Les chiens aveugles et vieux de dix ans n'étaient pas du genre à s'enfuir après le premier facteur venu. Smiley n'avait certes pas spécialement besoin de ses yeux pour mener une vie totalement satisfaisante mais sa cécité faisait de lui un chien particulier, calme et qui s'attachait facilement. Il était notamment très attaché à la petite Abigaëlle, quatre ans (et demi, comme elle tenait toujours à le préciser quand on évoquait son âge en sa présence), fille de sa maitresse, Anastasia, qu'il affectionnait aussi énormément. Et réciproquement.
Mais force était de constater qu'en dépit des probabilités, le chien avait disparu au début du weekend et qu'en ce lundi il n'avait toujours pas refait surface. Abigaëlle avait beaucoup pleuré et sa maman avait tenté, tant bien que mal, de la rassurer. La fillette était trop jeune pour réellement comprendre ce qui signifiait pucer un chien alors sa mère lui avait simplement expliqué qu'elle faisait tout ce qui était possible pour retrouver Smiley et qu'il fallait rester positif. Anastasia préférait ne pas s'engager davantage en disant qu'il n'y avait aucune raison pour que Smiley ne leur revienne pas très vite car elle n'en savait rien et ne souhaitait pas faire de promesses en l'air à sa fille. Leur lien se devait d'être bâti sur la confiance et uniquement la confiance.
Alors dès son arrivée au commissariat ce lundi-là, Anya imprima plusieurs affiches décrivant Smiley et alla les placarder un peu partout pendant sa pause déjeuner, en commençant par le centre-ville. Il fallait bien commencer quelque part, de toute façon, et c'était au cœur de la ville que la rouquine avait le plus de chance d'en appeler au plus grand nombre.
En la voyant avec ses affiches, plusieurs commerçants offrirent de placarder une affiche dans leur magasin, ce que la jeune femme accepta volontiers. D'autres, des badauds, se demandèrent pourquoi la police (car, après tout, étant en service, Anastasia était sortie avec son insigne épinglé au niveau de la ceinture) s'occupait des disparitions de chiens, ce à quoi la jeune femme expliqua que ces affichages étaient à titre privé. Cette information ne manqua pas d'attirer la sympathie, notamment celle des vieilles dames qui discutaient sur un banc en nourrissant les pigeons. A toutes ces personnes, la rouquine ne manqua pas de demander s'ils avaient des informations. En vain, mais au moins avait-elle essayé.
Après avoir écumé le centre-ville et mangé très rapidement, Anastasia était prête à repartir derrière son bureau quand elle constata qu'un jeune homme l'observait avec plus d'attention que tous les badauds et commerçants avec lesquels elle s'était entretenue. La rouquine fronça les sourcils et alla à sa rencontre. Indiquant la dernière affiche placardée, elle demanda :
- Excusez moi, vous avez des infos sur la disparition de mon chien ?

Wanted

S.O.S animaux en détresse.

S’il est une chose que je ne pouvais pas supporter, c’était bien que l’on se permette de mettre en danger des animaux. J’avais passé toute ma vie dans le monde des contes à assurer leur protection. C’était la principale raison d’être de mon super commando de pingouins, tout comme elle était celle de l’agence du Vent du Nord dirigée par Sac à puce. Aujourd’hui, les enjeux avaient pourtant changé. Nous retrouvant à présent obligés de nous mettre au service de Médor et de sa bande de guignols, nous agissions comme agent secrets dans le terrorisme et le grand banditisme. Pourtant, rien n’avait pu nous faire renoncer à notre mission sacrée de protéger les représentants animaux de cette ville et du reste du monde. C’est pourquoi le vol des animaux de compagnie avait titillé ma curiosité dès le départ. Un chat disparu par ici, une perruche qui s’était mystérieusement envolée par là… les cas de multipliaient, nous forçant alors à agir.

Oh bien sûr, je n’avais pas pu compter sur l’aide de Sac à puce pour nous laisser mener cette opération lors de nos heures de travail. Les terroristes semblaient particulièrement actifs en ce moment, le retour des beaux jours devait être à la source de leur curieuse multiplication. Il n’avait donc pas la possibilité de se priver de nous en ces temps si difficiles. Cette mission, nous la menions donc autant que possible sur nos jours de permission. En un sens, cela me convenait parfaitement. Ma vie privée était assez compliquée ces temps-ci et cela me faisait grandement du bien de pouvoir occuper mon esprit à une tâche vraiment utile et constructive. Mes hommes aussi loyaux qu’à l’accoutumée m’avaient naturellement suivi dans ce projet. Nos recherches avançaient mais pas suffisamment rapidement à mon goût. De nouveaux animaux avaient à nouveau disparus et notre travail devait bien sûr s’intensifier. Nous avions également songé demander sur renfort à la police, mais ils nous avaient envoyé paitre à leur tour. A croire que les humains étaient toujours égaux à eux-mêmes, incapables de prêter attention aux malheurs qui pouvaient secouer la vie des autres espèces animale.

Pourtant, la chance finit par me sourire lorsqu’un nouveau chien avait disparus. Cette fois-ci, de nombreuses affiches avaient été placardée sur les différents murs de la ville. Apparemment, son propriétaire tenait réellement à le retrouver coûte que coûte. Cela tombait plutôt bien puisque c’était également mon cas. Je l’arrachais alors du mur tandis que j’entendis une voix féminine s’élever derrière moi. Me plaçant en position d’attaque dans un réflexe, je me tournais alors vers la rouquine avec un léger sourire.

« Ah alors c’est vous sa maîtresse ? Non désolé pas pour le moment, mais cela ne saurait tarder. Je suis moi-même sur la piste de ces voleurs d’animaux de compagnie. Un grand nombre d’animaux semblent avoir disparus et personne ne sait où ils se trouvent en ce moment. C’est un grand mystère. »

Prêtant plus attention à la demoiselle qui se tenait devant moi, j’affichais une mine amusée en constatant son insigne de policière.

« Remarquez c’est peut-être une bonne chose que votre chien ait disparu. Cela fait des jours que j’essais de convaincre la police de se pencher sur cette affaire. Si elle commence à se sentir réellement concernée, cela la poussera peut-être à se bouger les fesses. »

Je me rendis alors compte que je m’étais adressé à elle sur un ton trop médisant, je consentis à me calmer. Après tout, ce n’était pas sa faute si ses supérieurs avaient pris la décision de ne pas bouger et de laisser les choses se faire. Je lui adressais alors une mine compatissante et tendit ma main vers elle.

« Je suis désolé, j’ai toujours tendance à un peu trop m’emporter. Je me sentirais prêt à vous aider si vous l’êtes également. En fait, je suis le commandant Skylar McMillan et vous qui êtes-vous ? »

acidbrain

La posture défensive de l'homme surprit Anastasia. Elle n'avait, à sa connaissance, rien d'y de provocateur. Mais peut-être l'avait-elle pris par surprise ou peut-être était-il du genre toujours sur ses gardes. Il y avait des gens, comme ça. Quelques années en arrière Anya en avait d'ailleurs fait partie. Heureusement ce n'était plus le cas ni pour elle ni pour l'homme en face d'elle qui se détendit bientôt et livra de précieuses informations qui firent se froncer les sourcils roux d'Anastasia si bien qu'elle oublia de préciser qu'en effet elle était la maîtresse de Smiley.
- Grand comment, le nombre de disparus ? demanda la jeune femme, perplexe.
Elle n'avait rien entendu à ce sujet, ni au poste, ni dans les infos locales, ni nulle part, tout comme elle n'avait pas non plus vu d'affiches autres que les siennes. Les personnes qui perdaient leurs animaux s'en fichaient-elles ou utilisaient-elles d'autres moyens pour retrouver leur compagnon ? Anya doutait que l'homme en face d'elle ait la réponse mais ce dont elle était certaine c'était qu'il n'avait rien contre titiller la police.
Pour autant la jeune femme, qui n'avait jamais eu affaire à lui et n'avait rien à se reprocher, ne s'en formalisa pas.
- Désolée pour vous, je ne suis pas au courant. Je fais du profilage et de la linguistique au sein de la police - mais je ne parle ni le chat, ni le chien, ni rien de ce genre, ajouta-t-elle d'un ton plus amical. C'est sans doute pour ça que je n'ai pas entendu parler de votre affaire avant.
La rouquine ne s'était pas formalisée de son commentaire envers la police et serra volontiers la main de Skylar, de son habituelle poigne très ferme. Il n'était sans doute pas le seul à penser que le poste n'accordait pas assez d'importance à ses requêtes ou que les affaires n'étaient pas résolues suffisamment vite. D'après ce que la jeune femme savait, la police et la mairie étaient même en froid pour une raison qui lui échappait et dont elle n'était pas certaine de vouloir connaitre les détails. Anya avait confiance en Chris, a priori c'était réciproque et cela lui suffisait pour continuer de faire son travail.
- C'est pas grave, assura-t-elle. Moi aussi j'ai du caractère. Autant vous prévenir puisque nous allons collaborer, poursuivit la jeune femme, ce qui revenait indirectement à accepter sa proposition. Anastasia, à propos. Manifestement vous en savez plus que moi sur cette affaire et j'ai plus de moyens que vous parce que j'ai un insigne. C'est gagnant-gagnant alors je vous suis là-dessus. En plus, j'ai vraiment envie de retrouver Smiley. Mais vous, pourquoi vous faites ça ? Juste par bonté d'âme ou vous avez perdu un animal aussi ? demanda-t-elle d'un ton légèrement amusé. Et puis d'abord, vous êtes commandant de quoi, monsieur MacMillan ?
C'était tout de même pas banal comme titre ! Sans doute plus surprenant que celui de Grande Duchesse vu la proportion de princesses et affiliées de la ville.

Wanted

S.O.S animaux en détresse.

Je demeurais quelque peu surpris lorsque la rouquine m’interrogea sur les disparus. C’est vrai que cette affaire n’était pas commune et pas connue des services de police officiels de la ville. Je n’aurais donc eu légitimement aucune raison d’en parler. D’ailleurs habituellement, je n’aurais jamais commis une pareille erreur. Que m’arrivait-il donc pour que j’en vienne à faire ce genre de bêtises ? Je savais que je n’étais pas réellement dans mon assiette ces temps-ci mais je ne me serais jamais douté que cela en vienne à déteindre sur ma vie professionnelle. La regardant d’un œil en alerte, je ne me demandais si elle méritait réellement ma confiance ? Ma paranoïa naturelle décida finalement que ce n’était pas le cas. Je me contenterais donc de lui délivrer un minimum d’informations tant qu’elle ne l’aurait pas gagnée.

« Euh c’est… c’est top secret. Contentez-vous de savoir qu’il est suffisamment important pour éveiller mon attention. »

Je veillais naturellement de ne pas parler de l’agence du Vent du Nord. Ce n’est pas que l’idée de mettre Cain dans une situation de confidentialité délicate me gênais tant que cela. Mais je ne pouvais pas me permettre de me faire une mauvaise réputation. Mon avenir d’espion et de soldat pouvait gravement en pâtir et c’est quelque chose que j’aurais difficilement pu supporter. Il s’agissait de plus que mon honneur, il s’agissait tout bonnement de ma vie ainsi que de ma raison de vivre. Rester sur mes gardes était donc la seule chose raisonnable que je pouvais faire pour le moment.

Lorsque la policière évoqua ces méconnaissances en linguistique animale, je ne pus que sourire. Dans le monde d’où nous étions originaires, la chose ne me posait aucun problème. J’étais capable de converser avec de nombreuses espèces très variées. Loutre, gorille ou encore ours polaire… rien ne me résistait. Cependant, il semblait que ce talent ne m’avait pas accompagné jusque dans ces lointaines contrées. Cela, je ne pouvais que le regretter amèrement. J’approuvais d’un signe de tête avant d’ajouter.

« C’est vrai que cela ne m’étonne pas si ce n’est pas votre rayon. Et puis je travaille pour une agence d’espion spécialisée dans ce qui concerne les affaires d’animaux. C’est donc logique que j’en connaisse un rayon. J’espère quand même que je pourrais vous aider à retrouver votre animal disparu. »

Je dévisageais mon interlocutrice devinant très vite que la rouquine n’avait rien d’une américaine pur jus. Elle avait conservé une pointe d’accent qui me rappelait plutôt ceux qu’avaient les rouges. Je ne pouvais cependant jurer de rien jusqu’à ce qu’elle-même vienne à confirmer ma première impression. Je poussais alors un petit cri de victoire, tout heureux d’être parvenu à cette conclusion moi-même. Parfois, je venais à douter de la justesse de mon jugement à force d’avoir un lieutenant qui prenait tout le monde de haut avec la supériorité de son intelligence.

« Il me semblait bien que vous n’étiez pas américaine… Anastasia ? C’est russe n’est-ce pas ? Attendez ne me dites tout de même pas que vous être une Romanov ? Si c’est le cas on devrait forcément s’entendre puisque vos ennemis naturels sont également les miens. »

Je bombais le torse tout fier de déclarer ma loyauté à la patrie de l’oncle Sam. Bien que n’étant pas originaire des Etats-Unis, j’avais passé toute mon existence passée à me battre pour elle. Mes ennemis étaient ceux de tout soldat américain qui se respectent, autrement dit les Rouge communistes et les hippies. J’approuvais dans un sourire ses dires, me rendant compte que je n’avais pas de raison de m’opposer à elle. Nous formerions certainement une équipe de choc.

« Vous avez raison… bon l’agence pour laquelle je travaille dispose d’une technologie très avancée. D’ailleurs cet insupportable clébard qui me sert de supérieur n’arrête pas de s’en vanter. Mais c’est vrai que vous pourriez m’offrir une couverture plutôt confortable en plus d’une légitimité publique. L’affaire est donc entendue. »

Je lui tendis la mais pour lui offrir une poignée à la fois ferme et décidée, beaucoup plus appropriée qu’un salut militaire. Après tout, j’étais en train de m’adresser à une civile.

« Eh bien comme je vous le disais, je travaille pour une agence d’espionnage qui s’est lancée depuis un petit bout de temps sur cette enquête. Je le fais donc comme devoir car il n’y a rien de plus satisfaisant que de savoir que l’on sert son pays. Ah et pour répondre à votre dernière question je suis le chef d’un commando de manchots soldats… la véritable crème de la crème, votre altesse. Donc croyez bien que j’ai toutes les compétences pour mener cette affaire à bien. Vous avez d’autres questions sur mon CV où on peut se mettre au travail ? »

acidbrain

Anastasia opina, peu étonnée de ne pas avoir déjà gagné la confiance de l'homme en face d'elle. Le contraire, en fait, l'aurait davantage étonnée. Elle-même n'était pas du genre à accorder sa confiance facilement. Mais comme elle recherchait son propre chien, elle aurait bien aimé obtenir autant d'informations que possible, ne serait-ce que par pur égoïsme, pour résoudre avant tout son problème. Bien sûr, les propos du jeune homme changeaient quelque peu la donne. Top secret ou pas, le nombre de disparitions était important. La disparition de son animal pouvait, de fait, presque être considérée comme faisant partie de ce tout dont elle devinait à peine les contours et pas simplement comme un accident voire un hasard.
La jeune femme note néanmoins que son trait d'humour au sujet des langages animaliers œuvrait dans le bon sens pour établir une coopération et s'en réjouit. La rouquine n'avait pas spécialement calculé cette allusion puisqu'elle n'était pas en salle d'interrogatoire en face d'un suspect à faire parler à tout prix mais si ce seul commentaire pouvait l'aider à gagner la confiance d'un potentiel allié, elle n'allait pas cracher dessus. Pas s'il pouvait l'aider à retrouver son compagnon en vie.
- Merci. Vous avez effectivement l'air d'être l'homme de la situation. Un espion spécialisé dans les missions animalières et une policière qui dispose de certains accès officiels, ça devrait faire une bonne équipe, commenta la jeune femme, intriguée par cette agence dont elle n'avait jamais entendu parler auparavant.
Mais c'était sans doute normal. L'espionnage n'avait, a priori, pas pour but d'être fait au vu et su de tous. C'était un sacré progrès dans le gain mutuel de confiance qu'il ait décidé d'en parler aussi rapidement, surtout après avoir montré autant de méfiance envers elle.
Alors qu'elle se faisait encore cette réflexion, conservant précieusement chaque information utile dans son esprit, Anastasia sursauta au cri de victoire du jeune homme, étonnée - mais pour un moment seulement. Elle sourit en comprenant la raison de cette victoire personnelle. Son prénom. Et donc son origine.
- Je plaide coupable, c'est bien moi. Anastasia Romanov, confirma la rouquine. Mais je n'ai pas vraiment d'ennemis. Plus ici en tout cas. Cela dit ça ne veut pas forcément dire qu'on ne va pas s'entendre.
Et sur ces moments, la jeune femme serra la main de MacMilllan, ne retenant pas la force de sa poigne. Ca ne pouvait pas faire peur - et encore moins mal - à un ancien militaire. Tous les hommes n'étaient pas aussi douillets que Dimitri...
Anya doutait que l'espion MacMillan ait connu Raspoutine. Il connaissait du monde mais pas à ce point non plus. Et son espion animalier avait toujours été une chauve-souris un peu fêlée. Alors elle supposa qu'il parlait de politique, quelque chose qui lui passait encore bien au-dessus de la tête quand elle était Grande Duchesse au palais impérial mais dont elle avait vécu les conséquences pendant dix ans d'orphelinat. Heureusement, sans doute, qu'à ce moment-là elle n'ait plus eu de souvenir du faste de sa vie de princesse. La transition n'en avait été que plus facile.
Tout comme celle à Storybrooke avait été facilitée par les faux souvenirs et la boucle temporelle de Regina Mills et son sortilège. En revanche, passer de l'image du militaire espion MacMillan à un manchot, c'était conceptuel. La jeune femme tenta de l'imaginer mais préféra laisser tomber. C'était sans doute mieux ainsi. D'autre part, manchot ou militaire, il avait effectivement l'air de l'homme de la situation. Et c'était ce qui comptait s'ils voulaient résoudre le mystère des animaux disparus - et retrouver Smiley.
- Plus de questions, je valide votre CV. Mettons nous au travail, décréta résolument la jeune femme. Je crois que cela implique de me partager certaines des informations top secrètes dont vous disposez. Promis, juré, ça restera professionnel et confidentiel. Je vous signe un papier si vous voulez.