai moins envie mais que... c’est pas parce que j’en ai moins envie que je dois être insignifiante comme tu l’es là... ou je sais pas... je dis pas que c’est ce que tu me fais, je tente juste de comprendre ton rôle là...
J’étais un peu perdue. Je n’étais pas certaine que tout mon raisonnement tenait la route mais c’était la seule piste que j’avais pour le moment. De son côté, Erwin s’enfonçait un peu plus dans ses questionnements :
— Qu’est-ce que ce monde ? Est-ce là le monde de tes rêves ? Il ne ressemble pas à ce que tu es... Il est guerrier, froid.
Une fois de plus, j’avais détourné le regard, déglutissant. Pour ce point au moins, j’avais quelques réponses que je pensais plus vraies sans avoir trop besoin de les vérifier et cela se retrouvait curieusement lié à la première question qu’il m’avait posée et pour laquelle je ne lui avais pas encore apporté de réponse. Il était revenu sur cette idée qui le détruisait tant : il n’était pas Roi. Je régnais seule et lui n’avait rien. J'avais serré les dents sans pour autant dire quoi que ce soit et j’avais alors senti sa main s’insinuer sous mon menton, comme elle le faisait très souvent, tandis que sa main me forçait à plonger de nouveau mes yeux dans les siens. Il était loin le temps où il me l’ordonnait avec des mots. Il n’avait pourtant jamais cessé de me le demander, encore et encore, mais ce n’était plus que par des gestes tant ma collaboration était rapide. Je ne le fuyais plus, ni de peur ni de dégoût, je me soustrayais seulement à son inquisition quelques minutes quand elle devenait trop puissante. Alors, comme pour m’apaiser, ses lèvres étaient venues se poser sur les miennes et ce que j’avais craint n’était jamais venu. Aucune fausse douceur ou faux semblait, aucune mièvrerie. C’était bien lui et ses baisers, parce que nos sentiments l’un pour l’autre l’envie qui naissait au creux de nos ventres ne souffrait d’aucun mensonge. Ils étaient aussi vrais qu’ils étaient fous et déraisonnés et cette constatation me poussa à évacuer un léger gémissement d’aise à même ses lèvres. Mes mains étaient venues embrasser son corps tandis que sa bouche embrasait la mienne, avec douceur cependant, sans aucune volonté lascive et déplacée. Nous étions simplement en train de nous ressourcer, parce que nous en avions besoin l’un comme l’autre, de nous retrouver, de nous apaiser mutuellement après l’enfer de la situation que nous avions vécue. J’avais senti mon corps basculé sur le lit à la suite du sien, mon épaule rencontrant alors le moelleux du matelas et nous étions restés ainsi un moment, l’un face à l’autre, à nous repaitre de ce qui nous liait, nous embrassant, mes mains prodiguant de légère caresser sur son dos et sa nuque tandis que mon corps se rapprochait du sien pour y trouver une étreinte. Au bout d’un moment, nos lèvres s’étaient presque détachées suspendues les unes aux autres et un silence s’était fait, comme le besoin pressent de ressource et de sérénité. J’en avais d’ailleurs profité pour fermer un instant les yeux avant qu’il n’impulse un mouvement. Il avait raison, rien ne servait de paresser, nous devions avancer.
Il revenait à parler de ma tenue une nouvelle fois, ce qu’il avait déjà fait précédemment dans notre moment de quiétude et j’avais accueilli son compliment avec du silence et une amertume qui ne s’était manifesté que par déglutition. Il ne semblait d’ailleurs pas s’en être rendu compte puisqu’il revenait encore une fois à la charge sur ce point, moins pour tenter de me faire cracher le morceau que pour appuyer son contentement dans la vision qui se profiler devant lui.
— Je suis ravie qu’elle te plaise parce que moi je la déteste.
Cette fois, ma voix avait tranché dans le vif sans laisser de doute possible. Toujours allongée, je l’avais lissée d’une main rugueuse avant de me redresser à mon tour pour m’observer une nouvelle fois dans le miroir, un regard noir pour mon reflet. Je soupirais alors, me rendant à l’évidence qu’il faudrait bien un jour tout lui dire de notre situation. Il s’était alors mit à fouiller dans l’armoire et cela m’avait permis d’enchaîner à mon aise, me dissimulant à sa vue et en faisant quelques enjambées nerveuses dans la chambre. Maintenant qu’il me laissait en placer une, il était temps de répondre à son flot incessant de paroles.
— Il y a tellement de choses à dire que je ne sais pas où commencer avec toutes tes questions... Déjà je voudrai revenir à ce que tu m’as demandé tout à l’heure... est-ce que tu m’as demandé si je voulais être souveraine à cause de ce que j’ai dit en bas ? Quand je t’ai dit que ce n’était pas ce que je voulais ? Parce que ce n’est pas le cas. Je... je crois que j’ai fait un truc tout à l’heure sans le vouloir. Je pensais que c’était juste une phrase marketing moi leur truc de réaliser les rêves, je pensais pas que ça serait vraiment le cas ! Mais...
Je m’étais mise à tortiller mes mains nerveusement en ne l’observant toujours pas, continuant ma marche.
— … Tout à l’heure quand on est arrivé sur l’île j’ai... j’ai fait un vœu. Enfin non ! Pas un vœu, c’était plus un soupir interne, c’était pas un truc que je souhaitais vraiment c’était juste... comme ça... sur le coup ! On en fait tous des trucs comme ça, bordel, c’est pas pour autant qu’il faut tout prendre au pied de la lettre et punir les gens !
J’avais énoncé ces phrases rageusement, non pas en colère contre Erwin, juste en colère envers ce mauvais double du Colonel Sanders qui nous avait accueilli sur l’île. Il était forcément responsable, c’était lui qui m’avait donné la clé, après tout. Je tournais alors complétement dos à Erwin, préférant dire la suite face à la porte close en face de moi que de l’affronter.
— Je... Tu... Tu fais semblant d’être un père attentionné quand ça t’arrange alors que tu ne l’es jamais en réalité. Je ne te le reproche pas, je t’avais dit que j’étais prête à accepter ce que tu me donnerais et c’est toujours le cas... mais du coup quand tu fais semblant d’être un autre, plus... préventif qu’en vérité, ça me fait mal parfois. Tu l’as fait hier avec le stewart du bateau quand il est venu chercher mes bagages même si je pense que tu voulais vraiment m’aider... Mais tu l’as aussi fait avec le type de l’Île... tu te fichais de savoir comment ma grossesse avait vécu cette espèce de naufrage mais ça ne t’a pas empêché de l’utiliser en argument comme si c’était de la plus grande importance pour toi et...
Mes mains s’étaient posées sur mon ventre désormais plat et le touchait avec une certaine tendresse et une certaine nervosité également.
— Et... j’ai souhaité que tu sois capable de devenir un véritable compagnon aimant et un père de famille... je voulais juste qu’on devienne une vraie famille...
Je m’étais tournée vers lui, le visage sincèrement désolé.
— Je voulais pas que tu deviennes... ça ! Pas cet espèce de truc insipide et menteur juste... qu’un jour tu puisses véritablement t’inquiéter de ce que tu dis parfois t’inquiéter... c’est tout. Je ne te l’aurai jamais demandé en vrai, parce que je SAIS que c’est pas toi, je sais que...
Je sais que tu es incapable d’aimer. C’était ce qui me brûlait la gorge, faisant couler deux larmes sur mes joues par anticipation. Mais je ne pouvais pas me résoudre à le dire car je sentais au fond de moi que ce que je disais n’était pas juste pour autant. Il ne m’avait jamais dit je t’aime, il ne me regardait pas comme il se regardait lui-même et pourtant je savais qu’il tenait à moi. C’était tellement injuste de balayer ce qu’il instauré tellement en prononçant cette phrase. Et c’était injuste de lui demander d’aimer un être alors que j’avais promis que j’accepterai que ce ne soit jamais le cas.
— Enfin bref.
J’avais collé mon poing contre mon front, complétement dépassée par ce que je venais de te dire et qui devait sortir quand même. Je m’étais alors rendu compte qu’il s’était stoppé dans son mouvement, une main toujours entre deux vêtements et qu’il me dévisageait. Il n’avait pas l’air de m’en vouloir, plus d’avoir ce regard grave des jours où nous devions discuter, nous confronter aussi parfois mais toujours dans le calme et le respect que nous avions pu nous instaurer. A peine mon regard avait-il croisé le sien pourtant, que j’avais regretté toute ma franchise. Ce n’était certainement pas le lieu ni le moment de parler de cela, ce souhait était quelque chose de plus profond, qui ne se règlerait pas immédiatement et si c’était mon souhait qui nous avait mis là, alors il était évident qu’il ne se comblerait pas en une discussion. Voyant son envie de me répondre, j’avais écrasé mes larmes sur mes joues, les faisant disparaître pour reprendre vivement :
— Non non ! Ne réponds pas, s’il te plaît, pas maintenant ! Ce n’est pas une bonne idée, c’est ma faute, excuse-moi, je voulais juste... je voulais juste être sincère avec toi et que tu saches aussi pourquoi on en est là. Après tout, je suppose que ça fait partie des choses qu’on doit comprendre toi et moi et en parler maintenant ne résoudrait sûrement rien. Allons au bout, essayons de nous en sortir et après je te promets qu’on en parlera autant que tu veux, mais restons concentrés, tu veux bien ?
Comme pour marquer son accord avec ma demande, il s’était contenté de se tourner une nouvelle fois vers sa garde-robe pour se lamenter de la pauvresse de celle-ci. Cela lui avait valu une nouvelle punition, définie sous une quinte de toux qui m’avait fait amorcer un mouvement vers lui pour lui venir en aide mais il s’en était sorti tout seul, me demandant de l’aider si son corps ne se laissait pas revêtir de la meilleure des façons. Puisqu’il tentait de parler sur un ton badin, faisant l’effort d’avancer comme je le lui avais demandé, j’en avais tenté de même, l’humour pourtant encore un peu timide :
— Promis, je t’aiderai à t’habiller... même si j’ai nettement plus l’habitude de t’aider au contraire...
J’avais eu un léger sourire en coin, soulignant ma malice bien qu’avec gêne. Sa dernière phrase concernant le naïf et modeste père de famille qu’il était avait été annoncé avec une certaine acidité et je n’avais pas envie de le courroucer davantage. Il parvint cependant à se changer et je le laissais faire, sagement, assise sur le lit à l’attendre. Je n’avais aucune attention de me changer, je ne prêtais aucune attention à cette apparence qui était tout sauf la mienne. Je m’étais contenté d’hausser un nouveau sourcil inquisiteur, les lèvres légèrement moqueuses lorsqu’il avait souligné une fois de plus, tout en se mirant dans son costume flambant neuf, qu’il était disposé à me délester du lourd fardeau de la couronne qui je le désirai. Je le savais plus que sérieux mais je n’avais même pas daigné y répondre outre mesure tant la situation m’amuser. Il avait mangé de s’éclater le crâne sur le sol, nous étions dans une espèce de cauchemar qui n’avait ni queue ni tête et qui ne convenait à aucun de nous au point que nous n’aspirions qu’à sortir et il ne perdait pourtant pas l’occasion de ravir la moindre couronne que ce soit. C’était un trait de sa personnalité qui ne transparaissait que depuis peu, depuis ce voyage à vrai dire. Il n’avait jusqu’alors jamais montrer une telle avidité face au pouvoir ou, tout du moins, pas aussi frontalement. Il s’était modestement présenté à moi comme ancien Roi dans son bureau, avant de me préciser qu’il n’avait accepté le mariage que par bonté d’âme dans le futur, avant de se délecter de son rôle de ministre dans le monde d’Harry Potter et que ses yeux ne brillent de plus en plus au souvenir de sa couronne de Décembre. L’éclat le plus puissant et pourtant le plus fugace avait été le jour où je lui avais annoncé ma naissance, dans la cuisine de ce manoir grotesque qu’il nous destinait. Je lui avais supposé avec force qu’il était bien plus demandeur de la couronne qui ne me l’avait jamais dit et son regard avait tout avoué, bien qu’il n’en eût pas dit un mot. Aujourd’hui pourtant... C’était fou qu’un homme qui désirait à ce point la couronne ait comme par magie vécu dans un royaume en ruine où il était suffisamment riche pour se proposer en potentiel roi – car il ne faisait plus aucun doute pour moi que la reine l’avait moins choisi qu’il s’était avancé - et qu’il était de surcroît le meilleur parti... ou le seul parti. Cette pensée me créa une sensation désagréable au creux du ventre et je décidais de la chasser tandis qu’il s’était mis à fouiller dans un coffret qui semblait remplis de foulard... mes foulards.
Il s’était alors tourné vers moi pour me montrer un petit objet noir dans sa main avec un air goguenard. Je me contentais de le fixer d’un air interrogateur avant qu’il ne m’explique ce que c’était : Gaspard fouillait dans mes affaires. La nouvelle m’avait fait bondir sur mes deux jambes pour m’approcher de l’objet et comprendre ce qui lui faisait dire cela. J’observais alors le bouton en le récupérant entre mes doigts, me souvenant alors avoir remarqué qu’il lui manquait effectivement un bouton. Qu’est qu’il avait pu faire pour que celui-ci se détache de son gilet et se pose dans la boîte ? Rien que la question m’avait arraché un frisson incontrôlable. J'allais trop loin. Beaucoup trop loin. Pourtant, le sourire d’Erwin et son dernier sous-entendu supposait qu’il pensait supposément la même chose. J’en avais vu de ces films d’horreur où le fils avait un penchant un peu trop prononcé pour sa mère. Ca me donnait tellement la nausée que je refusais d’y croire.
— Il fouille peut-être dans mes affaires parce qu’il aime les foulards ? Après tout, y’a deux secondes tu voulais m’en prendre un alors... peut-être qu’il a ton penchant pour ce genre d’accessoire ? Et que cette société rigide le refuse ? Il suffit de voir comment on est habillés... et eux... Ils ont 17 ans et ils sont fringués pareil...
Je l’avais dit d’un air morose tout en plongeant le bouton dans la poche de mon long manteau. J’avais refermé et reposé la boîte d’un coup sec.
— Sortons-nous ma jolie souveraine ? Pour explorer les contours de ton ô combien divin royaume ? Si évidement, sa gracieuse majesté me fait le privilège d’admettre que ma modeste personne lui tienne compagnie ?
Il m’avait tendu son bras pour que je le saisisse mais c’était son air qui m’avait fait glousser. Il semblait lui-même atterré de ce qu’il était en train de me dire et je devais dire que je ne pouvais que le comprendre. Posant mes mains de chaque côté de son cou pour remettre son col avec tendresse, je lui avais précisé :
— Je sens que ça va vite me soûler toutes ces minauderies... Aaaah attends... oui ça y est, ça me soule.
J'avais eu un léger rire, le regard plein d’excuse pour cette situation que j’avais engendré malgré moi, avant de me hisser sur la pointe des pieds pour déposer un léger baiser sur ses lèvres, bien plus en signe de soutien et de tendresse que par excès de passion. Il avait alors amorcé un mouvement vers la sortie mais je l’avais stoppé de ma paume sur son torse, hésitant, à la recherche de mes mots.
— Enora. Je pense que tu peux m’appeler Enora... qu’elle... te l’aurai autorisé.
J’avais lentement relevé les yeux vers lui pour l’observer :
— Si je déteste ma tenue c’est parce que je sais ce qu’elle représente... je... je crois que tu as raison quand tu dis que ce monde “corrompt ce qu’on souhaite dans la pire version des choses”. Ce que tu vois là, c’est ce que je ne veux pas devenir mais... qu’un futur m’a vu devenir. Celui que j’ai vu avec toi n’est... pas le seul que je connais. Celui-ci, je ne l’ai pas vu moi, mais on me l’a raconté. Notamment Athéna, la déesse avec qui je m’entraîne, tu te rappelles ? Je ne sais pas trop comment tout ça s’est passé mais ils ont fini dans un futur proche du Ragnarok... Un futur dans lequel Storybrooke avait été dévasté. Ils n’ont pas su me dire à quelle guerre nous étions mais ils ont pu me décrire assez bien la situation. Plus rien. La mort partout. J’étais la dernière survivante dans la ville et... je refusais qu’ils m’appellent Alexis. Je leur ai expliqué que j’étais partie de la ville à mes 21 ans pour ne jamais y revenir, que j’avais fait mes classes auprès de ma véritable Famille. Je sais aujourd’hui que cette famille c’était... enfin... ça a un lien avec ce que nous avons vécu à Paris. C’est un peu compliqué, je sais mais ils leur ont semblé que j’avais créé une armée avec eux. Et... Je sais pas ce que vaut ce futur aujourd’hui dans la mesure où à l’époque, quand ils m’ont raconté ça c’était ce qu’ils appelaient une “déesse magique”.
J’avais créé des guillemets avec mes doigts, tentant d’être concise et compréhensible dans mes explications sans vraiment avoir l’impression de l’être.
— Je ne sais pas si tu avais entendu parler de nous, on a été au cœur de nombreuses destructions à Storybrooke et à un moment on a poussé comme des champignons, bref. On était censé être les “reines d’Elliot”, capable de l’aider dans son œuvre du Ragnarok et chacune représentait un élément. A la fin, nous devions être 5. Il y a d’abord eu l’eau... puis le feu... et la Foudre.
Je lui montrais mes mains avec une moue peu convaincue et gênée.
— Dans ce Futur, Enora leur a expliqué que les premières étaient mortes. J’avais absorbé je sais pas comment leur pouvoir, combinant donc l’eau, le feu et la foudre. Chronos me cherchait. J’étais apparemment la suivante sur la liste et... je vivais seule et recluse dans les cendres de Storybrooke. J’attendais mon heure.
Sentant que son regard était devenu ton intense, je m’étais détachée de lui pour le contourner et avancer dans la pièce.
— Apparemment dans ce futur, Olympe m’a sauvé in extremis pendant qu’un cavalier de Chronos, l’un de ses plus fidèle soldat venait me chercher. Ils... ils m’ont dit que j’étais allée plus loin que n’importe quel autre car sur le champ de bataille, j’avais... j’avais failli achever Chronos. Et on m’en avait empêché au dernier moment.
Je m’étais approché du miroir, la gorge serrée, levant une main tremblante jusqu’à une partie de mon visage, sentant que ce que redoutais depuis plusieurs minutes à présents. Mes doigts ne rencontrèrent jamais ma joue et mes yeux se fermèrent pour accuser le choc, déglutissant.
— Mon pouvoir m’est revenu dessus, comme un retour de flamme et... ça m’a brûlé la moitié du visage. C’est... c’est une prothèse.
Je m’étais tourné vers lui, la gorge serrée, tout en montrant vaguement une partie de mon visage.
— Je refuse de voir ce qu’il y a en dessous.
Maintenant que je l’avais dit, il semblait qu’elle se voyait un peu plus, quoi que superbement dissimulée. Comme si l’avoir avoué nous l’avait rendue visible, à l’un et l’autre.
— J’ai jamais eu peur de ce futur, j’y ai jamais cru... Je... je m’en fichais pour être honnête, surtout quand les déesses magiques ont disparu. Il n’y avait plus aucune raison de croire que c’était possible surtout que je n’ai jamais quitté Storybrooke à 21 ans. Je refusais de croire que j’avais pu faire une chose pareille à Elliot aussi. Mais... depuis quelques temps, ça... ça m’effraie différemment. Et... je crois que ça re transparait alors.
J’avais eu un sourire triste, une larme coulant sur ma joue tandis que j’haussais les épaules pour lui signifier que ce n’était rien. Je refusais de le regarder véritablement. Lui qui portait tant d’attention au physique, je refusais de voir le dégoût dans ses yeux, encore plus s’il était gommé par son obligation de bienséance. Quant au reste, à l’explication qui faisait que cette peur rejaillissait brusquement... c’était bien trop pour moi, pour que je trouve le courage d’en parler à présent. Inspirant profondément, retirant les larmes du coin de mes yeux, je m’étais dirigé vers Erwin d’un pas décidé :
— On y va. Allons en découdre avec cette connerie et rentrons à la maison.
Le visage fermé j’étais revenue à ses côtés pour ouvrir la porte avec énergie tout en prenant son bras. Il n’avait pas fallu plus de quelques secondes pour que les “Tweedle Die et Tweedle Dum” rappliquent, à commencer par Ursule, vivement prêt à en découdre avec son père. Si Erwin était resté très respectueux, on ne pouvait pas en dire du même du monstre qui nous servait de fils et qui n’hésitais pas à malmener et descendre son père en flèche sans aucun scrupule. Ce gamin me dérangeait franchement. Il avait quelque chose dans le regard qui m’inquiétait, quelque chose que je n’avais jusqu’alors vu que trop fugacement chez Erwin mais qui était persistant chez lui malgré tout le larmoyant qu’il s’acharnait à mettre dans son plaidoyer. Au moment où j’avais ouvert la bouche pour venir à son secours, je m’étais fait alors prendre de court par un flash qui était venu me brûler la rétine. Clignant des yeux, hagarde, j’avais tourné la tête en direction du crépitement pour entendre la voix de Gaspard qui s’excusait de son geste, tout en montrant fièrement la photo à son père... Enfin... “fièrement” n’était pas le mot adéquate. Tandis que je peinais à recouvrir la vue, j’avais entendu toute la déception dans la voix du jeune homme quant au faut que son père veuille apparemment voir ce qu’il venait de saisir. Les points blancs s’atténuant, j’avais vu observer Gaspard s’immiscer entre nous deux, nous détachant l’un de l’autre pour me montrer son appareil et la photo qu’il avait prise. J’étais absolument quelconque sur ce truc... C’était même clairement pas mon meilleur profil. Instantanément, je m’étais détestée, ne supportant pas de voir ce que je dégageait de manière générale, ayant toujours honte de voir ce que les autres voyait de moi, extérieurement, alors que j’espérais tant être à la hauteur, intérieurement. Pourtant Gaspard observait l’image, les yeux brillants, les baladant de mon profil à mon véritable pour guetter ma réaction. Il me faisait un peu penser à Rose dans sa dévotion mais la petite n’avait que 4 ans, un âge normal pour agir de la sorte. Lui en avant 17... pourtant, je ne me sentais pas de lui briser le cœur. Me forçant à sourire après avoir dégluti, je précisais :
— Très réussi, mon chéri.
— Merci, Mère.
Il avait littéralement ronronné de bonheur, ses joues rosissant légèrement à l’entente du surnom affectueux. Tentant de reprendre mon sérieux, je les dévisageais l’un après l’autre :
— En revanche, vous devriez avoir honte, l’un et l’autre de vous comporter de la sorte avec votre père. Il vous a littéralement tout donné de sa vie, il vous aime et vous élève avec une grande ferveur et c’est ainsi que vous le remerciez ? L’un en le dénigrant et l’autre en l’ignorant ? Excusez-vous.
J’étais complétement sincère. Même si Erwin ne les avait jamais élevés, l’idée que ce pantin de papier mâché qui avait été inventé pour mon “vœu” l’ait fait et qu’il en soit remercié ainsi me brisait le cœur. J'avais alors vu Ursule se renfrogner et Gaspard se ratatiner face à ma réprimande et d’une seule voix, la tête baissée, ils avaient prononcé leur excuse avec le même son morne :
— Pardon, papa.
—Bien. Maintenant qu’on est d’accord là-dessus, Ursule si ton père décide de m’accompagner et que je le décide aussi, tu n’as rien à y redire. Cela ne signifie pas pour autant que tu ne peux pas venir avec moi et que tu ne peux pas prononcer ton discours. Gaspard, tu veux venir ?
J’avais vu ses yeux s’attarder un instant de trop sur ma main qui avait reprise celle d’Erwin tandis que je les réprimandais. Il avait relevé brusquement la tête à l’entente de son nom et avait semblé hésité un moment.
— Oh Mère... vous savez à quel point j’aime vous écoutez en conseil mais vous savez aussi à quel point tout ceci m’ennuie. Je... je préfère encore vous attendre ici et... m’occuper dans ma... chambre.
Ses yeux s’étaient dirigés une fraction de seconde vers la porte entrebâillée de notre chambre et j’en eu presque un haut-le-cœur. Par pitié que ce garçon ne se plaise uniquement à porter des vêtements féminins... mais j’avais l’impression que le Mal était un peu plus profond. Un Mal qui me dégoûtait et me terrorisait depuis que j’avais découvert Psychose. Serrant les mâchoires, j’avais hoché la tête d’un air rigide.
— Bien... si c’est ton choix.
Je m’étais détourné en faisant signe à Ursule de nous escorter vers la salle du conseil dont j’ignorais tout mais je m’étais alors brusquement senti tiré en arrière. Gaspard avait attrapé mon autre main et me ramenait à lui de toutes ses forces :
— Mère... Vous... Vous me pardonnez n’est-ce pas ? Vous danserez tout de même avec moi au bal de ce soir ? Je serai votre cavalier pour une danse ? J’ai si fortement répété pour vous faire honneur, je vous en prie.
Il me suppliait littéralement des yeux, sa main serrant la mienne avec une certaine vigueur tandis que la seconde était venue se poser au-dessus. Une fraction de seconde, mon regard avait croisé celui d’Erwin, un appel au secours silencieux auquel il ne pouvait pourtant rien faire. La meilleure façon d’encore comprendre ce qui nous attendait était de se jeter dans la gueule du loup et j’espérais au moins qu’il me lâchera dans la démarche.
— Bien sûr Gaspard, ton incartade ne me fera pas revenir sur ma promesse.
— Oh merci, Mère, j’ai tellement hâte.
J’avais vivement retiré ma main avant que ses lèvres ne touchent ma peau et je m’étais détourné sans demander mon reste, accélérant le pas, resserrant ma prise sur Erwin pour lui signifiait toute l’horreur que m’inspirait le moment. A peine avais-je eu un moment pour parler à Erwin sans risquer de me faire entendre que je lui avais glissé rapidement quelques mots :
— Il devrait y avoir un moment de pause entre ce foutu discours et la soirée... pour qu’on se change au moins. On pourra parler de tout cela si tu le désires.
De tout ce que je lui avais dit et auquel il n’avait pas eu le temps de vraiment répondre, tant j’avais enchaîné le moment. Je ne voulais pas l’éloigner de la vérité, j’avais juste besoin d’un peu de temps pour assimiler. Et quelque chose me disait que nous allions avoir de toute façon encore besoin de débriefer, ne serait-ce que pour ce qui venait de se passer...
Nous avions alors suivi Ursule en dehors de la villa bien que toujours dans son enceinte, jusqu’à un bâtiment qui amenait à un dédale de couloirs. Au fond de ce dédale, une salle de congrès qui me faisait curieusement penser à la Salle des Congrès devant lequel le Président des Etats-Unis faisait son discours. Une salle que mon géniteur avait connu que trop souvent. Amère à cette pensée, j’avais fini par me détacher d’Erwin pour rejoindre le pupitre qui m’était destinée. Je n’avais jamais vraiment réalisé l’exercice mais on m’y avait pourtant préparé, pendant les quelques semaines que j’avais passé à la Maison Blanche, quand Fitzgerald comptait encore faire quelque chose de moi. Tentant de me souvenir de ce qui m’avait été expliqué, j’avais récupéré le verre d’eau sur le pupitre pour m’humidifier le palais tout en lisant silencieusement les premières phrases du discours qui y avait été posé. Le discours était vague et flou, comme dans un rêve, mais il parlait des guerres que j’avais mené, du nouveau monde engendré, de la puissance de notre nation et de la vie qui avait repris son cours. Alors, calmement, je m’étais lancée à voix haute, prenant le temps de bien mesurer mes temps de pose, les moments où mes mots devaient être appuyés ou gagnés en fluidité, comme on me l’avait appris. Le discours était annoté de la prosodie que je devais suivre et je me contentais de le suivre à la lettre, tentant d’y ajouter les sentiments que j’étais censée ressentir. Je prenais le temps d’observer mon oratoire et réalisait avec une certaine surprise que l’exercice était d’une aisance plutôt innée pour moi, malgré ma timidité, ma gêne quand j’étais entourée. C’était différent, comme un grand théâtre où je pouvais être quelqu’un d’autre, de plus fort et plus affirmé, cachant mes faiblesses au monde. J’avais pourtant eu un moment d’arrêt en arrivant à la fin de mon discours comprenant alors pourquoi Ursule avait autant assisté pour son discours et Gaspard pour sa danse.
— Et c’est parce que notre Nation ne doit jamais oublier de son passé, qu’elle doit s’épanouir dans le souvenir des vies sacrifiées, que nous nous devons de fêter chaque nouvelle génération comme une bénédiction. Ma famille ne fera donc pas exception à la règle et je serai absolument honorée de montrer ce soir, à notre nation toute entière, le 18 anniversaire de la fin de la Guerre... le 18e Anniversaire de mes jumeaux adorés. J’appelle de ce fait Ursule à prendre la parole, dans son premier exercice en tant que Nouvel Homme de cette belle nation.
Je lui avais souris avec une grande fierté car c’était sans doute ce qu’on attendait de moi. De son côté, il était prêt, il s’était levé avec un tel élan et s’avançait vers l’estrade en montant les escaliers avec une telle grâce qu’on aurait dit qu’il avait fait ça toute sa vie. Tandis que tout le monde s’était joins à moi pour applaudir, mon regard lourd de sous-entendu avait croisé celui d’Erwin avant que je ne rompe le contact visuel pour prendre mon fils dans mes bras, puisqu’il était déterminé à livrer au peuple une image larmoyante de la Mère et de son Fils. Puis il s’était approché du pupitre avec un dernier regard pour moi :
— Merci Mère, pour ce brillant discours. Je tâcherai d’être à la hauteur de votre verve.
Sa blague faussement humble avait cueilli quelques rires sans doute flatteurs et j’étais redescendu de l’estrade pour rejoindre Erwin, les jambes légèrement tremblantes. Je craignais de commencer à comprendre ce qui était en train de se passer... Mais, ne t’en fais pas… Nous n’aurons bientôt plus besoin de toi... La phrase raisonna en moi avec une certaine puissance, tandis qu’Ursule déclamait les premières paroles de son discours. Il fallait que je l’admette, il était beau, charismatique et éloquent. Il n’avait peut-être pas le physique de son père mais il avait son aura. Et plus que son aura... il avait cette même lueur au fond des yeux la lueur gourmande du pouvoir désiré et à portée de main. L’attrait de la couronne. Et alors tandis qu’il gagnait en puissance, je réalisais alors ce que j’avais eu jusqu’alors peur de comprendre, tout en posant ma main sur celle d’Erwin dans un vrai réflexe effrayé. Ce n’était pas le discours d’un garçon qui fêtait son anniversaire. C’était le discours d’un futur Roi.
Erwin Dorian
« If the crown should fit, then how can I refuse? »
| Avatar : Rufus Sewell
- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)
| Conte : Coeur de Princesse/Le Prince et le Pauvre | Dans le monde des contes, je suis : : Preminger
Dans l’intimité retrouvée de ce qui était leur chambre dans ce monde étranger et hostile, il avait tenté d’atteindre Alexis, de se signaler à elle, derrière l’horrible et dégoulinante facette que l’on lui forçait à revêtir. Il s’y était révélé, tâchant de la consoler un peu, déposant sa main sur son ventre pour lui rappeler qu’au-delà de cette enveloppe plate comme quelques mois auparavant, l’être qu’elle attendait tant vivait toujours. Même s’il ne pouvait nier avoir senti une réelle satisfaction à la palpation de ce ventre vide. Gommer l’Erreur, voilà ce qu’il aurait pu souhaiter si on le lui avait laissé le Temps. Voir l’Avenir comme celui de Noël, plus GRANDIOSE encore que ce qu’il avait pu en voir, et sans les deux petites ombres au tableau qu’il avait pu y contempler. Même si, il le voyait à présent avec plus de recul à présent, la grossesse avançant, la grossesse et ces enfants n’avaient pas contribué à tenir son œuvre, ils l’avaient parachevés, lui avaient donné du sens, bien plus de sens. Pas pour Lui, spécialement, mais pour le cours des événements. Non, il aurait gommé son apparence. C’était bien cela qui le dérangeait le plus, non ? Et n’était-ce pas ce que cet univers avait fait ? Alors pourquoi, cela continuait à le déranger ? Il aurait pu rien ne verbaliser, clore ses lèvres, continuer de ruminer intérieurement, mais il ne le voulait pas. Il pouvait parler, s’exprimer avec Enora avait toujours été assez simple. Evidemment, il ne verbalisait pas tous ses désirs les plus sombres, ses rêves de grandeur, mais elle percevait en lui certaines vérités et disposait d’une compréhension qui le poussait à la confidence sans craindre la trahison. Elle ne le ferait pas. Tout comme il considérait lui devoir sa réalité et sa perception des choses. Par honnêteté. Preminger ne possédait pas une boussole morale conforme à celle d’autrui, mais il exigeait et connaissait la loyauté et l’honnêteté de ce qu’il était, il en était fier, il s’aimait ainsi. Et, elle gagnait le droit de le savoir et le connaître mieux, chaque jour que le Temps filait à leur intention. Il s’était regardé, prenant conscience de l’état dans lequel cette atroce jeu l’avait plongé… Il haïssait cet endroit. C’était pire que les dix années passées au service de cette bonne Geneviève… Au moins, le faisait-il à dessein, il avait aimé chaque mot hypocrite proféré, chaque compliment fielleux, chaque manigance, cela le composait, l’hypocrisie. Il avait beau être honnête envers lui, il aimait manipuler les autres, c’était jouissif. Les voir manger dans sa main, pourtant sertie des bagues qu’il leur avait dérobées… Se voir glisser, progressivement en hauteur, monter, savoir sa gloire proche tandis qu’ils le sous-estimaient, ne le voyaient même pas s’approcher. Ils ne savaient même pas qu’il était là, confortablement installés dans les toiles et les mensonges. Dans cette situation qu’il ne pouvait décemment pas nommer «réalité » c’était bien différent… Il lui semblait n’avoir jamais eu d’instinct d’élévation, comme si son amour-propre qui constituait le sel de sa personnalité, son socle, n’avait jamais pris corps. Ce qui n’avait aucun sens. Il ne pouvait pas être affaibli d’aucune manière… C’était comme si Regina lui avait conféré une personnalité maudite, passive, effrayée, diligente, sans que jamais son vrai lui ne refasse surface ou en soit à jamais altéré. « Plutôt mourir ». Il ne se renierait jamais. C’était son naturel. Et il était revenu au galop si bien qu’il ne l’avait jamais réellement quitté même dans la malédiction… Il avait sollicité pour dissimuler ce que sa bouche ne pouvait nommer que « catastrophe » là où son âme criait « tentative d’assassinat à sa beauté ». Mais effectuée par qui ? Puisque son corps même avait réagi contre sa nature ! Il avait eu un sourire satisfait lorsque inquiète, elle avait proposé de recourir directement au médecin pour soigner l’hématome de sa joue… Enora était idéale, lorsqu’elle réagissait ainsi, consciente de la merveille qu’il était, chérissant cette beauté et souhaitant avant tout la préserver comme il le faisait…
– « C’est siiii...aimable, ma douce reine » ne put-il qu’articuler en secouant la tête..
Rageant, était le mot. Il était en rage permanente dans un corps qui ne lui appartenait pas. Ce corps qu’il aimait TANT. La pire des prisons, la pire des tortures. Il fallait qu’ils partent le plus vite possible sinon il en deviendrait fou… Ou se tuerait à force de lutter. Il craignait la mort mais ne parvenait que peu à lutter contre sa nature. Une lutte permanente était la plus insidieuse des tortures… Il se sentait acculé, impuissant, tout ce qu’il haïssait. Tâchant de passer outre ce détestable mal-être, il avait tenté de comprendre ce qui s’organisait autour d’eux, posant des questions à Alexis, lui permettant ainsi d’articuler au moins les interrogations qui s’y prêtaient ! Alexis semblait avoir pris sur la défensive sa première question, pourtant, elle n’appelait aucune critique, il voulait comprendre le pourquoi. Est-ce que tout était un pêle-mêle de rêves et de cauchemars pris au hasard mélangé à la hâte dans le chapeau d’un magicien de sorte que comme le lapin devenait fleur, le hasard dictait les pas de cet endroit ? Non. Il y avait dans tout ce déroulement quelque chose de bien trop familier pour que cela ne soit que le fruit du hasard, quelque chose...de plus insidieux. Alors il l’avait demandé. Il avait besoin de le verbaliser, de le savoir, de l’entendre. Voulait-elle être reine ? Pouvait-elle devenir une menace contre lui, trahir la loyauté qu’elle lui portait un jour, en faisant passer son ambition au dessus de la sienne ? Il ne l’espérait pas. Il ne le fallait pas. Les conséquences que cela provoquerait ne causeraient nulle satisfaction si cela en était ainsi. Il l’avait alors verbalisé, proférant de concert ce secret obsédant qui brûlait et consummait tout son être à sa propre gloire.
— Désires-tu être souveraine ? Réponds-moi franchement. Moi OUI.
— NON.
Oui. OUI. Il brûlait d’envie de devenir Souverain. Il le désirait profondément, impérieusement. Il le voulait de toutes les fibres de son être, il était né pour ça. Pour le Pouvoir. Pour la Couronne. Pour Porter la Couronne. La savoir sur une autre tête, à proximité de ses doigts, sans ne pouvoir ne serait-ce que la saisir… Elle… elle ne désirait rien de tout cela. L’entendre le verbaliser, rejeter tout ce qui constituait son ambition, chassa le doute inquiétant qui s’était installé en lui. Elle était ainsi. Aspirant à un monde simple rempli de ceux qu’elle aimait, lui voulait plus que la vie que tout le monde pouvait atteindre, il voulait MIEUX, il voulait plus GRAND. Mais que leurs attentes de la vie différèrent n’était en rien gênant ! Il savait depuis peu que cela n’empêcherait rien, qu’ils trouvaient un équilibre inédit, insoupçonnable entre son immuable ascension et sa recherche de quiétude. La voir évoluer dans cet havre qu’elle construisait autour d’elle, de voir sa réelle maison prendre forme, bien loin de son petit appartement encore tâtonnant niveau décorations, le rendait serein. Il ne souhaitait pas perturber ce qu’elle désirait avant tout trouver, il souhaitai juste lui montrer qu’elle pouvait trouver cela et même mieux dans ce qu’il aimait. Elle ne pourrait qu’être conquise par la Cour, c’était une merveille, le lieudit de la corruption des coeurs, son palais, son air, il n’y a avait rien qui ne puisse être si semblable à ce qu’il était que cet environnement mouvant construit de faux-semblants, de paraître, d’artifices et de trahisons. – Je SAIS Erwin que tu désires être souverain. Je SAIS que tu désires ça plus que tout au monde tellement même que...
Elle s’était interrompu un bref instant, comme voulant poursuivre et s’arrêtant pourtant comme brûlée par une idée qu’elle n’avait pas osé exprimer à voix-haute. Qu’avait-elle voulu proférer ? Que cela l’effrayait ? Lui donnait le vertige ? Sûrement. C’était la première fois qu’il le verbalisait si crûment. Cela devait sûrement lui faire conscience de la profondeur de cette Ambition. Elle avait soupiré et détourné la tête, livrant sa propre vérité, celle qu’il avait deviné d’elle et dont l’endroit lui avait fait subitement douté. Etait-ce cela qu’ils devaient comprendre ?
— Ca n’a jamais été un truc que j’ai souhaité et ce n’est pas aujourd’hui que ça va commencer. J’ai envie de changer le monde mais pas comme ça... j’ai pas... bref, non je ne veux pas être souveraine, je suis juste en train de paniquer depuis qu’on a franchi cette porte, tout ce que je dis est parole d’évangile, ça me terrorise, tu le vois pas ou quoi ?!
Non. Il n’avait pas vu. Ou plutôt il avait douté, projetant sur elle sa propre personne. Interprétant son effroi comme la découverte, peut-être, de quelque chose qu’elle avait réprouvé, dissimulé en elle, mais à laquelle le vœu prêtait vie. Il avait vu ses propres ambitions dans les yeux de la jeune femme et avaient confondu le reflet de ses propres pupilles avec celles dénuées d’arrivisme de la jeune femme. Elle n’était pas ainsi.
— Si je suis Reine Erwin... c’est parce que ça nous fait tous les deux souffrir. Il faut que tu écoutes ce que je te dis, c’est très important. Pour comprendre, il faut vivre... et il faut s’écouter. J’essaye de comprendre pourquoi tu as à ce point envie d’être Roi depuis que je te connais. Et je te promets que je fais des efforts pour me dire que ça a un sens et que c’est quelque chose de normal ou de sain... mais ça ne l’est pas pour moi. Peut-être... peut-être qu’on nous a inversé les rôles pour que je comprenne à quel point ça te donne envie et pourquoi je dois t’épauler là-dedans et toi... toi tu dois pouvoir comprendre que j’en ai moins envie mais que... c’est pas parce que j’en ai moins envie que je dois être insignifiante comme tu l’es là... ou je sais pas... je dis pas que c’est ce que tu me fais, je tente juste de comprendre ton rôle
Il avait failli répondre, l’avait écoutée… Elle ne le comprendrait pas, s’il ne lui livrait pas tout, mais comment aurait-il pu lui livrer le secret qui vivifiait l’intégralité de son être ? Des mois plus tôt, dans un paysage enneigé, alors que la Couronne trônait sur sa tête, là où il était Lui-Même, accompli et parfait, il avait menti. Oh, c’était chose courante et Preminger ne se repentait jamais de ses actions… Mais il restait délicat de revenir sur ses paroles. Cela devait se manier avec prudence. Comment pouvait-il ne serait-ce que tenter de le faire, ici, lorsque sa bouche même le trahissait ? Et si elle disait autre chose ? Si elle disait pire ? Si elle livrait plus, trop...trop pour elle encore ? Il enregistra l’information néanmoins, une information essentielle, utile. « Peut-être qu’on a inversé les rôles pour que je comprenne à quel point ça te donne envie et pourquoi je dois t’épauler là dedans. » Ce n’était qu’une petite phrase, une simple interrogation. Mais il en voyait l’ampleur, l’intensité. Elle parlait de l’épauler ; ce à quoi il la destinait, ce qu’il désirait qu’elle fasse. Peut-être que cette simulation avait un intérêt, oui après tout… Mais quel était le sien ? Pour cela, il devait sûrement comprendre les indices qui se trouvaient liés à elle… Oublier un peu le contexte, comprendre qu’il n’était qu’une blessure que l’on lui infligeait, passer outre pour se focaliser sur ce que cela livrait sur elle. Ces zones d’ombre de sa vie, dont elle ne parlait pas ou si peu, comme lui. Mais à la différence de lui, ce silence n’était pas provoqué par une connaissance de la cruauté impitoyable et vorace qu’il masquait sous une beauté rayonnante, c’étaient des souffrances. Des bandes de vie, qu’elle dissimulait, tentait d’oublier de contrer… Elle n’avait pu encore une fois le verbaliser, alors il avait laisser glisser sa main jusqu’à son menton, lui offrant le baiser qui calmerait leurs angoisses respectives, les ancrerait davantage dans leur vraie réalité. Cette sensation chassait les doutes, gommait les contours, et il suffisait de clore les yeux et il se ressentait pleinement. Sa fureur vorace, sa vanité acérée, son mépris d’autrui, tout son être. Sa colère qu’il apaisait, pour mieux la retrouver elle et lui démontrer que rien de sa frustration ne lui était destiné. Il la ressentait, elle, telle qu’elle était et c’était ce « elle » qui lui convenait. Non parce qu’il ne désirait pas qu’elle s’impose, mais parce que l’ancien ministre ne s’était pas attaché à une autre version, plus puissante, plus imposante… Il avait vu la finesse de ses nuances, et c’étaient bien ces dernières qui avaient créées son appréciation, il ne voulait pas qu’elle changea ni ne se brise, il voulait qu’elle se révéla, telle qu’elle était. Leur baiser les avait fait ensuite glisser sur le matelas et il avait profité de cet instant fragile, avant que tout ne se brise à nouveau, cet instant où ils redevenaient eux pleinement. Il avait souri, complimenté sa tenue, qu’il trouvait, en dépit de toute cette odieuse situation, réellement plaisante. — Je suis ravie qu’elle te plaise parce que moi je la déteste.
Elle ne mentait pas. Elle mentait rarement pour ainsi dire jamais. Mais elle ne répondit pas davantage, alors se leva-t-il commençant à farfouiller dans l’armoire à la recherche d’une tenue plus adéquate pour lui, lui laissant le loisir de s’épancher ou non. Et cela avait fonctionné, subitement… Peut-être aidé par son propre reflet dans le miroir, peut-être dissimulée de l’inquisition qui pouvait parfois brûler dans ses yeux. Elle avait soudainement parlé de tout… De son envie de ne pas être souveraine. Du vœu qu’elle avait fait… Involontairement certes, mais qu’elle avait fait tout de même, là où lui si propice d’ordinaire à souhaiter monts et marrés, s’en était abstenu. Il avait retenu son souffle, devinant sans avoir besoin de se retourner sa nervosité. Il ne servait à rien qu’il s’énerve, se plaigne, Enora se confiait lorsqu’elle se sentait prête. Mais de toute manière, il aurait été bien incapable de lui intimer de faire quoique ce soit du fait de cette odieuse malédiction. Alors il attendait les sens aux aguets, que tombe le couperet… Visiblement, du fait de sa manière d’amener les choses, de s’en agacer elle-même, elle s’en voulait, se le reprochait, le reprochait surtout à cette infâme structure qui l’avait mis en place… Puis le dit enfin.
– « J’ai souhaité que tu sois capable de devenir un véritable compagnon aimant et un père de famille. Je voulais juste qu’on devienne une vraie famille… » elle avait tourné le visage vers lui et sentant le mouvement, avait fait de même accueillant cette confession les yeux intenses, puisqu’il ne pouvait pas réagir autrement, tandis qu’elle continuait « Je voulais pas que tu deviennes...ça… Pas cet espèce de truc insipide et menteur, juste...qu’un jour tu puisses véritablement t’inquiéter de ce que tu dis parfois t’inquiéter...c’est tout. Je ne te l’aurai jamais demandé en vrai, parce que je SAIS que c’est pas toi, je ne sais que... »
A nouveau elle s’était arrêtée, freinée dans l’élan de son cœur, tandis que quelques larmes débordaient de ses yeux… Il l’avait contemplée, avalant les informations qu’elle lui transmettait en même temps qu’elle admettait sa peine. Elle souffrait de son manque de cœur, visiblement. Cela ne l’étonnait pas, réellement. Il s’en doutait. Il n’y pouvait pour ainsi dire, rien, son attitude dédaigneuse faisait partie de lui… Mais, elle, elle possédait cette capacité à s’en satisfaire, malgré tout. Si elle prétendait l’aimer, elle ne pouvait le faire réellement qu’en acceptant ce qu’il était. Elle s’en plaignait peu ordinairement, soupirait parfois, le reprenait, mais cela n’avait jamais causé une réelle dispute. Et pourtant...elle ne l’avait pas rencontré ainsi. Dans une autre perspective, elle n’aurait pu que connaître que sa fausse facette affable, hypocrite, celle qu’elle détestait tant là à présent qu’il semblait ne plus qu’en être constitué, cette poupée de chiffon toujours polie, courtoise. Cette enveloppe creuse, modelée l’image des autres, avec laquelle il avait prévu de la manipuler initialement. Et pourtant, elle n’avait pas cédé sous les avances de ce dernier. Elle avait succombé à l’Autre, à Lui. Lorsque lui-même avait délaissé le masque, pour céder à un caprice. Peut-être s’agissait-il tout bonnement de cela… Si elle n’était pas capable de supporter les miettes de méchanceté qu’il montrait parfois, comment pourrait-elle admettre qu’il en était entièrement composé ? Pourtant, il était persuadé qu’elle le pouvait. Et l’Avenir ne le lui avait-il pas confirmé ? Mais n’est-ce pas un tort de s’y baser ? Preminger n’avait jamais été homme à croire aux dires des conteuses de bonne aventure, il ne croyait qu’en lui, son instinct, son intelligence, croire dans une démonstration qu’il avait pu vivre n’était-ce pas faire preuve d’autant de faiblesse que ceux qui croyaient à la boule de cristal ? Il avait déposé ses yeux sur Enora, tâchant d’éteindre ses réflexions dispersées que causaient son affolement, contemplant ses larmes, sa souffrance. Non, il n’avait pas tort de croire en elle. Elle l’aimait réellement pour ce qu’il était. Elle lui en avait donné plusieurs preuves, volontairement et malgré elle. C’était en partie la raison de ses pleurs, ce qui occasionnerait peut-être une souffrance plus grande un jour, mais elle l’aimait réellement, presque malgré elle. Cela n’aurait jamais du se produire en soit, son âme bien que facettée, restait profondément pure, cristalline, bien éloignée du joyau noir et charbonneux qu’était la sienne. Pourtant, elle le faisait sans savoir encore l’’étendue de qui elle aimait. Elle regrettait parfois. Qu’il ne soit pas « un compagnon aimant » un « père de famille ». Ce qui pour Preminger aurait pu signer là de véritables sources de vexation...après tout, n’offrait-il pas à cette jeune personne, bien davantage de considération en se révélant lui-même et sans hypocrisie ? c’était d’ailleurs, la conclusion qu’elle semblait en tirer. Elle le préférait lui, à une simple fausseté. Pourtant...il ne ressentait pas de réels ressentiments à l’égard du souhait qui avait pu être le sien. Il le comprenait, un peu, dans la psychologie d’Alexis. Le lien qu’elle ressentait était intense, mais il n’éteignait pas son intelligence pour qu’elle ne comprenne pas malgré tout, qu’il était loin de ce qu’elle avait pu rechercher en valeurs morales. Un jour viendrait où elle embrasserait totalement sa chance, comprenant qu’en dépit de cela, rien n’était mieux que de crépiter au sein même d’un astre nocif… Il comptait répondre, il ignorait quoi, puisque son corps prenait un malin plaisir à modifier les mots, ne connaissait juste que l’intention, mais elle l’en détourna, soudainement, lui exigeant d’attendre pour en discuter. Il réfléchit un moment, prenant le temps de l’observer puis fini par détourner la tête, s’abîmant dans la contemplation de la garde-robe d’une pauvreté désolante… Il s’en était plaint, s’en était vu puni puis avait proposé à la jeune femme de l’aider à s’habiller ce qui avait réussi à la faire sourire. Oui, effectivement, elle le délestait plus aisément qu’elle ne le vêtait, mais bon en soit, pour le vêtir il fallait bien ôter… Quoiqu’il n’avait guère la tête à cela, plus encore, il craignait que son corps ne lui échappe suffisamment pour ne pas profiter pleinement de l’intensité. Cela aurait été plus frustrant qu’agréable… Il s’était pris au jeu, suffisamment vain pour se perdre dans le choix de sa tenue avec un sérieux acharné, bien décidé à ôter toute trace de celui qu’on voulait le forcer à être. Tellement que le regret avide de la Couronne avait surgit à nouveau avec intensité et qu’il avait osé proposé de s’en délester. Elle n’avait pas répondu. Il supposait qu’elle pensait ne pas pouvoir le faire. Pourtant ce n’était pas si sorcier. Il y avait bien des moyens de le faire, en abdiquant, par coup d’état… Son attention avait soudainement été attirée par un objet bien différent et fait d’un métal bien moins précieux que l’or. Un bouton qu’il avait promptement identifié, avec l’intelligence aïgue qui le différenciait du commun de la population, comme étant celui porté par l’un des doubles… Gaspard… Il en avait la remarque, avec cynisme auprès de la libraire, qui avait tenté d’écarter vainement le sous-entendu qu’il lui mettait sous les yeux. Il avait ris avec assurance à la proposition qu’elle offrait, une assurance qui ne lui appartenait pas, mais à l’Autre et s’était entendu répondre :
– « Tu sais pourtant que j’ai élevé au mieux mes enfants dans l’Amour des autres et l’acceptation des différences ! Les préjugés et le paraître tu sais que j’ai horreur de ça... »
Pouvait-il mourir ? « Je tuerai le responsable de cette simulation, je le tuerai ». C’est honteusement horrifiant d’entendre de telles inepsies débitées sur la magnifique symphonie de sa voix. Horrifiant. Il aurait pu s’en arracher les cordes vocales, s’il ne s’était pas là porté atteinte à lui-même. Et il ne le pouvait. Il vouait bien trop un culte à sa propre personne pour oser faire pareil geste. Il avait proposé alors de quitter les lieux, pour entamer sa reconquête. La connaissance. La connaissance passait par la compréhension, la compréhension par l’écoute. Ses yeux avaient néanmoins brillés d’une réelle vraie reconnaissance lorsque Alexis lui avait fait part, avec une touche d’humour qu’elle appréciait manier pour dérider les situations critiques, de sa détestation pour le rôle qu’il jouait. Oui. Lui aussi. Il n’y prenait qu’un réel plaisir que lorsqu’il en était l’instigateur… Elle l’avait cependant stoppé dans son geste, l’empêchant soudainement de partir :
– Enora. Je pense que tu peux m’appeler Enora... qu’elle... te l’aurai autorisé.
Enora ? Pourquoi parlait-elle d’elle à la troisième personne ? Même lui qui s’adulait ne le faisait pas. Il avait soulevé un sourcil, dans l’incompréhension et soudainement, elle s’était livrée, avec pudeur, et il ne l’avait pas interrompu, la laissant à son rythme lui fournir les ingrédients manquants. Elle avait vu un Futur. Un Autre. Où il n’était pas Roi… Ou peut-être que si ? Elle ne lui précisa pas, mais elle tendait le regard vers lui, lui livrant une Histoire teintée de vérité non advenue… un monde désolé, un Storybrooke dévasté. Un Futur mort, pourtant, puisqu’elle n’était jamais parti. Un futur qui avait laissé sa place à un autre potentiel. Il l’écouta poursuivre, évoquer sa Famille. Elle ne faisait pas référence à ses parents initiaux, il le sentait, mais à un groupe… L’étrange société qui l’avait contacté à Paris. Qui de prime abord, semblait bien plus puissance qu’une éventuelle société propice à la « récupération illégale de tableaux ». S’ils avaient créé une armée… Quels étaient leurs moyens, quels étaient leur origine ? Quel était leur but ? Leur prise de contact avec lui avait-il été prévu ? Il se le demandait depuis le départ, ce qu’elle lui livrait, lui confirmait qu’ils n’avaient pu le choisir par hasard. Mais ce qui était advenu ensuite entre eux, ils n’avaient pu le prévoir. Il se demanda s’ils le savaient néanmoins. Si Alexis les en avait informés ou s’ils la surveillaient suffisamment pour rien ignorer de son état…. La suite, était davantage curieuse et intéressante… Déesse magique… Oui. Il en avait entendu parler. Par des brides d’information qu’il avait récolté, dans le plus grand secret de son repaire… Sans savoir qu’il en détenait une, dans ses bras… Décidément son instinct ne le trompait jamais, il avait fait des merveilles sur le potentiel d’Enora… C’était d’ailleurs cela...l’origine de son pouvoir. Preminger savait qu’il n’avait pu être inné. Elle était née comme lui, simple mortelle, humaine, dotée de ses seules capacités cognitives et physiques pour croître et se frayer un chemin.. Et cela l’avait menée...à obtenir ce présent. La Foudre. Ce merveilleux Don… Il lui correspondait à merveille, il l’avait compris lorsqu’il l’avait vu à l’oeuvre, il était intransigeant, intense, brillant… A merveille, quand bien même elle désignait ses mains avec une assurance peu convaincue, gênée. Il ne l’interrompit pourtant pas, écoutant la suite avec une attention accrue, supplémentaire… « Dans ce Futur, Enora leur a expliqué que les premières étaient mrtes. J’avais absorbé je sais pas comment leur pouvoir, combinant donc l’eau, le feu et la foudre. Chronos me cherchait. »… Qu’étaient devenues ces déesses actuellement ? Vivaient-elles encore ? Alexis les avait-elle combattu ? Il semblait que non… Chronos devait avoir décidé de les éliminer une à une… Et visiblement dans ce Futur mort, leur pouvoir, à leur décès, semblait s’être transmis à la porteuse suivante… Intéressant… Si elles vivaient encore dans ce monde… S’il les éliminait… Leur pouvoir ferait-il de même ? Il chassa, néanmoins, pour le moment, cette idée brillante, pour revenir au récit de sa maîtresse. Sa vie dans les cendres de Storybrooke. L’arrivée des Cavaliers, ces étranges sbires à la solde du Combattant du Temps… Elle avait failli le tuer… On l’en avait empêché… Si on ne l’en empêchait pas… Etonnemment, la discussion semblait bien plus la bouleverser maintenant qu’elle en venait à l’évoquer… Pourquoi ? Parce qu’il s’agissait d’Elliot, celui qu’elle considérait comme son meilleur ami? Elle esquissa un geste curieux, relevant sa main pour se toucher la joue, en tremblant. — Mon pouvoir m’est revenu dessus, comme un retour de flamme et... ça m’a brûlé la moitié du visage. C’est... c’est une prothèse.
Il cligna des yeux… Une prothèse ? Il avait scruté la peau, ne remarquant rien… Mais rien n’existait en dessous.. Il la croyait quand bien même la prothèse était invisible, du grand art… Le toucher était-il différent ? A quel point son visage était-il abimé en dessous ? Cela du sûrement l’horrifierait mais il désirait en réalité presque palper cet avenir impossible, ressentir l’horreur qu’elle vivait de se comprendre et se sentir mutiler… La pire des tortures assurément, pour un individu si sensible à la Beauté que lui et si suavement adorateur de SA propre Beauté… Se l’imaginer autant, revêtu d’un postiche à son effigie y avait-il pire ? Il avait froncé les sourcils, prêt à parler néanmoins mais avait ravalé ses questions… Rien ne servait de se presser… Alexis était suffisamment bouleversée et on ne pouvait que les attendre… Sa prémonition avait été d’ailleurs vite confirmée… Puisque les deux désagréables gouttes d’eau avaient eu tôt de venir les importuner de leur détestable et inutile présence commune… Il les détestait au plus haut point. Dans un autre contexte, il aurait pu les gifler. Le premier pour sa dégoulinante hypocrisie, l’autre pour son obsession nauséabonde.. Il l’écoeurait. Il détestait les démonstrations d’affection… Encore plus lorsqu’elles ne lui étaient pas destinées… Mais Gaspard possédait une manière d’agir, de se mouvoir en présence de sa mère de profondément dérangeant et malsain.. Bientôt ronronnait-il presque à chaque parole… Alexis les avait subitement grondés, les réprimandant pour le défendre, il les avait observé chacun, ses lèvres le privant d’un ricanement, s’excuser chacun… Chacun sans aucune conviction. Chacun sans aucune désolation. Ils ne ressentaient rien pour lui. Gaspard, à peine un vague attachement vite balayé par l’affection malsaine qu’il portait à l’encontre de sa mère, mais Ursule… Ursule n’en n’avait que faire… Mais évidement, il s’était hâté de s’excuser, bien trop effrayé, bien trop pressé de prononcer son discours. Sa bouche ne pouvait ricaner, mais les yeux de Preminger luisaient de mépris ! Peuh ! Il ne faisait aucun doute que ce ridicule et misérable arriviste ne savait même pas prononcer un discours ! Personne ne lui arrivait à la cheville… Gaspard, étonnemment, n’avait pas souhaité se rendre avec eux… Il avait ouvert la bouche pour le disputer, avait obtenu un résultat pour le moins timoré :
– « Gaspard ! Oh c’est dommage ! Il faudra vaincre cette timidité un jour, mon grand… »
Oh mais quelle catastrophe ! Quel langage ! Mon grand ! Mon grand… Pitoyable. Et tout cela pour que le jeune homme ne lui accorde pourtant aucun regard… A l’inverse, il avait saisi la main de sa mère avec une vigueur si dévouée que l’estomac du ministre s’était soulevé tandis que son regard croisait celui d’Alexis. Une tarre existait en cet enfant ! Même la plus grande adoration de Midas ne s’était jamais présentée ainsi, Midas était respectueux, parfaitement conscient des manières à adopter. Midas était le parfait animal de compagnie. Ce garnement là...n’était qu’une punaise désagréable… Il aurait été siiii facile de le faire filer droit. Une privation, une correction. Il avait fini par s’éloigner, non sans avoir tenté un baisemain ridicule, vite avorté par Alexis… Alors qu’ils s’avançaient aux côtés d’un Ursule dont les pensées semblaient ailleurs, sa maîtresse avait murmuré vivement : — Il devrait y avoir un moment de pause entre ce foutu discours et la soirée... pour qu’on se change au moins. On pourra parler de tout cela si tu le désires.
Il avait opiné vivement, avant d’affirmer :
– « Nous parlerons de tout ce que tu désires, ma reine ».
Puis avait vivement détourné la tête, se mordant les lèvres avec dépit. Il avait espéré pouvoir prononcer un discours, s’affirmer en dépit de cette malédiction. C’était sans compter son corps… IL avait cherché la main d’Alexis et l’avait pressée. Se sentant un peu ridicule, mais ravalant sa fierté pour se concentrer sur la sensation. Elle le rattachait à la réalité.. Elle le rattachait à la réalité. Ils avaient marché, quittant les murs de leur domicile pour rejoindre un second bâtiment fait selon les mesures d’une salle d’audience des hautes sphères des Etats-Unis… Un pupitre avait été dressé et il n’attendait...qu’elle. Au regard de la foule, il renonça définitivement à son idée d’obtenir la faculté de le lire à sa place. Il y avait de quoi se rompre la tête de manière bien plus dangereuse que précédemment, si son corps avait la fâcheuse idée d’utiliser la matière coupante du verre contre lui. Un frisson lui parcouru le dos, imaginant la sensation atroce sur son visage. La perspective d’une balafre indélébile le révulsait. NON. Non ; il préférait de loin s’abtenir plutôt que d’entailler ne serait-ce qu’un centimètre de sa peau! Tant pis… Au moins, cela lui donnerait la faculté inédite de voir comme Enora se débrouillerait… Il l’avait regardé rejoindre le pupitre, s’humidifier la bouche puis se lancer dans le discours avec une impulsion courageuse. Elle se débrouillait bien. Evidemment, elle ne possédait pas son talent, mais..elle se débrouillait bien. Elle possédait de l’aisance, un bon maintien, une voix maîtrisée. Il lui manquait une voracité pure, une lumière, un Rayonnement de son être dans le pouvoir. Ses yeux rusés étudiaient chaque mouvement, chaque respiration… Elle, elle jouait un rôle… Ou plutôt elle endossait son rôle, comme abandonnant ce qui constituait ses faiblesses, ses effrois, se mouvant dans le cadre de quelque chose de plus grand et d’assuré, de plus martial. Enora était douée. Mais son appétence pour le Pouvoir était à néant.
— Et c’est parce que notre Nation ne doit jamais oublier de son passé, qu’elle doit s’épanouir dans le souvenir des vies sacrifiées, que nous nous devons de fêter chaque nouvelle génération comme une bénédiction. Ma famille ne fera donc pas exception à la règle et je serai absolument honorée de montrer ce soir, à notre nation toute entière, le 18 anniversaire de la fin de la Guerre... le 18e Anniversaire de mes jumeaux adorés. J’appelle de ce fait Ursule à prendre la parole, dans son premier exercice en tant que Nouvel Homme de cette belle nation.
Preminger avait médité ces paroles avec réflexion alors qu’à côté de lui, bondissant, plein d’envie, Ursule avait volé jusqu’au pupitre. Il avait rompu le contact oculaire avec Alexis pour l’observer lui. Cette goutte d’eau, ce miroir… Avait remplacé sa mère au pupitre, lui dédiant des mots polis pour mieux s’ateller à la tâche.. Les rires de l’assistance face à sa modestie factice avaient accru la méfiance du ministre. Le public ne riait pas de lui. Il riait avec lui. Et pourtant...Enora avait rempli avec une vigueur excellente la tâche qu’on attendait d’elle… Si le peuple riait, c’est qu’il savait que mieux arrivait encore. Ursule avait débuté son discours, tandis qu’Alexis revenait s’asseoir à ses côtés. Il ne la regarda pas, ne sentit même pas le contact de sa main. Toute son attention se trouvait focalisée sur la scène, ses yeux scindaient vrillaient dans le discours… Ursule ne possédait pas la proximité de sa Beauté, à la différence d’Isaac. Il n’était qu’un miroir vague, possédant un double.. Mais. Mais malgré tout… Ursule faisait plus que parler avec la qualité d’Alexis. Il vivait son discours. Il exultait. D’un talent certain, dévastateur, détestable, qui broyait chaque cellule du corps de l’ancien ministre. Les intonations, les pauses, les sourires, la vigueur et la passion. Tout se mouvait en lui, prenait corps… Il vivait pour le Pouvoir. Il vivait avec cette même flamme identique à lui, qu’il n’avait pourtant jamais du connaître ni voir briller dans ses yeux. Cette flamme qui consummait, cette flamme qui détruisait sans pitié autrui.
– « Nous remercions nos ancêtres pour ce qu’ils nous ont appris. Nous les remercions pour ce qu’ils ont débuté. Nous les remercions pour ce que nous achèverons. Le passé ne nous appartient pas, le Futur n’est qu’à nous. Sachons en saisir notre dû, Il nous appartient ! »
Leurs yeux s’étaient rencontrés. Identiques dans leur essence. Il avait compris. . Mais, ne t’en fais pas… Nous n’aurons bientôt plus besoin de toi... Il rêvait de sa place. Plus que cela… Il vivait pour sa place. Et il mettrait tout en œuvre pour l’obtenir. TOUT. Sans la moindre exception. La foule s’était levée pour l’applaudir et ils avaient fait corps… Chaque claquement de mains était maudit… Chaque seconde supplémentaire dans cet enfer le meurtrissait de haine. Prenant conscience de la main d’Alexis sur la sienne, il l’avait serrée, détournant le regard vers elle, lisant sur son visage tout le désarroi et l’effroi de compréhension qui la transcendait. Elle aussi avait compris l’obsession. Mais elle n’avait pas compris le tout… Sûrement.. Il s’apprêtait à ouvrir la bouche lorsqu’Ursule les rejoignit, dans un pas gracieux, lourd de suffisance :
– « Comment étais-je Mère? N’était-ce pas trop fade ? Je crains de m’être un peu embrouillé même si fort heureusement le public est indulgent » – « Effectivement, fade est le mot »
Sa réplique avait fusée, il l’avait criée avec autant de vitesse possible pour que sa bouche ne puisse la contenir, s’étouffant à nouveau dans une violence quinte de toux à la seconde. Il avait baissé la tête, pour mieux inspirer, tâchant de ne pas rompre malgré tout le contact oculaire avec son fils. Ce dernier avait cillé, surpris. Mais aucune colère n’était venue se peindre sur son visage, aucune marque de haine n’avait brouillé ses traits hypocrites, seul un long sourire était venu mourir sur ses lèvres :
– « Tu disais, Papa ? A vrai dire, je ne te comprends pas vraiment, à toujours marmonner et tousser, depuis ce matin… Cela est lassant. »
Une avalanche de mépris s’était glissé et il l’avait reçu en plein visage… Sans pouvoir s’en extraire. Ursule ne ressentait aucune colère à son égard. Aucune jalousie. Non… Aucune émotion. Les yeux brillants du garçon s’étaient attardés sur la main qui étreignait son cou pour remonter jusqu’à son visage, tandis que sa tête se penchait, adoptant une attitude faussement contrariée :
– « Peut-être un médecin devrait t’examiner… Au conseil hier, nous avons eu connaissance d’une toute nouvelle arme… Un poison si indétectable qu’il peut apparemment s’inoculer par imprégnation, tissus en tout genre mais la plupart du temps, on le mêle aux aliments...ou aux boissons… En quatre heures, l’infesté s’écroule mort… Je crois que les seuls symptômes sont des picotements… » – « Je n’en ressens pas… Merci ! » avait-il craché en luttant contre la contraction de sa mâchoire, puis avait ouvert la bouche pour laisser ses lèvres déverser le flot d’inepties qu’elles mouraient d’envie d’ajouter « Mais merci mon grand ! Cesse de t’inquiéter pour ton vieux père ! Va plutôt saluer quelques uns de tes admirateurs ! Allez ! C’est ton jour après tout ! Il faut en profiter comme il se doit… Va donc mon grand ! Il t’adore »
Il avait failli mourir d’humiliation lorsqu’il s’était senti lever le pouce à sa destination. Et de rage lorsque l’autre s’était contenté de lui sourire avec condescendance, avant de s’éloigner. Ursule ne le haïssait même, il le méprisait. Il lui marchait dessus avec la même aisance qu’Il le faisait ordinairement au profit de la populace, ces manants… Il était ainsi aux yeux de son fils… insignifiant, sacrifiable, inutile. Il le trouvait sûrement pathétique, risible même. Et il le savait avec autant de certitude que s’il s’était contemplé lui-même dans un miroir… Un petit homme les avait abordé, le saluant avec politesse avant d’accorder une révérence à «Enora ». Bientôt une petite cour d’individus de toute sorte s’étaient amassés autour d’eux, félicitant Alexis pour son discours. L’un avait même essuyé une petite larme, se remémorant quelques exploits guerriers et la mémoire de leurs défunts et Erwin avait continué à sourire avec crispation. Aucun ne prêtait réellement attention à lui. Il semblait être pire qu’une potiche, sorti pour faire à peine plus d’’un salut. C’était frustrant. D’autant qu’entendre tant de mise en pratique de situations politiques, d’analyses fades et dénuées de pertinence, ou du moins dénuées de SA finesse. Et voilà qu’il devait supporter cela, encore et encore, sans pouvoir ne serait-ce que s’en mêler. Une jeune femme apporta des verres de champagne et Ursule se fondit dans la masse, soudainement attiré, par la foule plus conséquente qui était venue grossir les rangs de sa mère, à défaut du petit oratoire qu’il avait réussi à se constituer.
– « Un toast en l’honneur de vous, Mère ! » s’exclama-t-il dans un sourire ravageur « Vous êtes toujours si inspirante ! »
Preminger trempa ses lèvres dans le champagne. Même le breuvage possédait un goût détestable de défaite. Un homme à lunettes sembla le remarquer puisqu’il lui donna un coup de coude, presque familier, le désignant du menton :
– Quelque chose ne va pas, Erwin ? – « Oh non… je...rêvassais c’est tout… – Papa est toujours dans la lune. Surtout en ce moment… » coupa Ursule de sa voix joviale, ses yeux s’étaient plissés rieurs, sa bouche dévoilait ses dents blanches « Il est un peu morose, je crois que c’est notre majorité à Gaspard et à moi, qui le tracasse. Après tout, il n’a jamais rien fait que de nous élever. Il en est fier mais il se voit un peu comme un poids mort, je pense… »
Sale petite vermine. Il n’avait qu’à avancer pour serrer son misérable cou. Il serait mort peut-être mais qu’à cela ne tienne, il ne désirait que cela. Il n’était plus que composé de cette envie : réduire à néant cette bouche, cet être dédaigneux qui riait, narguait devant lui. Il fut destabilisé par une bourrasque dans son dos, qui lui arracha un cri de surprise et le fit pivoter la tête. Venait-on...réellement...de lui taper dans le dos ? A lui ? PREMINGER ? Et le pire était encore que l’homme ne semblait pas y voir le moindre problème.
– Sacré Erwin ! La crise de la quarantaine alors que ta reine est si belle ! J’aurais jamais cru que ça puisse t’arriver ! Tu es si positif !
Il avait senti sa bouche sourire s’y était rebellé, coinçant ses lèvres dans une grimace à mi chemin entre le dégoût et le rire. DETESTABLE. Fort heureusement, quelqu’un avait renchérit sur la cérémonie qui s’organisait, un autre avec entreprit de discuter ensuite des réunions qu’il conviendrait d’organiser avec le conseil militaire. Tout le monde s’empressait néanmoins, tout le monde tendait à quitter les lieux et Preminger devina que cela avait trait avec la grande cérémonie du soir…
– « Que diriez-vous de rentrer afin de nous apprêter, à notre tour, ma souveraine… ? » avait-il tout juste pu proférer à l’encontre d’Alexis, en lui offrant son bras « Vous serez merveilleuse ce soir, l’anniversaire de nos fils est toujours une fête en nos coeurs ».
Il ne se supportait plus. S’il se collait un sparadrap sur la bouche, cela parviendrait-il à faire taire cette horrible et crispante situation ? Mais Alexis avait saisi son opportunité, et délaissant leurs verres ils avaient rejoint leurs appartements, tandis qu’Ursule les suivait du regard… Il aurait pu les suivre mais Preminger avait misé sur le fait qu’il serait bien trop satisfait de grapiller quelques secondes supplémentaires auprès des éminences du pays. Il avait visé juste… Ainsi avaient-ils pu remonter la cour, les grands labyrinthes de couloir, escortés par les gardes pour retrouver enfin le chemin de leur « domicile » puis enfin...de leur chambre… Ils n’étaient jamais plus à l’aise que dans le secret de leur appartement… Et l’ancien ministre avait savouré le bruit du loquet de leur porte dans un soupir d’aise.
– « ENFIN… Je...n’en pouvais plus de toute cette pression. Tu sais comme je déteste toute cette popularité, je me demande comment toi tu fais, je t’admire… TU sais que... Je HAIS Cet »
Il avait commencé à articuler, mais avait renoncé avec panique en sentant ses jambes dériver vers l’armoire la plus proche ; sa tête oscellant déjà prête à s’y abattre. NON. NON. IL ne se provoquerait pas un nouvel hématome pour si peu. Il fallait qu’il laisse couler. Qu’il laisse couler. Il avait saisi à nouveau les deux mains de sa maîtresse, inspirant pour l’exercice :
– « Ne me lâche pas… » articula-t-il en serrant ses paumes dans les siennes, tout en amorçant une avancée vers le lit. Il fallait qu’elle l’écarte du danger… Quel danger y aurait pu y avoir là-bas ? Maintenant toute sa force dans son étreinte, il ne la relâcha pas pour autant lorsque put enfin s’y asseoir. « Ce monde...est...fou. Il…
Il ne pouvait pas ajouter quelque chose de pire… Ils avaient du temps. Du temps pour eux… Du temps pour discuter un peu…Lentement, il avait descendu ses yeux jusqu’à leurs mains jointes, les avaient remonté jusqu’à son visage embrassant le dos de sa main, levant les yeux pour plonger l’or de ses iris dans le bleu des siens… Comprendre, c’est admettre:
– Tu te souviens ce que tu m’as dit, tout à l’heure… Tu penses que cet endroit est mon fardeau, que tu es venue pour comprendre ce que je suis et peut-être me soutenir, mais que tu ne veux pas l’être en devenant insignifiante ? » il avait marqué un temps d’arrêt, afin qu’elle soit bien consciente qu’il s’agissait bien de lui, avant d’affirmer avec force « Tu n’es pas insignifiante. Pas pour moi. Je n’ai jamais vu d’insignifiance en toi, et pourtant… Dieu sait que j’en vois chez autrui. Tu ne le seras jamais, même dans ce Futur que nous avons vu, même dans celui qui nourrit ce cauchemar actuellement. L’Enora de ce Futur...était forte, même si elle a énormément souffert. Elliot est ton ami, il est normal que tu puisses regretter de l’avoir atteint, mais l’Enora d’alors le savait-elle ? Peux-tu réellement lui en vouloir en sachant ce qu’il programme de faire ? Et cela n’est jamais arrivé… Alors pourquoi cela t’inquiètes-tu ? »
Délicatement, il avait lâché l’une de ses mains pour remonter le long de son bras, lentement, avait laissé sa main se creuser le long de son cou, puis se nicher jusqu’à sa joue. Sa fausse joue, cette prothèse parfaite.
– « Je suis un esthète, je ne peux que comprendre cette douleur là. Mais ce n’est pas toi. C’était une éventualité. Et même cette éventualité a été forte. Tu es une femme forte. Tout à l’heure… Tu as dit… quelque temps cela t’effrayait différemment… Pourquoi, trésor ? Pourquoi ce Futur mort avant d’être né t’effraie-t-il ? Pourquoi cela transparaît-il davantage ? »…
Il s’arrêta un bref instant, glissa son doigt de sa joue pour le déposer sur ses lèvres tendres. Comprendre, c’est se livrer, aussi
- « Attends.. Ne dis rien… Pas encore… Tu m’as énormément livré de toi, Enora… Plus que tu n’osais le dire. Je sais que cela t’en a coûté. Alors, si je dois savoir cela de toi, ce passé que tu n’osais dire… je dois le faire aussi. Tu dois savoir aussi… que… Jadis… Je fus...bien davantage...un roturier qu’un roi. » Ses yeux avaient crépité un instant et il avait ajouté « Je ne te l’ai pas dit et pourtant, je n’en porte nulle honte. Je n’ai jamais eu aucune honte de moi. Ce n’était juste pas ma destinée de le demeurer… Mais...mon...règne… fut… Dire qu’on m’a arraché à mon couronnement serait en deça de la réalité. Mais, je tiens à être souverain. Je tiens à mon royaume, je tiens à ma.. mon rang. Et c’est un calvaire de penser que ce...misérable...puisse être en train d’oeuvrer pour me l’ôter. Je ne le supporte pas. Je ne supporterai pas qu’on me ravive MA place. »
Il avait craché les trois derniers mots, s’apaisant simultanément ensuite. Son doigt s'ôta de ses lèvres, rejoignant la ligne de sa mâchoire, dans le creux de son cou.
- "Voilà une chose que tu ignorais, trésor. Mais tu pressentais peut-être... "
Mais, il n'avait pas tout dit.Il avait tu ce qu’il affrontait en réalité. La teneur de QUI il affrontait. Son effroi le plus insensé, mais qu’il ne pouvait avouer sans avouer pleinement toute la noirceur de son coeur. Il comprenait la haine qu’avait provoqué la vue d’Isaac et l'horreur rageuse et désespérée que causait en lui Ursule. Il n’avait jamais craint sa descendance pour ce qu’elle était… Autant qu’il se souvenait Preminger n’avait jamais eu peur de personne. Il était né avec une confiance et un amour incommensurable en lui. Il se vénérait. Personne n’était plus grand que lui. Personne ne pouvait être plus Beau. Plus Grand. QUI donc aurait-il pu le défier, le faire chuter ? Il personnifiait l’excellence ? La perfection… Pourtant ce qui prenait vie ce jour composait son réel pire cauchemar. Il l'avait reconnu lors du discours d'Ursule, s'était arrêté fasciné. Fasciné par son aura. Pire qu’un adversaire aussi intelligent que lui, pire qu’un reflet de sa Beauté…Sa pire crainte au monde s'était matérialisée devant lui. Une autre version de son âme. C’était l’essence de ce qui le composait. L'essence de LUI-MÊME dissociée. Dans un autre corps que lui.
Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »
| Avatar : Kaya Scodelario
Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...
D’une même voix, nous avions soupiré d’aise lorsque le loquet de la chambre s’était fait entendre. Combien de temps durerait ce cauchemar ? Nous avions aucune date précise de départ. Fallait-il compter cela comme le prospectus l’avait présenté ? Deux semaines pleines et entières ? Est-ce que le Temps s’écoulait de la même façon ici ? Ou est-ce que cette simulation prendrait fin quand nous “aurions compris”, peu importait le temps passé et que cela équivaudrait à 2 semaines dans le monde réel ? Et si c’était une sorte d’Hôtel Bleu ? Et si nous y restions beaucoup plus longtemps ? Pouvais-je accoucher sans même voir mon ventre et mon bébé ?
Le mouvement d’Erwin m’avait ramené à la réalité, son cri aussi. Je l’avais senti dérivé et il m’avait ancré dans le moment en récupérant brusquement mes mains dans les siennes. Je l’avais serré aussi fort que j’avais pu pour éviter qu’il ne se détache pour se blesser une nouvelle fois. J'avais presque pu voir l’éclair de peur dans ses yeux et je l’avais observé profondément pour inverser pour une fois cette phrase qui devenait presque un Leitmotiv entre nous, le précisant avec certitude et avec force :
— Je ne te lâcherai pas.
D’un regard, j’avais tenté de le rassurer et tout en le tenant fermement, attendant que le mauvais sort passe, j’avais alors précisé :
— Et sinon... c’était toi ou c’était l’autre quand tu disais que tu m’admirais ?
Je lui avais lancé un sourire timide et pourtant amusé, tentant de dédramatiser la situation avec douceur. Je l’avais ramené vers le lit et nous nous y étions assis. J’avais fermé les yeux un instant en sentant ses lèvres se poser sur le dos de mes mains, me nourrissant de ce doux contact face à ce monde de brute et de folie dans lequel nous étions. Je m’étais un peu plus rapprochée de lui tandis que je rouvrais les yeux sur ses iris d’or qui me scrutaient. J’avais hoché la tête d’un air entendu quand il me demandait si je me souvenais d’avoir parlé de mon insignifiance. La suite en revanche me toucha plus que je ne me l’attendisse. Je voyais la sincérité dans ses yeux et ses propos, bien loin du ton mielleux qu’il emprunter avec autrui à Storybrooke et du ton aimant et doux qu’il avait ici quand on l’y forçait. Une partie de moi avait toujours rêvé de marquer le monde. A ma façon. Sans vraiment savoir laquelle ou la définir. Laisser une trace de mon passage sur terre, une vision égoïste et quelque peu mégalomane qui trahissait surtout ma peur de mourir et de disparaître à jamais. J’avais envie de compter. D’une belle façon. J’avais envie qu’on se souvienne de moi pour ce que j’aimais faire ou parce que j’avais fait le bien en me battant pour une cause juste, en faisant évoluer le monde d’une façon ou d’une autre. Mais ce n’était pas toujours possible. J’avais grandi dans une ville secrète, cachée du reste du monde, difficile donc de le marquer de cette position. Je n’avais pas spécialement longuement prolongé mes études, choisissant différentes voies de travail qui s’étaient présenté à moi. Et avec le Temps, je m’étais rendue compte que je tirais une certaine félicité de déjà compter pour les personnes qui m’entouraient. D'avoir une importance à leurs yeux. Me dire que si je venais à disparaître demain, peut-être qu'eux me regretterait, feraient perdurer ma voix et mes valeurs à travers les souvenirs qu’ils avaient de moi. Savoir que je comptais pour ceux qui m’aimaient me bouleversait. Je ne savais pas vraiment à quel point je comptais pour Erwin. Il n’avait jamais vraiment été très explicite sur le sujet. Il n’était pas du genre à dire “Je t’aime”. Il faisait partie de ces éternels insatisfaits qui relevaient bien plus les désagréments que les bons moments. Et pourtant, d’aussi loin que je me souvenais, ce n’était pas véritablement ça avec moi. Il se plaignait bien sûr, beaucoup, il dramatisait volontairement certaines de ses situations quand il me rendait visite le soir pour sans doute recevoir encore plus d’attention de ma part. Mais il se plaignait rarement de moi. On ne se comprenait pas toujours, il n’avait pas toujours été tendre avec moi au début de notre relation, notamment sur mes tenues vestimentaires ou mes styles de vie beaucoup trop simple à son goût. Mais au fil du temps, il avait appris à les tolérer avec patience, la même patience que je lui accordais quand je le trouvais bien trop mesquin ou geignard. Il n’en était resté que des exclamations ravies et gourmandes de certains moments qui le ravissait. Il était largement plus bavard dans notre intimité, comme si les pulsions et l’échauffement de nos sens le poussait à faire rejaillir tout ce qu’il tentait de taire habituellement. C’était encore dans ces moments que ces désirs de grandeurs et de magnificence transparaissaient le plus à mes côtés. D’une certaine manière, je m’étais alors convaincu que je comptais. A ma façon, à sa façon. Parce qu’il était différent avec moi qu’il ne l’était avec les autres. Et pourtant, aujourd’hui il le formulait : je comptais. Je n’avais pas d’insignifiance et cela valait tous les silences.
Ce n’était pas juste quelques mots qui auraient aussi dû être une évidence pour n’importe qui. Il l’avouait lui-même : il ne lui était pas rare du tout de voir de l’insignifiance autour de lui et le fait qu’il me confirmait aujourd’hui que je ne faisais pas partie de cette catégorie me faisait un bien fou, m’émouvait et me rassurait aussi d’une certaine façon. Il disait que je ne l’étais pas, ni ici, ni ailleurs, ni dans le présent, ni dans le futur. Mon regard avait légèrement dérivé lorsqu’il l’avait dit, comme si je remettais en cause malgré moi cette affirmation. Dire que l’idée que, malgré notre relation profonde et nos deux enfants, notre situation de couple ne changeait pas ne me dérangeait pas aurait été mentir. Je n’avais fait que l’accepter jusqu’à présent mais je réalisais à présent par moment, à mesure que mon ventre s’arrondissait et que la chambre se terminait que l’idée de rester seule avec mon fils tandis qu’il retournait auprès d’une autre femme commençait par moment à me fournir des picotements désagréables dans la poitrine. Une sorte de douleur, de gêne et une voix insidieuse dans ma tête qui me rongeait tout ce qui me restait de bonheur et de confiance en moi quand tard dans la nuit j’y pensais, que mes angoisses ressurgissaient et que je pouvais l’entendre me susurrer avec onctuosité que s’il n’était pas pleinement avec moi, s’il ne quittait pas sa femme, c’est parce que je n’étais rien d’autre qu’un amusement, un jeu tout bonnement appréciable sur le plan humain et surtout sexuel, un petit plaisir qu’on mangeait dans son coin avant de revenir dans le droit chemin des choses importantes de la vie.
J’avais alors ramené les yeux vers lui lorsqu’il avait parlé de ce futur autrement différent, celui d’Enora. Il n’avait pas tort. Jamais personne n’avait été capable de me dire si elle savait qui elle avait attaqué, si elle avait su avant de le faire ce que cela représentait. Je n’avais jamais envisagé cela sous cet angle dans la mesure où nous savions tous désormais qui était destiné à devenir Chronos. Mais ce Futur avait été écrit sur un passé différent, que je n’avais pas connu et qui pouvait expliquer son geste. Pouvais-je lui en vouloir d’avoir voulu tout tenter d’arrêter ? C’était peut-être cela qui m’effrayait le plus : est-ce que je n’étais pas moi-même prête à tuer ceux que j’aimais si j’estimais que ce qu’ils faisaient, était mal ? Après tout, j’avais apparemment cela dans le sens... Cette pensée m’avait fait réprimer un frisson qu’Erwin avait stoppé en posant sa main avec douceur contre ma prothèse. Je réalisais à quel point maintenant je ne pouvais plus rien sentir de son toucher. Comme pour m’ancrer face à cette douceur, j’avais posé ma main sur la sienne, comme si la sentir au creux de ma paume m’aider à retrouver la sensation de sa chaleur sur ma joue.
— Pourquoi, trésor ? Pourquoi ce Futur mort avant d’être ne t’effraie-t-il ? Pourquoi cela transparaît-il davantage ?
J’avais dégluti. C’était si difficile à expliquer, je ne savais pas même comment commencer. Mes lèvres s’étaient entrouvertes mais j’avais senti son index s’y immiscer avec la même douceur, m’intimant au silence pour reprendre la parole. Il voulait m’avouer quelque chose disait-il. Alors j’avais relevé un peu plus mes yeux vers lui, j’avais tenté de me redresser après m’être affaissée devant toute cette gêne et ce poids qui pesait sur mes épaules.
— Tu dois savoir aussi… que… Jadis… Je fus...bien davantage...un roturier qu’un roi.
Ses yeux avaient crépité d’une étrange lueur et mon regard s’était juste mué en une incompréhension silencieuse. Il revenait sur quelque chose que je savais déjà. Il avait pourtant l’air de l’avouer d’une certaine façon, il y mettait les formes, il y avait une certaine hésitation dans le choix des mots, comme s’il avançait à pas couvert. Mais pourquoi ?! Je savais qu’il n’était pas prince de sang, il me l’avait dit à la seconde où j’avais compris son mariage et que je l’avais questionné à ce sujet. Pourtant il m’avait demandé de me taire et il se pressait déjà à continuer son explication alors je restais silencieuse. Tout devint alors plus clair malgré sa façon de parler déguisée. Il aimait les métaphores et les façons de parler enjolivées, cela lui venait sans aucun doute de son monde mais je sentais que c’était bien plus le fait de dire franchement “je n’ai jamais vraiment été roi” qui le bloquait que la beauté des mots qu’il employait qui l’amusait. Erwin était dévoré par l’ambition et l’envie de ravir la couronne. Je l’avais deviné depuis plusieurs mois, je lui avais même sous-entendu au point qu’il me le rappelait aujourd’hui mais aujourd’hui il l’annonçait franchement et sans détour. Il tenait à devenir roi. Qu’avait-il fait pour en arriver là ? C’était rarement comme cela que ça se passait dans les histoires et encore moins dans les contes. Les héros ne rêvaient pas de pouvoirs. Il rêvait d’amour, de bonheur, de famille... des choses nobles et non matérielles. Parfois ils espéraient aussi sortir de la misère, bien entendu mais dans le but d’améliorer leur quotidien, pas de dominer. Erwin avait été roturier. Il venait d’une famille riche avait-il dit et comme par hasard, son royaume avait un jour souffert de la faillite et une reine éplorée l’avait attendu lui pour l’épouser et ravir son trône... On lui avait pourtant arraché son couronnement disait-il... s’il n’avait pas eu le temps d’être couronné, avait-il seulement été... marié ? Était-ce là la simple raison de son mariage ? Le couronnement à venir et qui ne venait toujours pas ?
J’avais détourné le regard pour observer mon reflet dans le miroir sur pieds un peu plus loin. Moi, dans mon habit d’office, lui dans cet habit de cérémonie qu’il ne mettait jamais. J’étais reine. Il n’était rien. Pas vraiment roi. Juste mon mari... tout comme... Mes mains s’étaient instinctivement détachées des siennes tandis que mon regard coulait sur ma silhouette à travers le miroir. Prendre conscience de cela était plus douloureux que je ne l’avais imaginé. En me laissant dans le doute, en ne me présentant pas les choses comme il me les avait présentés ici, je m’étais imaginé quelque chose de beaucoup plus doux, plus léger, rien à voir avec la vérité plus amère et violente. Les héros ne désiraient pas si ardemment le pouvoir dans les contes... Non. Ceux qui le désiraient était... les méchants.
— De... de qui tu parles ?
J’avais lentement tourné la tête vers lui, mes mains toujours posées sur mes cuisses. Je réalisais toujours un peu plus ce qu’il m’avait affirmé. On lui avait arraché sa couronne avant qu’il ne puisse en jouir et maintenant il me voyait dans cet univers comme ce que sa femme représentait sans doute pour lui. Il était à une marche du pouvoir, il suffisait que je la lui donne, il me l’avait même demandé, il n’avait pas pu s’en empêcher. Mais tout à l’heure, lors du discours, il avait vu ce que j’avais vu. La passion dévorante de ce fils monstrueux qui se délectait à chacune de ses paroles de la puissance qui montait en lui. Il serait bientôt couronné. A la place de son père et la couronne échapperait à Erwin à tout jamais. Il ne pouvait pas le supporter. Ursule était exactement le symbole de sa peur la plus profonde et elle portait même le nom qu’il aurait donné à Isaac qui j’avais refusé de lui accorder celui que nous avions entendu dans notre futur. Ursule ETAIT Isaac. Une version d’Isaac qu’il appréhendait maintenant depuis des mois. Mon regard s’était plongé un peu plus dans le sien, plus profondément tandis qu’une de mes mains était venue se poser avec douceur sur mon ventre plat, comme un geste de réconfort pour cet être qui grandissait en moi, un geste de protection aussi tandis que ma mâchoire se faisait plus serrée.
— Erwin. De QUI tu parles ?
Il savait ce que j’entendais par là. Je n’étais pas stupide. Il était évident que j’avais vu la même chose que lui pendant le discours. La question ne se posait même pas s’il ne s’agissait que d’Ursule. Je n’avais aucune raison de réagir ainsi. Il garda le silence un moment, m’observant longuement tandis que je ne le lâchais pas des yeux et au bout d’un moment, la réponse tomba, d’une franchise désarmante. Il ne mentait pas. Personne n’aurait menti dans ce sens-là... et surtout aucune punition corporelle ne vint l’accabler pour ce qu’il venait de dire, tout simplement parce que par ma question, je lui avais demandé implicitement d’être franc :
— Présentement ? Je parle d'Ursule. Mais cela s'applique à tous. A tous. Ursule. Gaspard. Isaac. Tous ceux qui aujourd'hui ou un jour, se penseraient en droit d'exiger ma suite. De s'arroger leur "héritage".
Pendant quelques secondes, je n’avais pas bougé, encaissant le choc de ce qu’il venait de me dire, finissant de clouer la raison qui m’avait poussé à faire ce vœu : nous n’étions pas une famille, nous n’en serions jamais une car Erwin ne voyait que sa couronne et en Isaac un être aussi vil que lui qui viendrait la dérober à l’instant où il en aurait l’occasion. Elle était là, l’ombre étrange au fond de ses yeux. Erwin n’était pas le héros de son histoire, il n’était pas non plus un simple figurant. Il en était bel et bien le méchant, c’était évident. Mon souffle s’était fait plus lourd, plus saccadé à mesure que mon cœur s’était mis à battre plus vite sous la douleur de cette réalisation. J’avais la gorge sèche, les yeux en feu et je sentais que mes lèvres s’étaient mises à trembler de façon incontrôlable. Mes yeux s’étaient petit à petit embués et tandis que je l’observais toujours, je réalisais toute l’horreur de ce qu’il venait de me dire. Plaquant mes doigts sur mes lèvres comme pour retenir un sanglot, je n’avais pas pu retenir les mots qui hurlaient dans ma tête depuis quelques secondes maintenant :
— Mon dieu... tu me dégoûtes...
C’était pas possible. C’était ça le vrai cauchemar. On m’avait subtilisé le véritable Erwin pour cette espèce de monstre sans âme. Et pourtant au fond de moi, je savais que je ne faisais face à rien d’autre que la vérité, à personne d’autre que la personne qui m’avait séduite, malgré cette ombre au fond de ses yeux dorés qui ne l’avait jamais quitté. Je l’observais toujours, à la recherche d’un geste, d’un tic, d’un mot qui me ferait comprendre qu’il blaguait mais rien ne vint. Juste toujours plus de douleur face à ce que je comprenais maintenant pleinement. Il n’avait pas la fibre paternelle, c’était indéniable. Mais il ne l’avait pas non pas parce qu’il n’avait aucun attrait pour les enfants ou pas seulement... mais aussi parce qu’il les voyait comme un danger potentiel pour une couronne qui désirait plus que tout au monde. C’était trop, il fallait que je parte, que je m’éloigne de lui, qu’il sorte de mon champ de vision. Il me fallait du temps pour comprendre ce qui m’arrivait, ce que je ressentais et pensait. Tout se bousculait dans ma tête avec une telle incohérence que j’avais l’impression d’avoir été assommée par un coup invisible et cette phrase qui se répétait en boucle dans ma tête malgré moi “ce n’est pas possible... ce n’est pas possible...”. Je m’étais dirigé vers la salle de bain où je m’étais enfermée, tournant la clé d’un geste sec dans la porte. J’avais besoin de calme. J’étais presque certaine qu’il ne me courrait pas après, il ne le faisait jamais. Il ne courrait qu’après la couronne. Mais j’avais besoin de m’en assurer.
Je m’étais laissé glisser jusqu’au sol, mes deux mains plaquées sur ma bouche tandis que j’évacuais bien malgré moi les sanglots qui étaient devenus trop douloureux pour rester en moi. Je ne voulais pas qu’il m’entende pleurer, je plaquais mes mains à m’en étouffer pour être certaine d’amoindrir au maximum mes pleurs. Je ne savais pas combien de temps j’avais pleuré ainsi mais j’avais clairement attendu que tout sorte, que je prenne plus de temps pour réagir à ce que je venais de comprendre et ce que je venais d’apprendre. J’avais fini par me relever, m’observer dans le miroir, appuyée sur la paume de mes mains. Mais qu’est-ce que j’avais fait ? J’avais fait un enfant avec ce type. Comment avais-je pu ne serait-ce que me fourvoyer à ce point ? Ne supportant même plus mon propre reflet, j’avais brusquement ouvert le robinet pour faire couler l’eau à pleine puissance, une eau glacée dont je m’aspergeais le visage avec violence à plusieurs reprises. Au diable les prothèses, peu importait ce que je pouvais voir en dessous, rien ne devait être aussi terrible que la crasse que je percevais en Erwin. Pourtant elles restèrent bien en place, même quand je pris le temps de m’essuyer le visage. J’avais pris encore quelques minutes pour m’assurer d’être calme et avec l’esprit plus concentré avant de ressortir pour l’affronter. J’ignorais ce qui s’était passé dans cette pièce, je n’y avais pas prêté attention une seule seconde. Pourtant, je l’avais retrouvé à côté d’un miroir à manche au reflet brisé. Il avait dû le trouver dans la table de chevet derrière lui dont le tiroir était encore ouvert. Sa main gauche était pleine de sang, comme s’il avait mis un coup de poing dedans, son bras était tailladé et ses tissus déchirés. L’une de ses joues, au niveau de ses pommettes, présentait à présente une grande marque de sang. Avait-il été puni de la douleur qu’il m’avait causé ? C’était la seule explication que je voyais mais pour la première fois, j’y étais presque insensible, bien trop concentrée sur mes pensées et ce que j’avais à lui dire.
— Mon fils n’a absolument aucune vocation à te voler ton trône. Parce qu’il vivra dans mon monde. Avec moi. Ursule n’est qu’une pâle copie de ce que représente Isaac pour toi et tu le sais. On le sait tous les deux. Alors c’est ça qui lui est arrivé dans ce futur ? C’est pour ça qu’il te craignait autant ? Tu lui faisais chaque jour subir l’affront qu’il ne te faisait même pas de convoiter ton trône ? Tu vois... si ton toi du futur n’avait pas été aussi obsédé que toi par ta précieuse couronne, tu te serais sans aucun doute aperçu que cet enfant n’avait aucune vocation à te voler ce à quoi tu aspires. C’était un garçon timide, sensible et intelligent, qui ne cherchait que l’amour de ses parents, sans aucune espèce de calcul. Il ne suffit pas de naître fils de roi pour désirer la couronne, tu devrais le savoir vu que tu n’en es pas un. Tu le réduis à un danger potentiel qui n’existe même pas : même s’il voulait prendre ta suite, c’est un bâtard tout au plus. Si tu as peur de la mort, parfait mais ne fait pas subir aux autres ta propre peur. C’est quoi le problème ? Qu’on puisse un jour te succéder ? Mais n’importe qui pourrait te succéder, pas seulement ton fils je te signale. Le seul héritage que tu donneras à cet enfant, c’est le souvenir de l’éducation et de l’amour ou l’absence d’amour que tu lui auras donné. C’est le seul héritage dont on est TOUS capable de s’arroger ici, le seul qui le vaille vraiment. C’est fou ce que tu es comme lui.
J’avais eu une grimace de dégoût en pensant à mon père, en réalisant que de la même manière, mon père m’avait écarté car je représentais un danger. Pas le même, mais un à sa façon. Mais je n’étais pas ma mère, je refusais de me taire.
— J’espère en tout cas qu’il sera comme moi.
Capable de s’affranchir de se père égoïste et assoiffé de pouvoir qui n’hésitait pas à se détourner pour atteindre son but... sauf que... “Cet enfant ne grandira pas sans moi”... Erwin ne s’était pas détourné...
— Pourquoi ?
Je respirai difficilement et je voyais que cette question allait demander un peu plus d’explication de ma part car elle lui était encore bien trop vague :
— Si tu as si peur qu’il te vole quelque chose, qu’il te réclame un héritage ou je sais pas quoi, pourquoi alors ne pas tout simplement avoir choisi de l’abandonner ? Je t’ai laissé le choix, plein et entier. Tu pouvais te retirer, refuser ne serait-ce que de poser les yeux sur lui. Alors POURQUOI tu m’as assuré que cet enfant ne grandirait pas sans toi ?
C’était le seul point d’interrogation qui me restait encore dans toutes les certitudes que je m’étais acquise au cours des dernières minutes.
Erwin Dorian
« If the crown should fit, then how can I refuse? »
| Avatar : Rufus Sewell
- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)
| Conte : Coeur de Princesse/Le Prince et le Pauvre | Dans le monde des contes, je suis : : Preminger
En ne serait-ce qu’une fraction de seconde...tout avait failli voler en éclats. Le vernis du tableau avait tremblé, prêt à se craqueler, révélant la nature vraie et laide sous les couches d’apparats. La réalité restait bien visible, en définitive, une fois qu’il ouvrait la porte… Un peu comme son tableau qui trônait dans la salle du trône autrefois. Un chef-d’œuvre de beauté qui pourtant ne niait pas sa malfaisance. Elle était inscrite dans son sourire sarcastique, dans l’avidité rusée de son regard d’or… Et pourtant, personne n’y avait jamais rien vu de tel, aveuglés tous autant qu’ils étaient par autre chose. La confiance, l’habitude et même son arrogance. Et pourtant, tout y était peint. Comme tout se trouvait à nouveau devant Alexis, avec plus de clarté que jusqu’alors. Il aurait du se douter que la confidence amènerait la compréhension et que de cette dernière découlerait la vérité. La Vérité n’avait pas d’heure mais dans le cas présent, elle arrivait en avance, trop tôt. Preminger, plus que s’en douter, le savait et la réaction qui en avait découlé ne l’avait point surpris. Juste...tendu. Qu’aurait-il du faire ? Il avait sent qu’il lui devait cette vérité. Cette confirmation de petit règne qu’il dissimulait à tous. Nombreux étaient ceux à Storybrooke qui l’imaginaient avoir un jour durablement porté la Couronne. Jamais ô grand jamais, il se gardait bien de les en dissuader. Cela faisait partie de son image de marque, de son faux prestige, dont son admirable personne n’avait pas besoin, mais dans la bien-pensance des petites gens raffolait. Il avait senti qu’il la devait à Alexis. Après tout ce qu’elle lui avait livré, il aurait aimé se dévoiler davantage, égalitairement MAIS il ne le pouvait. Cette confidence revenait-elle pourtant au même ? Avait-il commis un dispensable impair dans sa volonté de la soutenir ? Puisqu’elle n’était pas prête… Pas prête à affronter le Monstre qui se cachait derrière… Pas prête à le faire sans qu’une partie de ce qui les composaient ne risque d’être effondré. Alexis n’était pas une idiote. Elle voyait au-delà des apparences, du fait de la sensibilité dont la vie l’avait dotée. Elle ne se bornait pas à ce qu’une personne dégageait et tâchait toujours de battre des cils, pour passer au-delà de la poudre aux yeux que les individus s’évertuaient à jeter, pour dissimuler leur vraie nature. Elle avait percé à jour l’existence de son côté sombre, bien tôt, à la mine exacte où ils s’étaient rencontrés, sans s’éblouir de la beauté qui dispersait souvent l’attention de ses interlocuteurs. Les circonstances de leur rapprochement et ce qui en avait suivi n’avaient pas gommé ses méfiances et il devait avouer qu’il n’avait guère cherché à les annihiler complètement. Les mensonges et les non-dits qu’il avait progressivement admis avaient du être dits, mais l’ancien ministre savait que jamais le doute n’avait quitté le coeur de la jeune femme. Elle les avait tus, en revanche. Preminger interprétait cela comme une sorte d’assimilation, douloureuse certes, mais douce, qui leur permettrait un jour d’accéder à la pleine compréhension de l’autre, sans heurts. Peut-être se fourvoyait-il ? Lorsqu’elle avait quitté la pièce, rageusement, aux bords des larmes, il s’était assis, ouvrant d’un coup bref la table de lit, soupirant de soulagement l’apercevant. Il était là… Bien plus que le grand qui bordait le mur, une réplique identique à son miroir de poche. « Qu’es-tu devenu, TOI, qui ici ne mérite pas le nom de Preminger ? » songea-t-il. S’il possédait encore cette coquetterie, comment avait-il pu ne serait-ce qu’admettre cette honteuse déchéance ? Peu importait ! Il se moquait comme d’une digue de son homologue de cauchemar, il n’avait besoin que lui. De son reflet superbe… Malgré l’apparence bien moins soignée, malgré l’absence de mise en plis dans ses boucles noires, il avait besoin de se voir… Et il se vit, s’absorbant dans son reflet, laissant sa contemplation de lui-même le bercer. Tout ne serait pas forcément aussi simple qu’il l’avait envisagé… ou peut-être s’était-il seulement appliqué le même aveuglement volontaire qu’Alexis s’était fait subir à son propos ? Peut-être qu’il ne pouvait y avoir d’acceptation sereine de sa nature ? Peut-être que le Dégoût de ce qu’il était se révélait aussi fort que l’Amour qu’elle pouvait lui porter ? Dans ce cas, lequel l’emportait sur l’autre ? Que se passerait-il si les valeurs d’Alexis se trouvaient trop fortes ? Trop puissantes pour que sa conscience morale ne se brise pour Lui ? Il n’avait jamais cru en la puissance de l’Amour, alors comment pouvait-il croire en celui qu’elle lui manifestait ? Pourquoi cette folie ? Croyait-elle réellement qu’elle était différente ? Mais si sa nature n’était même pas entachée par le vice, comment ne pouvait-il supposer qu’elle puisse tomber amoureuse de la Malfaisance incarnée ? Il releva la tête, s’observant dans le miroir. Le diable était tentateur, et il pouvait corrompre. Pourquoi n’y aurait-il pas réussi ? Pourquoi, diantre, serait-elle l’ultime à ne pas céder aux ténèbres ? Mais le voulait-il réellement ? Non. Il ne désirait pas qu’elle sombre à ce point. Aussi semblable à lui qu’elle puisse être, en définitive, il voulait préserver son âme. Mais pouvait-il changer pour autant ? Non. Il s’aimait ainsi. Il n’aimait que... BOUM. Sa bouche eut un cri plaintif et presque animal, tandis que le verre pénétrait dans sa chair. Un bout de verre glissa de sa joue jusqu’à ses genoux, alors qu’il observait, tétanisé, sa main gauche constellée de morceaux rougeoyants, et une douleur cuisante qui montait jusqu’à l’entièreté de son corps… Son coeur se mis à battre puissamment de panique, alors que ses yeux dévalaient jusqu’au miroir, tâchant d’assembler les pièces de ce que ce qui venait de se produire… Que s’était-il passé ? Avant qu’il n’ait pu l’empêcher et même le réaliser, sa main gauche s’était abattue avec force sur le miroir, le faisant exploser d’un coup net en mille morceaux… La moitié des pièces brisées s’étaient incrustées sur son poing, désormais sanglant, déchirant jusqu’en haut de sa veste… L’autre moitié s’était envolée, éraflant son beau visage ou l’évitant. Il aurait pu en devenir aveugle… Une angoisse réelle le secouant davantage à cette pensée. Il ne désirait pas y penser davantage. Incapable de reposer malgré tout le manche du miroir, incapable d’endiguer le sang, il restait là, observant les rares bouts de glace demeurés sur le miroir, qui lui rendaient son regard divisé par mille, fissuré… Pourquoi cela s’était-il produit ? Il n’avait eu aucune envie d’agir ainsi. C’était le maléfice de cet endroit maudit qui l’y avait forcé ! Il n’avait pu comprendre son geste, l’endiguer avant qu’il ne survienne, n’avait fait qu’en subir les conséquences. Sa main tremblait encore, en secousses incontrôlées… Pourquoi ? Parce que dans ce monde odieux, il L’avait fait souffrir en dépit des règles dictées ? Parce qu’il avait été égoïste ? Ou parce qu’il avait menti ? Ou parce qu’il s’était menti ? Une phrase prononcée jadis flotta dans son esprit… « S’observer dans le miroir, ça demande de s’affronter soi-même ». Il ne voulait pas y réfléchir et le savoir. Il n’était pas prêt à y répondre. Il ne fallait pas. Portant le regard dans le vide, il laissa sa main déposer lentement le manche et ce qu’il restait de miroir sur le lit, ignorant les goutelettes de sang qui glissaient le long de sa main, ignorant la douleur qui le faisait pincer les lèvres, se bornant à poser son index droit sur la plaie causée le long de sa pommette. C]]« Elle disparaîtra si tu sors d’ici… Elle disparaîtra... [/i]» S’il sortait d’ici. S’ils sortaient d’ici. Mais y parviendraient-ils ? Et après quoi ? Il savait qu’il n’avait pas joué toutes ses cartes. Toutes ses manigances, tous ses secrets lui appartenaient encore pleinement. A présent que la couverture se soulevait… fallait-il l’ôter, laisser le rideau tomber en dépit des risques ?
— Mon fils n’a absolument aucune vocation à te voler ton trône.
Il ne l’avait pas entendue revenir. Il se demanda subitement depuis combien de temps elle l’observait. Avait-elle vu cet horrible moment ? S’en moquait-elle ? Puisque visiblement, elle n’accourait pas horrifiée pour s’enquérir de son état. Cela témoignait réellement de son énervement...Cela l’amusa involontairement. En cela, elle se rapprochait de sa manière d’appréhender les autres sous le coup de la colère… Il reporta son attention sur sa main tirant un mouchoir pour tenter d’ôter les morceaux de verre de sa peau, écoutant les propos que sa voix prononçait, tranchante… Bien plus qu’Alexis s’exprimait, c’était la Mère en elle qui faisait entendre sa voix, celle qui défendait son enfant...envers et contre tous. Même contre lui. Cela fit tressaillir cyniquement le coin de sa bouche, tandis qu’il continuait patiemment sa tâche, laissant les bouts de verre choir sur le sol, contractant à peine la mâchoire. Etait-ce vrai ? Ce qu’elle pensait ? Avait-il dédaigné Isaac parce qu’il craignait la perte de sa Couronne ? Il savait que telle avait été sa raison, cette impression plus intime de se voir, à nouveau jeune, beau, plein de promesse, un rival parfait puisque LUI, un voleur de tout ce qu’il était et chérissait tant. Preminger n’avait jamais craint personne. Il s’était toujours vu au dessus de la mêlée, plus avide qu’autrui, plus cruel aussi, bien plus ambitieux et surtout sans la moindre morale. Il avait vécu POUR LUI. Avait arraché à tous, tout ce qu’il avait pu désirer, en considérant que tout lui revenait de droit. Parce qu’il en avait l’envie, parce qu’il s’en donnait les moyens. Lorsqu’il avait vu cet enfant, ses traits qu’il chérissait tant se mouvoir sur autrui, il l’avait haït. Personne n’avait le droit d’être comme lui. Personne ne pouvait reproduire la Perfection qu’il était. Personne ne lui volerait son identité. Il avait sûrement transposé sûrement énormément de choses sur l’Erreur, avant même qu’elle n’existe réellement, lorsqu’elle avait pris corps dans ce Futur potentiel. Une impression d’injustice et de trahison que portait sa propre personne, une impression palpable que tout ce qu’il avait voulu obtenir était voué à lui être volé par un autre… L’impression que quoiqu’il puisse faire, son Destin était voué à être tenu en échec. Pourquoi ? Parce qu’il était mauvais ? Et bien. OUI. Il l’était… Cette expérience ici avait du positif, en tout et pour tout, il le réalisait seulement… Ce n’était que l’expression des effrois, des peurs et des colères qu’ils gardaient en eux. Elle disait vrai. Isaac n’était pas LUI. Il ne le serait jamais. Il était unique. Une ressemblance, aussi désagréable soit-elle, ne le rendrait jamais comme lui et ne traçait pas son destin. Alexis et lui-même sauraient le garder du narcissisme qui le composait. Il n’était pas LUI. Et son réel adversaire n’existait pas, il était lui-même et personne, jamais ne serait lui, Ursule était un leurre. Une projection improbable…qui ne pouvait exister que dans un endroit tel que celui dans lequel ils se trouvaient. Il le comprenait, à présent… Et la haine qu’il vouait au souvenir de son fils non né, s’éteignit un peu. Qu’en était-il de celle de son lui du Futur ? Il ne la connaissait pas. S’il avait vécu ce moment ; cet instant précis ICI dans cet endroit cauchemardesque… ? Ou peut-être qu’il ne disposait d’aucune haine contre lui, peut-être agissait-il par pur plaisir sadique de se savoir unique ? Il ne savait pas… Cela changerait-il quelque chose ? Ou rien ? Ou peut-être une voie intermédiaire…
- « C’est quoi le problème ? Qu’on puisse un jour te succéder ? Mais n’importe qui pourrait te succéder, pas seulement ton fils je te signale. »
Ils pouvaient tous, dans l’absolu… Mais pour cela, encore faudrait-il le vaincre. Personne ne le ferait. Il ne laisserait personne le faire.
- « Le seul héritage que tu donneras à cet enfant, c’est le souvenir de l’éducation et de l’amour ou l’absence d’amour que tu lui auras donné. C’est le seul héritage dont on est TOUS capable de s’arroger ici, le seul qui le vaille vraiment. »
C’était sa vision des choses, évidement. Que lui avaient offert ses parents, sinon une piteuse misère et un amour inconditionnel ? Une Beauté. Eux, paysans sans particulière magnificence lui avait donné ces traits parfaits, dont il s’enorgueillissait. Son intelligence était tirée de lui-même. Ils avaient cru en lui, certes… Mais il n’était pas ceux qui lui avaient offert le plus, c’était lui, seul. LUI qui avait vu sa valeur, son potentiel.
- « C’est fou ce que tu es comme lui. » Ursule ? Evidemment. Il avait retenu le sourire sardonique qui avait manqué de se refléter sur son visage… Faisant la moue, serrant les dents, il avait secoué la main, scrutant cette dernière à la recherche des derniers éclats, essuyant le sang qui suintait encore. Si elle ne voyait pas encore, si elle ne comprenait pas encore QUI était Ursule, la « pâle copie » qui n’était pas Isaac, il ne pouvait pas le lui dire. Bien plus de continuer encore à contribuer à l’effondrement de la vision qu’elle avait de lui, cela revenait à révéler toute la noirceur qu’il portait en son âme. Le temps de l’absence de la jeune femme, Preminger avait passé en revue les informations dont elle disposait, s’y rassurant… Si elle devinait la réalité de sa méchanceté, elle ne disposait pas d’éléments pour y mesurer l’abysse qui le composait. Elle ne voyait que la noirceur mais ignorait l'histoire, toute l'histoire. Il mesura soudain qu’il se fourvoyait. Jamais il n’avait été question d’Ursule. Bien sûr que non. Alexis avait été confrontée à la méchanceté. Cette dernière avait pris diverses formes dans son quotidien, mais celle d’Ursule ne pouvait l’avoir suffisamment marquée à l’inverse de la personne à qui elle faisait référence. Son père.
- « Nous sommes bien loin d’être similaires, trésor. » commenta-t-il dans un murmure.
Il ne tourna pas la tête vers elle, pour autant, se contentant de lisser les dernières projections de verre sur son pantalon, de sa main non blessée. Il ne mentait pas. Ne précisa rien. L’ancien président des Etats-Unis avait eu une ambition dévorante et il avait mis les moyens à la hauteur de ses exigences, il ne pouvait le nier. En cela, il comprenait la comparaison. Mais Ciel, qu’il lui manquait du panache, sa prestance, de la perfection et de la perversion. Evidemment, il ne développerait rien en ce sens. Alexis avait suffisamment souffert de l’orgueil paternel pour qu’il se permette de le juger insuffisant. Mais cette comparaison naturellement venue à la bouche de sa maîtresse, en disait loin sur l’avancée de sa réflexion et dans la catégorie dans laquelle elle le plaçait avec certitude désormais. C’était un méchant indéniablement. Un méchant, un arriviste, oui, qui avait sauté sur la Couronne, lorsque la situation s’était présentée à lui. Un être bien loin de la générosité, un manipulateur. Mais elle ignorait la puissance du vice qu’il avait pu mettre en œuvre pour se hisser au sommet. Son précédent poste.
- Je l’espère pareillement… En toute authenticité, je lui souhaite d’être comme toi. Cela serait une chance, pour lui.
Il n’avait pas compris son sous-entendu, son souhait pour son fils qui rejoignait l’’émancipation dont elle avait su user pour s’affranchir de son père… Il songeait davantage à son caractère tranquille, sa douceur, son intelligence délicate. En définitive, s’il prenait du recul, il n’avait pas tenté de déceler ces qualités chez l’Erreur lorsqu’il l’avait rencontré, se focalisant sur sa « beauté volée ». Il avait sauté sur sa fragilité pour lui faire payer ce larcin injustifié, horrifié de constater qu’autrui pouvait en quelque chose lui ressembler, à LUI, l’Unique… Mais, il ne déniait pas les contestations d’Alexis et les arguments avancés. — Pourquoi ? Si tu as si peur qu’il te vole quelque chose, qu’il te réclame un héritage ou je sais pas quoi, pourquoi alors ne pas tout simplement avoir choisi de l’abandonner ? Je t’ai laissé le choix, plein et entier. Tu pouvais te retirer, refuser ne serait-ce que de poser les yeux sur lui. Alors POURQUOI tu m’as assuré que cet enfant ne grandirait pas sans toi ?
- « Deux raisons, trésor » émit-il posément, en levant la tête altièrement.
Puisqu’elle désirait des réponses, puisque c’était la seule chose qui semblait la hanter à ce point… Soit, il lui donnerait. Il lui offrirait la vérité crue, quand bien même cela provoquerait-il sa souffrance dans ce monde maudit. Il la faisait de toute manière souffrir à présent, ce qui semblait le prédestiner à provoquer sa propre déchéance… Quitte à devoir se fracasser la tête contre le carrelage, il préférait au moins le faire en étant lui-même. Sans minauderie, sans cris et sans manigances. Juste lui. Tel qu’il pouvait être.
- « Primero, He is mine as much as he is yours… » déclama-t-il onctueusement « C’est mon engeance. Mon fils. C’est MOI qui l’ait créé. Toi et MOI. Alors, cette place est à moi. Il aura le rang que lui donne son statut mais il n’ignorera pas qui est son père. Et puisque je l’ai conçu, j’aimerai avoir mon mot à dire en ce qui concerne son éducation. Non pas parce que je désapprouve celle, remplie d’amour que tu ne manquera pas de lui, donner, mais parce que je ne supporterai pas de le voir évoluer sans MOI. »
Il n’avait pas crié. Tout juste sa voix monta un peu, pour trahir l’entièreté de son ressenti. Sans pour autant révéler la profondeur de ce qui le rongeait par l’orgueil : son impression de posséder un droit sur autrui. Alors sur qui plus que quiconque sur son fils ? Le fruit de ses gênes, de ses entrailles ? Comment cet enfant aurai-il pu vivre sans lui porter la reconnaissance immense que de se savoir issu de lui ? Mais, ce n’était pas tout… Il poursuivit, fronçant les sourcils, tandis que sa voix glissait, s’adoucissait :
- « Et comment aurai-je pu l’abandonner puisque je ne compte pas t’abandonner, trésor ? Comment aurai-je pu ne serait-ce que le croiser chaque jour sans lui accorder une miette de parole ? A quoi cela aurait-il rimé ? Un ridicule secret de polichinelle, entre nous trois. Au moment, où tu as décidé de le garder, c’est devenu une évidence. Alors, OUI, il y avait une autre option… Je pouvais me détourner. De tout. » sa voix s’était arrêtée. « De toi. » Il ne l’avait pas formulé à voix haute, émettant une seconde de silence avant de faire pivoter sa tête vers elle, la regardant pour la première fois devant son retour dans la salle.
- « Je ne l’ai pas fait. Ce qui nous amène à la seconde raison… qui se tient non loin de moi. You, my deeeaarest flower of the sky. Je n’avais pas pour projet de me séparer de toi. Et étonnement, alors que tu me donnais, dans les faits, toutes les raisons de le faire au regard de ton état… Puisque je ne désirais aucun enfant, que tu le voulais pourtant, que cela mettrait en danger tous mes projets actuels et futurs, l’image et l’équilibre que j’avais construit… Il n’en n’a plus été question, dans mon esprit. » ses yeux se fixèrent sans détour dans ceux de la jeune femme. Ils ne brillaient pas de tendresse, mais s’illuminaient pourtant d’une lueur puissante par la connexion qui existait entre eux, au-delà des mensonges et des dissimulations « Tu m’as...compris, ce jour-là. Plus que je n’aurais cru possible. Tu m’as prouvé ton amour et ta loyauté, par le sacrifice que tu étais prête à faire de cette famille dont tu rêvais. En dépit de tout. C’était un acte, plein entier. Et puisque tu m’as offert ce cadeau précieux, cela valait donc la peine, de tenter… et de t’offrir quelque chose. Au moins, la promesse que cet enfant ne grandirait pas sans moi. »
Il se leva avançant vers elle, prenant garde à ramener la main contre sa poitrine, serrant le poing pour éviter l’écoulement du sang sur le sol.
- « Le Destin et l’Ame des autres sont des choses insondables. Alexis...Je devine parfaitement ce que tu penses à mon encontre, présentement. Beaucoup de choses sont vraies. Certaines sont en-deça, d’autres au-delà. Mais, si tu me l’accordes, je les tairais encore. Non par volonté de te nuire, mais pour ne pas nous nuire, un jour tu sauras, si tu le peux. Sais-tu ce que j'ai vu ce fameux jour. » il désigna son ventre d’un geste large, se plantant devant elle, sans pour autant briser la distance qui les séparait « Ce jour-là, lui qui aurait pu tout anéantir… Il n’a rien détruit. Il a construit, au contraire. Au-delà de ce qui m’avait été possible d’envisager pour nous. »
Son regard tranchait dans le vif, mais il ne mentait pas. Le couperet s’abstint alors de tomber et il demeura droit devant elle, ensanglanté mais indemne. Le sang pouvait bien s’écouler, il restait, résistait, persistait. Il ne s’était pas plaint. Lui qui pourtant appréciait taaant se donner en spectacle faisait montre de sa part la plus insensible à la douleur. Cette dernière ne le romprait pas. Tout comme un entaille à la joue ne nuirait pas à sa sublime beauté. Il en faudrait bien plus pour le briser. Rien ne pouvait le faire ; A quelques centimètres de la jeune femme, il devina les larmes qu’elle avait tenté de masquer. Elles laissaient une trace rouge sur ses joues encore humides, là où le sel s’était incrusté. Larmes de désillusion ? Ou plutôt de vérité ? Il n’avait pas attendu d’elle qu’elle le plaigne. Preminger n’était pas à plaindre. D’une certaine manière, en agissant plus abruptement individuellement l’un envers l’autre, ils se donnaient entiers. Elle avec le coeur farouche d’une mère, d’une protectrice contre son avidité malsaine. Lui, avec son orgueil et l’apprêté avide qu’il dissimulait sous une couche de minauderie. Bien loin de l’enveloppe poudrée qui le composait, vivait son âme sèche et dure. C’étaient bien ces deux compositions qui s’étaient trouvé d’une manière surprenante… Dans un moment de caprice et d’égarement où il n’avait vu qu’une occasion de tirer profit d’un don, il avait trouvé un Futur, une voie inédite. Elle aussi, y souscrivait. Alors pourquoi ? « Pourquoi ce Futur mort avant d’être né t’effraie-t-il ? ». La question précédemment posée revint subitement dans son esprit. Elle n’avait pu y répondre… Il l’avait coupée en s’épanchant sur son propre passé, ses propres démons et inquiétudes, ceux qui le tourmentaient à présent. Cela faisant, il avait ouvert une angoisse formulée à l’encontre de sa relation à ’Isaac, qui avait éloigné la jeune femme de ses propres troubles… Pourquoi était-elle ici AINSI ? Pourquoi cette angoisse ? Alexis était une femme sujette à des angoisses. Récemment, sa grossesse avait déclenché un véritable orage sur les toits de Storybrooke… A présent… Cachait-elle encore des choses ? Il devinait que oui. La jeune femme ne possédait pas un fond secret et sa méfiance à son égard n’avait jamais motivée son mutisme quand à ses affaires mais… Mais il n’y avait qu’une raison qui la poussait parfois à omettre des sujets et des points de discussions entre eux, les remettant à des lendemains plus paisibles… et cela se justifiait à chaque fois, dicté par un souci de protection.
- « Le Destin n’est pas écrit, trésor. Les discussions d’aujourd’hui, seront les souvenirs de demain et créeront l’Avenir. Tout ce que tu sais ne doit pas être une fatalité, tout reste à définir… Les secrets que nous muselons aujourd'hui ne sont pas voués à nous étouffer pas demain. Il y a un Temps pour tout. Chacun doit définir quand vient le Temps des confidences. Pour certaines, l’Heure est venue, pour d’autres, les taire, réduit leur influence. »
Il parlait ainsi, non forcément pour l'inciter à s'ouvrir, elle parlerait si elle le désirait. D’une certaine manière...ils agissaient semblablement… Conservant tous deux des secrets avec pour but de protéger leur relation. Bien évidement, Preminger ne pouvait le dénier, Alexis poursuivait sûrement un but bien plus noble et la protection qu’elle cherchait à instaurer n’avait pas la visée égoïste de la seule conservation de leur bien-être. A sa propre différence. Il devait l’avouer, CERTES, il taisait ses secrets par volonté de convertir la jeune femme à ses opinions, dans l’espoir et la certitude qu’un jour, ses méfaits aussi conséquents soient-ils ne puissent nuire à l’équilibre dans lequel ils vivaient et que son amour pour sa personne soit indifférent à la portée de sa malfaisance. Il devait l’admettre…différer cette révélation relevait d’un confort romanesque auquel il refusait de porter atteinte.
Ils s’étaient changé ensuite… Sa nouvelle condition l’empêcha littéralement de se prélasser dans sa toilette, forçant ses jambes quitter la salle de bain en moins d’une heure. Un sacrilège, un autre, qu’il parvint à combler avec plus ou moins de frustration. Il semblait que brisant son miroir, il avait par la même occasion sali le seul et unique costume décent et officiel que son homologue fade possédait dans cette réalité. Erwin renonça à hurler sur les tailleurs pour exiger la confection d’une tenue sur mesure. Il ne souhaitait clairement pas devoir s’étrangler avec par la suite…Le tissu était de bien trop piètre qualité pour constituer son linceuil. Puisqu’il en était ainsi, il se contenta de changer de veste, optant pour une seconde, noire, aussi sombre que la première, mais dénuée d’épaulettes, Tout son vestiaire ressemblait désormais à une cargaison complète de vestes funéraires côtoyant les pulls-over et chandails qu’il aurait innocemment pensé incapables d’être confectionnés pour l’élite. « L’Ascension sociale ne fait pas le bon goût » n’aurait-il pas manqué de faire remarquer à voix haute dans un autre contexte, mais puisque cette remarque lui était entièrement destiné, il préféra s’abstenir. Il était déjà suffisamment chagriné ainsi… Au moins, avait-il profité de pour remodeler sa coiffure, faisant ressortir savamment les boucles noirs, bien que bien trop courtes pour être à leur plein potentiel. Mais tout, EVIDEMMENT, il restait l’homme le plus séduisant qu’il lui avait été donné de voir et d’admirer dans le miroir, s’il occultait son reflet habituel, puisque cela restait LUI. En cela, Ursule, bien qu’étant parfaitement lui, ne pourrait jamais le posséder. Il possédait son aura mais une beauté différente, même s’il se doutait qu’évidemment, le jeune homme ne le verrait jamais de cette manière. Lorsqu’il sortit de la salle de bain, il jeta un regard à celle qui était devenue sa femme dans cette vie, lui tendant le bras :
- « En beauté, ma reine » s’entendit-il dire en lui tendant instinctivement son bras, alors que son buste s’arquait en une révérence gracieuse et courtoise « Me laisserez-vous vous mener ? Moi l'homme le plus chanceux du royaume? »
Dans un autre contexte, il aurait pu se demander ce qu’en pensait Alexis. Présentement, il le devinait sans peine : sachant ces manières excessives dénuées de toute impulsion franche, elle détestait. Aurait-elle préféré si cela était venu sincèrement de lui ? Sûrement. Il le faisait parfois, bien plus dans une impertinence suave qui ne manquait pas de l’attiser. Souriant à la tenue revêtue par elle semblait avoir été préalablement présélectionné par une couturière et suivait avec l’allure martiale et sobre qui semblait personnifier son règle. Elle le portait à merveille, il ne pouvait pas en dénier, même si de cela ressortait un aspect de sa personnalité bien plus électrique et droit qu’à l’ordinaire. L’extravagance fraîche et acidulée de la libraire semblait avoir été gommée de son apparence et de sa vie. Visiblement, les souffrances de la guerre qu’Alexis redoutait tant avait laissé des marques puissantes dans sa vie. Des marques indélébiles. Il porta le regard à sa joue, sur sa prothèse invisible l’espace d’un instant. Cette blessure ne se voyait pas, mais comme la femme dont Alexis se voyait forcée de revêtir le costume et l’identité, elle traçait en secret, sous les apparences, des felures puissantes. A peine avait-elle déposé sa main ferme sur la sienne, qu’il avait initié le départ, quittant leurs appartements pour rejoindre les couloirs.
- « Mère… Papa… »
Une voix, trop connue, l’avait fait pivoter révélant un jeune homme fier et élégant dans un costume d’un bleu doux et clair, rayonnant de fierté, alerte dans son charisme, un sourire bien trop chaleureux calqué sur ses lèvres débordantes d’orgueil. Ursule. D’un pas presque dansant, il vogua vers eux, une sorte d’écharpe à la main.
- « Je pense que les domestiques se sont trompés, ils avaient déposé ceci dans les appartements de Gaspard après qu’il ait été brodé à nouveau, alors que ça t’appartient Papa. Je te vois mal paraître sans lui. »
Déjà il s’approchait de lui, un éclat de malice fort familier dans les yeux, lui agitant l’objet d’un violet splendide, sous le nez. Bien qu’il devait reconnaître que le foulard se revêlait superbement admirable parmi toutes ces pièces sinistres, Preminger devait admettre qu’il ignorait quelle position il convenait d’adopter. Visiblement l’objet aurait du lui remémorer quelque chose ou signifier une situation dont il ignorait tout… Détournant son attention de lui, pour la reporter sur Alexis, indifférent à son mutisme, Ursule déclamait déjà, la courbe insolente de ses lèvres s’élargissant :
- « Je pense que Gaspard aurait pu le conserver, vous savez Mère, comme il a toujours été profondément fasciné par ce présent que vous avez fait à Papa. Le premier. Il attend toujours le sien… Mais n’est-ce pas notre anniversaire aujourd’hui ?»
Il avait émis un ricanement entendu, avant de river son attention sur son père. Erwin sans avoir le Temps de s’en esquiver, l’avait vu esquisser un geste envers lui, sentant l’étoffe se glisser contre son cou. Son corps refusait de se débattre, trop bêtement tranquille à sa proximité, tant que son esprit s’ébrouait. Que faisait-il ? Dans un sursaut paniqué, il était parvenu à poser ses mains sur celles gantées de son fils, se déclenchant mécaniquement une quinte de toux violente, qu’Ursule contempla d’un œil morne :
- « Allons, allons, Papa… Cesse de t’agiter ainsi, tu n’es pas tuberculeux que je sache ? Laisse-moi attacher ce foulard à ton cou »., subitement l'une de ses main gantée s'était emparée de la sienne, contemplant le bandeau qui cachait sa plaie, avec une compassion feinte "tu t'es blessé? Décidément, tu es bien empoté, ces derniers temps..."
Une grimace déforma les lèvres de Preminger même si aucune parole ne s’en échappa. Pourtant, il relâcha volontairement son geste, cessant de résister. Lorsque Ursule délaissa sa main, pour terminer de lacer le foulard à son cou, Erwin ne s'y opposa pas, laissant ses mains retomber le long de ses flancs. Il n’aurait pas du s’inquiéter ainsi. Outre alerter Ursule quant à son attitude étrange, aucune alerte ne méritait d’être effectuée: son fils était semblable à lui. Jamais ô grand jamais ne se serait-il abaissé à tenter de l’assassiner devant les yeux de sa Mère et Souveraine, au détour d’un couloir où n’importe qui pouvait survenir. Folie cela serait été… Et Ursule n’était pas fou. Il le laissa donc lui attacher la soie lisse et délicate autour de son cou, songeant que son contact était aussi glacial que celui du cuir dont été fait les gants d’Ursule. Au moins, cela permettrait d’égayer de loin sa mise du soir et de se ressembler un peu plus… Ursule après un bref instant, se recula d’un pas « jaugeant son oeuvre » avec un sourire sarcastique puis releva les yeux vers lui, minaudant :
- « Te voilà apprêté Papa, pour le Grand Soir. Le Flambeau s’éteint pour renaître... » - « Merci fiston ! Wahou !Si tu savais comme je suis très fier de toi ! Le Nouvel Homme de la Nation ! Tu es tout ce que ce que j’ai pu être en mieux ».
Ca, c’était l’AUTRE. L’ignoble et pitoyable individu qui prenait la parole dès que chaque situation familiale méritait une tirade affectueuse méprisable. C’était écoeurant et passablement humiliant. Il aurait voulu gifler Ursule pour le convaincre qu’il n’en pensait rien. Il aurait voulu devenir muet pour s’empêcher d’entendre ces idioties… Même si Ursule n’était rien d’autre qu’une sorte d’incarnation indépendante de lui-même. L’autre n’avait pas semblé remarquer en revanche, l’attitude vindicative de ses yeux déniant l’entièreté de ses propos. Il s’était rengorgé à la seconde où les compliments avaient commencé à pleuvoir, battant des paupières dans une satisfaction hautaine, gorgée de suffisante. Lorsqu’Erwin s’était tu, il avait tâché de se recomposer une attitude modeste, masquant son ravissement par un sourire éclatant :
- « Merci…Papa. Merci de me donner tout ce que tu as. »
Pour peu, Preminger en aurait ricané. Il ne devinait que trop bien le sous-entendu qu’il proférait et les remerciements authentiques qu’on proférait à une victime avant de la mettre à bas. Dans une assurance non contenue, il fit un geste désuet de la main, réajusta son fouloir et sourit à Alexis, avec l’assurance qui le caractérisait. Ursule ne gagnerait pas.
- « Ne t’avance pas trop…Guide nous, ta mère et moi en attendant ! Cela ferait plaisir à ta mère, n’est-ce pas, ma souveraine ? Comment refuser, n’est-ce pas Ursule ? »
Erwin prit énormément de plaisir à voir le sourire flamboyant de son « fils » se faner instantanément sur ses lèvres. Touché Coulé. Personne ne pouvait refuser d’escorter la Reine. Mais cela faisant, cela le ramenait automatiquement à une place d’inférieur. Ursule ne pouvant protocolairement refuser, opina de la tête, pinça les lèvres et tourna les talons. Preminger le laissa prendre l’avance que pulsait sa colère devinant la vexation qui courait dans les veines du jeune homme. Qui avait-il de pire que de se voir rappeler son rang lorsqu’on aspirait à plus ? Que de se voir rappeler à son ultime attente que pour le moment, NON, nous n’étions pas encore aux commandes… Malgré le fait qu’il lui tournait le dos, il devinait sa colère sous la crispation de ses épaules, ses poings qui se serraient sporadiquement. Il ignorait la relation que le « vrai Erwin de ce monde » entretenait avec son fils, mais il devinait que son attitude l’horripilait au plus haut point. Autant que la sienne l’horripilait. Mais il n’aurait certainement pas sa peau. O GRAND CIEL NON. Tournant la tête vers Alexis, il sourit à l’observer, au fur et à mesure que les dédales des couloirs se remplissaient de monde les saluant, levant leurs verres à leur santé :
- « Nous vaincrons tout ceci, Trésor... » murmura-t-il, tandis qu’il portait sa main à ses lèvres, « Lui et l’Autre… Tentons d’en savoir plus au cours de cette soirée et nous parviendrons à le déjouer. Mais soyons sur nos gardes. Il est dangereux.»
Il savait parfaitement se positionner face à un ennemi… N’’est-ce pas ? Ce n’était clairement pas une pâle copie de lui qui risquait de l’impressionner ! Pourtant… Il n’avait pas pu s’empêcher de prévenir Alexis. Bien que ne pouvant s’encombrer de détails embarrassants, elle devait se méfier d’Ursule. Oh, elle le faisait déjà, sans nul doute mais...elle ignorait ce qu’il symbolisait vraiment, ce qu’il était… Une sorte de sous-clone de lui-même... Une musique assourdie commençait à se percevoir, au fur et à mesure qu’ils avançaient. Ursule pressait le pas, à présent, plus pressé que vexé de se retrouver devant les lumières. Au moins y entrerait-il en les annonçant… La réception. Assurément, LE meilleur moment de Preminger ordinairement. Il se prenait pourtant à redouter celui-ci. Une occasion où les autres paraderaient et où se trouverait forcé, plus que de la jouer profil bas, à se fondre dans la masse insignifiante qui le composait dans ce royaume… Ici il était effacé. Il comprenait l’envie obsédante qu’avait Ursule de vouloir le faire, définitivement. Il n’y avait rien de plus frustrant que de contempler jour après jour une personne fade et négligeable parée du pouvoir que l’on attendant tant. Comment refuser d’accélérer le Destin, ensuite ? Cette soirée s’annonçait périlleuse. Elle l’était d’autant plus lorsqu’on ne maîtrisait pas ses actions, encore moins ses propos et ses méthodes de défense. Si Ursule tentait quelque chose au cours de ce repas, il doutait de pouvoir réellement s’y opposer, si on l’empêchait d’utiliser son intelligence à cette fin. Jetant un regard en biais à Alexis, il perçut une crainte similaire bien que différente. La jeune femme redoutait Ursule, cela ne faisait aucun doute, la présence de Gaspard la plongeait dans un embarras bien différent, mais plus qu’eux, c’était son Passé et sa Destinée qu’elle affrontait ce soir. Cette perspective devait l’emplir d’autant d’effroi que lui. Ressentait-elle ces picotements qui lui parcouraient le corps alors qu’ils s’approchaient d’une grande porte de bois clair d’où s’échappaient les rires et le tintement des coupes qui s’entrechoquaient ? Il déposa sa main sur la sienne, dans un geste doux, lui rappelant par ce contact qu’il était là et demeurerait. Qu’importe leurs divergences, il avait fait le choix de l’inclure dans son avancée et ce soir, ils formaient à nouveau cette équipe. Preminger vaincrait. Il vainquait toujours. Mais il vaincrait avec elle, puisqu’ensemble, il devait admettre prendre plus de plaisir à la victoire.
- « Nous ne chuterons pas, ma souveraine. Ce soir, nous allons les éblouir. » glissa-t-il avec orgueil.
Au même moment, Ursule qui tressaillait d’impatience ordonnait aux vigiles postés aux portes d’en ouvrir les battants. Se déversa sur eux, la vision d’une foule massée, verres et en-cas à la main, regroupée en petit groupe hilare et soignée, dans une parfaite chorégraphie de soirée mondaine haut de gamme. Lorsque les portes s’ouvrirent annonçant leur arrivée, tous tournèrent la tête, et Ursule se rengorgea tâchant de garder une contenance. Preminger devinait ce qu’il se disait mentalement. Qu’importait qu’il ait conduit « le couple royal » jusqu’à cette pièce, il serait le premier visage que tous apercevrait ici, l’attention se focaliserait sur LUI. Preminger s’en accommodait, sachant pertinemment ce qui se passerait par la suite… une fois l’attention obtenue, ces regards, la surprise passée, se détourneraient aussi vivement qu’ils étaient venus, pour chercher quelqu’un d’autre. Parce qu’aussi populaire que l’était Ursule, il n’était pas le personnage le plus important de ce monde. Pas encore. Et viendrait le tour de son égo de se voir honteusement dénié. Puisqu’ils la cherchaient...ELLE. Leur souveraine à tous. Et cela n’avait pas manqué de se produire et tous avaient levé leur verre, portant un toast à l’honneur d’Enora, alors qu’au premier rang, vêtu d’un habit d’un violet pâle presque blanc, Gaspard applaudissait, l’oeil illuminé. Lorsque la foule s’était tue, il était venu les rejoindre, s’inclinant dans une révérence soignée :
- « Mère, vous êtes belle à ravir ! » - « Désires-tu boire quelque chose, Papa ? »
La voix d’Ursule avait retenti derrière Erwin, manquant de le faire tressaillir. Il n’eut pas besoin de se retourner. Le jumeau s’était glissé jusqu’à lui, deux coupes dans ses mains. Les yeux brillants de cette fascinante ombre mouvante, il poursuivit dans une moue onctueuse :
- « J’ai pris la liberté de t'amener une coupe, j'ai pensé que nous pourrions trinquer à la santé de Mère... » - « Et ton...votre anniversaire » rectifia Erwin dans un sourire entendu
Ursule tressailli derrière sa bonhomie factice, mais son geste ne s’interrompit pas pour autant. Il lui tendait la coupe, dans un sourire incitatif. Alors que son regard doré s’écartait de celui de son fils, il tomba sur la main qui la lui tendait. Par souci d’esthétisme, son fils avait ôté ses gants et deux bagues luisaient à ses doigts… Comme sur les siennes autrefois. Les bagues… l’une était doré, décorée d’un blason similaire à ceux flottant dans la salle, l’autre plus large était rehaussée d’un gigantesque diamant Un fourmillement parcouru son corps. Les bagues n’étaient pas qu’un accessoire de mode, parfois et souvent à son époque elles pouvaient être...mortelles. D’excellents accessoires pour contenir une dose de poison, il n’était pas sans l’ignorer… Les menaces dissimulées à mi- mot… Le sourire qu'arborait Ursule, son ambition... Cet enfant, cet homme vivait avec la certitude de SA mort prochaine. Et elle aurait lieu ce soir... Of course. Il n'aurait pas eu de plus belle occasion qu'en tendant cette coupe à la vue de tous, l'instrument de sa mort, l'instrument de sa victoire... Plantant ses yeux dorés dans ceux du de son fils, il les vit luire de la même lueur d'énergie malsaine que ceux qu'il contemplait inlassablement dans le miroir... Derrière la beauté des iris hérités de sa mère, sa malfaisance vivait, indocile, impatiente, hargneuse. Il ne boirait rien qui puisse provenir de ce verre… RIEN. Il ne fallait pas ! Même s’il sentait son corps tendre déjà la main vers la coupe. Son corps faisait confiance à son fils. Pourquoi ne l’aurait-il pas fait ? Les parents étaient bien trop aveuglés par l’amour et c’était sûrement le cas de ce piètre individu non digne d’endosser ses traits.. Pour ce qu’il en avait fait…. Mais le laisser s’empoisonner, oh non. Pourtant il n’avait pas pu s’empêcher de saisir la coupe … Il resta néanmoins en suspension, son esprit luttant contre son corps pour suspendre son geste et briser d’un geste net le verre… Il pinça les lèvres, réprimant une grimace de douleur, sentant que les plaies du miroir, qui sous l’effort, s’ouvraient à nouveau sous le bandage appliqué… Il le fallait, pourtant. Il le fallait. D’un regard en biais, il jeta un coup d’oeil à Alexis, espérant obtenir d’elle un soutien, une aide. Qu’elle puisse comprendre, qu’elle puisse l’aider. Mais sûrement dans le même trait de temps, Gaspard, s’était saisi de la main de cette dernière, proférant ces paroles remplies d’un espoir grandiose :
- Ma Souveraine Mère, me ferez-vous l’honneur de m’accorder votre première danse ? »