« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
outes les choses changent. C’est ce qui fait la vie. L’évolution, le déplacement de l’air… rien ne reste exactement pareil avec le temps. Même de l’eau qui tombe, goutte par goutte, contre un rocher, finira par le creuser, et ça changera le lieu. Même une personne change à chaque battement de son cœur. Sanada savait qu’il changeait tous les jours… C’était aussi pour ça qu’il n’arrivait pas à arrêter de se noyer dans l’alcool. L’alcool était une constante dans sa vie. Celle-ci, celle d’avant, et celle qui arrive. Et même s’il change cette constante était importante pour lui. Il ne voulait pas penser à tout. Il n’était pas comme Shinta. Il n’était pas comme Liliann. Il n’était pas comme son père, pas comme son frère, il était lui. Et il avait cette impression que s’il enlevait l’alcool de son esprit, de son corps, de son histoire, alors il sera obligé d’assumer toutes ses pensées. Il ne le voulait pas. Il n’avait pour dire la vérité aucune envie d’essayer.
D’un coup, il se sentait hypocrite avec Liliann à ses côtés. Il lui disait que tout change. Il lui expliquait que c’était inéluctable, et que rien ne pourra changer cela … et pourtant il se bornait à essayer lui aussi. A rester dans une immobilité instable qui le tenait concentré. Peut être devrait il se laisser tomber ? Peut être devrait il tout lâcher, les nerfs, l’espoir, la bouteille de sake qu’il trimballait avec lui … et peut être devrait il essayer de réellement changer ? Ne pas laisser le temps le faire tout seul, forçait le destin, forçait l’histoire ? Il ne savait pas. Il ne savait plus. Et en étant avec Liliann il avait la sensation qu’il trouverait une réponse. Et ça l’effrayait.
Mais pas que. Cela lui donnait aussi l’impression qu’il pouvait tout accomplir. Avancer, reculer, revenir, recommencer, partir, tout. Il pouvait tout faire s’il y avait une personne comme elle à ses côtés … pouvait il se permettre d’avancer, de changer avec elle ? Oui. Tout change. Elle changera aussi, et il changera à ses côtés. Mais il préférait changer avec elle plutôt que d’attendre que ça n’arrive un peu comme par magie. Alors les yeux qu’il posa sur elle était empli de cette envie de ne pas bouger. De rester immobile à ses côtés, pour changer ensemble, pour modifier leur vision du monde et de leur histoire juste en laissa la rotation de la terre se faire sous leur pied. D’avancer en changeant, en prenant cette modification à bras le corps, comme un combat de sumo. Voilà ses pensées alors qu’il regardait Liliann. Il sourit en lui prenant sa main dans la sienne.
- Tout change.
Répéta t il. Mais son regard n’avait pas changé. Il sourit alors qu’il faisait une petite pression sur sa main. Une pression tendre, douce, comme un enfant qui a besoin d’un peu plus de courage pour parler pour la première fois à une personne qu’il veut comme ami.
- Mais ce n’est pas forcément un mauvais changement, et pas forcément un gros changement. Alors si pour que tu acceptes je dois attendre 5789856 ans alors j’attendrais exactement ce nombre que j’ai oublié tout juste après l’avoir dit.
Il sourit toujours cette main dans la sienne. Il pouvait bien lui laisser tout le temps qu’elle voulait. Chaque jour, ils prenaient un jour. Chaque heure, ils prenaient une heure. Chaque minute, chaque seconde, ils prenaient une minute ou une seconde… mais le temps pour faire que tout se place, comme un puzzle que faisait la vie, Sanada se surprit à pouvoir perdre des milliers de secondes, de minute ou d’heure juste pour elle. Il l’écouta alors. Doucement. Et il répondit avec cette même douceur qu’il avait envie de mettre dans toutes les choses en rapport à la jeune femme.
- J’ai eu besoin de toi, sache le. Tu es et tu seras toujours un pilier de la vie que j’ai réussi à mener après … ça. Je te demanderais jamais de partir. Je veux connaître celle que tu dis être, voir la différence avec celle que je connais, de moi-même … comme un grand peut être ?
Il ne savait pas vraiment comment le dire … mais elle semblait si sur d’elle quand elle disait qu’elle n’était pas la même femme. Qu’elle n’était pas … elle…Liliann, sa Liliann. Il voulait le voir lui-même … comme un grand. Il voulait en avoir la preuve … réellement la preuve.
- Si je n’avais été que le fils de mon père ? Je suis le fils de mon père. Mais je crois que je vois ce que tu veux dire. Si je n’avais pas disparu, tu ne l’aurais pas rencontré, c’est bien cela ? Je pense alors que c’est une des rares bonnes choses qui est arrivé à cause de ma disparition.
Le mal de son frère, le fait que Yahiko n’osait pas rester avec la famille, toutes les choses qui ont fait que la famille était un peu éclatée … c’était sa faute. Et rien de tout cela n’était positif… Mais Liliann, Liliann était le positif dans toute cette histoire et il ne pouvait pas essayer de voir les choses autrement. Sanada observa un instant « plus loin » quelque part entre le passé et le futur. Un horizon qui n’avait de limite que les bordures de son imagination. Il voyait des possibilités, il voyait des possibilités, des lignes de temps différentes. Puis il sourit, et reposa sur elle le regard de la certitude.
- On se serait rencontré autrement peut être, mais je ne pense pas que nous ne nous serions jamais rencontré.
C’était aussi pour cela qu’il avait eu ce « besoin » de lui parler de ce qu’il savait. Parce que qu’importe la ligne de temps qu’il pouvait imaginer à l’horizon, il voyait toujours cette conversation arrivé un jour où l’autre … et il préférait lui dire la vérité, être honnête, avouer ce qu’il savait, ce qu’il avait appris, pour mieux la protéger de ceux qui lui veulent du mal. Oh, il imaginait bien que le journaliste ne lui voulait pas tant de mal que ça en réalité … mais … grappiller les secrets pour les ressortir sans autorisation des personnes concernées, il ne pouvait laisser faire.
- Pour avoir un sujet à parler. Une personne qui aide à forcément un secret, et tout le monde rêve de pouvoir le comprendre.
Il se souvenait de l’article qu’il avait lu. Certes la personne parlait avait bienveillance de son passé, en expliquant que les personnes les plus tristes donnaient les personnes les plus altruistes. Il disait que le passé avait fait de la femme une bonne personne … mais ça ne plaisait tout simplement pas à Sanada qui refusait qu’une vérité soit jetée ainsi à sa figure. Elle était une personne altruiste. Elle était une personne triste. Elle était aussi une personne sensible qui méritait que son passé reste secret si elle en avait envie. Elle ne méritait pas d’être mit sur la table d’une quelconque classe de la vie pour subir une dissection sociale. Elle ne méritait pas que les gens se retournent sur son passage pour chuchoter des paroles qu’elle ne pouvait entendre. Sanada l’avait vécu. Sanada ne le voulait à personne. Et Sanada savait que s’il avait survécu le jour de sa première rentrée des classes, c’était parce que dans sa maison il y avait des gens qui l’attendaient pour le soutenir.
Comme il allait la soutenir de tout son être. Maintenant et pour toute la durée qu’elle l’autorisera. Parce que c’était ce que faisait un fils n’est ce pas ? Il se gratta l’arrière de la tête de la main libre de papier, il était gêné par le merci, pas pour ce qu’il avait du faire. Il lui sourit pour lui dire que ce n’était rien, mais décida ensuite de rajouter des paroles à son geste pour être sur qu’il n’y avait aucune ambigüité.
- J’ai tout effacé, absolument tout, son ordinateur ne pourra même pas lui rendre les photos de sa famille. Et ne t’excuse pas, ce n’est pas grave. On va dire que c’était … dur… à lire, mais au moins cela t’aura évité de devoir expliquer et te sentir mal. Je ne veux pas que tu te sentes mal avec moi.
Il savait que ce n’était pas la meilleure manière pour apprendre la vérité … mais cela aura eu le mérite de lui éviter l’humiliation (à Liliann) de devoir mettre des mots sur son passé. Les mots avaient été trouvés pour elle, c’était tout ce qui comptait si on pouvait le penser ainsi.
- Tu n’as rien à expliquer si tu ne le désires pas. Ni maintenant ni jamais. Tu es libre de choisir, je ne veux pas que tes paroles soient dictés par une chose que j’ai vu malgré moi dans un journal que je voudrais détruire.
Il n’avait pas détruit le journal qui s’était amusé à gratter la surface d’une histoire pour en faire une fosse a purin. Il ne voulait pas laisser ce journal se retrouvait ainsi, sans soucis…. Malheureusement, ou heureusement, il travaillait un peu pour lui… De loin… et surtout il pouvait maintenant faire attention à ce qui se fait, et se fera, pour protéger les secrets des femmes et des hommes qui n’ont pas envie de voir leur vie étalé sur du papier ainsi. Il fut d’accord avec l’idée muette de parler de Béryl et non du secret écrit sur une feuille.
- Non, on ne pouvait rien lui refuser, elle le savait bien. Et je le savais aussi. Je n’étais pas comme Shinta qui lui pensait pouvoir lui tenir tête et ne pas craquer devant son visage. Je le sais, comme sa maman, elle m’aurait épaulé, et certainement grondé si je ne faisais pas comme il faut. J’ai toujours des lacunes pour ce genre de chose, de grosse lacune.
Il ne pouvait l’exprimer en une fois, mais ce qui était normal pour lui ne l’était pas forcément pour le commun des mortels… et il avait appris depuis longtemps que certaines de ses réactions « en live » était étrangement pas accordé avec ce que l’humanité voulait. On mettait tout cela sur le compte du traumatisme qu’il avait subi enfant, même si certaines choses étaient bien plus vieilles et venait d’une autre époque bien différente à celle-ci. La main dans celle de la femme, il sourit.
Là, tout de suite, elle lui demanderait de sauter dans un volcan pour calmer son cœur qu’il le ferait sans le moindre souci. Il sauterait. Alors il se laissa emmener. Il ne voulait pas la lâcher, et il n’allait pas la lâcher… C’était ce dont il avait le plus besoin. Alors quand elle lui demanda de parler de lui, il reposa ses yeux sur un horizon imaginaire.
- Je suis devenu un programmeur. Je programme des jeux vidéos quand j’arrive à trouver le temps, et je fais aussi des jeux vidéos pour des gens qui me paient pour. Je suis aussi le webmaster du site pour le journal. J’aime ce que je fais, ça me plait de pouvoir programmer des lignes et des lignes de codes pour en faire quelque chose.
Il sourit en cherchant à expliquer le plaisir intense du codage. Cette idée de faire des lignes et des lignes de 0 et 1 et autres chiffres et lettres pour en faire une fonctionnalité. La première fois, il avait réussi à faire un code pour que quand il est un chiffre pair à l’heure l’écran soit bleu, et impaire, l’écran soit jaune. C’était son premier code. Le premier qu’il avait réellement essayer sur un ordinateur après avoir passé tant d’années enfermé. Il avait trouvé cela presque magique, et cela malgré le fait qu’il avait fait lui-même le code.
- Coder, c’est imaginer qu’une chose puisse en faire une autre et de trouver comment parler la langue de l’ordinateur pour imaginer autre choses encore. Je trouve que c’est fascinant. Je te montrerais si tu veux.
Liliann l’avait connu un peu en sortant de son enfer personnel… mais il avait gardé pendant un temps son amour des codes « pour lui ». Si tout le monde savait qu’il était plus intéressé par l’ordinateur de la psychologue que la psychologue, il n’avait jamais mit de réels mots sur le sentiment que ça lui apportait. Un sentiment de contrôle. Comme s’il pouvait revenir avant d’être kidnappé, un code, un programme suffirait à faire un autre monde.
- Je ne sais pas exactement ce que j’aime. J’aime coder, ça c’est sur. J’aime boire… même si je pense que je bois un peu trop. Mais sinon je n’ai pas réellement de chose que j’aime….
Il réfléchit aux choses qui le motivaient à se lever le matin…. Aux choses qui lui donnaient envie de sortir de son lit, puis de sa chambre, puis de sa maison. Dans sa maison, il y avait sa famille, dont Hiko qui ne pouvait pas sortir pour le moment. Pourquoi sortait il alors ? Pourquoi était il sortit aujourd’hui ? Il tourna les yeux vers Liliann.
- Mais toi je t’aime.
Et il fit une nouvelle pression sur ses doigts. Comme pour mettre en geste l’amour qu’il venait de lui dire à l’oral. Elle l’avait sortir de la maison. Ce n’était pas une raison futile qui l’avait sortir de chez lui. C’était elle, et ça le rendait heureux.
ur bien des sujets, elle ne sera, sûrement, jamais d’accord avec lui, mais cela fait partie de la vie. Liliann a sa propre logique, sa propre façon de voir le monde, bien souvent en retrait des choses qui la touchent, trop concentrée sur les autres pour s’intéresser à elle. Qu’y a-t-il de bien à s’intéresser à elle ? Elle a, alors, bien du mal à comprendre que les autres se penchent sur son cas, essaient de tendre les doigts pour la toucher, attraper ses mains et la tirer vers l’avant, lui dire qu’il faut avancer, qu’il ne faut pas stagner, surtout pas reculer. Au fond, si elle ne veut pas de changement, c’est peut-être parce qu’elle a, encore, du mal à se sentir véritablement vivante, à se voir comme autre chose qu’un fantôme passager, qui finira par voler en fumée. Elle ne sait pas, elle ne veut plus se pencher sur la question.
L’entendre dire qu’il a eu besoin d’elle, mais qu’elle n’était pas là pour cela (même s’il ne le dit pas ainsi), la force à pincer les lèvres, le plus fort qu’elle le peut, pour se retenir de lâcher les larmes qui lui montent aux yeux. Elle a toujours su, en vérité, qu’il a eu besoin d’elle ou, au moins, de quelqu’un, d’une figure féminine douce, aimante, comme Lili l’a toujours été avec lui. Sauf qu’elle s’est enfuie pour ne pas affronter ceux qu’elle ne voulait pas imaginer réels, ceux à qui elle ne voulait pas avouer celle qu’elle était. Ceux qu’elle ne peut plus fuir, désormais.
Si Sanada, lui, est sûr qu’ils se seraient rencontrés, même si Hiko n’avait pas eu, soudain, le besoin de se jeter sur la route de Béryl pour empêcher le mal de la frapper, Peau d’âne n’arrive pas à le croire. Elle sent que les choses sont un peu plus compliquées, qu’ils ne peuvent pas savoir, seulement rêver. Sauf que Lili ne rêve plus depuis longtemps, plongée dans ses cauchemars. Elle sait qu’un homme comme lui ne se serait pas arrêté sur le chemin d’une femme comme elle. Elle sait qu’une femme comme elle n’en aurait même pas eu l’occasion, bloquée dans une vie qu’elle ne voulait pas avoir. Au fond, ils avaient toujours fait partie de mondes différents. Il n’y a que les malheurs pour forcer ces mondes à se rencontrer.
Elle préfère ne pas y penser, se détourner de la question pour s’intéresser à cette histoire d’article, à son sujet. Elle ne comprend pas ce qui peut pousser un journaliste à se pencher sur son passé, à trouver les preuves de choses qui n’ont pas existé et les ressortir de la boue dans laquelle elle a voulu les noyer. Liliann n’arrive même pas à lire les mots, sur la feuille. Elle ne veut pas lire ce qu’il a écrit, sur elle, ce qu’il a dévoilé, ce que Sanada a lu. Est-il question de son enfance ? Est-il question de son adoption ? De sa fugue ? Ce qu’elle a fait ensuite, sa rencontre avec son mari, sa fille, sa mort, son divorce… Tant de choses qu’elle ne veut pas voir ébruitée. À se demander, au final, s’il est arrivé une chose bien, dans ses vies.
« Mes secrets ne feront de bien à personne. »
Peau d’âne ne comprend pas l’intérêt, le besoin de fouiner dans le passé des autres. Qu’est-ce que cela change de savoir qu’elle a été frappée par un père qui l’aimait un peu trop ? Cela ne fait pas d’elle une bonne personne, cela ne l’a pas menée où elle en est aujourd’hui. Au contraire, Liliann est persuadée que ses traumatismes l’ont poussée de l’autre côté, l’ont plus ou moins forcée à faire des choses que personne ne devrait faire. Elle n’a pas toujours été quelqu’un de bien, Lili. Il n’y a eu que Béryl pour apaiser son cœur et la guider sur le bon chemin.
Puis, Sanada avoue qu’il a tout effacé, que le journaliste ne pourra même pas retrouver les photos de sa famille et Liliann hoquette, sous le choc. Ses yeux noirs se relèvent sur l’asiatique, cherchent à savoir s’il ment, s’il le pense vraiment, s’il est allé aussi loin à cause d’elle. Elle veut croire que l’article a disparu, que ses secrets ne seront pas dévoilés à son insu, mais elle ne veut pas croire qu’il ait, par la même occasion, effacé une vie entière, un bonheur qui n’est pas celui de Peau d’âne, mais dont elle se sent responsable, en quelques sortes.
« Dis-moi que tu n’as pas fait ça, s’il te plaît. Qu’il pourra récupérer le reste, d’une manière ou d’une autre. »
Parce qu’elle ne connaît que trop bien, Peau d’âne, la douleur de n’avoir aucune photo de ceux que l’on a aimés, de ne plus pouvoir compter que sur ses souvenirs. Heureusement, les siens sont limpides, aussi clairs que le présent, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Et, parfois, Liliann aimerait pouvoir baisser les yeux sur une photographie, glisser les doigts sur les cheveux noirs de Béryl, essayer de trouver, sur les visages de sa famille, le sourire du bonheur, de l’amour qui manque, parfois, à sa propre vision du monde.
Parler de Béryl détourne un peu son attention du drame qui, soudain, a frappé un inconnu, à cause d’elle. Elle sait, Peau d’âne, que sa fille était plus têtue que l’âne de la peau duquel elle s’est recouverte, à une autre époque, dans une autre vie. Elle sait que sa fille aurait su tous les faire tourner en bourrique, les mener par le bout du nez pour obtenir ce qu’elle voulait. Au fond, cela aurait, sûrement, été de la faute de Liliann et elle aurait su s’en excuser auprès des autres, sans perdre, pour autant, sa fierté.
Sanada semble aussi lucide qu’elle, sur l’avenir qui aurait pu leur tendre les bras, qui les a évités au dernier moment, comme une route soudain barrée sous leurs pieds. Si Liliann décide de ne pas répondre, elle serre, un peu plus fort, la main du Japonais, pour le remercier de ses mots, de ce qu’il pense de sa fille. Au fond, cela lui fait du bien, de parler d’elle, de ce qu’elle aurait été, d’imaginer une jolie brune, énergique, scintillante, accrochée au bras de Sanada pour le faire craquer et obtenir ce qu’elle voulait. Une boule de joie pour compenser celle que Lili n’a jamais pu être.
Le sujet revient se poser sur un thème du présent, sur la vie de celui qu’elle a abandonné sans se retourner, consciente qu’un seul regard en arrière aurait suffi à la forcer à rester. Elle préfère parler de lui pour se rendre au cimetière. De lui et pas d’elle, comme un tabou, parce qu’elle ne veut pas avouer à Béryl celle qu’elle a été, parce qu’elle aurait préféré qu’elle soit grande, mature, adulte, pour lui expliquer ce qui a été sa vie, pourquoi sa mère a été si triste, comment sa fille a changé sa vie. Maintenant, il est trop tard et Peau d’âne ne veut plus aborder ce sujet.
« C’est le plus important, avoue-t-elle, en recouvrant la main de Sanada avec la sienne. Il faut faire ce que tu veux, toi, et personne d’autre. Tant que ça te plaît, il faut continuer. »
Elle sait de quoi elle parle, Peau d’âne, forcée à devenir celle qu’elle n’a pas voulu être, celle qu’elle ne veut toujours pas être. La piano a toujours été sa force et sa croix, un talent empoisonné. Elle n’a jamais voulu être pianiste, Lili, mais on lui a demandé de le devenir, de le rester, de continuer jusqu’à ne plus pouvoir toucher le moindre instrument sans s’effondrer.
« Je veux bien que tu me montres, si tu le veux aussi. Mais il faudra être indulgent avec moi, je risque de ne rien y comprendre. La technologie, ce n’est pas vraiment mon fort. »
Dans son monde, la technologie s’arrêtait à une calèche confortable, un clavecin au son pincé. Dans ce monde, Liliann a été trop poussée sur le côté, elle s’est trop mise en retrait. Pas de technologie pour la jeune prodige, forcée à se poser derrière son clavier. Pas de technologie pour la jeune danseuse, sur son estrade. Pas de technologie pour la mère concentrée à couver son enfant. Pas de technologie, dans sa fuite, seulement le regard figé, triste, de celle qui attend que l’objectif tombe sur elle, prenne quelques clichés, et se détourne.
« Ne… Ne bois pas trop, s’il te plaît. Fais attention… à toi et… aux autres, aussi. »
Les sourcils tordus sur des souvenirs lointains, sur une douleur qui n’a rien à voir avec Sanada, Liliann essaie de l’implorer de ralentir le rythme, de ne pas plonger dans l’alcool comme son père l’a fait, avant lui. Elle sait, au fond, qu’il ne sera jamais comme son paternel, comme celui qui a levé la main pour frapper, ou caresser une peau qui n’a rien demandé, mais elle ne peut s’en empêcher. On ne guérit jamais vraiment d’un traumatisme. L’alcool est, pour elle, ce qui a tout déclenché.
« C’est mauvais pour ta santé, tu le sais. Mais ce n’est pas seulement ça. C’est mauvais pour les autres aussi, pour ceux qui doivent te ramasser, ceux qui s’inquiètent pour toi. (Ses yeux noirs se relèvent vers lui.) Je t’aime aussi, Sanada, et je m’inquiète pour toi. Je ne te demanderai pas d’arrêter de boire, mais… tu dois faire attention. »
Elle sait, au fond, qu’il a, sûrement, une bonne raison de se plonger dans l’alcool, de se noyer lui-même dans un poison. Mais elle veut croire que, comme il le dit, les choses peuvent changer, qu’il finira par calmer sa consommation, à défaut d’arrêter tout à fait.
« Cette maison… n’est pas encore prête, avoue-t-elle, sans oser regarder derrière elle. Je préfère que tu ne viennes plus, pour le moment. Mais dès qu’elle sera prête, tu seras le bienvenu, n’importe quand. »
Sur le coup, elle oublie de préciser qu’elle n’y sera pas tout le temps, qu’elle ne vit pas ici, qu’elle n’y travaille pas non plus. Mais s’il décide de venir, elle sait qu’il ne sera pas seul, que la maison sera toujours pleine de monde, de joie, de rires pour nettoyer les murs de leur tristesse, des larmes et du sang qu’ils ont connu.
« Ne me lâche pas, s’il te plaît. »
Un simple souffle, entre ses lèvres sombres, alors que les yeux noirs de Peau d’âne tombent sur le portail du cimetière. Au fond de sa poche, le cadeau pour sa fille semble soudain plus lourd, la force à ne plus reculer, à continuer d’avancer. La main de Sanada, dans la sienne, lui donne l’énergie nécessaire pour ne pas craquer, fuir à nouveau. Elle ne veut plus reculer.
S et S Kamiya
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
| Avatar : Munetaka Aoki & Takeru Satoh
Personnage abandonné
| Conte : Kenshin | Dans le monde des contes, je suis : : Kenshin & Sanosuke (&Hiko²)
anada savait aussi que peut être, Liliann ne pourrait jamais la voir comme lui la voit. Après tout, il la voyait comme sa mère, et elle ne l’était pas. Il pouvait tout à fait comprendre qu’elle se sente … mise à une place qu’elle ne veut pas. Il le pensait en tout cas ainsi. Liliann pouvait détester être à cette place … malheureusement le cœur de Sanada ne lui avait pas réellement demandé son avis avant de mettre Liliann là, et il ne le demandait toujours pas. Point. Alors à sa première question, il ne pu faire qu’un bruit pas très gentil. Un bruit qu’on pouvait traduire par toute l’amertume que Sanada pouvait avoir pour des idiots pareils.
- Les secrets doivent être avoués que par leur propriétaire, les déterrer ça mérite …
Il préféra se taire pour ne pas dire ce qu’il pouvait souhaiter à des personnes qui creusaient ainsi dans la vie des gens pour en remuer le malheur. Le malheur ne devrait être que personnel. Le malheur, ou le passé, ne devrait être dit que si la propriétaire le voulait … Sanada était heureux de pouvoir dire qu’il savait des choses sur Liliann que l’homme n’avait pas écrit dans son article. Il la connaissait mieux en tant que mère, une mère douce et gentille…. Et il n’avait pas voulu apprendre la vérité sur elle comme ça… il aurait préféré qu’elle lui dise… et pas d’un …. Il arrêta de rager dans son esprit pour revenir se concentrer sur la personne qui était, après tout, victime du journaliste. Sanada pesta alors qu’elle s’inquiéta pour le journaliste. Il le méritait. Perdre toute sa vie sous ses formes de fichiers numériques… il méritait de tout perdre et ne plus jamais pouvoir voir le visage souriant des membres de sa famille. Posant un regard sur Liliann, il laissa échapper un long soupir.
- Pour le moment si, mais je suis celui qui vérifie les ordinateurs, et quand il comprendra avoir tout perdu, il viendra me voir, et je pourrais lui rendre les fichiers de sa vie, ainsi que les fichiers corrompus de ses articles.
Il ne le ferait … que et seulement que… pour Liliann. Son regard en disant long sur ce qu’elle préférait, et sur ce qu’elle ne voulait pas … alors il accepta de lui faire ça… même si l’homme mérite bien plus que la suppression de ses souvenirs numériques du point de vue de Sanada. Ils avancèrent vers le cimetière, et Sanada savait que son cœur se serrait. Il sentait aussi la main de Liliann dans la sienne.
- Je continue, même si il arrive que je dois faire des choses qui ne me plaisent pas réellement dans le métier… comme normalement envoyer un article sur la page web de mon journal… C’est le genre de chose que je devrais faire, mais que je ne ferais pas.
Gérer le site internet du Weekly de la ville était une chose. Y mettre des images, des vidéos, des chansons de la ville, le faire vivre à travers des sondages… tout ça il pouvait faire … mais parler de Liliann, de son passé qui n’appartenait qu’à elle … Il ne fallait pas pousser mémé dans les orties non plus. Il sourit alors.
- Je te montrerais, et ne t’en fais pas j’utiliserais des mots simples. Le but c’est que tu vois la magie du codage, pas toutes les choses barbantes qu’il y a derrière.
Il lui fit un clin d’œil. Ce n’était pas qu’il n’avait pas envie de tout lui dire, ou qu’il l’a pensé bête, mais il savait que la plupart du temps la magie s’opère parce qu’on ne comprend pas tout. Un peu comme les téléphones, on adore savoir que si on touche à tel endroit on déverrouille le téléphone, mais personne n’a envie de savoir comme ça se fait réellement. Comment les capteurs, comprennent, apprennent, et font ce qu’il faut pour changer l’écran et le modifier en conséquence de chaque toucher. Pour la question de son alcoolisme … Sanada ne préféra rien dire. Faire attention aux autres c’était évident … faire attention à lui … C’était déjà légèrement pas pareil. Il resta silencieux encore un peu.
- Je sais.
Fut le mot souffler là, comme ça…. Il ne pouvait pas lui dire qu’il arrêterait de toute façon, parce que ce serait un mensonge éhonté. Il avait essayé sans succès…. Et il essaie toujours de boire ailleurs, là où personne ne pouvait le voir. Sanada sourit, de ses grandes dents.
- Si c’est la seule chose que je peux faire pour te rendre heureuse, alors je ne reviendrais pas tant que tu me le diras pas… mais je vais te passer mon numéro de téléphone, mon mail, notre adresse à Shinta Hiko et Yahiko, et là où je travaille, et tu vas faire pareil comme ça on pourra continuer à discuter !
Il souriait tellement qu’il avait l’impression que son visage se fendrait. Il ne voulait absolument pas la perdre maintenant qu’il l’avait retrouvé c’est tout. Et la discussion changea. Il ne comptait pas la lâcher. Il lui tenait toujours la main et fit une douce pression dessus pour lui faire sentir sa présence.
- Maintenant que je t’ai retrouvé, il faudrait me passer sur le corps pour que je te lâche. Alors ne t’en fais pas. Je suis là.
Et il avança à nouveau vers le cimetière alors qu’il se demanda soudain s’il n’aurait pas du prendre des fleurs au passage… il se promit de revenir avec cela la prochaine fois.
lle n’aime pas cela, Peau d’âne, l’entendre dire qu’il ne pourra pas récupérer ses photos, sa vie, tout envolé à cause d’elle, parce qu’elle ne veut pas entendre parler d’elle dans les journaux de la ville. Elle trouve cela égoïste, malsain, méchant. Elle sait ce que c’est, elle, de n’avoir aucune photographie à regarder pendant des heures, à essayer de se rappeler pourquoi là, à l’instant où l’appareil photo s’est déclenché, telle ou telle personne a un sourire un peu crispé, telle ou telle autre s’est soudain mise à pleurer. À essayer de deviner ce qui a pu se passer avant, après, pour retrouver une scène du passé que l’on a oubliée. Elle ne peut rien oublier, elle, mais elle aimerait pouvoir se poser devant une photo, la tenir entre ses mains et se dire que oui, Béryl a bien existé. Elle est inscrite dans l’histoire du monde. Elle est là, couchée sur du papier glacé. Elle a, un jour, souri, dit bonjour à la vie. Elle n’est pas qu’une illusion de son esprit.
Sauf que Lili ne le peut plus, elle, et elle ne veut pas imaginer que ce journaliste finisse comme elle. Même s’il a voulu déterrer son passé, pour en dire du bien ou en dire du mal, peu importe, au fond. Même s’il a cru pouvoir avoir un bon article en lui donnant ses noms. Liliann ne veut pas qu’il connaisse le malheur de n’avoir plus rien des siens, de ne plus pouvoir se rassurer, se dire que tout est bien là, sur son ordinateur, qu’il n’a pas besoin de s’en inquiéter, en somme. Peut-être même ne pensera-t-il pas y être tant attaché, jusqu’au jour où il ne pourra plus y accéder. Alors, elle essaie de tirer les vers du nez du Japonais, de le forcer à jurer que le journaliste pourra tout récupérer. Elle ne veut pas être la source de son malheur, Peau d’âne.
Pour le moment si. Les mots se coincent dans son esprit et Liliann relève un regard apeuré, sur Sanada. Elle sent la culpabilité se coincer au fond de sa gorge et elle ne sait plus quoi dire, quoi faire. Doit-elle s’excuser auprès du journaliste ? Mais il lui assure, dans la foulée, qu’il pourra tout récupérer, qu’il pourra retrouver ses fichiers, quand il viendra réclamer de Sanada qu’il règle le problème qu’il a, lui-même, provoqué. Elle sent un souffle chaud s’emparer de son cœur, remonter dans sa bouche. Le soulagement la force à un petit sourire triste. Elle préfère, même, que le journaliste retrouve ses articles, sans corruption s’il le faut, que de savoir qu’il pourra perdre tout le reste. Il lui suffirait d’aller rendre visite à cette personne et de s’expliquer avec elle, lentement, avec toute la douceur de Peau d’âne, pour décider de ce qu’ils feront de ces informations.
« S’il te plaît, oui. J’aimerais que tu lui rendes tous ses fichiers. Je… Je ne sais pas comment l’expliquer. Ce n’est pas contre toi, Sanada. (Elle caresse pensivement le dessus de sa main pour le rassurer.) Je sais ce que c’est de ne plus avoir la moindre photo du passé. C’est douloureux, extrêmement douloureux. Personne ne mérite ça. »
L’aveu lui glisse des lèvres avec une douleur bien à elle. Liliann aurait tant aimé avoir une photographie de sa fille, une photographie des rares amis qu’elle a eus, de ceux qu’elle a aimés sans le leur dire. Mais elle n’a plus rien que ses souvenirs, des souvenirs ternis par son impression de la vérité, par son abandon de la vie. Elle aurait même pu se faire à une photo de son mari, de leur mariage, peut-être, pour essayer de voir, sur leurs visages, s’ils ont été ce qu’elle imagine, parfois, dans ses cauchemars. S’il n’y a vraiment rien eu d’autre qu’un besoin de vivre, aucun amour réel, des envies de grandeur, une excuse posée entre eux pour les relier et les forcer à se supporter.
« Est-ce que tu ne peux pas reléguer à quelqu’un d’autre ? Ce n’est jamais bon de se forcer à faire ce que l’on n’aime pas. Crois-moi, je l’ai fait une grande partie de ma vie. Je n’ai jamais aimé être pianiste, mais j’ai fait ce que l’on attendait de moi. Regarde ce que je suis, désormais. Tu ne voudrais pas finir comme moi. »
Ce qu’elle essaie de dire sur un ton léger, comme une blague vaseuse qui s’écrase entre eux et se recouvre de boue, d’une mélasse non-identifiée, mais odorante, repoussante. Elle n’a jamais voulu être celle qu’elle a été, mais elle l’a fait tout de même. Pour faire plaisir aux autres, parce qu’elle ne savait pas quoi faire d’autre, parce qu’elle n’a jamais su dire non, non plus. Le oui éternellement accroché à ses lèvres sombres.
« J’ai hâte de découvrir tout ceci, alors ! »
Elle sourit un peu plus fort sous le clin d’œil de Sanada. Elle ne s’est jamais trop intéressée aux ordinateurs, mais pour lui, elle sait que ce ne sera même pas un effort à faire, que cela lui viendra tout naturellement. Liliann est ainsi : intéressée parce qui intéresse les autres, prête à se plonger dans ce qu’elle ne connaît pas pour satisfaire son entourage. Si le codage, c’est ce que veut faire le Japonais de sa vie, alors elle se tiendra à ses côtés, une main sur son épaule pour le soutenir, lui dire qu’il doit continuer tant que cela lui plaît, qu’il ne doit jamais écouter les autres, s’ils lui disent d’arrêter.
Deux mots s’installent entre eux et Lili sent, soudain, un gouffre profond se creuser entre leurs pieds. Elle a beau tenir sa main dans la sienne, refuser de le lâcher, elle sent qu’il est déjà loin, qu’elle ne pourra jamais le rattraper. Elle ne sait pas ce qu’elle doit dire pour qu’il lui revienne, pour qu’il comprenne ce qu’elle essaie de lui dire sans y arriver, parce qu’elle a peur de ce qu’elle pourrait être amenée à avouer, parce qu’elle ne veut pas le comparer à celui qu’elle a, un jour, appelé père. Pourtant, Liliann ne veut pas, non plus, le laisser se noyer dans l’alcool, s’oublier lui-même, oublier les autres, en venir à faire du mal à ceux qu’il aime, sans même s’en rendre compte.
Alors, elle s’arrête.
Elle cherche, du bout des lèvres, les mots à lui donner, la meilleure manière de lui faire comprendre qu’elle ne veut pas vraiment le voir boire devant elle. Elle veut bien le ramasser, Liliann, quand il aura tant bu qu’il ne pourra pas mettre un pied devant l’autre, elle sera là s’il a besoin de quelqu’un pour lui frotter le dos, le nez au-dessus de la cuvette, pour lui tendre un verre d’eau, tout nettoyer, derrière lui, pour qu’il se réveille sans le moindre souvenir en tête. Elle le fera sans se plaindre, mais elle aimerait qu’ils n’en arrivent pas là, qu’il puisse s’extirper d’une addiction qui ne colle pas à son âge, qu’il ne devrait même pas avoir, à son âge. Elle ne comprend pas, au fond, comment il a pu en arriver là, pourquoi Hiko l’a laissé faire sans broncher.
« Je ne veux pas te forcer à arrêter, Sanada, mais je ne pourrai pas être là pour te relever à chaque fois. J’ai… peur. De l’alcool, de ses ravages. Mon père… c’est dans l’alcool qu’il s’est perdu. C’est dans l’alcool que tout a commencé. Je ne pense pas que ton article devait le mentionner, ça… »
L’alcool qui coule plus que le sang, dans les veines du paternel. L’alcool qui fuse entre toutes les mains, dans son club. L’alcool au centre-même de tout ce qu’elle a connu, Peau d’âne, incapable, désormais, d’affronter un verre, d’en boire, d’en sortir l’odeur sans frissonner, sans se plonger des années en arrière, droit dans le passé le plus sombre, le plus douloureux, le pire de ses vies.
« Je préfère, mais ce ne sera qu’une question de semaines, peut-être un ou deux mois. Ensuite, tu pourras venir autant que tu le souhaites, ce serait même avec plaisir. Dis-les-moi, je ne les oublierai pas. Je vais écrire mes coordonnées, pour toi. Et je… »
La suite se coince dans sa gorge, alors que ses yeux se lèvent sur le portail du cimetière. Elle sait qu’il n’aura qu’à énoncer ses coordonnées pour qu’elle les retienne, les inscrive dans son esprit et qu’elles ne la quittent plus jamais. Néanmoins, son aveu n’a rien à voir avec cela et elle ne sait plus comment le dire, maintenant que la mort se dresse devant elle, maintenant qu’elle ne peut plus reculer, comme pour se persuader que sa fille est en vie, quelque part, qu’elle n’a jamais trépassé.
« Je viendrai voir ton père, pour m’excuser, lui expliquer. Je le ferai. »
Elle a, soudain, une détermination sans borne. Elle sait qu’elle le fera, pour lui, pour Sanada, pour elle aussi. Parce qu’elle a besoin, désormais, de retrouver ceux qu’elle a aimés, de les serrer contre elle pour ne plus les lâcher. Avant qu’il ne soit trop tard, avant qu’elle ne puisse plus les retenir.
« Merci. Allons-y. »
Son ton n’est plus qu’un souffle discret, pour ne pas réveiller les morts, les déranger dans leur repos éternel. Liliann passe la grille, la main de Sanada serrée dans la sienne, ses yeux noirs glissant sur les pierres tombales. Elle essaie de ne pas en lire les noms, de ne pas se gorger des identités de ceux qu’elle n’a pas connus, de certains qu’elle a peut-être connus, mais qu’elle ne sait pas morts. Elle a, soudain, peur de trouver des amis à elle, parmi les tombes, des noms qu’elle ne veut pas voir gravés sur la pierre froide. Alors, elle se concentre sur ses pieds, passe sans s’arrêter, comme mue par l’habitude, parce qu’elle est déjà venue, avant. Parce qu’elle a passé des journées entières à pleurer, seule dans le cimetière.
Puis ses pieds s’arrêtent.
Elle se tourne, lentement. Ses yeux noirs glissent sur la pierre tombale de son enfant. Elle voit qu’elle est propre, nettoyée, qu’elle a été confiée à des mains qui ont su l’aimer comme Liliann n’a pas su le faire. Elle n’a pas besoin de se poser la question pour savoir qui en est responsable, qui elle doit remercier. Enfin, elle lâche les doigts de Sanada et s’agenouille à terre. Ses doigts fins viennent glisser sur la pierre froide qui essaie, tant bien que mal, de se gorger de soleil. De sa poche, elle sort une petite poupée aux cheveux noirs et la pose délicatement sur la tombe.
« Des fois… Non, c’est un mensonge. Tout le temps, constamment, sans arrêt, je me demande ce qui est vrai, ce qui est faux, ce qui a vraiment existé, ce qui n’a jamais été le cas. Et… je ne sais pas ce qui est le pire. Qu’elle ait existé, qu’elle ne soit vraiment plus là. Qu’elle n’ait jamais existé, qu’elle ne soit qu’une invention de plus. Tout ceci… Tout ceci est trop compliqué. »
S et S Kamiya
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
| Avatar : Munetaka Aoki & Takeru Satoh
Personnage abandonné
| Conte : Kenshin | Dans le monde des contes, je suis : : Kenshin & Sanosuke (&Hiko²)
Un frère puis un autre. Deux êtres, différents mais pareils. Si la colère de Sanada était plus lourde que celle de Shinta, leur amour pour Liliann était semblable, presque identique. Mais la colère était toujours plus forte. Et Sanada, comparait à Shinta qui avait dû être un maître zen dans une autre époque, ne pouvait répondre par la haine que par la haine. L’homme qui avait fait l’article ne méritait pas de passé. Il ne méritait pas plus de futur. Il ne méritait qu’un poing dans la gueule et qu’on n’entend plus jamais parler de lui.
Il avait failli blesser Liliann en sortant son torchon… Sanada observa la jeune femme et se pinça les lèvres … et là, c’était lui qui était en train de la blesser en voulant se venger de celui qui voulait la blesser … C’était un peu un cercle vicieux qu’il avait dû mal à accepter… il ne voulait qu’aider la jeune femme, lui venir en aide … être … là pour elle … et son regard montrait la tristesse de son acte …
Sanada râlait. Il ne voulait pas rendre les fichiers à cet homme … et la seule raison qui le poussera à le faire, c’était le regard de pur peur et tristesse que Liliann lui donnait. Il savait bien que ce n’était pas contre lui, mais ça l’agaçait tout de même. Ce mec ne méritait pas la gentillesse de Liliann … mais n’était ce pas pour ça qu’il aimait la jeune femme en réalité ? Parce qu’elle était une boule de douceur et d’amour, de compréhension pour le monde ? Il baragouina.
- Je lui rendrais.
Il baissa la tête. Il n’était pas honteux de son acte. Pour Sanada l’homme le méritait, et il méritait plus encore … mais il ne voulait pas que la jeune femme puisse identifier sa déception dans son regard. Si elle voyait la preuve de sa cruauté dans son regard, peut être ne l’aimera t elle plus ? Et ça, il ne pouvait pas l’envisager. Alors qu’il posa les yeux sur elle, il finit par dire tout simplement :
- Pourquoi ne possèdes tu plus de photo ?
Lui, il en avait. Toutes les affaires qu’il avait au moment de la fin de la malédiction étaient encore chez lui. Les photos dans des cadres, des images d’un faux passé imaginer … et il se demandait ce qu’elle voulait dire par ne pas avoir de photo ? Même l’homme à qui il avait pris les fichiers, il pouvait en avoir des physiques contre lesquels il ne pourrait rien faire. Sauf mettre le feu à sa maison, mais il n’était pas un pyromane.
- Reléguer ? Je ne pense pas que quelqu’un aurait envie de le faire. Il faut bien que quelqu’un le fasse, et tant qu’à faire de ne pas me prendre la tête je le fais. Je ne vois pas en quoi cela serait mal d’être comme toi…
Il l’observa. Il l’aimait de tout son cœur d’enfant. Il ne voyait donc absolument rien de mal à être comme elle… il avait envie d’être comme elle… comme ça il pourrait encore plus la coller comme l’enfant qu’il était. Il lui sourit quand elle dit vouloir apprendre de l’ordinateur. Cela lui ferait plaisir de lui parler de cela, même si ça saoule tout le monde. Il pense à tout et à rien, et pose des vérités de la plus simple des manières.
Alors quand elle s’arrête Liliann, il n’est plus sur de ce qu’il a déjà dit. De ce dont il parlait. Il parlait d’ordinateur et d’autres choses. Mais cette chose ne revient à son esprit que quand la jeune femme lui rappela. Reprit la discussion là où elle était en rallumant sa mémoire. Il l’écouta, et il voulait dire quelque chose mais il laissa les premières paroles se perdirent dans son souffle.
- Je ne serai jamais perdu comme ton père. Je … J’en ai besoin, mais je fais attention. Je reste toujours … conscient.
Il ne savait pas comment dire, mais il était toujours là, quand il était un peu trop bourré. Il savait ce qu’il faisait, et la plupart du temps son alcoolisme le menait à faire un dessin, à jeter une idée, ou à faire quelque chose dont il avait envie, tout simplement. Il n’avait jamais été méchant. A New York, il était juste le genre à observer le monde, dans un parc, et à s’endormir sur le banc sans rien faire de plus que d’essayer de penser à sa vie.
- Ne t’en fais pas. Je te promets que ça ira mieux. Je me soigne.
Il allait voir un psy pour ça non ? Depuis que la relation avec son ancien psy avait prit une tournure étrange il en avait prit un autre. Et pour le moment, tout allait pour le mieux… même s’il appréciait toujours la joie d’un verre de sake.
- Pas de soucis. Tu me diras quand je pourrais venir. Je serais ravi de t’aider.
Il donna ses coordonnés à la suite. Il donna l’adresse, mais ça elle devait s’en souvenir, son numéro de téléphone et même son adresse professionnelle pour pouvoir l’avoir partout. Sanada était rarement loin de son téléphone. Il était rarement loin d’un ordinateur d’ailleurs. Elle pourrait l’avoir avec 95% de chance. Le 5% restant était relative au fait qu’il devait dormir de temps en temps.
Devant le portail, il sentait dans la main de la jeune femme sa nouvelle raideur. Il n’était pas l’heure de parler d’adresse. Il y avait quelque chose de plus difficile à faire, et Sanada savait qu’il ne pouvait pas se rater. Il voulait être là, un roc, un chêne, une montagne pour la soutenir, et rien d’autres pour obscurcir tout cela.
- Je suis sûr qu’il sera ravi de te voir.
Fut la seule chose qu’il se permit de dire sur son père. Hiko était un homme bon. Une personne qui pourrait pardonner sans le moindre doute. Devant l’entrée du cimetière, Sanada ne savait pas s’il devait pousser la jeune femme doucement ou ne pas bouger, la laisser faire chaque pas. Et elle fait le premier pas. Il suivit pour la suite. Il ne disait rien. Le calme du lieu, le repos des morts. Il ne voulait pas offenser les disparus, et encore moins n’obligeait un bruit de déranger les pensées de Liliann.
Ils finirent par s’arrêter. Sur une pierre propre. Le nom de l’enfant serra le cœur de Sanada mais il fit en sorte de ne pas le montrer sur ses traits. Il montrait de la tendresse, et un peu de détresse, mais il ne voulait pas que cela ne soit un poids de plus sur le cœur de Liliann. Sanada resta debout à ses côtés. Observant les alentours d’un œil presque analytique alors qu’il réfléchissait à la meilleure réponse à donner en cet instant.
- Je …
Il s’humidifie les lèvres … trop sèches par les pensées de ce lieu qui l’attaque de leur souffrance. Il pose une main sur l’épaule de Liliann. Que serait le pire ? Son inexistence, et que donc tout ça n’était vraiment que le fruit de leur imagination collective, ou son existence et par ce fait sa disparition. Sanada réfléchissait, et une vague de souvenirs de l’enfant arriva en mémoire. Alors il sourit tristement en essayant de trouver ses mots.
- Je t’aime comme une mère. Tu as été là pour moi. Ce sentiment existe, même si c’était dans des souvenirs fait de toute pièce. Je suis l’homme que je suis grâce à ses deux passés. Dire qu’elle n’a pas existé, cela reviendrait à dire que mon amour pour toi n’existe pas. Nous nous sommes connu dans la malédiction. Cela reviendrait aussi à dire qu’Hiko n’est pas mon père. Je ne l’ai pratiquement pas connu dans mon monde. Je …
Il se mit à ses côtés et s’assit alors qu’il posa les yeux sur la tombe de l’enfant. Béryl. Elle lui manquait. Il le sentait. Comme une sœur qu’il aurait perdue, sans avoir le moyen de l’aimer encore. Si elle n’avait pas existé, alors ce sentiment ne vaudrait que de vent. Il n’était pas prêt à accepter cela.
- Elle a existé, et elle existe encore dans nos souvenirs et nos cœurs. Mal …
Il eu du mal à finir alors qu’il laissa échapper un sanglot. Il ne voulait pas pleurer, ce n’était pas sa souffrance. Il n’avait pas le droit de pleurer… alors il se reprit.
- Malheureusement, elle n’est plus des notre physiquement, mais elle est toujours avec nous.
Et la main qui était contre l'épaule de la jeune femme descendit sur la taille pour qu'il puisse mettre sa tête sur son épaule.
- Est ce que tu lui parles ? Ici je veux dire ? Tu lui parle de ta journée ? Je sais que ça fait du bien à certaines personnes de se dire que la personne est encore là ... à nous écouter...
Et ils étaient à SB ici... peut être que les fantômes existaient dans ce moment au même titre que les sorcières maléfiques, les vampires, les anciens véhicules ou les vieux samourais...
lle n’est pas certaine d’être bien d’accord avec lui, Lili, mais elle ne dit rien pour ne pas exploser en forts sanglots, nourris par ses traumatismes passés. Son père, non plus, au début, n’a pas été violent, est toujours resté conscient. Puis le verre de trop, la bouteille vidée vite, trop vite, l’alcool qui remplace le sang. Ce n’est jamais volontaire, à la base, mais cela vient petit à petit, comme un poison dont on ne prend conscience que trop tard. Quand l’on ne peut plus regarder derrière soi, revenir en arrière. Quand il ne reste plus que les excuses à proférer tout bas pour obtenir le pardon sur les gestes, les mots, tout ce qui n’aurait pas dû exister. Elle ne peut rien répondre à ses certitudes et se contente de pincer les lèvres, de remettre à plus tard toutes ces discussions qu’ils devront avoir. Elle demandera à Hiko pourquoi, comment il a pu laisser faire cela. Sans remettre toute la faute sur son dos, il est, tout de même, censé veiller sur Sanada. Il ne peut pas tout lui accorder à longueur de journée.
Liliann se concentre, plutôt, sur la route jusqu’au cimetière, sur le grand portail qui s’ouvre sur les tombes, les allées de gravier, entre les pierres froides. Elle n’ose regarder ailleurs que devant ses pieds, de peur de voir ce qu’elle ne veut pas voir, de comprendre que d’autres sont morts, pendant son absence, qu’ils ne reviendront jamais dans sa vie, graviter un instant autour d’elle puis s’éloigner à nouveau à la conquête de la galaxie. Elle ne veut pas voir le nom de celle qui fut son amie, qui a gardé Béryl quand Lili a été obligée de travailler. Elle ne veut pas, non plus, voir le nom de son mari, de celui qui a partagé sa vie un temps, même infime. Non pas par amour pour lui, mais par… par quoi ? Elle ne sait pas, mais elle préfère croire qu’il va bien, qu’il est en vie, sans même savoir s’il a existé vraiment, lui aussi.
Puis Béryl.
La jolie pierre, claire, dont un autre a pris soin pour elle. Elle se doute qu’il s’agit du père de Sanada, de celui qu’elle a estimé comme un ami, le meilleur ami de cette partie de sa vie, au fond. Un homme qu’elle a respecté comme elle en a peu aimé, dans toutes ses vies. Avec une affection sans borne pour le père, elle aurait été prête à beaucoup de choses, pour lui, et elle a pourtant fui, sans se retourner, incapable de l’affronter, lui et les siens, alors qu’elle ne ressemblait plus à rien. À peine un zombie, une ombre malsaine qui traînait sur la tombe de Béryl. Une femme qu’elle n’est plus tout à fait, sans avoir changé pour de vrai. Liliann est toujours si sombre, le dos voûté sur ses malheurs, à ne plus faire un pas devant l’autre que poussée par le vent.
Elle avoue à Sanada ce qu’elle n’a jamais dit. Les mots lui échappent avec sa sincérité habituelle, comme s’il était capable de lui offrir une réponse, alors que Peau d’âne n’a jamais réussi à en trouver elle-même. Béryl est-elle sa fille ? N’est-elle qu’un souvenir ? Est-elle morte du jour au lendemain ou n’a-t-elle, même, jamais respiré ? Des questions auxquelles Liliann n’est même pas certaine de vouloir une réponse. Elle ne sait pas ce qui est le pire, ce qui lui ferait plus de mal, ce qui n’arrangera rien à son histoire.
La poupée prend appui sur la pierre tombale, comme si sa place avait toujours été là et Liliann la regarde avec un sourire attendri. Elle sait que Sally la lui a donnée en pensant à elle, à ses cheveux bouclés, ses yeux noirs, mais elle ne peut s’empêcher, elle, d’y voir une ressemblance frappante avec son Bébé, celle qui ne pourra plus jamais toucher de poupée. Elle veut lui donner celle-ci, comme un dernier cadeau d’une mère qui ne mérite plus de le devenir, d’en porter le titre. Aucun parent ne devrait enterrer son enfant.
Plongée dans un silence morbide, Lili laisse le temps à Sanada de dire ce qu’il a sur le cœur, d’écouter, très attentivement, sa manière de répondre à ses questions. Elle ne s’attendait pas à l’entendre trouver les mots justes, simplement parce qu’elle ne pensait pas obtenir, un jour, une réponse convenable à ces interrogations, mais il ne s’en sort pas trop mal, le Japonais, et elle se demande comment il peut, encore, couver un sentiment d’infériorité envers son jumeau. Il n’a pas besoin de le dire pour qu’elle le devine, Liliann, même si elle n’en dit rien, même si elle fait mine de rien. Il peut penser ce qu’il veut de lui-même, au fond, la brune a sa propre vision du jeune homme, à ses côtés.
Quand il pose la tête sur son épaule, elle penche la sienne sur ses cheveux noirs et pose les doigts sur ceux qu’il a glissés à sa taille. Elle veut lui redonner un peu de ce sentiment agréable qu’il souffle dans son cœur, essayer de le rassurer et de tarir ses pleurs.
« Tu es mon fils, autant que tu le voudras, souffle-t-elle, ses yeux noirs fixés sur le nom de Béryl. Elle reste avec nous, tu as raison. »
Elle ne dit pas Liliann, qu’elle se perd parfois dans les souvenirs de sa fille, dans cette impression malsaine de sentir ses doigts entre les siens, de la serrer contre elle. Elle sait qu’elle ne doit pas se perdre ainsi, mais elle ne veut pas l’entendre dire qu’elle doit arrêter, qu’elle doit sortir de ses passés pour marcher vers l’avenir. Lili n’y arrive pas. Elle ne peut pas se forcer à faire cet effort. Elle veut continuer d’avancer, avec la petite main de sa fille, au creux de la sienne. Même si elle n’est plus là pour lui dire qu’elle l’aime.
« C’est la première fois que je reviens ici, avoue-t-elle, le regard voilé de tristesse. Je n’osais pas le faire, jusqu’à maintenant. Je suis souvent venue jusqu’au portail, sans arriver à faire le dernier pas en avant. »
C’est la première fois, depuis le temps qu’elle est revenue dans la ville, que Peau d’âne trouve le courage d’avancer entre les tombes, les doigts serrés sur ceux de Sanada, pour venir rendre hommage à celle qu’elle a aimée plus qu’elle-même, plus que sa propre vie, plus que tout être, dans toutes ses vies.
« Je… préfère croire qu’elle a trouvé le repos, la tranquillité, s’il existe quelque chose, après. Je ne veux pas imaginer que je puisse la… retenir parmi nous. Ce n’est pas bien. Je ne veux pas être égoïste à ce point. Je ne peux pas. »
Liliann aime à penser que sa fille a trouvé un autre endroit, un havre de paix, pour passer ses journées à jouer, sans s’inquiéter du monde, de la vilenie, des guerres ou des maladies. Ne plus être qu’elle, le sourire aux lèvres, ses petits doigts dessinant des tonnes de nuages, de bonhommes, d’animaux de toutes les couleurs pour repousser les cauchemars, donner le sourire à ceux qui l’entourent.
« Je ne t’ai pas répondu, tout à l’heure, mais je n’ai plus de photos parce que j’ai fui, le plus vite possible, sans me retourner. Sans prendre le temps d’emporter quoi que ce soit. (Elle soupire un coup qui la vide de toute énergie.) Il en a peut-être encore, lui, mais je n’ai plus rien, moi. Rien qu’une maison qui n’a aucune trace de ma fille, et des souvenirs qui, malgré leur intensité, ne suffisent pas. »
Elle n’a pas encore fouillé le bureau de son père, Lili, mais elle sait qu’il n’a aucune photo de sa fille, puisqu’elle ne lui en a envoyé aucune. Elle ne voulait pas renouer avec lui, elle ne voulait pas le laisser approcher de son joyau. Plus tard, elle trouvera le courage d’entrer dans ce bureau, de vérifier le moindre tiroir. Plus tard, oui. Et elle trouvera une photographie, mais pas celle qu’elle aimerait voir.
« Si tu as besoin de quoi que ce soit, Sanada, même d’un lit pour la nuit, de quelqu’un pour s’occuper de toi ou… d’un endroit pour t’aider à… réduire le rythme, disons, alors tu sais que tu peux venir chez moi. »
La brune n’essaie pas de le forcer à arrêter de boire, mais pour son bien à lui et celui de ses proches, elle veut croire qu’il peut faire cet effort, comprendre qu’il ne pourra pas continuer ainsi indéfiniment. Les maladies sont vite arrivées, avec l’alcool dans le sang. Les malheurs, aussi. Même s’il n’a rien de méchant, même s’il ne le veut pas vraiment. Son père, à elle, était le meilleur père qu’elle aurait pu avoir, avant qu’il ne goûte de trop près aux effluves alcoolisées pour noyer son désespoir.
« Merci d’avoir accepté de m’accompagner. Tu peux venir autant que tu le souhaites. Si elle peut nous entendre, je suis sûre qu’elle serait heureuse que tu viennes lui raconter tes journées, toi aussi. »