Thomson se regardait dans le miroir, remettant comme il faut sa cravate, qui était déja bien droite. Il voulait que tout soit parfait déja dans son apparence. Ça lui permettrait peut être de gagner des points, même si au fond, il savait que Charlie le connaissait depuis des années, lui et son look assez irréprochable quand il s’agissait du travail. Elle lui avait fixé une date pour son entretien d’embauche. Aujourd’hui. Dans moins d’une heure. Dire qu’il stressait était un euphémisme. Il n’avait pas dormi de la nuit, s’était finalement levé à 6h du matin et avait bu la machine entière de café. Il avait répété le petit speach qu’il devait lui faire au moins trois fois. Une fois dans la cuisine, quand il attendait que ses tartines grillent. Une fois dans la salle de bain, dans la douche, en frictionnant fortement ses cheveux. Et une fois maintenant, devant la glace. Il commençait d’abord par expliquer son parcours. Même si Charlie était sa marraine à l’université, depuis sa première année de droit, il ne voulait pas que cela rentre en compte. Il voulait être embauché pour ses capacités et non du favoritisme. Donc il répétait son CV, les différents stages qu’il avait fait depuis sa troisième année de licence. Il avait même mit dans son dossier les lettres de recommandations de ses précédents employeurs. Thomson était un élève modèle et dans son travail, il arrive à combattre sa timidité maladive. Avec le travail qu’il faisait, c’était mieux. Il s’était donné un coup de pieds d’ailleurs, lors de son deuxième stage, quand son employeur lui avait dit qu’il était trop sur la réserve, qu’il devait prendre plus d’initiatives. C’est ce qu’il avait fait par la suite, et ça se passait très bien. Tout en lui parlant de ces derniers stages, il lui expliquerait les différentes branches du droit qu’il avait travaillé. Droit des familles. Droit de la santé. Droit des entreprises. Il avait un éventail large car il n’avait pas encore trouvé de spécialisation. L'occasion avec elle serait de travailler dans le droit pénal, qu’il n’avait pas encore fait. Certes, il avait les connaissances théoriques, bien entendu, mais il voulait aussi pratiquer. Il avait préparé tout un speach sur pourquoi il voulait travailler avec elle. Pour la réputation, c’était sur, il voulait être totalement transparent. Pour son expertise, sa réputation n’était pas fondée sur de l’air. Puis au final, parce qu’il l’appréciait, même si ce n’était pas à prendre en compte en termes de compétences, être dans un environnement de travail sain était toujours plus agréable pour les deux parties.
Barlay lui avait dit que son discours était super, l’encourageant comme à chaque fois qu’il devait faire quelque chose d’important. Sa mère avait modifié quelques phrases pour faire plus professionnel et Paul lui s’était occupé de son look vestimentaire. Même s’il adorait son meilleur ami, il était hors de question qu’il y mette son grain de sel. Beaucoup trop clinquant. Il s’était rabattu sur ses costumes habituels et c’était très bien. Regardant son téléphone, il eut un petit sourire en voyant les sms qu’il lui avait envoyés. Même Judith lui souhaitait bonne chance. Depuis qu’ils s’étaient retrouvés, lors de l’ouverture de cette confiserie particulière, leur amitié était en dents de scie, à l’image de ce qui s’était passé. Thomson n’en revenait toujours pas de la violence des propos qui était sorti de sa bouche. Certes, il était sous l’emprise d’un maléfice qui avait fait ressortir tout son mauvais côté mais quand même. Heureusement qu’il avait essayé de rattraper les choses. Après, comme Paul le lui avait dit, il n’avait pas eu totalement tort. C’était exagéré, poussé au bout du raisonnement vu qu’il l’avait même attaqué mais dans le fond, il n’avait dit que la vérité. Sa vérité. Judith l’avait blessé en ne lui donnant pas de nouvelles et surtout en revenant en catimini. Il était sensible, ça l’avait touché. Rangeant son téléphone dans sa poche, il prit sa petite sacoche, contenant le dossier qu’il avait envoyé en pdf à Charlie, son ordinateur portable, et quelques notes. Où cas où. Descendant pour sortir de la maison, il fit un sourire à sa mère, qui, au téléphone, leva la tête des papiers qu’elle gérait sur la table de la cuisine pour lever les deux pouces en l’air et mimer avec ses lèvres un gros merde. Doucement, il ferma la porte, respirant à grands poumons l’air assez frais de ce mois de Mars. Il avait décidé d’y aller en vélo, ayant anticipé et enregistré l’adresse que Charlie lui avait donnée. Visiblement c’était dans un quartier assez malfamé. Hazbin Street. Thomson n’y était jamais allé et il se demandait bien comment une personne comme Charlie, aussi raffinée qu’elle pouvait y habiter. Il n’avait fait aucuns commentaires par pure bienséance mais n’en pensait pas moins. Ce n’était pas à coté, et il pédala rapidement. Barley lui avait dit de prendre la voiture, mais il avait refusé. Ce n’était pas parce qu’il avait le permis, qu’il conduisait plus que d’ordinaire qu’il devait la prendre sans arrêt. Surtout que là, avec le stress qu’il avait, il savait qu’il n’était pas capable de gérer une conduite prudente. De toute façon, il avait pris aussi son déodorant et son parfum, pour être impeccable.
Arrivant dans le quartier, il regarda sur son gps pour arriver devant l’immeuble indiqué. Il attacha son vélo bien fermement avant de sonner une première fois pour rentrer dans l’immeuble. Montant les étages, il sonna ensuite à la porte d’entrée, après s’être refait une beauté. Nerveux, il trépigna un peu d’impatience avant que finalement la porte s’ouvre. Il s’apprêtait à dire bonjour à Charlie mais aucun son ne sortit de sa bouche, qui d’un sourire passa à une expression de surprise pure. En face de lui, un homme, dans le plus simple appareil. Est ce qu’il s’était trompé d’appartements ? Où est ce que c’était le petit ami de Charlie ? Dans tous les cas, Thomson sentit ses joues devenir rouge tandis qu’il détournait rapidement le regard devant ce corps trop parfait.
“Je … euh … c’est bien le 5 ici ? Je … j’ai rendez vous avec Charlie Magne .. mais … euh je me suis peut être trompé.” Angel haussa les sourcils en voyant l'homme en costume. Un petit sourire en coin prit place sur son visage.
"Je pensais que c'était mon jour de repos aujourd'hui ~ Charlie aurait donc fini par penser à moi en m'offrant un beau garçon." Un petit rire sortit de sa bouche qui forma un coeur alors que Thomson cligna plusieurs fois des yeux. Sa tête s’était forcément tournée quand son interlocuteur s’était mis à parler. Comment ça offrir un beau garçon ? Son cerveau ne mit quelques secondes avant de comprendre à quoi cet homme voulait faire allusion.
“Quoi ? Offrir ? Non non ! Bien sur que non !” Il mit les mains devant, comme pour faire une sorte de distanciation en secouant la tête, étant totalement en apnée, essayant de ne pas poser son regard sur le corps de l’homme.
"Non" mon mignon, Charlie est bien ici. C'est pour quoi ?~“Je viens pour l’entretien d’embauche ! Je suis Thomson Lightfoot ... Charlie ne vous en a pas touché un mot ?” Le sourire de l’homme perdit un peu en intensité quand il entendit qu’il n’était pas là pour lui. C’était très étrange. Enfn la situation était déja étrange et bizarre en soit. Quand l’homme se rapprocha de lui, Thomson déglutit fortement.
"Un mini avocat. Il manquait plus que ça , je suis déçu. Tu es mignon pourtant. Tu serais un bon acteur dans la catégorie gay amateur ! Heureusement, Charlie le sauva de ce moment plus que gênant. Il était même à deux doigts de faire une crise d’asthme tant son angoisse était forte. Il venait bien de lui dire qu’il pourrait être acteur porno ? Qu’est ce que … Pourquoi ? Il entendit le fameux Angel partir en ricanant alors que la jeune femme s’excusait pour ce qui venait de se passer.
“Haha … ouais … je ne savais pas que tu vivais avec un nudiste. Il a l'air ... Ça doit être quelque chose …” Il savait que sa propre vision de la nudité et de la sexualité n’étaient pas celles des autres personnes de son âge. Déja dans son monde, Ian était timide. Il se préoccupait de ces questions mais il n’en était qu’à leurs balbutiements. Il avait bien des crush mais ce n’était jamais allé plus loin. La malédiction lui avait donné des faux souvenirs traumatisants. Chiara n’arrêtait pas de lui répéter qu’il ne pouvait être touché par les autres. Sa soit disante maladie était responsable. S’il avait des contacts physiques avec d’autres gens non stérilisés, il en mourrait. Thomson avait vécu dans la peur pendant de nombreuses années. Puis l’adolescence était arrivée comme un tsunami, remettant en cause toute l’éducation de privation de sa ravisseuse. Il n’y avait pas seulement les doutes sur sa captivité dorée, mais sur les principes aussi qu’elle lui avait inculqués. Il n’y avait pas seulement les contacts avec les autres qui lui étaient interdits, mais avec lui-même. Une histoire de pureté de l’âme et de conneries comme ça, qu'il fallait que la sienne le soit aussi imaculé que possible parce que sa fichue maladie le souillait. Quand la malédiction s’était brisée, Thomson n’avait pas seulement été libéré physiquement de Chiara qu’il avait tué avec l’aide de son frère, mais aussi mentalement. Tout un monde s’ouvrait à lui, et à ses 17 ans revolu. Néanmoins, il ne pouvait changer du jour au lendemain. Il avait déja ouvert son esprit quand Emma était arrivée, ayant le déclic que toute cette situation était étrange, il ne pouvait pas aller plus vite que la musique. Les années étaient passées, il avait fait ses expériences, continuait toujours à se chercher dans la multiplicité de la vie mais là, il fallait avouer que c’était bien trop brutale pour lui.
Poussant un énorme soupir, fermant les yeux pour se reconcentrer, il ne devait plus penser du tout à ça ! Il devait se ressaisir et vite ! Il n’allait pas rater son entretien parce qu’un homme venait de lui dire qu’il pourrait être un bon acteur porno. Il pourrait réfléchir à la question plus tard, quand il aurait décroché son job. Il en rigolerait même avec Paul, il en était sur … du moins il espérait. Charlie le fit avancer dans son appartement, l’amenant dans le salon où trônait une grande table. Il se mit là où la jeune femme lui indiqua, commençant à sortir son ordinateur et son dossier avant de remarquer que Charlie l’avait déja imprimé. Il sortit aussi un stylo, qu’il se mit à tripoter avant de l’écouter attentivement parler. Le premier entretien ? Thomson en était un peu surpris, il pensait qu’elle en avait eu beaucoup avant lui. Bon pas de tonnes non plus, mais tout de même. Même si elle lui disait pas de stress, il en avait déja beaucoup. Il était prêt à prendre la parole, mais elle continua sur sa lancée, lui disant que niveau professionnel elle n’avait rien à redire. Ses yeux s’ouvrirent un peu plus, la fixant de son regard bleu alors que sa lèvre s’étira en un mince trait. Parler de soi … Oh non … ça c’était beaucoup plus difficile que le discours qu’il avait écrit et préparé.
“Je …” Même si elle lui disait qu’il était le candidat parfait, le fait qu’elle veuille le faire parler de lui le bloqua. Thomson était assez pudique, et pas qu’en matière de nudité. Sa vie privée, il n’en parlait qu’à ses proches. Néanmoins, est-ce que Charlie pouvait être considérée comme proche ? Après tout, ils se connaissaient depuis cinq ans. Elle avait été sa marraine comme elle venait de lui redire. Elle l’avait suivi à l’université, l’avait même vu dans des états déplorables quand ils avaient fait quelques soirées d’intégration ensemble. Ils avaient même fini dans le même lit. C’était quand même une belle proximité … Sauf que là, il ne voyait pas Charlie son amie, mais Charlie son futur employeur, et la chose était plus complexe. Bougeant sur son siège, il finit par pousser un soupir.
“Et bien d’accord. S’il le faut.” Se mettant bien droit, les mains serrées ensemble sur la table, il tendit un peu le menton, ne se dégonflant pas, essayant de rassembler des informations plutôt utile pour la jeune femme.
“Si tu veux en savoir plus sur mon ancienne vie, sache que je viens d’un monde magique. Je suis un elfe. La magie avait disparu à cause de la science, plus pratique pour les habitants de le faire. Il se trouve que je descends d’une grande famille de sorciers. Je l’ai découvert en essayant de ressusciter mon père pour mes 16 ans. Une mission qu’il nous a donné à mon frère et moi. J’ai réussi … seulement à moitié, c’est assez difficile la nécromancie quand on a jamais fais de magie avant.”Thomson eut une sorte de petit rire désabusé. Son père avait eu beaucoup plus foi en lui que lui-même. Comment avait-il pu penser une seconde qu’il réussirait du premier coup ? C’était de la folie.
“Nous avons effectué une quête avec mon frère et mon … père… où du moins une partie de lui pour trouver un autre catalyseur pour ce sort. Nous avons réussi sauf que la malédiction a frappé au moment où mon père revenait. De ce que je sais, il est ici, dans ce monde, totalement amnésique. Je n’ai jamais arrêté de le chercher.” À travers cette histoire, il espérait lui montrer qu’il était tenace, battant, et qu’il ne baissait pas les bras malgré la difficulté des tâches.
“Les faux souvenirs …. ne sont pas une période très agréable. J’ai été kidnappé à deux ans par un couple qui m’a retenu prisonnier pendant quatorze ans, m’inventant une maladie grave. J’ai commencé à m’en rendre compte justement lors de mes 14 ans. J’ai fais une tentative de fuite qui s’est soldée par un demi échec. J’ai pu retenter ma chance à la levée de la malédiction. Il s’est avéré que … Chiara … ma …. celle … bref … était en réalité le dragon de la malédiction que nous avions déclenché avec Barley en récupérant la pierre de résurrection. Nous l’avons occis comme il se doit.” Au fond c’était logique. Le dragon en avait après ceux qui osait vouloir prendre la pierre. Normalement, la Manticore était là pour le tuer, mais tous avaient été emportés par le nuage de Regina. Au moment de ça, Ian était en train de se battre avec le dragon. Le nuage avait reproduit cette situation dans le monde réel.
“La levée de la malédiction m’a fait retrouver mes pouvoirs. J’ai encore du mal à les maîtriser car je n’ai plus besoin de catalyseur comme dans mon monde. Barley me dit que c’est normal, la puissance que j’ai, est considérable. Il faut des années pour la contrôler totalement.” Il préférait quand même l’avertir. Qu’elle ne soit pas étonné si un jour, sans le faire exprès, sa magie dérape. Ça pouvait être bien pour les assurances.
“Comme cité, j’ai donc un grand frère, de 6 ans mon aîné. Il a toujours été là pour moi. C’est lui qui m’a élevé avec ma mère en quelque sorte.”Thomson fit un geste de la main, comme s’il balayait quelque chose, gardant toujours sa tête droite, ne cillant pas malgré les souvenirs douloureux qui remontaient en lui.
“Je parle d’avant, j’essaie de faire la part des choses. Ce n’est pas réel ce qui s’est passé durant cette période. Je ne nie pas que parfois c’est très dur et on se laisse aspirer dans cette illusion de vie. J'ai parfois encore quelques hallucinations mais je distingue le vrai du faux.” Il parlait avec une grande sagesse pour son âge.
“Décrire mes propres caractéristiques est un peu présomptueux mais je vais essayer d’être le plus objectif possible. J’aime lire. La lecture est une passion que j’ai depuis toujours. Elle me permet de m’évader et de me réfugier ailleurs. Je suis donc assez rêveur. J’ai des opinion assez affirmé et je me bats sans relâche quand j’ai une idée en tête. Je suis aussi intelligent enfin je le crois, la preuve en est là ou je suis aujourd'hui. ” La preuve en été, qu’il parlait de lui comme un livre ouvert alors qu’il détestait ça, parce qu’il avait envie de ce job.
“J’essaie d’être consciencieux dans les choses que je fais, altruiste même. J’essaie d’aider les gens qui sont dans une situation plus difficile que la mienne, et je suis aussi une oreille attentive pour ceux qui voudraient discuter. D’ailleurs je l’ai marqué dans mon CV mais j’ai fais une licence de psycho. Je ne l’ai pas beaucoup dit, connaissant le dénigrement des étudiants en droit sur cette filière.” Il eut un petit mouvement de roulement d'œil avant de reprendre, un léger sourire.
“Concernant mes défauts, il va s’en dire que je suis timide et émotif même si j’essaie de travailler dessus.” Il eut à nouveau un petit rire, totalement désabusé. Rien que ce qui s’était passé avec Angel, une vingtaine de minutes auparavant le prouvait.
“De plus, je le reconnais, je suis parfois de mauvaise foi et il m’arrive d’abord des paroles blessantes car même si je maîtrise la diplomatie, la colère que j’ai tendance à refouler ressort comme une lame tranchante. La gestion de la colère, problème familiale, on s'y fait.” Barley en avait fait les frais. Paul en avait fait les frais. Judith en avait fait les frais. À un moment donné, tous ses proches avaient reçu des coups de poignard qu’il distribuait avec sa langue acérée quand la colère qu’il avait n’était plus gérable. Il regrettait après, mais les faits étaient là. La douleur pour ses proches aussi. Mais Barlay était pareil que lui. Il était son modèle et parfois il avait pris les mêmes tics, les mêmes défauts. Ne pas parler de ses sentiments. Si tu n'en parles pas, ça n'existe pas.
“C’est bon ? Sinon je peux te dire aussi que je sais coudre, que je suis allergique à la tomate, que je pratique le taekwendo, je manie très bien les armes à feu mais je ne suis pas sur que ça te soit très utile.” Une pointe de cynisme se fit entendre alors qu'il se mordit sa lèvre inférieure, ses mains commençant mine de rien à devenir assez moite sous la pression qu'il se mettait.
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