« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
Ce RP se situe alors que Héphaïstos et Héra étaient tous les deux isolés sous les Enfers
Ding ! ... Ding ! ... Ding ! ... Ding ! ...
Le temps finissait par se mesurer au fil des coups de marteau du forgeron. Pour quiconque le bruit ne devait pas forcément être agréable, en longueur de journée, et souvent de la nuit, difficilement différentiables du point de vue de la forge enfouie secrètement dans le Tartare. Surtout alors que le Tartare était le seul environnement dans lequel vous étiez confiné.
Pour Héphaïstos, c'était sans doute le bruit qui l'évadait le plus. Était-ce triste d'avoir ce seul son, et bercé par le fond sonore des flammes des fours infernaux, comme évasion et mélodie préférée ? Héphaïstos n'en avait pas souffert, c'était forger qui lui permettait de se retrouver, de méditer, et de vider ses pensées.
Ou en avait-il souffert, dans une certaine mesure. Ce train de vie avait finit par faire souffrir, et faire fuir, Aphrodite qui s'en trouva bien désintéressée face à un dieu qui forgeait plus qu'il ne semblait aimer, ce qui n'était pas nécessairement vrai. Mais Héphaïstos n'était pas à l'aise avec les relations, quand bien même son cœur était plus grand, et avait l'habitude, mauvaise habitude, de laisser sa forge parler à sa place.
Apprendre de ses erreurs cependant, bien que ce n'était pas toujours aussi facile que ce que l'on pourrait croire, était quelque chose qu'Héphaïstos pouvait faire. Et lorsqu'il vit, en sortant le métal en fusion de l'eau vaporeuse, au loin, Héra, seule, il se demandait s'il ne valait-il pas mieux, pour une fois, penser à la famille plutôt qu'à se perdre dans ses ouvrages.
Il posa son matériel sur son atelier, et soupira. Il n'était pas seul, à être seul. Pour une fois, ils étaient seuls à deux. Héphaïstos ne connaissait que peu Héra. Mais une âme perdue reconnaissait une âme perdue.
Il s'essuya les mains dans un torchon, et sortit de sa forge pour marcher vers elle. Quoi dire, quoi penser, il ne savait rien de tout ça. Peut-être que, pour une fois, se poser trop de questions ne serait pas forcément utile.
Le temps peut-être long ici, spécialement lorsqu'on essaye de le compter, s'annonça-t-il alors qu'il arrivait, s'asseyant calmement à ses côtés. Se rendant compte seulement qu'il ne s'était pas vêtu en sortant de sa forge, dans laquelle il passait le plus clair de son temps sans haut, il en fit apparaître un, pour la bienséance, bien qu'il n'en était pas un professionnel.
Spécialement sous le son du marteau. Je m'en excuse. Il baissa un instant les yeux. Le silence était un son qui entourait de toutes parts ici bas, il en prenait conscience lorsqu'il ne le comblait pas avec ses outils.
Il est aisé de s'y sentir seul, nota-t-il alors pour reprendre la conversation. Mais si nous avons l'opportunité d'être seul à deux, il serait dommage de subir le poids du temps chacun de notre côté. Le poids du temps est particulièrement grand dans le Tartare.
Victoire Adler
« T'es qu'une putain d'armoire, Commode ! »
I'll be with you from Dusk till Dawn
Edition Août-Septembre 2020
| Conte : Intrigue divine | Dans le monde des contes, je suis : : Hera, déesse du mariage, des femmes et des enfants
Si le Temps n’avait été jusqu’alors qu’une vaste mascarade pour Hera, elle en mesurait aujourd’hui toute sa puissance. Il n’avait été que pendant de long millénaire un mot vide de sens, une prison qui la retenait toujours plus prisonnière de son propre être. Il n’avait jusqu’à sa mort que coulé sur elle, dégoulinant comme de l’eau que l’on aurait jeté sur un tissu imperméable. Plus que quiconque, elle était intemporelle, toujours bloqué sur ce même âge, toujours bloquée sur l’Olympe. Sans jamais pouvoir vivre autre chose de sa vie que les couloirs glacials de la Cité, sa chambre à coucher et la salle du Trône. C’était d’un ennui si mortel qu’elle avait l’impression que la vie ne l’avait alors jamais pris dans sa ronde, comme une enfant punie qui regarde les autres partir s’amuser sans ne pouvoir aspirer à autre chose qu’un jour les rejoindre. Elle avait accueilli la mort avec sérénité et bonheur. Le cavalier qui l’avait frappé n’était devenu rien d’autre que son héros, la fin d’une vie sans aucun sens, la fin de la prison. Le commencement de tout.
Et pourtant, même la Mort n’avait pas voulu d’elle et la revoilà pour un tour. Coincée dans les Enfers. Elle passait de bourreau en bourreau, de Charybde en Scylla. Hadès avait dit avoir besoin d’elle sans pour autant spécifier son utilité. Elle ne savait même pas comment il avait réussi son tour de passe-passe. Elle se souvenait juste d’avoir été transpercé, de ne plus rien avoir été et d’un coup, elle avait ouvert les yeux dans cet endroit abominable. Elle avait alors ressenti la douleur, comme si elle sentait encore la lame plantée dans sa chair mais aussi la faim, la soif, la fatigue, sensations nouvelles auxquelles elle ne savait faire face. C’était une véritable renaissance. Et elle avait fini par comprendre : elle était désormais humaine. Bien sûr, elle s’était bien gardée de le dire à qui que ce soit, remerciant Argus, toujours accroché à sa poitrine sous forme de broche de faire écran pour elle. Hadès lui avait tout de même mit ce qu’il fallait à sa disposition : une chambre, un lit, une causeuse et bien sûr des êtres capables de lui apporter de quoi se sustenter pour éviter de mourir une seconde fois. Tout était plus dangereux désormais... Tout était aussi meilleur, plus réel, galvanisant.
Comme chaque jour quand la vie devenait trop ennuyeuse, elle se faisait une balade dans les enfers. Une ballade comme au temps de l’Olympe où ses couloirs étaient les plus précieux de ses amis, dans cette immense solitude qu’était sa Royauté. C’était comme si elle ne faisait jamais partie de l’équation. Zeus s’en était assuré et chacun de ses “frères et sœurs" veillait à cette règle sans que ça ne leur pose le moindre soucis. Chacun vivait sa vie sur Terre, profitait des meilleurs moments de leur éternité tandis qu’elle demeurait constamment seule. Il y en avait bien quelques-uns avec lesquels elle pouvait parfois s’entretenir. Comme Artémis lorsque son frère était interrogé par son mari. Mais jamais elle n’avait eu un véritable allié. Un ami sur qui compter.
Ding... Ding.... Ding...
Le bruit du marteau sur l’enclume lui avait fait tourner la tête sur son chemin. Lui aussi était là depuis longtemps, dans le secret. Héphaïstos. Toujours fidèle à lui-même. Il forgeait. C’était l’une des personnes pour laquelle Héra avait le moins de rancœur. Il avait toujours été hors du Temps et de la “famille” de par sa propre histoire, son propre caractère. C’était un solitaire. Il aimait la forge par-dessus tout et même Aphrodite s’y était cassé les dents, pour le plus grand plaisir de la Reine d’alors. Personne ne disait jamais non à la pimbêche et pourtant, elle avait été délaissée pour deux bouts de ferrailles. C’était sans doute le plus lucide du lot...
Elle avait voulu détourner le regard et repartir vers d’autres lieux, dans les méandres de son esprit tandis que ses pas se contentaient de l’envoyer... ailleurs. Mais son regard avait croisé au loin celui du dieu qui s’était mis à l’observer tandis qu’il sortait du métal en fusion de son four. Elle hésita un instant à tourner les talons et s’en aller mais cette solitude qu’elle avait depuis quelques temps et le manque d’apriori qu’elle avait sur le dieu la poussa à rester immobile. Son regard aussi sans doute. Intéressé. Pour la première fois depuis longtemps, elle semblait avoir un intérêt pour quelqu’un. Un intérêt qui n’était pas malsain. Elle avait alors joint ses mains au niveau de son bas ventre tandis que il s’essuyait avec un torchon avant d’aller à sa rencontre. Il n’était clairement pas doué pour les discussions, les relations sociales, cela se voyait dès le premier abord. Aucune personne à l’aise en société aurait commencé une conversation ainsi. Mais lui oui. Cela eu le don de l’amuser. Elle leva les yeux pour observer les voutes de l’endroit où ils étaient en souriant :
- Oooh il y a bien longtemps que je ne compte plus les graines du Temps, tu peux me croire. J’ai juste appris à voguer auprès d’elles, comme un grain de poussière dans l’infini.
Et pourtant, plus que jamais, le Temps lui était compté. Mais elle s’en fichait. Elle savait qu’elle finirait par briser la roue. Il suffisait d’être patient... et la patience, elle en avait plus qu’à revendre. Elle avait reposé les yeux sur lui en secouant la tête négativement avec douceur :
- Ne t’excuse pas. Le son de ta forge est la seule chose qui me permet de me souvenir où je suis et avec qui je suis. Je ne suis pas mécontente que ce soit avec toi. Avec d’autres, cela aurait pu être pire.
Elle avait eu un sourire en coin. Elle ignorait s’il connaissait ses rancœurs auprès d’Arès ou même d’Aphrodite mais elle n’avait pas non plus envie de s’étendre sur le sujet. Elle se contenta d’hausser les épaules avec calme et insouciance avant de lui préciser :
- Tu n’as pas tort. La solitude est parfois faite pour être partagée quand nous avons un bon compagnon d’infortune. Tu pourrais peut-être quitter ta forge quelques temps ? Faire quelques pas à mes côtés ? Et peut-être même nous pourrions boire quelques verres comme si tout ce qui se passait ici était la chose la plus normale qu’il soit, qu’en penses-tu ?
Elle sonda son regard, ses expressions faciales avec un sourire. Il était peut-être enfin Temps d’avoir un ami.