J’apparaissais devant un des laboratoires de la ville.  Je savais que la personne que je cherchais était à l’intérieure, car je sentais son aura. J’aurai pu apparaître à côté d’elle, mais depuis que j’avais brûlé Peggy avec son propre café en apparaissant au mauvais moment, je ne le faisais plus. J’étais vêtu assez simplement, mais on pouvait voir que dans ma tenue quelque chose avait changé. Déjà, je m’étais laissé poussé la barbe. J’étais habillé d’un jean trouvé au niveau des genoux et je portais une veste kaki. Dans mon dos, on pouvait lire « Hermès Express ». C’était la tenue que j’avais créé pour les livraisons. Fronçant les sourcils, je frappais plusieurs fois, puis je rentrais.
D’abord, je fis une grimace, car mes sens décrivirent des choses que je ne connaissais pas beaucoup. Objets, bruits et odeurs se mélangèrent et je fus un peu surpris. C’était donc ça un laboratoire ? J’en avais vu à la télé, mais je n’étais jamais rentré dans un vrai.

« Bonjour ! Vous devez être Honey Lemon ! »

Je rayonnais. En fait, on s’était déjà croisé, à plusieurs reprises, mais nous n’avions jamais eu le temps de parler. Elle faisait partis des personnes que je connaissais de visage, mais avec qui je n’avais jamais pris le temps de parler. C’était dommage. J’étais comme ça : j’avais envie de parler et d’échanger avec le maximum de personne. J’avais appris en arrivant ici, que Storybrooke était rempli de manière générale de gens totalement merveilleux.

« Je viens pour savoir si vous donnez des cours particuliers en électronique ! Je travaille sur un projet, et… euh… il me manque quelques bases. J’ai failli brûlé mon perroquet avec un fer à souder. Depuis, j’évite de prendre des initiatives et je lis beaucoup de livre ! »

Je fis apparaître une tonne de livre devant elle. C’était mes livres du moment. Parmi eux, des livres de bases en matière d’électronique, l’électronique pour les nuls, des livres sur les principes généraux scientifiques liés à cette matière, et un tout petit livre rose intitulé « Comment transformé une connaissance qui vous tient à coeur en liaison sentimentale. »Le teint un peu rosé, je repris le petit livre rose et je le fis disparaître.

« Ca, ca n’a rien à faire là. Désolé, c’est pour une connaissance. Mais ça, vous l’avez compris. Puisque vous êtes intelligente. Sinon, je serai pas là… Hm… C’est super sympa ici ! »

Je touchais un appareil qui devait être un osciloscope. J’en avais vu dans les livres mais je n’en avais jamais vu en vrai. Tournant la molette, je vis la courbe oscillé. C’était fascinant. Puis, je me dirigeais vers un autre appareil, et je le montrais d’un œil expert.

« C’est un voultmètre. Ca permet de mesuré les Voult. »

Les mains dans les dos, je regardais les autres appareils.

« Ca c’est un ordinateur. J’en ai un aussi. J’apprends à m’en servir. C’est IN-DIS-PEN-SA-BLE, pour tous les scientifiques comme nous. »

Oui, quand je faisais les choses, je les faisais généralement à fond. J’étais devenu Hermès Le Scientifique. En même temps… Je l’avais toujours été. A ma manière…

« On m’attribue l’invention des poids et des mesures.  C’est pas mal hein comme CV. Oh, je ne me suis pas présenté. Je m’appelle Hermès. Comme le dieu. Normal, puisque c’est moi. Enchanté Honey Lemon. »

Je tendais la main. De manière assez officiel et pompeuse. J’étais un expert, j’avais fait des remarques pertinentes. Continuant mon petit tour, je regardais une machine que je ne connaissais pas du tout. Intrigué, je commençais à en faire le tour.

« On dirait une machine à laver… C’est quoi ? Ca sert à faire quoi ? Enfin. J’en ai déjà vu bien entendu. Mais je n’en ai jamais vu fonctionner… Hm. »

C’était faux, mais je ne voulais pas passer pour un looser. Observant autour de moi, je finissais pas reporter mon regard sur elle, attendant qu’elle réponde à ma demande primaire : à savoir recevoir un enseignement. J’avais les mains dans le dos et je sautillais sur mes talons.

Manifestement, les gens avaient fini par se passer le mot pour venir retrouver Honey au laboratoire pendant qu'elle était en train d'expérimenter à l'une des paillasses qu'elle ou les autres scientifiques pouvaient utiliser. Kara, Morrigan, et maintenant Hermès, ou Wallace comme il se faisait appeler, qui, manifestement, avait oublié qu'il lui avait déjà servi de moyen de transport une fois quand Michel-Ange, son ex petit ami, avait souhaité l'emmener à Paris sur un coup de tête. Mais ce n'était pas grave. En fait, c'était sans doute normal que les dieux oublient avec quels mortels ils interagissaient. Dommage, sans doute, mais Honey avait vécu des situations autrement plus vexantes que celle-ci. Alors avec un sourire bienveillant, elle abandonna son projet de chimie pour se tourner vers Hermès et lui confirmer qu'il avait trouvé la bonne personne.
- C'est bien moi, en effet ! Qu'est-ce que je peux faire pour vous ? demanda-t-elle tout aussi gentiment se doutant bien que s'il était venu la trouver ici, c'était avec une idée derrière la tête.
Et la jeune femme ne s'y était effectivement pas trompée. Et tandis qu'il lui expliquait être à la recherche de cours d'électronique particuliers, la jeune femme commençait à songer que, là aussi, un schéma commençait à se dessiner. Il y avait d'abord eu Diane, qui l'avait trouvée sur le campus pour lui parler de son frère excessivement mauvais en informatique. Puis son amie Raven, la femme oiseau, qui lui avait rapporté un ordinateur déchargé. Et maintenant il y avait Hermès. On pouvait, sans doute, aussi compter Stefan dans le lot car elle lui avait une fois expliqué comme créer son profil sur Tinder. Peut-être, en fait, que les gens se refilaient son contact parce qu'ils trouvaient qu'elle expliquait bien !
Si c'était le cas, c'était aussi flatteur qu'étonnant. Non pas que la jeune femme n'aime pas enseigner, bien au contraire. Elle adorait transmettre son savoir, parfois un peu trop et parfois quand ce n'était pas utile. Mais elle se savait assez médiocre quand il s'agissait de guider de grands débutants. Comme elle était géniale, elle avait souvent du mal à se mettre au niveau des néophytes pour leur expliquer simplement un concept, même si elle ne manquait pas d'empathie et de persévérance.
Hermès aussi, manifestement, ne manquait pas de cette dernière qualité. Il avait l'air motivé mais Honey redoutait de lui demander par quel concours de circonstances il avait failli brûler son perroquet avec un fer à souder. C'était... pour le moment étonnant. La jeune femme choisit cependant de se concentrer sur les aspects plus encourageants de sa démarche.
- C'est très bien de commencer par la théorie, le félicita-t-elle ainsi tandis que tous ses lèvres sur le sujet apparaissaient de nulle part.
Ce dieu-là ne cherchait décidément pas à être discret. Honey en profita cependant pour jauger ses lectures qui lui avait l'air convenable pour un début comme lui. Elle aperçut, certes, l'ouvrage qui était hors sujet mais n'aurait pas fait de commentaire s'il ne l'avait pas mentionner. Pourquoi en aurait-elle fait ? Des tas de raisons pouvaient pousser une personne à lire un livre.
- Pour ce que j'en sais, je dirais que ce sont de bons livres pour votre niveau, même si je ne les ai pas lus. Ils sont trop simples pour moi, commenta-t-elle simplement en suivant le dieu du regard, l'air sceptique.
Honey n'aimait pas que les néophytes se permettent de toucher à du matériel de pointe que ses investissements dans le labo de la ville avaient en partie financer. Même quand on connaissait - plus ou moins parfois - le nom d'un instrument, ça ne voulait pas dire qu'on savait s'en servir. Hermès, en l'occurrence, en faisait beaucoup trop, probablement pour cacher son malaise.
- Excusez moi mais je ne pense pas que vous soyez un scientifique, le corrigea Honey, plus désolée que contrariée de devoir le faire remarquer. Et puisque tous ces appareils coûtent cher et ne sont pas à vous, j'apprécierais vraiment que vous n'y touchiez pas. Vous l'avez dit vous-même : vous êtes un débutant, pas un expert, rappela la seule scientifique présente dans la pièce.
Il n'avait vraiment pas l'air dérangé par les remarques qu'elle lui faisait et ses attributions mythologiques le confortaient probablement dans son attitude. Toujours assise à sa paillasse, Honey l'observait, pour prémunir la casse si d'aventure il n'en faisait qu'à sa tête. En tant que dieu du vent, peut-être agissait-il comme une girouette. Il valait mieux faire attention.
- Je sais qui vous êtes, vous m'avez déjà téléportée en France une fois, rappela Honey qui fut bien obligée de le faire quand Hermès se lança dans des présentations formelles. Et je ne pense pas que vous ayez inventé les poids et les mesures car je ne crois pas ce que dit toute la mythologie. Je suis athée. Je ne crois en aucun dieu. Mais je constate empiriquement votre existence et je l'accepte, nuança la jeune femme en acceptant la main tendue du dieu avant qu'il ne continue de tout vouloir regarder et analyser.
Honey manqua de se frapper le front avec la paume de la main. Il était un peu épuisant, comme dieu. Sa curiosité était une belle qualité mais elle n'était pas canalisée, ce qui était dommage.
- Ce n'est pas une machine à laver et si vous voulez que j'accepte de vous aider j'aimerais que vous vous mettiez dans un coin où il n'y a pas de machines et que vous arrêtiez de tout vouloir à la fois. Merci beaucoup. Bien. Je ne suis pas docteur en électronique et je suis à vrai dire assez occupée de façon générale. Mais je veux bien que vous m'expliquiez plus précisément pourquoi vous avez besoin de cours particuliers et ensuite je verrais ce que je peux éventuellement faire. Ca vous convient ?

         

J’avais mis une main sur mon torse. Un peu choqué et légèrement outré par ses propos. Je n’étais pas un scientifique ? Moi ? Hermès ? J’étais encore sous le choc. Qu’est ce qu’il fallait que je réponde à cette affront ?! Finalement, je trouvais la force de me calmer, car elle devait s’être trompée, ou elle n’avait pas voulu dire cela comme ça.

« J’applique la méthode scientifique, je m’intéresse à la science, donc je suis un scientifique. J’ai pas besoin de diplôme. »

J’étais quand même un peu boudeur. Mais bon, je savais que ça ne durait jamais bien longtemps. Puis j’étais trop curieux d’observer les machines qui m’entouraient pour pouvoir dire quoi que ce soit. J’écoutais quand même ses conseils, et je me mis au milieu de la salle.

« Je ne suis pas maladroit contrairement à mes frères vous savez. »

Bon ça c’était un léger mensonge. Mais disons que je devais être l’un des moins maladroits. Enfin, question de point de vu. Mais comme elle ne me connaissait pas, je préférais ne rien dire. D’ailleurs, elle avait du avoir affaire à un de mes frères, si elle était si méfiante.

« Vous n’y croyez pas… Vraiment ? Et pourtant vous constatez ? Donc nous sommes pour vous une anomalie non ? »

Avec un léger sourire malicieux, je pris un petit plaisir à me venger dans cette tourmente. C’était assez léger. En même temps, je n’étais pas vraiment méchant et ce que j’aimais par dessus tout, c’était découvrir des choses, et des personnes. Rien que de passer du temps avec quelqu’un comme Honey, me rendait un peu fou de joie. J’avais même presque oublié ce pourquoi j’étais venu.

« Nous sommes juste des extraterrestres, si on prend tout ceci d’un regard plus éclairé et avec du recul. Ce ne sont que les hommes qui nous ont appelé ainsi. Et comme ce sont eux qui ont raconté notre histoire, par déduction, nous existons, puisque nous avons fourni matière à ces récits. Vous ne croyez simplement pas à toutes les histoires qui ont été conté, c’est bien différent et vous avez raison. »

Je fronçais les sourcils, je me donnais moi aussi un peu mal à la tête. Je me souvenais très bien du moment où je l’avais rencontré, mais comme nous nous étions aperçu qu’une seule fois, je considérais que nous étions presque des inconnus. En revanche, je pus constater qu’elle avait une excellente mémoire.

« En fait, je viens car j’ai un soucis de compréhension de fonctionnement d’un dispositif particulier. »

Je ne l’avais pas encore amené. Il était en sûreté, là où personne, même mes frères et sœurs pouvaient le trouver. La confiance n’excluait pas le contrôle. Je préférais faire apparaître un papier et un crayon, pour dessiner un espèce de patch. Je dessinais extrêmement bien.

« C’est un dispositif qui nous coupe de nos pouvoirs. Qui nous rend semblable aux humains. Je suis parti de la base. D’où nous tirons nos pouvoirs, et comment faisons nous pour nous les supprimer. Cet appareil a deux fonctions : vous privez de vous pouvoir, et vous téléporter d’un endroit à un autre. Je veux d’abord savoir si cette technologie est humaine, et j’ai choisi la meilleure scientifique de réputation pour ce qui était axés sur cette planète. Autrement dit vous. »

Je marquais une pause, lui montrant l’intérieur en dessin. En somme, il semblait assez banal. Mais il avait plusieurs composants que je n’arrivais pas à identifier. Ils n’étaient dans aucuns livres, aucunes revues scientifiques et dans aucun magazin. J’en étais arrivé à la conclusion que c’était eux qui posaient problème.

« Là, je cherche à comprendre, et à terme, créer un dispositif qui le désamorce. Je me suis fabriqué une ceinture qui envoie des impulsions électromagnétique, mais mon bras droit s’est mis à trembler pendant 5 jours et ça n’a rien fait. »

- Considérer qu'on est un scientifique parce qu'on applique une méthode scientifique et qu'on s'intéresse à la science, c'est un sophisme, expliqua calmement Honey. Autrement dit il s'agit d'un raisonnement qui a l'air correct parce qu'il s'appuie sur des liens logiques, mais qui, en fait, incorrecbkt.
La jeune femme aurait adoré ajouter qu'elle voulait bien le laisser croire ce qui lui faisait plaisir (car c'était ce que Hermès avait l'air prompt à faire) mais cela lui était difficile. Toute la vie de Honey gravitait (métaphoriquement) autour de la logique. Celle de Hermès, manifestement, gravitait autour de sa propre définition du monde, un monde dans lequel on pouvait visiblement s'autoproclamer expert sans avoir le moins diplôme. Il restait donc à espérer que Hermès s'en tenait à être un passionné et qu'il n'essayait pas de véritablement exercer. Surtout s'il commençait à s'intéresser à la médecine.
La jeune femme voulait bien croire que Hermès n'était pas maladroit. Pour le moment, elle ne disposait d'aucune preuve tendant vers une autre conclusion. Toutefois, elle avait déjà compris une chose le concernant : il tenait difficilement en place, surtout quand il était entouré d'objets qui suscitaient son intérêt. Elle préférait donc prendre des précautions, par respect pour les investissements conséquents que le laboratoire et ses donateurs (dont Honey faisait partie) faisaient pour mettre à disposition du matériel de pointe (qui, du point de vue de la jeune femme originaire de Terre-2 était presque obsolète).
C'était beaucoup plus sûr de le faire parler ou d'entretenir la conversation que de le laisser crapahuter entre les machines. Même si Honey n'appréciait pas d'expliquer sa perception des dieux qui fréquentaient la ville.
- Les yeux bleus sont, à l'origine, une anomalie génétique. Il faudrait donc que vous précisiez votre définition d'anomalie pour que je vous dise si oui ou non je vous considère de la sorte. Ce que je peux vous dire c'est que je ne crois pas, au sens religieux du terme, en vous. Ni en tous les autres. Je ne considère pas que vous me soyez supérieur ou que je vous doive quelque chose parce que vous vous faites appeler "un dieu". Je peux concevoir que nous ne soyons pas de la même espèce et que vous ayez des aptitudes qui ne sont pas les miennes, mais ça s'arrête là. Si vous vous définissez comme étant un "extraterrestre", poursuivit calmement la jeune femme, je pars du principe que vous voulez dire, au sens littéral du terme, autrement dit : qui ne vient pas de la Terre. Je suis, en ce sens, une extraterrestre aussi puisque je suis née sur Terre-2, une planète d'un univers parallèle. A propos, vous avez fait un autre sophisme quand vous avez dit "et comme ce sont eux qui ont raconté notre histoire, par déduction, nous existons, puisque nous avons fourni matière à ces récits". C'est faux. Vous l'avez dit vous-même. Puisque vous avez dit que vous ne veniez pas de Terre. Vous existiez donc préalablement aux histoires qui ont formé le polythéisme grec puis ce que nous appelons actuellement la mythologie. A ma connaissance les premières traces de religion sur cette Terre remontent aux environs de - 10 000 avant notre ère, dans le néolithique. Mais je pense que êtes plus âgés qu'environ 12 000 ans. Pour toutes ces raisons, je pense que, contrairement au sens de vos propos, vous existiez avant que les humains n'écrivent d'histoire sur vous. Mais je veux bien croire que ce soit à eux que vous deviez votre réputation, affirma Honey. Et je ne compte pas la poursuivre. Je la trouve infondée.
La chimiste ne le dit pas (quoiqu'elle le pensa fortement) mais elle espérait ne plus avoir à aborder ce sujet. Manifestement, Hermès n'était pas le meilleur quant il s'agissait de démontrer quelque chose et, même si les conversations sur les dieux ne lui donnaient pas la migraine, s'il s'avérait que Hermès voulait simplement parler de ça, il pouvait tout aussi bien s'en aller. Le domaine de prédilection de Honey restait quand même la science et la technologie, et, quoique très sceptique dans ses capacités à apprécier d'aider Hermès dans ce domaine, la jeune femme fut bien contente d'en apprendre plus sur le problème qui l'amenait au laboratoire. Honey l'observa donc avec attention pendant qu'il dessinait (avec précision et un coup de crayon assuré) ce qui ressemblait à un patch un peu étrange, d'en genre que la scientifique ne connaissait pas. Et c'est avec la même attention qu'elle écouta ses explications.
- Je vois, répondit-elle en premier lieu tout en opinant pour assurer de sa bonne compréhension de l'affaire. Merci pour le compliment mais je suis imperméable à la flatterie quand elle est destinée à s'assurer d'avoir mes faveurs ou ma coopération. S'il s'agit de technologie destinée à vous priver de vos pouvoirs, je pense que je ne pourrais rien pour vous. Je n'ai jamais vu de dispositif de la sorte et je viens pourtant d'une planète plus avancée technologiquement. Malheureusement pour vous en électronique je m'y connais surtout en programmation informatique. Pas du tout en ... puce qui inhibe les pouvoirs. Sans compter que sans connaitre votre fonctionnement biologique, voire votre activité électrique, je ne pense pas que quelqu'un puisse vous aider.
Honey lui adresse une moue contrite. Ca ne lui faisait jamais plaisir de dire qu'elle ne pouvait pas aider et elle ne le disait pas parce que Hermès avait l'air usant, ni parce qu'elle n'avait pas envie que toutes les espèces non humaines de la vielle viennent lui demander de les étudier en profondeur - même si ces deux raisons existaient.
Il est vrai que la jeune femme avait, pas plus tard que l'automne d'avant, fait passer de nombreux tests au vampire Dracula qui cherchait à se mieux comprendre. Ce jour-là, ils avaient assurément tous les deux appris des choses. Mais Honey ne souhaitait pas renouveler l'expérience sur une autre forme de vie. Ce n'était tout simplement pas ce qui la passionnait dans la science.
Toutefois, comme elle aimait élargir ses connaissances et s'intéresser aux expérimentations des autres, Honey demanda :
- Par simple curiosité de quelle façon avait vous fabriqué votre ceinture électromagnétique et dans quel but ? Quelle était la réflexion qui vous a amené à penser qu'elle vous serait utile ?

         

Je clignais des yeux quand Honey se mit à parler. Elle me parla de science et de Sophie. Je fronçais des sourcils. Normalement, quand je comprenais pas quelque chose, je savais qu’il fallait se taire. Mais là, je devais montrer que je n’étais pas un idiot.

« J’ai aussi connu une Sophie. C’était en 1568. C’était une belle histoire d’amour. Je croyais que vous vous appeliez Honey Lemon. Mais si vous voulez que je vous appelle Sophie, je peux.»

Quoi ? Elle avait pas dit que c’était une Sophie ? Je clignais encore des yeux, les sourcils froncés. Quelque chose m’échappait, mais je n’arrivais pas vraiment à mettre la main dessus. Caressant ma barbe d’un air songeur, je l’observais en silence poursuivre son discours scientifique. Je la laissais parler, tenter de démonter mon argumentation. J’avais juste dit une évidence. Et elle me parlait encore de Sophie.

« Ecoutez, Sophie. Je veux pas vous fâchez, mais je comprends pas tout. Ce que je sais, c’est ce que je suis en revanche et que vous avez beau argumenter… Ca ne changera rien, et je ne suis pas là pour ça… D’ailleurs. On va faire une pause. »

Quoi déjà ? Oui. J’avais quelque chose en tête. Ca m’était venu comme ça. Je fis apparaître un agenda. Il était plein, et il était griffonné à plusieurs endroits. Sourcils froncés, je fis apparaître un stylo.

« Vous faites quoi la semaine prochaine ? Le vendredi soir ? C’est la soirée Trivial Poursuite. Je joue normalement avec Sherlock Holmes, mais il a des lacunes dans des domaines. Vous semblez plus intelligentes que lui Sophie. »

Je marquais une pause. Gardant mon agenda, je le posais sur une table. Là. Au milieu d’objets fragiles sans vraiment faire attention à ce que je faisais. Posant mon stylo, j’en profitais pour prendre une expression de pure réflexion.

« Les impulsions électromagnétiques sont la base du désamorçages des sources énergétiques des appareils électroniques. J’ai pensé qu’en en créant une, ça marcherait. Et dans un ceinture. Ca n’a rien de scientifique ça. Tout le monde à besoin d’une ceinture. C’est discret, ça tient le pantalon. Et ça évite de porter le système en permanence. »

Je la fis apparaître dans mes mains. Elle était jaune comme celle de Batman. Une cellule était au milieu, c’était le mécanisme que j’avais bidouillé pour former une microimpulsion. Le soucis était que je n’avais aucune base scientifique sur les dosages, et que je pouvais à tout moment créer une panne. Elle était noircie, et hors d’usage.

« Je pense qu’il y a eu un cours circuit. Ou que l’impulsion électromagnétique a détruit la ceinture elle même. C’était pas très malin de ma part. Bref de toute façon, ça va à la poubelle. Ca n’a pas marché. »

Je la déposais encore sur le plan de travail, au milieu d’objets, sans faire trop attention à ce que je faisais. Pensif, j’observais Sophie. Nous étions bloqués. Bon, autant parler de notre vie alors, puisqu’elle m’avait expliqué qu’elle venait de Terre 2.

« C’est marrant ça, Terre-2. Je viens moi aussi d’un monde parallèle à ici. Je suis le Hermès de là bas. Celui d’ici est mort. J’ai pris sa place. C’est le même monde, mais en différent. Mais le monde est totalement détruit, et ils sont tous mort, sauf moi. Et peut être le Ténébreux. On sait pas trop ça encore. Hm... »

Je dévoilais quelques informations un peu confidentielles. Finalement je continuais.

« Y’a aussi Wilson. Mais il n’aime pas beaucoup les dieux. Là d’ou je viens, on était moins sympathique qu’ici avec les gens comme vous. N’ayez pas peur Sophie. Je suis inoffensif. »

Je levais les mains en l’air, signe que j’étais vraiment gentil. Je l’observais. Finalement nous étions plus semblable que je ne l’aurais imaginé.

« Vous avez du monde de chez vous, vous ? Ou vous êtes seul comme moi ? Si c’est le cas, on peut dire qu’on est des apatrides. Et ne jouez pas sur les mots. Apatride, je sais très bien ce que ça veut dire. C’est quand on a pas de patrie. Sous entendu de monde. Et je blaguais. Je sais bien que vous vous appelez pas Sophie. Mais Honey. Pourtant ça vous va bien. »

La patience est définie comme l'aptitude à persévérer sans se décourager ou à supporter sans broncher. Chaque être humain est doté d'un certain degré de patience dont il n'est pas toujours avisé d'atteindre les limites. Hermès, qui avait plus d'années d'existence à son compteur que Honey, devait sans doute le savoir au moins aussi bien qu'elle. Voire peut-être encore davantage. Il ne semblait, en tout cas, pas avoir conscience qu'il avait commencé à jouer avec celle de Honey bien avant cette remarque - au demeurant soit complètement stupide, soit prouvant qu'il avait des problèmes d'audition et/ou de concentration, ce qui ne faisait pas bonne presse à son espèce divine - alors même que la jeune femme en avait à revendre.
Ca ne l'ennuyait pas d'expliquer des concepts plus ou moins techniques à un néophyte qui mettait de la bonne volonté même s'il comprenait un peu de travers ou qu'il fallait trouver des analogies pas totalement exactes pour faire passer un message.
Elle comprenait aussi qu'on puisse venir d'un temps à la technologie tellement différente de la sienne qu'on ait un train (voire plusieurs) de retard (au sens métaphorique) et que des évidences pour elle n'en soient pas pour tout le monde.
Elle acceptait également que ce qui la passionnait, elle, puisse en ennuyer certains à des degrés divers.
Mais s'il y avait une chose que Honey ne supportait pas c'était qu'on l'écoute à moitié et qu'en plus on se moque d'elle. La chose était peut-être difficile à comprendre pour un "dieu", car une créature de son espèce n'avait certainement pas les mêmes préoccupations que les mortels et leur temps et leur vie limités, mais Honey avait des choses à faire de sa journée qui étaient plus intéressantes que de divertir un dieu en manque de distraction.
Le sourcil arqué très haut et la voix pour le moment encore posée, Honey déclara lentement et sérieusement :
- Vous n'êtes pas drôle, Hermès. Et vous n'êtes pas non plus spirituel. Et si vous êtes venu pour vous payer ma tête, me raconter votre vie ou ne m'écouter qu'à moitié quand je vous explique quelque chose, vous feriez mieux de partir tout de suite. Croyez-le ou pas mais j'étais occupée avant que vous arriviez. Mon espèce n'est pas à la disposition de la vôtre quand ça vous chante.
Aussi incroyable que cela puisse paraitre, il continuait pourtant à l'appeler Sophie. En soi, cela ne dérangeait pas réellement Honey. Sophie n'était ni plus ni moins qu'un prénom dérivé du grec σοφία, sophia, la sagesse, qui avait donné son nom à la philosophie (ou philosophia), l'amour de la sagesse. Sans doute un autre concept qui passait bien au-dessus de la tête du dieu du vent. Et avec tout ça c'était lui qui avait le culot de demander une pause !
Honey se pressa momentanément les yeux, sachant que cela avait pour effet de stimuler le nerf vague qui permettait de faire redescendre le rythme cardiaque. Par moment, elle se demandait pourquoi elle n'écoutait pas la petite voix dans son esprit qui lui suggérait de dissoudre dans l'acide les gens qui abusaient de sa bonté.
Hermès ne prenait, en tout cas, pas conscience du degré d'agacement qu'il suscitait. Il continuait dans son raisonnement, proposant, à présent, ce qui ressemblait presque à un rencart. Honey écarquilla les yeux, sidérée, et songea alors qu'elle préférait encore laisser Stefan l'emmener au restaurant que d'aller jouer au Trivial Pursuit avec lui. Contre, éventuellement, pour le battre, mais la jeune femme n'en fit pas la proposition.
- Vendredi prochain je ne jouerai pas au Trivial Pursuit avec vous, répondit simplement la jeune femme en poussant l'agenda d'Hermès loin des ses travaux de recherche puisque, manifestement, il n'était ps décidé à respecter l'ordre de sa paillasse.
La scientifique, pourtant loquace, avait décidé qu'épiloguer serait encore le meilleur moyen d'étioler le peu de cordialité qu'il lui restait. De la même façon, Honey se fit violence pour outrepasser les attitudes de girouette de Hermès (qui étaient relativement cohérentes vis-à-vis de ses attributions mythologiques, cependant) et concentrer son esprit, qui n'en avait pas envie et c'était rare, sur le raisonnement qu'il avait suivi dans la mise en place de sa ceinture. C'était l'une des choses les plus sensées qu'il avait dite pour le moment et c'était étonnant.
A quoi jouait-il ? Tentait-il de se faire passer pour un idiot afin de susciter de l'attachement ? Croyait-il que la seule façon de se faire apprécier des mortels c'était d'imiter Hadès, l'actuel maire de la ville qui ne brillait pas par sa logique ? A osciller entre les raisonnements idiots et les épiphanies raisonnées, la seule chose que Hermès risquait d'obtenir c'était de passer pour fou. D'ailleurs, ses expérimentations, qui avaient tout l'air de coups de chance hasardeux, ne plaidaient pas en sa faveur.
Honey observa toutefois la ceinture noircie qu'il fit apparaitre et ne s'opposa pas à ce qu'il décide de jeter son invention après la lui avoir montrée. En revanche, elle ne se priva pas pour récupérer la ceinture, déposée, elle aussi, sur sa paillasse, et la laisser tomber par terre, loin de son travail que Hermès dérangeait sans la moindre considération.
Il ne faisait pas une bonne pub pour son espèce, à vrai dire, en renvoyant l'image de quelqu'un qui n'écoute pas les humains et n'en a rien à faire de leurs travaux. Heureusement, Honey savait qu'elle ne pouvait pas conclure de cette seule expérience que tous les dieux étaient de sa trempe. C'eut été un sophisme du même acabit que "Socrate est un homme donc tous les hommes sont Socrate". Mais s'il avait un peu de jugeote, il aurait sans doute pu penser qu'en ayant affaire à une scientifique d'un monde pour ainsi dire gouverné par la technologie, il ne s'adressait pas forcément à un public acquis à sa cause. On aurait donc pu penser qu'il aurait essayé de lui plaire, au sens large du terme, plutôt que de la braquer sur l'espèce qu'il représentait.
Comme pour le lui signifier physiquement, Honey croisa les bras sur sa poitrine tandis que Hermès, visiblement plus intéressé par le sujet pour lequel il était venu la consulter, commençait à lui raconter sa vie. Littéralement. La jeune femme ne se souvenait pas lui avoir demandé d'où il venait ni avoir sous-entendu que cette information pouvait l'intéresser. Elle aurait pourtant pu si les circonstances avaient été différentes. S'il n'avait pas été impoli et indélicat vis-à-vis de son travail. S'il n'avait pas eu la fâcheuse tendance à changer de sujet aussi souvent qu'il faisait apparaitre des objets pour ne pas prendre la peine de les ranger. S'il avait agi comme Diane, en fin de compte, qu'elle avait rencontré quelques mois plus tôt pour avoir une discussion similaire au sujet de son frère.
Si toutes ces conditions, la curiosité scientifique de Honey aurait sans doute pu se ravir d'apprendre autant de choses. Mais une remarque arrêta définitivement l'opinion de la chimiste à l'encontre du dieu du vent :
- Y’a aussi Wilson. Mais il n’aime pas beaucoup les dieux. Là d’où je viens, on était moins sympathique qu’ici avec les gens comme vous. N’ayez pas peur Sophie. Je suis inoffensif.
Il y a fort à parier que Hermès ne s'était pas rendu compte de l'indélicatesse de ses propos. Ce n'était d'ailleurs pas tant le fait qu'il mentionne le Wilson de son monde, celui dont l'arrivée avait effacé le Wilson d'Evelyn (la BFF de Honey) de la surface de la Terre, rendant la petite Iris (si adorable et précoce) orpheline de père, qui finit d'exaspérer Honey mais plutôt l'assurance avec laquelle il décréta être à la fois "sympathique" (c'était sous-entendu) et "inoffensif" (c'était explicitement dit).
- Je sais comment votre arrivée dans ce monde fonctionne, asséna durement Honey. Ces choses-là se savent en ville, inutile de vous en vanter. Vous avez pris la place de quelqu'un qui était sans doute aimé, si j'étais vous je n'en parlerais pas aussi nonchalamment, lui reprocha la jeune femme qui n'avait jamais fait cette remarque à Wilson car, lui, n'avait jamais été nonchalant à ce sujet. Et je n'ai pas peur de vous, pour votre information. Par contre non, vous n'êtes pas inoffensif. En fait, vous êtes profondément agaçant et vous ne respectez pas mon travail depuis l'instant où vous êtes arrivé. Depuis tout à l'heure vous me faites perdre patience et vous ne vous en apercevez même pas parce que vous préférez vous écouter parler en mettant du désordre sur ma paillasse. Vous n'avez pas écouté ce que j'ai essayé de vous expliquer parce que mes raisonnements étaient à la portée d'une personne qui a vécu aussi longtemps que vous. On ne parlait pas de fission de l'atome. Et même ça vous pourriez en comprendre les bases si vous faisiez un effort de vous concentrer quand vous venez demander un service.
Le regard furieux, Honey marqua une pause, se remémorant les questions qu'il lui avait retournées.
- Oui j'ai du monde de chez moi et si je n'en avais pas je ne serais pas apatride avec vous car vous n'utilisez même pas correctement le mot, répondit-elle de façon presque mécanique, par pure politesse et parce qu'elle n'aimait pas laisser des questions sans réponses.
- Vous n'êtes toujours pas drôle, ajouta la jeune femme quand Hermès affirma que depuis tout ce temps il blaguait. Et toujours pas spirituel.

         

Je levais les mains, innocent. J’avais blessé, froissé, et agacé. Je détestais faire ça. Je n’aimais pas que les gens se sentent mal, et encore moins à cause de moi. Alors, comme d’habitude, j’avais pris la position de celui qui rend les armes. J’étais encore aller un peu trop loin, de manière un peu trop pénible, et sans m’en rendre compte.

« Je suis désolé. Je ne voulais pas. »

Je fronçais les sourcils, mais j’avais juste besoin d’éclaircir un point. Un léger point qui m’avait fait hausser un sourcil.

« J’ai pris la place de personne. Le Hermès de ce monde est mort il y a bien longtemps. En revanche, je reconnais que j’ai été indélicat pour Wilson, veuillez me pardonner. »

Il lui fallait un cadeau. Maintenant. Quand on faisait du tort à quelqu’un, il fallait s’excuser et faire un cadeau. J’avais remarqué qu’ici, ça se faisait beaucoup. Aussi, je fis apparaître devant moi un objet étrange.

« Je vous l’offre. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est pour m’excuser... »

Je m’étais beaucoup excusé. Venait après, comme d’habitude, le malaise. Ma main caressa l’arrière de mon cuire chevelu, pour passer dans ma nuque et enfin sur mon visage. Je répétais ce geste trois fois, signe que j’étais en grande détresse. En réalité, je me rendais compte que je n’étais pas sur le même plan de réflexion que les autres, et encore moins sur celui d’Honey.

« Vous savez ce que c’est. C’est un ami à moi qui l’a inventé. Bref. J’espère qu’elle vous plaira. »

Je commençais à regarder autour de moi, me demandant ce que je faisais là. Si je n’avais pas perdu du temps, et si je n’en avais pas fait perdre également. Mon regard se posa sur l’horloge de Da Vinci. Au fond, c’était presque ironique de lui offrir ce truc.

« Je vais me débrouiller autrement. Par moi même, comme d’habitude. »

J’allais partir. Car j’étais arrivé au sommum de la génance. Rapidement cependant je remis en ordre la paillasse, la remettant telle qu’elle était à mon arrivée, en un éclair. Reprenant la ceinture, je l’observais et je fis une moue étrange.

« Encore une lubie. Je n’arrive pas à me fixer sur une passion, c’est assez curieux. Pourtant, j’étais convaincu que cette fois-ci, j’aurai pu aider mes semblables. Vous savez, je ne leur sers pas à grand-chose. Je suis plus un poids. Enfin bref, je vous ai assez fait perdre de temps comme ça. »

J’inclinais la tête poliment, puis, je tournais les talons. Est-ce que j’en avais assez fait ? Est-ce que c’était suffisant ? Est ce que je ne laissais pas un plus mauvais souvenir de moi qu’avant d’être arrivé ? Est ce que je faisais cet effet là à tout le monde. Un peu perdu dans mes pensées, je regardais la ceinture, puis Honey. Puis la ceinture. Et enfin, je soupirai.

« Vous savez. J’essaie de voir le bon côté, toujours faire des blagues pour pas montrer ce que je suis réellement. Ca ne passe pas visiblement avec vous, mais peut être qu’un jour le courant passera. Ou un truc du genre. Si vous voulez me revoir, pour parler, de tout de rien, de ce moment, d’un autre, je suis disponible là. »

Sans crier garde, je fis apparaître une petite carte de visite de mon entreprise, Hermès Express, situé dans les docks à la limite du quartier Est de la ville. Enfin, dans un dernier soupire, je regardais une dernière fois autour de moi, vérifiant de ne gêner personne par ce que j’allais faire. Un coucou plus tard, après avoir agité ma main dans un dernier sourire désolé, je disparus.
L’instant suivant, j’étais au milieu du hanger de l’Hermes Express. Me dirigeant vers les bureaux que j’avais rangé en atelier, je jetais la ceinture dans un coin. Les mains sur les hanches, je poussais un profond soupire, puis l’instant d’après, la salle qui était autrefois un véritable laboratoire d’électronique de débutant disparut pour laisser place à un endroit totalement vide.

« Bon. L’électronique, c’était pas trop ça. »

Pour le moment, Honey restait sur ses gardes. Si elle entendait effectivement les excuses de Hermès (et pourquoi ne les aurait-elle pas entendues ? ce n'était pas son audition que son accident avait affecté) mais elle attendait de voir leur effet concret. La jeune femme opina en apprenant que le Hermès de cette Terre était mort bien avant l'arrivée de ce dieu-là et ne renchérit pas quand il admit qu'en effet, il avait été particulièrement indélicat concernant Wilson. Pour autant, Honey ne comptait pas lui dire que c'était oublié. Le fait est que ça ne l'était pas. Quant à lui pardonner son indélicatesse, la scientifique réservait encore son jugement.
Une fois de plus, Hermès ne tarda pas à faire apparaitre quelque chose devant Honey qui, heureusement, en avait pris l'habitude et ne sursauta pas. C'était la première fois qu'elle rencontrait une personne douée de pouvoirs (magiques ou divins) aussi prompte à utiliser ses pouvoirs à tort et à travers. Elle pouvait imaginer que ce soit un don effectivement pratique mais ne pouvait s'empêcher de se demander si tous ces pouvoirs ne rendaient pas ceux qui les possédaient fainéants. Comment feraient-ils si un jour ils les perdaient ?
Honey aurait pu faire le parallèle, entre les pouvoirs et l'usage des membres inférieurs, qu'elle avait pour ainsi dire totalement perdu, mais elle ne le fit pas. A la place la jeune femme arqua un sourcil en comprenant qu'il s'agissait d'un cadeau. C'était, de son point de vue, une drôle de façon de faire un cadeau. Si Hermès pouvait faire apparaitre tout et n'importe quoi en claquant, littéralement, des doigts, pouvait-on réellement considérer que c'était une cadeau ? Ne manquait-il pas l'intention et l'attention ainsi que le temps de sélection ou de fabrication d'ordinaire associé au processus ? Toutefois, la jeune femme ne fit pas non plus cette remarque à haute voix (craignant, non pas d'être impertinente mais de susciter un débat qui lui donnerait mal à la tête) et décréta :
- Vous n'aviez pas besoin de m'offrir quelque chose. Des excuses sincères et suivies d'effets sont amplement suffisantes. Mais... merci pour le cadeau, conclut la jeune femme avec davantage de bienveillance que précédemment. C'est très joli.
Ce n'était même pas lié au cadeau, pourtant très beau puisqu'il s'agissait d'une horloge de De Vinci, que la jeune femme avait effectivement reconnue, mais bien à la contrition du dieu du vent.
Hermès avait l'air sincèrement désolé - à moins que sa longue vie ne lui ait appris à excellemment bien simuler les émotions humaines. A se passer la main à l'arrière de la nuque, il rappelait Michel-Ange à Honey. Lui aussi avait ce tic lorsqu'il était gêné. Le souvenir, toutefois, ne suscita aucun chagrin à la scientifique. Même si elle continuait d'avoir de l'affection pour la tortue ninja, elle ne regrettait pas d'avoir mis un terme à leur relation. Cela ne signifiait pas que sa vie sentimentale était, actuellement, parfaitement satisfaisante - en fait, elle était surtout parfaitement compliquée - mais Honey s'accommodait de cette situation. Il y avait de nombreuses autres formes d'amour capable de combler un cœur humain.
Tout en se faisant cette réflexion, le regard de Honey fixait l'horloge sur son bureau, qui ajoutait du désordre là où, à l'origine, il y avait de l'ordre. Elle aurait sans doute besoin de l'aide d'un de ses amis pour la déplacer et la mettre ailleurs, soit dans l'appartement qu'elle partageait avec Wasabi, soit dans son bureau personnel. La décision ne pressait pas, alors la jeune femme releva les yeux vers Hermès.
S'il souhaitait s'en aller, Honey n'allait certainement pas l'en empêcher. Comme elle le lui avait dit, elle avait des choses à faire. Certes, la jeune femme appréciait plutôt d'aider les gens, mais ce n'était pas sa vocation première. On pouvait être gentil et avoir ses limites. Honey était suffisamment déterminée pour ne pas avoir peur de dire "non" - même si elle préférait dire oui.
Même sur le départ, Hermès semblait toutefois avoir besoin de se confier et Honey l'écouta. Elle était contente qu'il ait enfin débarrassé son environnement de travail de toutes ses affaires et l'en remercia d'un signe de tête. La jeune femme était aussi interloquée. Pourquoi un dieu millénaire ressentait-il le besoin de confier ses états d'âme à une mortelle qu'il connaissait à peine ? Depuis quand, aussi, les dieux avaient-ils besoin de se trouver une passion ? N'avaient-ils pas déjà des attributions forgées, on pouvait l'espérer, d'après leurs centres d'intérêt ? Et comment Honey pourrait-elle, de toute façon, le conseiller sur comment occuper ses longues journées ?
- Vous savez, je vous connais pas spécialement donc je ne peux pas vous conseiller sur vos hobbies ou sur votre place au sein du... euh... panthéon divin, j'imagine ? se hasarda la jeune femme. Mais de nos jours y a plein de cours du soir sur plein de choses. Vous avez qu'à essayer d'en trouver un sur un sujet qui vous plait.
Honey ne poussa pas son raisonnement jusqu'au bout car il lui semblait clair : si Hermès agissait ainsi il trouverait un professeur payé pour lui enseigner, qui aurait le temps et les qualités requises pour le former, surtout s'il était un grand début, une "espèce" dont la chimiste s'approchait le moins possible, se sachant incapable de les instruire correctement.
- Vous devriez être davantage vous plutôt que de vous réfugier derrière des blagues. Elles n'amusent pas forcément votre public, fit remarquer Honey, factuelle. Et si vous ne montrez pas qui vous êtes, vous n'aurez jamais de vrais amis, ce qui est assez triste, ajouta la jeune femme.
L'instant d'après, suivant une nouvelle apparition, Honey récupérait une carte de visite estampillée Hermès Express. Elle l'accepta poliment, se demandant toutefois si elle s'en servirait. A cet instant, la jolie blonde ne voyait pas réellement ce qu'elle pourrait avoir à dire ou vouloir partager avec un dieu en général et avec celui-ci en particulier. Elle ne leur était pas réfractaire, elle n'était simplement pas amie avec eux. Et cela convenait bien à Honey, même si Violette semblait apprécier de les fréquenter.
- Je n'ai pas de carte de visite sur moi pour faire l'échange, expliqua la jeune femme avant que Hermès ne s'en aille dans une téléportation. Mais je garde la vôtre, assura-t-elle.