La manticore & le corbeau

L'L’ironie et les moqueries de Raven semblaient passer sur Dewenty comme une brise en plein hiver. Elle fonçait tête baissée dans le premier degré et répondait très sérieusement à la grand-mère que, non, elle ne voulait pas de bon point. La brune fronça un peu les sourcils. Elle ne comptait pas lui en donner pour de vrai. Elle essayait seulement de lui faire comprendre que tuer des gens, dans le coin, ce n’était ni plus ni moins qu’une compétence banale, si commune qu’elle aurait presque pu en devenir ennuyante. Évidemment, il existait des personnes comme Raven pour remonter le niveau et chasser l’ennui à coups de bec ! Sans le moindre doute, sans elle, les vilains ne seraient qu’un groupe de petites pétasses qui ne valaient rien.

Il y eut, au moins, une information qui ne tomba pas dans l’oreille d’une sourde : Dewenty ne pouvait plus se transformer mais gardait, tout de même, « quelques aptitudes ». Allez savoir que ça voulait dire… Étant donné que Raven n’avait pas la moindre idée de ce qu’était une manticore (même si la brunette lui en avait dessiné, à peu près, le portrait), elle ne savait pas à quoi elle devait s’attendre de celle-ci. Posséder de grandes ailes bien encombrantes, apparemment, ne lui suffisait pas. En plus, elle se permettait d’avoir d’autres capacités cachées. Ce qui ne plaisait pas au corbeau qui, lui, n’arrivait pas à encore à se lier tout à fait à son humaine et ne possédait, du coup, que ses transformations pour lui. Mais un jour, il saurait faire fi de ses réticences et serrer la main à sa partie espionne pour aller botter des culs à outrance ! Et ce jour-là, les Storybrookiens regretteraient de s’être moqués des tics étranges de l’oiseau noir et de lui avoir conseillé d’être plus humain.

Raven tiqua un peu, à la suite des explications de Dewenty. Peut-être que la brunette avait dû s’occuper elle-même de son territoire, mais elle n’enlèverait pas de la tête du corbeau que ce fameux territoire lui venait de sa mère. Le travail avait été prémâché et la manticore s’était contentée de garder sa place en haut de la chaîne alimentaire. Alors que l’oiseau noir, lui, s’était fait lui-même sa place en haut de la chaîne et il y était resté aussi longtemps qu’il l’avait voulu (ou presque, mais chut). Elle préféra ne pas revenir sur le sujet, persuadée d’avoir raison, et se contenta de plisser les yeux, suspicieuse, à l’énonciation de Regina.

Si le corbeau était jaloux du lien entre son chat et le gros oiseau-pas-tout-à-fait-oiseau, il était, aussi, possessif envers ses ennemis et n’appréciait pas trop que la brunette essaie de lui piquer sa proie. Raven ne pouvait déjà pas garder ses amis pour lui, alors si, en plus, Dewenty lui piquait ses ennemis… que lui resterait-il ? Raven n’aimait pas ça, pas ça du tout, du tout. Mais encore une fois, que pouvait-elle faire contre l’autre ?

Raven eut très envie de grogner et elle se retint de justesse, la bouche tordue sur une grimace qu’elle dissimula en tournant la tête. Après son mari, après sa pire ennemie, Dewenty lui volait son… quoi ? Son faux fils ? Cette boule de plumes qui l’avait suivie comme un petit toutou ? La taxidermiste ne pouvait plus rien faire, de toute façon. Il était trop tard, maintenant, et partager ne faisait pas partie de ses principes. Elle n’aimait pas abandonner, mais elle ne voyait pas quoi faire d’autre. Apparemment, la lutte était perdue d’avance. Si l’on donnait à ces trois personnes le soin de choisir son camp… Raven n’avait pas besoin d’essayer pour savoir qu’elle finirait seule.

La taxidermiste laissa échapper un rire nerveux, qui gratta le fond de sa gorge et la laissa perplexe. L’autre ne voulait pas la manger ? Elle pouvait toujours essayer, de toute façon, Raven ne la laisserait pas poser un doigt sur elle ! Mais elle sentait, au fond, qu’elle perdait de sa combativité. Face à la brunette, la brune se sentait… bizarre. Un mélange qui lui venait de ses deux elles et qui ne faisait pas bon ménage. Tout remuait, à l’intérieur, d’une drôle de manière. Elle aurait préféré que les choses soient plus simples, qu’elle la déteste purement et simplement et qu’elle essaie, immédiatement, d’abréger sa vie pour s’en débarrasser à jamais. Mais Raven n’y arrivait pas. Au fond, elle appréciait de voir que son Kot et Aguistin avaient trouvé quelqu’un d’autre à aimer. Ils n’avaient pas besoin d’elle. Elle n’avait, toujours, été qu’un point de passage et désormais, elle restait seule sur une piste que plus personne ne pouvait emprunter. La course était terminée. C’était mieux ainsi.

» Parce qu’il pourrait arriver un malheur, lâcha-t-elle, lessivée par cette étrange conversation. On est jamais à l’abri d’un débile qui se prend soudain l’envie de te caillasser.

Raven gardait en tête ce passage de sa vie et n’arriverait jamais à l’oublier. Ce qu’elle ne savait pas encore, à ce moment-là, était même que l’affaire allait se répéter, sur les plages de Storybrooke. Et se faire caillasser les ailes, Raven ne souhaitait ça à personne, pas même à ses ennemis. Car un oiseau qui ne peut plus voler… à quoi ça sert ? Au moins autant qu’une mère qui n’a plus ni enfants, ni petits-enfants pour se souvenir d’elle.

» Je t’aime pas, avoua-t-elle, le plus sèchement possible pour cacher son mensonge. Et j’aime pas ta maison, ni tes amis. Et mes ailes sont plus belles que les tiennes.

Oui, Raven était, parfois, très immature et tout à fait puérile dans sa façon d’être, mais elle ne savait plus que faire pour prouver qu’elle était meilleure et que tous ces gens qui s’agglutinaient autour de Dewenty regretteraient bien vite de l’avoir abandonnée, elle, quand elle ne serait plus à rôder dans les parages. Car c’était la seule chose qui lui restait à faire, si plus rien ni personne ne la retenait ici : partir loin et retourner à sa belle vie de solitaire.

» Prends soin de tes amis. S’il leur arrive un truc, c’est toi qui prendras cher.

Comment ça, c’était contradiction avec ce qu’elle venait de dire ? Raven ne voyait pas du tout le problème. Elle disait et faisait ce qu’elle voulait, de toute façon ! Là, elle avait décidé de la mettre en garde et de s’assurer que Dewenty s’occuperait correctement de son chat. Puisque Raven ne le pouvait pas elle-même, elle pouvait bien passer le flambeau à quelqu’un d’autre, non ? Au moins, ça lui retirait une énorme épine du pied ! Elle pouvait faire ce qu’elle voulait, maintenant, sans s’inquiéter de personne !

» Fais gaffe à toi, quand même. Et à tes ailes.

Oui, bon, voilà. Sans s’inquiéter de personne, ou presque.

La manticore & le corbeau

Raven sentait le besoin de s’enfuir. C’était une sensation étrange qui ne lui venait pas du corbeau, mais de l’humaine, comme un instinct de survie poussé par une connaissance biaisée du monde. Comme si l’ennemi se trouvait au moindre recoin, qu’elle devait, sans cesse, se tenir sur ses gardes et battre retraite, quand la situation dérapait. Raven n’était pas du genre à fuir. Elle faisait face, le menton haut, le regard méprisant. Peu lui importait de s’en prendre une bonne en pleine tête. Peu lui importait qu’on essaie de la tuer. Elle gardait l’air fier du corbeau qui se sait le plus beau du monde, le plus fort aussi. Il était, après tout, le seul de sa race. Qu’on ose lui dire le contraire, tiens ! Raven ne voulait pas croire que ce monde regorgeait de démon, comme lui. Car c’était ce qu’il était devenu, au final. Un vilain démon qui avait besoin de sang et de cris pour être content.

Le rapport ? Aucun. Mais Raven avait, parfois, besoin de s’auto-congratuler, pour se détendre un peu. Ça lui permettait de penser à autre chose, de s’échapper d’une situation qui ne lui convenait pas, et d’oublier qu’à côté de lui, il y avait une femme plus jeune, plus jolie, avec de grandes ailes beaucoup plus grandes que les siennes et, sans doute, plus puissantes. Le corbeau avait beau ne pas douter avoir une meilleure technique de vol, il n’en restait pas moins impuissant face à ce constat : d’un battement d’ailes, Dewenty pouvait grimper plus haut que lui. Ce qui ne lui plaisait pas. Il se sentait en danger face à elle. Non pas parce qu’elle pouvait s’en prendre à lui, mais parce qu’elle pouvait, plus ou moins aisément, lui voler ceux qui l’entouraient et que Raven ne pouvait s’empêcher de mépriser, incapable de leur avouer le contraire.

La brune releva ses yeux bleus sur Dewenty et sortit, enfin, de toutes ces pensées horribles qui bouillonnaient dans son esprit. Cette rencontre lui donnait, assurément, très envie de se pointer en forêt pour faire un carnage. Elle sentait le besoin de se défouler un peu. Néanmoins, pour l’heure, elle ne put retenir un vilain frisson à l’évocation de l’un des pires traumatismes de sa vie. Raven avait beau faire la forte, elle n’avait jamais accepté ce jour où, fier de sa connerie, un gamin lui avait lancé un caillou, avec un lance-pierre. L’oiseau noir avait chuté, longtemps, à une vitesse incroyable, pour s’écraser aux pieds d’un démon-chat. Il aurait pu mourir, ce jour-là, juste à cause d’un humain plus con que les autres.

» Oh, il est mort depuis longtemps, ricana Raven, de son rire grinçant. C’était pas dans ce monde-là, de toute façon. Il l’a regretté bien comme il le faut. On ne fait pas chier un corbeau, après tout.

Ce qui était absolument faux, mais Raven se para d’un regard arrogant et releva le menton bien haut, pour essayer de dissimuler son mensonge. Elle n’avait, en vérité, pas eu le temps de poursuivre ce gamin et lui faire passer l’envie de recommencer à caillasser des oiseaux. Le temps de négocier sa vie sauve avec son démon-chat, l’adversaire s’était enfui et elle n’avait pas retrouvé sa trace. En tout cas, depuis le temps, il ne pouvait qu’être crevé. Les humains ne vivaient pas longtemps, au contraire du corbeau qui avait drastiquement allongé sa longévité en passant du côté obscur.

» Haha ! Mes ailes sont les plus belles, sans le moindre doute.

Après tout, celles de Raven étaient rattachées à un corps de corbeau, pas à celui d’un humain, ce qui gâchait la superbe des ailes de Dewenty. Du moins était-ce en ces termes que la taxidermiste essayait de rabaisser les belles ailes de la brunette. L’oiseau noir avait toujours eu une haute opinion de lui-même, ce qui lui avait valu une histoire humiliante avec un renard, et on ne le prendrait pas à se rabaisser. C’était tout ce qui lui restait, avec sa colère et sa jalousie. Que de bons sentiments qui faisaient toujours de très bons mélanges, assurément. Ou presque, mais bon, personne n’attend d’un vilain qu’il soit raisonnable.

» C’est pas parce qu’on aime pas les gens qu’on leur souhaite tous les malheurs du monde, lâcha-t-elle, avec un claquement de langue désapprobateur. Puis on sait toutes les deux qu’ils sont pas foutus de se protéger tout seul, ni l’un ni l’autre, d’ailleurs.

Raven ne remarqua même pas qu’elle venait de se vendre toute seule, en avouant qu’elle ne parlait pas que d’Aguistin, mais aussi d’un autre ami à elle qui s’était réfugié entre les ailes de Dewenty. Tout ce qu’elle voyait, elle, c’était une nécessité de justifier son inquiétude pour des gens qu’elle jurait détester. Évidemment qu’elle détestait son mari ! N’était-ce pas fait pour ça, le mariage ? Quant à l’autre… Il était comme un Tanguy qu’une mère a très envie de foutre à la porte de la maison. Voilà. C’était juste ça.

» Ouais, ouais, je fais attention.

Elle rejeta la remarque de Dewenty d’un revers de main. Raven n’était, de toute évidence, pas connue pour sa prudence. Elle se jetait au devant du danger le sourire aux lèvres. Elle avait, après tout, provoqué une certaine Maléfique sans risquer la moindre plume. Alors, elle se fichait bien de la prudence. L’oiseau noir ne vibrait qu’au cœur du danger, face à des défis d’importance. Le reste était… ennuyant. Et s’il y avait bien une chose que Raven détestait plus que le reste, c’était l’ennui.

» Non, rejeta-t-elle, en bloc. Tu m’enfermeras pas dans ta maison de malheur ! (Elle avait surtout peur d’y croiser Kot, en vérité.) Mais passe donc au Fur Ever, une prochaine fois. Je te ferai un petit cadeau.

Le ricanement de Raven ne présageait rien de bon, quant à ce fameux cadeau. Évidemment, elle ne pensait pas à lui faire du mal, mais à lui offrir un beau chat empaillé ou un oiseau, tiens, pour lui rappeler ce qu’il arriverait, si elle laissait arriver le moindre mal à l’un ou l’autre de ses protégés. Les protégés de Dewenty, évidemment. Pas les protégés de Raven. Raven ne protégeait personne, jamais !

La manticore & le corbeau

Évidemment, Raven n’avait pas la moindre idée de ce que pouvait être le karma, mais elle acquiesça du chef, plusieurs fois, pour montrer qu’elle était tout à fait d’accord. Déjà, parce qu’elle s’en tamponnait sévère de ne pas comprendre cette histoire de karma qui, sans le moindre doute, avait dû être inventé par les humains pour se rassurer ou s’ôter la culpabilité de leurs actes. Ensuite, parce qu’elle était absolument d’accord avec la première partie, comme elle venait elle-même de le dire : on n’embête pas un corbeau. Encore moins quand ce corbeau s’est perdu si profondément dans les mauvais sentiments qu’il en est ressorti démon.

La seule chose qui ne plaisait pas à l’oiseau noir, dans cette histoire, était de n’avoir pas pu se venger lui-même. Il aurait tant aimé picorer le visage de l’affreux humain jusqu’à ce que ses cris se taisent, incapable d’en supporter davantage. Qu’il s’agisse d’un enfant n’empêchait pas Raven de penser à tout le mal qu’elle aurait pu lui faire. Les humains faisaient, de toute façon, peu de cas des œufs des oiseaux, de leurs oisillons, alors pourquoi s’intéresserait-elle à leurs mômes ? Elle ne faisait qu’appliquer, à la lettre, une bien belle pensée humaine : éradiquer les nuisibles.

Entendre Dewenty espérer qu’elle pourrait, un jour, voir les magnifiques ailes de Raven, la força à relever un peu le menton, très fière de son corps d’origine. Le corbeau se savait beau, bien plus beau que tous les autres corbeaux. Sa noirceur n’a pas d’égal. Il aimait s’en persuader, en tout cas, puisqu’il ne lui restait plus que ça, en vérité, pour plaire. Raven avait beau ne pas tout comprendre au monde humain, elle avait compris que son corps était vieux, périmé, dépassé, et qu’il n’intéressait personne, pas même son abruti de mari. Alors, heureusement, il lui restait la magnificence de l’oiseau noir pour insuffler du respect chez les autres et les forcer à la regarder. Raven ne voulait plus être ignorée comme elle l’avait été par sa famille toute entière.

» J’en doute, c’est pas un spectacle que n’importe qui peut voir. (Elle repoussa ses cheveux noirs, dans un grand geste.) Mais garde les yeux levés vers les corbeaux, au cas où. J’ai le transit facile quand je vole.

Le sourire de Raven étira ses lèvres en un rictus mauvais qui n’essayait même pas de cacher son mensonge. Si certaines personnes de cette ville avaient été victimes de son « transit facile », ce n’était en rien à cause d’un problème naturel, mais bel et bien parce que ça la faisait rire, de fienter sur les passants, d’entendre leurs cris de surprise et leurs jurons. L’un des rares points qu’elle devait avoir en commun avec son affreux chat.

Raven plissa les yeux, les sourcils froncés, alors que Dewenty jurait qu’il fallait venir en aide à Aguisitn et Kot, puisqu’ils avaient la « fâcheuse » tendance à s’attirer les foudres de tout le monde sans le demander. Sur ce point, la taxidermiste ne pouvait pas être d’accord avec elle, ce qu’elle lui fit savoir d’un nouveau claquement de langue. Son Kot, en tout cas, ne faisait rien involontairement et c’était bien pour cette raison que Raven l’avait ai-… suivi si longtemps. Ils faisaient exprès de faire chier le monde entier et personne n’avait besoin de les aider à se sortir de là. Ils adoraient ce qu’ils faisaient. Et ils le faisaient bien.

La question de Dewenty arracha un rire nerveux à la brune. Elle se reprit vite, se racla la gorge et regarda vers cette grosse maison qui était celle de la manticore. Qui était ce « ils » qui avait échappé à la taxidermiste ? Raven n’avait, franchement, pas envie de répondre à cette question. Elle se contenta d’un regard noir et prit le temps de la réflexion. Qu’est-ce que ça changerait, de toute façon, qu’elle le sache ou non ? Il était trop tard, désormais, pour que Dewenty lui rende son chat et cesse de lui tourner autour comme un moustique affamé. La jalousie de Raven déformait un peu la réalité, mais c’était ainsi. Elle, elle était seule et ça, non plus, ça ne pouvait plus changer…

» C’est ça, oui. Une bien belle boutique de taxidermie, pleine de petits animaux comme on les préfère tous : morts et silencieux. Oh, un cadeau, c’est tout ce qu’il y a de plus normal pour prendre si soin de mon… bref.

La voix grinçante de la brune débordait d’ironie. Elle ne comptait pas lui faire un cadeau qu’elle apprécie. Et si un trophée de chasse ne suffisait pas à lui déplaire, elle pourrait tout aussi bien s’arranger pour en inventer un, rien que pour elle. Une sorte de mini-manticore bien moche, peut-être. Ou un animal qu’elle n’aurait pas arrangé, mais plus dérangé pour lui donner un air affreux et forcer quiconque le regarde à détourner les yeux. Raven avait déjà essayé, une fois, et le résultat avait été bluffant, au centre de beaucoup de cauchemars de la ville qu’elle squattait à cette époque.

» Tu sais quoi ? T’as qu’à demander à un certain chat noir qui squatte impunément chez les autres, à qui il appartient. Tu t’es jamais posée la question, hein ? Demande-lui, qu’on ricane un coup, s’il ose dire qu’il n’est à personne.

Oh, rire, oui, sans doute. Une seconde ou deux, d’un rire nerveux, avant que Raven ne décide de l’étriper et d’en faire un trophée. Mais pour l’heure, elle ne riait pas. Elle se fendait d’un sourire mauvais, toujours le même, et recula d’un pas, prête à s’échapper, enfin, d’une conversation qui ne lui plaisait pas. Maintenant qu’elle avait avoué son lien avec Kot, elle ne voulait pas supporter les questions de Dewenty à ce sujet. Il serait, après tout, malvenu que Raven soit tentée d’y répondre…

» Laisse plutôt une fenêtre ouverte, juste au cas où. (Juste au cas où Raven se prenait l’envie de voler quelque chose dans le manoir, au moins l’issue serait déjà ouverte pour elle ; il ne fallait rien y voir de plus, évidemment.) Je ne traînerai plus dans le coin, en tout cas.

Raven ne se pointerait plus devant le manoir pour surveiller les allées et venues derrière les grandes fenêtres. Elle avait vu ce qu’elle voulait voir : Dewenty. Elle comprenait, maintenant, pourquoi son chat lui échappait. Et même si ça ne lui plaisait pas, elle ne voyait pas ce qu’elle pouvait faire contre ça. Au moins, maintenant, si Raven disparaissait, elle savait que Kot serait entre de bonnes mains… ou, au moins, qu’il aurait quelqu’un à sacrifier pour sauver sa propre peau. Elle n’en attendait pas moins de son mari.

» Fais gaffe à toi, l’affreuse ! (Ce qui était, au final, plus affectueux que ses surnoms d’oiseaux habituels.) Et si tu lèves la main sur mon chat… Ha.. Ha… Évitons d’en arriver là.

Les yeux bleus de la brune se firent plus durs, sans se départir, quand même, d’une certaine douceur qui ne venait pas du corbeau, mais bien de l’humaine qui s’intéressait, d’un peu trop près, aux malheurs qui pourraient frapper la jeune femme. Même si Raven ne l’avouerait jamais.