Je comprenais le désarroi d'Aster. Ah ça, c'est pas donné à tout le monde de gérer des cas pareils, c'est certain. Je ne fus pas étonnée qu'Anna reconnaisse mon mérite parce que oui, j'en ai. J'adressai un sourire fier à la rouquine tout en relevant légèrement le menton.
- Oui, je trouve aussi, déclarai-je d'un ton nonchalant. Je le leur ai déjà dit, ajoutai-je avec un mouvement de tête en direction des deux phénomènes. En vrai or, pas du plaqué. Mais j'attends toujours.
Et je pouvais encore attendre longtemps ! Visiblement, le ménage intéressait moins Jaspeur et Colère que Glee. On n'imagine sans doute pas à quel point un débat entre deux Gleeks convaincus peut être houleux. Ou, dans leur cas, un mélange de houle et de terreur. Aster avait sans doute manqué la meilleure partie quand il s'était éloigné pour téléphoner mais personne ne pouvait lui jeter la pierre de vouloir s'éloigner de tout ça. Néanmoins, puisqu'il faisait genre que ça l'intéressait, je lui fis un résumé succinct :
- Colère vote pour la troisième saison et Jaspeur a peur que faire un choix puisse vexer les autres saisons. Personnellement j'aurais choisi la saison une mais je les laisse à leur affaire. Quand ils débattent de Glee, le mieux c'est d'attendre qu'ils aient fini ou de leur crier dessus pour que leur petit cerveau focalise sur autre chose, conseillai-je. Le nettoyage, par exemple. Et encore, vous avez de la chance. Il manque Sandy pour pleurer toutes les larmes de son corps dès que quelqu'un parle de Finn.
L'expression "plus on est de fous plus on rit" n'avait été aussi vraie et à la fois ironique que concernant le rassemblement des émotions humanisées au même endroit.
- Chez nous Glee tient plus de la religion que de la série télé. Mais tant qu'ils commencent pas à débattre sur la meilleure reprise de Don't Stop Believin' ça va aller, ajoutai-je dans un chuchotement de connivence.
La réaction d'Aster face à tout ça m'amusait beaucoup. C'était un peu vrai que la scène à laquelle il avait le privilège d'assister avait quelque chose de surréaliste. Mais comme c'était mon quotidien j'en devenais vite blasée alors quand des gens pas habitués à tout cela en faisaient les frais, oui, je jubilais de voir comment ils y réagissaient. J'avais bien envie de lui glisser un truc du genre "vous pensiez avoir tout vu à Storybrooke mais vous étiez loin du compte" mais c'était sans doute pas la peine. Peu de gens appréciaient le spectacle et encore moins le supportait. N'est pas émotion qui veut.
Anna aurait peut-être pu. Elle était peut-être même plus impliquée que moi dans la dispute, sans doute parce que je suis trop habituée à ce genre de scénario. Oui, en effet, on pouvait intervenir. Je l'aurai sans doute fait suite à sa remarque mais comme Aster avait l'air d'en avoir aussi envie, je lui laissai le champ libre - littéralement et métaphoriquement.
Je décidai donc de commenter le moment au profit d'Anna :
- Ca, tu vois, c'est de la colère presque mesurée et totalement justifiée. C'est bien. Mieux que Colère. La colère pure c'est rarement efficace mais il s'obstine, je sais pas bien pourquoi. J'suis presque étonnée qu'Aster ait pas craqué plus tôt. Enfin bref, je vais m'assurer qu'ils rentrent en un seul morceau.
Pour le moment, ils attendaient de l'autre côté de ce qu'il restait de boutique, penauds sur le trottoir. J'observai l'état des dégâts restants et la voiture toujours en place.
- J'vais pas vous déranger plus longtemps, j'vois qu'il y a encore du boulot et moi j'ai des boulets à charge. Chacun sa croix, les gars. Allez, à plus !
Tandis que je partais, m'assurant que les deux imbéciles ne trainaient pas derrière, le camion de dépannage arrivait pour désencastrer la voiture de Colère. Il n'était pas content de ne pas rester auprès de son auto mais c'était comme ça et pas autrement. Dieu merci j'ai de l'autorité sur les autres émotions sinon j'aurais déjà tourné chèvre.