« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
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| Conte : Vaiana, la légende du bout du monde | Dans le monde des contes, je suis : : Vava, la fille du chef qui n'est pas une princesse même si elle chante et a des animaux de compagnie
You're not alone, I promise Standing together we can do anything
▼۞▼
J’avais l’impression de flotter dans mon océan de douleurs. Elles me tenaient chaud, un peu comme de vieux doudous dont on ne veut pas se séparer. Les jours avaient passé, ma volonté avait vacillé plusieurs fois mais je n’avais pas flanché. J’avais été très surprise de découvrir que ma ténacité venait à bout de mes plus noirs désirs. Je savais que le sevrage serait difficile. Bien souvent, je manquais de prendre une trop forte dose d’héroïne. La tentation, terrible tentation de sniffer un peu plus, juste un tout petit peu. A chaque fois que j’étais sur le point de craquer, je pensais à Temanu. Fier, droit et sage, j’avais l’impression qu’il m’observait du haut du ciel et que de temps à autre, il planait au-dessus de ma tête pour m’entourer de sa présence bienveillante. Peu à peu, grâce à lui, je diminuais les doses et réduisais la prise d’opiacés. Désormais, je prenais “juste” de l’héroïne et de temps en temps, un comprimé d’ecsta’.
Curieusement, c’était se rendre aux réunions des toxicos anonymes qui me semblait le plus difficile. Dans ces moments-là, je devais être honnête avec moi-même. C’était comme se regarder dans un miroir qui reflétait l’âme et non le corps. Etre mise à nue devant d’autres personnes. Des inconnus, des gens similaires, qui dérivaient de la même façon, entre crack et ecstasy. J’avais repoussé ce moment à de nombreuses reprises, mais je devais me rendre à l’évidence : je ne pouvais réussir seule. J’avais besoin d’aide. Et je préférais aller la chercher auprès d’inconnus plutôt qu’avec mes proches. J’avais bien trop honte... Je ne souhaitais pas leur montrer l’épave que j’étais devenue.
Des cernes jusqu’au menton, le teint anormalement pâle pour la carnation de ma peau, les veines saillantes à mes tempes et sur mes mains, des tremblements dans mon corps de temps à autre, des insomnies de plus en plus nombreuses... Sans parler des douleurs diffuses dans ma chair, sans interruption. Je dérivais dans un océan de souffrance perpétuelle. Je me sentais anxieuse, à fleur de peau. Constamment.
Non, le plus dur, c’était de ne plus exploser. C’était ce que je redoutais le plus. Les drogues me permettaient d’endormir mon pouvoir. Je craignais ce qui se passerait si par malheur il s’activerait de nouveau... Pour l’instant, il ne s’était pas manifesté. Peut-être que le fait de rencontrer Manu m’avait permis de mieux me maîtriser ? De faire la paix avec cette part de moi-même ?
J’en étais là de mes réflexions tandis que j’errais dans le hall, attendant le début de la réunion. Je n’osais croiser le regard des autres toxicos. Comment entamer la conversation ? “Salut, moi c’est Vaiana. Héroïne et ecsta. Et toi, c’est quoi ?” Minable entrée en matière. Je préférais garder le silence. Je louchai sur un panier empli de pains au chocolat. Mon estomac se noua. Je n’avais rien mangé depuis vingt-quatre heures et pourtant, même si j’avais faim, les nausées me dissuadèrent de toucher à quoi que ce soit.
Une voix familière me fit tourner la tête. J’ouvris des yeux ronds en direction de la rouquine qui s’empressa d’ôter le badge portant son nom. Jessie. Le lire me le remémora. J’oubliais beaucoup de trucs, ces derniers temps. La voir me renvoya plusieurs mois en arrière, quand cette flic m’avait placée en cellule de dégrisement car elle m’avait trouvée complètement déglinguée... Elle m’avait offert son aide que j’avais décliné en bloc. Bizarrement, la revoir provoqua un frisson le long de mon échine. La part la moins censée de moi, celle qui flippait pour tout et rien depuis le début du sevrage, redouta que Jessie vienne me passer les menottes. Je tentai de me ressaisir.
Calme-toi. Tu n’as rien fait de mal. T’as l’air mal en point mais tu es dans un endroit où c’est fait pour.
Je ne fus pas spécialement rassurée pour autant. C’était plus fort que moi : les flics étaient associés à la tôle et à tout ce qu’il fallait éviter.
— Tu vas pas te dégonfler hein ? Je te laisserai pas faire de toute façon, moi aussi j’assite à cette réunion et je préfère avoir une copine avec moi, c’est plus rassurant, tu ne trouves pas ?
Il ne manquait plus que ça. Avait-elle lu dans mes pensées ? L’idée de fuir m’avait effleurée l’esprit, évidemment. Cependant, j’avais réussi à passer outre ma lâcheté. Il était temps de me prendre en mains. Je n’avais pas fait tous ces efforts en vain. Temanu passa en coup de vent dans la pièce, chassant mes douleurs de ses ailes puissantes, pendant un court instant.
J’observai Jessie, sceptique. Pourquoi assistait-elle à cette réunion ? Avait-elle des penchants sur la bibine ou une toute autre forme d’addiction ? Elle semblait plutôt réglo, pourtant. Le parfait cliché de la policière sans défaut. Malgré tout, elle portait un badge, tout comme moi, et en la détaillant davantage, je remarquai que sous ses airs débonnaires, elle abritait un profond chagrin. Je le lisais au fond de ses yeux encore un peu humides.
— On n’est pas copines... marmonnai-je, sur la défensive.
Je n’étais pas fan de ces gens qui se prétendent les meilleurs amis du monde en se connaissant à peine. Les relations bâties sur le vent, très peu pour moi. En fait, je préférais me lier au moins de monde possible afin de ne pas souffrir. Au final, j’étais très seule et... pas du tout heureuse. La crainte de m’ouvrir aux autres surpassait tout le reste. Une vague d’angoisse me submergea intérieurement et je réprimai un haut-le-cœur. Dans le même laps de temps, Jessie m’attrapa par le bras pour m’emmener en direction de la salle de réunion. Je me laissai faire, ayant l’impression que mon corps avait la consistance du chiffon. La bonne humeur feinte de la policière me donnait mal au crâne. J’aurais aimé lui faire comprendre que je ne souhaitais pas de visage connu pour ma première séance, mais elle s’était déjà assise. Impossible de la déloger.
Je pris place sur une chaise et grimaçai, les douleurs diffuses étant revenues. Aucune position ne me convenait. Mes os me faisaient mal. Je m’assis donc au bord du siège, les bras serrés autour de moi, le dos courbé en avant. Dans un état second, j’entendis Jessie préciser qu’elle n’avait jamais touché à la drogue. Une sainte, en plus. Ou une menteuse. Je misais davantage sur la première hypothèse.
Puis, sans prévenir, elle annonça qu’elle souhaitait être ma marraine. Je plaçai la tête dans ma main, après avoir chassé mes cheveux de devant mes yeux, pour lui lancer un regard ahuri. J’avais l’impression qu’elle allait à cent à l’heure pendant que je restais sur le quai.
— Pour que le duo Marraine/Filleule fonctionne, ils faut que les deux personnes soit d’accord... vous aurez par la suite une session à deux pour faire connaissance et voir comment vous voulez travailler... mais il faut déjà que tu sois sûre de vouloir travailler avec Jessie, Vaiana.
— Ca fait beaucoup en seulement une minute, déclarai-je d’un ton pâteux.
Jessie appuya sa candidature en me donnant un surnom et précisant qu’elle allait m’en faire baver. Tout pour donner envie. Tout en me frottant la tempe, je tournai la tête vers le chef de réunion :
— On pourrait commencer par le truc classique du “Bonjour, je m’appelle Vaiana...” ?
— Bonjour, Vaiana, ânonnèrent les autres participants.
Je déglutis. Ça faisait carrément froid dans le dos. Etais-je entrée dans une secte sans le savoir ? Leur avait-on lavé le cerveau ?
— Tout compte fait, j’ai changé d’avis, annonçai-je en me levant d’un bond.
Le sol se gondola sous mes pieds. Je chancelai mais restai bien droite, prête à m’en aller. Le chef se leva à son tour, me regardant d’un œil soucieux.
— Vraiment ? Ici, on ne force personne, Vaiana. Tu es libre de partir si tu le souhaites.
Je sentais peser le “mais...” dans ses paroles. Mais si tu restes, on peut t’aider. Mais si tu restes, tout ira mieux pour toi. Des foutaises. Ils étaient flippants à me fixer tous comme si j’étais un poussin égaré.
— Je pense que vous pouvez rien pour moi, lançai-je avec raison. Je suis une bombe à retardement. C’est pour ça que j’ai pris des opiacés, au début. C’est le seul truc qui m’empêche de tout péter. Ça anesthésie mes pouvoirs. Personne d’autre n’a ce problème. Personne.
Ça n’était pas condescendant de parler de cette manière. J’énonçais seulement une vérité. Je n’étais pas comme ces toxicos qui se foutaient volontairement en l’air pour quelques minutes d’euphorie. Si j’avais sauté le pas, c’était pour protéger les autres. Pour faire taire l’instinct destructeur qui vivait en moi.
Le chef de réunion m’observa sans mot dire, avec sollicitude. Mes nausées redoublèrent. Enfin, il déclara :
—Tu as dit “au début”. Pourquoi en as-tu pris, ensuite ?
Il était con. Je ne voyais pas d’autre explication. Pour ne pas risquer la vie des gens, peut-être ? Pour garder le contrôle sur mon pouvoir ? Je ne me donnai pas la peine de répondre.
— Faites gaffe à votre cerveau, prévins-je les autres rassemblés en cercle autour de lui.
S’ils avaient encore une once de bon sens, qu’ils s’en servent pour quitter cet endroit au plus vite. Ils se lancèrent un regard indécis tandis que je claquai la porte de la salle de réunion. Il me fallait de l'air, et vite !
J’avançai d’un pas chancelant, dépassant rapidement le buffet du hall qui me soulevait le cœur, pour pousser la double porte et me retrouver au-dehors. J’inspirai profondément, courbée en deux, avant de déglutir. Le fait de sortir n’enlevait pas mon impression d’étouffer. Quelque chose était toxique dans ce périmètre. J’entendis des pas dans mon dos et me retournai.
— Je sais pas ce que tu t’imagines, mais je suis pas un poussin perdu que tu vas pouvoir cajoler ! Lançai-je à Jessie. Je suis pas un espèce de jouet que tu peux réparer. En fait... je sais pas pourquoi tu me colles comme ça ! Pourquoi tu me lâches pas ?
Je la dévisageai, sur la défensive.
— C’est quoi ton problème ? T’as perdu qui pour te comporter comme ça ?
Les mots m’avaient échappé. Je ne voulais pas les formuler ainsi. Trop tard. C’était fait. A présent, il allait falloir encaisser des deux côtés.
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Jessie James
« Jessie never gives up, Jessie finds a way! »
Elle va être sympa cette mairie, j'le sens bien... On va s'entendre copains comme cochons...
Edition Août-Septembre 2020
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Pourquoi me racontait-elle cette histoire atroce sur les poussins agressifs rejetés par leur famille ? Ça me faisait beaucoup plus mal que ça n’aurait dû. C’était sûrement le manque qui décuplait toutes mes sensations. J’avais un creux terrible à l’estomac, des nausées, la tête lourde et bourdonnante. Tout ce que Jessie disait n’était pas faux, mais je n’avais pas envie de l’admettre. J’avais surtout retenu sa proposition de manger quelque chose. Peut-être que ça allait m’aider à aller mieux ?
Une fois qu’elle eut fini de parler, je la fixai d’un œil flou à travers quelques mèches folles.
— T’as l’air réglo, dis-je au bout de quelques secondes de silence. Mais je ferai rien sans la présence d’un chicken burger frites avec un milkshake noix de coco.
Mon regard se transforma en une expression de défi, tandis que ma tête dodelinait légèrement. En gros, j’approuvai son deal. Partager nos malheurs autour d’un repas bien gras, c’était quelque chose qui me parlait.
Trente minutes plus tard, au bord de l’eau...
Je venais de vomir tout ce que j’avais ingurgité. Je me sentais si mal que je n’avais même pas réussi à m’éloigner de Jessie. Au bout de deux mètres, j'étais tombée à genoux et j’avais rendu tripes et boyaux dans le sable.
— Désolée pour cette galette... marmonnai-je à la jeune femme, avant de me recroqueviller sur le sol.
Les crampes d’estomac étaient violentes. Les nausées me prenaient toujours, accentuées par les effluves de nourriture posées un peu plus loin. Je lançai un regard attristé à mon chicken burger à peine entamé.
— Si jamais ça t’a... pas coupé l’appétit, tu peux finir ma bouffe.
Je voulais me montrer sympa, bien que la douleur me fît presque halluciner. Je voyais double. Jessie avait amené sa sœur jumelle. Le bruit du ressac, qui me berçait d’ordinaire, agressait mes oreilles. Je fermai les paupières en grimaçant, remuant mollement dans le sable.
— Ca va passer... C’est pas la... première fois que ça arrive, articulai-je difficilement.
Il n’y avait rien à faire. Seulement attendre que la “crise” s’arrête. C’était le premier jour où j’avais tout stoppé. Pas de morphine, plus d’ecsta’ depuis la semaine dernière et rien pour compenser. Mon corps était en vrac. Il se rebellait. Il réapprenait à vivre sans opiacé. J’étais consciente de la difficulté. C’est souvent pour cette raison que les junkies ne se sèvrent pas, même s’ils en ont parfois envie. Il faut énormément de volonté pour supporter cette souffrance dévorante. Notre organisme se révolte, il reprend ses droits sur la Nature mais ne nous appartient plus. C’est comme le remettre à des forces supérieures. Au final, on n’obtient que de la douleur. Et quand tout est terminé, on se réveille vide.
Plus ça passait, et plus je réalisais l’ampleur de la tâche. Soulever une montagne fait beaucoup moins peur. Je savais ce qui allait suivre, cela avait déjà commencé : j’aurais envie de prendre une dose de n’importe quoi. Juste pour apaiser le mal. Avoir l’impression de retrouver le contrôle. Je n’étais pas désespérée au point d’implorer Jessie. Pour l’instant, je conservais suffisamment de self-control pour ne pas réclamer une dose quelconque. De toute manière, je me doutais qu’elle n’en ferait rien.
— Pas besoin d’aller à l’hôpital, précisai-je d’une voix faible. Vais juste... me reposer. On peut parler, si tu veux. Ça m’empêchera de tomber dans les vapes.
Je marquai une pause puis ajoutai, avec un rictus en coin :
— Je déconne. Flippe pas.
N’empêche, j’avais bien fait de quitter la réunion. Si je m’étais écroulée au beau milieu de tous ces gens, ils auraient appelé les pompiers et je me serais retrouvée entre quatre murs, dans une chambre anonyme, avec sans doute un suivi psychiatrique à la clé. J’étais bien mieux au bord de l’eau, la joue dans le sable, avec le vent qui jouait dans mes cheveux et le bruit des vagues.
— C’est raccord pour une épave de finir sur une plage.
J’esquissai un pâle sourire ironique. Bizarrement, n’être plus qu’un amas de douleurs me rendait particulièrement loquace. Parler me permettait de ne pas me focaliser sur mes articulations rigides et atténuait les nausées.
— Il t’est arrivé quoi ?
Mes doigts s’enfoncèrent dans le sable. Je cherchais à me raccorder à la Nature, dans l’espoir d’atténuer ma souffrance. Le vent s’insinuait à travers mes vêtements, me faisant frissonner.
— C’est pas un concours. T’es pas obligée de raconter. Mais le truc cool pour toi, c’est que si tu le dis maintenant, il y a une chance sur deux que j’oublie. Donc si jamais tu viens à regretter d’en avoir parlé, ça sera pas grave.
Je lui adressai le regard le plus encourageant que j’étais capable d’esquisser à un moment pareil.
— Mange des frites. T’as l’air pâlichonne...
C’était la noix de coco qui se moquait du cocotier. Un peu d’humour ne pouvait pas empirer les choses, après tout !
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. Vaiana ϟ Jessie .
— Tu dors ?
— Mmh ?
Je m’arrachai à la torpeur avec difficulté. Je me sentais toute engourdie. Il faut dire que Jessie savait sacrément y faire pour apaiser quelqu’un. Ainsi allongée sur ses genoux, elle s’était laissée bercer par ses paroles. Bien que son histoire soit loin de ressembler à un conte de fées, j’avais manqué de sombrer pour de bon dans un sommeil de plomb.
— Non, je dors pas. Je dors pas ! assurai-je avec un peu trop d’insistance.
Je me redressai tant bien que mal et sentis mon coude s’enfoncer dans le sable. Ma tête retomba aussi sec sur les jambes de la cowgirl. Décidément, elles étaient très confortables.
— C’est pas que ton histoire soit assommante, bien au contraire.
D’un revers de main, j’essuyai la salive qui avait coulé au coin de ma bouche.
— Je me sens vraiment crevée par moments. Et dégueuler ça n’aide pas à rebooster...
J’avais bu plusieurs gorgées d’eau quand elle m’avait donné sa bouteille. Ça m’avait fait du bien. Malgré tout, je ne me sentais toujours pas dans une forme olympique. Remonter la pente, ça prend du temps. Si c’était facile, tout le monde le ferait tous les jours. Pas étonnant que plein de gens rechutent. Allais-je en faire partie ? Je sentais ma volonté s’effriter de minute en minute. Je savais que si je prenais un seul comprimé, tout irait mieux rapidement. Mais ce ne serait qu’un leurre. Un mensonge envoyé à mon organisme. Il méritait mieux que ça. Je méritais mieux que ça.
— Elle est méga triste, ton histoire, fis-je soudain remarquer. Ton but, c’était de m’enfoncer ?
Avec un peu d’élan, je parvins à m’asseoir dans le sable. Je décochai un sourire à Jessie.
— Je te charrie. C’était touchant.
Elle n’attendait pas que je m’adresse à elle comme si j’étais psy. Elle s’était seulement montrée réglo vis-à-vis de notre arrangement. Si elle me soutenait, en contrepartie elle devait me révéler quelque chose de sa vie. C’était chose faite. Je ne me sentais pas mieux, mais au moins, je ne me sentais plus seule. Elle avait remis mon existence en perspective : quand on va mal, on réduit notre univers et on se met à tourner en rond à l’intérieur, en énumérant sans cesse ce qui va de travers. On se ferme aux autres. On oublie qu’ils existent et qu’ils souffrent, eux aussi. J’avais l’impression que Jessie avait remué mon radeau au milieu de mon océan de douleurs, et qu’elle était venue me rejoindre. Désormais, on dérivait ensemble.
— Mon boss m’a plus ou moins fait comprendre qu’il en pinçait pour moi.
On avait défini que c’était donnant-donnant. Alors, à mon tour de déballer mon sac. Je n’étais pas obligée, mais j’en éprouvais le besoin. Je me sentais suffisamment en confiance. Ce n’était pas mon genre de baisser ma garde à ce point face à une personne que je connaissais à peine, cependant j’estimais que Jessie s’était montrée suffisamment honnête. Je doutais qu’elle ait inventé toute cette histoire. Tout sonnait trop vrai, et elle avait eu trop de peine dans la voix pour que ça soit du pipeau.
— J’ai eu un peu de mal à gérer ça, repris-je tout en passant une main dans mes cheveux emmêlés. Surtout que c’est arrivé au moment où j’étais un peu stone. J’étais pas dans le meilleur des mood, quoi...
D’un coup de talon, je fis sauter mes Converses puis ôtai mes chaussettes d’un geste balourd. Lorsque mes pieds s’enfoncèrent dans le sable, un petit soupir m’échappa. C’était comme me reconnecter à l’essentiel. Comme si je prenais racine. Ou plutôt, que je retrouvais mes racines.
— J’ai pas réagi. Je suis juste... partie, dis-je en haussant les épaules.
Tout en parlant, je faisais rouler distraitement la bouteille à moitié vide dans le sable, aplatissant ce dernier entre mes jambes écartées. A travers un rideau de cheveux, je lançai un regard maussade à l’horizon. Je me sentais encore nauséeuse, même si quelque chose me donnait l’impression d’être soutenue. Les racines à mes pieds, sans doute.
— Je ne suis plus jamais retournée travailler. J’ai pas prévenu. Je voyais pas quoi dire... Le souci, c’est que je voulais pas lui faire de peine. Je tiens beaucoup à mon boss. C’est quelqu’un de bien. Un chic type.
Je me mordis les lèvres en fermant brièvement les yeux.
— Et moi, je suis pas quelqu’un de bien.
Je plantai la bouteille dans le sable à côté de moi puis étendis les jambes pour observer l’horizon droit dans les yeux.
— Je voyais pas comment lui dire que je ne ressens pas la même chose. Du coup, j’ai fait ce que je fais toujours : je me suis enfuie. J’ai pas affronté le problème. Je m’en veux parce que... il mérite davantage de considération. Surtout que...
Instinctivement, je rentrai la tête dans les épaules.
— Il continue de me verser un salaire chaque mois...
Cela faisait quasiment un trimestre que je n’avais pas posé le pied dans l’entrepôt de Hermès Express. Oui, j’avais honte. J’avais l’impression d’abuser de sa gentillesse. Cette situation était inconfortable au possible.
— Je sais que c’est moche, admis-je dans un soupir. Tu ferais quoi à ma place ?
Brusquement, je basculai en arrière. Bras et jambes écartés comme un ange déchu qui viendrait de s’écraser, je fixai la voûte étoilée d’un œil vide. Les étoiles se mirent peu à peu à tourner au-dessus de ma tête.
— J’ai l’impression d’être piégée dans une grande boîte noire et les parois se rapprochent de plus en plus... Je comprends tellement ton côté claustro. Ça s’arrête à un moment, tu crois ? C’est possible de sortir de la boîte ?
Mon intonation devint presque timide. J’avais honte de montrer mes faiblesses à ce point. Mais je ne me sentais pas jugée par Jessie. Au contraire, je me sentais seulement écoutée. Ça faisait du bien de ne plus garder tous ces maux pour moi-même. Mon cœur me semblait moins lourd.
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. Vaiana ϟ Jessie .
Les propos de Jessie me firent du bien. Elle avait raison : je n’étais pas mauvaise par nature. Malgré tout, j’avais déjà mal agi par le passé. Très mal agi. Il fallait que je fasse attention à ne pas basculer. Plus facile, plus séduisant est le chemin qui mène au côté Obscur... Je m’étais à moitié endormie devant une rediffusion de Star Wars, quelques jours plus tôt. Je trouvais que la citation qui m’était venue en tête collait plutôt bien.
Tandis que j’écoutais la flic/cowgirl (franchement ça en jetait, mais je ne trouvais pas le moment adéquat pour le préciser) parler, un soupir s’échappa de ma gorge. J’eus l’impression que tous mes soucis s’envolaient avec lui vers les étoiles. Pendant quelques secondes, je me sentis apaisée. Puis, tout me revint en pleine noix de coco.
Jessie me bombarda de questions concernant Hermès. Je me redressai, le cœur battant, presque affolée par tant d’interrogations. Je ne m’en étais pas posée la moitié, jusqu’à présent.
— Euh...
Wouaho. Sacrément pertinent, Vaiana. Je me grattai la tête. Ce n’était pas évident de réfléchir dans mon état actuel. J’avais des douleurs un peu partout ainsi qu’un fond de nausées. Cependant, j’étais plus ou moins toujours dans ce mood, en ce moment. Alors autant prendre le taureau par les cornes.
— J’ai envie de travailler là-bas, oui... J’aimais bien. Les horaires étaient flexibles. Parfois, je livrais un seul colis par jour et il me disait rien ! C’est un boulot super cool. Mais...
Instinctivement, je rentrai la tête dans les épaules. Puis, je fixai mes pieds joints, talon contre talon, tandis que mes mains entouraient mes chevilles. J’étais assise dans le sable comme un bébé. Ça me rappelait quand j’étais petite, sur l’île de Motunui, quand je me reposais après avoir aidé les bébés tortues à traverser la plage. Tout ceci me paraissait si loin...
— Je ne sais pas s’il arriverait à rester dans une relation boss/employée, dis-je du bout des lèvres. En fait, je le connais pas assez pour me prononcer... Mais c’est clair que s’il devenait lourdingue, je pourrais pas le supporter. C’est ça qui me stresse : la perspective de le perdre. Parce que...
Ma chevelure tomba comme un rideau devant mon visage. J’en profitai pour avouer dans un murmure :
— Parce qu’il me manque.
Pensive, je ramenai une mèche en arrière afin d’observer les vagues dont l’écume se reflétait dans la faible lumière de la lune. Avec une moue, j’ajoutai :
— Ca prête à confusion. Je peux pas lui dire qu’il me manque, parce que là il risque de s’enflammer. Alors que c’est vrai, il me manque, mais comme un boss. Ou un ami. Pas comme... ce qu’il voudrait.
Avec un nouveau soupir, je m’effondrai de plus belle dans le sable, les bras écartés. La fatigue me terrassait. Mon corps meurtri réclamait réparation, dans tous les sens du terme. Malgré la fraîcheur du soir, je sentais la torpeur me gagner.
— Je crois que... je vais vraiment m’endormir, estimai-je d’une voix molle. Tu peux me laisser là. Le type qui ramasse les détritus sur la plage me réveillera demain matin. Ça sera pas la première fois.
J’hésitai à lui réclamer une couverture (j’en avais vu une sur la banquette arrière de sa voiture) mais jugeai que c’était abusé. Elle avait déjà donné beaucoup de son temps pour moi. Je n’allais pas en plus lui taxer une couverture.
Après un petit silence, j’ajoutai dans un filet de voix :
— En tous cas, ça m’a fait beaucoup de bien de parler avec toi. T’es quelqu’un de cool.
A travers quelques mèches de cheveux, je lui adressai un timide regard. Je lui étais infiniment reconnaissante. Je n’avais pas l’habitude qu’on se soucie de ce qui m’arrivait. J’avais appris à garder les choses qui blessent en moi, et à les empiler jusqu’à l’écœurement. Quand elles devenaient trop lourdes à porter, je prenais des comprimés. Alors, la souffrance s’atténuait. Pas longtemps. Pas assez. Puis tout recommençait. La vie m’écorchait, de façon plus brusque, encore plus douloureuse. Elle me forçait à me droguer. Elle ne me laissait pas le choix. Mais peut-être que tout allait changer.
Pour une fois, je me sentais véritablement soutenue. Jessie avait réussi à trouver les mots qui sonnent juste. Ils résonnaient en moi au moins autant que le bruit du ressac. Je voulais y croire.
Je plongeai les mains dans le sable froid. J’avais passé une étape. Sans doute la plus importante. Tandis que mes paupières lourdes tombaient, je songeai, à demi-égarée dans la torpeur :
Et demain, tout commence.
*
Le lendemain...
Je me réveillai emmitouflée dans une couverture épaisse, à même le sol. J’en sortis la tête avec une moue indécise et celle de Hei-Hei surgit bientôt tout à côté. Il émit un piaillement qui traduisit tout à fait ma perplexité. Je pensais m’être endormie sur la plage mais de toute évidence, ce n’était pas le cas. Tandis que je me redressai dans la couverture, mon coq en profita pour s’en extirper. Il sauta maladroitement, manqua de se manger la moquette, puis zigzagua dans mon studio jusqu’au canapé-lit une place duquel dépassait une tignasse rousse. Il entreprit de picorer la chevelure flamboyante.
Peu à peu, tout me revint en tête : Jessie avait refusé catégoriquement de me laisser en mode épave sur la plage. Elle m’avait ramenée chez moi. C’est là que je lui avais proposée de rester. Ou alors, c’était elle qui avait préféré veiller sur moi ? Cette partie demeurait floue dans mon esprit. Quoi qu’il en soit, je me rappelais avoir insisté pour qu’elle prenne le canapé-lit. Hors de question qu’une invitée dorme par terre. J’avais quand même un peu de savoir-vivre.
Repoussant la couverture, je m’étirai et me levai. Titubant, je me dirigeai machinalement vers le tiroir dans lequel je rangeais les différents comprimés et l'herbe. J’avais tout dégagé quelques jours plus tôt. Maussade, je ramenai mes cheveux en arrière. Je me sentais à cran, névrosée, affamée.
— Hei Hei, veille sur elle le temps que je revienne, murmurai-je à mon coq.
Pour toute réponse, il continua de picorer les cheveux de Jessie, toujours endormie. Sans prendre la peine de m’habiller correctement, j’enfilai un sweat-shirt et quittai le studio en faisant le moins de bruit possible.
Je revins un quart d’heure plus tard, un sachet en papier dans les bras. Sûrement lassé des cheveux de Jessie, Hei Hei s’attaquait désormais à sa joue. Était-ce cela qui l’avait réveillée ? Quoi qu’il en soit, elle avait quitté le royaume de Morphée et se frottait les yeux.
Quelque peu déroutée d’avoir quelqu'un chez moi, je lançai un “Salut...” incertain.
— Bien dormi ? J’ai... j’ai voulu ramener des croissants ou un truc cool à manger mais près des docks, y a pas de boulangerie alors...
Je baissai les yeux sur le sachet que je venais de poser sur la table pliable.
— J’ai pris des crevettes.
Dubitative, je me grattai la tête. Sur le moment, j’avais trouvé que c’était mieux que rien, mais maintenant que j’y réfléchissais, ça me semblait un peu bizarre comme petit-déjeuner.
— J’ai de quoi faire du café, dis-je précipitamment. Enfin... je crois...
Incertaine, je coulai un regard en direction des placards, puis en direction de l’évier qui débordait de vaisselle sale. Atlas m’aurait passée un savon s’il avait vu ça. C’était un accro compulsif de la vaisselle.
A cet instant, quelque chose émit un bip régulier. Fronçant les sourcils, je cherchai l’origine du bruit. Ce n’était pas un réveil - je n’en possédais pas – et c’était bien trop inhabituel pour que je reconnaisse le son. Puis, je compris que ça provenait de l’appareil noir, petit comme un lecteur MP3, qui appartenait à Jessie. Il était posé sur la table.
— C’est une bombe ? Ça va exploser ? supposai-je, moins concernée que je l’aurais dû.
J’étais encore trop groggy – et affamée - pour paniquer. Soudain, avec une dextérité inhabituelle, Hei Hei grimpa sur la table. Il fixa le petit objet d’un œil hagard puis ouvrit le bec dans l’intention de l’avaler. Je l’attrapai de justesse et le lançai à Jessie (l’appareil, pas mon coq).
— C’est dangereux ou pas ? commençai-je à m’inquiéter. On doit évacuer le périmètre ?
Ça bipait toujours sans interruption.
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Jessie James
« Jessie never gives up, Jessie finds a way! »
Elle va être sympa cette mairie, j'le sens bien... On va s'entendre copains comme cochons...
Edition Août-Septembre 2020
| Conte : Toy Story | Dans le monde des contes, je suis : : Jessie, l'écuyère