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 Un Noël émotionnel [Fe]

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Deborah Gust
« Sarcasm: punching people with words. »

Deborah Gust

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Un Noël émotionnel [Fe] Fh0w

- Youhou Deborah, regarde ce que je sais faire !
- C'est bon, je démissionne, j'en ai marre des débiles.

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Un Noël émotionnel [Fe] _



________________________________________ 2020-12-24, 18:23 « Sarcasm: punching people with words. »

Pas un seul d'entre nous ne détestait Noël - même si Colère avait toujours prétendu l'inverse. D'ailleurs, en dehors de notre anniversaire, c'était la fête que je préférais même si depuis que nous étions humains tous les Noëls étaient moins bien que ceux d'avant. Quant à celui de cette année, ce serait le premier sans Aryana qui s'était isolée à Olympe. Mais comme, de fait, nous avions récupéré l'entièreté du manoir, c'était sans doute un mal pour un bien. La déesse de l'amour avait, après tout, un goût exquis, je n'avais pas réellement eu besoin de tout redécorer, seulement de réagencer certaines choses. Son départ avait aussi laisser de la place pour créer un bureau de geek à Sadie, qui s'était enfin trouvé une vocation (comme quoi les miracles c'est pas forcément qu'à Noël que ça arrive), afin qu'elle code à minima dans une autre pièce que sa chambre de dépression. Le reste, en fin de compte, n'avait pas tellement changé.
Comme tous les ans, je m'étais auto-proclamée en charge du menu pour le réveillon et pour Noël afin de m'assurer que nous mangerions quelque chose de plus que correct et je n'avais pas lésiné sur les sommes et moyens engagés pour les festivités. J'étais certes sentimentalement impliquée avec un avare mais, dieu merci, il ne m'avait pas contaminée. Quand on a les goûts les plus simples du monde comme moi, après tout, on se contente du meilleur qui nécessite d'y mettre le prix.
Par chance, nous avions une vraiment très grande table dans la salle à manger. Tout tiendrait dessus sans abimer la décoration que j'avais préparée quelques jours en avance. En plus d'une nappe savamment choisie, de bougies, de sets et de branches de houx, j'avais paré la pièce principale d'un immense sapin que Colère s'était fait un plaisir d'abattre à grands coups de hache, trop heureux de pouvoir passer toute sa frustration d'avoir oublié de manger son 14e chocolat du calendrier de l'Avent sur un épicéa qui n'avait rien demandé. Une fois coupé et transporté au manoir, tout le monde avait mis la main à la pâte pour le décorer et Peur avait naturellement tenu fermement l'échelle qui permettait d'accrocher l'étoile la plus brillante tout en haut de l'arbre de Noël, parant le manoir d'une petite touche de féérie supplémentaire qui n'était pas pour me déplaire. Riley aurait adoré, j'en étais certaine, et c'était cette pensée qui me faisait briller les yeux chaque année au moment des fêtes.
Enfin, parce qu'un Noël sans cadeaux n'est pas un vrai Noël, j'avais fait mon petit shopping durant tout le mois de décembre et trouvé de quoi offrir non seulement à mes boulets émotionnels, mais aussi à mes autres amis que je finirai bien par croiser un de ces quatre - et qui auraient intérêt à avoir penser à moi !
Tout ça pour dire que, oui, une fois de plus, tout était prêt pour un réveillon magique, grâce à moi en grande partie. Mais un peu grâce aux autres aussi. Je les avais laissés mettre quelques décorations s'ils s'engageaient à suivre mes conseils, après tout. C'était pas rien.
A dix-huit heures trente, je m'enfermai dans ma salle de bains privée (l'avantage d'avoir le manoir pour nous seuls à présent résidait en partie en cette nouvelle possibilité) pour me prélasser dans un bain aux huiles essentielles avant de revêtir une somptueuse robe en velours émeraude et de relever mes cheveux roux en une coiffure digne de la une de Vogue, si le magazine n'avait pas eu la très mauvaise idée de mettre Harry Styles en première page ce mois-ci.
A dix-neuf heures trente, j'étais prête et descendue au salon pour préparer les mignardises de l'apéritif et les boissons. Les autres émotions avaient pour consigner de se tenir prêtes pour cette heure-là et je pus constater que tout le monde avait fait un effort pour s'habiller bien. Car même si nous n'étions qu'entre nous, ce n'était pas une excuse valable pour justifier le port d'un jogging. Je les avais d'ailleurs prévenus : cette année jogging rimerait avec bannissement des festivités de Noël. Et force était de constater que j'avais été écoutée. En soi, ce n'était pas étonnant. Jaspeur attendait avec impatience le Père Noël, il n'aurait jamais pris le risque de le manquer. A peine arrivé en bas, d'ailleurs, avait-il regardé le feu dans la cheminée et le sapin non loin, l'air anxieux.
- Faudra penser à éteindre la cheminée sinon Papa Noël risque de sérieuses brûlures au troisième degré et sachant que pendant les fêtes les pompiers et les urgences sont saturés à cause des accidents provoqués par l'ouverture des huîtres oui l'utilisation de pétards bien souvent prohibés par les autorités compétentes, ça serait vraiment bien si on pouvait éviter cette POTENTIELLE CATASTROPHE ! s'écria-t-il en commençant à suer, rongeant ses doigts afin de calmer sa montée de tension.
- T'inquiète pas, j'ai laissé un mot sur le toit de la cheminée pour lui indiquer de passer par la porte, c'est plus safe pour tout le monde, assurai-je sans me départir de mon sérieux. Et j'ai même mis un fléchage, on est jamais trop prudent, ajoutai-je sur le ton de la confidence avant de couler un regard vers Colère pour le dissuader de dire que c'était des cracks.
Evidemment que c'en était. Jaspeur avait juste pas besoin de le savoir.
- Tu avais bien mis ton casque, tes coudières et tes genouillères, hein ? demanda Jaspeur.
- Absolument. Bien, puisque le Père Noël ne passera pas avant plusieurs heures et que tout est prêt pour le recevoir, je propose qu'on commence à se régaler. Qui veut boire quoi ?
Mieux valait commencer par des questions simples. Pour le moment la soirée démarrait tranquillement mais surtout normalement. Ca serait un véritable exploit si elle se terminait exactement de cette manière, cela dit, je préférais ne pas prendre les paris.


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________________________________________ 2020-12-25, 23:25

Un Noël émotionnel
but i'll have a blue, blue, blue, blue Christmas
Après la neige, le tube de Mariah Carey, les enfants qui s'assagissaient à mesure du mois de décembre qui s'écoulait, le coup fatal arrivait. Le jour J, en réalité. Noël. Synonyme de famille, partage, cadeaux, et beaucoup de capitalisme, grognait Colère avec un semblant d'indifférence. Quant à Sadie, c'était l'une des fêtes les moins déprimantes car elle avait toujours eu le privilège de n'être jamais seule à ce moment là. Jaspeur d'ailleurs s'en assurait annuellement car il avait lu un jour sur internet qu'à cette période le taux de suicides augmentait. Ainsi, dès le vingt décembre, il avait commencé à squatter la chambre de la brunette, qui l'en remerciait sans grande énergie. Pour la soirée, Debbie avait tout organisé. Elle avait toujours été professionnelle de l'événementiel, et bien trop contrôlante pour laisser qui que ce soit enlever à cette fête ce qu'elle avait d'élégant. Houx, sapins, guirlandes scintillantes, et boules de neige toutes raffinées, cet hiver se revêtait des plus belles couleurs. Et pourtant, Sadie n'y voyait qu'un appas superficiel. Noël ne valait plus rien sans Riley! Et même si elle s'était forcé à taire sa réflexion car leur perte commune était encore bien douloureuse, cela n'empêchait pas ce gros chagrin de s'accroître silencieusement. Alors, elle se divertissait comme elle pouvait. Jouer aux échecs avec Jaspeur, qui tentait encore de la réconforter. Travailler les yeux vissés sur son écran. Bouquiner du Kafka. Regarder les albums photos d'Aryana en cachette. L'incontournable shopping de Noël, pour dénicher les cadeaux idéaux: seule chose qui la contraignait vraiment à se mouvoir. Et pire encore, trouver la tenue parfaite sous la recommandation plutôt costaud de Debbie. Elle avait opté pour une modeste robe argentée, boucles d'oreille de la même veine, et avait difficilement quitté ses chaussons duveteux pour des escarpins. Si ça, c'était pas déjà un cadeau !

Sadie ! Sadie ! Sadiiiiiie ! s'exclama-t-il, en tambourinant à la porte de la chambre de l'interpellée. Elle l'intima à entrer en une lente lamentation, toujours fixée sous sa couette. Entre deux soupirs, elle grommela: Quoi encore ? Tu ne préfèrerais pas aller surveiller Deborah ? Encore plus paniqué qu'il ne l'était en arrivant, il rétorqua: Tu es complètement folle ! On a INTERDICTIOOOON de déranger Debbie dans la salle de bain !! Oui, je sais, mais peut-être que tu pourrais... Bon, ramène-toi. On a qu'à se préparer pour cacher la misère, hein ? Ses yeux se mirent à se border de larmes qu'elle éclipsa d'un battements de cils, elle avait l'habitude désormais. Son pauvre reflet dans le miroir attisait son regard morne et proche du dégoût.

Bien sûr, la préparation fut laborieuse. Entre Jaspeur qui manquait de s'étrangler à chaque tentative de nouer sa cravate, et Sadie qui fondait en sanglots dès lors que son trait d'eyeliner n'était pas parfait, ils prirent presque autant de temps que Deborah à se mettre sur leur trente-et-un. Pour Colère, personne ne s'inquiétait de trop. Il était rarement à s'enthousiasmer des mises en valeur à la Christina Cordula, et il devait très certainement s'énerver sur les chansons à la radio qui puaient bonheur et réjouissance. En ce cas, Jaspeur craignait de descendre trop tôt dans le séjour où il risquerait de se faire déverser un amont de courroux. Une fois que les deux acolytes trouvaient leur présentation convenable, vers dix-neuf heures vingt, ils descendirent au séjour. S'installant soigneusement à la table parfaitement décorée. Le rendez-vous était dix minutes plus tard, mais ce délai permit à l'un de vérifier la sécurité de la pièce, et à l'autre de pleurer une dernière fois en se remémorant les Noëls précédents avec Riley. Quand elle était encore vie... Oh non, elle repartait pour d'inarrêtables sanglots... Mais, les bruits de talons dans la cage d'escaliers les firent tous s'arrêter, et fit rappliquer Colère désormais en costard cravate. Bel effort de la part de tous. Ils espéraient que Debbie en prendrait au moins note avant de saquer leur look.

Jaspeur se ruait immédiatement sur la rouquine à peine eut-elle débarquée, mais heureusement, elle avait toujours réponse à tout. Et même si derrière la naïveté de son interlocuteur, il y avait un léger fonds de moquerie, ce n'était jamais vraiment cruel. Bien au contraire, c'était même souvent par acte de charité pouvait-elle se défendre. Bien, puisque le Père Noël ne passera pas avant plusieurs heures et que tout est prêt pour le recevoir, je propose qu'on commence à se régaler. Qui veut boire quoi ? Dans un automatisme presque inquiétant, Sadie se saisit du Champagne, et sans grande conviction ouvrit la bouteille. Même l'éclat du bouchon rata à la surprendre. Elle proposa d'un hochement de tête à chacun de les servir, avant de remplir à son tour sa flûte. Qu'elle avala d'une traite. Ce sera vraiment le pire Noël de tous les temps... Même Aryana n'est pas venue le fêter avec nous... Elle eut une mine de réflexion le temps de quelques secondes avant d'affirmer avec un air héroïque: Bon, allez, je dis tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Sans Riley, Noël, c'est nul ! Et elle renchérit le tout en se servant une nouvelle flûte de champagne, qu'elle prit cette fois le temps de savourer plus délicatement. Cela dit, ne t'en fais pas, Debbie, le champagne est très bon... tenta-t-elle de rattraper en se parant d'un sourire contrit.
code by exordium.




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________________________________________ 2020-12-26, 00:10 « Sarcasm: punching people with words. »

Sadie avait fait un effort vestimentaire presque surhumain (la connaissant, du moins). Elle était toute sparkling de partout et avait sorti le maquillage. Bien sûr ce n'était pas quelques couches de maquillage qui effaceraient un jour son air sempiternellement déprimé. Mais y avait du progrès. Je ne pouvais que l'apprécier - ça et l'initiative de servir du champagne à tout le monde. Fut un temps j'aurais été la seule à boire de l'alcool et il aurait fallu que j'achète du Champomy. Dieu merci ils m'avaient épargnée cet affront.
Pas les larmes, cependant.
Le premier toast n'était pas encore porté que déjà Sadie se morfondait de l'absence d'Aryana et de la mort de Riley. J'étais prête à parier qu'elle avait l'alcool triste mais pas spécialement déterminée à le vérifier, aussi je fis une note mentale de surveiller sa consommation.
- Aryana pense très fort à chacun d'entre vous depuis tout là haut sur Olympe. Je suis sûre qu'elle finira par revenir à Storybrooke et que dès qu'elle le fera elle viendra nous voir, affirmai-je même si je n'en avais, en fait, aucune idée.
Très sincèrement, si je pouvais vivre dans un endroit aussi incroyable qu'Olympe, clairement, je ne retournerais jamais m'enterrer dans une petite ville paumée du Maine qui, si on enlevait deux lettres, s'appelait Storybook - livre d'histoires. Un jour il faudrait vraiment que quelqu'un dise à Regina qu'elle avait des goûts tous pourris en matière de noms. Dans tous les cas, même si je ne voyais absolument pas ce qui pourrait amener des dieux à s'enterrer dans notre petite ville, je n'en soufflai mot aux autres, persuadée qu'Aryana les appréciait pour du vrai, même s'ils étaient clairement des boulets.
En bref, je considérai ce premier débat clos.
Malheureusement, c'était loin d'être le seul qui aurait lieu ce soir-là. Sadie n'en était qu'à sa deuxième flûte de champagne et déjà le nom de Riley avait été évoqué avec désespoir et défaitiste. Parfois, vraiment, je me demandais ce qu'elle penserait de tout ça si elle pouvait nous voir. Mais comme je savais que ce n'était jamais la bonne tactique à adopter je ne l'employais pas et me contentais d'y réfléchir dans ma tête. Enfin, quand ils m'en laissaient tous le temps...
Ce ne fut évidemment pas le cas.
A la seule évocation de Riley, le sang de Colère ne fit qu'un tour. Il serra les poings à s'en blanchir les jointures et bondit de sa chaise qui était en face de celle de Jaspeur. Ce dernier recula si violemment qu'il tomba de sa chaise, à lui, et courut se réfugier derrière le canapé en criant :
- ATTENTION CA VA CHAUFFER TOUS AUX ABRIS !
Quant à Colère, qui n'aimait pas être en reste, surtout quand il s'agissait de faire plein de bruits, lui aussi, il cria :
- SI TU REDIS ENCORE UNE SEULE FOIS QUE NOEL C EST NUL JE T EXPLOSE LA TETE CONTRE LA CHEMINEE ET J AI MEME PAS PEUR QUE CA ENERVE LE PERE NOEL ! NOEL C EST BIEN C EST LA QU ON FAIT LA FETE ET QU ON A DES CADEAUX ALORS SI T EN VEUX PAS PERSONNE TE RETIENS LA MORVEUSE T AS QU A RETOURNER SOUS TES PLAIDS PLEIN DE LARMES !
- C'est pas très sympa, fis-je remarquer sans élever la voix.
- JE M EN FOUS C EST ELLE QUI A COMMENCE ! vociféra Colère.
- Moi je prends pas parti ! déclara Jaspeur depuis derrière le canapé.
- Et moi je prends le parti de Noël, déclarai-je. C'est quand même censé être une fête joyeuse, où on se réunit en famille pour passer un bon moment en attendant les cadeaux...
- Et le Père Noël qui passera par la porte, ajouta fièrement Jaspeur en se redressant de derrière le canapé.
- Ouais, lui aussi et on devrait essayer de se rappeler pourquoi Riley et Joie aimaient tellement cette fête et d'y faire honneur au lieu de chouiner, crier ou paniquer. Moi je pense que si chacun y met un peu du sien on peut avoir un Noël au moins pas mal. Et pas mal c'est déjà très bien quand on voit d'où part cette soirée, affirmai-je en servant différents toasts dans les assiettes des uns et des autres, y compris dans l'assiette vide de Jaspeur.
D'ailleurs, à l'intéressé, je dis d'un air détaché :
- J'ai peur que tu ne meures de faim si tu ne viens pas à table, mais bon, ça te regarde...
Je croquais alors dans un délicieux toast au saumon pour lui donner l'eau à la bouche sans plus le regarder. Ca et l'utilisation du mot "peur" eurent raison de Jaspeur qui vint se rasseoir à côté de Sadie.
- Voilà qui est mieux, on a même des petits soufflés au fromage comme tu aimes, annonçai-je en lui tendant le plateau pour qu'il se serve.
Jaspeur ne se fit pas prier, étant gourmand comme nous tous, et le calme revint à table. Enfin. J'en profitai pour tous les observer d'un air de conspiratrice et leur demander, presque en murmurant :
- Est-ce qu'on ferait pas un pacte de Noël ? Du genre "à partir de maintenant et jusqu'à la fin de la soirée je jure solennellement de tout faire pour que la soirée se passe bien" ? Si Sadie tu ne pleures pas sur toute la misère du monde, si toi Jaspeur ne te cache pas sous les meubles dès que quelqu'un prononce plus de deux syllabes, que toi Colère tu ne promets à personne de le frapper et que tu ne cries pas, moi j'arrête de vous juger jusqu'à ce que ce soit plus Noël. Chiche ?


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________________________________________ 2020-12-29, 14:21

Un Noël émotionnel
but i'll have a blue, blue, blue, blue Christmas
Evidemment, sa tendance à s'attrister avait bel et bien plombé l'ambiance. C'était inévitable, mais Joie aurait nécessairement eut une lueur d'espoir pour que ça ne se passe ainsi, et en sa mémoire, peut-être que tout le monde l'avait un peu espéré malgré tout. Même Sadie, à vrai dire. Même si elle ne l'avait dit à personne. C'était encore une fois l'un des souvenirs qu'il lui restait à honorer de Joie. Ne pas gâcher la meilleure fête possible: Noël. Ca avait toujours eu ce côté assez sacralisé de la famille parfaite, avec le père Noël à la Coca Cola, le repas excellemment dressé, et les cadeaux disproportionnées. Et si elle y voyait avec chagrin une forme de capitalisme et de superficialité, Joie avait cette façon de le présenter avec tellement de... Oh. Oh. Sadie au rapport. Alors qu'elle venait elle de lâcher de sa bombe nucléaire sur la table, Deborah, elle, tentait de calmer les ardeurs de tout le monde. Après tout, si ils avaient bien tous une chose en commun c'était leur besoin de rationnaliser pour quitter leur nature émotionnelle. Alors Debbie s'occupa de rassurer tout le monde concernant la situation d'Aryana. Cela ne fit honnêtement pas grand chose à la brunette, qui se sentait toujours abandonnée. Et oui, elle mesurait les poids de sa pensée ! Enfin, elle savait très bien qu'au retour de la déesse, elle n'oserait jamais lui en tenir rigueur. Après tout, difficile d'en vouloir à un dieu grec d'être occupé à l'Olympe. Ca sonnerait comme un vilain caprice. De toute façon, tout le monde semblait accepter le raisonnement de Debbie plus ou moins consciemment alors pas de raison de remuer le couteau dans le couteau. Puis une toute nouvelle menace s'imposait...

Ils la connaissaient tous trop bien assez pour que Jaspeur ait le temps de se réfugier derrière le canapé en hurlant un SOS, Debbie de rester élégamment stoïque, et Sadie de faire sa moue toute intimidée, les larmes bordant ses prunelles. La tacle de la morveuse fut sûrement celle qui fit éclater les sanglots à tout va. En espérant que c'était une bonne fois pour toutes. Autrement dit la Der' des Ders. Colère se justifiait de son excès de rage, et le calme reprit peu à peu place à mesure que Debbie rameutait la troupe à s'asseoir autour de la tablée. Sadie s'excusa en reniflant: Je suis désolée d'avoir gâché Noël... Même le Grinch se serait lynché avec moins de culpabilité pour tout ce qu'il avait fait. Au grand désespoir de l'organisation parfaite, Sadie utilisait l'une des serviettes de Noël pour se moucher. A sa grande surprise, on lui en avait laissé deux autres de secours. On ne la connaissait que trop bien. Dans un silence tendu, chacun se servait sur les plateaux repas avant que Debbie ne reprenne la parole. Elle avait le don d'être une hôte idéale. Son pacte de Noël vendait du rêve. Et tout le monde gobait ses paroles avec une naïveté assez attachante. Seul Colère mimait un désintérêt, bien que son hochement de tête trahissait une certaine approbation. Alors, dans un sourire qui s'étalait jusqu'aux commissures, Sadie décocha: Chiche... Je jure solennellement de ne plus m'attarder sur aucun sujet triste. Même la mort de Lady Diana. Elle était très fière de sa nouvelle résolution. Alors que la pensée de l'accident de Lady Di commençait à la faire sombrer dans son regard perdu, et sa bouche bée, Colère ronchonna: Bon, tout pareil. On peut commencer à manger, maintenant ? Il avait l'air impatient, et personne n'eut le courage, ou même l'envie de lui refuser ce plaisir.

Comme elle l'avait lu dans un magasine chipé à Debbie, Sadie se forçait à boire un verre d'eau entre chacune de ses flûtes, ce qui lui permettait de réguler plus ou moins son ébriété. Les toast au saumon disparaissaient mystérieusement, et la bouche de Jaspeur se gonflait de tous les soufflés au fromage, lui donnant des joues joufflues assez enfantines. Sadie s'en moquait doucement, et Colère s'insurgeait qu'il mangeait tout ce qu'il y avait sur le plateau d'argent. D'abord en se bidonnant avec une fausse bravoure, Jaspeur demanda ensuite craintivement: J'espère que vous avez été sages, sinon c'est le Père Fouettard qui viendra ! Haaan, m-mais il ne viendra pas, hein ? On a tous été très sages, il me semble, alors... Pas de raison qu'il ne vienne. Déclaration certes peu crue par sa propre voix, mais en arquant un sourcil hésitant, elle cherchait les regards de ses acolytes pour qu'ils l'aident à rassurer Jaspeur. Je pense même qu'on aura des cadeaux..? Pareil, même regard à la quête d'une validation. Il fallait se sortir de cette situation au plus vite avant que la terreur de Jaspeur ne reprenne le dessus, et que leurs besoins émotionnels viennent remettre dans un chaos dans le séjour tout ordonné.
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________________________________________ 2020-12-29, 19:32 « Sarcasm: punching people with words. »

- Tu n'as pas gâché Noël, assénai-je en modérant l'exaspération que ce genre de commentaire provoquait toujours en moi. Pour le moment personne n'a gâché Noël alors si on s'en tient au plan de tous faire un petit effort, Noël ne sera pas gâché, ajoutai-je à l'attention de tout le monde, usant de mon regard perçant pour (j'espérais) bien faire passer le message.
Il était clair que si la soirée continuait comme elle avait commencé, Noël serait gâché - du moins dans ce manoir. Mais je voulais croire que les autres émotions avaient suffisamment appris à penser par elles-mêmes, en tant qu'individu autonome, pour ne pas avoir besoin d'expliciter le fond de ma pensée à ce point. Ca faisait plus de quatre ans que nous étions devenus humains. Il était temps que j'essaye de les faire voler de leurs propres ailes. Sinon ils n'essayeraient jamais, je les connaissais.
Je les connaissais tellement que j'avais prévu le plan de table et les accessoires des uns et des autres à la perfection - serviettes de rechange inclues pour Sadie que je fis semblant de ne pas avoir s'essuyer les yeux même si elle ne serait pas dupe. On la connaissait tous trop bien pour qu'elle soit dupe. De façon plus générale, on se connaissait tous trop bien pour ne pas connaitre le fonctionnement des uns et des autres. On ne formait pas qu'un pendant plus de dix ans sans finir par se connaitre comme le fond de sa poche.
Je souris, constatant avec un plaisir non feint, que mon pacte récoltait l'approbation qu'il méritait. C'était vrai que le décès tragique et romanesque de Lady Di avait de quoi secouer émotionnellement les uns et les autres. Cette histoire nous avait tous marqués, différemment, cependant, et ce, même si nous n'étions pas au monde quand elle s'était produite.
La mort de Diana Spencer m'inspirait le plus profond des dégoûts mêlé à une pointe de dépit : mourir aussi bêtement à 36 ans, ça devrait être interdit par la Convention de Genève. Si encore elle avait laide, j'aurais pu accepter. Ou si elle avait été impopulaire. Mais tuer des princesses, comme ça, juste parce que, j'adhérais pas du tout à l'idée. Personne, d'ailleurs, ne devrait cautionner la mort des jolies princesses.
De son côté, Jaspeur voyait en cette histoire la raison même d'être prudent sur la route et de toujours mettre sa ceinture de sécurité. Il m'avait fait promettre de ne jamais tenter de fuir les paparazzi si jamais je devenais célèbre et exhortait Colère (qui l'écoutait rarement, il faut bien le dire) à ne pas trop appuyer sur le champignon au volant de sa Ferrari rouge.
Colère, justement, y voyait la justification même de son impatience sur la route qui lui faisait déblatérer juron après juron quand il était au volant (et parfois aussi depuis le siège passager). Perso, je ne voyais pas bien le lien, mais je voulais bien comprendre que la disparition de Lady Di l'ait affecté à sa manière.
- Bel effort, assurai-je à Sadie. Je suis sûre que de là-haut Lady Di apprécie. Et oui, Colère, on peut commencer à manger, ajoutai-je en essayant de tenir ma promesse et donc de ne pas avoir l'air totalement exaspérée.
Je voyais pas pourquoi on aurait pas pu et moi-même j'avais faim. Et tout ce que j'avais prévu pour l'apéritif, des soufflés au fromage aux escargots en passant par les toasts au saumon, était absolument di-vin. Comme votre hôte, j'ai envie de dire.
Pour le moment tout allait bien. Tout le monde y mettait réellement du sien. Mais la question du Père Fouettard et des cadeaux apporta une certaine appréhension dans la pièce. C'était à moi d'intervenir, telle l'héroïne que j'ai toujours été.
- Eh bien pour ce que j'en sais vous vous êtes tous toujours excusé quand vous n'étiez pas très sympathique les uns envers les autres et ça le Père Noël l'a vu parce qu'il voit tout, alors à mon avis il a dit au Père Fouettard de passer son chemin, répondis-je en essayant de croire un minimum en ce que je racontais. J'ai posté vos lettres au Père Noël y a quelques temps déjà et je sais que la poste met un point d'honneur à ce qu'elles arrivent suffisamment en avance pour que les lutins aient le temps de tout préparer. Je suis pas experte en Noël mais en Dégoût, mais comme j'ai toujours raison et que je pense que vous aurez tous plein de cadeaux, à mon avis vous aurez tous plein de cadeaux, conclus-je.
C'était une certitude puisque j'avais en fait récupérer leurs lettres, que je l'ai avais lues et que j'avais fait les achats qui s'imposaient. Comme Papa et Maman à l'époque. Naturellement, Jaspeur était à des années lumières de s'en douter et personne n'avait envie de le vexer dans sa croyance. Un jour, peut-être. Mais pas maintenant. Il n'était pas prêt. Le fait que je connaisse Aster le Lapin de Pâques aidait à rendre nos manigances plus crédibles, parce que qu'il existe ou pas, le Père Noël faisait des cadeaux aux enfants uniquement - ce que nous n'étions plus, quoi qu'en dise la mentalité de certains.
- Ah, ouf alors, commenta Jaspeur en s'essuyant le front avec sa serviette.
- Y a intérêt qu'il ait pas oublié mon petit soulier, le Papa Noël sinon le beau sapin roi des forêts je le lui fais bouffer par l'arrière train, commenta Colère.
- Oh tu sais, je ne vois pas comment quelqu'un pourrait t'oublier, Colère. Tu frappes les esprits, parfois littéralement, commentai-je.
- Merci, je fais de mon mieux, assura-t-il avec fierté.
Je ris de bon cœur et comme la suite du repas n'était pas tout à fait prête, je demandais :
- Vous avez révisé vos classiques musicaux pour chanter autour du sapin ?


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