Il est si difficile de savoir qui l'on peut croire les bras ouverts, si difficile de savoir qui porte le masque et qui se montre vrai. 

Par les années passées à Storybrooke, toutes mes amitiés avaient été remises en question. Je m'étais moi aussi, remise en question. Je ne savais plus qui croire et sur qui m'appuyer de sorte à ce que seule mes propres épaules durent suffire à gérer les problèmes. Jusqu'à 2019, je me sentais seule. Puis peu à peu, c'est comme si les pièces du puzzle se rassemblaient. J'en remerciais pour cela des personnes étant entrées dans ma vie quelque temps plus tôt. Ali, Adrien, Diane, Meredith ou encore Erwin Dorian. Ils avaient été là lorsque j'étais au plus bas. Je n'oublie pas ces moments, je leur en reste reconnaissant. Les Winx avaient récupéré leur mémoire et tout rentrait, pour ainsi dire, dans l'ordre ? Je crois. J'avais reçu des réponses à mes questions même si certaines se posaient toujours dans un coin de ma tête. Nabu était mort et je ne comprenais pas toujours exactement comment. Je ne savais pas non plus s'il avait écrit ses dernières paroles, ses derniers souhaits. J'aurais aimé savoir... Ce qu'il s'est passé. 
Mais voilà, le temps s'écoulait et mes réponses à Erwin se faisaient répétitives et moindres. Je n'avais aucune nouvelle à donner... Pourtant, il y a quelques jours, il en redemanda. Je lui avais dit que mes pistes ne menaient pas à grand chose mais il insista pour prendre de mes nouvelles, rien de plus. Ni intérêts, ni affaires... Juste savoir comment j'allais. C'était une demande qui ne pouvait que me faire plaisir au vue des circonstances. Il avait été là pour moi, je lui en restais reconnaissante.


"Bonjour..." 

Il était tôt. Mes cheveux coupés en carré attachés en deux chignons à mèches lâchées et ma tenue de confort avec legging et basket laissaient entendre toute la couleur de cette matinée : je n'étais pas encore très réveillée. Pourtant, Erwin Dorian, lui, semblait déjà prêt à prendre les rênes de ses dossiers. En costume cravate, je le croisais tout juste alors que je pénétrais dans l'établissement. Il discutait avec une de ses employées que je n'avais jamais vu jusqu'alors. Mon regard jonglait entre les deux personnages, comprenant que j'avais coupé court à une discussion. Je souris à l'homme costumé et refermai la porte derrière-moi.

"Trop en avance, peut-être ? On avait convenu que je vienne le plus tôt possible pour éviter de trop décaler votre emploi du temps. Puis mon regard se tourna vers la jeune femme blonde qui était assise à ses côtés. Bonjour, je dois être le... Le dit rendez-vous. Mais je ne sais pas si, pour le coup, on peut vraiment appeler ça un rendez-vous. Dis-je d'un rire gêné, une main portée à ma nuque. Vous êtes sûr que ça ne dérange pas votre programme ?" 

Je n'allais pas mentir sur un dossier toujours suspendu pour le moment. Sa secrétaire, de plus, pouvait déjà être au courant de la nature de ma venue. Ils semblaient être assez proches pour s'en confier. 


"Aisha Androuze." Me présentais-je d'une main assurée que je passais par dessus le bureau de la jeune femme aux yeux bleus clairs.

( Pando )

C'était la moindre des choses d'être ponctuelle alors qu'il prenait le temps d'avoir de mes nouvelles avant son travail. Être notaire ne devait pas être un boulot de tout repos et quand je voyais déjà le temps que je lui avais pris, je n'imaginais pas ce qu'il pouvait en être avec les autres clients. Me recevoir marquait tout son professionnalisme et sa droiture car malgré tout ce qu'il a pu se passer, il ne perdait pas le fil de la discussion et des événements. Il se tenait à jour. Le rendez-vous, quoique surprenant, m'avait fait plaisir lorsqu'il fut organisé comme des retrouvailles dans un bar, en plus formel. Nous n'étions peut-être pas amis... Je n'en sais rien... Mais je lui restais encore reconnaissante pour tout ce qu'il avait fait pour moi. Dans les moments les plus sombres, il avait su être une source de lumière. 

Je souris, gênée de l'attention qu'il me portait, redressant alors deux mains agitées face à moi suivie d'une voix coupable.

"Non, non, non ! Ne faites pas ça, vous avez du travail et je ne peux pas le repousser simplement pour une prise de nouvelles. C'est déjà vraiment gentil de votre part de toujours m'adresser la parole alors que j'ai laissé couler notre affaire concernant... Mon fiancé. Je croisais les bras et pinçais les lèvres. Inutile de ressasser le passé. Ces histoires se sont trop étendues... Mais je suis passée à autre chose." 

Je n'avais jamais rencontré la jeune femme qui l'accompagnait mais le problème fut vite réglé lorsqu'il me la présenta. Un sourire poli naquit sur mes lèvres à celle qui se faisait connaître sous le nom d'Erika Seamstress. Des informations que son patron en donnait, j'eus envie de m'intéresser à ses études. Simple curiosité. Elle devait être tout juste plus jeune que moi mais me rappelait qu'autrefois, j'aurais pu aussi en faire des études, si j'avais su dans quoi me diriger... Enfin. Nous étions dans la police, aujourd'hui. Je ne regrettais pas ce choix. Bouche entrouverte alors que je commençais à m'intéresser à son parcours, ma voix n'eut pas le temps de créer le moindre son quand Erwin m'invita à son bureau. Je tournai la tête vers la main qu'il dirigeait dans la direction à emprunter et me ravisai à poser mes questions à la jeune fille. J'hochai simplement la tête.

"Oh oui ! Oui, bien sûr, ne perdons pas plus de temps !" 

Impossible d'imaginer en gratter encore alors que j'avais l'impression de chambouler tout un planning. Je pouvais simplement répondre à la question d'Erika concernant la boisson qu'on lui demanda de nous rapporter directement au bureau, alors qu'elle se chargeait d'organiser les rendez-vous et de préparer divers dossiers. 


"Hum... De l'eau suffira, merci." Acquiesçais-je.

Erwin Dorian me laissa passer devant avant de m'emboîter le pas jusqu'au bureau dont il ferma la porte. Cette dernière entrée me rappela la première, celle où, tout juste vêtue pour retournée me coucher, cernée et pâle, j'avais demandé des informations concernant l'héritage d'un défunt dont on ne savait... Quasiment rien sur le décès. C'était dans un piteux état que j'avais raconté mon histoire, puis les rendez-vous, de fil en aiguilles, se sont enchaînés. Je n'allais pas mieux mais le notaire ne lâcha rien. Ni l'affaire, ni moi-même. Il fut une écoute et un bon conseiller. C'est lui qui avait proposé que je change d'airs, que je prenne le large vers un ailleurs que Storybrooke pour me changer les idées. Je l'avais fait. Et il avait eu raison. À mon retour, c'était comme si je retrouvais des pièces du puzzle de ma vie et que je me redécouvrais moi-même. Différente et en même temps améliorée. Par la suite, nous ne nous voyons plus beaucoup, tout juste des appels pour que je le tienne au courant des recherches que j'avais engagé pour retrouver des traces de Nabu. Rien n'en suivit. Sa mort restait un mystère et un possible testament aussi et ayant d'autres problèmes à gérer beaucoup plus présents et personnels, je dus abandonner. 

J'avais tout de même meilleure mine aujourd'hui.

"Rien n'a changé. C'est toujours aussi lumineux et doré. Un endroit qui vous ressemble. Souriais-je en m'asseyant sur le fauteuil destiné aux clients. Je suis contente de vous revoir, ça fait longtemps. Nous avons tous les deux eu beaucoup de choses à faire, le temps nous a manqué. Je soupirais longuement, heureuse. Alors ! Comment les affaires vont-elles pour vous ?" 

La question venait d'elle-même, après tout, c'était professionnellement que je le connaissais le plus. Ou que je le connaissais tout court. Il gardait pour moi son titre de notaire avec tous les accessoires accompagnés. Je savais le différencier de ses collègues par sa prestance, sa tenue, sa diction et son regard perçant. Il restait droit, souriant, poli et respectueux dans toute situation, sachant être calme et rassurant à la fois lorsque la situation nous échappait. Je pensais que l'image que j'avais de lui était commune à tous, c'était donc surprenant de recevoir un avis tiers par écrit provenant de son employée. Ce fut bref alors que j'allais pour aider Erika qui venait de faire tomber un document au sol. Sous le bureau, Erwin ne voyait rien, mais la jeune femme tendit sous la masse un bout de papier d'un regard dirigé dans ma direction. Je fronçai légèrement les sourcils au contact du papier. Doucement, je le glissai dans ma manche comme un réflexe puis je me rabattis sur mon siège et baissai le regard vers mes mains. Le papier déplié, je lus... Et je ne compris pas. "Lui" ? Mon menton se relevait vers la silhouette qu'elle devait mentionner mais je ne réalisais toujours pas. De quoi voulait-elle que je me méfie ? Je le connaissais certainement depuis plus longtemps que lui si elle venait d'arriver ici ? Je n'en savais rien. Ses informations sortaient de nul part. 

Silencieusement, je patientais et réfléchissais. Était-ce une femme en danger qui appelait à l'aide face à l'homme que j'avais en face de moi ? Elle semblait plutôt me laisser entendre que j'étais en danger, or je connaissais Erwin pour le savoir attentionné avec moi depuis notre rencontre. Il ne m'avait jamais été méprisant ou intéressé. Alors pourquoi ? 

"Erika. Coupais-je avant qu'elle ne passe la porte du bureau. Je me tournai dans sa direction. Vous... Je... Réfléchissais-je en pesant mes mots. Mon dossier doit encore être dans les archives avec mes coordonnées et la raison de ma venue, tout ça... Est-il possible de me le ressortir imprimé, s'il vous plait ?" 

Elle comprendrait, espérais-je. Elle comprendrait que si elle avait besoin de quoique ce soit, toutes mes coordonnées étaient dans mon dossier et qu'elle pourrait me contacter par n'importe quel moyen. Mais outre ça, je savais que ce rendez-vous ne faisait que commencer. Les allés et retour de la jeune fille également. Me retournant face à Erwin Dorian, j'esquissais un sourire désolé qui servait d'excuses à ma demande plutôt bancale.

"J'ai perdu le mien..." 

Ça passerait. 

( Pando )