« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
La porte de l’appartement claqua derrière lui. Timothy grommela dans la barbe qu’il n’avait pas et enfonça les mains dans les poches. Ça commençait sincèrement à lui courir sur le haricot de se faire constamment disputer par ses colocataires. Ne pouvaient-ils pas lui foutre la paix une bonne fois pour toutes ? Qu’est-ce que ça changeait à leur vie à eux, que lui décide de faire ce qu’il voulait de la sienne ? S’il avait envie de se péter la rétine sur l’écran de sa télévision, ça ne regardait que lui. S’il voulait passer la prochaine journée à dessiner, sans rien faire d’autre, ça ne regardait que lui. S’il ne voulait pas manger, ni se laver, où était le problème pour eux ? Tim était grand, adulte, vacc-… hmm, pas sûr, ça. Il détestait les aiguilles et ne se rappelait pas des derniers vaccins qu’il avait été forcé de faire. À moins qu’il se soit juste évanoui, comme souvent ? Quoi qu’il en était, l’écureuil était un adulte, maintenant. Il ne pouvait pas laisser ses frères et sœurs dicter sa vie pour toujours.
Que faire, pourtant ? Tim eut beau réfléchir, shootant un peu dans quelques cailloux, il ne voyait pas ce qu’il pourrait faire pour changer tout ceci. Il n’avait pas envie de se disputer avec le reste de son clan. Au fond, il savait qu’ils avaient raison. Il ne voulait juste pas l’admettre devant eux. Il préférait garder le menton haut, leur faire croire que rien ne l’atteignait et qu’il faisait, décidément, ce qu’il voulait de sa vie ! D’ailleurs, l’écureuil ne se considérait pas comme le pire de son « espère ». Après tout, il passait un temps considérable en dehors de l’appartement, poussé par un besoin vital de prendre l’air, de se recharger au soleil et de profiter, un peu, de la nature autour de lui. Au même titre que les autres, Timothy avait vécu sa première vie dans un monde sans réelle maison, alors avoir un toit au-dessus de sa tête finissait toujours pas l’étouffer. Puis, ce n’était pas, non plus, comme s’il passait son temps à glander. Tim avait un travail qui rapportait assez d’argent pour couvrir ses dépenses. Ses BDs n’étaient peut-être pas des best-sellers, mais elles se vendaient bien et il avait, aussi, le droit à un peu d’argent pour les jeux qu’il testait.
Alors où était le problème ?
Toute cette histoire avait, presque, réussi à détourner Timothy de la journée spéciale qui était celle d’aujourd’hui. Presque. Inconsciemment, le grand asiatique s’était dirigé vers le centre-ville qui était, pour quelque temps, le théâtre d’une débauche incroyable de nourriture, de vomi, aussi, et de fumets plus alléchants les uns que les autres (à part le vomi, évidemment). La vue de tous ces stands, collés les uns aux autres sur la grand-place, réussit à ramener de petites étoiles dans les yeux de l’écureuil et un sourire sur ses lèvres. Comment avait-il fait pour oublier une fête comme celle-là ? Tim était un grand gourmand, prêt à engloutir des quantités considérables de nourriture en une fraction de secondes. Sans parler de tout ce qui se rapprochait, de près ou de loin, à la saveur particulière des noisettes…
Forcément, au milieu de cet étalage de bouffe, Tim était aux anges.
Le brun s’ébroua, dans son t-shirt bleu-marine, brodé d’un petit vault boy portant un koala, sur la poitrine, et d’un gros cœur barré d’un rythme cardiaque, dans le dos. Un t-shirt tout particulier, acheté pour aider l’Australie après ses incendies dévastateurs. Une chose qu’il n’avait dite à personne, fier de sa réputation de geek que rien n’atteint. Il sortit, finalement, les mains des poches de son jean sombre et les frappa l’une contre l’autre, comme pour sonner le départ de la guerre qui allait se jouer, désormais, entre lui et tous les autres participants de cette étrange fête. Personne, personne, ne lui piquerait ce qu’il allait récolter aujourd’hui et engloutir pour le bien-être de son estomac.
La première chose qu’il fit fut de lever le nez en l’air et de sentir les différents arômes pour se diriger vers les paninis, puisque Timothy ne pourrait jamais vivre sans un bon panini. Il en prit un entier, parce que, et trottina immédiatement vers un stand voisin, pour s’emparer d’une barquette de frittes. Devant le stand d’une pizzeria, il hésita longuement à réclamer une pizza entière, histoire de. Au cas où, quoi. Mais finalement, l’asiatique se contenta de deux parts différentes et s’envola immédiatement vers un autre stand. À force de recherches, il finit par avoir les mains pleines de nourriture, dans une quantité quasiment indécente. Il était, enfin, temps de tout manger.
Timothy se fraya un passage jusqu’à la scène du plus gros mangeur de hot-dogs. Ça lui rappela le concours du plus gros mangeur de yaourts qu’il avait réussi grâce à Coin-Coin et qui lui avait fait gagner des cartes du jeu Mister CoolSkin. Évidemment, là, Tim doutait que le gagnant ait le droit à un lot très intéressant, aussi se détourna-t-il de la scène sans s’en intéresser davantage… jusqu’à ce qu’une sorte de bagarre échauffe la foule.
La violence, l’écureuil connaissait. Elle berçait le Pays Trop Mignon. Néanmoins, il ne comprenait pas comment, avec autant de nourriture tout autour d’eux, les esprits pouvaient s’échauffer de la sorte. Lui, manger, ça le calmait. Mordre, mâchouiller, faisait tomber son stress. Il décida, donc, de s’éloigner un peu pour aller trouver un endroit plus calme pour dévorer son gros plateau. Ou, en tout cas, il voulut s’éloigner. À l’instant où il se crut tiré d’affaire, une masse s’écrasa contre lui et l’inévitable arriva : le plateau lui échappa des doigts. Sous ses yeux choqués, la nourriture vola, roula, tomba et s’écrasa par terre.
Mais ! Mais c’est quoi ce déliiiiiiiire ?!
Tim lorgna longuement sa nourriture. La règle des trois secondes s’appliquait-elle à la grand-place de Storybrooke ? Pouvait-il ramasser tout ça en vitesse et le manger quand même ? Il était un écureuil, à la base. Il mangeait bien pire d’habitude, non ? Plongé dans ses pensées, l’asiatique ne prit pas vraiment conscience des excuses signées de la jeune femme qui venait de lui rentrer dedans. L’information se cala dans un coin de son esprit et il y répondit machinalement, en quelques gestes, pour lui dire que ce n’était pas grave et certainement pas de sa faute. Ce ne fut qu’à la fin de son dernier geste qu’il prit conscience de ce qu’il étai en train de faire et se tourna vers elle, vivement. La toute petite (oui, ça l’amusait toujours autant de comparer sa grande taille aux autres) chose devant lui semblait sur le point de pleurer. Ce qui, inévitablement, le mit très mal à l’aise. Timothy n’était déjà pas doué avec les filles (qui lui faisaient peur, la plupart du temps, vieux traumatisme à cause de sa sœur), mais alors si elle se mettait à pleurer… Tim serait totalement perdu.
HAHA ! T’en fais pas, va ! dit-il, tout en signant, sans cacher le stress dans sa voix et ses gestes. C’est pas de ta faute, c’est de la faute de ces gros nigauds, là. S’ils étaient un peu moins débiles, ça serait pas arrivé !
L’écureuil marqua un temps d’arrêt, sur son dernier geste, et ses yeux noirs remontèrent de la blonde aux « gros nigauds ». Évidemment, les deux « débiles » avaient très bien entendu ce que Timothy avait dit tout haut, en même temps qu’il signait. Il déglutit péniblement, lui-même soûlé par son manque de prudence. D’habitude, quand il signait avec Coin-Coin pour ne pas faire de bruit, il pensait à ne pas parler par-dessus. Là, il ne restait qu’une chose à faire : il attrapa le poignet de la blonde et s’enfuit en courant.
Au bout de quelques mètres, Moignon s’arrêta, totalement essoufflé, et lâcha l’inconnue pour s’appuyer contre un mur et reprendre son souffle. Il n’était vraiment pas sportif, ça, c’était certain. Et sa petite course pour sa survie avait réveillé son envie de manger. Il plongea les mains dans ses poches et en ressortit un peu d’argent. Bon, il avait presque tout dépensé plus tôt, mais il lui restait assez pour se rattraper. Ses yeux noirs se relevèrent soudain vers la blonde, en prenant conscience de ce qu’il venait de faire. Ça ressemblait à un kidnapping, non ?
Wow ! Désolé, hein ! Un réflexe ! Bon, je sais pas c’est quoi leur problème, mais on a tout perdu, là, ça me soûle. Moi, c’est Timothy ou Moignon, comme tu veux. Tu m’en veux pas, hein ?