Un psychologue, voilà où il en était. Ce besoin de parler, de trouver des solutions comme si aucune ne pouvait lui convenir. Ce que n'avouait pas Alastor par ce rendez-vous dont il aurait pu se passer, c'est qu'il n'osait pas faire de choix. User de la magie, n'écouter que son esprit - la partie raisonnable - pour venir à bout du problème était comme un extrême qu'il n'arrivait pas à envisager, alors il demandait à quelqu'un d'autre de faire un choix pour lui, se faisant passer pour le faible que l'Homme demeure dans son quotidien. Il n'était pas faible - il se le répète à lui-même - mais il voulait faire comme si. Il y avait-il un plan Z ? Il y avait-il l'idéal ? Alastor espérait qu'en disant peu, il obtiendrait tout ce qui lui était nécessaire mais c'était évidemment très mal calculé et naïf de sa part. Il le savait, c'était ça le pire, mais il ignorait jusqu'à ce que la psychologue le ramène quelque peu à la réalité en lui demandant de ne plus "tourner autour de pot". Alastor fit une moue amusée.

"Voyons, je ne cherche pas à tourner autour de quoique ce soit ! Il leva les yeux au ciel. Je vous ai dit l'essentiel... Il vous faut autant d'informations pour trouver une solution à mon problème ? Tout me parait clair, pourtant, moi, quand je parle."

Mais il fallait se rendre à l'évidence : parler peu n'allait pas aider la jeune femme à comprendre la situation qui lui était pourtant inconnue. Alors le démon tourna encore autour du pot, mais plus proche du but cette fois-ci. Il expliquait vouloir éviter des moyens radicaux telle que la mort pour venir à bout d'une personne qui hantait son esprit - entre autre. Les propositions d'Ishanee pour oublier l'individu en question s'avéraient intéressantes mais malheureusement, difficiles à envisager. Alastor, menton posé sur la paume de sa main, écoutait attentivement mais ne se retrouvait dans aucune des situations. Il grimaçait légèrement. Passer du temps avec les personnes que vous aimez... Mais elle était la personne qu'il aimait.

"Elle ne m'a rien fait directement... Son regard vrillait sur le côté, ne sachant quoi répondre exactement. Rien qui ne vaille la mort du moins. Vos propositions sont intéressantes mais la plupart ont déjà échoué, je ne peux m'y résoudre."

Jusqu'ici, Alastor demeurait quelque peu distant aux questions trop proches du but puis attentif sur le reste. Il prenait clairement ce qu'il voulait de cette discussion, il n'en assumait pas grand chose mais à vrai dire, qui de mieux pour parler de ce qu'on n'assumait pas qu'avec un inconnu qui, de plus, a promis par sa profession de garder secrets vos confessions ? Mieux qu'un prêtre !
Cependant, lorsque la professionnelle, qui ne faisait rien d'autres que son boulot, touchait le point sensible à éviter, le démon ne réussit pas à barricader son embarras derrière un sourire étincelant. Il élargit deux grands yeux ronds, hésitant à quoi répondre. Le déni arriva en premier :

"Moi ? Des sentiments ? Il rit. Noooon ! Non, non, non ! Je- NOOON ! Bien sûr que non, pourquoi aurais-je... Et finalement, sentant le discours flancher, il s'arrêta un instant, planta son regard dans celui d'Ishanee cherchant à savoir si elle lisait à travers les lignes. Puis il cessa toute comédie en toussant dans son poing d'un fin sourire. Qu'importe. Les sentiments empêchent la raison de fonctionner correctement, elle est inutile et parasite. Je dois m'en débarrasser."

Que le vif du sujet pouvait blesser, surtout lorsqu'on venait aux sentiments de l'autre partenaire - ou plutôt à ceux qu'il n'avait pas. Alastor se souvint très bien de la première et dernière fois où son cœur entra en scène, dirigé par son alter ego, sa fausse et illusoire identité de dieu de la mort. Undertaker était plus sentimental qu'Alastor, plus instinctif aussi. Il agissait pour faire avancer les choses alors qu'Alastor aurait souhaité oublier. S'effacer. C'est Charlie, finalement, qui s'était effacée de l'équation. Il n'y avait pas d'attractivité qui tenait.

"Nous ne sommes pas poussés l'un vers l'autre comme vous pourriez l'entendre. Sourit légèrement le garçon. Je ne veux plus être le seul à souffrir."

Son regard s'étonna un instant à l'énième proposition d'Ishanee. Il parût légèrement intrigué.

"Que voulez-vous dire par enrayer ? Une personne qui permettrait de faire blocage ?"

Il est tout à fait normal pour une psychologue d'avoir besoin de matière pour guider. On ne mène pas à un chemin à l'aveugle, ce qui faisait réaliser à Alastor à quel point il était difficile pour lui de parler à cœur ouvert, il avait passé trop de temps à nier et esquiver, il n'écoutait jamais ce que cette voix avait à lui dire. Elle n'était personne, toute juste naissante il y a quelques années, il ne savait même pas qu'elle existait et maintenant... Maintenant, il devait s'ouvrir à quelqu'un. Il réalisait comme il lui avait été simple durant tout ce temps de jouer l'innocent et comme il était difficile d'être sincère - surtout quand la vérité ne l'arrangeait pas. Sa plus belle façade était de sourire et il continuait mais intérieurement, tout l'agaçait. Énormément.

"Je n'ai pas besoin de nouveaux problèmes, il répondit impatiemment, alors que je souhaite m'en débarrasser d'un. Plus d'amis signifient plus de témoins et de parasites. Il rit. Non merci."

Son irritation commençait à se faire voir plus Ishanee approchait du but et à lui-même il se demandait ce qu'il faisait ici. Il cherchait de l'aide. Une psychologue était peut-être ce qui semblait être le moyen le plus sûr que l'information ne se dévoile pas car professionnelle mais surtout anonyme pour lui et vice versa. Il n'était personne de son côté, ni démon, ni passif, seulement un client qui demandait des conseils en amour car trop bancal pour les gérer seul. Était-il donc le seul ? Non, c'était évident que non. Ishanee finit par vite pointer du doigt le nœud du problème et il lut en son regard qu'il n'était pas rare. C'est vrai que l'amour faisait souffrir - on ne le dira jamais assez - mais c'était aussi ce qui était beau chez l'Homme, sans qu'Alastor ne comprenne vraiment pourquoi. Oui, il voulait se débarrasser de ses sentiments pour coller avec ce qu'il souhaitait être. Celui d'autrefois. Il hocha négativement la tête à la proposition d'Ishanee.

"M'avez-vous regardé ? Il railla tout d'abord d'un léger rire avant de comprendre qu'elle ne pouvait pas savoir ce qu'elle regardait. Il se corrigea donc : Je ne peux pas la faire tomber amoureux de qui je suis alors que ce que je suis n'a rien d'attirant et fait pour être attiré. Tout ce que je peux faire c'est ne pas envenimer les choses en annulant ce qui a été créé de mon côté. L'amour. C'est la seule solution envisageable."

Et encore ne savait-il pas ce qui allait s'ensuivre. Sa mentalité le perdrait.
Ishanee s'excusa et si Alastor détestait l'idée d'être pris en pitié, il ria de bon cœur pour l'inciter du contraire en la rassurant qu'elle n'avait pas à s'inquiéter.

"Si nous devions tous nous excuser des sentiments des autres, le monde serait un confessionnal ! Non, non, ne vous excusez pas d'une telle banalité, il y a bien moyen de se débarrasser de ça, je n'en doute pas. Pour que le problème soit si présent, je ne dois pas être le seul à me soucier de m'en débarrasser."

Et elle en proposa, des solutions. La première intéressa plutôt le jeune homme qui chercha dans sa tête une "personne" à remplacer. Mais n'était-ce pas transposer le problème plutôt que de l'anéantir ? Pourrait-il aimer quelqu'un d'autre que Charlie ? L'idée semblait improbable mais elle l'était déjà tant qu'il tombe amoureux d'elle, alors... Il pencha légèrement la tête en y réfléchissant. Quant à la seconde, il l'abolit.

"Si je devais aimer quelqu'un d'autre... Peut-être pourrais-je choisir, alors, quelqu'un qui me ressemble. Il hésitait. Son regard se perdit sur les notes d'Ishanee - dont il ne comprenait toujours rien - simplement pour le poser quelque part. Il réfléchit un instant avant de redresser la tête vers elle et de se redresser. Je vous remercie pour tous ces précieux conseils, darling ! Je tenterais d'en prendre notes - même si jamais aussi bien que vous ! Il rit en faisant allusion à ce qu'il n'arrivait pas à déchiffrer et tendit une main par-dessus le bureau pour serrer la sienne. Son regard se durcit légèrement alors qu'il aggrava sa voix. Et je compte sur le secret professionnel pour que je n'ai pas à repasser pour d'autres raisons."