J’avançais, le visage morne dans la superette. Je détestais faire les courses. C’était un des moments de ma vie que j’aurai aimé complètement zappé. C’était long, inutile, et surtout réservé aux gens rigoureux, qui planifiaient tous à l’avance. Ce qui n’était pas tellement mon cas. Aussi, un panier à la main, je faisais claqué mes bottes que j’avais mise par dessus mon jean. Ma veste en cuire noire sur le dos, je marchais comme une reine… dans une superette.
En soufflant un peu, je regrettais presque l’époque où j’avais un château pour moi toute seule et une multitude de serviteurs. Il fallait avouer qu’il s’en était tellement passé. Le regard toujours blasé, je passais devant le coin vegan en roulant des yeux. J’étais venu chercher quoi déjà ?
J’hésitais. Oh et puis zut. Je prendrais certainement à emporter. J’allais reposer la bouteille de vin avec une pointe de regret, quand soudain, la porte de l’épicerie s’ouvrit à la volée. Sans bouger, j’écoutais avec attention les paroles du drôle d’énergumène verdâtre qui venait de rentrer.
Ah. Ce n’était que ça. Roulant des yeux et soupirant, je levais les mains avec politesse.

« Je pense que vous vous êtes complètement trompé d’endroit. C’est pas dans une épicerie où il y a le plus d’argents liquides, mais chez des personnes âgées. »

Je le regardais, avec une moue blasée. Je n’avais pas tellement peur. A vrai dire je n’avais qu’à me téléporter dans un nuage de fumée pour laisser ses gens à leurs tristes sorts. Mais… J’étais curieuse. De voir où cela allait nous amener.

« Je suis pharmacienne, juste à côté. Ils ont tendance à confier leurs secrets. C’est très stupide. Si vous voulez, je vous donne une de leurs adresses. »

Heureusement, il n’y avait que lui qui m’entendait. Le peu de personne présentes étaient figé et regardait la mitraillette d’un air terrorisé. Moi, j’avais juste les mains levé, avec mon visage toujours aussi blasé.

« Joli modèle. Mitrailleuse style mafia italienne. Par contre, vous utilisez une forme de magie qui m’est inconnue. Ca aussi, ça m’intéresse. »

Je plissais des yeux, observant d’un regard intéressé la dites mitraillette. Les mains toujours levées, je décidais d’arrêter de jouer la comédie. Croisant les bras, je me mettais entre la caisse et l’homme au visage vert qui venait d’entrée.

« Je serai vous, je ne ferai pas ça. On commence par un petit bracage, et on finit par être tuer en série. C’est ça que vous voulez ? Devenir Charles Manson ? C’est pas un projet de vie. Croyez moi. »

Je restais toujours devant lui. Je n’avais pas tellement peur. Au pire, s’il me prenait au dépourvu, je pourrais peut être tenter d’ériger un bouclier de ténèbres devant moi. Si ça marchait. Cela faisait longtemps que je n’avais pas eu à me servir de mes pouvoirs.

« On va marcher ? On pose gentiment sa mitraillette, avant de faire une grosse erreur. Puis on fait demi tour, et on va parler avec la fille antipathique qui est devant vous. Ou alors... »

Mes yeux étincelèrent un bref instant et une lueur émeraude apparut. L’instant d’après, un énorme bouchon de cire était apparu au bout de son arme, lentement, dans un nuage de fumée verte.

« On peut se fâcher aussi. Mais j’aimerai l’éviter. Vous avez une bonne tête, même si vous êtes chauve et vert. »

Dans quoi j’étais tombé. Mes dents se serrèrent quand il me prit par le cou pour sortir. J’avais envie de lui broyer les parties génitales. D’ailleurs, c’était ce qui allait se passer si le malheureux allait trop loin. Une fois dehors, je me retournais. Les autres étaient désormais en sécurité. Pourquoi j’avais fait ça ? Pourquoi je les avais sauvé ? Je soupirai. J’aurai simplement du partir en me téléportant. D’ailleurs, c’est ce que j’allais faire ; quand quelque chose attira mon attention. Cet étrange personnage avait des pouvoirs surprenant. En moins de deux secondes, il se transforma en gondolier italien. Nerveusement, je me mis à rire. Cela faisait… Des années que ce n’était pas arrivée. Essuyant mon visage, avec mon maquillage qui coulait, je finis par froncer les sourcils.

« Vous êtes… étonnant... »

Je ne pus m’empêcher de sourire à nouveau. Il y avait quelque chose, chez… cette créature ? Ce gars ? Qui me disait qu’au fond, il n’était pas si mauvais. Quand il me demanda d’où je venais, je le regardais sans rien dire. Puis, après un petit silence, je me contentais simplement de répondre.

« Qui je suis et d’où je viens n’a pas véritablement son importance… Dites… Pourquoi braquer une épicerie ? On est en 2021… Tout le monde sait que l’argent n’est pas trop là, au contraire, ils ont du mal à boucler le mois... »

Je croisais les bras. J’allais pas partir tout de suite finalement. Ma psy m’avait conseillé de rencontré de nouvelles personnes, et de m’intéresser à eux pour casser la solitude. A vrai dire… C’était ce que j’étais en train de faire, mais je n’aurai jamais misée une seule seconde sur ces circonstances là…

« Le Masque. Je vois. Votre pouvoir vient donc de là. C’est sensé. »

D’un geste vague de la main, j’avais désigné son visage. Il était vert et étrange. Il n’y avait rien de normal dans cette partie là de son anatomie. En revanche, ses capacités étaient plus qu’impressionnante.

« Vous devriez savoir que dans ce monde… Il y a quelques règles élémentaires… Peut être qu’elles différent de celles duquel vous venez. Quoi qu’il en soit, un, on ne braque pas des épiceries qui essaient de gagner leurs vies dignement… Deux, on ne parle pas comme ça aux femmes… Surtout quand on ne sait pas trop à qui on parle. »

J’affichais un sourire assez démoniaque. Pourtant, j’étais en train de l’aider… Ca aussi, ma psy m’avait conseillé de le faire. Sous-entendu, et d’après elle, on y trouvait un intérêt tout à fait particulier. Pour le moment, j’avais l’impression de perdre mon temps avec un illuminé. Mais peut être que ça changerait ? Quoi qu’il en soit, je regardais autour de moi. Les informations qu’il m’avait dit avaient finalement été précieuses… Comme Cendrillon, son temps était limité. Et au bout d’un moment son masque vert devrait tombé non ? C’était logique, mais peut être que je me plantais. Et avais-je vraiment envie de vérifier ?

« Déjà, on s’excuse quand on a commis un tord. Vous devriez essayer. Ca change une personne. »

Je savais de quoi je parlais. Fermant les yeux, je commençais sérieusement à me demander dans quoi je m’étais engagée. Je devais peut être reculée, et rentrer chez moi. Après tout j’en avais assez fait. Mais…

« Vous voulez marcher un peu ? »

Ca m’était venu comme ça. Et je m’étais mise à emboîter le pas. Au moins, le temps que tout ca se termine, je pouvais contrôler la situation, bien que je ne savais pas tellement si mes pouvoirs seraient suffisant si jamais il pétait les plombs… Mais… Peut être que c’était ça, sortir aussi d’une dépression ? Faire des rencontres inattendues et les vivre pleinement ?