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Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve
sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)

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 Underworld

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Underworld _



________________________________________ 2021-03-28, 18:15



Accoudé à la balustrade, Kieran contemplait les eaux du lac, sous le balcon, qui reflétaient le ciel étoilé du monde d’en bas. Les milliers de scintillements, sur l’eau calme, cachaient à peine le grouillement de vie, à l’intérieur. Les yeux noirs du dieu ne loupaient pas une miette des déambulations des âmes, dans leur prison éternelle. Certaines, plus téméraires que les autres, ou encore trop jeunes pour avoir perdu espoir, venaient frôler la surface et taper, de leurs poings immatériels, la barrière qui les empêchait de sortir. Leurs coups créaient des ondes lumineuses qui disparaissaient aussi vite qu’elles étaient apparues. Puis, quand elles comprenaient l’inutilité de la manœuvre, les âmes retournaient plus bas, dans les profondeurs du lac, se perdre avec les autres, subir leur punition divine.

Il n’était pas rare que le maître des lieux les autorise à sortir, voguer dans les alentours de son château, frôler le faux ciel dans un espoir tout aussi vain de trouver un passage jusqu’au monde du dessus. Kieran ne nourrissait pourtant pas leurs espoirs. Tout était fait, dans son royaume, pour que les âmes aient conscience de leur destin : rien ne pouvait sortir d’ici sans l’autorisation du roi, autrement dit, son autorisation. Une autorisation qu’il ne donnait jamais pour la simple et bonne raison qu’il devait, d’abord, demander l’accord de ses frères et qu’il ne voulait, pour rien au monde, forcer une discussion avec ces deux abrutis de première. Il préférait le calme de son château, de ses longues journées à ne rien faire d’autre que s’occuper du royaume, dans une solitude toute à lui.

Kieran aimait son train de vie. Il n’avait personne pour l’emmerder à longueur de journée, personne pour lui dire ce qu’il devait faire, personne pour l’engueuler s’il faisait une connerie. Il était seul maître de ce qu’il faisait et ses frères ne mettaient jamais un pied sur son territoire. Ce qui ne les empêchait pas de l’appeler à longueur de temps et l’inviter à toutes sortes de soirées auxquelles il ne voulait pas aller. Le regard des autres l’énervait. Les rumeurs l’énervaient. Ses frères et leur stupidité l’énervaient. Kieran était bien mieux dans son château, à surveiller les âmes et vérifier que rien ne venait déranger la tranquillité du monde d’en bas.

Rien sauf… toujours les deux mêmes.

Si l’un des deux se contentait de suivre l’autre, son aîné était une plaie, une épine plantée dans son pied et qu’il ne pouvait pas retirer. Dernièrement, il passait son temps à essayer de « décoincer son jeune frère » et « l’aider à s’ouvrir à la vie ». S’ouvrir à la vie… Pour le dieu des morts, c’était un comble et, surtout, il ne lui demandait pas son avis. Kieran avait beau dire non, refuser toutes les invitations, aller à celles qu’il ne pouvait refuser en traînant des pieds, l’autre revenait toujours à la charge. Sa nouvelle idée de génie était d’organiser un jeu de télé-réalité, dans son château, dans son royaume, sans lui laisser le droit de dire non. Tout ceci parce que son aîné s’était pris d’amour (fugace, comme à son habitude) pour une nymphe qui participait à ce genre d’émission. Et cet abruti pensait que ce serait une magnifique idée que de pousser Kieran à organiser la prochaine chez lui, sur sa vie.

Kieran soupira, sur le balcon.

– Elles arrivent, annonça une petite voix, derrière lui.

À ses pieds, le chien émit une plainte profonde et se redressa, bâillant de ses trois gueules en même temps. Kieran le flatta sur le flanc, alors que Cerbère s’étirait de tout son long. Le serviteur, lui, avait disparu aussi vite qu’arrivé et il ne restait que le dieu et sa bête, pour soupirer tout l’air qu’il avait dans les poumons. Cette histoire le gonflait d’avance. Ses yeux noirs quittèrent le lac et glissèrent jusqu’au pont qui surplombait la surface pour relier la route au château. Il se demandait, parfois, s’il ne pourrait pas le faire sauter pour s’éviter des visiteurs. Puis il se souvenait de la futilité de la chose, alors que la plupart des dieux pouvaient voler. Il n’était pas mieux que les âmes au fond du lac, au final.

Sur le pont, un bus avançait lentement, comme s’il n’avait pas, lui-même, envie d’approcher du château du démon. Ce n’était pas Kieran qui allait le contredire. Le bâtiment traînait, dans son ombre gigantesque, des rumeurs plus sombres, encore, que celles de son propriétaire. Quoi que… Non, en fait. Il se disait tellement de choses, sur le dos du brun, qu’il avait depuis longtemps dépassé n’importe qui d’autre. La plupart n’étaient même pas avérées. Rien que des bêtises crachées dans son dos pour lui donner une allure terrifiante. En vérité, il ne serait même pas étonné d’apprendre que certaines avaient été lancées par ses deux débiles de frangins.

Garé devant le grand perron du château, le bus éteignit le moteur et la porte latérale s’ouvrit sur les premières demoiselles. Kieran eut un rictus nerveux qui souleva sa lèvre, sur ses dents blanches. Sa tranquillité foulée au pied en moins de temps qu’il n’en fallait pour l’insulter. Déjà, les bavardages et les gloussements s’élevaient dans la cour et venaient glisser sur les murs du château, jusqu’à lui. Pourquoi devait-il se prêter à ce jeu ? Inviter les caméras, chez lui, devoir rencontrer chacune des trente-cinq idiotes prêtes à n’importe quoi pour passer à la télé… Il ne doutait pas qu’aucune d’elle n’était là pour lui, mais plutôt pour la célébrité, le luxe et la royauté. Cette émission ne rimait à rien. Kieran ne comptait pas choisir l’une des trente-cinq prétendantes. Il trouverait un moyen de les forcer à abandonner le jeu, peu désireux de les supporter jusqu’à la fin.

Alors que la dernière sortait du bus, Kieran s’écarta de la balustrade et revint à l’intérieur de son château. Sur ses talons, Cerbère prenait une forme plus imposante, à mesure qu’ils traversaient ses appartements personnels jusqu’au couloir. Le chien comprenait les émotions de son maître et répondait, instinctivement, au besoin d’effrayer les intruses. Ainsi, alors que Kieran faisait ses premiers pas dans la salle de réception où siégeait son trône d’ébène, le chien à trois têtes avait atteint une taille gigantesque et surplombait le dieu qui marchait devant lui. Son ombre était froide mais rassurante. Le brun aimait le savoir prêt à le protéger, même des bêtises de ses propres frères.

– Les prétendantes ! scanda un petit homme, à côté de la double porte, d’une voix tonitruante.

Kieran prit place sur son trône, Cerbère se coucha à ses côtés et il posa une main sur l’une de ses gueules fumantes. À l’autre bout de l’immense pièce, les doubles portes s’ouvrirent lentement, dans un grincement inquiétant, pour laisser entrer les trente-cinq demoiselles et les centaines de petites caméras volantes qui vinrent, immédiatement, envahir les lieux pour couvrir le spectacle sous tous ses angles. Affalé sur son siège, le coude sur l’accoudoir, le poing enfoncé dans la joue, Kieran regarda le groupe faire ses premiers pas dans sa demeure. Son autre main continuait de caresser doucement la gueule du chien qui grondait tout bas.

Devant les demoiselles, un satyre faisait claquer ses sabots sur le sol de pierre pour ouvrir la voie. Il s’arrêta au bas des marches, aux pieds du trône, et se retourna vers les dames pour présenter, d’un grand mouvement de bras théâtrale, le roi affalé sur son trône.

– Le roi et son fidèle compagnon, Cerbère, ricana-t-il, en dardant sa langue pointue, entre ses lèvres. Mesdames, le jeu va pouvoir commencer. Bienvenue à toutes dans le royaume d’en bas !

Les ennuies commençaient. Bien.


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________________________________________ 2021-03-28, 21:37



Que faisait -elle sans son bus ? Dans ce bus remplis de jeunes femmes bien trop exister à son goût. Elles ne faisaient que parler sur ce roi des enfers qui était beau comme un dieu. C’était sans doute parce qu’il en était un. Elea était ici pour la simple raison que sa mère l’avait inscrite. Elle commençait à désespérer que sa fille ne trouve pas quelqu’un. Se sentait-elle bien toute seule ? Absolument que oui. Se sentait-elle heureuse d’être ici ? Absolument que non. Mais si, elle pouvait échapper à sa mère le temps de quelques semaines, elle n’allait pas dire non. Elea regarda par la fenêtre, elle n’aimait pas le fait que tout était noir, sombre, sans vie. Elle aimait la lumière, sentir l’herbe lui chatouiller les chevilles. Elle aimait sentir le vent lui caresser le visage. Ici, régner la mort, elle ne savait pas comment elle allait faire pour survivre sans voir la lumière du soleil. Le bus avançait doucement sur cette route, un bâillement lui échappa.

Elea s’était levée aux aurores, enfin, sa mère était venue la réveiller pour la préparer. Elle avait ronchonné avant de traîner des pieds jusqu’à la salle de bain, s’était glissée sous la douche. Elle y était restée un moment avant de sortir et de se glisser dans son peignoir. Sa mère lui avait préparé une robe, bien trop jolie pour elle, bien trop différente de son style. Mais elle l’enfila. Longue, noir, fondu sur le côté. Elle se laissa coiffer, un chignon qui laissait des mèches s'échapper. Elle ne voulait pas de maquillage, si, le roi des enfers devait l’apprécier, elle préférait que ça soit pour son naturel. Puis, elle avait attendu le bus.

Elle qui n’avait pas vu grand monde, restant surtout avec ses pairs, elle venait de rencontrer bien trop de monde. Elle n’avait rien dit pour le moment, préférant se plonger dans ses pensées, alors qu'elle venait descendre les marches. Se retrouvant devant cet immense château, elle eut un sourire. Elle pourrait sans doute se cacher ou bien jouer à cache-cache. Elle était une grande enfant dans le fond. Elle trouverait bien des personnes pour jouer avec elle, ou même le roi lui-même. Enfin, ce n’était pas encore une chose à voir. Elle suivit le groupe jusqu’à la grande salle, du trône si, elle comprenait bien. Enfin, il avait tout de même Kieran sur son trône. Restant bien droit, le regard dure, son chien, bien trop mignon au regard de la jeune femme.

Puis tout d’un coup, la horde de jeunes femmes, du moins une bonne partie des jeunes femmes. Une partie était resté en retrait, sans doute bien trop timide pour s’approcher. Alors, le satyre tapota dans ses mains pour refaire regagner le silence dans la salle. Puis, elles se présentèrent, et Elea avait hâte de pouvoir enlever ses foutus chaussures. Certaines jeunes femmes ne mettaient bien trop de temps. Racontant bien trop de chose privée qui fit rire la brunette. Savoir qu’une jeune femme aimait le pudding. Mais qui aimait ça. Ou encore, qu’une jeune femme aimait prendre de longs bains. Rien de bien intéressant dans le fond. Elle ne sait pas combien de temps, elle était là, à attendre, les caméras braquées sur eux.

Son tour arriva, ses chaussures aux mains, elle les avait enlevés discrètement se sentant bien mieux. Elle resta un moment sans rien dire, elle ne savait pas quoi dire, elle préférait réfléchir pour éviter de dire des bêtises. Ce qui arrivait bien trop souvent à son goût. Puis, elle n’aurait jamais pensé être autant stressée, alors, elle le regardait dans les yeux, avant de poser son regard sur le chien. Elle n’avait qu’une envie, lui faire un câlin.

“Bonjour. Je m’appelle Elea. Fille de Déméter. Je ne pense pas que savoir que j’aime danser en culotte ou encore le soleil sur ma peau vous intéresse vraiment. Alors, que voulez-vous savoir ? Et votre chien est vraiment adorable. Et qu’aimez-vous faire ?”

Elle lui adressa un petit sourire, elle sentait le regard sur elle, elle venait de poser une question au roi. Elle s’en fichait, elle n’était pas là pour être la seule à se dévoiler. Luis aussi, il devait le faire, et en plus le faire face à trente-cinq prétendantes. Mais il avait une telle assurance que ça n’allait sans doute pas le déranger. De plus, il pourrait dire une chose dans le genre qu’il aimait voir la mort ou les personnes souffrir. Elle ne comprenait pas comment sa mère pouvait penser qu’elle irait bien avec lui. Ils étaient tout le contraire, mais les contraires avaient tendance à s’attirer. Elle le savait. Mais elle ne voulait pas être la jeune femme des enfers, pas pour le moment. Puis, elles étaient bien plus jolies qu’elle, elle le voyait bien.

Attendant sa réponse, elle pencha la tête sur le côté, avant de poser ses chaussures sur le sol. Elle pourrait toujours les prendre plus tard. Elle avait une idée bien en tête. Peut-être pas une idée de génie, loin de là même, elle n'allait pas mentir. Peut-être qu’elle allait se faire renvoyer chez elle bien plus vite qu’elle le pensait. Dans le fond, ça serait bien dommage de ne pas vivre cette expérience totalement. Mais là voilà en train de s’approcher comme si de rien n’était, comme si aucun regard n’était sur elle. Elle s’approcha doucement du chien, elle avait envie de le caresser et le fait qu’il est trois têtes la faisait rire. Bon, elle allait sans doute être mangée. Un mort rapide et sans douleur. Quoi demander de plus. Enfin, elle ne pouvait pas vraiment mourir. Elle tendit doucement sa main, vers Cerbère avant de la poser sur sa tête. Elea attendit quelques secondes de peur de devoir partir en courant loin d’ici. Mais non, elle eut un petit sourire, alors qu’elle caressait doucement une des têtes.

“Oh, comme tu es adorable. Votre chien n’est pas aussi méchant que je ne l’aurais pas pensé. Ou c’est parce que vous l’avez très bien éduqué.”

Faire comme les autres ? Ce n’était absolument pas dans son habitude. Se pavaner pour se faire remarquer ou bien rire bien trop fort, ce n’était pas dans ses habitudes. Non, elle ne voulait pas mettre un masque sur la personne qu’elle était. De toute façon, il avait une chance sur deux pour qu’il l’accepte comme elle était. Mais il n’était pas une personne super agréable, il ne devait pas oublier. Les rumeurs, elle les avait entendues comme tout le monde. Mais ce n’était que des rumeurs, et elle voulait apprendre à connaître le faire Kieran. Pas les choses que les personnes pouvaient dire. Elle s’en fichait pas mal et casserait sans doute tous les codes qu’on pouvait lui ordonner. Il n’y avait pas sa mère pour lui dicter quoi dire ou quoi faire. Et c’était tellement libérateur. Ne pas avoir de pression sur les épaules. Après avoir caressait le chien pendant de longues secondes, avant de se relever et de tendre la main vers le jeune homme qui était poster sur le trône.

“En fait, je suis enchanté de faire votre connaissance."

Elle pouvait entendre les murmures, mais c'était un dieu, et elle était une déesse, ils étaient au même niveau ou presque. Puis, bien vite, elle entendit des pas derrière elle, deux jeunes femmes s’étaient avancer, la main tendue vers le chien. Elles auraient peut-être autant de chance qu’elle. Elea se recula, faisant une révérence et de partir dans les rangs. Elle n’avait pas fait ça pour se montrer, loin de là, elle avait fait ça pour être plus courtoise.
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________________________________________ 2021-04-03, 08:11



Il n’en pouvait déjà plus. Toute cette histoire commençait à peine qu’il voulait, déjà, fuir dans ses appartements, se cloîtrer là où personne ne pourrait l’embêter et ne plus en sortir jusqu’à la fin de cette émission pourrie. Ils pourraient toujours essayé de lui dire qu’il n’en avait pas le droit. Il était le roi, ici-bas, il avait tous les droits. À commencer par celui-ci de demander à tout le monde de se taire ou de quitter la pièce. Mais il avait, cependant, signé un contrat, forcé par son frère, qui stipulait l’interdiction formelle d’user de ce genre d’autorité sur les demoiselles. Kieran soupira, affalé sur son trône. Tout ceci ne rimait à rien.

Ses yeux noirs rivés sur les centaines de petites caméras qui voletaient dans la pièce, le dieu se demanda s’ils oseraient en coincer quelques unes dans sa chambre, pour ne lui laisser aucune intimité et réussir à avoir une image de lui à tout instant de la journée. Il espérait que ce ne soit pas le cas. Ses appartements étaient privés et personne n’avait le droit d’y entrer. Pas même des caméras volantes. C’était à peine s’il autorisait à ses quelques servants de mettre un pied à l’intérieur, alors il ne risquait pas d’accepter de les présenter au monde entier.

Chaque chose en son temps, néanmoins. Pour l’heure, il devait faire son affaire de toutes ces prétendantes qui se pressèrent au bas des marches, devant son trône. Il ne sut trop pour quelle raison, soudain, un raffut infernal s’échappa des rangs et remonta les degrés jusqu’à lui. Kieran fronça à peine les sourcils, sur ses yeux noirs, et détourna le regard des filles pour le poser sur la gueule immense du chien, sous sa main. Cerbère continuait de gronder tout bas, mais aucune ne semblait impressionnée par la taille de l’animal. Les mœurs changeaient trop vite. Il y a peu de temps de ça, Cerbère n’avait qu’à ouvrir ses gueules fumantes, sur ses longs crocs, et les ennemis de son maître fuyaient en courant. Apparemment, ça ne fonctionnait pas sur les jeunes filles en fleur.

Dommage.

Le satyre réussit à ramener le calme dans les rangs et très vite, une ligne se forma, sur les marches, jusqu’au trône. Rien que de voir la file indienne de prétendantes, Kieran en eut la migraine. Il ne voulait pas dire bonjour aux trente-cinq demoiselles, écouter l’anecdote que chacune d’entre elles ne pourrait s’empêcher de dire et faire semblant d’être intéressé par leur vie. Il n’avait pas envie. Il voulait disparaître, être oublié, qu’on le laisse tranquille… Peut-être pourrait-il lancer un sort d’illusion ? Faire semblant d’être là, sur son trône, alors qu’il fuyait dans ses appartements ? Mais la peur des caméras… Il fuirait sur le lac. Là, personne ne lui courrait après.

La première se planta devant son trône et Kieran se redressa un peu pour, en vérité, se caler d’une meilleure manière sur son siège, afin de ne pas tomber à la renverse, si jamais il avait une absence. Il avait bien conscience que son comportement n’était pas respectueux pour toutes ces demoiselles et il voulait faire un effort, pour elles, mais il ne se faisait pas d’illusions : au bout de dix, il aurait envie de dormir, à se demander pourquoi il avait accepté cette histoire. Ce n’était pas tant contre elles (même si elles ne faisaient pas vraiment d’effort pour être intéressantes) que contre son frère et cette émission à la con. Qui ça intéressait, en vérité, que le dieu des enfers essaie de se trouver une femme ? Personne. Voilà. Et certainement pas le dieu des enfers lui-même.

Kieran eut, déjà, bien du mal à garder sa poker face devant celle qui aimait le pudding, mais celle qui insista pour lui dire qu’elle aimait les longs bains eut, elle, le droit à des sourcils froncés très fort sur ses yeux noirs. Essayait-elle de lui dire quelque chose ? Non merci, il passait son tour. Il n’était clairement pas intéressé et ce n’était absolument pas son genre. Si elle voulait de la compagnie dans son bain, il pouvait lui donner les coordonnées de son frère, sans le moindre souci. Ce qui lui ferait, déjà, une prétendante de moins sur les trente-cinq. Bien.

Ce fut, soudain, le tour d’un drôle d’oiseau tombé dans le mauvais nid. La jeune femme grimpa la dernière marche, ses chaussures à la main, et Kieran regarda, d’un coup d’œil furtif qu’il regretta aussitôt, la fente dangereuse de sa robe noire, sur sa cuisse. Un peu gêné, il détourna le regard et reprit position au fond de son trône. Cette façon qu’elle avait de tenir ses chaussures, pas le moins du monde gênée par les apparences, alors qu’elle se présentait à lui, eut le don d’attiser sa curiosité. Qui était-elle ? Qu’allait-elle lui dire ? Allait-elle, finalement, lui avouer qu’elle aimait manger des puddings pendant qu’elle prenait de longs bains ? À cette pensée, il tapota la tête de Cerbère qui cessa de gronder.

Elea, fille de Déméter. Une déesse. Par respect, Kieran se redressa un peu plus et… à deux secondes près, il se serait sûrement étalé par terre. Heureusement pour lui, il avait fini son mouvement quand Elea lui annonça la suite et il releva, sur elle, un regard interloqué. Danser en culotte ? En effet, il n’avait pas franchement envie de savoir et il détourna les yeux alors que, bien malgré lui, l’image mentale commençait à prendre forme, dans son esprit. Il ne voulait pas, non, non et non. Stop.

Le soleil sur sa peau.
Ah.

Douche froide qui plaqua Kieran sur le dossier de son trône. Le soleil n’existait pas, dans le monde d’en bas. Que venait-elle faire ici ? Pourquoi se perdre là où il n’y avait que la nuit infinie, les longues plaintes d’agonie de milliers d’âmes, les étoiles qui scintillaient, pour de faux, dans le ciel inventé pour ne pas voir la roche, loin au-dessus de leurs têtes ? Il ne comprenait pas la démarche et se demanda s’il ne devait pas trouver un moyen de la renvoyer chez elle. Là où le soleil brille sans se retenir, là où d’autres dieux aiment les longues balades sous ses rayons brûlants. Loin de lui et de son monde d’ombres et de désespoir.

Elle lui posait des questions. Ça n’avait l’air de rien, dit de cette façon, mais Kieran faisait face, en cet instant, aux premières questions de la soirée. Toutes les autres s’étaient contentées de lui raconter leur vie, leurs envies, les choses qu’elles aiment alors qu’il n’avait rien demandé. Pour la première fois, l’une d’entre elles venait se tenir devant lui, sans chaussure, affublée d’une magnifique robe noire un peu trop fendue, et lui posait des questions. Elle faisait preuve de curiosité envers le roi et la voir faire lui arracha, bien malgré lui, un sourire en coin. Pouvait-il feinter le coup de foudre et mettre fin à l’émission en jurant, sur sa vie (pour le dieu des morts, c’était simple), qu’il ne voulait qu’elle et aucune autre ? Il ne lui donnait, de toute façon, pas trois jours dans son royaume avant de pleurer toute l’eau de son corps pour qu’on lui accorde le droit de retourner marcher au soleil. Ou danser en culotte dans les champs de blé, si c’était là son délire.

– J’aimerais bien savoir ce que vous faîtes ici, Elea, fille de Déméter, danseuse émérite, la taquina-t-il un peu, avec un sourire au coin des lèvres. Il n’y a pas de soleil, ici-bas, très chère. Vous en avez conscience ? J’aime…

Bonne question. Qu’aimait-il faire ? Que pouvait-il avouer à une inconnue, une déesse qui aimait le monde d’en haut et finirait par détester celui d’en bas ? Il ne pouvait pas avouer qu’il aimait marcher sur le lac, admirer le ballet incessant des âmes, en contrebas. Il ne pouvait pas lui dire qu’il passait, parfois, plusieurs heures à regarder les fausses étoiles qui surplombaient son château, à se demander si elles correspondaient vraiment à celles d’en haut. Il ne pouvait pas avouer qu’il adorait faire le tour du royaume, avec Cerbère, sans aucun autre but qu’un peu de paix. Il était roi des enfers, il ne pouvait pas mettre à mal sa réputation de dieu sans merci pour les beaux yeux d’une inconnue.

Alors, il resta silencieux et la regarda approcher de son chien. Une pointe de jalousie, au creux du ventre, Kieran se redressa, dans son trône, et se demanda s’il avait le droit de lui interdire de le faire. Son chien était à lui. Son chien était censé impressionner les intrus, pas se rouler par terre pour obtenir des caresses. Ce que Cerbère ne fit pas, heureusement, sagement couché à côté du roi, ses gueules fumantes posées sur le sol. À l’instant où Elea approcha la main, le chien en releva une et darda ses yeux rouges, qui brillaient comme des flammes, sur la déesse. Un instant, le cœur du roi se serra d’appréhension. Il avait dressé son chien d’une main de maître et lui avait appris à répondre à la moindre de ses émotions. Cerbère savait que Kieran ne voulait pas de cette émission, c’était pour cette raison qu’il avait pris l’une de ses plus grosses formes, qu’il grondait depuis l’entrée des prétendantes. Allait-il lui arracher la main ? Même si ça risquait de mettre un terme définitif à cette mascarade, le dieu ne voulut pas être témoin de ceci. Mais il n’eut pas le temps de la retenir que ses doigts se posèrent sur les poils noirs de Cerbère.

La bête se contenta d’attendre, docile, alors que la déesse la caressait. Kieran sentait que le chien attendait, plus ou moins, l’autorisation du roi pour accepter ou refuser le contact de la déesse. Alors, il se contenta d’appuyer sa joue sur son poing et détourna les yeux des nouveaux meilleurs amis de la soirée. La curiosité d’Elea avait bien vite changé de camp, à moins qu’elle n’ait toujours été que pour Cerbère. Déçu, oui, il l’était un peu. Et la remarque de la déesse n’arrangea rien à cette histoire. Il boudait un peu, il voulait bien l’avouer, même s’il cachait ça derrière un manque total d’intérêt pour cette émission débile qui squattait chez lui.

– Cerbère est très bien dressé. Mais personne ne le force à accepter les caresses, bougonna-t-il, tout bas, comme un compliment qu’il n’osait pas dire à haute voix.

Bien caché derrière ses airs d’ours mal léché, Kieran ne pouvait pas avouer que le chien aurait tout aussi bien pu lui arracher les doigts qu’il n’aurait, lui, pas bougé d’un pouce. Cerbère était le gardien des enfers, pas seulement un petit toutou qu’il gardait sur les talons. Il était là pour déterminer qui avait le droit d’entrer et qui ne pouvait pas sortir d’ici. Apparemment, le colosse à trois têtes avait accepté Elea dans le périmètre et Kieran n’irait pas le contredire.

Soudain, une petite main apparut dans son champ de vision et le roi tourna la tête vers Elea. Visiblement, la jeune femme avait cessé de faire des papouilles à son chien et s’intéressait, à nouveau, au propriétaire du molosse. Pour atteindre la bête, il fallait, sans aucun doute, se mettre le maître dans la poche. Il eut bien du mal à s’empêcher de grimacer à cette pensée. Il n’aurait jamais imaginé que cette histoire l’obligerait à avoir de telles idées. Était-il si désespéré ? Non. Ce devait être le stress de la situation, de devoir se présenter à toutes ces femmes qu’il ne connaissait pas, apparaître sous les caméras alors qu’il n’aimait pas ça. Voilà. Alors, il tendit la main et s’empara des doigts de la déesse pour les serrer de manière un peu… formelle.

– Le noir ne vous va pas.

Bien, bien joué, un véritable gentleman… Kieran se maudit intérieurement d’être aussi peu doué. Il ne pensait pas à mal, pourtant. Il voulait énoncer un fait : une robe de couleur, pour briller sous les rayons du soleil qui n’existent pas, ici-bas, lui aurait mieux allé que cette robe fendue, si sombre. Même s’il appréciait le noir, lui, il ne pouvait que constater l’évidence : Elea avait besoin de couleur. Mais sa façon de le dire… même lui, qui n’était franchement pas doué avec les autres, comprenait qu’il y avait un problème. Sauf qu’il était bien incapable de se rattraper. Alors, il se contenta de la laisser se retourner et faire quelques pas, pendant que d’autres femmes se permettaient, soudain, de grimper les marches pour approcher de son chien.

Kieran soupira un grand coup. À ses côtés, Cerbère se leva de toute sa hauteur, et retroussa les babines sur ses crocs. Les prétendantes émirent quelques glapissements surpris et reculèrent précipitamment, alors que le roi, lui, se levait de son trône pour, d’une grande enjambée, rattraper Elea et s’emparer de son coude, plus doucement que son air d’ours mal léché pouvait le laisser penser. Sans forcer, il essaya de lui indiquer de se retourner alors que, de l’autre main, il levait devant lui les chaussures de la demoiselle.

– Vous oubliez vos chaussures, Cendrillon, souffla-t-il, avec un sourire amusé.

Bizarrement, il espérait qu’elle ne disparaisse pas à minuit alors que, des trente-cinq prétendantes, elle était la seule, pour le moment, à avoir attiré son attention par sa manière si… naturelle, de se présenter à lui, en foulant au pied la bienséance. Il préférait ça, lui, que les ronds de jambes, les compliments hypocrites et les gloussements de jeunes filles.


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________________________________________ 2021-04-03, 16:55



Que faisait-elle ici ? C’était vraiment la question qu’il lui posait. Que répondre à ça. Elle savait que le soleil n’avait pas vraiment sa place ici. Qu’elle ne pourrait jamais sentir de nouveau ses rayons caresser sa peau. Elle savait que sa place n’était pas ici non plus. Elea n’avait pas décidé de sa présence ici. Sa mère l’avait complètement prise au dépourvu quand elle l’avait inscrite pour cette téléréalité. Surtout qu’elle avait toujours voulu que sa fille tombe sur un homme bien. Elle n’avait pas vraiment choisi la bonne personne. Mais, elle avait dit oui tout de suite, pour pouvoir échapper à sa mère juste quelques semaines. Enfin, elle ferait aussi tout pour que Kieran ne la garde pas trop longtemps. Juste pour elle, le temps de trouver les mots pour dire à sa mère qu’elle voulait son indépendance. Rien de difficile pour les autres, mais pour elle, c’était sans doute la chose la plus difficile à dire. Puis que lui répondre aussi. Que c’était à cause de sa mère alors que les autres jeunes femmes avaient l’air d’être là car, elles le voulaient vraiment. Enfin, elles n’avaient pas l’air d’avoir les lumières à tous les étages. Dès qu’il bougeait à tout petit peu, certaines se mettaient à glousser. Dans un sens, elle comprenait, il n’était pas désagréable à regarder. Loin de là même. Il avait quelque chose chez lui d’attirant, mais elle n’arrivait pas à savoir quoi.

“J’en ai conscience. Mais c’est une aventure. Puis, elle pourrait changer ma vie et la vôtre en passant.”

Elle lui adressa un petit sourire, il n’avait pas répondu à sa question. Il n’aimait peut-être pas grand-chose. Ou des choses qui ne pouvaient pas être dites à voix haute. Elle avait aimé pouvoir caresser ce chien à trois têtes. Son pelage doux sous ces doigts, c’était le premier contact qu’elle avait depuis qu’elle était arrivée ici. Dans le fond, elle n’avait pas vraiment parlé avec les autres filles. Si, elle avait bien compris, elle partageait sa chambre avec certaines. Elle ferait bien leur connaissance à ce moment-là. Puis, elle n’était pas là pour se faire des amis, c’était une compétition. Et même si, elles avaient l’air toutes gentilles, il arriverait un moment, où elles ne penseraient qu’à elles et à conquérir le cœur de ce beau dieu. Elle ne doutait pas une seule seconde que tous les coups seraient parmi. Même si, elle était très gentille, il ne fallait pas vraiment la chercher. Sa mère n’aimait pas qu’elle puisse répondre non. Elle devait toujours bien se comporter. Puis, elle avait actuellement des caméras braquées sur elle.

La main chaude du jeune homme dans sa main, Elea eut un nouveau sourire. Elle savait qu’elle cassait les codes. Du moins, se présenter directement à Kieran n’était sans doute pas une chose à faire. Mais elle s'en fichait complètement. Les présentations étaient tellement ennuyeuses qu’elle eût voulu faire bouger les choses juste le temps de quelques minutes. Puis, elle avait bien vu le jeune homme pas vraiment intéressé, sans doute lui aussi pris au piège pour faire cette émission qui n’avait pas vraiment de but. Sauf peut-être de faire beaucoup de bruit à travers le monde. Il y avait de fortes chances que les personnes ne parlent plus que de ça.

Haussant un sourcil, elle regarda sa robe. Il était vrai qu'elle préférait les robes de couleurs, légères qui flottaient au vent. Mais elle n’avait pas choisi cette robe et elle comprit bien vite que sa robe n’était sûrement pas au goût du Dieu qui se trouvait devant elle. Mais le noir était la couleur principale de ce monde, elle l’avait bien vue en arrivant. C’était sans doute pour elle une façon de se fondre dans le décor. Dans le fond, elle avait hâte de pouvoir l’enlever et d’enfiler quelque chose de plus confortable. Elle avait bien vu que d’autres jeunes femmes devaient encore se présenter. Elle avait perdu la notion du temps.

“Vous auriez pu dire que la robe m’allait bien. Mais, les compliments ne doivent pas être quelque chose de naturel chez vous. Vous devriez sourire plus souvent, ça fait apparaître votre petite fossette sur la joue droite. C’est assez mignon.”

Elea sentit ses joues se réchauffer, pourquoi avait-elle sorti ça ? Sans doute parce que c'était la vérité. Elle l’avait remarqué plusieurs fois, enfin le peu qu’il avait souri. Puis au moins, elle avait fait un vrai compliment, elle aurait pu très bien dire que cette mine faisait de lui quelqu’un de vieux. Enfin, il ne l’était pas mais bon. Elle aurait pu partir sans soucis, mais, elle avait bien vite senti quelque chose la retenir. Se retournant, elle le vit, ses chaussures dans ses mains. Elle les attrapa avant de lui sourire.

“Cendrillon ? Vous auriez pu choisir quelqu’un d’autre. Elle a besoin d’un homme pour pouvoir devenir celle qu’elle a toujours voulu être. Les femmes n’ont pas besoin d’homme pour pouvoir être celle qu’elles veulent être réellement.”

Haussant les épaules, elle finit par se retourner, laissant place aux autres jeunes femmes qui se présentaient. Puis enfin, ce calvaire fut fini et les voilà toutes en train de suivre l’homme qui leur dictait quoi faire. Elles se rendaient toutes dans leurs appartements. Se retrouvant avec quatre autres filles, Elea ne mit pas longtemps avant de s’installer sur le canapé, n’allant même pas jusqu’aux chambres et encore moins visitant ce faste lieu. Lâchant ses chaussures sur le sol, elle écoutait ses camarades de chambre émettre leur première impression. Elles craquaient carrément pour le Dieu, logique, sinon, elles ne seraient pas là.

Elle avait dû s'endormir, car quelques heures, plus tard, on toqua à la porte, la sortant de son sommeil. Elles allaient dîner ensemble, ça ferait sans doute beaucoup de dîner avec Kieran, et dans le fond, elle était complètement d’accord. Se levant, elle put enfin visiter l’appartement, grandiose. S’installant à table avec les filles, elle participa à la conversation. Elle en apprit bien plus sur elle. Elle s’étonna même de rire avec elles. Peut-être qu’elle arriverait à se faire des amies, des vrais amies.

Le repas avait été un plaisir, elle ne mit pas longtemps après pour aller se glisser dans sa chambre, qui manquait de couleur. Sa robe enfin à ses pieds, elle fut ravie, elle se glissa dans la salle de bain, pour sous l’eau chaude. Elle ne savait pas ce qui était prévu. Sans doute rien. La journée avait été assez longue comme ça. Sortant, et enfilant son pyjama. Un short et un haut tout en couleur. Ce monde en avait besoin, elle rejoignit les filles en pleine discussion. Ne comprenant clairement pas ce qu’il se passait.

“On y va !”

Ardeas venait de parler. Elle était la fille de Circé. Mais Elea ne comprenait toujours pas. Les autres avaient l’air partantes.

“Vous voulez aller où ?”

Elea les regarda toutes les quatre, attendant une réponse. Puis, elle vit qu’elles avaient des cadeaux dans les mains.

“Voir Kieran. On a des cadeaux à lui donner, et tu viens avec nous.”

Elle n’avait pu le temps de répondre qu’Io lui refilait un paquet avant de la prendre par le bras et suivre la petite troupe à travers les longs couloirs de la demeure. Elle allait se perdre, elle le savait. Puis, le noir remplissait ces lieux lui donnait la chair de poule. Elle les suivait dans le silence, comme si, être en dehors de leur chambre était interdit. Elle n’avait pas lu le règlement, enfin, vite fait, et ne savait pas trop. Puis, elle vit doucement les paquets dans ses mains s'empiler alors qu’elles les entendirent toquer à une porte avant de s’enfuir en courant. C’était une blague ? Elle n’osait même pas bouger. Puis, elle pourrait bien vite se retrouver au sol, elle ne voyait rien. Elle espérait grandement qu’il ne se trouvait pas dans sa chambre et que les filles allaient revenir pour l’aider. Alors qu’elle entendit une porte s’ouvrir, on pouvait entendre dans les couloirs au loin, les rires et les pas des filles. Elle ne rigolait pas, elle ne souriait pas et rigolait encore moins. Elea n’aimait pas qu’on la prenne pour idiote ou encore qu’on se serve d’elle.
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________________________________________ 2021-04-09, 19:56



Le soleil ne brille pas, ici-bas. Une vérité générale qu’il se devait de lui donner, pour qu’elle ne couve aucun faux espoir. Le soleil ne darde pas ses rayons jusqu’au royaume d’en bas. Ils en étaient protégés par la terre, épaisse, comme une armure qui protège le monde d’en haut des âmes perdues ici, dans leur enfer personnel. Kieran n’en voyait sa lumière que lorsqu’il se rendait dans l’autre monde, pour rejoindre ses frères, inlassablement invité à des soirées qu’il minait, de sa bonne humeur apparente. Tout aussi apparente qu’en ce moment, alors qu’il devait supporter, chez lui, une trentaine de demoiselles qui piaillaient dans tous les sens. Et des caméras. Ne jamais oublier les caméras.

Elle, elle a besoin de soleil.

Nouvelle vérité générale qui s’imposa à lui, alors qu’il posait les yeux sur elle, sur sa robe si terne, ses cheveux bruns. Elean n’était pas une femme de l’ombre, une demoiselle d’en bas, capable de se priver du haut, de la chaleur du monde, de l’herbe, des fleurs, des champs. Il l’imaginait bien danser dans les prés, au fond. Même s’il préférait l’imaginer habillé et ne pas revenir sur ce qu’elle lui avait avoué, en se pointant devant lui comme… comme un fleur, en vérité. Tout ramenait la douce femme à la beauté du printemps, à n’en pas douter. Et le printemps ne pouvait pas vivre dans l’hiver infini. Aucune fleur ne peut éclore en enfer.

Changer sa vie ? Kieran détourna le regard, sans savoir ce qu’il devait comprendre de cette affirmation. Lui, il n’avait pas envie de changer de vie. Il aimait son quotidien, la tranquillité de ses longues balades, ses responsabilités, même s’il aimerait, parfois, s’en défaire pour ne rien faire, errer comme tous les autres. Il aimait le silence qui régnait dans le château, parce que ses sujets savaient bouger sans un bruit. Il n’était, alors, plus accompagné que par les ronflements de son chien, ses râles sourds, quand il s’ennuyait, ses couinements pour réclamer à sortir. Comme n’importe quel chien, à ceci près qu’il avait trois têtes pour s’exprimer et qu’il devait, chaque jour, surveiller les entrées et sorties du territoire.

Que pensait-elle changer à sa vie, elle, avec une expérience pareille ? Son regard sombre revint sur elle, sur la forme de son visage, les grands yeux qui le fixaient. Il se demanda si elle pensait, vraiment, participer à cette émission, pouvoir gagner, à la fin, un peu d’intérêt d’un dieu dont personne ne veut. Il ne voyait pourtant pas, dans son regard, la même lueur un peu folle qu’il voyait chez les autres. Il sentait, pour une raison qui lui échappait, qu’elle n’était pas là de son bon vouloir et qu’elle préférerait, peut-être, n’avoir jamais mis cette robe noire pour monter dans ce bus. Pourquoi rester, alors ? Pourquoi faire l’effort de se présenter ? Kieran ne se souvenait pas de toutes les clauses du contrat, passé avec l’émission, mais il est quasiment sûr qu’elle serait disqualifiée, à la première épreuve ratée.

Et ce petit sourire, sur ses lèvres. Le roi ne put s’empêcher de le regarder et de se demander à quelle vitesse elle cesserait de l’avoir, elle qui semblait avoir besoin de l’air pur du monde extérieur pour respirer, de la lumière du soleil pour briller, de la vie pour vivre, tout simplement. Et il se surprit à ouvrir la bouche, s’apprêter à proférer une bêtise qu’il rattrape de justesse :

– J’aime… (Ton sourire, non, non, il ne pouvait pas, même si c’était la vérité.) L’honnêteté.

C’était une réponse pour la question qu’elle avait posée et à laquelle il n’avait pas encore répondu. Il ne fallait pas lui en vouloir, son cerveau fonctionnait lentement, perturbé par l’émission, les mouvements, les regards qui se dressaient vers lui et toutes ces voix qui gloussaient dans tous les coins. Puis il ne pouvait pas se pencher, en long et en large, sur la question de la présence d’Elea dans un monde de ténèbres et, tout en même temps, trouver ce qu’il aimait. Il était censé n’aimer rien pour correspondre à sa réputation de roi sanguinaire et sans pitié, de dieu des enfers. Ce n’était pas vrai, mais bon.

Puis, on parlait, tout de même, d’un homme capable de dire, à une femme, droit dans les yeux, que sa robe ne lui allait pas du tout. Même lui comprit le problème à l’instant où il le dit. Néanmoins, incapable de se rattraper, il laissa les choses en suspens et ne sut pas quoi dire pour qu’elle comprenne qu’il ne voulait pas l’insulter. En vérité, cette robe, il l’aimait bien. La fente était, à son goût, un peu trop fendue et trop haute pour son propre bien et celui du reste du monde, mais elle lui allait bien. Même très bien. Presque trop bien. Sauf qu’il était prêt à parier que des couleurs l’auraient rendue plus belle encore. Et ce, malgré l’absence de couleurs dans son monde. Tout n’était que noir, gris et… beaucoup de bleu, de vert pâle, de pastels dont il aimait la douceur. Ce qu’elle constaterait vite, Elea, s’il lui montrait les bons endroits.

Kieran accusa le coup, face à l’attaque de la demoiselle. Au fond, elle n’avait pas tort. Il aurait pu lui dire qu’elle lui allait bien. Il était un idiot qui ne savait pas y faire, avec le monde. Il parlait peu aux autres et passait son temps à se disputer avec ses frères. Ce n’était pas dans ce genre de vie que l’on savait faire des compliments à une jolie femme. Néanmoins, le pire fut de garder contenance face au reste de sa réponse. Même lui, dieu des morts, roi des enfers, fils des plus grands dieux, frères du dieu des dieux, ne put empêcher ses joues de rougir, à ses mots. Mignon ? Lui ? Sa fossette, pas lui. Sa fossette, pas lui. Comme un mantra qui tourna en boucle dans son esprit. Sa fossette, bordel ! Depuis quand, il avait une fossette, en fait ?

– Elle vous va bien, essaya-t-il de se rattraper en détournant les yeux, gêné. Mais vous êtes née pour porter des couleurs, pas la tristesse du noir.

C’était… bien rattrapé ? Il n’en avait pas la moindre idée et fut plutôt content d’être « sauvé par le gong », même si cela voulait dire qu’il devait continuer d’écouter les autres dames l’emmerder avec leur vie inintéressante. Pourtant, alors qu’elle s’éloignait, alors qu’il s’extirpait de sa gêne, voilà qu’il la rattrapait, doucement, pour lui donner les chaussures qu’elle oubliait devant son trône. Cerbère, derrière lui, grondait tout bas pour dissuader les autres femmes de le toucher et d’approcher.

Et voilà qu’il mettait, à nouveau, les deux pieds dans le plat en voulant faire un trait d’humour qui tomba bien vite à l’eau. Face à l’attaque d’Elea, Kieran ne put empêcher un petit sourire qui vint, comme elle le disait si bien, faire apparaître la fossette, sur sa joue droite. Il se demanda, l’espace d’une demi-seconde, s’il aurait pu faire une plus mauvaise impression, encore, à la douce inconnue devant lui. Cette façon qu’elle avait de lui répondre sans se démonter, en tout cas, plaisait bien au roi qui la lâcha immédiatement, la laissa reprendre ses chaussures et souffla, juste avant qu’elle ne se retourne :

– Peut-être que ce sont les hommes qui ont besoin d’une femme pour être ce qu’ils veulent devenir.

C’était débile, il s’en rendait bien compte, mais c’était la seule chose qui lui venait, en regardant Elea reculer et s’enfuir. Maintenant, il se devait de reprendre place sur son trône, de calmer la colère de Cerbère et de reprendre les présentations. Il n’écouta, évidemment, pas une seule d’entre elles. Il ne voulait pas savoir ce qu’elles faisaient de leurs journées, ce qu’elles aimaient, pourquoi on leur avait donné ce nom. Il resta poli, essaya de ne pas s’avachir, de garder le dos droit. Heureusement pour lui, le calvaire fut bientôt fini et le satyre guida les jeunes femmes à leurs quartiers.

Resté seul sur son trône, Kieran plaqua la main sur son visage et la fit glisser le long en soupirant. Il avait été bête comme pas permis, il s’en rendait bien compte lui-même. Il ne pouvait pas revenir en arrière et devait, néanmoins, faire avec maintenant. Alors il décida de reléguer toute cette histoire très loin dans son esprit et de se concentrer sur le présent. Le roi se leva de son trône, réarrangea ses habits et traversa la salle de réception, Cerbère sur les talons. Le chien à trois têtes avait repris sa taille normale et lui arrivait, désormais, à la hanche, bien droit sur ses quatre pattes. Il semblait avoir compris les plans de son maître et trottinait d’impatience, à chaque fois que Kieran s’arrêtait.

– Pas un bruit, d’accord ?

Le doigt plaqué sur les lèvres, le roi se tourna vers Cerbère et s’amusa des trois gueules du chien qui se fermèrent simultanément, pour faire le moins de bruit possible. Il gratta la bête derrière chaque oreille pour le féliciter et sortit du château. Une longue promenade autour du lac leur ferait le plus grand bien, à eux deux, et lui permettait, à lui, d’échapper aux demoiselles. Elles n’avaient pas le droit de sortir du château, la première nuit, de ce qu’il se rappelait du contrat. Et il ne valait mieux pas tenter, au cas où une âme ou un monstre se soit échappé. Même s’il en doutait. Sauf s’il libérait l’un d’eux pour créer l’urgence et se débarrasser de toutes les demoiselles.

À méditer.

Quand il revint (sans avoir libéré de monstre, évidemment), Kieran rejoignit directement ses appartements et referma la porte à clé, derrière lui. Cerbère eut le droit à son bain, ainsi qu’un repas de roi. Kieran, lui-même, se laissa aller à une bonne douche chaude et un dîner consistant, même s’il lui semblait manger beaucoup moins que son chien. Il lui donna même la fin de son assiette, en faisant bien attention de partager entre ses trois têtes. Même si elles avaient le même estomac, chacune d’elles avait tendance à être jalouses des autres.

Il enfilait un t-shirt large et un jogging pour la nuit, quand on toqua à sa porte. Cerbère, en pleine digestion, releva à peine les yeux, les têtes posées par terre, et poussa un long soupir. Ses oreilles, elles, pivotaient dans tous les sens, visiblement dérangées par quelque bruit. Puisque son chien ne s’inquiétait pas, Kieran pensa qu’un domestique avait peut-être besoin d’aide, même s’ils ne le dérangeaient jamais la nuit, normalement. Il vint donc ouvrir la porte à la volée, le regard dur, sans se douter qu’il trouverait une femme sur le seuil.

– Elea ? (Il jeta un coup d’œil dans le couloir, de chaque côté.) Qu’est-ce que…

Kieran ne finit pas sa phrase. Il n’eut pas besoin de tendre l’oreille pour comprendre une partie du problème. Au loin, l’on entendait des gloussements de filles visiblement amusées par la blague qu’elles venaient de faire. Pourquoi la première nuit ? Pourquoi sur elle ? Il ne fut pas certain de pouvoir affirmer qu’il s’agissait de jalousie, puisqu’elle était la seule qu’il avait touché deux fois de suite et qui avait eu le droit d’approcher son chien, mais il pensait être sur la bonne voie tout de même. Il avisa, alors, les cadeaux dans les mains de la brune.

– Je crois que je comprends. Venez.

Il s’écarta de la porte et posa une main dans le dos de la brune pour la pousser, gentiment, à entrer dans ses appartements. Il attendit qu’elle soit bien entrée pour refermer la porte derrière elle et la devancer dans ses quartiers. Elea ne manquerait pas de remarquer qu’il ne manquait pas d’espace, mais que sa chambre n’était, pour autant pas criante de luxe, ni de décoration. Kieran se contentait des choses simples, du minimum dont il avait besoin et la moitié de ses quartiers était, en vérité, réservée au bien-être de son chien. Que ce fut par tous les jouets au sol, les coussins, les gamelles, les brosses…

– C’est un peu… Enfin… Personne n’entre normalement.

Kieran sa gratta la tempe, gêné par le bazar que Cerbère mettait dans ses quartiers. Le chien prenait beaucoup de place, il fallait bien l’avouer et le roi avait la flemme de tout ranger, les rares fois où il en avait le temps.

– Vous pouvez poser tout ça là, sur la table. Et si vous voulez repartir directement, je ne vous retiens pas. Mais…

Le roi eut un sourire malicieux, sur les lèvres, en venant tirer une des quatre chaises autour de la table. À peine s’en écarta-t-il, en invitant Elea à s’asseoir, que Cerbère releva ses grosses têtes, visiblement intéressé par leur invitée.

– J’ai peut-être quelque chose à vous proposer, pour vous venger de cette… blague. Juste de quoi leur rendre la monnaie de leur pièce et, peut-être, de pouvoir obtenir la chambre seulement pour vous. Je ne me trompe pas à penser que ce sont vos nouvelles colocataires ?

Il lui semblait se souvenir que les demoiselles devraient vivre à plusieurs, dans leurs chambres, puisqu’il n’avait, clairement, pas trente-cinq chambres à donner pour chacune d’entre elles.

– Rien d’effrayant, je vous rassure. Elles ne seront pas blessées.

Kieran se sentait, soudain, obligé de préciser, au vu de la réputation qu’il se traînait. En vérité, tant qu’on ne l’embêtait pas, il n’était pas bien méchant. Il se donnait des airs effrayants pour qu’on lui fiche la paix, la plupart du temps.


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________________________________________ 2021-04-11, 12:04



Elea se sentait idiote. Elle se sentait tellement nulle d’avoir foncé tête baissée dans ce piège. Elle aurait pu s’en douter, mais dans le fond, elle espérait qu’elle aurait pu se faire des amis. Elle qui n'en avait jamais eu. Elle qui s’était toujours retrouvée seule pour ces anniversaires, qu’elle ne prenait même plus le temps de fêter. Elle, qui n’avait personne à qui, se confiait. Mais dans le fond, il fallait toujours être seule plutôt que d’être mal accompagnée. La jeune femme avait toujours eu cette part d’inonence en elle, sinon, elle aurait pu remarquer les petits sourires sur les visages des jeunes femmes qui partageaient sa chambre. Sans le fond, elle ne savait même pas pourquoi elles avaient fait ça. Elle n’avait pas été méchante avec elles, elle ne leur avait pas manqué de respect. Et pourtant, elle savait qu’elle devrait retourner dans sa chambre maintenant et faire face aux regards moqueurs. Elea avait toujours fait en sorte que les choses comme ça ne la touchent pas. Ou quand c’était le cas, qu’on ne puisse pas le lire sur son visage. Elle cachait bien ses sentiments face à sa mère, elle pourrait très bien le faire ici. Même face au Dieu, il n’avait pas forcément besoin de savoir tous les sentiments qui pouvaient la traverser. Mauvais comme bon. Mais à vrai dire, il devait en avoir vu pendant qu’elle était en train de lui parler. Parce qu’à ce moment-là, elle s’était sentie elle-même toute simplement. Pas le regard de sa mère, qui pouvait la juger. Non, ne pas porter de chaussures en public n’était pas une chose qui se faisait.

Elea se fichait bien à présent, elle savait que sa mère ne viendrait pas la retirer d’ici. Non, elle voulait que la jeune femme se trouve un mari. Mais elle n’avait pas forcément choisi le meilleur des maris, enfin, rien n’était fait. Mais sa mère se faisait déjà une tonne de film, alors que la brunette lui avait clairement dit de ne pas débarrasser sa chambre, qu’elle reviendrait bien plus vite qu’elle ne le pensait. Mais peut-être qu’elle était la femme qui Kieran avait besoin pour devenir ce qu’il voulait. Elle se souvenait de cette phrase, sortit quelques heures plutôt de la bouche du jeune homme. Mais elle avait préféré mettre cette pensée de côté. Elle ne serait jamais la femme de l’ombre. Non, vivre ici toute sa vie ne serait peut-être pas la bonne solution. Sans soleil, sans chaleur, sans fleur. Sa vie d’avant lui manquer déjà alors que ça ne faisait même pas vingt-quatre heures qu’elle était là. Comment elle allait faire pour vivre ici les semaines à venir. Peut-être qu’elle aurait le droit de montrer son monde à Kieran. Elle ne se souvenait pas très bien du règlement, mais si, elle restait assez longtemps, elle aurait la chance de montrer son univers. Bon, elle savait qu’il avait de fortes chances que rien ne lui plaise. Ils étaient tellement différents. Elle était la lumière et il était la noirceur. Rien de compatible. Elle le savait d’avance, ils ne pouvaient pas vivre ensemble. Pourquoi pensait-elle à ça ? Ça ne tournait pas forcément rond en haut.

La brunette sursauta quand elle entendit la porte s’ouvrir. Dans le fond, elle espérait qu’il ne se trouve pas dans ses appartements. Ou encore que les filles se soient trompées. Elle-même ne savait même pas jusqu’à maintenant où était la chambre de Kieran. Puis, elle savait aussi qu’elle ne devait pas se trouver là, et encore moins rentrer dans la chambre du jeune homme. Mais elle s’était laissé faire, elle risquait d’avoir des gros problèmes, elle le sentait. C’était peut-être pour ça que les filles lui avaient fait une blague, pour qu’elle puisse partir la première. Alors que dans le fond, Elea ne voulait pas partir, elle voulait vivre cette expérience jusqu’au bout, même si, elle ne serait pas celle choisie à la fin. Elles’en fichait, elle pourrait montrer à sa mère qu’elle pouvait vivre sans elle. Dans le fond, toute personne présente ici avait quelque chose à prouver. Peut-être que pour certaines, c’était de pouvoir plaire à quelqu’un, d'autres de montrer qu’elles pouvaient draguer n’importe qui. Et pour certaines, c’était sans doute de montrer qu’elles étaient bien plus fortes qu’on pourrait le penser.

Regardant autour d’elle, ses yeux ne pouvaient pas quitter la pièce, essayant sans doute de trouver toute information utile ou non. Elle remarqua bien vite qu’il était complètement gaga de son chien, qui envahissait une grande partie des appartements du jeune homme. Elle avait senti un léger frisson quand il avait posé sa main dans son dos. Mais elle avait préféré chasser de dernier bien vite. Elle ne voulait pas craquer pour lui, elle s’était promis de ne pas craquer pour lui. Et pourtant, elle était attirée par lui, c’était étrange. Dès qu’elle avait posé ses yeux sur lui, quelque chose en elle s’était passé. Mais elle n’arrivait pas à savoir quoi, elle n’arrivait pas à mettre un mot dessus.

“Alors pourquoi m'inviter ? Vous auriez pu prendre simplement les présents, et refermer la porte.”


Portant son regard sur le jeune homme, elle pencha la tête sur le côté. Elle ne l’aurait pas mal pris non. Elle serait retournée dans ses appartements sans rien dire. Elle se serait sans doute glisser dans son lit, essayant de mettre de côté cette journée et simplement dormir. La journée de demain serait sans doute bien mouvementée. Elle ne savait même pas ce qui était prévu. Elle n’avait pas lu tout le programme. En fait, elle n’avait rien lu. Non, elle voulait garder la surprise. Que chaque journée soit différente. Voilà ce qu’elle voulait. Pas comme chez elle, où les journées étaient toutes les mêmes. Posant les cadeaux sur la table, elle releva la tête. Il avait quelque chose à lui proposer. S’installant sur la chaise qu’il venait de lui tirer. Elle lui dit un signe de tête pour le remercier. Bon, la blague des jeunes femmes étaient tombées à l’eau, elle pouvait le dire. Et elles allaient sans doute s’en mordre les doigts de ne pas revoir Elea ressortir de la chambre du jeune homme.

“Oui, ce sont mes nouvelles camarades. Vous savez, vous risquez de trouver plus d’une jeune femme devant votre porte. Vous n'allez pas vous venger à chaque fois ?”

Il allait sans doute en avoir une par nuit, certaines jeunes femmes ne demandaient qu’une chose. Finir dans le lit du brun, d’autres espéraient seulement avoir la chance de pouvoir parler avec lui. Penchant la tête sur le côté, Elea réfléchissait. Elle n’était pas du genre à se venger. Non, elle serait bien capable d’être gentille avec elles. Du grand Elea.

“Mais je vous écoute, vous avez une idée ?”

Elea pouvait toujours écouter ce qu’il lui proposait pour ensuite voir ce qu’elle voulait faire après. Même si, dans le fond, la jeune femme avait toujours eu, sans doute cette part d’ombre qu’elle cachait bien. Non, elle n’allait pas monter qu’elle avait cette envie de vengeance elle aussi. Ce n’était pas parce qu’elle était la jeune femme bien trop gentille,
qu’elle n’avait pas envie de se défendre contre toutes ses filles qui la prenaient sans doute pour une personne faible. Chose qu’elle n’était pas. Rapportant son regard sur Kieran.

“Vous m’avez dit que la couleur m’allait mieux. Est-ce le cas ?”

Elle lui montra son pyjama violet pastel du doigt. Dans le fond, heureusement qu’elle n’avait pas mis l’une des nuisettes qui se trouvait dans ses bagages. Elle qui aimait bien trop souvent en porter. Elle allait sans doute les laisser au fin fond de ses bagages et ne jamais les sortir.

“Est-ce que ça vous dirait de regarder ce que ces magnifiques jeunes femme vous ont offert ? On pourrait avoir des surprises.”

Elea lui adressa un petit sourire, si, elle avait bien tout compris. Lingeries, du fait maison ainsi que des choses inutiles se trouvait dans ses boîtes. Elle voulait juste voir la tête du jeune homme en découvrant ses cadeaux. Ça pourrait être bien marrant à voir, surtout, qu’il était sans doute bien plus détendu que sur son trône. C’était une autre facette à voir, et dans le fond, elle voulait connaître toutes ses facettes afin de pouvoir se faire une opinion sur le beau jeune homme qui pouvait se trouver devant elle.
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________________________________________ 2021-05-26, 21:30



La défense d’Elea, même s’il la comprenait, mettait à mal ses convictions. Était-ce une bonne idée de l’inviter à entrer dans sa chambre ou n’allait-il pas, au contraire, lui attirer plus d’ennuis qu’elle ne pouvait en avoir, déjà, avec ce qu’il s’était passé aujourd’hui ? Kieran n’en avait pas la moindre idée. Il ne côtoyait pas assez la gente féminine – et surtout pas en telle quantité – pour être bien certain, ni habitué de tout ce qui pouvait traverser leur esprit ou être, soi-disant, « normal » venant d’elle. De toute façon, il n’aimait ni les clichés, ni la normalité et se gardait bien loin des on-dits et des catégories. Personne n’avait envie d’entrer dans une boîte, alors il ne préférait pas juger à la couverture. Beaucoup d’images qui le perdirent un peu, pour tout avouer.

Le problème restait le même. Cliché ou pas, jalousie ou pas, Elea était entrée dans sa chambre alors qu’il aurait pu, comme elle le disait elle-même, se contenter de s’emparer des cadeaux dont il ne voulait pas et refermer au nez de la demoiselle. À quel point fallait-il être idiot pour faire une chose pareille ? Kieran avait beau être le dieu des enfers, le roi des morts, il n’était pas un malotru pour autant. Il voulait bien se donner des airs de chien méchant quand il endossait son rôle, sur son trône, mais devant une invitée qui n’avait rien demandé… il n’avait pas franchement envie d’être un pitbull enragé. Ni même un labrador docile. Il était lui, tout simplement, et ce lui ne pouvait pas claquer la porte au nez d’Elea.

Mais ce lui pouvait, visiblement, la pousser de force dans ses appartements.

À cette pensée, Kieran détourna le regard de la jeune femme pour observer son chien qui se redressait. À quel point était-il stupide, en vérité ? À quel moment lui avait-il demandé son avis ? Était-ce trop tard, maintenant ? Il tenta tout de même de lui proposer de partir, si elle le voulait, sans savoir ce qu’il pouvait faire de plus pour se rattraper. Dans la foulée, il osa, tout de même, lui donner une bonne raison de rester, convaincu qu’une petite vengeance ne serait pas malvenue. Elea n’avait rien demandé à personne, ni rien fait de mal, de ce qu’il en savait. Alors, elle ne méritait pas de se faire piéger de la sorte, quand personne ne pouvait jurer de la réaction du dieu. Il était même prêt à parier que ses camarades auraient eu très envie de la voir réduite en cendres parce qu’il ne fallait pas déranger le roi dans sa vie privée.

– J’aurais pu ne pas ouvrir, aussi. Ou vous auriez pu tout me balancer à la tronche et vous barrer en courant, ajouta-t-il, en pointant du pouce derrière son épaule, pour appuyer ses propos. J’aurais pu tout refuser, tant qu’à faire, depuis le début. On peut refaire le monde entier, avec des conditionnels.

Kieran haussa les épaules pour repousser cette discussion, tout en se maudissant lui-même pour ce qu’il osait lui répondre. C’était nul, sans le moindre doute, et il ne serait même pas étonné qu’elle le prenne mal. Même s’il ne pensait pas à mal et la douceur de sa voix ne trompait pas sur ses intentions. Le roi avait laissé tomber ses regards sévères, son aura mauvaise et ses sourcils froncés. Dans ses appartements, avec son chien, dans des vêtements larges, il était plus à l’aise, lui-même, détendu. Ce qui se traduisit par un sourire satisfait pour répondre au hochement de tête d’Elea. Un sourire qui disparut à l’instant où elle mentionna les prochaines femmes qui se pointeraient devant sa porte.

– Vous croyez ? demanda-t-il, surpris. Si elles viennent seulement demander ce que je ne leur donnerai pas, alors tant pis, je supporterai. Cette vengeance n’est pas pour moi, mais la mauvaise blague dans laquelle vous avez été poussée. Ceci dit… (Il eut un petit sourire malicieux.) Je ne nie pas qu’il peut y avoir un bénéfice pour moi, si la leçon de ce soir dissuade toutes les autres.

Jusque là, Kieran n’avait pas songé à la possibilité que ces jeunes femmes se prennent au jeu de venir le déranger en pleine nuit. Il n’y aurait, même, jamais pensé si elle ne l’avait pas évoqué avec tant de naturel, comme une chose qui se devait d’être et qui, du coup, serait inévitablement. Il préférait s’éviter cette peine et ne voulait pas croire qu’il finirait assis dans un coin à soupirer chaque fois qu’on venait toquer à sa porte. À force, pour sûr, le roi ne viendrait même plus ouvrir aux intruses. Il échappa un regard en biais vers Cerbère qui approchait d’Elea pour réclamer de l’attention. Peut-être qu’il pourrait jeter le chien aux trousses des demoiselles, jusqu’à ce qu’elles comprennent qu’il ne fallait pas le déranger ?

Une idée, demandait-elle, et Kieran se surprit à chercher. Alors qu’il avait lui-même proposé la vengeance, le roi n’avait pas la moindre idée de ce qu’il pourrait lui proposer. Enfin… il avait bien quelques idées, mais il savait d’avance qu’elles ne plairaient pas à Elea et n’avait pas franchement envie de tenter l’expérience dans le doute. De toute façon, le dieu ne voulait pas, non plus, être méchant avec ces dames et il savait qu’il ne pouvait pas, par exemple, demander à Cerbère de les faire fuir. Le chien ne comprendrait pas forcément la différence entre les intruses et les âmes en fuite. Il ne valait mieux pas expérimenter la façon qu’avait le garde de ramener les âmes au bercail.

Ses réflexions furent, néanmoins, arrêtées net par la prochaine question de la brune. Il revint à elle et cligna plusieurs fois des cils, perturbé par l’interrogation qu’elle lançait entre eux juste comme ça, comme si ce n’était rien. Était-ce quelque chose ? Il n’en avait pas la moindre idée. Une petite voix, au creux de l’oreille, lui disait de faire attention, de ne pas répondre du tac au tac, de prendre le temps de la réflexion, sans trop hésiter non plus. Une manœuvre bien compliquée, en vérité. Que devait-il faire, alors ? Kieran détourna le regard pour ne pas se risquer à être pris en flagrant délit d’errance sur les vêtements d’Elea. Elle avait beau l’inviter à le faire pour pouvoir répondre, il préférait regarder ailleurs.

– Eh bien… ça ne fait que confirmer l’évidence, hm… Ce violet pastel est… euh… très joli.

Son compliment, aussi pourri qu’il fut difficile à donner, se perdit dans la chambre, sur des notes très basses, alors que les yeux noirs du dieu déambulaient dans la chambre, à la recherche d’un point d’ancrage pour passer sa gêne. Sauf qu’à chaque fois qu’il s’arrêtait, il lui semblait tomber sur quelque objet de couleur pastel et il comprit, alors, qu’elle ne mettrait pas longtemps à comprendre ses préférences. Ses quartiers étaient, après tout, réservés au roi, de base. Alors il n’avait pas besoin de se cacher derrière les faux semblants, ici, et pouvait bien acheter des jouets aux couleurs douces à son chien. Ainsi que les coussins. Et les rares objets de décoration. Devait-il songer à lui faire promettre de garder le secret ? Le dieu était censé aimer le noir profond et le rouge vif, les couleurs du mal, pas un joli petit bleu clair.

– Si vous voulez, concéda-t-il, heureux d’avoir une diversion. Vous pourrez les garder, si quelque chose vous intéresse.

Évidemment, il était loin de se douter qu’elles auraient eu l’audace de mettre ce genre de cadeaux à l’intérieur. Aussi commença-t-il à déballer, sans aucun enthousiasme, mais avec conviction tout de même, afin que la tâche soit achevée au plus vite. Il défit le premier paquet et en sortit un petit assortiment de lingerie qui le laissa figé, comme fait de granit. Cinq secondes. Ce fut la durée de vie du cadeau qui, soudain, prit feu entre ses mains et disparut dans la lueur bleuté de ses flammes. Il n’en resta pas la moindre cendre, seulement le souvenir vivace dans son esprit traumatisé. Ses joues, elles, étaient aussi rouges que ses flammes bleues et Kieran repoussa vivement les cadeaux sur la table.

– Vous le saviez, n’est-ce pas ? Vous n’avez rien dit parce que vous vouliez vous moquer de moi ?

Son ton fut un peu plus dur qu’il ne le voulut, encore un peu sous le choc de ce qu’il n’avait pas prévu, mais il se reprit bien vite en se fendant d’un petit sourire à fossette.

– J’aime votre audace, Elea. Vous n’avez peur de rien, c’est tout aussi dangereux pour vous qu’intéressant pour moi. Alors, dîtes-moi… Lequel est le vôtre, dans ceux-là ?

Il pointa, d’un doigt, les cadeaux repoussés sur la table et haussa un sourcil, à l’attention de la jeune femme. Il voulait bien être moqué, mais il ne comptait pas être le seul à finir dans l’embarras.

– Vous n’êtes pas venue les mains vides, tout de même ? Savez-vous ce que ça voudra dire, pour les autres ? Surtout maintenant que j’ai accepté tous mes cadeaux.

Volontairement, le brun laissa un silence peser sur eux, dans la chambre, ses yeux noirs fixés dans ceux d’Elea. Évidemment, il ne faisait que jouer et ne comptait pas aller plus loin que ses mots, dans une petite vengeance qu’il pensait mériter.

– Bon, si on passait aux choses sérieuses ? lança-t-il, en tirant une chaise.

Il eut à peine le temps de s’asseoir que Cerbère vint à ses côtés, poser ses grosses têtes sur ses jambes et il le flatta à l’encolure.

– Parlons vengeance, miss Elea. Je pensais à leur faire peur avec Cerbère, mais je sais que ça risquerait de mal finir et nous ne voulons pas ça. La dernière chose que je vois… ce serait de trouver un moyen de les faire sortir du château, c’est interdit la première nuit pour votre sécurité. Peut-être… si vous acceptez de jouer le jeu. Vous pourriez leur dire que j’ai laissé entendre que je récompenserais, personnellement, la première qui atteindra le pont, devant le château. Ne vous inquiétez pas, Cerbère sera là, elles ne risqueront rien dehors. Qu’en pensez-vous ?


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