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Pourquoi les relations sociales n'étaient jamais aussi simples que les équations à deux inconnues ? Pourquoi ne pouvait-il pas y avoir une seule et une bonne réponse comme dans une démonstration mathématique ? Pourquoi Honey était-elle paradoxalement si brillante et si nulle à la fois ? La jeune femme se trouvait là, les bras ballants, l'air hagard, à ne plus savoir quoi dire ni comment ni quand. Elle ne savait pas non plus si elle avait le droit d'essayer de consoler Michel-Ange ou si c'était proscrit par une règle sociale connue de tous sauf d'elle. Elle ne savait juste pas.
Et elle avait horreur de ne pas savoir.
Alors Honey regarda Michel-Ange en silence, l'observant entrer dans leur ancien appartement sans bouger, elle. Ca ne lui faisait pas vraiment mal de se dire que c'était leur ancien appartement. C'était un fait, après tout. Toute chose avait une fin. Tout le monde le savait. L'amour éternel ça n'existait pas stricto sensu.
Honey prit une profonde inspiration, même si elle ne lui insufflerait que de l'air, pas du courage, et recommença ses explications, manifestement peu claires.
- Je ne peux t'expliquer pourquoi nous deux ça n'a pas fonctionné, selon moi, sur le long terme. Je n'ai pas trouvé la réponse. Je... je sais pas si c'est plus clair, comme ça ? tenta-t-elle d'une toute petite voix. Je ne veux pas te faire souffrir. Je veux dire... je sais que ce que j'ai fait, je te fais souffrir, mais je n'ai pas rompu dans le but de te faire souffrir. C'est... une conséquence d'un de mes choix. Je... Wallace ne va pas tarder à venir chercher mes affaires, tu n'auras bientôt plus besoin de me voir ni de me parler, conclut Honey, de toute façon incapable de trouver les bons mots, la bonne syntaxe ou la bonne façon de dire et de faire les choses.
Alors autant les faire, simplement. Comme quand on arrachait brutalement un pansement en sachant que ça ferait mal mais que la douleur durerait moins longtemps que si on le retirait petit à petit. Michel-Ange pourrait plus facilement se faire à l'idée de tourner la page quand il ne resterait rien de Honey à l'appartement.
Toutefois, ce n'était pas encore fait. Wallace n'était pas encore arrivé et c'était sans doute mieux si Michel-Ange avait des choses à lui dire. Besoin de vider son sac, sans doute, comme le dit l'expression. Ca aussi le comprenait parfaitement.
La jeune femme l'écouta sans rien dire de plus, opinant simplement. Elle préféra ne pas dire qu'elle souhaitait se marier - parce que c'était administrativement avantageux et socialement attendu - et avoir des enfants pour transmettre son ADN puis son savoir à un être qui aurait 50 % de génome en commun avec elle mais aussi pour utiliser tous les organes qu'on lui avait donnés à la naissance. Elle ne parla pas non plus du fait qu'elle s'imaginait aussi avoir un deuxième enfant, adopté, cette fois, pour donner à quelqu'un qui n'avait pas tout ce qu'elle, elle avait. Manifestement Michel-Ange se projetait aussi dans ces choses-là et peut-être n'en avait-il pas donné l'impression. Ou peut-être qu'il projetait ces choses-là plus loin quand elle les voyait déjà plus près.
Le point positif c'était que malgré ce qu'elle lui avait fait, Michel-Ange lui souhaitait d'être heureuse. Honey se retint de sourire, afin que cela ne soit pas mal interprété. Elle était ravie de voir à quelque point ce jeune homme si touchant était une bonne et belle personne qu'elle s'estimait heureuse de connaitre.
Car même s'il ne voulait plus la voir, pendant un temps ou toujours, elle le connaitrait quand même encore.
Il l'embrassa, ce qui la prit au dépourvu, puis fila. Honey tourna la tête pour le regarder partir en courant, peu surprise qu'il ait choisi de partir ainsi. Courir, c'était son truc. Ca l'avait toujours été. Les constantes avaient quelque chose de rassurant.
- Et me voilà ! annonça la voix grave de Wasabi qui arrivait, comme promis, pour débarrasser l'appartement des affaires de Honey et Schrödinger le chat noir et borgne. En fait ça fait déjà cinq minutes mais j'ai attendu qu'il parte. Bon... on commence par quoi ? demanda-t-il en se retroussant les manches.
Honey lui montra les cartons de livres - des dizaines, ceux de vêtements et de chaussures. Elle récupéra les affaires de son chat et ledit chat en le prenant sur ses genoux pendant que Wallace - ou Wasabi pour les intimes - chargent les cartons et les affaires de science de Honey, ce qui incluait les deux serveurs sur lesquels étaient A.S.T.R.I.D. l'intelligence artificielle dans un camion de déménagement comme s'il portait des baguettes de pain.
Quand il eut terminé, il souleva la jeune femme comme si elle était une plume et l'installa sur le siège passager avant de plier son fauteuil et de le ranger aussi. Puis il monta derrière le volant. Honey le regarda d'un air anxieux.
- T'en fais pas, on la rebranche dès qu'on arrive. J'ai déjà fait de la place pour les serveurs, elle va être bien chez nous.
Honey en parut extrêmement soulagé et reposa une question, plus excitée :
- Et après on pourra...
- ... Faire du thé ? Absolument. On va être bien, toi, moi, la chimie, l'astrophysique, le plasma, Schrödinger, le thé et les sushis.
Et sans rien ajouter Wasabi démarra.