- Professeur Nichols ?

Elle s’était tournée brusquement en entendant la voix timide du jeune homme qui l’observait sans véritablement oser la regarder dans les yeux.

- Oui ?

C’était souvent le cas, certains avaient tenté de lui expliquer que cela avait avoir avec son physique, d’autres avec ses yeux qu’elle gardait souvent bien trop longtemps ouverts et fixe, d’une allure bien plus robotique qu’humaine. Comme se souvenant de ces conseils, elle avait alors cligné des yeux et l’avait observé avec un sourire la tête légèrement inclinée. Thomas Smith était un jeune homme plutôt timide mais brillant dans son domaine. Evelyn l’avait apprécié dès sa première année et il venait juste de débuter sa dernière année, la fatidique, menant à la plus terrible des thèses. Les élèves défilaient derrière eux et elle vit que le jeune homme avait tendance à se retourner, comme s’il vérifiait que l’amphithéâtre se vidait avant de se lancer. La blonde hocha alors la tête d’un air entendu en lui précisant :

- Vous me préviendrez quand vous vous sentirez prêt.

Elle se détourna de lui et commença à effacer ce qu’elle avait écrit sur les différents tableaux rapidement, relevant ce qui devaient être relevé d’un geste sec par la même occasion. Une fois qu’elle eut fini, elle reposa l’éponge avant de frapper ses mains l’une contre l’autre pour élever le surplus de craie et se dirigea vers son bureau pour récupérer ses documents et les ranger dans sa sacoche. La salle était devenue silencieuse, il ne restait plus que lui.

- Je vous écoute, Thomas.
- Et bien... je me demandais... comme c’est la dernière année, est-ce que... est-ce que vous accepteriez d’être mon maître de thèse ?

Elle le regarda surprise, se stoppant dans son travail. Il avait rougi instantanément, ses mains se tortillant nerveusement.

- Vous savez que je ne prends jamais d’essayistes en mathématiques appliquées...
- Je... Je sais... votre demain est bien plus la biologie que les mathématiques mais... vous êtes mon professeur depuis 5 ans et... j’ai beaucoup progressé avec vous...

Chaque année, elle avait le droit à son lot de demande et chaque année cela l’étonnait au plus haut point. Elle savait la réputation qu’elle avait auprès des étudiants. Celle d’un bourreau de travail insensible et elle comprenait pourquoi. Dans un monde de poisson rouge, elle avait un QI si phénoménale que rares étaient les élus capables de la suivre et l’enseignement n’avait jamais été une seconde nature. Peut-être aurait-elle été plus douce si elle avait vécu la malédiction, mais elle n’en avait connu qu’un coma qui ne lui avait créé aucune autre personnalité robotique que celle qu’elle avait déjà. EVE était un robot d’action, qui n’hésitait jamais à détruire ce qui devait l’être. Elle calculait plus vite que personne et jamais elle ne parvenait à comprendre les difficultés que pouvaient rencontrer un cerveau moins brillant que le sien, la rendant complétement odieuse lorsqu’il s’agissait de travailler ou retravailler à l’infini dans son cas, la thèse d’un élève. Et pourtant, celui qui s’y risquait savait qu’il ne pouvait qu’atteindre l’excellence, la note suprême et les portes s’ouvraient instantanément. C’était peut-être pour cela que chaque année avait son lot de courageux.

- Vous êtes un bon élève Smith, mais il faudra être encore meilleur si vous voulez travailler votre thèse avec moi. Vous êtes sûr de vouloir faire cela ?
- J’en suis plus que sûr professeur.
- Bien... alors les inscriptions ouvriront le 18 octobre prochain, je vous autorise à mettre mon nom sur votre formulaire. En attendant, envoyez-moi ce soir un mail détaillé de vos premières idées de recherches.

Galvanisé par cet espoir nouveau, le jeune homme avait hoché vigoureusement la tête en la remerciant avant de se ruer hors de l’amphithéâtre. Récupérant ses affaires, son sac et sa tasse vide, Evelyn se dirigea vers la salle des professeurs. Ce n’était pas l’endroit qu’elle affectionnait le plus en temps normal, socialiser était encore quelque chose de difficile pour elle, mais elle savait qu’Honey donnait quelques cours en cette nouvelle année et la blonde espérait bien voir sa meilleure amie en ces lieux. Pourtant, elle dut se rendre à l’évidence en poussant la porte de la salle : il n’y avait personne d’autre qu’un homme qu’elle n’avait encore jamais vu qui lisait un livre, seul dans un coin. Un rapide coup d’œil la renseigna sur son titre : Frankenstein et la jeune femme se dirigea directement vers la kitchenette tout en le saluant de loin :

- Bonjour.

Il s’était mis à lui parler et Evelyn l’avait observé tout en nettoyant sa tasse.

- Mmmh plus une envie qu’un besoin. Je n’ai jamais vraiment besoin d’un excitant, je me régule de moi-même.

Ça pouvait paraître étrange comme première approche mais il lui avait posé la question, c’est qu’il attendait bien une réponse, non ? Et il était hors de question de lui mentir. Après avoir essuyé son mug et l’avoir placé dans la machine à café, elle appuya sur le bouton et se tourna pour lui faire face complètement :

- Et quel est donc votre petit réconfortant ? J'espère au moins qu’il n’est pas question d’alcool ? C’ets un peu tôt pour de l’alcool, vous ne trouvez pas ? Et puis devant les élèves, ce n’est pas l’idéal... sans compter que c’est interdit... par le règlement.

Elle agrandit son sourire, plutôt fière du petit clin d’œil qu’elle venait de lui faire. Elle avait su rebondir à sa conversation et elle n’était pas peur fière de ce progrès. Récupérant une tasse pleine, elle se dirigea vers lui et pointa le fauteuil en face du sien :

- Je peux m’asseoir ?

Elle avait lu récemment qu’il était impoli de chercher la tranquillité lorsque quelqu’un engageait la conversation avec vous, surtout s’il était question de plus d’un “bonjour”, ce qui avait été le cas. Alors dans la mesure où il était une nouvelle connaissance, autant tenter de faire bonne impression, non ?

- Je suis enchantée de vous rencontrer, professeur Vulpesco. Je m’appelle Evelyn Nichols et vous avez vu juste. Je suis professeur de mathématiques appliquée et consultante pour les cours de biologie puisque je suis la directrice de l’aile biologique du laboratoire de Storybrooke. Vous avez un don qui vous permet de découvrir le métier des gens ?

C’était un don un peu futile mais pourquoi pas, à première vue ? Ils étaient bien dans une ville où il avait des êtres et créatures en tout genre. Elle réfléchit un instant à la matière qu’il enseignait. Elle savait que la malédiction avait eu tendance à faire des clins d’œil à l’ancienne vie des uns et des autres. Etudier la biologie quand on avait couru toute sa vie après une plante sur une planète déserte, il y avait de quoi voir le comique de situation.

- Vous êtes une créature mythologique ? Ou vous enseignez uniquement par passion ?

Elle lui avait souri en prenant une première gorgée de café. Les questions étaient peut-être abruptes, mais elle faisait de son mieux pour au moins tenir la conversation...