« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
Comme un poids sur ses yeux qui appuie, appuie, appuie, enfonce les globes dans ses orbites, frappe à ses tempes, sous son front. La brune a beau fermer les paupières, serrer fort pour ne plus laisser passer la lumière, la douleur pointe toujours, au sommet de sa nuque, irradie dans tout son crâne. Elle inspire, expire, mais le mal reste là, il ne s’en va pas. Peau d’âne est épuisée. Elle le sent dans chacun de ses os, dans ses muscles lourds. Sa vie a brutalement changé, déstabilisée par son retour en ville, ses retrouvailles avec d’anciens amis, ses rencontres avec de nouvelles connaissances. Son rythme est chamboulé, perturbé. Elle doit, sans cesse, bouger de tous côtés, aller faire telle ou telle chose pour les autres, sans jamais s’arrêter. Son travail, ses cours, ses projets, les services qu’elle essaie de rendre à ses colocataires, qu’ils le veuillent ou non… Lili ne tiendra pas. Elle le sait, elle s’en fiche, elle continue comme ça.
Allongée, Liliann prend le temps de respirer, de faire une pause dans sa vie mouvementée. Elle tend l’oreille aux bruits du garage, aux va-et-vient incessants de ses voisins de chambre. Elle attend, tranquillement, que l’effervescence retombe, qu’il ne reste plus qu’elle dans la maison, pour sortir de son nid. Peau d’âne s’étire, fait rouler sa tête sur ses épaules, tend les bras vers le ciel sans jamais en toucher les nuages. Elle sait qu’ils sont plus lourds qu’on ne le croit, comme ce mal dans son crâne qui, peu à peu, s’estompe pour n’être plus qu’une gêne à laquelle elle ne pense plus vraiment. Lili sait qu’elle peut faire face, qu’elle saura résister, survivre, encore et encore. Elle ne s’inquiète pas du contraire, de toute façon. Ce qui arrivera, arrivera. Peu lui importe. Tout ce qu’elle doit faire, c’est dresser le dos devant les autres, faire comme si tout est parfait, sourire un peu et dire que tout va bien.
Tout va bien.
Lili sort de sa chambre et se dirige, immédiatement, vers la cuisine. Le dernier arrivé dans le garage est un jeune homme au nom angélique, qui passe certaines de ses journées à courir. Il court vite, si vite. Le contraire de Peau d’âne et de sa lenteur exagérée. Il est mouvement, quand elle est immobilité. Aujourd’hui, comme d’autres jours, Angelo est parti courir. Comme toujours, Liliann s’occupe, alors, de la seule chose qu’elle sache faire vraiment : la cuisine. Elle prépare, lentement, méticuleusement, le retour du sportif, pour qu’il ne manque de rien en passant la porte du garage. Évidemment, Lili ne dit jamais que ça vient d’elle. Elle finit avant qu’il ne rentre et se réfugie dans sa chambre ou disparaît du garage, elle aussi, pour s’occuper ailleurs. Elle se contente de laisser le repas sur la table ou la cuisine et s’enfuit aussitôt, pour qu’il ne soit pas dérangé par sa présence, en revenant. Elle est comme ça, Peau d’âne. Elle veut aider le jeune homme, mais elle préfère rester dans l’ombre, en retrait, pour que personne ne remarque sa présence, que personne ne remarque son absence.
C’est son plan pour la journée également. Alors que Liliann s’affaire sur le repas du champion, elle pense, déjà, à ce qu’elle pourra faire ensuite, pour disparaître du garage et laisser Angelo tranquille. Évidemment, elle a tout calculé à la perfection et elle ne s’attend pas à ce qu’il rentre avant qu’elle ait fini. Lili sait combien de temps durent ses entraînement, combien de temps il lui faut pour revenir.
Elle ne se trompe jamais.
Jusqu’à aujourd’hui où, penchée sur sa préparation, Peau d’âne entend la porte s’ouvrir. Elle n’a pas le temps de fuir. Elle espère presque qu’il s’agisse de Ben ou de Sally qui, eux non plus, pourtant, ne devrait pas rentrer si tôt.
Je cours encore. Encore et toujours. Parfois , je me dis que je ne sais faire que ça. Que je suis juste bon à courir , certes vite , mais c'est tout. Je ne sais pas si ça me dérange. Je ne crois pas. Je veux dire , j'aime courir. Trop , peut être.
Ce soir , j'ai décidé de simplement courir dans les quartiers autour du garage. Toujours avec la musique à fond dans les oreilles. Ça m'aide à me concentrer , à ne pas penser à ce qui pourrait me faire perdre le rythme. Eh oui , il faut de la concentration pour courir , pour prendre et garder le bon rythme des pas qui frappent le bitume. Donc , je me concentre. Et , en même temps je fais le vide dans mon esprit , pour juste profiter de cette sensation de liberté que j'aime tellement. La liberté dans les entraînements et les courses pour le plaisir. En compétition , c'est plus la sensation d'être observé , de se savoir admiré que j'aime tout particulièrement. J'ai ce besoin qu'on me remarque , en moi.
J'aurai dû courir encore une bonne heure , avant de rentrer. Malheureusement, je ressens une douleur au mollet au tiers du parcours. Ce n'est pas grand chose , mais suffisant pour m'alerter. Je m'arrête donc de courir quelques instants. La gêne ne passe pas , alors je décide de rentrer. Il est inutile que je continue , pour me blesser bêtement. Quand on est sportif , c'est important de prendre soin de son corps , et je ne veux prendre aucun risque.
Ainsi , je rentre au garage plus tôt que d'habitude. Je ne connais pas encore bien tout le monde , même si j'apprécie la plupart de mes collocataires. Je suis toutefois ravi d'avoir pu trouvé un lieu accueillant et sain , grâce aux conseils de Ben. Il est évident que je ne souhaitais pas remettre les pieds dans l'environnement toxique de ma famille. Je pousse la porte d'entrée, repérant la petite serviette que j'avais laissé en prévision de mon retour. Je la prends , essuyant mon visage et ma nuque de transpiration. Je la garde sur mes épaules en me dirigeant vers la cuisine. Je sais que Liliann a l'habitude de me préparer à manger. Je sais que c'est elle , quand bien même je la croise très rarement. Je lui glisse souvent d'ailleurs, un post-it sous la porte de sa chambre où j'écris simplement : merci :) .
En tout cas , je la croise si peu , que lorsque j'entre dans la cuisine et la voit, je suis plutôt surpris. Je ne dis rien pendant plusieurs secondes , avant de lui offrir un grand sourire. Après tout , c'est l'occasion de la remercier en personne pour tout ce qu'elle a fait.
"Salut. Je ne pensais pas te voir. Ça me fait plaisir d'enfin te recroiser." , je lui dis sincèrement. Je ne sais pas vraiment si c'est une bonne idée d'amorcer un mouvement dans sa direction, alors je prend place sur une des chaises de la cuisine , sans cesser de la regarder.
"Merci pour toutes les fois où tu m'as fait à manger. Ça me touche vraiment." , même si un minimum pour reconnaître et récompenser mon immense talent...bon ok , j'arrête là. Elle a l'air un peu fatigué , non ?
La porte s’ouvre et claque, en glissant dans ses gonds pour se refermer. Liliann sursaute, penchée sur sa poêle et regarde autour d’elle. Presque malgré elle, elle cherche une issue, un moyen de disparaître avant qu’il ne soit trop tard. Mais elle sait qu’elle ne pourra pas fuir. Le repas du champion n’est pas terminé, elle ne peut pas l’abandonner à mi-chemin, prendre le risque que la nourriture brûle, dans la poêle, et devienne immangeable. Lili ne veut rien gâcher. Elle n’aime pas jeter. Alors, elle reste vissée au manche de la poêle, ses yeux noirs fixés sur ce qui cuit, lentement, au-dessus du feu. Elle doit terminer, quoi qu’il lui en coûte. Même si, pour cela, elle doit affronter l’un de ses colocataires, expliquer ce qu’elle fait, si tôt, et pour qui. Lili n’a pas honte du service qu’elle rend au jeune sportif qui n’a, pourtant, jamais rien demandé à personne. Elle fait ce qu’elle veut, ce qu’elle peut pour faciliter la vie des autres. Même si cela doit piétiner sa vie à elle, elle s’en fiche.
Peau d’âne remue la poêle et lâche la poignée, pour préparer la boite dans laquelle elle pourra, à la fin, verser le repas. À l’instant où elle revient devant son feu, elle sait que l’intrus, bientôt, passera la porte de la cuisine. Elle a entendu ses pas dans l’entrée, qui s’approchent d’elle. L’appréhension se coince dans sa gorge et elle prend une grande inspiration. Elle n’est pas dupe. Elle sait que ce n’est pas Ben. Le son de ses pas est différent. Lili le sait. Elle a retenu chacun des sons qu’elle entend, constamment, entre les murs de cette maison. C’est plus fort qu’elle. Liliann le faisait déjà, à une autre époque, pour suivre les déplacements de son père, chez elle. Pour savoir quand elle pourrait sortir de sa chambre, sans risquer de le croiser, dans les couloirs. Si la brune fait pareil, aujourd’hui, au garage, son intention est bien différente. Elle ne fuit pas ses colocataires par peur qu’ils s’acharnent sur elle, mais par peur de partager, avec eux, la crasse qui colle à Peau d’âne.
Le jeune homme se plante sur le seuil de la cuisine et Liliann relève ses yeux noirs de sa poêle, pour croiser les siens. Angelo est rentré plus tôt que prévu, ce qui ne manque pas de l’inquiéter. A-t-il mal quelque part ? Pourquoi abréger, ainsi, son entraînement ? Il n’aurait pas dû rentrer avant une heure, au minimum. Alors pourquoi ? Et comment le lui demander ? Lili est perdue. Prise sur le fait, elle ne sait plus que faire et répond à peine au sourire d’Angelo. Elle sait qu’il a compris, depuis longtemps, à qui il doit ses repas, après ses entraînements. Elle a, souvent, récupéré de petits post-it, glissés sous la porte de sa chambre et les a gardés, un peu bêtement, sur la table de chevet. Un petit mot qui, pour d’autres, n’est peut-être rien, mais qui lui fait plaisir quand même.
Concentrée sur l’arrivée du coureur, Lili est ramenée au présent par sa voix. Sa main ripe sur le manche de la poêle et son doigt vient s’écraser contre la paroi chaude. Elle le retire immédiatement et porte, par instinct, la brûlure à ses lèvres. Une petite brûlure de rien du tout qui, pourtant, réveille un mal puissant, à l’intérieur de son crâne. Comme un souvenir qui se rappelle à elle au pire moment. Liliann se détourne de sa gazinière pour passer sa main sous l’eau, sans répondre à Angelo. Elle ne sait pas quoi lui répondre, en vérité. Elle se sent coupable de son propre comportement, de cette fuite inscrite dans chacun de ses os. Peau d’âne n’a, toujours, su faire que cela : fuir, partir loin et se cacher pour ne pas affronter la vérité. La fraîcheur de l’eau, sur son doigt, la ramène à la réalité.
« Bonjour, Angelo, répond-elle, avec un petit sourire. Ne me remercie pas. C’est le moins que je puisse faire pour toi. Un champion se doit de manger correctement, n’est-ce pas ? (Elle marque une pause et ajoute, avec une grimace un peu forcée :) Et crois-moi, tu n’as pas envie de goûter à la cuisine de Ben. »
Le policier n’est pas connu pour sa cuisine délicieuse, c’est certain. Liliann s’est un peu appropriée la place, depuis quelques temps, pour s’assurer que Sally mange correctement et le reste de la colocation aussi, par la même occasion. Elle-même aurait pu s’accommoder des plats tout faits et autres repas amenés par l’hélicoptère, mais elle ne peut, décemment, pas laisser Sally manger cela toute sa vie.
« Tu arrives juste à temps, souffle-t-elle, en sortant, enfin, de la surprise de son arrivée inattendue. C’est justement fini. »
Liliann remplace, finalement, la boîte pour le repas par une assiette dans laquelle elle glisse le contenu de sa poêle. Elle espère sincèrement que cela plaira au jeune coureur et lui permettra de reprendre des forces. Assiette servie devant Angelo, Lili nettoie son espace de travail et s’adosse à l’évier, sans oser s’asseoir à table avec lui. C’est sûrement idiot, mais c’est ainsi. Elle passe une main sur son visage pour évincer la fatigue qui pointe, à nouveau, derrière ses paupières, et serre, finalement, les bras sur son ventre. Un détail la chiffonne et la force à fixer Angelo, pour déceler le moindre signe, indice, sur ses traits.
« Tu es rentré plus tôt que prévu. Il s’est passé quelque chose ? Tu as mal quelque part ? »
Elle relève ses yeux de la poêle et , je croise son regard qui me semble fatigué . Son sourire n'est pas le plus grand que j'ai vu mais , je n'irai pas m'en vexer. Au contraire , le mien reste avenant.
Je vois qu'elle se brûle le doigt , et je m'avance immédiatement par réflexe vers elle. Elle ne m'a toujours pas répondu , mais j'espère que ce n'est pas trop grave. Mon sourire diminue forcément , alors que je m'enquiers de son état.
"Euh ça va ? Tu ne t'es pas trop brûlé ?" , peut être qu'elle aurai besoin de plus de soin ? Je ne sais pas je n'ai pas bien vu. En plus , je ne cuisine jamais donc je ne connais pas ce genre d'accidents.
Lilian finit par me répondre , avec un petit sourire. Elle a l'air d'aller bien ? Sa réponse me fait presque rire , je dois avouer. Enfin , je peux discuter plus que quelques secondes avec elle. Ça me fait vraiment plaisir , plus qu'elle ne doit l'imaginer.
"Effectivement, j'ai besoin de bien manger. Mais rien ne t'oblige à toujours me préparer quelques chose. Alors merci encore." , ah la fameuse cuisine de Ben.
"C'est vrai que je n'en ai pas entendu beaucoup de bien !" , visiblement ce n'est pas un hasard si il ne s'occupe jamais de la cuisine. Je n'ai pas spécialement envie de connaître ses talents en la matière.
Lilian finit justement son plat , allant jusqu'à me servir l'assiette devant moi. Je ne me prend pas pour n'importe qui , c'est certain mais je suis quand même un peu gêné. Je lui souffle un merci , avant de m'asseoir. Même si je suis rentré plus tôt , j'ai quand même faim. Enfin , j'ai tout le temps faim.
"Tu ne t'assois pas à table ?" , je lui demande alors qu'elle reste contre l'évier même après avoir nettoyé le plan de travail. J'espère qu'elle ne va pas juste me laisser manger , partant alors que l'on a échangé que trois phrases. Tiens. Elle a remarqué que je suis rentré plus tôt que d'habitude. Enfin oui , elle le sait car elle me fait toujours à manger mais...Elle pouvait très bien me faire à manger tôt dans la journée , pas forcément juste avant que je ne rentre ? Je ne sais pas.
"En fait , j'ai ressenti une douleur à mi-parcours. Rien de grave , je suppose mais je n'ai voulu prendre aucun risque de l'aggraver. Si ça ne passe pas dans quelques jours , j'irai voir un médecin." , j'ai appris à ne pas rigoler avec ça . Faut savoir dire stop , quand c'est nécessaire. Je ne pense pas que ce soit une déchirure musculaire , mais je préfère être trop prudent. J'en profite pour goûter ce que m'a préparé Lilian et , aussitôt j'ai le sourire jusqu'au oreilles.
"C'est délicieux , comme toujours. Merci pour ta cuisine." , j'ajoute un petit clin d'œil cette fois.
Liliann n’a pas l’habitude d’être au devant de la scène. Pas dans ces circonstances, en tout cas. Elle a appris, autrefois, à gérer un public averti, attentif, à faire les bons gestes, dire les bons mots. Elle sait ce que c’est d’entendre les applaudissements, les quelques compliments dits, le plus souvent, sans y penser vraiment, comme des mensonges qui viennent naturellement. Elle sait tout ça. Néanmoins, face à Angelo, elle ne sait plus que faire. Elle fixe sur lui ses yeux noirs, les bras croisés sur le ventre, et se demande de quelle manière elle doit agir, quels mots elle doit dire. Lili préfère, de loin, être la femme de l’ombre, celle que l’on aperçoit de temps en temps, à qui l’on dit bonjour un jour, mais qu’on ne s’inquiète pas de ne pas voir, les trois jours suivants. Elle préfère préparer ses repas, les placer dans des boites et lui laisser un mot pour lui indiquer où les trouver, comment les réchauffer. Il est beaucoup plus simple, pour elle, de récupérer un post-it de remerciements glissé sous sa porte, que d’affronter le bénéficiaire de sa cuisine.
Bien calée contre son évier, Lili lève la main au niveau de son visage et regarde cette brûlure superficielle, sur son doigt. Elle sent la chaleur sur sa peau, la douleur qui pulse dans sa main, mais elle ne s’en inquiète pas. Elle sait ce que c’est, une véritable brûlure. Celle-ci finira par disparaître, sans laisser de trace derrière elle. Il n’y a pas besoin de s’en inquiéter. Elle regrette presque que le feu ne se soit pas emparé de sa main, léché sa peau sombre pour ronger les os et ne plus laisser, derrière lui, qu’une chose informe, rabougrie, incapable d’enfoncer les touches d’un piano. La brune force un petit sourire, sur ses lèvres, pour s’échapper à cette pensée.
« Ce n’est rien. Mon doigt a à peine touché la poêle, en vérité. Ne t’en fais pas. »
Rien n’oblige Lili à toujours préparer à manger pour Angelo. Cette phrase la laisse, un instant, pensive. Il n’a pas tort, au fond. Personne ne menace Peau d’âne de mort, si elle ne nourrit pas le jeune coureur. De toute façon, aucune menace de mort ne la forcerait à quoi que ce soit. Il n’en restait pas moins vrai que Liliann continue et continuera de lui préparer un bon repas pour ses retours d’entraînement et de concours. Rien ne le force, lui, à les manger, mais elle a envie de le faire, pour s’assurer qu’il garde un bon rythme et fasse attention à ce qu’il fait. Elle n’est peut-être pas la meilleure cuisinière de la ville, mais au moins, cela vaut toujours mieux que les plats déjà préparés ou congelés que l’hélicoptère a tendance à ramener au garage.
« Je… vais m’asseoir, souffle-t-elle, après une demi-seconde d’hésitation. »
Les yeux noirs de Peau d’âne se dirigent, d’eux-mêmes, vers la sortie de la cuisine. Elle ne veut pas être rude, impolie, mais elle a tendance à penser qu’Angelo sera plus tranquille sans sa présence dans les parages. La brune n’est pas la meilleure compagnie du garage, elle le sait, elle ne fait pas grand-chose pour le changer. Sa crasse lui colle à la peau, à l’âme, elle ne pourrait, de toute évidence, rien faire pour la retirer. Elle a déjà essayé de gratter, jusqu’au sang, mais rien n’y fait. Alors, Liliann a fini par s’y faire.
Elle fait ce qu’elle promet, Lili. D’un enjambée, elle rejoint la chaise à l’autre bout de la table, par rapport à Angelo, et prend place. Ses mains se crispent sur le bois, en entendant Angelo évoquer une blessure. Il a, au moins, la présence d’esprit d’arrêter l’entraînement plutôt que de forcer, ce qu’elle approuve silencieusement. Il ne sert à rien de pousser ses limites. La plupart du temps, les choses sont irréversibles. Néanmoins, cela ne l’empêche pas de s’inquiéter pour le coureur. Plus que lui-même ne semble s’inquiéter, apparemment.
« Tu veux que je t’emmène à l’hôpital ? demande-t-elle, sans forcer, seulement pour lui évoquer la possibilité. Je… »
Liliann baisse les yeux sur ses mains, ses doigts fins, le souvenir d’une autre peau qui glisse sur la sienne. Elle n’est pas certaine de pouvoir finir la phrase qu’elle a commencée, de pouvoir avouer ce qu’elle s’apprêtait à avouer. Elle ne sait pas et cette incertitude la garde muette le temps, à nouveau, pour Angelo de la remercier. Lili sourit gentiment au jeune homme, d’un sourire plus prononcé que les précédents.
« Je t’en prie, ce n’est pas grand-chose. Si c’est si délicieux, il ne devrait pas en rester une seule miette, alors. »
Les yeux noirs de Peau d’âne se teintent d’une fausse autorité, comme pour menacer Angelo, lui ordonner de tout manger jusqu’à la dernière trace de sauce. Évidemment, il ne s’agit que d’un petit jeu innocent, Lili ne le pense pas vraiment. Même s’il ne mange pas tout, elle ne dira rien.
« Tout se passe bien pour toi, ici, au garage ou même en ville ? »
Une question à peine innocente qui cache bien mal, en vérité, ce que la brune est capable de faire pour venir en aide à ses colocataires, au besoin. Il ne vaut mieux pas lui parler de groupes de délinquants qui s’adonnent à la victimisation, au chantage ou quoi que ce soit d’autre de peu recommandable. Liliann ne sait pas se battre, mais cela ne la dérange pas pour autant. Elle est capable de se mettre au devant d’une bagarre sans la moindre hésitation.
Je m'inquiète sincèrement pour Lilian après qu'elle se soit brûlée. Si c'était grave ? Qu'il fallait l'emmèner à l'hôpital ? Pure , j'ai aucune idée de comment gérer ce genre de situation...Vraiment pas. Je vais paniquer.
Heureusement, la jeune femme me rassure quant à son état , son doigt n'a que peu toucher la poêle, pas de quoi en faire un plat. Je lui adresse un sourire sincère.
"Me voilà rassuré ." , j'ajoute alors que je lui rappelle qu'elle n'est pas obligé de toujours me faire à manger.
En fait , rien ne l'oblige à être aussi gentil avec moi , tout simplement. J'en suis d'ailleurs réellement touché , bien que je ne serai jamais du genre à le montrer de manière très démonstrative.
Naturellement, j'espère qu'elle restera un temps avec moi. Bien que je vois clairement qu'elle hésite , elle finit par s'assoir à l'autre bout de la place , et je ne quitte pas mon sourire. Enfin , on a l'occasion d'un peu plus se parler que de rares bonjours échangés , et de mots glissés sous la porte !
J'évoque ma blessure en réponse à sa question , et je suis plutôt étonné de lire de l'inquiétude sur les traits de son visage. Pourquoi , se soucie-t-elle de moi en fait ? C'est peut être tout simplement naturel pour elle , de s'inquiéter pour les autres ? Si c'est le cas , c'est réellement une belle qualité , je dois le reconnaître . Je suis loin de toujours faire preuve intérêt ou d'empathie envers les autres. Ouais, ta de ces moments où je me concentre trop sur mon petit nombril.
"Non , t'inquiètes pas ça va aller. C'est pas très douloureux pour l'instant . J'irai à l'hôpital si ça ne se calme pas , dans les jours à venir." , je ne veux pas prendre peur trop rapidement , pour pas grand chose. Je mange avec appétit ce qu'elle m'a préparé , ne comptant pas en laisser la moindre miette comme elle semble le désirer.
"Oh , tu sais avec moi , ta peu de risque que je laisse quelque chose. Je vais tout manger. Absolument tout." , petit clin d'oeil à son encontre en lui lançant cette réponse.
"Eh bien , oui tout se passe calmement , pour l'instant. Je m'intègre bien ici. Tout le monde est sympa avec moi ça fait plaisir surtout que...ah je vais pas te raconter ma vie mais à la maison ça a jamais été super." , je ne vais pas lui donner trop de détails , aucun même mais je ne voulais absolument pas retourner chez mes parents . Plutôt repartir.
"Après , je t'avoue qu'après être parti si longtemps , ça fait bizarre de revenir. Ta plein de choses qui ont changé." , pas tous heureusement comme mon amitié avec Ishanee.
"Je suis content d'être revenu , cela dit. Juste dommage qu'on me demande pas plus d'autographes ." , sourire en coin bien sûr . Ma célébrité n'est pas si énorme que ce que je pensais à l'extérieur de SB. Ici , peu ont eu vent de mes exploits. Enfin , j'en fais pas tout un foin , non plus.
L’inquiétude fait partie de sa vie, comme une habitude un poil malsaine à laquelle Liliann ne peut plus et ne veut pas échapper. Elle ne s’inquiète plus d’elle-même, prête à mourir demain sans aucun regret, à perdre les mains sans même les pleurer. Néanmoins, elle ne peut se résoudre à rester aussi stoïque face au malheur des autres. Elle continue, malgré tout, à penser que les autres méritent d’avoir la meilleure vie qui soit, de ne jamais connaître les malheurs qui ont été le sien. Comme si elle est déjà cassée, irrécupérable, mais que les autres, eux, sont encore intacts et doivent le rester.
Le petit instant de panique d’Angelo à son égard, pour une brûlure minuscule, lui tire un sourire un peu triste. Elle ne veut pas qu’il s’inquiète pour elle, surtout pour ça. Même si elle lui est reconnaissante de l’intérêt qu’il lui porte, elle préfère qu’il ne s’enfonce pas dans ce genre de sentiments. Elle-même a abandonné depuis longtemps. L’inquiétude, c’est justement ce qui a bouffé Ben, ce qu’elle essaie de le forcer à ne plus penser.
Cette parenthèse mise de côté, Liliann s’assoit à table et laisse ses yeux noirs dériver dans la cuisine, pour ne pas perturber Angelo pendant son repas. Elle ne veut pas le fixer en train de manger, ce n’est pas agréable, et se perd, un peu, dans les détails des murs, du plafond, des ustensiles disposés un peu partout dans la cuisine. Elle connaît déjà tout ceci sur le bout des doigts. Elle peut dire, sans faute, si la machine à café a été déplacée. Néanmoins, elle le fait quand même, sans y penser.
L’idée qu’Angelo se soit blessée ne lui plaît pas. La brune lui propose de l’emmener à l’hôpital, s’assurer que tout va bien. La suite se coince en travers de sa gorge et elle a beau fixer ses doigts à la peau sombre, elle n’arrive pas à se décider. Doit-elle le lui proposer ? Est-ce une chose qui se fait ? Ne va-t-il pas se poser des questions auxquelles elle devra répondre et dont les réponses changeront tout de la vision que le sportif porte sur elle ? Lili ne sait pas et ce doute la garde silencieuse.
« N’hésite pas à me le dire, si tu as besoin de quoi que ce soit. » (Elle fait une pause, le temps de réfléchir un peu.) « Tu peux, peut-être, mettre de la glace dessus, juste au cas où ? »
Liliann ne sait pas vraiment ce qu’il faut faire, dans ce genre de situation. Elle n’a jamais été une sportive, elle. Une bonne pianiste, oui. Une bonne bonniche, aussi. Néanmoins, elle ne sait pas ce qu’il faut faire d’une blessure causée par un entraînement. Elle sait s’occuper d’un enfant, faire la cuisine, le ménage, organiser son travail de secrétaire à la perfection, diriger les travaux de rénovation de sa maison, expliquer aux uns et aux autres ce qu’elle a prévu pour la battisse, s’occuper de tout le monde, s’inquiéter pour tout le monde. Mais elle ne sait pas soigner un athlète blessé. Elle sait masser, ce qu’elle n’ose pas lui proposer, mais elle a peur, en vérité, de ne faire qu’aggraver la situation, plutôt que de l’arranger.
« Prends ton temps, tout de même. Personne ne va te la voler. »
Elle sourit doucement, contente qu’Angelo accepte de manger ce qu’elle lui prépare, de voir que la fin prématurée de son entraînement ne lui a pas coupé l’appétit. Au moins, elle peut s’assurer qu’il mange comme il faut, à sa faim, et qu’il s’occupe correctement de lui. Pour ce qui est des repas, en tout cas.
L’évocation d’un passé terrible arrache son sourire à Peau d’âne. Ses mains se tordent un peu, sur le dessus de la table, et elle essaie de se forcer à ne pas imaginer ce qui a pu arriver, chez lui. Liliann ne veut que le bien de ses colocataires et n’aime pas comprendre qu’eux aussi, n’ont pas été épargnés par la vie.
« Je comprends, dit-elle, avec toute la franchise du monde. Si, un jour, tu veux en parler, je t’écouterai. Je… sais ce que c’est. »
Liliann espère, secrètement, qu’il n’a pas connu le même genre de choses qu’elle, que sa vie a, tout de même, été meilleure que la sienne, à son age. Il mérite les rires et la joie, pas les coups et les cris, voire pire que ça.
« C’est vrai, la ville évolue très vite. Tout change en si peu de temps. Mais certaines choses sont restées exactement les mêmes. »
La brune est comme lui, parfois perdue dans les changements plus ou moins subtils de Storybrooke. À chaque coin de rue, elle voit les anciens magasins, les devantures qui n’existent plus, remplacées par d’autres. Pourtant, au fond, la ville est toujours la même et certains de ses lieux n’ont pas bougé. Comme la grande maison de ses parents.
« Je suis sûre que Sally serait ravie d’en avoir un, la prochaine fois. Si elle ne t’en a pas encore demandé un, c’est sûrement qu’il lui a été demandé de ne pas trop t’embêter. »
Le ton de Liliann se teinte d’amusement. Elle ne doute pas que Sally, la fille de Ben, soit capable de sauter au cou d’Angelo et de ne lui laisser aucun répit. Si elle ne l’a pas encore fait, elle s’imagine que Ben a dû lui demander de se tenir plus ou moins à carreaux. La petite fille est si pleine d’énergie…