« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
Willie avait la tête qui tournait encore et encore, comme si on l'avait placée dans un manège qui ne s'arrêtait jamais. Elle avait envie de vomir, elle l'avait peut-être même déjà fait, elle ne savait plus très bien. Les bâtiments se déformaient devant ses yeux, lui donnant l'impression d'avoir pénétré dans le plus horrible des cauchemars. Les rues s'emmêlaient et se démêlaient sans qu'elle ne puisse y trouver d'explication. Elle ne savait même pas où elle allait, incapable de réfléchir à quoi que ce soit. Cette douleur... Elle ne pouvait se concentrer que sur elle. Elle avait l'impression que des flammes lui léchaient le bras, remontant sur son épaule et glissant le long de sa clavicule. Pourtant, tout ce qu'elle voyait, c'était du sang, partout. Ou plutôt, de la couleur rouge en abondance. Sa vision était troublée par les larmes, auxquelles s'ajoutaient les vertiges qui la feraient bientôt tomber. Mais si elle s'écrasait sur le sol, s'en était finit d'elle, elle ne se relèverait pas.
Willie avait toujours été le genre de gosse à courir partout, plus préparée à l'idée de s'envoler, qu'à celle de tomber. Dès qu'elle entreprenait quelque chose, elle n'envisageait jamais la défaite, c'était une optimiste acharnée. Bien sûr, cela lui valait de grandes déceptions, mais la plupart du temps, la vie se pliait à ses attentes et elle se sentait invincible. Willie était donc une enfant pourvue d'ailes qui lui permettaient de tout accomplir, quelque chose qui se remarquait tout particulièrement quand elle dansait, il y a de cela bien des années. Même les figures les plus complexes ne l'effrayaient pas, elle parvenait à les effectuer les unes après les autres, sans jamais laisser de place au doute. Et lorsqu'on lui demandait comment elle pouvait réussir de tels exploits, elle esquissait un petit sourire en affirmant « c'est facile, il suffit de le faire ». Bien sûr, il lui était déjà arrivé de tomber, mais les fois où Willie avait parcouru les grands couloirs immaculés des hôpitaux, se comptaient sur les doigts d'une main. Elle avait l'agilité d'un félin, c'est ce qui lui permettait de ne tomber que très rarement, et heureusement, car ses os étaient bien trop fragiles pour supporter les chocs, ils se seraient brisés comme des brindilles. Sa cousine, Dinah, l'avait déjà faite tomber volontairement il y avait de cela de nombreuses années à présent, mais Willie n'oublierait jamais la douleur qu'elle avait ressenti.
Malgré ces quelques blessures causées par la danse, Willie était donc bien loin d'être habituée à la souffrance physique, et encore moins à une balafre tracée au laser. Elle était faible, bien trop pour ce monde. La faune de sa hêtraie natale n'avait rien de comparable avec celle de Storybrooke, cette ville abritait des créatures bien trop féroces et Willie était tout en bas de la chaîne alimentaire. Dieu soit loué, quelques personnes se chargeaient d'assurer sa sécurité, tant et si bien qu'elle avait fini par croire qu'ils seraient toujours là pour veiller sur elle. En fait, elle ne remarquait même plus leur présence tant ils agissaient dans l'ombre pour l'écarter de tout danger. Mais Willie venait de découvrir, de la plus horrible des manières, qu'ils ne pourraient pas toujours être là pour elle, et qu'elle était incapable de survivre toute seule. Une fois à l'écart des autres, elle devenait une proie. Et pas de celles qu'il est plaisant de pourchasser durant des lunes, afin de pouvoir ensuite se délecter de son goût exquis. Non. Willie était une brebis galeuse, quoique très agile, et une seule petite minute suffisait à sa capture. Une victoire si facile n'était jamais satisfaisante, alors au final, elle n'était qu'un dommage collatéral de plus dans un monde où la violence était toujours plus présente.
Avant cette nuit, elle ne s'était jamais sentie aussi démunie, même lorsqu'elle avait été empoisonnée à Paris ou kidnappée et enfermée dans une cave. Elle n'oublierait jamais ce sentiment affreux qui lui avait collé à la peau dès l'instant où elle avait dû s'enfuir. Willie avait la langue bien pendue, mais jamais elle n'était ressortie victorieuse d'un combat. Et pourtant, elle n'en avait jamais fui un seul, on venait simplement mener le combat à sa place sans qu'elle n'ait à lever le petit doigt. Mais cette fois, quand son bras s'était tordu dans des positions atroces sous le coup de la douleur, elle avait compris que personne ne viendrait la sauver. Alors, elle était partie en courant, les larmes aux yeux. En cet instant, elle détestait celui qui lui avait fait cela du plus profond de son âme, une haine opaque biaisait son jugement, mais elle se surprit à penser que si leurs chemins devaient à nouveau se croiser, elle lui ôterait la vie. Willie était loin d'être du genre à se mettre en colère, mais quand elle le faisait, son esprit était incapable de se nourrir d'autre chose que de pensées sombres et cruelles. Elle rêvait de revoir ses cheveux argentés, et ses deux yeux verts qui brillaient dans sa mémoire, semblant la narguer.
La vision de Willie était trouble, elle ne sentait plus son bras, chaque pas était un supplice, et pourtant, elle finit par reconnaître une devanture de maison. C'était comme si ses pas l'avaient menée jusque chez Weenonah, ainsi debout sur le pas de la porte, lutant pour rester debout, Willie enfonça la sonnette d'un doigt ensanglanté qui soutenait son épaule depuis déjà trente bonnes minutes. Le chemin depuis la forêt était pourtant si court en temps normal. A l'instant où Weenie ouvrit la porte, elle s'effondra dans ses bras, lutant pour retenir ses larmes car chaque sanglot était plus douloureux que le précédent. En fait, chaque geste la faisait atrocement souffrir et à cet instant, l'esprit aveuglé par la torture qu'elle subissait, elle aurait voulu mourir.
Weenie la fit entrer, comme l'un de ces animaux en détresse que Willie se donnait pour mission de lui emmener. La cadette connaissait chaque pièce, chaque couloir, chaque bibelot de cette maison, et pour cause, elle y était souvent fourrée. Elle se tenait là debout, la chaire à vif devant Weenie en priant pour qu'elle puisse arrêter ce mal qui la rongeait. Pas que la blessure progressait, mais son sang s'écoulait abondamment sans qu'elle ne puisse le retenir. Vu le carnage, elle aurait tôt fait de s'évanouir au milieu du salon de Weenie. Elle desserra la mâchoire, persuadée que des informations sur son épaule mutilée ne pourraient qu'aider davantage la vétérinaire qui s'activait déjà.
« On m'a t..tiré dessus... Avec un laser. »
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« Il avait risqué sa vie pour sauver mon père. Sa blessure me fendait le cœur, mon inquiétude pour ses jours futurs se lisait sur mon visage et me trahissait. Une peine profonde s’emparait de moi, et rien ni personne ne pouvait m’en consoler. La beauté de son sacrifice n’était certainement en rien étrangère au miracle de sa survie, mais mon peuple ne pouvait rien faire pour le sauver lui. Il devait rentrer au pays. Ces adieux voilèrent mon cœur d’un sentiment de solitude. L’amour de ma vie s’éloignait devant mes yeux, et chaque seconde qui passait me l’enlevait toujours un peu plus. Tout s’évaporait. Du haut de ma falaise, alors que l’image de John s’effaçait à l’horizon, je sautai. Le remous des vagues me projetait contre les récifs rocheux. Le fracas autour de moi m’étourdissait. L’air me manquait. Je ne remontais pas. Une dernière inspiration. La douleur s’en allait. » Je m’étais réveillée d’un sursaut. Des perles de sueurs avaient atteint la commissure de mes lèvres et un goût salé si étrange me rappelait le goût de l’eau qui emplissait mes poumons dans mon cauchemar. Ce cauchemar dont je revoyais encore des scènes dans ma tête alors que mes yeux étaient grands ouverts et fixaient le plafond de ma chambre. A en voir l’état de mes draps, mon sommeil avait été assez agité. Plusieurs de mes oreillers gisaient sur le sol non loin de mon lit. Mes cheveux me collaient à la peau le long de mes épaules et de mon cou. Je me sentais si mal, et pour couronner le tout j’étais dans une indécision totale au niveau de mes sentiments : à la fois emprise de nombreux frissons de froid, j’avais cet incompressible besoin de m’échapper de mes draps pour laisser s’évaporer toute ces manifestations de l’effervescence de mon esprit. Balancée entre ces sensations de chaud et de froid qui me perturbaient tant. Ce serait rocambolesque d’essayer de me rendormir après tout ça ; je ne voulais absolument pas que ces cauchemars se reproduisent tellement ils ravivaient une douleur profonde que je fermais à clé dans un coin de mon cœur. Je m’extirpai de mon petit cocon temporairement devenu non grata. Et quelle surprise ce fut de me rendre compte, en me redressant sur mes deux jambes – et notamment avec la participation des gargouillis bien plus que virulents de mon estomac– que je mourrais de faim. Je n’avais aucune idée de l’heure qu’il pouvait bien être. La maison était plongée dans le noir, le silence était aussi solennel que celui qui régnait dans une cathédrale. Même Pine et Apple qui dormaient sur le palier qui desservaient les chambres semblaient être ardemment endormis ; aucun râle, aucun ronflement ni même aucun souffle. Deux petits bébés tout de même prêts à sauter sur n’importe quoi en cas de bruit ou odeur particulière. Sans même qu’ils ne bougent d’un poil, je passai à côté d’eux pour me diriger vers la cuisine car n’oublions pas que je meurs de faim. En passant rapidement devant la porte de la chambre de mon père – chez qui j’habitais toujours à vingt-sept ans tout à fait, mais je m’étais juré de ne pas fuir ce qui avait pu être ma vie à Storybrooke pendant la malédiction, pour l’instant tout du moins – j’observai qu’il était lui-aussi sûrement entrain de rêver de sa vie d’avant, ou pas. Son réveil affichait deux heures et demi du matin. Heureusement qu’il n’était pas quatre ou cinq heures, auquel cas le réveil de demain sera particulièrement difficile. Mais là, deux heures et demi, c’était tout à fait jouable. Et puis de toute façon, je ne pouvais pas me rendormir le ventre vide.
Après avoir perdu au moins cinq bonnes minutes à jeter mon dévolu sur une fringale nocturne en particulier, mes belles tomates me firent un clin d’œil. Et cela faisait peut-être des mois que je n’avais pas dégusté une bonne bolognaise maison. Sans même me poser de question sur la disponibilité de tel ou tel ingrédient, je rapprochai une grosse tomate d’un gros oignon, avant de checker la viande dans le frigo. Et de peser pour 100 grammes de spaghettis. Je connaissais la marche à suivre par cœur, si bien que j’aurais pu la cuisine les yeux fermés. Même si à cette heure-là et dans cet état de fatigue, il était évident que je gardais les yeux ouverts pour maintenir la totalité de mes cinq doigts attachés à ma main. Les tomates coupées et marinant avec la viande et les oignons dans ma poêle, j’ajoutai les pâtes en m’émerveillant devant ce festin qui s’annonçait. C’est au moment où j’allais assaisonner le tout que la sonnette m’interloqua. Mais qui sonne si tard ? Je n’étais pas préparée à ce que quelqu’un m’interrompe dans mon aventure culinaire d’une nuit, alors que tout était si proche d’être fini, et à la fois si loin ! Il manquait les deux choses principales : l’assaisonnement, et la dégustation. Mettant de côté mon tablier et ma poêle fumante aux délicieuses odeurs, je me dirigeai vers la porte d'entrée en m'imaginant une bonne quinzaine de scénarios spéculant sur la personne présente derrière. La porte à peine entrouverte, un poids vint s’écrouler dans mes bras. Je n’eus aucune difficulté à reconnaître le sommet du crâne de Wilhelmina : c’était un sommet de crâne que je connaissais plutôt bien. Mais que faisait-elle ici et qu’est-ce qui me l’avait mise dans un tel état ? Elle me paraissait meurtrie, et était visiblement blessée. J’avais bel et bien vu du sang. Et qu’avait-elle fait à sa chevelure ? Ses longueurs étaient comme blanchies. J’hochai la tête. Cela ne faisait aucun doute : c’était bel et bien elle, mais quelque peu différente. Sans perdre une seule seconde, je vins soutenir Willie en me glissant de côté sous son bras sain et je la fis entrer. Il fallait absolument que je découvre ce qui lui était passé. Willie était d’aussi loin que je me souvienne à Storybrooke une de mes plus vieilles amies. Notre passé tumultueux nous avait rapprochés et à l’heure actuelle, sans que je ne puisse bien l’expliquer, je me sentais liée à cette personne. La voir dans cet état m’avait bouleversée. Déjà puisque ces derniers temps nous n’avions pas pris le temps de nous voir, nous ne nous donnions plus que de simples nouvelles, mais aussi parce qu’elle était chère à mon cœur et que malgré les erreurs que nous avions pu commettre l’une l’autre, aucune n’aimait voir l’autre souffrir. Afin de mieux observer les maux de Willie et leur origine, je la fis s’asseoir sur un tabouret de la cuisine, là où la lumière était idéale pour pouvoir l’examiner dans de bonnes conditions. Elle s’était confiée sur les circonstances de sa blessure. Je me demandais comment un laser pouvait blesser aussi gravement, car j’assistais impuissante à un flot sanguin qui coulait le long du bras de Willie. Les chairs avaient été brûlées mais étrangement, malgré la cautérisation de certains tissus, d’autres continuaient de laisser s’échapper du sang.
« Il faut absolument que je soigne ça, sinon ta blessure va s’infecter. » Un milliard de questions se bousculaient dans ma tête. J’essayais tant bien que mal de les hiérarchiser pour ne pas assaillir la pauvre Willie, reléguant les questions relatives à son changement capillaire au second plan. Pour l’heure, il fallait qu’elle fasse tomber la veste. « Ca va être douloureux, il faut que je retire ta veste. Je verrais mieux comme ça. » Son visage se tordait de douleur mais elle s’exécutait. Ma formation de vétérinaire me permettait de savoir comment réagir dans ce genre de situation, mais je supportais beaucoup moins bien la pression lorsqu’il s’agissait d’être humains. On ne prend pas la même distance quand on soigne un animal qui ne nous appartient pas même si sa santé nous importe plus que tout. Pour ne rien arranger, la blessure de Willie n’était pas jolie à voir. Mais la peau dénudée de son bras me paraissait bien trop blanche à mon goût, comme si elle s’était vidée de précieux litres de sang. C’était étrange. Je me retournais pour me saisir d’un substitut à des compresses, en l’occurrence un torchon propre, pour l’appliquer en appuyant sur la plaie. « Explique-moi ce qu’il s’est passé, et dis-moi que tu n’as pas fait de bêtises. » Je la regardais avec bienveillance, comprimant toujours son épaule avec mon torchon, en attendant que je puisse lui prodiguer de meilleurs soins en l’emmenant dans la salle de bains.
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Willie était à présent perchée sur un tabouret, l'épaule et le bras à nu. Bien que tout se bousculait dans sa tête, elle trouva le temps de songer à l'immense cicatrice qu'elle porterait pour toujours, comme le rappel permanent de l'humiliation qu'elle venait de subir. Le laser avait couru de sa clavicule jusqu'à son coude droit, scarifiant une peau qui n'avait jusque là jamais été marquée. Elle sursauta quand Weenonah pressa un torchon sur sa chaire à vif, et serra la mâchoire quand elle continua encore et encore. Des larmes coulaient abondamment des yeux de la cadette, qui priait pour se réveiller en découvrant que tout cela n'était qu'un mauvais rêve. Elle faisait tout pour se concentrer sur la voix apaisante de son amie, mais la douleur la rappelait sans cesse. Rien n'aurait jamais pu la préparer à une telle souffrance physique. Elle réussit pourtant à rassembler les quelques forces qu'il lui restait pour tout expliquer à Weenie. Parler arriverait certainement à la détourner de la boucherie qu'elle contemplait depuis trop longtemps déjà.
« J'étais dans la forêt. Je dansais. Et un homme, un jeune, m'a tiré dessus parce qu'il a eut peur... Il avait deux grands yeux verts et j-j'ai eu tellement peur, Weenie ! »
Des sanglots venaient parfois troubler son récit, mais elle reprenait, bien déterminée à identifier l'inconnu qui l'avait blessée. Si elle se vidait complètement de son sang ce soir, Weenonah saurait le retrouver et lui percer les poumons avec ses drôles de petits couteaux de vétérinaire. Est-ce qu'elle trouverait cela étrange que Willie soit en train de danser au milieu de la forêt, et surtout en pleine nuit ? Il ne fallait pas qu'elle pense qu'elle avait recommencé à prendre de la DN, ce n'était pas le cas, même si à cet instant elle aurait tout donné pour en avoir sous la main. Même si son amie avait bien dû remarquer que son physique n'avait pas changé d'un pouce depuis la fin de la malédiction, et donc se douter que Willie n'était pas qu'une simple humaine, elle n'avait aucune idée de sa vraie nature. Pour la simple et bonne raison qu'elle n'avait jamais trouvé bon de lui en parler. Toute sa vie, Willie avait été très fière d'être une danseuse admirée et reconnue, mais quand l'ombre de sa nature était venue entacher sa passion, elle n'avait plus jamais réussit à en être fière. Être une danseuse nocturne, c'était sa malédiction personnelle, et elle aurait voulu pouvoir s'en découdre plus que tout. Malheureusement, il semblait que la mort aussi ait son lot de contrainte... Comment aurait-elle pu parler à Weenonah de cette sombre réalité ? Est-ce que cette dernière pourrait encore la regarder comme avant si elle avouait tout ? Willie semblait innocente, mais elle portait le poids de toutes ces morts auxquelles elle avait participé, et elle en avait terriblement honte.
Pourtant, elle décida de lui faire confiance, comme elle l'avait toujours fait. Elle posa sa main gauche sur l'épaule de Weenie et plongea ses yeux verts dans les siens.
« Je suis un monstre... Quand je danse, je fais du mal aux gens. Et lui, j'ai faillit lui faire beaucoup de mal, mais il y a échappé. Je mérite ce qui m'arrive, mais c'est tellement... douloureux. Ne me déteste pas. »
A ces mots, elle baissa la tête vers ses genoux, honteuse. Ce qu'elle avait dit était vrai, au fond, elle acceptait la souffrance qui lui était infligée. Le garçon aux cheveux argentés n'avait pas dû comprendre ce qui lui arrivait avant de reprendre magiquement ses esprits. Il avait dû se voir mourir. Une part de Willie le détestait, et l'autre aurait fait n'importe quoi pour se racheter auprès de l'inconnu.
Sous sa forme fantomatique, sa chevelure devenait entièrement blanche, des pointes aux racines, comme ceux d'un mort que l'on aurait laissé trop longtemps dans un cercueil mais en plus soyeux. Habituellement, Willie était un fantôme ou une humaine, alors ses cheveux étaient soit bruns, soit blancs, jamais les deux en même temps. Mais là, alors qu'elle lutait pour ignorer le mal qui la rongeait, elle était mi-fantôme, mi-humaine. Ses cheveux avaient commencé à retrouver leur teinte naturelle, mais ses longueurs demeuraient blanches. Elle était incapable de contrôler le passage de fantôme à humaine, ou d'humaine à fantôme, mais elle avait l'impression que cette demi-forme la préservait légèrement de la douleur. Mine de rien, Willie était un bébé d'un peine un siècle, et personne ne lui avait jamais appris à être un bon fantôme. Pour certains comme Blanche, c'est inné, ils peuvent passer à travers les murs, se rendre invisible et intangibles, mais pour Willie tout était tellement compliqué. Au fond, elle n'avait jamais cherché à devenir un meilleur spectre, elle n'en avait jamais ressenti le besoin. Mais si ses suppositions étaient bonnes, alors danser diminuerait cette douleur insoutenable.
Elle se leva doucement du tabouret, adressant un sourire douloureux à Weenie, et commença lentement à danser sous ses yeux. Petit à petit, le blond de ses mèches remonta jusqu'à ses pointes et la douleur devint moins intense. Elle ne dansait pas vraiment, pas comme elle l'avait fait dans la forêt, mais elle se mouvait en rythme avec la musique de son coeur. Lorsqu'elle dansait vraiment, elle entrait dans une sorte de transe qu'elle même ne savait pas arrêter. Il n'était pas rare qu'elle le fasse jusqu'à l'épuisement total. Entre deux mouvements, Willie se demanda ce que son amie aurait à en dire. Aurait-elle des questions ? Des remarques, ou même des reproches à lui faire ?
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La voir dans un tel état de douleur et de sidération me fendait le cœur en deux. En réalité, je ne comprenais pas en quoi danser pour une personne la rendait si dangereuse et mauvaise à ses yeux. Elle me disait être un monstre, et même mériter ce qui lui arrivait, mais à aucun moment je ne pouvais croire ce qu’elle me disait. Willie était une personne douce, et je la croyais incapable de faire du mal à qui que ce soit, quelle que soit la situation. Certes, sa peau livide et la teinte blanchâtre de ses cheveux – qui semblait évoluer au fur et à mesure que nous parlions, ce qui était très étrange – me confortait dans l’idée qu’il y avait quelque chose de pas tout à fait normal qui se profilait à l’horizon. Au fond, je ne demandais qu’à comprendre, et j’espérais que cette compréhension de la situation me donnerait les clés pour venir en aide à mon amie. Je n’aimais pas voir les êtres qui me sont chers souffrir, et je supportais encore moins ne pas pouvoir aider. Je l’avais regardée se lever, grimaçant de sa blessure. Elle se mit à danser, balançant gracieusement ses bras dans un rythme parfait, sans aucune musique audible à mes oreilles, mais elle était une merveille à suivre des yeux. Elle semblait flotter, presque comme si elle se rendait capable de contrôler le moindre geste que son corps réalisait. D’une légèreté incroyable, sa danse m’émerveillait, et je me rendais compte que je ne la connaissais pas si bien que cela, mon amie… En effet, c’était bel et bien la première fois que j’assistais à un tel spectacle, et je trouvais cela regrettable. En quelques secondes, sa chevelure était à nouveau devenue blanche, fait qui m’avait ébahie. Je savais que Storybrooke était magique malgré moi, mais je ne pesais pas cela possible qu’une telle magie s’empare de notre chère petite ville. A la regarder, Willie me faisait penser à une danseuse étoile à laquelle on aurait fait une mauvaise blague en switchant sa coloration capillaire avec une bonne vieille bouteille de peroxyde d’hydrogène. Je la regardais, avec mes deux grands yeux ronds, tandis qu’un milliard de questions se bousculaient dans ma tête, et malgré elles je n’osais pas couper le ballet solitaire auquel elle s’adonnait. Elle était si belle. Savoir que quelqu’un avait souhaiter lui faire du mal alors que sa danse était si raffinée et harmonieuse me faisait bouillir. « Willie, j’ai besoin de comprendre. » Je pris une grande respiration. « Les monstres ne dansent pas de façon aussi gracile. Ils effraient et ils tuent. A t’écouter, tu ne l’as ni effrayé, ni tué… En revanche, lui, il t’a blessée. Cet homme aux grands yeux verts, pourquoi a-t-il essayé d’attenter à ta vie alors que tu dansais pour lui… Je ne comprends pas. » Je baissais la tête en frottant légèrement ma nuque, et au fur et à mesure que je m’adressais à elle j’essayais encore d’éclaircir les faits. Il n’y avait rien de logique dans ce qu’elle me disait, à moins qu’elle se soit transformée en vampire ou loup-garou à cause de sa danse mais je ne croyais pas cela possible. Je m’étais rapprochée d’elle, alors qu’elle s’était arrêtée de danser pour écouter mes questions, comme si c’était la seule chose qu’elle attendait. Ou alors attendait-elle de moi que je la sermonne. Elle se trompait, dans ce cas. J’étais le genre d’amie que l’on pouvait appeler au beau milieu de la nuit pour se débarrasser d’un cadavre embarrassant, et il y avait tout ce qu’il fallait à la clinique ; mais engueuler une amie pour un fait qu’elle n’avait pas commis ou seulement presque commis, non cela ne me ressemblait pas. Armée de la plus grande patience dont il était possible de faire preuve, je saisis le torchon déjà quelque peu taché de son sang pour aller appliquer une nouvelle pression sur la plaie de laquelle un mince filet de sang s’écoulait à nouveau : sa danse était jolie, mais son corps meurtri ne demandait qu’un peu de repos et d’immobilité pour éviter de faire saigner les chairs abîmées. C’était indéniable, il fallait que je la recouse. Seulement j’ignorais si Willie était venue me voir pour être soignée ou pour soulager sa conscience : elle semblait tellement préoccupée, et encline à se culpabiliser. « Il faut que tu arrêtes de danser maintenant, et que tu me laisses te soigner. Ce que tu peux faire, c’est répondre aux nombreuses questions qui me perturbent. » Je m’étais saisie délicatement de sa main, du côté sain évidemment, et la tirais de nouveau vers le tabouret sur lequel elle s’était assise à son arrivée. « Explique-moi, Willie, quelle magie t’habite pour que tes cheveux soient si… changeants ? Et ta peau si pâle ? » Evidemment, c’étaient les premières questions qui me vinrent à l’esprit : son apparence physique modulable était certainement ce qui me troublait le plus. En seconde position, je comptais bien lui demander plus d’informations sur les motivations de son agresseur, mais je ne souhaitais pas la submerger. Ce n’était pas ce dont elle avait besoin.
Wilhelmina Klein
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Willie s'arrêta lentement quand Weenonah commença à parler, prête à tout avouer. Cette soirée serait aux confidences. Les mots de son amie résonnaient en elle, et se répétaient encore et encore, comme un écho au fond d'une grotte. N'était-elle donc pas coupable ? D'après Weenie, elle ne méritait rien de ce qui lui arrivait, tout cela, c'était la faute de l'homme des bois ! Le poids qui pesait sur sa poitrine avait commencé à s'alléger, mais la dure réalité le replaça d'un revers de la main. Willie l'avait effrayé, et cela sûrement bien plus qu'elle ne pouvait le concevoir.
Sa valse avait légèrement soulagé la douleur, mais elle ne put s'empêcher de frissonner quand Weenie replaça le torchon sur sa blessure. Elle ne méritait pas son aide et tous ces soins... Elle hocha la tête quand son amie lui demanda de ne plus danser, elle ne devait pas lui compliquer la tâche, et puis l'entaille semblait déjà assez profonde alors il aurait été stupide de vouloir l'agrandir. Elle reprit place sur le tabouret et émit un long soupir. Pour pouvoir expliquer la raison pour laquelle les cheveux de Willie devenaient blancs, il fallait revenir de nombreuses années en arrière, rebrousser le chemin parcouru pendant des siècles entiers et faire face à l'Histoire. Une Histoire morbide.
« Tu devrais t'asseoir, lui conseilla Willie en esquissant un sourire triste. »
Elle attendit que son amie s'exécute et débuta son récit, le bras toujours tendu pour qu'elle puisse continuer de s'occuper de sa blessure en même temps. Jonatan n'avait pas toujours été le gentil garçon dont Willie avait souvent fait les louanges auprès de Weenonah, il y avait de cela de nombreuses années, il était aussi le meilleur chasseur que l'Autriche ait connu, mais ce n'était pas pour cela qu'il avait plu à Willie. Elle savait qu'il ne l'asservirait pas, qu'elle n'aurait pas à lui obéir comme il était de coutume à l'époque. Il était intelligent et avait l'esprit moderne, c'est l'éclat dans son regard qui avait fait chavirer son cœur. Les deux tourtereaux passaient la majorité de leur temps ensemble, partageant leurs secrets et leurs perceptions du monde. Il lui avait rapidement demandé sa main, mais alors que leur mariage devait être célébré, son oncle le rappela à la capitale.
Willie sursauta, Weenonah avait appuyé un peu plus fort sur la plaie béante, ce qui l'avait coupée dans son récit. Étrangement, repenser à ce passé douloureux l'apaisait, et lui faisait oublier le sang qui s'écoulait de sa clavicule jusqu'au milieu de son bras. Elle répondit au regard désolé de Weenie par un petit sourire, et reprit l'histoire de sa vie où elle l'avait laissée. Un voile sombre passa devant son regard quand elle admit qu'aujourd'hui encore, elle ignorait comment Jonatan avait pu l'abandonner pour une autre. Ils étaient des âmes soeurs, ce n'est pas quelque chose qui se balaye d'un revers de la main... Les semaines passaient sans que son fiancé ne revienne, alors son frère s'était rendu à Vienne. Le plus pathétique, c'est que tout le monde s'inquiétait du sort de Jonatan alors qu'il faisait sa vie avec une autre. C'est ce qu'on rapporta à Willie, en même temps que le fait que son frère avait abattu part le même homme que celui qui lui avait demandé la main de Willie. Elle était déjà aux portes de la mort, agonisant dans ses draps, les joues creusées par le chagrin, quand on lui avait annoncé tout cela. Et ça avait suffit à l'achever.
« Tu comprends ? Ce soir-là, je suis morte. »
Willie observait ses mains, n'osant pas regarder Weenonah dans les yeux. La suite de son histoire était la partie de son passé dont elle avait le plus honte, et qu'elle aurait préféré oublier. Elle ferma un instant les yeux et prit une grande inspiration. Elle expliqua comment elle s'était sentie appelée vers la forêt, puis jusqu'au centre d'une clairière. Elle y avait alors rencontré des jeunes femmes magnifiques, vêtues de robes blanches et coiffées de fleurs tout aussi blanches. Willie était parée des mêmes atours. Elle ne se souvenait plus vraiment de ce que les autres filles lui avaient dit, hormis qu'elles l'attendaient. Willie marqua une légère pause dans son récit, assez longue pour adresser une petite prière silencieuse, mais pas assez pour perdre le fil. Elle expliqua que ces filles étaient des danseuses nocturnes, des filles mortes d'amour, et que ce soir-là elle avait rejoint leurs rangs. La Mort, en les arrachant de leurs corps, ne mettait pas fin à leur souffrance, elle leur fournissait une arme de vengeance. Ainsi, chaque nuit, les hommes qui traversaient la clairière étaient assassinés, qu'ils soient coupables ou innocents. Quand elles dansaient, ils étaient hypnotisés par leurs pas, incapables d'en détacher leurs yeux, et alors qu'ils rejoignaient cette valse envoutante, les danseuses aspiraient leur énergie. Leurs danses se soldaient toujours par la mort.
« Tu crois toujours que je ne suis pas un monstre ? »
Willie avait relevé la tête vers Weenonah, des larmes roulaient sur ses joues pour venir s'écraser sur ses cuisses tremblantes. Elle ne voulait pas que son amie la regarde autrement, pas qu'elle lui tourne le dos. Et pourtant, elle aurait compris. Rares étaient ceux qui avaient déjà entendu le récit de la vie de Wilhelmina Klein, cette histoire là ne pouvait être entendue que par les oreilles les plus compréhensives. Willie savait que c'était le cas de son amie, elle était chaque jour témoin de la douceur avec laquelle elle prenait soin des animaux. Ce soir-là, elle lui prouvait une fois encore qu'elle serait toujours là pour prendre soin d'elle. Cette douceur et cet altruisme étaient l'apanage des êtres compréhensifs.
« Et puis un jour, Jonatan a traversé la clairière. J'ai voulu empêcher sa mort, mais les autres danseuses ne m'ont pas écoutée. Cet état dans lequel nous sommes... Il nous prive de tout bon sens, nous ne sommes plus conscientes de ce que nous faisons. Ce sont nos gestes, mais ils semblent avoir été dictés par un autre. Je ne saurais pas l'expliquer... Quoi qu'il en soit, je ne veux plus jamais revivre cela, c'est la raison pour laquelle j'avais arrêté de danser. Mais ce soir, la tentation était tellement grande ! elle s'était levée d'un coup avant de se rasseoir, J'ai attendu que la ville s'endorme, puis je me suis enfoncée dans la forêt pour pouvoir enfin danser... Mais même comme ça, j'arrive à faire du mal aux autres. »
Willie en avait assez de mener une vie faite de contraintes, parfois, elle aurait voulu être égoïste. Si cela avait été le cas, elle aurait pu danser partout, tout le temps, sur les tables, les toits et même sur scène ! Malheureusement, toutes les vies avaient de la valeur et elle ne se serait jamais permise d'en supprimer une.
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Weenonah Matoaka-S.
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Plus je l’écoutais tout en m’affairant à stopper le saignement de son bras, plus je sentais l’émotion monter en moi, et de petites larmes vinrent rapidement habiller le brun de mes yeux. Willie était une amie d’aussi loin que je me souvienne, mais elle ne s’était encore jamais confiée sur sa vie d’avant la malédiction auprès de moi, et je me demandais pourquoi cela avait pris autant de temps. Mais au fil de son récit, cela me semblait plus compréhensible : cela demandait beaucoup de courage pour ressasser des évènements qui nous meurtrissent, et peut-être ne se sentait-elle pas encore assez en confiance en ma compagnie pour essayer d’extérioriser les peines de son âme. Cela m’avait attristé, et à la fois je ressentais beaucoup de compassion pour le petit bout de femme qui, malgré les difficultés qu’elle traversait, arrivait à me sourire timidement de temps à autres. Ainsi, j’ignorais tout d’elle. Enfin, j’ignorais tout d’elle avant la malédiction. Ses joies, ses peines et ses peurs étaient des secrets bien gardés. Et là, elle s’exprimait aussi calmement que possible pour m’expliquer le pourquoi du comment, comme si tout le bonheur de sa vie à venir en dépendait. Et c’était ce qui me rendait si fière d’elle. Toutes ces années pendant lesquelles nous nous étions côtoyées, notre faux-passé quelque peu commun nous avait indéniablement rapprochées. Déjà ces souvenirs déguisés n’étaient pas glorieux, et j’avais pour ma part enfin réussi à me défaire de toute cette tristesse de ma vie imaginée ; tout en gardant à l’esprit les souvenirs de ma vie antérieure, près des miens en Virgine, et oui cette vie me manquait. Tout me manquait. Toute cette ville n’était que tristesse et nostalgie depuis que tout ce bourbier était derrière nous. Et pourtant, il fallait bien continuer de vivre. Continuer de sourire. Mais avant cela, il fallait passer par l’excercie qu’était entrain de réaliser Willie : savoir se montrer aux autres sous sa réelle nature. Elle y parvenait très bien.
C’est comme cela que j’appris comment Willie avait quitté son monde, et à l’apprendre j’avais senti mon cœur éclater. Un chagrin d’amour, c’est une désillusion perverse. Elle fait tendre le genre humain dans le désespoir le plus profond, et toutes les réactions qui en découlent sont forcément malsaines : le chagrin d’amour peut engendrer la vengeance, la jalousie, la violence et même la mort. Un chagrin d’amour ramène que trop rarement une personne dans le droit chemin, mais à mes yeux il me semblait impossible de littéralement mourir d’amour… Jusqu’à ce que Willie me dise que c’était ce qu’il lui était arrivé. Mes yeux empreints aux larmes et mon cœur palpitant, je buvais son récit sans jamais oser l’interrompre, pliant et repliant seulement quelques fois le torchon qui me servait à compresser sa blessure. Lorsqu’elle m’expliqua ce qu’il en était de sa vie fantomatique et l’appel de la vengeance, mes yeux s’écarquillèrent d’étonnement. Storybrooke était un monde plein de magie, et je le savais, mais il était tellement difficile d’intégrer les informations qu’elle me donnait sur elle et sa vie d’après. Sa vision biaisée des choses m’en empêchait, et en même temps je ne pouvais lui en vouloir car elle était l’héroïne de sa propre histoire. Mais je ne voulais pas que Willie se sente responsable de tout son malheur, quitte à se coller elle-même l’étiquette du Monstre, alors qu’elle n’avait été que la victime d’un homme qui – à ce que j’avais compris – avait fini par avoir ce qu’il méritait. Et même pour ça, elle s’en voulait. J’étais désemparée. Willie pleurait. Je ne pouvais à mon tour rien retenir, et je pleurais avec elle de tout le malheur de sa vie. J’avais ce côté compassionnel qui, poussé à son paroxysme, me donnait un esprit empathique à la limite du mimétisme. Lorsque Willie avait sonné à ma porte quelques instants auparavant, j’étais à mille lieues de m’imaginer tout ce qui se passait. Les larmes roulant elles-aussi sur mes joues, je tentai de les chasser du revers de la paume de ma main en faisant attention à ne pas tacher mon visage de son sang, puis je posai le torchon sur le comptoir en remarquant que j’avais réussi à arrêter l’hémorragie. Alors que j’arborais un sourire chaleureux pour montrer à Willie que non, elle ne me faisait pas peur, je lui avais ouvert mes bras avant de l’y engouffrer toute entière, comme pour l’entourer de toute l’affection que je ressentais pour elle. Je sentis sa tête se déposer contre mon épaule, et j’avais rejoint mes mains derrière son dos, effectuant de légères frictions le long de ses vertèbres, tout en faisant attention à ne pas toucher son bras blessé. Et même si le saignement reprenait, tant pis. Car Willie n’avait pas besoin de soins en priorité. Elle avait besoin de reprendre confiance en elle et de savoir qu’autour d’elle, on l’aime. Rapprochant son visage de son oreille, je voulais tenter de la rassurer.
« Ecoute-moi bien Willie. Je vais te parler avec mon cœur. Tu es une personne merveilleuse, tu es une femme forte, et rien de ce qui a pu t’arriver dans ta vie d’avant n’est de ta faute. Tu n’as rien mérité de tout cela, mais tu as tellement subi… » Je la serrais d’autant plus fort contre moi, nos cœurs se touchaient presque au travers de nos poitrines respectives. « Comment peux-tu te comparer à un monstre alors que c’est le chagrin qui a causé ton trépas ? Je t’interdis de ressentir de la culpabilité. Tu me l’as dit toi-même : lorsque tu danses, tu n’es plus toi-même. C’est comme si une malédiction s’emparait de toi. Alors je t’en supplie, balaye cette abjection pour ta propre personne. » J’avais relâché notre étreinte, la laissant penser à ce que je venais de lui dire. En plongeant de nouveau mon regard dans le sien, je lui fis un petit sourire en coin, encore une fois chaleureux. Il devait lui transmettre toute mon affection pour elle, et j’espérais lui avoir mis un peu de baume au cœur. Cela me tuait de la voir se martyriser l’esprit alors qu’elle se battait comme elle pouvait pour chasser ce côté d’elle-même. « N’oublie jamais, Willie, tu ne causeras jamais autant que mal qu’on a pu t’en faire. » Saisissant délicatement ses mains, je l’avais faite se lever et tournoyer sur elle-même en me joignant à sa danse voluptueuse toutefois sans musique. Sa beauté n’avait d’égale que la beauté de sa danse, et je ne voulais pas qu’elle s’interdise de la pratiquer même si elle risquait de tuer les malheureux qui s’aventuraient près d’elle. « N’arrête jamais de danser, essaie seulement de le faire quand une personne au courant de ce que tu vis peut te surveiller. Et si l’envie te prend de danser quand tu es seule, pose-toi cette question : pourquoi un corbeau ressemble à un bureau, et je t’assure que tellement tu auras de mal à trouver une réponse tu ne voudras pas danser. »
Sur ces mots, j’avais lâché ses mains. Je me doutais que mon premier conseil ne servait pas à grand-chose puisqu’elle devait y avoir pensé par elle-même avant, mais ce soir je voulais seulement qu’elle retrouve une certaine joie de vivre. Pour le deuxième conseil en revanche, je ne savais pas vraiment ce qu’il m’avait pris, mais je me disais que si Willie pensait à quelque chose de stupide – puisqu’un corbeau ressemble à tout sauf à un bureau – peut-être que ça fonctionnerait. Je m’étais retournée, attrapant rapidement le torchon ensanglanté qui trainait sur le comptoir. « Je te laisse penser à tout ça. Il faut que j’aille chercher du fil et une aiguille dans la salle de bain… désolée Willie, mais je vais devoir te recoudre. Tu peux danser un peu avant si cela peut atténuer ta douleur, mais on va être obligées d’y passer. Ne t’en fais pas, tu ne peux blesser personne ici, mon père s’est enfermé dans sa chambre. » Je lui avais souri une dernière fois, avant de me diriger vers la salle de bains.
Wilhelmina Klein
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| Dans le monde des contes, je suis : : une danseuse nocturne
Voir Weenonah pleurer procura un drôle de sentiment à Willie, exactement comme si elle s'observait de l'extérieur. Pas comme quand Altana se promenait dans son corps, non, c'était une sensation bien plus complexe. Weenie venait d'entendre les détails tragiques de son passé, et elle en pleurait. Exactement comme Willie quand elle repensait à son histoire, et quand elle la racontait comme c'était actuellement le cas. Elle avait véritablement l'impression de se regarder dans un miroir. Et comme si leurs pensées étaient en parfaite osmose, Weenonah enlaça Willie à l'instant même où elle y pensait. Et tandis que l'étreinte se resserrait, son mal-être s'évanouissait petit à petit dans l'air.
Les premiers mots qu'elle glissa dans son oreille la firent pleurer encore davantage. Elle n'avait jamais perçue la réalité sous cette angle, mais concevoir qu'elle était la victime de son histoire lui donna l'impression d'avoir été souillée. Weenie avait raison, tous les événements qui avaient bousculé sa vie n'étaient jamais les répercussions de ses propres actes. Mais savoir ça ne l'aidait qu'à moitié. Certes, elle n'était pas fautive, mais cela lui donnait l'impression de ne jamais avoir rien contrôlé. Au fond, elle n'était qu'une marionnette avec qui des forces supérieures jouaient. Willie agissait à leur guise tout en l'ignorant. Non. Elle refusait de n'avoir tout ce temps été qu'un simple pantin, elle sentait qu'elle était plus que cela. Son doux visage avait beau être semblable à celui d'une poupée en porcelaine, elle était bien loin d'être un jouet. Elle avait connu la mort, le désespoir et le chagrin contre son gré, mais tout ce temps, elle avait été la commanditaire de son bonheur. Alors que ses sœurs assassinaient froidement Jonatan dans une clairière, elle aurait pu être faible et demeurer dans cette transe meurtrière. Mais elle avait su se rebeller, et même si ses cris n'avaient pas pu sauver l'homme qu'elle avait aimé, ils l'avaient sauvée elle.
Weenonah s'éloigna doucement d'elle, laissant quelques paroles avisées flotter dans son esprit. Cette femme possédait un véritable don, elle la faisait se sentir légitime, comme si elle avait le droit d'exister autant qu'un autre. Dans ses yeux, elle ne voyait rien d'autre que de la compassion et ça n'avait pas de prix. Depuis qu'elle était devenue une danseuse nocturne, pas une seule fois Willie n'avait pu se résoudre à penser que sa présence sur cette Terre était encore permise. Derrière ses grands sourires et ses joues roses, demeurait ce dégout pour sa propre personne. Elle était persuadée que Dieu la haïssait, et ne pourrait jamais poser sur elle le même regard tendre que celui qu'il posait sur tous ses fidèles. Elle s'était toujours sentie comme une paria, enchaînée à l'idée qu'elle n'était qu'un monstre. Ce soir, c'était comme si Weenie venait la délivrer de ses entraves.
Les paroles de son amie étaient si justes, qu'elle ne savait même pas comment y répondre. Chacun de ses mots résonnait en elle comme une nouvelle perspective, les clés d'un monde dans lequel elle ne se détesterait plus. Ses prunelles tremblèrent quand Weenie la fit doucement danser. Elle n'était plus habituée à danser avec d'autres personnes, et pourtant, tout lui revint très rapidement. Weenonah ne pouvait pas être humaine, c'était impossible, cette femme était un ange. Finalement, Dieu ne l'avait peut-être pas tout à fait abandonnée. Elle écouta ses conseils avisés tout en continuant de danser, le regard planté dans celui de son amie.
Willie étouffa un petit rire en écoutant sa deuxième préconisation, cette idée était complètement absurde, mais elle en avait peut-être besoin en ce moment. Depuis qu'elle avait vu Altana danser dans son corps, elle ne pouvait s'empêcher de se repasser la scène. Certes, ce n'était pas le type de danse qu'elle pratiquait, mais se voir bouger à nouveau au rythme d'une musique lui avait donné des frissons. Elle se souvenait des bals durant lesquels les yeux étaient rivés sur ses pas parfaits, de ses danses improvisées dans la cuisine durant la malédiction, et des spectacles de fin d'année. C'était certain, le monde était plus beau lorsque Wilhelmina Klein dansait encore. Weenie avait raison. Comment avait-elle put cesser de danser durant sept ans ? Comment avait-elle pu trahir, avec autant de conviction, l'art qui faisait battre son cœur ? Elle aurait beau vouloir rester immobile, l'amour de la danse animerait toujours ses pieds délicats.
Le sourire que Weenonah lui avait adressé avant de disparaître, restait gravé dans son esprit. Elle avait beau contempler sa propre blessure depuis un bon moment, jamais il ne lui était venu à l'idée que des soins plus complets devraient lui être procurés. Que s'imaginait-elle ? Qu'il suffirait de deux pansements pour refermer la plaie béante ? Son optimisme était touchant, mais parfois très nuisible à sa propre santé mentale. Sur les conseils de Weenie, elle se leva et débuta un ballet silencieux, glissant dans l'air avec une grâce sans pareil. Le brun de ses cheveux fit à nouveau place au blanc fantomatique qui caractérisait les morts, tandis que sa peau prenait une teinte plus pâle. Ce n'est que lorsqu'elle remarqua la présence de Weenonah qu'elle s'arrêta. La pointe de l'aiguille brillait sous ses yeux, comme pour ramener Willie à la douloureuse réalité. C'est alors que son esprit s'éclaira: ce soir, elle ne mourrait pas, au contraire, elle renaîtrait. Le phénix en brûlant, souffre le martyr, mais ce n'est que pour mieux réapparaitre au monde par la suite. Elle se voyait comme un phénix, prête à accueillir la douleur comme un présent.
Toutefois, elle ne put empêcher ses jambes de trembler, et une phrase de s'échapper de ses lèvres:
« Tu penses que ça va faire mal ? »
Évidemment, elle avait déjà la réponse à cette question, la raison qui l'avait poussée à la poser restait cependant un mystère. Peut-être espérait-elle, portée par son optimisme infaillible, que la vétérinaire lui réponde que non. Willie avait une confiance aveugle en Weenonah. Elle avait déjà vu des chiens faméliques ressortir de son cabinet tellement bien-portants, qu'ils semblaient issus d'un riche chenil. Alors une simple couture ne devrait pas être si compliquée à réaliser. Elle posa sa main sur celle de son amie qui préparait ce dont elle avait besoin, et murmura avec une infinie reconnaissance:
« Merci. »
Elle reposa sa main sur sa cuisse et hocha la tête, comme pour indiquer à Weenie qu'elle était prête. Mais alors que l'aiguille perforait sa peau et que sa mâchoire se serrait, elle eut envie de parler. Enfin, plutôt, d'entendre quelqu'un parler. Entre deux cris de douleur à moitié réprimés, elle parvint à articuler:
« Raconte moi une histoire, s'il te plaît. »
Si Willie continuait à se focaliser ainsi sur la douleur, elle finirait par tourner de l’œil. Ses dents étaient pressées si fort les unes contre les autres, qu'elle avait peur de les casser. Une distraction parviendrait peut-être à détourner son attention, en espérant que la vétérinaire ne soit pas elle-même distraite.
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Weenonah Matoaka-S.
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Willie méritait les meilleurs soins qu’il était possible de prodiguer. Et pourtant, elle m’avait prise au dépourvue : j’avais déjà bien de la chance d’avoir trouvé du fil de nylon dans la salle de bain, avec une aiguille et de quoi la désinfecter, mais je n’avais malheureusement aucun anesthésiant chez moi. Il faut dire, ce sont des substances plutôt bien contrôlées par les autorités sanitaires, et en ramener chez soi sans en avoir l’utilité c’était s’exposer à de très graves sanctions que je n’osais même pas imaginer. Déjà que ma trésorerie bat de l’aile, n’allons pas nous attirer leurs foudres. Malgré l’absence d’anesthésiant, ce qui assurait à Willie une vive douleur tout le long de la suture, j’étais très confiante concernant l’issue de cette blessure. A l’examiner de plus près, aucun tissu ne semblait profondément altéré, ainsi de simples sutures plus ou moins serrées et un suivi régulier de la cicatrisation me semblaient suffisants. Aiguille désinfectée en main, ouate dans l’autre, je plongeais mon regard dans celui de ma patiente, tentant de la transmettre toute ma confiance par la pensée. Cela allait-il être douloureux ? Alors que je m’apprêtais à délicatement percer la peau de Willie, je m’arrêtai net en entendant sa question. Oui, la pauvre, je ne l’avais même pas informée de comment allaient se dérouler les informations… Médecin ou vétérinaire, quelle honte ! Je reculai immédiatement l’aiguille de sa peau frêle. « Disons que cela dépend de ton seuil de tolérance à la douleur. » J’ai connu mieux comme façon de rassurer quelqu’un… A vrai dire, en général mes patients sont beaucoup plus poilus et maîtrisent beaucoup moins le langage humain. Ce n’est pas pareil. « Si tu as déjà été piqué par plusieurs guêpes, j’imagine que cela devrait aller pour toi. » Et avant même que ma patiente n’ait pu assimiler ce que je venais de lui dire, j’avais piqué la première fois, à vif, sa pauvre peau que j’allais devoir faire souffrir pour la soigner. Comme on dit, il s’agit d’un mal pour un bien. Tout en vérifiant la solidité de mon premier point, je ressentais toute la compassion du monde pour elle. Elle passait définitivement une mauvaise soirée. Et je m’en voulais de l’enfoncer encore plus en ne la soignant pas aussi bien que ce que j’aurais voulu. Malgré tout cela, elle me paraissait prête. Alors que je scrutais des yeux chacun des millimètres de sa peau meurtri par le duo fil/aiguille, je relevai les yeux vers elle alors qu’elle me demandait de lui conter une histoire. N’ayant aucune fibre maternelle, que ce soit dans ma vie d’avant ou celle-ci, je restai totalement démunie face à cette requête. Je ne me souvenais d’aucune histoire que ma vraie mère pouvait me conter avant sa disparition à cause de mon jeune âge, et mes parents adoptifs à Storybrooke n’étaient pas du genre à conter des histoires… Lire des livres et tenter de me faire ouvrir mon esprit grâce au dessin, ça oui, mais je n’eus aucune instruction sur l’art de conter une histoire. Tout en cherchant assidument ce qui pouvait être enfoui au plus profond de ma mémoire, je me remémorais une petite histoire que m’avait raconté une de mes amies en Virginie alors que je pensais être inutile dans notre société amérindienne. Encore fallait-il que je m’en souvienne correctement. Soufflant légèrement, grimaçant aux pensées qui dorénavant m’habitaient, et ce en une fraction de seconde, je tentai de mettre des mots sur les images qui me revenaient. Car oui, à l’époque j’avais totalement illustré psychologiquement cette histoire et c’était comme ça que je l’avais retenue ; mais mettre des mots sur des images reste un exercice assez difficile. Je balbutiais presque. « Alors, attends que je me souvienne... » Je m’étais à nouveau concentrée sur mes sutures. « C’est l’histoire d’un porteur d’eau amérindien. Oui oui, il vient de chez moi. » Je souriais alors que je piquais une seconde fois. « Ce porteur d’eau transportait deux grandes jarres aux extrémités d’une planche. L’une des jarres était fêlée et perdait presque la moitié de son précieux contenu au cours de chaque voyage, alors que l’autre conservait toute son eau de source jusqu’à la maison du chef. Ceci dura pendant deux ans. Deux ans au cours desquels le porteur ne livra qu’une jarre et demi d’eau, chaque jour, au chef du village. » Je m’arrêtai un instant, pinçant le bout de ma langue entre mes deux lèvres pour capitaliser toute ma concentration vers le deuxième point de suture que je venais de terminer. « Bien sûr, la jarre sans défaut était fière de sa performance : elle parvenait à remplir sa fonction du début à la fin sans faillit. Mais la jarre abîmée, elle, avait honte de son imperfection. Elle se sentait démoralisée de ne pouvoir accomplir que la moitié de sa tâche. Au bout de ces deux ans, qu’elle considérait comme un échec complet, la jarre abîmée dit un porteur, un jour qu’il la remplissait à la source : « Je me sens coupable et je te prie de m’excuser… » « Pourquoi ? De quoi as-tu honte ? » demanda le porteur d’eau. « Depuis deux ans, je n’ai réussi à porter que la moitié de ma charge à notre chef à cause de cette brèche qui fait fuir l’eau. Par ma faute, malgré tous tes efforts, tu ne livres à notre chef que la moitié de l’eau prévue. Tu n’obtiens pas la reconnaissance complète de tes efforts », lui expliqua la jarre abîmée. Touché par cet aveu et plein de compassion pour la jarre, le porteur d’eau lui répondit : « Je vais te demander quelque chose. Tout à l’heure, quand nous reprendrons le chemin du retour vers la maison du chef, je veux que tu observes les fleurs qui poussent sur le bord du sentier… » Au fur et à mesure que le porteur d’eau avançait le long de la colline, la vieille jarre apercevait le bord du chemin couvert de fleurs baignées de soleil. Sur le moment, celles-ci lui mirent du baume au cœur. Mais à la fin du parcours, la tristesse l’envahit de nouveau : la jarre avait encore une fois perdu la moitié de son eau. Le porteur d’eau dit alors à la jarre : « Ne t’es-tu pas aperçue que toutes ces belles fleurs, elles poussent de ton côté du chemin, alors qu’on n’en voit à peine du côté de la jarre en bon état ? » « J’ai toujours su que tu perdais de l’eau et j’en ai tiré parti. J’ai planté des semences de ton côté du chemin. Et chaque jour, tu les as arrosées de ton précieux contenu. Grâce à toi, j’ai pu pendant ces deux ans cueillir de magnifiques fleurs qui ont décoré la table du chef. Sans toi, jamais je n’aurais trouvé de fleurs aussi fraîches, aussi gracieuses, aussi colorées. » C’est ainsi que la jarre abîmée apprit, attendrie, qu’elle apportait elle aussi sa part de bonheur dans la vie. » Alors que mon histoire touchait à sa fin, je remarquai que j’avais totalement fini de suturer sa blessure, et même si la cicatrice pouvait paraître énorme, celle-ci ne donnerait qu’un air plus rebelle à ma Willie. Je souriais de satisfaction face à son travail. « Et voilà ! Sans même que tu ne t’en aperçoive, j’ai fini de te recoudre. Tu es fin prête pour reprendre tes péripéties là où tu les avais mises en pause. Et surtout n’oublie pas, si ce gars revient te voir, tu m’appelles et on lui règle son compte toute les deux. » Je m’exprimais en souriant tout en serrant les dents pour ne pas extérioriser l’énervement qui sommeillait en moi depuis que Willie m’avoua que c’était un homme qui s’en était pris à elle, alors qu’elle est sans défense. Je décidai tout de même de taper légèrement les sutures à l’aide d’un morceau de ouate, mais aucun filet de sang ne semblait vouloir s’en échapper. C’était du bon boulot, malgré le peu de moyens que j’avais chez moi. Tout en me levant de mon petit tabouret, je vins réserver une légère étreinte amicale à Willie, comme pour la remercier d’avoir été une patiente si exemplaire. Toutefois, c’était une plaie importante qu’il convenait de surveiller. « J’ai quelques préconisations tout de même : pas d’eau en contact avec les fils pendant au moins une semaine, pas de bandage ni rien car il faut que ça respire pour cicatriser dans des conditions optimales. A la moindre rougeur, tu reviens me voir, d’accord ? » Je la fixai tout en lui souriant de façon plutôt maternelle. « Fais attention à toi Willie, s’il te plaît. » Je venais de commencer à benner toutes les compresses qui avaient servi pendant le soin, et à faire place nette sur le comptoir sur lequel nous nous étions installée. « Ah, et j’espère que mon histoire t’a plue ! Elle m’a fait remonter des souvenirs très agréables de mon ancienne de vie. Et ce que je veux que tu retienne, c’est qu’il faut savoir méditer sur ce considère habituellement comme des erreurs ou des défauts, qui en réalité n’en sont pas. Elle m’a fait penser à toi. Ta singularité est ta force, pas ta faiblesse. » lui dis-je en attrapant toutes mes saletés sur le comptoir, enroulées dans le torchon tâché de sang.