« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
Assis à mon bureau, le regard rivé sur la feuille de papier que je griffonnais depuis des heures, je mettais un point final à ce que j’étais en train de rédiger. Il ne restait plus que 3 jours avant mon déploiement et j’avais encore tellement de choses à faire. J’en venais presque à me demander si j’arriverais à tout finir avant mon départ. Pourtant mon paquetage était prêt. J’avais passé un contrôle médical préalable pour me rassurer su mon état et santé et j’étais même parvenu miraculeusement à convaincre Julian de me rendre mes plaques militaires. Autrement dit, médicalement et matériellement j’étais plus que prêt pour le départ.
Mais administrativement c’était une autre paire de manches. Pour faire plaisir à mon compagnon, j’avais effectué différentes démarches afin d’obtenir une assurance privée qui me couvrirait en cas de pépin. Bien sûr, vu son prix exorbitant j’avais laissé Julian en payer les différents frais. Après tout, c’était lui qui tenait absolument à ce que j’en aie une et cela ne représentait qu’une toute petite partie de son immense fortune. Et j’avais beau essayé de le convaincre que l’armée disposait d’un système de santé privé très performant qui prenait en charge les blessures des soldats qu’elle envoyait à la guerre, il avait refusé de m’écouter. Je n’avais alors pas insisté, comprenant que ce qui le poussait à faire ça c’était la peur qu’il puisse m’arriver du mal durant mon absence. Bien sûr, c’était à la guerre que je partais et je connaissais les risques et les conséquences que cela pouvait entraîner.
Mes frères étaient bien plus habitués à me voir courir des risques et ils faisaient tout pour cacher leur inquiétude. Après tout, s’ils craignaient également pour ma vie, ils avaient une foi inébranlable dans les capacités de leur commandant. Mais du côté de Julian, l’inquiétude était toute nouvelle. Il m’avait vu de nombreuses fois partir en mission mais jamais il n’avait eu à faire ses adieux à son compagnon. L’homme de sa vie qu’il avait attendu durant de si nombreuses années et à qui il devrait dire au revoir pour quelques mois. Alors je m’imaginais très mal quel aurait été sa réaction en apprenant que le papier que je venais de mettre sous pli n’était rien d’autre que mon testament. Je ne voulais rien laissé au hasard et je désirais plus que tout que mes frères soient à l’abri de tout si jamais je disparaissais durant mes batailles en Syrie.
J’avais d’ailleurs prévu de le remettre à Kowalski aujourd’hui. Après tout, c’était à lui que j’avais délégué la lourde tâche d’être mon exécuteur testamentaire. Il était hors de question que je me fie à une personne que je ne connaissais pas du tout. Ces juges et ces avocats n’étaient que des vautours. Je préférais que tout puisse se régler au sein de ma propre famille. Ce d’autant plus que nous nous entendions tous à merveille. Il n’y a rien que pourrais mal se passer ! Kowalski saurait quoi faire si la situation venait à être gâchée. Il avait beau être maladroit et parfois mal adapté aux situations sociales, je savais qu’il s’en sortirait comme un chef. Pour mieux faire passer la pilule, je lui avais proposé de partager un déjeuner pour profiter à fond des derniers bons moments que nous pourrions partager ensemble pendant longtemps.
Le reste de ma matinée, je le passais toujours assis à mon bureau, chose assez rare pour être signalée. Sachant que je devrais très bientôt partir, Cain avait délégué toutes mes responsabilités aux autres agents qui eux resteraient sur place. Après tout, de mon point de vue également, il était hors de question que je prenne le risque de me blesser avant le grand départ. Je n’avais de plus aucune envie de travailler. C’était ma dernière journée de travail et c’était très bien comme cela. Je deviens l’avouer, prétendre qu’abandonner l’agence du Vent du Nord derrière moi était un déchirement aurait été un gros mensonge. Je ne m’étais jamais réellement senti à ma place ici. L’engouement des champs de bataille, l’odeur de la poudre et la camaraderie qui régnait parmi les soldats, cela me manquait énormément ! Malgré tous les dangers que j’aurais à affronter dans les mois à venir, je me sentais réellement heureux à l’idée de retrouver enfin ma vraie place. Je m’en réjouissais d’ailleurs tellement que j’aurais volontiers déposé tout de suite ma lettre de démission sur le bureau de Sac à Puce.
Une idée m’avait alors traversé et j’avais passé près d’une heure à chercher sur le net les plus belles démissions orchestrés par les anciens employés vis-à-vis de leurs patrons. J’avais mémorisé quelques bonnes idées mais j’avais renoncé à les mettre en application. C’était bien beau d’imaginer mon départ mais un jour il me faudrait revenir. Qu’adviendrait-il alors de moi si je venais à renoncer à mes fonctions ? Je retournerais sur le champ de bataille ? Cette idée me plaisait beaucoup mais c’était sans compter sur ce gros égoïste de Julian qui aurait refusé de jouer les épouses de militaire bien longtemps. Je n’avais en plus aucune envie de le quitter. Je l’aimais à la folie ce gros bouffon de roi égocentrique et je désirais plus que tout au monde faire ma vie avec lui. Me réengager comme garde du corps auprès de mon compagnon ? Alors là non ! Je serais devenu complètement taré si je ne pouvais plus séparer ma vie privée de ma vie professionnelle. Alors il ne restait qu’une chose à faire. Ronger mon frein et accepter de continuer de travailler à l’agence en espérant qu’un jour je pourrais enfin trouver mieux et me sentir totalement épanoui dans mon travail.
Repoussant donc cette idée, je regardais l’écran de mon ordinateur pour m’apercevoir qu’il était bientôt midi. Impossible d’arriver en retard à mon déjeuner avec Kowalski ! Il aurait passé l’entièreté du repas à me rappeler l’importance de la ponctualité. Je décidais donc de le rejoindre dans ses laboratoires. Bien sûr, je n’avais pas manqué de l’appeler avant de le rejoindre. S’il y avait un secteur avec lequel j’avais le moins d’affinité possible dans tout le Vent du Nord en dehors du bureau de Sac à Puce, c’était bien les laboratoires. Le secteur était rempli de grosses têtes qui vous faisait bien comprendre que vous n’étiez que des idiots en comparaison de leur immense intelligence. Je pouvais bien évidemment pardonner Kowalski de penser comme ça. Il était mon lieutenant, ma fidèle nageoire droite et mon meilleur ami. Mais de la part des autres, c’était totalement inacceptable. Cela me donnait juste envie de leur mettre à tous des baffes dans leur gros melon.
D’ailleurs, il ne tarda pas à m’ouvrir la porte, un sourire aux lèvres. Il était très rare que je voie mon frère sourire. Peut-être se sentait-il touché par le fait que je puisse trouver depuis quelques temps toutes les excuses du monde pour aller le voir. Je me comportais ainsi avec tous mes proches. J’avais beau leur faire croire à mon image de grand commandant bourru, le fait était que plus l’heure du départ approchait et plus je voulais être auprès des personnes que j’aimais. Nous allions être séparés pour un bout de temps et c’était peut-être même notre dernière chance de créer de bons souvenirs pour le reste de nos existences. C’est pourquoi, imitant Kowalski, je laissais un large sourire apparaître sur mon visage également. Il s’élargit d’ailleurs encore plus lorsque mon nerd de bro précisa qu’il était content de me voir.
« Ah moi aussi, tu ne peux pas t’imaginer à quel point ! J’ai l’impression que Sac à Puce me retient ici uniquement pour me torturer en attendant que je parte. Note que c’est peut-être pas plus mal, hein. Sous le feu de l’ennemi, je me rappellerais qu’il y a toujours des enfers plus difficiles à supporter que celui que je vivrais en Syrie. Comme une soirée au club Moite par exemple. »
Je riais alors de bon cœur, donnant une tape dans le dos de mon frère. Décidément, j’étais véritablement en pleine forme et j’imaginais que cela pouvait se voir. Cela remontait à si longtemps le dernier jour où je m’étais permis une telle sortie. Je devais bien admettre que sur ce coup j’étais plutôt fier de moi. Il me proposa alors d’aller manger dans son bureau ce à quoi je m’étais préparé. Cela dit, j’étais réellement touché par son attention à mon égard.
« Tu lis dans mes pensées, Kowalski ! En même temps cela ne devrait pas me surprendre. Ça a toujours été ta grande spécialité de savoir ce que je désirais sans même avoir besoin d’ouvrir le bec. Je t’avoue que c’est quelque chose qui va drôlement me manquer sur le front. »
C’est vrai, après toutes ces années passées à se battre l’un à côté de l’autre, nous étions capables d’accomplir de véritables exploits. Nous nous comprenions mieux que quiconque au sein de notre unité. Avec le temps, Kowalski était devenu pratiquement une extension de moi-même. S’il y avait une chose qui m’inquiétait plus que tout dans mon départ c’est bien l’idée que je ne puisse vivre cette communauté d’esprit avec aucun autre de mes bras droits. C’est pourquoi j’avais cru bon de le préciser, en plus d’avouer la vérité on ne peut plus criante qu’il allait beaucoup me manquer. L’idée de manger des sushis en sa compagnie me plaisait énormément et je le témoignais en le suivant sans faire aucune critique ou poser une question déplacée sur les activités de son laboratoire. J’avais depuis longtemps compris que mon rôle dans ses inventions consistait surtout à tester et profiter des produits finis. Je me contentais donc de regarder avec curiosité tout ce qui se passait autour de moi alors que marchant derrière Kowalski, nous nous dirigions tous deux vers son bureau. Je m’asseyais alors aux côtés de mon frère, attendant sagement qu’il dépose sur la table les cartons de sushis, j’écoutais avec attention sa première remarque. Je ne pouvais alors pas manquer de pouffer légèrement du nez avant de lui adresser un sourire malicieux.
« Eh ben, on peut dire que tu as toujours un don bien à toi pour aborder tout de suite les sujets qui fâchent. »
Je devais bien me l’avouer, l’annonce de mon départ envers Queue Rayée ne s’était pas réellement passée comme je l’avais imaginé. Notez que c’est toujours le cas avec les sujets difficiles. C’était une chose à laquelle je m’étais préparé. Julian était toujours aussi imprévisible à mes yeux. Sans doute parce que nous étions tellement différents qu’il était impossible d’imaginer ce qui se passait dans la tête de l’autre. Il m’arrivait quelques fois de penser que j’aurais mieux fait de me mettre en couple avec un combattant qui partageait réellement mes valeurs.
« Euh c’est… je ne vais pas te mentir Kowalski, ça a été un épouvantable désastre. Enfin peut-être pas si horrible que ça mais c’était réellement délicat. Mais j’imagine que c’est ce qui arrive lorsque dans un couple on ne vient pas du tout de la même planète. »
Je saisis alors ma barquette de sushis et me servi du petit récipient pour y verser ma sauce soja avant de goûter mon premier sushi. Je fis alors un petit bruit qui témoignait à quel point je le trouvais délicieux. Je choisis alors de revenir sur Julian et sur la question de Kowalski qui méritait visiblement d’être approfondie.
« Tu sais que je voulais profiter de nos vacances pour le lui annoncer. Je pensais qu’après quelques jours passés ensemble loin de tout, il serait plus réceptif à mes explications et prendrait la situation avec plus de recul. Mais rien ne s’est passé comme prévu. J’ai dû le lui apprendre en milieu de semaine lorsqu’il m’a surpris à écouter les nouvelles concernant les opérations militaires de notre armée en Syrie. J’ai essayé de me montrer calme et patient avec lui, de lui expliquer la situation avec beaucoup de tact. Mais il n’a pas été capable de comprendre qu’un soldat se doit de tenir ses engagements et d’obéir aux ordres. Il m’a accusé de vouloir détruire notre relation en réduisant à néant tout ce que nous avions bâtis ces derniers mois. Il est parti bouder dans notre chambre sans vouloir entendre mes arguments. »
D’un geste, j’ouvris ma canette de soda au thé vert gazéifié. Une fois encore, mon frère avait deviné juste en ce qui concernait mes goûts et j’en bu une bonne moitié avant de reprendre la parole.
« Pendant deux jours il n’a pas voulu m’adresser la parole et même si je me concentrais à fond sur mon entraînement, cela me rendait très triste. Je veux dire, de toutes façons je devais partir et il était en train de foutre en l’air tous ces merveilleux souvenirs qu’on aurait pu se faire tous les deux avant que je parte au front ! C’était vraiment nul. D’autant plus qu’il me connaissait. Tu sais que la fois où je l’ai rejeté je lui ai dit que c’était en grande partie parce qu’il ne serait jamais capable de vivre aux côtés d’un soldat. Lui il m’a soutenu le contraire, précisant qu’il serait capable de tout supporter par amour pour moi. Je lui ai fait confiance et résultat, lorsqu’il se retrouve devant le fait accompli il se dégonfle. Non mais franchement, tu ne trouves pas son comportement aberrent ? »
Je choisis de m’arrêter dans mon discours, attendant que Kowalski digère ses différentes informations avant de passer à l’épilogue de cette histoire. Je savais que mon frère avait toujours besoin d’un temps de réflexion lorsqu’il s’agissait d’analyser une relation sociale. Une autre partie de moi espérait intimement qu’il m’apporterait son soutien. Après tout Kowalski lui connaissait tout de ma vie et des sacrifices qu’il était nécessaire de faire lorsque l’on choisissait cette vie-là. Qui mieux que lui pourrait donc avoir un point de vue objectif sur ma situation ? Attendant qu’il me réponde, je dégustais encore quelques sushis.
acidbrain
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Les départs ne sont jamais une chose aisée } feat le bro Skylar