“Luci ! Tu vas être en retard !”

Assis, où plutôt affalé sur le grand fauteuil en cuir de son bureau, entrain de fumer un joint de première qualité, Lucifer fronça les sourcils quand Katya rentra en furie sans même toquer à la porte. Elle s’approcha de lui pour arracher la “cigarette” qu’il avait à la bouche, l’écrasant sous son talon de vingt centimètres avant de croiser les bras sur sa poitrine volumineuse.

“Bouge de là ! Dépêche toi !”

Luci se redressa tranquillement, un sourcil levé d’étonnement face à ce comportement plus qu’étrange, faisant une moue triste quand il ramassa le pauvre joint au sol, totalement bousillé.

“Il ne me semble pas que les drag queens ont leurs règles ?”

Un sourire mesquin s’étira sur ses lèvres tandis que Katya prenait une grande inspiration pour ne pas frapper son boss. Elle ne se gêna pas cependant pour prendre le verre de whisky qu’il y avait sur le bureau et le boire d’une traite.

“Je me demande toujours comment le conseil d’administration t’a nommé directeur …”
“Sache qu’au moins moi je n’ai pas couché pour arriver là où je suis.”

Katya eut une expression de stupeur avant de faire une moue contrite ainsi qu’un geste de la main.

“Après tout ce n’est pas mon problème si tu n’es pas à la réunion parent professeur du troisième trimestre. Tu as raison, je ne suis ni directrice, ni professeure de philo et professeure principale. Je ne suis que ta secrétaire.”

Elle planta son regard dans celui de Luci avant de tourner les talons et de partir, claquant fortement la porte pour signifier son mécontentement. Luci poussa un soupir tout en se remettant dans son fauteuil. Ah oui, ces réunions à la noix où il était censé rassurer les parents de ces rejetons sur leur avenir. Il n’en voyait pas vraiment l'intérêt. Si l’enfant voulait mentir à ses parents sur ses notes, il devait assumer et en prendre la responsabilité. Lucifer se fichait totalement de ce genre de choses. Même des notes à vrai dire. Il avait maintenu ce système parce que ça plaisait mais donner des bons points parce que l’on apprenait bien était pour lui d’une stupidité infinie. Mais bon, visiblement c’était le rôle des adultes que de faire du bourrage de crâne. Lui au moins apprenait à ses élèves des choses qui pourraient leur servir plus tard. Des concepts philosophiques qu’ils pourraient appliquer dans leurs vies, c’était beaucoup plus utile que le théorème de pythagore. Sérieux, qui a utilisé ça une fois adulte ? Personne ! Alors que par exemple être hédoniste pouvait se faire facilement.

Soupirant, il regarda sa montre. Effectivement, il était 18h passé. Lui qui voulait aller se caler à la cour des miracles, ça n’allait pas être pour tout de suite. Se levant, il attrapa une pile de dossiers, jeta un coup d’oeil au grand miroir, réajusta la veste de son costume sombre, passa une main dans ses cheveux noir de jais, et sortit de son bureau en sifflotant. Bien sur, Katya n’était plus là, tant pis. Regardant la salle dans laquelle il allait devoir accueillir pendant deux heures des parents plus ou moins désespérés, Luci s’y téléporta, faisant sursauter les présents. Un sourire charmeur, un clin d’oeil aguicheur, et la peur qu’il y avait pu avoir s’envola pour laisser flotter un parfum de désir.

“Désolé pour le retard, le job de directeur est exténuant.”

Il entendit des pas grave, ne vous en faites pas, on a le temps, s'élever de la foule tandis qu’il rentrait dans la salle de classe pour poser ses affaires. Il sortit rapidement sa flasque de whisky pour en boire une gorgée. Il allait en avoir grandement besoin.

Lucifer ne s’était pas trompé. C’était chiant à mourir. Il regrettait presque le temps où il était le démon personnel de Bean. Au moins, il pouvait s’amuser sans qu’on vienne le lui reprocher. Oh, ce n’était pas le cas maintenant mais entendre diverses raisons pour lesquelles pitchoune n’arrivait pas à avoir de bonnes notes étaient lamentables. Il savait parfaitement jouer la comédie, feignant d’être touché quand on lui racontait des histoires tristes, ou encore la colère quand il apprenait qu’un élève avait touché ses notes. Si seulement ils savaient la vérité. Intérieurement Lucifer rigolait comme le diable qu’il était, ne se gênant tout de même pas pour balancer quelques piques sarcastiques dont il avait le secret. De plus, parfois, c’était lui qui encourageait ses jeunes pousses à faire ce qu’ils faisaient. Au moins ils n’étaient pas perdu, ils pourraient toujours se reconvertir dans une carrière de faussaire.

Les parents se succédaient et Luci regardait sa montre avec impatience. Il avait vraiment hâte de partir de là. Regardant la liste, il ne lui restait pas grand monde à recevoir. Tant mieux. Il allait s’allumer une cigarette quand un couple rentra. Immédiatement, Lucifer fut absorbé par le corps sculptural de la femme au bras de son mari. Bien, enfin quelque chose d'intéressant. Son sourire s’élargit, et il se leva pour les accueillir, plantant son regard hypnotique dans celui de la femme qui baissa la tête, telle une petite mijorée. Une grosse coquine oui.

“Nous ne resterons pas longtemps Monsieur Phosphoros.”
“Ah oui ? L’éducation de votre … fils ne vous intéresse pas plus que ça Monsieur Volkman ?”

Il avait jeté un coup d’oeil à la veste de l’homme qui arborait le petit patch pour que les enseignants repèrent les parents plus facilement.

“Non, ne vous méprenez pas, c’est que mon mari a eu une promotion et … nous ne voulons pas être en retard à la fête que nous avons organisée."

La femme avait prit la parole, d’un ton suave et mieilleux. Luci lui fit un petit sourire fourbe avant de s'asseoir. Une fête ? Tiens, ce couple devenait de plus en plus intéressant. Si elle disait ça, ce que ce n’était pas eux à proprement parlé qui avait organisé la soirée, et Lucifer ne connaissait qu’une boîte d'événementiel réputée pour faire ce genre de choses. Celle d’Emmaline.

“Effectivement, ça serait dommage, surtout à la vue du prix de la prestation. Dooonc nous allons faire vite.”

Luci remarqua le tiquement de paupière de l’homme. Il avait vu juste. Emmaline organisait bien cette fête. De toute façon il n’y en avait pas trente six milles, et maintenant il savait ce qu’il allait faire ce soir. Fouillant dans les documents, il sortit celui du fils. Un élève moyen en tout, qui ne faisait pas plus d’efforts que ça.

“Comme au précédent trimestre, il n’y a pas vraiment d’évolutions. Jonathan … attend que les choses se passent. Ses moyennes sont exactement les mêmes. Ni de baisse, ni de hausse. En classe, il est invisible. ”

Lucifer fit glisser le bulletin aux parents avec un petit sourire entendu. Peut être que ce garçon était adopté à la vue des parents. Oh non, il savait. Justement ses géniteurs étaient tellement extraverti que le gamin avait pris la tagente inverse. Pauvre gosse quand même.

“Pour ce qui est de la philosophie. Il rend des travaux assez banals. Il comprend les concepts, ce qui prouve qu’il n’est pas totalement idiot mais il ne les explore pas et ne cherche pas à aller plus loin. Dommage.”

Pourtant, il essayait de l’aider ce gamin. Il l’interrogeait, lui donnait la parole, essayait même de lui expliquer quand il ne comprenait pas mais non, il ne voulait pas se fatiguer. Ça Luci pouvait comprendre, mais pour ne rien faire sans se fatiguer, il fallait avoir d’autres compétences, et lui n’en avait pas. Il regarda les parents, tour à tour, charmant surtout la mère qui n’avait pas l’air d’être insensible à son charme. Le père poussa un soupir, levant même les yeux au ciel.

“De toute façon, nous avons pris rendez vous avec un psychologue. Ça ne peut plus durer.”

Luci’ coupa le contact visuel qu’il avait avec la mère pour froncer les sourcils au dire du fameux Charles Volkman. Pourquoi allait voir un psy ? Il ne voyait pas vraiment le rapport et il se disait que ce n’était ça qui allait aider cet enfant à sortir de sa coquille. Mais ce n’était pas son problème. L’homme attrapa le bulletin et se leva. D’accord, donc il n’avait rien à ajouter de plus ? Bien, bon père visiblement. La mère eut un petit sourire triste mais n’eut pas vraiment le choix. Quand son mari eut le dos tourné, Luci fit un geste de la main de lui téléphoner, mimant silencieusement un ‘Call me’ avant de mettre ses mains derrière le dos quand le mari reprit la parole.

“Bien. C’est ce qu’on pensait à la vue des résultats qui nous montraient. Merci et à bientôt. Allez chérie, on y va ! Sinon on va être en retard …”

Lucifer n’était pas du genre à se soucier des autres, où du moins pas ceux qui ne l'intéressaient pas. Pourtant là, il avait un peu de peine pour Jonathan. Ses parents préféraient aller faire la fête que suivre son éducation. En soit, oui, il était d’accord, c'était bien mieux mais tout de même. C’était assez triste.

Buvant une autre gorge à sa flasque, il attendit encore pendant une demi-heure que les derniers parents viennent au rapport. Beaucoup étaient absents et Lucifer en profita pour envoyer un message à Myrte. S’il y avait bien quelqu’un qui savait où Emmaline faisait ses soirées, c’était l’ancienne araignée. Il prétexta qu’il devait lui apporter quelque chose mais qu’elle ne répondait pas, sans doute prise dans son organisation. Bingo, même si Myrte ne lui donna pas l’adresse complète, l’indication du lieu lui était utile. Il trouverait l’endroit par lui même. Il attendit que 20h soit marqué sur sa montre pour partir. Il fit un saut dans son bureau pour déposer à nouveau les dossiers et changer surtout de costume. Lucifer faisait clairement attention à son apparence, et il avait fait monter un dressing dans son bureau quand un jour, un gamin lui avait vomi dessus dans la cantine. Au moins, il n’avait pas besoin de passer chez lui parce qu’il était quand même flemmard. Lissant sa chemise violette plaquée sur ses abdos, il se trouva parfait. Il attrapa sa veste noire et se téléporta dans le quartier que lui avait indiqué Myrte. Maintenant, il n’avait plus qu’à arpenter les rues pour trouver l’endroit qui serait assez visible.

Cela ne lui prit finalement pas beaucoup de temps, peut-être une demi-heure à tout casser, il n’avait pas fait attention. Un panneau en bas d’un immeuble résidentiel indiquait la fête privée. Il y avait un homme avec un carnet, censé faire le check out et le videur. Pas un problème. Lucifer arriva vers lui, lui sortit une liasse de billets avec un clin d’oeil et passa sans aucuns soucis. Il prit l'ascenseur, arrêtant les portes de son pied quand trois jeunes femmes le hélèrent. Elles allaient à la soirée. Encore plus intéressant. Il ne se gêna pas pour lorgner dans leurs décolletés ou regarder les formes attrayantes que leurs courbes dessinaient. Suivant les demoiselles, il eut une moue de satisfaction en voyant le travail qu’elle avait réalisé. Toujours parfait. Il souria à un serveur, attrapant une coupe de champagne au passage tout en cherchant l'organisatrice du regard. Après tout, s’il était venu ici, c’était pour elle, pour la voir et pour profiter de son brin de voix quand elle prononçait son nom avec colère. Dès que son regard s’accrocha au sien, les lèvres de Lucifer s'étiraient grandement.

“La fête non ? C’est pour ça que tu as organisé cette soirée. Et moi aussi je suis ravie de te voir. Emmaline.”

Il fit un geste de la main, montrant les convives avant d’avoir un petit rire, penchant la tête vers elle.

“Ma chère, je suis toujours invité.”

Un serveur passa et il reprit une autre coupe de champagne vu qu’il avait vidé la première après avoir expliqué qu’il était là pour faire la fête.

“Tu as l’air contrarié ? Oh ne me dis pas que tes commanditaires étaient en retard … je crains que ça n’ait été ma faute.”

Il porta sa main gauche devant sa bouche, faisant une petite mimique désolée alors qu’il était hilare.

“Il se trouve que, tu sais dans mon travail, j’ai des choses assez barbantes à réaliser. Tout à l’heure était l’une de ses choses vu que j’étais de réunions parents prof, une vraie torture digne de l’enfer. Figure toi que Monsieur Volkman a écourté notre entretien pas seulement parce que je reluquais sa Milf bien gaulé, mais parce qu’il m’a fait savoir que sa fête de promotion passait avant l’avenir de son fils. Forcément, tu me connais, je me suis dis que ce n’était pas un hasard s’il m’en parlait. C’est qu’il fallait que j’y sois, et voila ! Tadaaa ! Lucifer honore les lieux de sa présence.”

Il avait pointé l’homme au fond de la salle qui rigolait certainement avec des collègues à lui, puis Luci revint poser son regard sur Emmaline.

“Ne t’en fais pas ma chère, je ne ferais rien qui puisse te porter préjudice.”

Quand même, il n’était pas idiot, il connaissait très bien l’importance de la réputation dans ce milieu, et lui même en accordait énormément, de l’importance. Il n’allait pas gâcher le travail de la jeune femme.

“Par contre darling ~ si je peux te faire enrager de tous les diables, je le ferais. Ma passion.”

L’une des passions dans la vie de Lucifer était d’emmerder Emmaline. Pourquoi ? Il n’avait jamais vraiment compris mais il s’en fichait. Ce n’était pas tant la raison qui l’interessait mais le but. Cela faisait plusieurs années qu’ils se connaissaient maintenant et Luci n’avait trouvé personne d’aussi intéressant que la jeune femme alors que pourtant Storybrook était un vivier. Oui, bien sur, il avait trouvé des ‘gens’ où plutôt des créatures qui piquaient sa curiosité au vif, avec qui, il s’entendait plutôt bien voir même très bien. Avec qui, il faisait les quatre cents coups, tant que le fun était présent. Il avait aussi des ennemis, des vieux ennemis qu’il avait retrouvé mais ce n’était pas un soucis, Luci pouvait passer outre ça. Mais Emmaline, c’était quelque chose ! Il s’était mis à la suivre au début, sans doute parce qu’elle le repoussait, encore plus même quand elle se mettait en colère puis ça s’était calmée. Elle était blasée et cela faisait beaucoup rire le démon qui l’a chahuté. Il avait l’impression de voir Bean au début, quand elle découvrait ce que ça faisait d’avoir un démon personnel. Pourtant, dieu sait s’il avait horreur de ça. Il avait accepté ce marché avec le sorcier uniquement pour pouvoir réaliser la prophétie et retourner sur son trône qui lui avait été spoilé par ce démon de pacotille. Tout ça pourquoi ? Parce qu’il avait préféré découvrir les autres mondes plutôt que de rester bien sagement assis à gérer les enfers. C’était stupide. Il en avait été choqué. Mais c’était comme ça et la malédiction avait frappé. Si au début il avait pris ça pour une charge en plus, il s’était rendu compte de toutes les possibilités que cela allait lui apporter. Un nouveau monde, vierge à explorer, à contrôler et à pervertir. Des nouvelles personnes à rencontrer avec qui s’amuser, parler et jouer. Oh oui, finalement Lucifer appréciait. Et il avait rencontré Emmaline à la cour des miracles. Ce qui était encore mieux. Il savait très bien que malgré ce qu’elle pouvait dire ou faire, elle appréciait sa présence. La voir enragé en pensant ça était totalement jouissif et il ne se privait pas pour le faire.

“Ah bon ? Je ne fais pas partie de ses collègues de travail ? Moi qui croyait ?”

Il avait mis une main sous son menton, feignant la réflexion avant de lui faire un sourire éclatant quand elle afficha cette petite moue d’irritation. Il se redressa, les mains derrière son dos, lui expliquant que oui, il était en partie responsable du retard de ses clients vu qu’ils avaient un gamin en âge d’aller au lycée et que lui aussi avait enduré cette terrible épreuve qu’était ces réunions, qui selon lui ne servait à rien du tout. Ce n’était clairement pas comme ça que les enfants feraient quelque choses de leurs vies, pas qu’il s’en intéresse de toute façon.

“Ouuuh sentirais-je une pointe de jalousie ?”

Lucifer s’était à nouveau penché près d’elle, tout proche de son oreille pour lui murmurer ses quelques mots avant de se redresser, bien droit, en regardant la dudite femme. Emy ? Jalouse ? Il n’y croyait pas vraiment. Il savait qu’ils ne faisaient que s’amuser. C’était du badinage après tout. Le nombre de fois où elle lui avait dit que non, elle ne coucherait pas avec lui, il l’avait compris. Du moins, ce qu’il faisait penser, car cette idée ne lui était pas du tout sorti de la tête mais il avait le temps. L’éternité même. Et il fallait dire qu’il appréciait particulièrement ce petit jeu de faux-semblants. Pourquoi diable arrêter alors ?

“Mais que vois-je ? Des reproches envers ton client ? Ne serait-il pas là les raisins de la colère ?”

Emmaline était une personne droite et cela pouvait l’agacer. Comme quoi, chacun s’énervait mutuellement. Mais il n’était pas étonné. Elle était gentille et il pouvait comprendre l’agacement dans ses paroles quand il lui avait dit la vérité sur son client. Même lui en vrai n’aurait pas fait ça.

“Oui ! Tu as vu ! Une horreur ! Et en plus Jonathan n’est même pas à la fête ! Pauvre chou ! Je suis si triste pour lui.”

Lucifer aurait amené son gamin, s’il en avait un, avec lui. Ça lui paraissait logique. Pourquoi il n’y aurait que les adultes qui pourraient s’amuser ? Bon, vu ce que le père avait dit, il se doutait que leur relation n’était pas au beau fixe.

“Quoi ? Mais non ! Voyons darling ~ ce ne sont que des préliminaires ! Tu ne peux pas déjà être enragé. Quoi que … je suis après que je suis très doué …”

Il passa sa langue sur ses lèvres tout en lui faisant un petit clin d'œil avant de lever la main en guise de salut vers un groupe de personnes qui s’approcha d’eux. Luci allait répondre mais Emy lui coupa la parole, après lui avoir lancé un regard noir. Assistant ? Lui assistant ? Bon, allez pourquoi pas. Il se pencha un peu sur le coté, continuant de sourire.

“Oui, un très bon assistant, le meilleur même ! Miss Fitzgerald ne peut se passer de moi.”

Lucifer eut un petit gloussement, faisant bouger ses doigts vers l’une des jeunes femmes tandis que l’un des hommes remerciaient Emy pour cette information. Il la remercia d’un coup de tête quand elle lui donna son verre de champagne. Bien. Il avait soif.

“Oh elle ne voulait pas te mettre dans l’embarras, je ne lui ai dis que la vérité, que je devais t’apporter quelque chose de nécessaire à ta fête.”

Il remarqua qu’Emy avait haussé un sourcil, un peu surprise en attendant une réponse. Il rapprocha donc son visage du sien, faisant claquer sa langue contre son palais.

“Moi bien entendu ! Une fête n’est jamais totalement réussie quand Lucifer n’est pas là ! J'ai l'impression qu'il y a de l'écho t'as vu, c'est fou ...”

Emy eut un regard blasé, soupira et partit s’occuper des invités laissant Luci seul. Oh, il savait que là, elle était agacée et il s’en délectait. Il attrapa une coupe de champagne, qu’il changea avec une pleine. L’une des jeunes femmes qui l’avait salué revient vers lui, maintenant qu’il était seul.

“Votre boss a vraiment fait un super travail;”

Lucifer lui donna un grand sourire, se mordant la lèvre pour ne pas dire des bêtises. C’était pour Emmaline. C’était uniquement pour elle qu’il acceptait être sous la coupelle de quelqu’un. Un boss. Lucifer n’avait pas de boss. Il était le boss.

“Oui. Emmaline a un don pour les fêtes.”

Il tourna un peu la tête pour la chercher dans la foule, remarquant qu’elle parlait à un homme très séduisant. Il fit une petite moue en buvant sa coupe tout en revenant sur la jeune femme.

“Ludivine.”
“Lucifer. Enchanté.”
“Comme le diable ?”

Ludivine murmura ça avec un petit o de surprise alors que Luci, qui souriait à en avoir mal à la mâchoire se dodelinait d’un pied sur l’autre.

“Exactement ma chère ! Quoi de mieux qu’avoir le diable en assistant pour connaître les désirs des gens ?”

Il passa son index sous le menton de la jeune femme qui entrouvit les lèvres, absorbés par le regard hypnotique du beau brun. Luci se recula un peu, brisant ce charme tout en buvant à nouveau son champagne.

“C’est bien, parce que sinon … on se serait ennuyé.”

Oh ? Des potins ? Ludivine avait-elle quelque chose à confesser ? Visiblement oui à la vue de son rapprochement et des messes basses qu’elle lui fit.

“Je suis venue uniquement parce que Charles a dit qu’il avait embauché une professionnelle et qu'il y a un buffet open bar. Sinon …”
“Sinon ?”
“Charles n’est pas très connu pour être un fêtard.”
“Oh voyez vous ça …”
“Et je pense qu’il a fait ça juste pour en jeter pleins la vue aux autres, surtout maintenant qu’il est passé chef d’équipe.”

Lucifer se tourna de trois quart pour regarder le fameux Charles, au fin fond de la salle qui discutait avec d’autres personnes. Il ne s’était donc pas trompé. Ce Charles était un con. Un bon gros con. Il l’avait remarqué quand il lui avait parlé de son fils, ou même quand il avait fait un clin d’oeil à sa femme. Il voulait tout contrôler, tout maîtriser. Et cette fête était un autre exemple.

“Monsieur aurait-il un défaut d’autorité ?”
“Ouais, en vrai, il est assez mal vu par l’équipe. Il est imbu de lui-même et un peu tyrannique.”
“Oooh nous avons donc là le bal des faux culs. J’aime !”
“Surtout qu’il a invité Brad, mais tout le monde sait qu’il a couché avec sa femme. Enfin qui n’est pas passé sur elle ? Peut être le train.”

Lucifer n’avait pu retenir un gloussement, ce qui fit sourire la jeune femme. Quand il aperçut Emy, il lui fit un signe de la main.

“Je reviens ma douce enfant.”

Il alla à sa rencontre, un rictus mesquin plaqué sur son visage.

“C’est appréciable quand les gens se confient à moi.”

C’était naturel. Sur les esprits faibles, il n’avait même pas à user de son pouvoir. Son charisme éblouissait et faisait en sorte d’avoir confiance en lui. Un sourire, un clin d’oeil, un hochement de tête, des cheveux en bataille, Lucifer savait y faire pour faire avouer, pour faire confesser.

“Notre petit Charlounet est en réalité un tyran. Il fait ça juste pour épater la galerie et de ce que j’ai compris, il aurait même prévu d’humilier Brad, le type qui a couché avec sa femme. J’ai hâte.”

Lucifer était comme un enfant, faisant des gestes de la main avant de pointer du doigt les protagonistes. Il se régalait de tous ces désirs refoulés. Plaisir. Colère. Haine. Il s’en nourrissait même.

“Oh j’ai une idée ! Et si j’allais draguer cette chère Madame Volkman pour voir si ce qu’on raconte est vrai ? Il parait qu’elle est chaude comme l’enfer ! ”

C’était une question rhétorique. Même si Emy lui disait non, il le ferait quand même. Luci voulait s’amuser à tout prix. Il lança un regard à la jeune femme qui, comme il le pensait, n’avait pas l’air d’accord. Il lui donna un petit coup de coude, tout en se mordant la langue qu’il passa entre ses dents.

“Avoue, toi aussi tu as envie de voir, de savoir. Allez ce n’est rien, c’est dans la nature humaine la curiosité. Puis, de savoir qu’en fait ce type est un enfoiré, ça te mine. Je le sais. Je le sens. Alors autant s’amuser un peu avec lui. Fais toi plaisir, le spectacle est gratuit.”

Il n’écouta pas la réponse d’Emy, cherchant dans la salle Madame Volkman, qu’il trouva, au buffet, en train de discuter avec le fameux Brad. Elle eut l’air surprise en le voyant arriver mais Lucifer pouvait voir les deux taches sur ses joues. Ça en était presque trop facile.

“Monsieur Phosphoros, que faites vous ici ?”
“Vous pouvez m’appeler Lucifer.”

Elle le regarda dans les yeux, happé et Lucifer coupa le contact pour faire comme s’il se faisait une assiette. Non en vrai, il s’en faisait une, il avait faim.

“Il se trouve, que j’aide de temps en temps Miss Fitzgerald. J’ai une certaine expérience dans le domaine hum … de l’amusement.”

La femme éclata de rire, un peu comme si elle était saoule et Lucifer se dit qu’il allait vraiment bien s’amuser.

“Le travail de directeur ne paie pas assez ?”
“Non, c’est bénévole, je suis ... très généreux.”

Il tourna la tête vers Emy qui regardait ça, lui faisant un clin d’oeil avant de revenir à la femme.

“Et quand votre mari a dit tout à l’heure qu’il y avait une réception, je me suis dis que ça ne pouvait pas être une coïncidence.”

Il ancra une nouvelle fois son regard de braise dans celui de la femme qui s’humidifia la bouche dans un geste sensuel.

“C’est vrai … j’ai senti une connexion dès que nous nous sommes vu.”
“Voyez vous ça …”

La voix de Luci était descendue de quelques tons, poussant un peu plus sur son charme même s’il savait que c’était gagné. Il voyait comment elle faisait, sa main dans les cheveux, ses minaudements. C’était vrai que Madame Volkman avait l’air chaude comme les braises de l’enfer.

“Si vous voulez … je peux vous montrer à quel point cette connexion est forte.”

Lucifer tourna un peu la tête, surpris de cette attaque directe. Surpris et aussi totalement amusé à la vue de ses mimiques.

“Et bien … pourquoi pas ! Oh tiens, Emmaline, tu veux participer aussi ? Les plans à trois, quel plaisir !”

Madame Volkman continuait de minauder, aguiché en vérité par l’ombre de Luci sur le mur qui s’amusait très bien alors que son propriétaire c’était tourné vers l’organisatrice, lui murmurant pour qu'elle soit la seule à entendre.

“Je comprends le besoin de montrer l’autorité de son mari. Ludivine a raison. Seul le train n’a pas dû lui passer dessus. Mais c’est trop facile, y a pas de saveur quand ça tombe tout cuit dans la bouche, puis entre nous, c’est pas non plus un canon.”

En venant à cette fête, de base Lucifer pensait juste passer une bonne soirée. Déjà parce que le goût de la gratuité était le meilleur. Ensuite parce qu’il y avait Emmaline. À vrai dire, il venait surtout pour elle. Il ne l’avait pas vu de la semaine et il appréciait la voir travailler, faire ce métier d’organisatrice avec prestige. Elle incarnait la grâce et l’autorité avec perfection. Un régal pour les yeux. Puis, la faire enrager était très appréciable. Ses joues rouges de colère étaient un bonbon qu’il adorait faire fondre sous sa langue pour en savourer la saveur. Mais aujourd’hui ce n’était pas tout. Il y avait autre chose qui faisait frémir Lucifer d’une joie palpable. L’odeur du scandale. L’odeur des désirs cachés. L’odeur du péché. Il avait été comme attiré par cette fête, ce n’était pas pour rien. Il y avait là bien des pêcheurs qui méritaient leurs sentences à commencer par celui qui avait commandité cette soirée. Lucifer était allé de personne en personne tel un papillon butinant des fleurs et il en avait appris des belles. Autoritaire. Colérique. Jaloux. Adultère. Que de vilains mots qui le faisait frissonner. C’était donc normal qu’il en veuille plus. Qu’il veuille sortir la preuve que beaucoup ici, finirait en enfer. Maintenant qu’ils étaient dans un nouveau monde, Lucifer reprenait le pouvoir. Jadis, dans son monde, il en avait été le maître. Le roi des enfers. Par son propre péché du désir de voyager, il avait perdu cette place. Il ne l’avait pas su, sinon il y serait retourné mais son attrait pour le rapport de force avait été trop fort. À Halloween Town, monde qu’il avait découvert pendant son périple et qu’il adorait, il avait trouvé un alter égo en la personne, où plutôt la créature de Madame la Mort. Ce n’était qu’après un long combat qu’elle l’avait placé sur un pied d’égalité avec elle, cette divinité régnant sur ce monde. Là il n’était pas le roi que d’un petit quartier. Oh non, il était considéré comme un dieu ayant droit de vie et de mort sur les humains. Et pas seulement ! En plus de pouvoir gérer ça, il avait un droit de regard sur leurs âmes. Droit de regard qu’il avait acquis par la force. Que c’était bon de prendre des âmes en son nom, s’en servant comme esclaves pour leurs damnations éternelles. La Mort n’était pas contente mais ce n’était pas son souci. Enfin ça le devient quand elle décida de l’exclure d’Halloween Town avec une sournoiserie en l’en faire pâlir. Revenu dans son propre univers, sa deuxième chute fut encore plus brutale quand il s’aperçut que son royaume avait été spolié et qu’il n’était plus rien. Il avait essayé de reprendre sa gloire d’antan mais la malédiction avait frappé. Un coup de génie avait il avoué. Maintenant qu’il avait tout retrouvé; sa mémoire; ses ailes; ses pouvoirs; il ne laisserait pas sa chance filer.

“Bien sur que je vais le faire darling ~ . Révéler la nature des gens et l’exposer à la vindict populaire est l’une des parties de mon job.”

Alors Lucifer fit un petit clin d’oeil à Emy avant d’aller voir Madame Volkman. Il n’avait pas à forcer beaucoup. Il n’avait même pas à utiliser son pouvoir pour savoir quel désir elle avait. Le sauter. Il ne pouvait la blâmer. Lui aussi, quand il se regardait dans la glace, ressentait un profond plaisir. C’était normal qu’il en fasse bénéficier au plus grand nombre. Une sorte de bonne action. Quand il parlait à la femme, la poussant au vice, l’amenant plutôt, elle n’avait pas besoin d’être poussé de force, il regardait Emy, haussant les sourcils, fier de lui, de révéler cette mascarade sans trop se rendre compte qu’elle n’était pas d’accord. Il eut un petit ricanement quand elle lui répondit.

“Au moins on sait que c’est utilisé. Ça ira plus vite comme ça.”

Son sourire se fit carnassier pendant quelques instants avant qu’il ne le perde quand Emy se mit en colère. Vraiment en colère. Pas comme quand ils s’amusaient à se taquiner. Lucifer fronça les sourcils, perdu de ce revirement de situation.

“Quoi ? Mais non !”

Elle était entrain de le foutre dehors ! Mais non ! Il n’avait pas fini ! Il ne comprenait pas pourquoi tout d’un coup elle le mettait à la porte avec véhémence. Se tournant vers Madame Volkman, Luci lui fit un petit sourire.

“Vous m’excusez quelques instants ? Je crois que ma patronne a besoin de moi.”

Un sourire d’excuse et il se retourna pour parler à Emy mais elle n’était plus là.

“Bloody Hell!”

Lucifer poussa un énorme soupir. Où est ce qu’elle était passée encore ? C’était quoi ce cinéma qu’elle faisait. Il ne comprenait pas. Il avait rien fait de mal après tout. Il ne s’était pas mis nu, il n’avait pas poussé les gens à la bagarre, où du moins pas encore, sa fête battait son plein, tout le monde était heureux dans le meilleur des mondes. Alors quelle mouche l’avait piqué ? Luci commença donc à la chercher dans la foule, ratissant la pièce avant que le petit groupe qui lui avait parlé en premier ne l’interpelle au vol.

“Si vous cherchez Miss Fitzgerald, on l’a vu monter à l’étage. Elle a dit qu’elle allait voir le traiteur pour passer au buffet sucré.”
“Ah oui le traiteur ! Bien sur bien sur. Merci.”

Faisant une poignée de main rapide à la première personne qu’il y avait en face, il se dirigea alors vers l’escalier qu’il y avait dans le fond de la salle. C’est vrai qu’en général, il y avait toujours un endroit, une autre pièce où Emy stockait tout ce qu’elle avait besoin, où le traiteur quand il y en avait un. C’est vrai que vu la taille du buffet, elle avait forcément fait appel à l’un de ses partenaires. Grimpant les marches trois à trois, il arriva dans une pièce avec un forte agitation. Il n’y avait pas beaucoup de personnes, cinq en vérité mais qui travaillaient pour dix.

“Excusez moi mais avez vous vu Emmaline ?”

Un jeune homme en tenue de serveur lui indiqua d’un geste du bras le balcon, sur la gauche de la pièce. Lucifer le remercia silencieusement avant de filer sur la terrasse. Il attrappa au passage deux verres et une bouteille de champagne qui se trouvait sur l’une des tables, prêt à être descendu, se fichant du regard noir des employés. Il ouvrit doucement la baie vitrée pour rejoindre la jeune femme qui était appuyée sur la rembarde.

“Hé … que se passe t’il ?”

Lucifer n’aimait pas voir Emmaline dans des états qu’il désignait comme négatif. Déjà parce qu’il appliquait sa philosophie hédoniste à la lettre. Toutes les émotions stériles et improductives devaient être annihilées de la vie pour laisser seul les émotions déclenchant de l’allégresse. La jeune femme resta silencieux et il ouvrit la bouteille de champagne pour remplir les deux coupes.

“Ce Charles te demande trop de choses c'est ça ?”

Parfois, Luci tapait à coté. C’était comme ça, l’empathie ne faisait réellement partie de sa vie que depuis quelques années. Tous comme les sentiments à vrai dire. Les sentiments positifs, ceux qu’il voulait chérir en vérité. Quelques années n’étaient rien comparé à une vie composée de plusieurs vies elles même composés de plusieurs vies. Il essayait d’apprendre avec cette soif de connaissances qu’il avait mais entre la théorie et la pratique, il y avait un monde. Cependant, Lucifer n'était pas dupe. Après tout, le va te faire foutre lui était destiné. À lui. Pas à l'autre.

“Tu as peur que je fasse un esclandre ? Je te l’ai dis Emy, je ne ferais rien qui puisse mettre ta carrière en péril ! J’en aurais même pris la responsabilité. Après tout, tu n’es pas responsable du tumulte de la vie humaine.”

Lucifer lui fit un sourire doux tout en lui tendant la coupe. Elle avait besoin de boire et de se détendre un peu. Puis il poussa un soupir en regardant la vue depuis le bâtiment. L’on voyait tout le centre-ville. C’était agréable.

“Si tu veux vraiment que je parte… je le ferai. Si cela te permet d’être plus tranquille et sereine j’irai embêter quelqu’un d’autre.”