Au fond, ils n’avaient pas tellement tord, ceux qui disaient qu’il passait son temps à jouer des jeux-vidéos. Ce qui le soûlait, c’était que tout le monde pensait qu’il ne faisait que ça de son temps et qu’il pouvait prendre ça pour un métier. Non, ce n’était pas son métier. Même s’il était, parfois, payé pour le faire, c’était assez rare. Ça ne payait pas ses factures, ses sorties et sa nourriture. Ce qui l’aidait à survivre, c’était les ventes de ses BDs, autant de sa série principale que de ses one-shots, beaucoup moins connus mais, paradoxalement, généralement plus appréciés. Ou par de meilleurs connaisseurs du genre, en tout cas.

Les jeux de combat, en tout cas, n’étaient pas les préférés de Timothy. Non pas que ça le dérangeait, en soi. Il avait joué à toutes les grosses séries, que ce soit Tekken, Soul Calibur, Street Fighter et compagnie, mais il trouvait ça moins intéressant. L’histoire ne volait jamais bien haut et la prise en main était toujours très facile. Puis le gameplay, toujours le même. Alors il préférait, de loin, prendre du temps pour jouer à autre chose que de simples jeux de baston. D’ailleurs, s’il voulait de la baston, il lui suffisait de regarder un film ou Kaeloo et M. Chat se prendre le chou. Lui, il n’était pas le genre à frapper et faire du mal.


Tester des jeux, c’est pas mon métier, je suis rarement payé, dit-il, avec un haussement d’épaules. Je suis dessinateur, ça, oui. Même si personne connaît mes BDs, haha ! (Il rit un peu, pour cacher que ça le soûlait quand même.) Ouais, mais t’as pas l’habitude de jouer, alors que si tu le faisais plus souvent, tu trouverais ça évident à faire. (Logique Moignonienne.) Bah ! Je suis pas si fort, hein. Ça me prend pas trop de temps parce que j’ai l’habitude et que c’est souvent les mêmes choses. Surtout que les jeux sont plus faciles, maintenant. Et je préfère les indé, qui durent généralement moins longtemps.

Il allait peut-être un peu loin dans les explications et sa façon bien à lui de se rabaisser sans cesse, conscient qu’il n’avait rien de spécial, mais Timothy était ainsi : passionné. Il pourrait parler de jeux-vidéos pendant des heures sans arriver à épuiser le sujet. Un vrai fan, en somme, prêt à beaucoup de choses pour le bien de sa passion. Une grande partie de son argent passait dans les jeux, les goodies de jeux et les conventions sur le sujet, pour rencontrer les développeurs et discuter un peu. Chacun sa vie. Il se fichait bien du jugement des autres sur sa façon de gérer la sienne.

Néanmoins, il restait persuadé, même passionné et plongé dedans depuis de longues années, que Ishanee se sous-estimait, à ce sujet. Paradoxal, peut-être, pour un gars habitué à se rabaisser, mais il n’aimait pas le voir chez les autres. Il savait qu’avec un peu d’entraînement, son amie serait très douée en la matière et pourrait se débrouiller bien mieux qu’elle ne le disait elle-même. Ce n’était qu’une question d’heures à passer devant les jeux, en même temps. Personne n’avait besoin d’un talent inné pour jouer (selon son avis en tout cas), ce qui en faisait, d’ailleurs, l’une des raisons pour laquelle il adorait ça. Parce que même un débile comme lui pouvait devenir bon.

Même si la conversation était presque parfaite puisqu’elle tournait autour de sa passion, Timothy ne put s’empêcher de buguer, comme il buguait rarement dans sa vie. Comment ça, personne n’y croit ? Bon, d’accord, l’écureuil était autant un pro du boudin que des bugs monumentaux. Il suffisait, généralement, d’une fille qui s’approche un peu trop très ou d’une tenue trop dénudée pour ses yeux innocents et l’asiatique flanchait sévère. La dernière fois, il avait pété un câble devant une maid et s’était ridiculisé bien comme il fallait.

Cette fois, c’était devant Ishanee et le tatouage unique qu’il avait aperçu, sous ses cheveux, dans sa nuque. Un tatouage qu’il se rappelait avec aperçu, sur une photographie qui ne montrait pas la tête du mannequin, mais son corps fin seulement habillé de sous-vêtements. Des photos qui avaient traumatisé Timothy, évidemment (au moins ça), et qu’il ne pouvait, maintenant, s’empêcher d’associer à son amie.

Sauf que si Timothy pouvait être aussi proche d’Ishanee, c’était surtout parce qu’il la considérait comme son amie et, à ce titre, ne la voyait plus comme une fille. Son poto, en somme, qu’il pouvait presque toucher sans rougir. Mais là… on lui renvoyait en pleine gueule qu’elle était une femme, foutue comme une femme, et qu’elle faisait des photographies sans vêtements, qu’il en avait vu une et que son autre ami osait avoir ça chez lui, pour l’intégrer à un jeu pourri. Beaucoup trop à assimiler pour son petit cerveau d’écureuil.

Ce qui ne manqua pas d’inquiéter Ishanee, mais Tim était parti trop loin pour atterrir. Il essaya bien de se calmer tout seul, mais ce ne fut qu’un charabia incompréhensible et un labyrinthe de pensées qui lui firent dire absolument n’importe quoi. Il ne savait pas lui-même comment réussir à avaler toute cette histoire. Il risquait d’y penser, maintenant, et il ne voulait pas. Il voulait oublier, tout oublier, et redevenir le petit Moignon qui s’affale dans un canapé pour passer une journée films avec son amie. Rien d’autre. Pas d’image subliminale. Surtout pas !


Quelque chose ne va pas ? Mais tout va mal ! cria-t-il un peu, paniqué, en secouant les bras, ce qui ne le calma pas.

Bouger dans tous les sens ne le déstressa pas plus que la poignée de pop-corn qui faillit bien l’étouffer. À deux doigts de crever, mais déterminé à manger quand même (chacun ses priorités dans la vie et dans la mort aussi), Tim garda tout bien comme il faut dans sa bouche, tout en toussotant, et réussit, finalement, à tout avaler. S’il plaqua, un peu fort, une main sur son front, il ne comptait pas se frapper. La panique le rendait incapable de se contrôler et la douleur le ramena un peu sur terre.

Si peu.


J’ai vu ces tatouages. Dans une photo. Une photo que j’aurais aimé ne pas voir. Ne jamais voir du tout. Une photo que j’ai pas aimé regarder et j’ai détourné le regard tout de suite, hein, je le jure ! (Oui, parce qu’il trouvait pas ça respectueux, en vrai de vrai, et préférait lui assurer qu’il ne voulait pas voir, qu’il la respectait trop pour ça.) Mais c’est l’autre abruti, là ! Ce débile, sérieux ! Rah ! Mais j’y crois paaaas !!!

Et il fallait noter que Timothy disait, généralement, très peu de gros mots, traumatisé par un certain crapaud bodybuildé qui détestait les insultes. Mais là, il était trop stressé et trauma pour se censurer tout seul et les mots lui échappaient sans l’inquiéter. De toute façon, Kaeloo n’était pas là pour les lui faire regretter et Sanada les avait amplement mérités.

À ce stade, oui, Timmy n’imaginait pas une seconde que Sanada n’avait pas la moindre idée des photos qu’il possédait chez lui et sur lesquelles il travaillait. Il partait du principe que tout le monde connaissait ses amis, puisque si lui les connaissait, lui le débile, alors ces fameux amis devaient, déjà, être ceux des autres. Une logique étrange, mais c’était Moignon.


Comment je vais faire pour oublier, hein ?! (Les joues complètement rouges, un doigt tendu vers Ishanee, il l’accusait un peu de son problème d’idiot fini, oui.) Depuis quand tu fais des photos, hein ! C’est n’importe quoi ! T’as pas besoin de ça ! Tu mérites mieux que ça, même !

Peut-être bien qu’il avait une vision un peu biaisée du mannequinat de lingerie, mais Timothy savait pertinemment que ce genre d’images était moins là pour montrer aux femmes ce qu’elles allaient acheter, que pour émoustiller les hommes. Et ça, il n’aimait pas.


Tu sais, si t’as besoin d’argent, suffit de le dire… souffla-t-il, tout bas, en se grattant la nuque, le regard baissé au sol. J’en ai pas des masses, mais je suis sûr qu’on peut s’arranger. (Et comme si ça expliquait tout, il ajouta, très franchement, avec un nouveau haussement d’épaules :) T’es mon amie.

Et, au fond, ça expliquait tout, puisque Tim n’avait plus besoin de prouver qu’il était prêt à tout pour ses amis. La cicatrice entre ses omoplates en était une preuve flagrante qu’il n’avait, pourtant, avoué à personne.

Parler de jeux était une chose. Devoir adapter son langage pour tout expliquer à Ishanee en était une autre. Timothy n’était pas fin pédagogue et il n’avait pas la moindre idée de comment vulgariser les choses pour qu’elle comprenne tout du premier coup. Néanmoins, il n’abandonnait pas pour autant et il donna, évidemment, le nom de sa BD principale à son amie, avant d’ajouter qu’elle ferait mieux de chercher les tomes uniques, qu’il faisait de temps en temps, et qui étaient plus intéressants. Il oublia peut-être de préciser que, généralement, ces tomes-là s’inspiraient des habitants de Storybrooke et qu’elle pourrait, peut-être, en reconnaître quelques uns. Comme Gajeel ou Ben (même s’il n’avait pas encore écrite celle-ci à ce moment-là), sans savoir si elle en connaîtrait certains.

Pour le reste, il indiqua rapidement que « indé » désignait les jeux indépendants, qui n’étaient pas rattachés à une grosse boite de production et, la plupart du temps, étaient faits par des fans pour des fans. Un travail bien souvent très soigné, recherché, même si l’histoire du jeu ne durait pas longtemps. Il avait rarement à se plaindre d’un jeu indépendant et se contentait de relever les quelques bugs, ce qui arrivait pour tous les jeux. Et la créa derrière son écran s’excuse de passer vite sur la réponse de Timothy, mais c’est pour le bien de la publication qui est trop coupée en deux.

Vint alors le problème du tatouage, de la révélation, des images qui s’imposèrent devant les yeux de Timothy et le forcèrent à rougir comme pas permis, totalement paniqué à l’idée d’avoir vu ce qu’il ne voulait pas voir du tout. Tim était le genre à ne même pas aller sur la plage ou à la piscine, puisque son frère n’aimait pas l’eau, déjà, et qu’il avait, aussi, une cicatrice à cacher, dans son dos. Alors, il n’aimait pas bien devoir se rendre compte que ses amis avaient, sous leurs habits, un corps bien formé. Il savait, évidemment, que c’était là, bien caché, mais il préférait, justement, que ça reste caché. Parce qu’il ne voulait pas avoir à y penser. Et, surtout, il ne voulait pas que les autres aient à y penser.

C’était, d’ailleurs, le plus gros de son problème : savoir que son abruti d’ami de Sanada était assez débile pour travailler sur les photos de son autre amie Ishanee. Évidemment, étant donné que Timothy n’imaginait pas trois secondes que les deux ne se connaissaient peut-être pas, il trouvait ça hyper irrespectueux et le ferait bien comprendre au Japonais. Ça ne se faisait pas, c’était tout. Si Ishanee voulait faire des photographies que Moignon ne voulait pas voir, c’était tant mieux pour elle (même s’il n’aimait pas ce que ça sous-entendait). Néanmoins, lui, il refusait de les voir. Sauf qu’il les avait vus et, désormais, il serait bien difficile de lui retirer ces images de l’esprit. Moins il voulait y penser, plus elles s’imposaient à lui.

Il finirait par en crever, sans doute.

Paniqué, il n’arrivait pas à s’expliquer auprès de l’Indienne, mais il essaya, tant bien que mal, de mettre des mots sur ses pensées. Alors qu’elle demandait qui, il ouvrit la bouche, braqua ses yeux noirs sur elle et hésita. D’un seul coup, la possibilité que les deux ne se connaissent pas le frappa de plein fouet et il se sentit très con. Il ne pouvait pas balancer son ami, comme ça, alors qu’il n’avait, peut-être, rien fait de très mal. Même si Timothy ne manquerait pas de lui expliquer qu’il faisait un jeu de merde et que personne ne le forçait à le faire. Mais chaque chose en son temps. Pour l’instant, il devait s’occuper de son amie.

Évidemment, entendre Ishanee avouer si facilement qu’elle prenait des photos en sous-vêtements n’arrangea pas le problème de Timmy. Les joues plus rouges que rouges, il se demanda soudain s’il pourrait, vraiment, s’en remettre un jour ou s’il était condamné à vie. Heureusement, en un sens, les excuses de son amie réussirent à le calmer un peu et Tim soupira un grand coup, pour essayer de faire passer tous ses sentiments. Alors, il essaya de mettre les bons mots sur le véritable problème de l’écureuil, qui dépassait de loin le seul stade de la timidité face aux filles. Il pensait, sincèrement, que ce genre de photos étaient juste là pour faire plaisir aux pervers, et ça l’énervait sévère.

Sauf qu’il ne s’attendait pas vraiment à ce que ses mots aient un tel effet sur Ishanee. Lui, il ne voulait faire pleurer personne, ni les filles, ni les garçons, ni même un animal. Il ne comprit pas bien pourquoi elle posait, si ce n’était pas pour l’argent, mais il n’eut pas le temps de se poser la question, vu qu’elle se mit à pleurer. Il ne sut même pas s’il avait dit quelque chose de méchant, si elle était triste ou si c’était autre chose. Et bien sûr, il n’était absolument pas prêt à voir son amie fondre sur lui pour se jeter dans ses bras et continuer de pleurer. Même s’il eut, évidemment, le temps de reprendre une teinte rouge tomate, il n’en oublia pas pour autant que son amie n’allait pas bien et qu’il devait essayer d’en prendre soin. Même s’il n’était pas doué pour ça, lui. Alors, il referma les bras sur ses épaules et lui tapota gentiment la tête. Il ne savait pas si ça suffirait, mais il était hors de question qu’il pose les mains ailleurs. C’était déjà beaucoup pour lui.


Hé, mais faut pas pleurer, hein ! Y’a pas de mal, de toute façon ! Puis ça va, personne va en mourir, tu fais bien ce que tu veux de ta vie. Je jure que je vais tout oublier. Ou essayer. Non, non, je vais y arriver, c’est pas possible autrement.

C’était… le mieux qu’il pouvait faire… Timothy était le meilleur pour jouer, rire, essayer de déstresser ses amis en leur faisant oublier leurs soucis, à faire le plus de bruit possible pour qu’ils se s’entendent plus penser, mais pour ce qui était de réconforter pour de vrai… Il était le dernier des derniers. Même sa main, sur la tête d’Ishanee, était plus que maladroite et il ne savait pas quoi faire de plus.


Faut sécher ces larmes, là. Sinon tes joues en sucre vont fondre, hahaha ! Non ?

Il n’était pas franchement sûr de l’expression, là, mais la seule autre qu’il avait en tête parler de pleurer beaucoup pour pisser moins. Il n’était vraiment pas sûr, non plus, que ce soit la bonne expression à donner à son amie pour la détendre. Alors, il tapota à nouveau sa tête en se raclant la gorge, sans savoir comment lui dire qu’il préférait la voir sourire que pleurer à cause de lui.


Allez, reprends-toi regarde, tu vas louper la chanson du bouc, tenta-t-il, en pointant la télé du doigt. Faut vraiment pas louper ça ! Oui, je veux que tu l’aies dans la tête toute la journée, haha ! Je suis un vrai démon, pas vrai ?

Bon, c’était pas franchement mieux, mais Timothy était à son max, là, et il ne voyait pas quoi ajouter.

Les bras refermés par-dessus ses épaules, pour essayer de lui rendre son câlin, Timothy se demandait sincèrement quelle connerie il avait pu dire pour la faire pleurer et la forcer à le toucher ainsi. Il ne pensait pas que ses idées étranges forceraient son amie à fondre en larmes, sinon il aurait, peut-être, essayé de se retenir de les dire. Tim n’était pas à l’aise à l’idée d’avoir provoqué la tristesse de son amie et s’il avait pu remonter le temps pour revenir sur ce qu’il disait, il l’aurait sûrement fait sans la moindre hésitation. Il aimait voir le monde sourire et sauter de joie, lui, pas tomber à terre et attendre, dans un coin, que le temps passe sur les mauvais sentiments.

Lui tapoter la tête, c’était le maximum qu’il pouvait faire, l’asiatique, dans sa timidité maladive et son respect exacerbé pour les autres. Il ne voulait pas lui faire de mal et n’osait la tapoter trop fort, ni toucher autre chose que ses longs cheveux et ses épaules. C’était déjà beaucoup pour lui, alors qu’elle se serrait tout contre lui et qu’il devait faire un effort surhumain pour se concentrer sur le haut de son crâne. Ce n’était pas comme si ça lui donnait de drôles d’idées, pourtant. Timothy en était dépourvu de l’âme jusqu’à la pointe des pieds. Il n’avait jamais eu ce genre de pensées pour personne et il doutait que ça arrive un jour. Il ne voulait pas que ça arrive, de toute façon.

Heureusement, Ishanee essaya de le rassurer un peu sur l’origine de ces larmes, en lui expliquant qu’elle était contente, et pas triste, de ce qu’il venait de lui avouer. Moignon battit des cils et se racla à nouveau la gorge. Cette histoire était étrange, mais il avait envie d’y croire, lui aussi, de se persuader qu’elle ne lui mentait pas et qu’il ne devait plus s’inquiéter pour rien. Ce qui n’arriverait sûrement jamais, d’ailleurs. Il était ainsi, l’écureuil : il avait besoin de savoir que ses amis allaient bien, il ne supportait pas de les voir dans le mal.


Je suis un vrai prince charmant, t’as vu ! Il manque que le canasson, la belle épée et un petit dragon à terrasser. Haha !

Faire passer les compliments derrière une blague un peu vaseuse, c’était sa façon à lui d’affronter la gentillesse de son amie et de rejeter, un peu maladroitement, les mots qu’elle lui donnait. Timothy n’avait rien de brave. Il faisait les choses comme un idiot, il était plus ou moins lâche (ou pas du tout, mais il croyait le contraire), il était incapable de mettre un pied devant l’autre sans tomber et, surtout, il était bien trop nul pour aider qui que ce fut. Tim ne savait que rire un coup et tapoter la tête d’Ishanee, comme un chien qu’il féliciterait de lui avoir donné la patte.

Il échappa un petit rire nerveux quand Ishanee lui assura qu’elle lui faisait confiance. Il eut presque envie de lui demander si elle s’était cognée la tête quelque part, ou la secouer un coup pour qu’elle retire ce genre de pensées de son esprit. Même lui, il ne se faisait pas confiance et il ne valait mieux pas lui faire confiance. Surtout pour oublier cette histoire… il avait envie de croire qu’il pouvait faire cet effort mental, mais Timmy était loin d’être assez intelligent pour avoir le contrôle de ses souvenirs. Il essaierait, en tout cas… En croisant très fort tous les doigts pour que ça fonctionne et que l’image cesse de le tourmenter.

Pour la consoler comme il le pouvait (sans y arriver, donc), Tim s’emmêla dans les expressions et lui donna une version bien à lui qui n’avait, au fond, aucun sens. Tant pis. Il voulait juste passer à autre chose et essayer de lui faire comprendre qu’elle ne devait plus pleurer. Surtout pour des bêtises pareilles et un bon gros malentendu comme ce n’était pas permis. Il n’y avait bien que lui, au monde, pour être assez con pour assimiler les photos d’Ishanee avec un besoin urgent d’avoir de l’argent. Tout le monde l’aurait sûrement félicitée pour la beauté des photoshoots, mais lui, il ne voyait pas les choses ainsi. Il était un peu con, il s’en rendait bien compte, mais il était trop tard pour rattraper sa connerie.


T’es toute douce comme le sucre, pourtant, haha !


L’asiatique lui secoua un peu les cheveux, en souriant comme un idiot, sans aucune arrière-pensée, dans ses mots, qu’une vérité que tout le monde connaissait : Ishanee était gentille. C’était ça, pour lui, le sens de ce compliment un peu étrange. Loin de lui d’autres pensées qui n’auraient rien à voir avec son comportement. Il appréciait son amie pour sa douceur et sa patience, avec lui. Elle calmait, un peu, à peine (il fallait bien l’avouer tout de même), son besoin de bouger, de parler, de s’activer. Avec Ishanee, il pouvait passer une journée entière à buller dans un canapé, sans plus bouger que la main pour grignoter. Et ce, sans même choper une console pour jouer, ce qui était important à préciser.


Mais quel démon ! Vous osez utiliser mes propres sorts contre moi, Potter ! s’écria-t-il, en pointant Ishanee du doigt. Ça se fait trop paaaas !

Elle n’avait pas tort, son amie, à supposer qu’il l’aurait autant dans la tête qu’elle. Cette chanson venait directement des enfers ! Il l’aurait dans la tête toute la journée, il allait la chanter en rentrant à la colocation et il essaierait de la mettre dans la tête de ses amis, juste pour ne pas être le seul à souffrir. S’il se faisait taper dessus, tant pis ! Au moins, ça prouverait qu’il aurait réussi.

Son petit sourire de diablesse n’échappa pas à l’écureuil, qui fourra une poignée de pop-corn dans sa bouche, pour mâcher et essayer de se concentrer sur la nourriture, plutôt que les paroles de la chanson que Ishanee chantonnait gaiement. Une fois la bouchée passée, il ne put s’empêcher de rire, incapable de se retenir davantage. Cette chanson allait le tuer, mais voir Ishanee la chanter en même temps que cet idiot de bouc, c’était encore pire ! Lalali Lalala.


Ah non, hein ! T’abuuuuses ! Ça se fait pas, non, non, non. Je m’en fiche, si tu fais ça, je ne réponds plus à tes messages ! Et je ne les regarderais même plus ! Je vais bouder, oui.

Ce qu’il avoua sans la moindre honte, puisque tout le monde savait, de toute façon, qu’il était le roi du boudin. C’était sa dernière défense contre les autres, en vérité. Incapable de s’énerver, d’insulter ou de frapper, il se contentait généralement de bouder comme un gros bébé. Et s’il parlait, là, de manière humoristique, sans vraiment le penser, il lui arrivait de bouder pour de vrai et de ne plus vouloir parler à quelqu’un. Mais pour qu’il en vienne à cette extrême, il fallait, vraiment, l’avoir poussé à bout et dépassé des limites inviolables.


C’est toi, le démon ! rit-il, en revenant se poser sur le canapé. Concentre-toi sur le film, on a tout loupé. Chut, chut, allez.

Il essayait, tant bien que mal, de ramener Ishanee à se calmer et ne pas continuer de chanter cette chanson horrible qui n’avait rien à faire dans l’esprit de l’écureuil. Il sentait qu’il allait en souffrir pendant de longues journées, à ne plus savoir où donner de la tête pour se l’enlever de là. S’il n’en rêvait pas, une nuit, ce serait un miracle.


Tu voudras faire quoi, après ?