Il était neuf heures, ce qui signifiait que la pâtisserie était déjà ouverte depuis deux heures et qu'Amelia était levée depuis trois heures. La matinée était calme, Amelia aurait pu en profiter pour pâtisser à l'abri des regards et laisser la caisse à Cassie, sa seule salariée, une femme adorable qui approchait la quarantaine et adorait les chats, mais elle n'en avait rien fait, appréciant autant de faire des gâteaux que d'échanger avec les clients. Et maintenant qu'elle était aussi secrétaire à la mairie, où elle passait désormais le plus clair de ses après-midi, Amelia profitait de chaque occasion qui lui était donnée pour satisfaire son envie de sociabiliser.
Même si certains clients en avaient moins envie que d'autres.
Qu'à cela ne tienne, Amelia les accueillait toujours avec le même sourire indéfectible et sa bonne humeur qu'elle espérait contagieuse. Au demeurant, elle comprenait que tout le monde ne soit pas aussi extravertie qu'elle pouvait l'être et tenait à ne pas forcer les choses. Mais quand la cliente suivante, une jolie blonde qu'elle voyait dans son magasin pour la première fois, se présenta avec, elle aussi, un grand sourire (peut-être un peu grand vu le dernier décret de la mairie, d'ailleurs) et qu'elle mentionna son lien de parenté avec Hadès, Amelia sut que la conversation serait plus longue et animée.
- Bonjour ! Hadès adore les gâteaux et les cadeaux, il va être content que vous lui fassiez une telle surprise ! s'écria la pâtissière. Il ne m'avait pas dit qu'il avait une sœur mais bon, nous ne sommes pas à proprement parler amis, alors je suppose que c'est normal. C'est pas grave. Je suis Amelia et je suis depuis peu la nouvelle secrétaire de la mairie, en plus d'être la pâtissière de La Pelle à tartes, se présenta la gérante des lieux, toujours aussi souriante et bavarde.
Il y avait des gens que cela pouvait agacer et Amelia en avait conscience. Elle supposait que ceux qui ne supportaient vraiment pas de l'entendre parler se contentaient de réponses à monosyllabes ou acheter leurs pâtisseries ailleurs. Dans les deux cas, elle ne leur en voulait pas.
En bonne commerçante qui se respecte, Amelia acceptait les commandes - dans la limite du raisonnable - même si ce n'était pas explicitement écrit sur la devanture de sa boutique. Elle partait du principe que c'était logique de le faire et manifestement sa nouvelle cliente était de cet avis.
C'est avec une certaine excitation qu'elle la regarda extirper la photo de la pâtisserie qu'elle souhaitait offrir à son frère (c'était un peu étrange de songer à Hadès dans le rôle du frère de quelqu'un mais au moins tout aussi cool de savoir qu'il avait une famille plus grande qu'elle ne l'aurait cru - la famille, c'était sacré, après tout).
- Waouh ! s'exclama Amelia en regardant la photo lissée par la jeune femme de l'autre côté du comptoir. Ca c'est du cupcake ! Evidemment que j'accepte ce type de commande, reprit Amelia en levant les yeux de la feuille pour croiser ceux de la jeune femme. J'aime bien les nouveaux challenges. C'est vrai que je n'ai jamais fait de cupcakes avec la tête de quelqu'un dessus - j'ai déjà fait des cupcakes licornes mais c'est différent - mais si je réussis ce modèle j'en ferais peut-être d'autres ! Avec la tête d'autres personnages, précisa la pâtissière. Je n'ai pas pour habitude de reprendre les commandes des clients dans ma boutique, ce cupcake si je le réussis - et y a de très fortes chances que ce soit le cas - sera à vous, rien qu'à vous, affirma Amelia.
Elle préféra ne rien dire concernant sa concurrente. Il paraissait, en effet, que Robyn Candy avait un sacré caractère mais elle ne lui avait jamais parlé. Amelia préférait considérer qu"elle avait sans doute eu une très bonne raison de refuser la commande de la jeune femme blonde.

Amelia grimaça, désolée pour la sœur de Hadès que celle-ci n'ait pas été mentionnée lors de son arrivée dans l'équipe. Même s'il était certain que la jeune femme n'en faisait pas partie et que, de fait, ce n'était pas obligatoire de parler d'elle dans le cadre de la gestion de la ville. Manifestement, ça lui aurait fait plaisir d'avoir sa mention - peut-être dans un discours de remerciements au moment de lancer officiellement son second mandat ? - alors en tant que frère il aurait sans doute pu en faire une.
Cela dit, Amelia ne comptait pas lui en faire la remarque. Pas de but en blanc, en tout cas. Si un jour la conversation s'y prêtait, peut-être lui ferait-elle par de cette anecdote mais, bien que Hadès soit prompt à parler de tout un tas de choses, elle doutait que ce jour arrive de si tôt. Pas avec les problèmes posés actuellement par les panneaux de circulation.
- Eh bien maintenant je vous connais et le plaisir est partagé, reprit Amelia en stoppant les vagabondages de son esprit qui avait tendance à s'égarer pour un oui pour un non.
La pâtissière avait quand même une nouvelle commande à traiter et cette commande n'était pas pour n'importe qui ! Ce n'était pas le moment de se disperser, même si Amelia avait grandement envie de discuter avec la sœur de Hadès qu'elle avait déjà catalogué dans la longue liste de personnes qu'elle trouvait sympathiques.
Alors, pour se donner contenance et forcer son esprit à se concentrer, la jeune femme attrapa son calepin pour commencer à prendre quelques notes sur ce cupcake surprise. Des paillettes, déjà. Curieusement, Amelia n'imaginait Hadès être le genre de personne à raffoler d'elles mais si c'était sa sœur qui en demandait, elle savait sans doute de quoi elle parlait. Et c'était vrai que des paillettes alimentaires bien placées pourraient être du plus bel effet, par exemple au sommet des cheveux bleus pout leur donner un peu de brillance. Et des goûts qui se mariaient bien... ça, en fait, Amelia ne le nota pas. Pour elle, c'était une évidence. Elle ne pâtissait jamais au hasard.
Elle s'était attendue à ce que sa nouvelle cliente ait déjà peut-être une idées des goûts à mettre dans le cupcake Hadès mais apparemment non, elle ne savait pas. Qu'à cela ne tienne, elle s'était adressée à une pro qui était toujours bien trop contente d'aider.
- Ce qui est pratique quand on discute avec une pâtissière c'est qu'elle a l'habitude de faire des associations. Enfin... je ne voudrais pas parler de moi à la troisième personne, se corrigea Amelia. C'était pour faire une généralité. J'ai déjà fait des pâtisseries commandées par Hadès mais elles étaient pour une certaine Lily qui aime les cacahuètes. Vous savez peut-être ce qu'il aime ? Ca pourrait être une base pour décider des parfums qu'on choisit, sachant qu'il n'y a rien de naturel pour faire ce bleu, c'est du colorant alimentaire qu'il faudra rajouter à la préparation. Par contre pour le cœur rouge il y a plein de choses possibles ! La framboise par exemple.
Comme à chaque fois qu'elle parlait pâtisserie, Amelia était expansive et très enthousiaste. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle se contentait de faire des suggestions et d'expliquer sa vision des choses, craignant que son enthousiasme ne soit pris comme une injonction. S'il y avait bien une chose qu'Amelia ne voulait pas, c'était imposé son avis. Le client était toujours roi chez elle, elle ne faisait office que de conseillère. Alors si on lui demandait un mélange comestible mais mal assorti, elle s'exécutait si jamais son avertissement n'était pas écouté. A ce propos, elle se devait de mettre en garde sa cliente contre le cream cheese :
- En revanche, je vous déconseille le cream cheese sur un cupcake c'est... oh je suis sûre que ça peut plaire mais c'est pas ce qu'on fait en général. On utilise plutôt du beurre et du sucre glace et on peut mettre du colorant dedans pour le... bah le colorer, en toute logique. Alooors, se reprit Amelia après cette tournure peu heureuse, une idée de ce que votre frère aime ? Vous en faites pas, si vous n'êtes pas sûre on optera pour des saveurs classiques, en général, si la personne n'a pas d'allergie, ça fonctionne bien. Les dieux peuvent avoir des allergies, d'ailleurs ? Il m'a jamais rien dit là-dessus, constata la pâtissière.

Amelia sourit, la réponse de la sœur d'Hadès ayant de quoi faire rire. Elle avait de la répartie et c'était une bonne chose - même si cela ne faisait absolument pas avancer leur entreprise. Au moins pouvaient-elles se targuer de stagner en plaisantant.
- C'est un cupcake de Noël que vous voulez et nous sommes fin novembre, observa Amelia. On a un peu le temps pour trouver les goûts parfaits pour lui faire plaisir, alors si vous pouvez lui demander et revenir, c'est une bonne idée. Pour travailler avec des informations sûres et maximiser les chances de lui faire plaisir, concliut la pâtissière avec un grand sourire.
Ce sourire, elle ne s'en départit pas quand la sœur du maire affirma que Hadès était un cas à part chez les divins. Amelia n'était pas du genre à juger négativement les personnes. Elle-même se savait un peu fantasque et particulière. Mais elle avait des yeux et des oreilles et, bien qu'incapable de dire en quoi, exactement, sa frangine le trouvait spécial, Amelia devait bien avouer qu'à ses yeux aussi, Hadès était particulier. Dans tous les sens du terme.
- C'est une bonne chose de ne pas avoir d'allergie. Y a quelques clients qui en ont, parfois des sévères, et pour la fête de la mairie du 17 octobre j'avais essayé de prendre tous les allergènes en compte pour proposer de quoi manger à tout le monde, quel que soit ses allergies ou ses habitudes alimentaires... C'était beaucoup de boulot, disons. Mais je l'ai fait avec plaisir, se défendit Amelia avec de gros yeux. C'est important la santé. C'est important aussi que votre cadeau soit original et à l'image de Hadès, je suppose, reprit la pâtissière pour retomber, plus ou moins habilement, sur ses pattes et poursuivre la conversation de façon utile à sa cliente.
Amelia se mit à réfléchir à cette dernière requête. Des cupcakes, tout le monde en consommait tout le temps, c'était très à la mode. Difficile de se faire remarquer dans une nuée de pâtisseries similaires où seule la décoration changeait.
- On peut déjà se dire qu'on fait un cupcake géant au lieu d'une taille standard. Ca c'est pas commun, avança Amelia. On pourrait aussi le fourrer à la framboise mélangé au poivron rouge. C'est un légume sucré, ça passe bien en pâtisserie. On peut faire des tests avec du piment doux si vous voulez. Mais je pense qu'il faut tenter une première recette et que vous goûtiez pour vous faire un avis. Mon idée n'est quand même pas banale et je n'aimerais pas me foirer pour le Noël du maire.
En dépit de l'apparente carte blanche qu'on lui donnait, Amelia voulait prendre ses précautions. Il en allait de sa collaboration avec le maire et de l'image de sa pâtisserie. Elle ne pouvait pas prendre la requête à la légère. Mais elle se trouvait un peu grisée par l'enthousiasme de la jeune femme et se surprit à proposer :
- Le curaçao c'est un alcool bleu. Si vous voulez je peux voir si ça rend bien dans le glaçage pour faire les cheveux. J'ai jamais testé, je sais pas si ça se fait mais... ça se tente. Non ?Mélangé avec de la menthe, peut-être ? Il faudrait tenter. Vous avez pas envie de venir derrière à l'arrière boutique avec moi ? Comme ça je fais un essai de tout ça et vous me dites si vous aimez. L'essai est offert par la maison, crut bon de préciser la pâtissière.

HJ : je ponds mes réponses en lisant au fur et à mesure donc j'avais pas encore lu ton sucré salé quand j'ai parlé de poivron... On est synchro des pensées, mon nuggets !

Amelia avait toujours eu beaucoup d'empathie, ce qui expliquait notamment pourquoi elle pleurait facilement devant un film ou si quelqu'un lui racontait ses malheurs. Ce n'était pas une qualité toujours pratique voire facile à assumer - d'ailleurs, Amelia ne considérait pas forcément toujours qu'il s'agisse d'une qualité - mais cette fois la pâtissière était on ne peut plus heureuse d'avoir ce trait de caractère cat c'était lui qui lui permettait de se gorger de tout l'enthousiasme de sa nouvelle cliente. Ce genre d'émotion était particulièrement énergisante, si bien qu'Amelia avait presque l'impression d'organiser une surprise d'anniversaire pour son propre frère alors qu'elle n'en avait pas.
- C'est très gentil ce que vous me dites, sourit la pâtissière. Je crois que c'est vous qui m'avez inspirée avec vos propositions qui sont très intéressantes.
C'était beaucoup plus facile d'être inspirée dans ce cas de figure que lorsque le client proposait des mélanges qui n'allaient pas ensemble et ne voulait pas en démordre. Heureusement pour Amelia, c'était quand même rare qu'elle rencontre une personne entêtée et peu disposée à écouter une professionnelle. Et c'était tant mieux ! Quand on était aussi douce qu'Amelia, c'était difficile de s'imposer. La jeune femme avait toujours peur de froisser les gens et prenait, de fait, mille et une paires de gants pour éviter de mettre les pieds dans le plat. Sans mauvais jeu de mots.
- C'est vrai qu'avec tout ce que j'imagine j'aurais bien envie de goûter ce cupcake maintenant qu'on en parle ! s'écria la jeune femme en traduisant, sans doute, un peu de l'enthousiasme de la sœur de Hadès. Et justement l'un des avantages de mon travail c'est que quand quelqu'un passe une commande d'un nouveau genre qui me fait envie la conscience professionnelle m'impose de goûter. Pour m'assurer que je vais vendre quelque chose de délicieux, bien équilibré au niveau des goûts et... aussi proche de la perfection qu'on puisse l'être.
Amelia ponctua cette dernière remarque d'un clin d'œil complice. Elle voyait bien que la proposition, plutôt originelle, même venant d'elle, de passer dans l'arrière boutique pour faire un test enchantait la jeune femme autant que la pâtissière et cela lui donnait encore plus envie de s'y mettre. Peut-être que si elle n'avait pas été la sœur du mairie, Amelia ne lui aurait pas fait cette proposition ou peut-être pas. Ce n'était pas la première fois qu'elle témoignait d'une façon de faire bien à elle.
- En fait je fais ça de manière spontanée et souvent quand je suis très enthousiasmée par un projet, révéla la pâtissière en entrainant sa commise d'un jour dans la face cachée de La Pelle à tartes. Et aussi quand j'ai du temps devant moi. Si vous étiez venue après le 15 décembre j'aurais eu du mal à le faire. A l'approche de Noël c'est toujours le rush, expliqua Amelia, doutant cependant que sa cliente ne l'ait pas compris d'elle-même.
Revenant cependant au moment présent, la pâtissière assista à la transforma vestimentaire de sa cliente et se retint d'ouvrir la bouche bée. Pour le coup, elle n'y allait pas avec le dos de la cuillère. C'était très radical comme changement.
- En fait j'allais vous dire de commencer par vous laver les mains avec du savon et bien les sécher. Je pouvais aussi vous prêter un tablier pour ne pas salir vos beaux vêtements mais si vous voulez mettre une tenue spéciale j'y vois pas d'inconvénient. Vous pouvez naturellement goûter les préparations, on a des cuillères pour ça, précisa Amelia. Evitez de goûter avec les ustensiles qui servent à pâtisser. Je sais qu'on le fait presque tous quand on cuisine chez soi mais quand on vend ce qu'on prépare il faut faire très attention. Si vous avez besoin de vous moucher le nez ou de vous grattez derrière l'oreille, relavez vous les mains avant de toucher la nourriture. Ce sont des règles d'hygiène de base, ça tient avant tout du bon sens. C'est mieux de faire de la pâtisserie sans gants parce que ça demande de la minutie que les gants ne permettent pas et je n'allais pas dire que la charlotte est essentielle mais elle ne peut pas faire de mal. Mieux vaut être trop prudent que pas assez, n'est-ce pas ? sourit Amelia.
Elle-même ne portait pas de charlotte dans le cadre de son travail et se demanda si elle devait culpabiliser de ne pas le faire.
- Si vous voulez rester comme ça, moi ça me va ! Mais ne gardez pas les gants. Nous allons certes dans ce qu'on appelle un labo mais ce n'est pas un laboratoire de chimiste, c'est un labo de pâtisserie, gloussa la commerçante en entrainante sa cliente de l'autre côté du comptoir, d'abord dans un étroit couloir qui débouchait sur le fameux labo.
Il contenait tout ce dont on avait besoin pour pâtisser à plusieurs. Un grand plan de travail. Un évier avec deux bacs. Un immense congélateur pour les produits glacés. Un frigo tout aussi grands pour les autres produits devant être gardés au froid ou simplement réservés le temps que la préparation prenne. Il y avait également une panoplie complète d'ustensiles et de machines rangés selon leur utilisé. Evidemment, il y avait énormément de matières premières, soit dans les frigos, soit entreposés à l'air libre ou dans le placard. Et, bien sûr, un très grand four permettait de cuire de généreuses fournées de gâteaux d'un seul coup.
Amelia était fière de son labo, tout comme elle était fière de la partie accessible aux clients de sa boutique. Les deux endroits, quoique différents, étaient également ordonnés et chaleureux. Du moins, le labo était aussi chaleureux que pouvait l'être un labo.
Ne s'attardant pas sur la contemplation de l'endroit ni sur l'effet que cela pouvait faire à la jeune femme de découvrir l'envers du décor, Amelia alla se laver les mains puis noua son tablier autour de sa taille avant d'attraper un autre tablier qui servait généralement aux extras qu'elle et Cassie prenaient pendant les périodes de rush. Ledit tablier indiquait Padawan pâtissier - c'était Declan, le fils d'Amelia, qui avait suggéré cette obscure inscription - et était parfaitement propre, n'ayant pas servi récemment.
La pâtissière le présenta à la sœur de Hadès et dit :
- Si vous préférez une tenue moins... euhm... radicale, je vous le prête et vous pouvez le salir autant que nécessaire, j'ai un bon détachant.

HJ : punaise cette connexion de pensée !

Sac poubelle, c'était un peu fort comme comparaison. La combinaison n'était certes pas flatteuse mais la jeune femme était suffisamment jolie pour compenser la tenue. Cela dit, elle serait largement plus à l'aise si elle se contentait d'un tablier par dessus ses vêtements.
- C'est vraiment pratique d'avoir le pouvoir de changer de tenue à loisir, commenta Amelia en l'observant se changer une nouvelle fois. Elle est vraiment top cette salopette, en plus. Excellent choix.
La pâtissière appréciait les jolis vêtements mais ne se considérait pas comme un fashionista. La plupart du temps elle était en jean et tee-shirt ou chemise car c'était plus pratique pour travailler, même si, en été, il lui arrivait de travailler en robe. Les vraies belles tenues de sa collection - si on pouvait qualifier ainsi sa garde robe - Amelia les gardait pour les grandes occasions qui, en dehors des réunions de famille, s'étaient faites rares depuis le décès de son mari. Par chance, maintenant qu'elle avait un poste officiel au sein de la mairie, elle aurait sans doute l'occasion de ressortir ses robes de soirées plus fréquemment.
- Et les tresses, c'est parfait aussi ! continua Amelia en ayant détaillée sa commise de la journée des pieds à la tête. Ca vous va bien. Et waouh, vous avez de sacrés muscles ! Je pense que j'ai une certaine force dans les bras à force de battre des œufs en neige manuellement - des fois ça m'arrive de ne pas utiliser l'appareil électrique, précisa la pâtissière. Mais c'est en rien comparable à vous. Cela dit, en étant la sœur du dieu des enfers, même si je ne connais pas votre attribution dans la mythologie, je ne suis pas étonnée que vous ayez des capacités bien supérieures aux miennes. C'est normal. J'étais juste une lionne avant alors j'ai gardé des griffes rétractables mais ça sert pas très souvent.
Amelia ne s'en plaignait pas, elle constatait. C'était agréable, d'une certaine façon, d'avoir récupéré un peu de sa première identité, même si la vie sur la Terre des Lions ne lui manquait pas tellement, tant elle avait fait une lionne ridicule. Maintenant elle avait sa place dans la société, plus qu'avant, en tout cas. L'humanité avait, quand même, de sacrés avantages auxquels Amelia ne voulait pas dire adieu, jamais.
La pop culture, notamment. Même si Amelia n'y connaissait pas grand-chose, surtout quand son fils aîné lui parlait de fandoms et de ces choses-là, était quand même très riche et intéressante. Naturellement, parce qu'elle voulait être une maman qui s'intéresse, Amelia essayait de comprendre ces univers. Malheureusement, elle avait largement préféré Harry Potter quand ses enfants étaient plus jeunes que toutes ces histoires de guerre des étoiles.
- Mon fils aime bien tous ces trucs, Star Wars et les séries dérivées, alors j'ai regardé un peu avec lui mais j'ai pas tout compris. C'était plus le truc de son père, en fait. Le mien c'est les romcoms. Mais oui... je vois qui c'est Bébé Yoda. Il est tout petit et vert avec des grandes oreilles, non ? Il est plutôt mignon.
C'était sans doute le seul personnage dont elle se rappelait de la série en question. Par chance, elle était pâtissière, pas regardeuse de séries professionnelle. Et justement, puisque son assistante du jour était particulièrement motivée, elle ne perdit pas un instant pour la guider dans sa première session de pâtisserie :
- On va commencer par un truc super simple. Faire fondre le beurre en faisant en sorte qu'il reste jaune - c'est meilleur s'il ne devient pas translucide, précisa la professionnelle, puis on va y incorporer les œufs au sucre. On peut faire ça avec un robot mais vous avez l'air d'aimer les challenges physiques alors vous pouvez le faire à la main sans souci, je pense, décréta Amelia en disposant devant elle les ustensiles dont sa commise aurait besoin, ainsi que les ingrédients que la pâtissière avait déjà pesé pour n'utiliser que ce dont elles auraient besoin. Il faut fouetter jusqu'à ce que le mélange soit bien mousseux puis incorporer la farine et refouetter. Pendant ce temps je peux déjà préchauffer le four pour nous faire gagner du temps !
Et, en effet, Amelia se dirigea d'un pas énergique vers ledit four.