Oublier, voilà tout ce que voudrait Dracula. Oublier… Oublier les pires souvenirs de sa vie. Ceux qui laissent ouverte cette cicatrice béante dans son cœur. Oublier cette douleur lancinante de cette perte qu’il n’avait pas vue venir. Il voulait tout oublier, les mauvais comme les bons moments. C’était trop difficile, trop douloureux d’accepter que ces images pourtant si vives dans son esprit n’étaient maintenant plus qu’une page tournée de son existence et qu’il n’y aurait plus jamais accès. Comment une personne si exubérante pouvait n’être plus rien en, à peine, quelques secondes…
1459
- Chéri! Venez vite!
Il était assis à son bureau, rédigeant la prochaine loi qu’il allait faire accrocher sur la place du village. Cette dernière mettrait en place une taxe plus chère pour les nobles qui irait dans un coffre très bien gardé du château. Dès qu’un habitant aurait besoin d’aide du roi pour s’en sortir, il lui suffirait de piocher dans cette réserve pour offrir ce dont il avait besoin. Le roi Vlad ne supportait plus de voir ces familles menées dans des charrettes durant l’hiver vers le cimetière ou vers la fausse en cas de maladies. Il voulait améliorer les conditions de vie de ses sujets et depuis son couronnement, les choses ayant déjà mieux. On le surnommait Dracula le généreux. Le fils généreux du dragon. Si cette nouvelle loi était importante, il avait une autre affaire qui ne devait pas attendre : sa douce femme.
Erzsébet et lui s’étaient rencontrés lors d’une attaque qu’il avait menée dans l’armée du Sultan voisin. Les ordres étaient clair, il devait tuer tous ceux qui se trouvaient là, mais il ne put se résigner de faire du mal à cette jolie brune seule et sans défense qui avait vu ses parents se faire tuer et avait eu seulement le temps de se cacher. Il ne pouvait pas supporter l’idée de tuer des innocents, alors… Il réussit à la cacher jusqu’à ce qu’il puisse sortir de l’armée pour reprendre le trône de son père. Tombés fous amoureux l’un de l’autre, il fit d’elle sa reine et une future mère…
- Approchez, le bébé bouge…
Étendue dans le lit conjugal, la belle femme aux yeux noisette sourit à son époux, caressant son ventre gonflé. Attendri en voyant la scène, il vint s’asseoir sur le bord du lit pour venir poser sa main sur le ventre de sa femme. Il sentit les doigts de sa douce guider les siens vers l’endroit où il y avait des secousses. Il posa ses pupilles dans ceux de sa belle et il vint chercher un baiser tendre et affectueux. Au départ, la découverte de la nouvelle l’avait ébranlé. Il avait été élevé comme un soldat, on lui avait privé de son enfance par la faute du Sultan et il savait que les garçons de 12 ans devaient se battre dans ses rangs pour une cause souvent injuste. Cela l’effrayait de songer que leur enfant peut-être un héritier, mais Eli avait su calmer les craintes de son mari. Rien ne l’obligeait à lui offrir son fils comme son père l’avait fait avant lui… il était un grand roi et il pouvait protéger sa famille, n’est-ce pas? N’est-ce pas…?
-
Je vous aime, il murmura contre ses lèvres.
1471
-
Erzsébet? ERZSÉBET!!!Seul le vent se faisait entendre sur le champ de bataille. L’Armée du roi Dracula s’était reculée pour laisser leur chef s’approcher de ce corps sans vie étendue dans l’herbe dans une marre de sang. L’odeur exquise du fer flottait dans l’air, mais l’émotion était telle parmi ces êtres de la nuit qu’ils n’avaient même pas soif. L’homme, ravagé par le chagrin, s’était agenouillé auprès de la guerrière avant de la prendre dans ses bras . Sa tête penchait vers l’arrière comme si elle n’était qu’une poupée de chiffon. Pleurant, il prit le temps de fermer doucement les yeux de sa bien-aimée et lui caresser les cheveux, la berçant tout contre lui.
- MÈRE!
Un petit garçon d’à peine 12 ans venait de se faufiler entre les hommes et venait de constater la scène d’horreur devant lui. Le roi, incapable de se séparer de son épouse, hurla l’ordre à son conseiller et meilleur ami, Frederich, de prendre l’enfant et l’enfermer dans sa chambre. Il le fit, laissant Dracula seul avec son armée et le cadavre de son amour perdu. La douleur était intense. Impitoyable. Le vampire tout nouvellement transformé avait l’impression qu’on lui avait pris son cœur pour l’écraser pour en faire de la poussière noire comme de la suie. Une main se voulant rassurante se posa sur son épaule.
- Mon roi, nous vous avions dit qu’elle aurait dû subir la transformation comme nous…
-
FERMEZ-LÀ GUEUX, FERMEZ VOS INFÂMES LÈVRES AVANT QUE JE NE VOUS EXTERMINE TOUS!Une lueur étrangère se refléta dans le regard de Vlad. C’était sombre, dangereux et fou… Les épaules voûtées, les canines sorties, le vampire observaient le visage blanc de la morte avant de la reposer sur le sol et de se relever vivement pour se retrouver en face de ses troupes. Il ne reconnaissaient plus leur vaillant meneur. Ils avaient l’impression d’avoir devant eux un monstre, une bête rongée par la haine, la violence et l’envie de sang.
-
ELLE AVAIT SES RAISONS DE NE PAS VOULOIR DEVENIR COMME NOUS! C’ÉTAIT VOTRE RESPONSABILITÉ DE VEILLER SUR VOTRE REINE ET ELLE EST MORTE! ELLE NE REVIENDRA PAS! TOUT EST DE VOTRE FAUTE!- Votre majesté, nous sommes vraiment désolés, tout s’est passé si vite…
-
J’EN AI QUE FAIRE DE VOS EXCUSES! VOUS AVEZ ÉCHOUÉ! VOUS DEVEZ MOURIR!Lorsque Dracula revint au château, il retirait encore de la poussière de sur lui. Il semblait encore dans un état second, comme s’il agissait sur un pilotage automatique. Son visage ne laissait plus aucune émotion transparaître et ses yeux étaient rouges comme le sang. L’homme monta les escaliers avant de rejoindre le garde devant la porte de son fils. Il utilisa l’épée à sa main pour planter la lame dans son cœur, laissant la créature se changer en un tas de cendre. Il entra dans la pièce. Le petit était étendu dans son lit, pleurant à chaude larme. Entendant les gonds, il se redresse pour voir son père dans le cadre de la porte. Rapidement, le petit humain se leva pour rejoindre son père et marteler de ses petits poings le torse de ce dernier.
- COMMENT AVEZ-VOUS PU LAISSER MÈRE SE BATTRE! VOUS ÊTES UN MONSTRE! C’EST VOTRE FAUTE SI ELLE EST MORTE! JE VOUS DÉTESTE PÈRE, JE VOUS DÉTESTE!!!!!
-
Vous avez raison mon fils… Bien raison… Je suis un monstre. Une bête… Elle est morte par ma faute. Vous êtes tout ce qui reste d’elle.Il caressa doucement les boucles noires de son héritier et il lui adressa un regard mort. L’enfant ne reconnaissait plus son père. Qui était-il devenu? Lui, roi si bon et vertueux ne se reflétait plus en cet être qu’il avait devant lui.
-
C’est pour cette raison que je dois vous préserver de son sort.Aux petites lueurs du soleil, il n’y avait plus personne dans la chambre, sauf un cercueil en bois dans l’ombre enfermant un cadavre qui se réveillerait qu’au lever de la majestueuse lune.
Fiche codée par NyxBanana