Visiblement, la question de la nourriture, c'était sacrée. Kyô n'avait jamais été obsédé par la bouffe, il aimait bien manger mais n'était pas du genre à se goinfrer. Il mangeait quand il avait fait, point. C'était un comportement normal non ? Apparemment pas vu la réaction de Michel-Ange.

- T'as vécu où ces dernières années ? T'as jamais rencontré un médecin ? Rétorqua-t-il, en soupirant. Oui, trop manger et boire trop de bière, ça fait grossir. C'est pas parce que toi t'as du bol question morphologie que c'est pareil pour les autres. Tu t'es jamais demandé pourquoi y avait des gens gros ? Demanda-t-il, assez surpris.

Comment est-ce qu'on pouvait ignorer ce genre de choses ? C'était comme si un fumeur attrapait un cancer et disait ensuite qu'il était pas au courant alors que c'était noté sur le paquet... Y avait assez de campagne sur l'obésité dans leur pays pour que les gens soient un minimum au courant. Mais peut-être que Michel-Ange n'y avait pas prêté attention puisqu'il disait qu'il avait un super métabolisme. C'était même probablement ça.

- Nan c'est bon, allons-y. Tu vas m'accuser d'être un vieux sinon et j'ai pas envie d'entendre des trucs pareils.

Il était casanier. Pas vieux. Puis Kyô avait tellement voyagé par le passé qu'il appréciait tout particulièrement d'être de retour chez lui le soir. Être sur les routes seul, même si c'était pour quelque chose qui le passionnait, ce n'était pas franchement drôle. Pour le coup, il aurait préféré avoir quelqu'un avec lui. En fait non. Il n'aurait voulu avoir qu'une seule personne à ses côtés... Mais il l'avait retrouvé bien plus tard.

- Manger des oeufs sur le plat avant d'aller porter plainte. Rappela-t-il obligeamment à la pile électrique qui semblait avoir la mémoire d'un poisson rouge.

Un petit frère perturbateur. Voilà à quoi ressemblait Michel-Ange. C'en était un dans le même genre que Momiji. Des piles qui sautaient partout, vous épuisaient et s'incrustaient dans vos vies sans que vous ne le remarquiez avant qu'il ne soit définitivement trop tard. Bizarrement, ça n'empêchait pas Kyô d'être là, assis dans la voiture de police à participer à tout ce bordel. Le roux se contenta de grogner légèrement en entendant le policier insister pour aller boire un coup avant qu'une imbécile ne traverse juste devant eux, forçant le conducteur à piler. Le chat se retint au tableau de bord sous le brusque coup de frein puis fut bousculer par la fille. Parfait. Vraiment parfait.

- C'est bon, t'as fini tes conneries ? Feula-t-il, le poil hérissé n'ayant pas apprécié qu'on lui hurle dessus et qu'en plus on tente de le chasser. Fais taire ton crétin de chien, sinon je vais le mordre et faire mes griffes sur lui. Prévint-il, parfaitement énervé.

Non mais quelle gourde cette fille. Sérieux, elle ne pouvait pas faire attention ? Kyô ne parlait pas de sa particularité et faisait toujours en sorte de ne pas trop traîner avec le sexe opposé - malédiction oblige. Donc se transformer là, alors qu'il n'avait clairement rien demandé, ça le foutait en rogne.

“Aligato!"

Michel-Ange avait les mains accrochées au volant. Le feu était passé au vert, mais lui refusait d’avancer. Personne n’osait klaxonner ou le doubler étant donné qu’il était en voiture de Police… Mais il pouvait entendre les gens râler derrière. Michel-Ange cligna plusieurs fois des yeux et recula instinctivement devant l’accès de colère du chat… qui se mit à parler.

« OH MON DIEU ! T’ES UN CHAT ! QUI T’AS FAIT CA ? QUEL SORCIER ? MON DIEU ON M’A VOLE MON AMI ! »

Hé oui… Michel-Ange savait gérer son stresse et ses émotions. Démarrant en trombe, il se gara sur le côté et regarda le petit chat roux dans les yeux. Il était si mignon, avec sa petite tête de chat grognon…

« Tu… Tu parles en plus ? Mais… Comment… Cette fille est arrivée et… Tu… Que... »

Il était encore interloqué. Des passants le regardaient. Michel-Ange fronça les sourcils et déclara d’une voix méchante.

« Quoi ? On souffre à la Police. C’est p’t’ête psychologique madame, mais ouais on parle aux chats ! »

La vieille dame qui avait vu la scène accéléra le pas. Michel-Ange lui lança un regard mauvais. Puis, son attention se reporta sur Kyô, qui était en réalité un chat. Un vent de panique passa dans la tête de Michel-Ange.

« C’est irréversible ? C’est ma faute putain ! Je t’ai transformé en chat ! Qu’est ce qu’on va devenir ? Chez qui je dois t’emmener ? Un sorcier ? Un dieu ? Faut que j’appelle Phoebus ! Il saura quoi faire ! Mon dieu mon dieu... »

Ses mains tremblaient. Son regard était un peu trouble car on voyait qu’il réfléchissait. Non. Il ne fallait surtout pas appeler Apollon. Si il était nommé responsable de tout ça, il aurait des ennuis. Et si Eulalie s’en mêlait, elle voudrait adopter Kyô sans chercher à comprendre ou à résoudre son problème.

« On fait quoi ? On va où ? Qu’est ce qu’on fait ?! »

Ses yeux étaient un peu fou, et ils exprimaient la panique. C’était la première fois qu’il transformait quelqu’un en chat par accident. Il regarda ses mains… Avait-il de nouveaux pouvoirs ? De transformer les autres en animaux ? Etait-il un élu, ou quelque chose dans ce genre, promis à devenir un sorcier puissant ? Son regard était entre la peur et la fierté.

« J’ai des pouvoirs magiques bon sang. »

C’était la deuxième conséquence qu’il voyait au changement de Kyô, et visiblement, ça semblait plus le préoccupait pendant quelques minutes que le sort de son ami. Il tendit la main vers des passants et essaya de leur jeter comme des boules de feu. A la télé, ils faisaient ça pour lancer un sort. Ca ne marchait pas. A la place, il avait l’air simplement ridicule. Bon. Il fallait résoudre ce problème.

« Euh… On fait comment ? Il faut que je t’achète des croquettes et du lait ou… ? »

Sa question sonna un peu creux. C’était très con. Puis, finalement il inspira. Il ne fallait pas paniquer. Finalement… C’était peut être le moment idéal pour que Kyô en place une et réponde à toutes ces questions non ?

« Euh… Je peux avoir des explications ? Non parce que… Je suis pas prêt à devenir magicien je crois… Policier c’est bien. Et ça doit être un de tes secrets. Beaucoup d’habitants en ont. Promis je dirai rien. En échange je te dirai un secret sur moi et... »

Bon, au vu du regard de Kyô, même en chat, il voyait bien qu’il le saoulait. Aussi, comme un enfant qui fait une bêtise, il baissa les yeux et attendit qu’il réponde à sa place… Il fallait dire qu’il monopolisait la conversation.

S’il y avait bien quelque chose qui agaçait Kyô, c’était les cris. Déjà sous forme humaine il avait du mal, mais quand il était sous sa forme de félin, c’était un véritable calvaire. Un peu de respect pour l’ouïe des autres que diable !

- Arrêtes de crier ! Feula-t-il, le dos rond et les poils hérissés, prêt à se jeter au visage de Michel-Ange s’il ne la fermait pas rapidement !

Kyô ne savait pas ce qui était le pire… Voir un flic paniqué autant, ou l’entendre parler ouvertement de malédiction et de sorcellerie sans que les gens autour ne trouvent ça complètement absurde… Storybrooke avait au moins ça de bien : il se passait toujours tellement de choses que les gens ne faisaient plus autant attention aux incidents dans le genre de celui qui venait de lui arriver. Sauf bien sûr quand un crétin se mettait à crier et attirait l’attention sur lui…

Blasé, le chat observait Michel-Ange qui se faisait un épisode de questions/réponses sans que le roux ne puisse en placer une. Voilà pourquoi il n’aimait pas les gens aussi extravertis, c’était une véritable plaie que de les suivre quand ils partaient dans des délires comme celui que se tapait Michel-Ange. Une femme le bousculait, il se transformait en chat et le policier ne trouvait rien de mieux que de conclure qu’il avait des pouvoirs magiques jusqu’alors insoupçonnés… Bah voyons. On leur apprenait quoi aux flics de nos jours ? Non parce que niveau enquête, c’était bidon là…

- Si tu me laissais en placer une, les explications, ça fait 10 minutes que tu les aurais déjà eu… Le tança-t-il, franchement agacé. Tu n’as pas de super pouvoir. On va déjà rompre ce mythe-là. Tu n’es pas responsable de cette transformation. Ma famille est maudite. Une ancienne légende chinoise… Un jour, un dieu qui s’ennuyait invita plusieurs animaux à une fête. Le chat, la souris, le bœuf, le serpent, le chien, le singe, le dragon, le mouton, le tigre, le lapin, le moineau, le cheval et le sanglier répondirent présents. La veille de la fête, la souris alla voir le chat en lui disant de ne pas se tromper, que la fête aurait lieu le surlendemain. C’était faux, bien sûr. Le lendemain, jour de la fête, le chat resta chez lui pendant que les douze autres allèrent à la fête. Ils s’amusèrent tellement que le dieu leur proposa de toujours rester ensemble. Les animaux acceptèrent et le chat fut inclus dans ce pacte. Dans ma famille, de génération en génération, nous nous racontons ce conte. Parce que pour nous, il est une réalité. Les Douze existent. Le Chat aussi. Avec le temps, nous nous sommes incarnés dans des humains. Et quand nous prenons quelqu’un du sexe opposé dans nos bras, nous nous transformons en notre animal… La fille m’a bousculé, ça a suffi pour que je me transforme en chat. La période dure plus ou moins longtemps et…

Kyô s’interrompit parce que le sort choisit cet instant pour cesser d’agir. Il reprit sa forme humaine, complètement nu. Heureusement, depuis le temps, il avait appris à ne plus être aussi gêné, surtout quand celui qui assistait à sa transformation était un mec. Le roux s’empressa malgré tout de se rhabiller, ne voulant pas être accusé d’attentat à la pudeur ou un truc du genre…

- Bref, comme tu le vois, quand on reprend forme humaine, on est complètement à poil. Remarqua-t-il inutilement en grommelant. C’est bon, ça répond à tes questions ?

Ou il allait continuer à s’exciter pour un rien ? Kyô ne dit pas à haute voix cette phrase, mais il n’en pensait pas moins. Il espérait avoir été assez clair. Quant à apprendre un des secrets de Michel-Ange en échange, cela ne l’intéressait pas des masses. Les choses étaient ce qu’elles étaient et puisqu’il habitait Storybrooke, le jeune homme n’avait pas de raison de se cacher autant que dans son monde d’origine.