Lorsqu'elle était encore petite, Willie passait des heures et des heures dans le grenier de son immeuble. Même si sa famille était la seule à y vivre, les anciens locataires avaient laissé derrière eux des cartons entiers de vieux objets. Alors, Willie s'imaginait la vie trépidante qu'avaient pu connaître tous ces bibelots, elle essayait sans cesse de deviner quels secrets ils renfermaient. Souvent, ses questionnements étaient satisfaits par son imagination débordante, mais il arrivait qu'elle soit incapable de déterminer ce qu'ils avaient vécu. Dans ces cas-là, elle appelait Lukas, son frère, et il se faisait une joie de lui narrer de grandes histoires pleines de femmes indépendantes et de héros insoupçonnés. Mais un jour, alors que les gouttes de pluie s'écrasaient sur les velux du grenier, Willie dû se rendre à l'évidence: tous les secrets avaient déjà étaient découverts, et toutes les histoires racontées. Alors, elle arrêta d'aller dans le grenier, mais n'en perdit jamais la clé.

Il y avait une semaine de cela, Willie avait retrouvé dans sa mémoire les souvenirs de ce lieu et de ses mystères. Alors, l'envie irrépressible d'y retourner l'avait saisie comme l'un de ces caprices que font parfois les enfants. Elle avait retrouvé la clé, gravit les quelques marches qui menaient au grenier, et avait senti son cœur exploser en se rendant compte que tout avait changé. Les objets de son enfance étaient encore là, tout comme les toiles d'araignée et les rayures sur la vitre, mais des centaines d'ancienneté s'étaient ajoutées à celles qu'il y avait déjà. Incapable de patienter plus longtemps, elle s'était empressée de faire connaissance avec tout ce beau monde, comprenant rapidement d'où provenait tout ce bric à brac. Si la rupture de la malédiction lui avait rendu son statut de danseuse nocturne, elle semblait aussi lui avoir rendu la multitude d'objets qui dormaient déjà dans son grenier lorsqu'elle vivait dans le monde des contes. Des couverts et services à dessert à perte de vue, des bijoux que sa mère ne portait plus, des outils... Mais ce qui attira le plus l'attention de Willie furent des tableaux, peints par celle qui l'avait mise au monde. Dans le monde des contes, elle n'avait aucun souvenirs d'elle étant donné qu'elle avait perdu la vie lorsque Willie était encore très jeune. Mais la malédiction lui avait accordé un peu plus de temps avec sa mère, une femme belle et intelligente qu'elle aurait voulu avoir à ses côtés pour toujours... Elle savait que sa mère peignait, et elle avait même déjà vu les œuvres qu'elle avait sous les yeux, mais les revoir l'avait troublée. Tant et si bien que Willie avait quitté le grenier avec les larmes aux yeux.

Durant les jours qui suivirent, elle y repensa souvent, observant la clé qu'elle avait laissé sur son bureau avec insistance dès qu'elle passait devant. Et puis, un matin, alors qu'elle était en train de dessiner la couronne funèbre qu'elle placerait sur la tombe de Mme. Bertrand, un éclair de génie la frappa. Non pas quant aux fleurs qu'elle devait utiliser, mais à propos de rumeurs qu'elle avait entendues. Elle s'était alors empressée de contacter Meredith Newton, une femme qui n'était autre que Mary Poppins. Après sept ans passés à Storybrooke, Willie en savait beaucoup sur les identités des personnages de conte qui peuplaient ses rues. Il était donc tout naturel qu'elle sache qui était Meredith, et qu'elle ait eu vent de certains pouvoirs qu'elle possédait. Willie avait tout expliqué en détails, en faisant de longues phrases pleines de mots, eux-mêmes pleins de lettres. Elle adorait parler, c'était bien connu. Son interlocutrice avait presque immédiatement accepté, ce qui avait su combler Willie de joie.

On toqua à la porte, c'était probablement Meredith ! Elle se rua sur la poignée, et ouvrit la porte avec une telle énergie que son hôte fut presque happée à l'intérieur. C'est avec un immense sourire accroché aux lèvres, que Willie l'accueillit dans l'humble appartement qu'elle occupait avec son père.

« Madame Newton, enchantée ! Vous pouvez m'appeler Willie, votre langue risque de s'emmêler si vous continuez à faire l'effort de prononcer mon prénom en entier, et puis vous savez, personne ne le fait plus depuis longtemps. Même pas mon père ! elle cessa de déblatérer pendant un instant, sûrement pour respirer, puis reprit sa tirade avec un air un peu désolé, mais toujours aussi jovial, Oh, excusez moi ! Comme je suis impolie parfois, entrez je vous en prie ! »

A ces mots, elle s'effaça de l'encadrement de la porte pour laisser passer son ainée. Le grenier se trouvait à l'extérieur de l'appartement, il leur faudrait donc ressortir dans la cage d'escalier pour s'y rendre, mais Willie trouvait cela très inapproprié de réclamer l'utilisation des pouvoirs de Meredith dès le premier instant. Elle lui fit signe de s'asseoir dans le canapé du salon, pendant qu'elle s'empressait d'aller leur chercher des boissons. C'est donc deux verres à la main qu'elle revint dans la pièce où se trouvait Meredith.

« Alors, commença-t'elle en prenant place dans l'un des fauteuils en face du canapé, racontez moi tout, je suis très curieuse, comment est-ce que ça marche tout ça ? Enfin vos pouvoirs, et surtout cette capacité à entrer dans les peintures, c'est juste... merveilleux ! Vous avez ça depuis que vous êtes petite ? Est ce que vous êtes déjà entrée dans le tableau de la Joconde ? Elle est sympa ? J'aimerais pouvoir discuter avec elle, elle semble tellement mystérieuse ! »

C'est les yeux brillants que Willie avait enfin arrêté de parler, à présent, elle était pendue aux lèvres de Meredith, n'attendant qu'une chose: qu'elle réponde à chacune de ses interrogations.

Willie avait écouté les réponses à ses questions avec toute l'attention du monde, admirative devant cette femme que la Nature avait gâtée de pouvoirs dès le plus jeune âge. Elle se demanda brièvement si elle aurait su gérer ses pouvoirs en les obtenant plus tôt, mais balaya cette question pour se concentrer sur Meredith.

« Oh oui, ce serait vraiment cool ! Non mais connaître la Joconde, le summum de la classe ! elle esquissa un large sourire avant de déposer son verre, et ça ne me dérange pas qu'on se tutoie, pas de problème ! »

Willie avait toujours eu du mal à tutoyer les adultes, et ce serait sûrement toujours le cas. Même si elle était plus proche des deux siècles que des 18 ans, elle resterait toujours une enfant. Tutoyer Meredith lui demanderait une véritable préparation psychologique. Elle attendit qu'elle ait finit son verre et indiqua vaguement la porte d'entrée:

« On y va ? »

A ces mots, elle se leva et sortit dans la cage d'escalier, le grenier se trouvant deux étages au-dessus. En passant devant l'appartement de ses voisins, elle remarqua qu'aucun bruit ne s'en échappait. Tant mieux, personne ne viendrait troubler l'activité très particulière que Meredith et elle avaient prévue. Willie adorait leur rendre visite, mais ils étaient un peu trop... énergiques pour cette "sortie culturelle". Elle ouvrit le grenier grâce à la clé qu'elle était la seule à posséder, et qu'elle oublierait après l'expérience traumatisante qu'elle allait vivre, puis s'engouffra dans la pièce.

L'air frais balaya ses cheveux, opérant un véritable changement d'atmosphère. Willie se sentait exactement comme Lucie, au moment où elle ouvre l'armoire de Narnia et que la brise hivernale vient caresser son visage. Un large sourire étira ses lèvres, ce n'était qu'une fenêtre qui était restée ouverte depuis son dernier passage, et pourtant, elle avait l'impression d'être entrée dans un monde fantaisiste. La présence de tous ces objets, datant de l'époque où elle vivait dans le monde des contes, devait également jouer sur cette sensation. Des draps étaient posés sur de grands objets dont on ne pouvait pas encore distinguer la nature, ils étaient alignés devant Meredith et Willie, mais la seconde ne sourcilla pas. C'était elle qui les avait installés la veille. Elle retira le premier drap, découvrant un chevalet sur lequel se tenait un tableau. Ça n'était pas vraiment une surprise étant donné que l'activité à laquelle elles allaient s'adonner durant toute l'après-midi avait été prévue à l'avance, mais Willie aimait être théâtrale. C'était son petit côté artiste. Elle tendit sa main à Meredith, supposant que c'est ce qu'il fallait faire et demanda:

« C'est parti ? »