Debout face à la fenêtre ouverte de sa boutique, Theseus avait une plume d'hibou dans la main droite, enchantée pour qu'elle soit toujours encrée, et un manuscrit ouvert dans la main gauche. Il n'écrivait pas encore, toujours face à cette fenêtre, observant attentivement, très silencieusement et sans même bouger, le ciel, les mouvements du vent, des nuages et des feuilles, les petites vies qui s'agitaient, des plus grandes aux plus petites, et toutes les variations et inhabituelles de l'environnement. Il approcha alors la plume du carnet et prit quelques notes à la suite de celles d'avant.

Cela faisait quelques années, depuis le début du retour de la magie en réalité, que Merlin prenait ses notes, se doutant des risques d'une instabilité magique après un retour aussi brusque, et dans un monde qui n'en avait même pas. Alors il étudiait l'environnement pour comprendre tous les risques que la magie pourrait présenter ici, s'attendant d'abord à une potentielle explosion climatique, pensant à de puissants orages à causes des perturbations enchantées. Heureusement, l'évolution de ses études ont déterminé que la situation était suffisamment stable pour que rien ne grave n'arrive, et que ses doutes n'arriveraient jamais.

Mais le risque 0 n'existait pas, c'est pourquoi il avait toujours continué ses études pour s'en assurer. Il y avait des risques d'ailleurs, les effets aléatoires qui surviennent à Storybrooke le prouvent bien, la ville finissant par être connue pour risquer de disparaître dans un autre monde à tout moment. Apollon avait également demandé à monsieur Walters il y a deux ans, lorsqu'il était adjoint de Regina et non de Michel-Ange, de créer une ligue pour s'occuper des fuites magiques trop dangereuses en dehors de Storybrooke.

Il n'y avait rien d'alarmant, mais aujourd'hui Theseus s'inquiétait d'un petit danger. Bien moins conséquent qu'une tempête destructrice, mais un danger qui méritait une attention tout ce même. Il ressentait un excès de magie noire, et c'était bien courant que quelques mauvaises émanation de magie circulent dans l'air, mais dans une ville aussi dérangée que Storybrooke... tous les risques méritaient de s'en préoccuper.

Et il comprit finalement qu'il avait raison, en observant, l'espace de quelques secondes, un vol d'oiseau particulièrement surprenant, d'une race d'oiseau volant toujours en formation qui ici n'était pas en formation et qui plus est, ne volait absolument pas à leur saison habituelle. Il ferma immédiatement son carnet, et téléporta la plume pour qu'elle soit de retour dans le pelage d'Archimède, et prit le nécessaire avant de partir, suivant les directions des manifestations curieuses de la nature.

Et ses pas le guidèrent vers la forêt... où il vit la naissance à venir d'un démon ailé non loin de la ville. Avec un peu de chances... il ne serait pas le seul sorcier à avoir été attiré par les excès de mauvaises magies ?

Storybrooke. Ville pourtant aux allures bien tranquille mais qui garde finalement un bien grand secret. De la magie, trop de magie dans un monde qui n’en possède pas d’origine. Tante Zi’ était assise sur le rocking chair sur la terrasse de la maison funéraire tandis qu’Hilda se chargeait de créer de nouvelles potions pour dieu seul sait quoi. Il arrivait que par moment, je ne comprenne pas vraiment mes tantes mais j’avais fini par m’y faire. Je pousse la porte de l’entrée et m’assois sur le tabouret à côté du rocking chair et pose mon regard sur ma tante, cigarette à la main, lunettes de soleil sur le nez alors qu’il fait nuit et journal dans la main.

« Tout va bien Sabrina ? »

Je sors de mes rêveries.

« Hein ? Oh oui, ça va. C’est juste que…non rien, ça va. »

Elle ferme son journal et retire ses lunettes de soleil avant de me regarder dans les yeux.

« Bon, qu’est-ce-qu’il y a ? Je sais que ça ne va pas, je le vois sur ta tête et j’ai beau n’être que ta tante, je t’ai élevée avec Hilda et je sais à quoi ressemble ton visage quand ça ne va pas. »

J’hausse les épaules.

« Rien, c’est juste que…bah depuis le retour de la magie, j’ai l’impression d’être sur mes gardes tout le temps. » « Oh ‘Brina, tout comme nous tu sais. Ce monde est censé être dépourvu de magie et tu sais que ce n’est jamais très bon le changement et encore moins quand il est magique mais on finit par s’y faire en gardant l’oeil ouvert. »

Soudainement, Tante Hilda nous rejoint. Elle s’avance vers les escaliers de la terrasse. Elle a le regard vers le ciel assombri.

« Tante Hilda, qu’est-ce-qu’il y a ? » « Hilda ? Tout va bien ? » « Ça, c’est étrange. » énonce finalement ma tante en montrant des oiseaux volant un peu trop étrangement à mon goût. Je regarde mes tantines « vous sentez ce que je ressens ? » « Un peu trop de magie noire d’un seul coup. »

L’instant d’après, nous voilà toutes trois quittant la maison funéraire pour se rendre dans la forêt, là où nous menait les effluves de mauvaises magies et il était clair que nous ne serions pas seules.

Trois arbres, un vers le nord, un vers le sud-ouest, un vers le sud-est. Un triangle qui n'avait rien d'anodin, comme rien ne l'était vraiment en magie, encore plus en sorcellerie. Un cercle rouge était circonscrit à ce triangle, formé par quelques étincelles qui brûlaient le bout des herbes dans une formes parfaitement circulaire autour. Des troncs sortaient des fils noirs, visqueux, semblables à de géantes toiles d'araignée mais à la couleur de la nuit, qui se dirigeaient toutes au centre de ce schéma hors du commun - mais pas pour un sorcier - pour recouvrir ce qui était un cocon, noir lui aussi mais qui laissaient passer les lumières rouges flammes qui s'agitaient à l'intérieur. Le ciel lui, qui n'était pas particulièrement couvert dans cette région aujourd'hui et à cette heure-ci, s'était assombris de nuages si sombres qu'ils reflétaient le chaos de la situation, seulement juste au-dessus de cette portion de la forêt, à se demander comment le reste de la ville n'allait pas les remarquer.

Theseus était arrivé au moment où le cocon était à son maximum. Alors qu'il préparait sortilèges et maléfices pour étouffer ce démon avant qu'il ne voie le jour, l’œuf infernal craqua, les traits noirs tombèrent, et le cercle enflammé redoubla d'intensité, les étincelles grandissant pour devenir de vraies flammes mais qui, et fort heureusement, ne se propageaient pas pour embraser le reste de l'écosystème autour de lui.

Et alors, le cocon laissa place à une silhouette d'un homme, pas le plus grand sans être très petit non plus, à l'allure bien sinistre qui ne laissait aucun doute. Le nouveau démon incarné sur Terre observait son enveloppe corporelle, réalisant à son rythme qu'il avait trouvé le chemin vers la dimension des mortelle, voyant ici avec plus de couleur et ressentant moins de chaleur. Mais ce n'était pas pour profiter de vacances qu'il était là, et le regard qu'il posa finalement sur Merlin lorsqu'il leva la tête, embrasant sa main d'une vive flamme bleue, le lui confirma.

Le combat s'enclencha. La créature leva la main et lança son feu, et Merlin fut tout aussi réactif, invoquant son sceptre de bois dans sa main, le portant devant lui pour absorber la flamme bien plus chaude que la normale, semblable à celle du conservateur du musée dont Theseus avait compris l'origine depuis voilà bien longtemps. Ce n'était donc pas une coïncidence qu'un autre démon soit capable d'une capacité similaire, bien que celui qu'il avait devant lui était bien moins puissant, dû à son très jeune âge. Mais il restait un adversaire redoutable et ne devait surtout pas atteindre la ville.

Le démon quitta le sol, levant lui aussi un artefact de magie qu'il possédait. Theseus avait un bâton, le démon l'avait incarné en une épée remarquable. Il fendit les airs, parallèle au sol, pour foncer vers lui. Bâton devant lui, il créa un champs de force pour l'intercepter, le faisant s'abattre dessus, le sorcier reculant tout de même sur de nombreux mètres à cause de la violence de l'impact qui avait fendu quelques arbres et éteint les dernières flammes qu'il y avait sur l'herbe.

C'est alors, traversant quelques buissons, qu'il trouva deux jeunes femmes rousses dans son dos. Theseus réagit aussitôt, levant une main pour le frapper au visage dans le but de le destabiliser en arrière et reprendre le dessus, afin de l'éloigner légèrement des deux personnes qu'il avait à protéger. Mais il serra la mâchoire en en voyant trois autres plus loin. Mais l'inquiétude de Merlin ne dura qu'une dizaine de seconde : ce n'était pas n'importe qui. Elles l'avaient eu aussi.

Voilà d'autres sorcière.

Vite, un sort de confinement ! Leur demanda-t-il, ce qu'il aurait fait avec beaucoup de mal avec ses deux mains. Mais avec une douzaine de mains...

Précédée de Tante Zelda et accompagnée de Tante Hilda, nous arrivons sur les lieux du « surplus de magie » comme on aime si bien l’appeler mais comme je m’en doutais, ça n’avait rien de bénéfique, bien au contraire. Mon regard se posa sur les deux jeunes femmes rousses qui se trouvait là ainsi que sur l’homme non loin de nous. Etait-ce à l’un d’eux que nous devions la présence de cet immonde personnage ? J’en doutais grandement.

« Très bien. » énonçais Tante Zelda avant de se mettre devant moi.

Mais finalement, la seconde d’après, me voilà tenant les mains de mes tantes. Les Spellman descendaient d’une puissante lignée de sorciers et sorcières et ce n’était pas un petit démon de son genre qui allait nous faire peur, bien au contraire. Je sentais les mains de mes tantes se serrer autour des miennes. Elles commencèrent à réciter la formule de confinement, tout comme je le fis à mon tour.

Nous avions les yeux grands ouverts et nous pouvions percevoir que les deux rouquines ainsi que l’homme présent faisait de même. Très vite, notre ennemi de la nuit fut pris au piège par notre sortilège. Cependant, je ne lâchais pas les mains de mes tantes, bien au contraire. Le démon tourna ses affreux yeux vers nous.

« Les Spellman… » maugréa t’il avant de se tourner vers l’homme que je commençais à reconnaître tandis que je prenais à mon tour la parole « Qu’est-ce-qu’on fait maintenant ? » « Notre sort de confinement est puissant mais il ne tiendra pas indéfiniment. » ajoute Tante Zelda tandis qu’Hilda reprenait « Dommage que je n’ai pas quelques unes de mes potions sur moi. »

Theseus souriait en sentant la nature qui l'entourait agir d'un même élan, en répondant à toutes les invocations de la douzaine de sorciers de toutes les origines qui fredonnait diverses formules de confinement. Lui même en appelait aux sorts de protection puissants qu'il avait autrefois formulé aux frontières de Camelot. Elles n'étaient pas infaillibles contre les plus puissants, des forces obscures comme Morgane le lui avait déjà prouvé. Mais contre toutes les autres noirceurs, ses sorts avaient prouvé leur efficacité. Seulement, ils leur demandaient bien plus de temps, d'heures voire de jours, de formules et de plantes, pour une barrière aussi puissante. Sous la précipitation, du soutien était plus que nécessaire, et celui des Spellman et des MacKenzie était parfait.

Il ne fallait que voir l'expression de la créature des ombres, qui se déplaisaient fortement de cette embuscade, reconnaissant lui aussi la nature des mages qui l'entouraient. Merlin de Camelot avait certes sa renommée, mais longue lignée Spellman avait également fait du bruit dans le milieu. Même les jumelles rousses, d'une nature de magie plus sage encore, attiraient la méfiance de la créature et le respect du mage.

Ne vous excusez pas, déclara-t-il à leur intention quand elles s'excusèrent de leur potentiel.Et surtout, ne soyez pas désolé. Le résultat est plus que suffisant.

Puisque le confinement réduisait les pouvoirs du démon humanoïde, il fallait désormais le renvoyait dans le pan de l'existence qui lui appartenait, n'ayant pas sa place dans celui-ci. Pour affaiblir la magie de la créature, Theseus s'entoura de toute la magie blanche qu'il savait faire. Il abattit son bâton sur le sol, appelant à la terre pour faire pousser autour du bois les plantes les plus connues. Persil, romarin, laurier, oignon, livèche, ail, aubépine, pissenlit, trèfle, gui, et encore quelques unes venaient renforcer le sceptre d'une couverture naturelle de toutes les plantes qui servaient dans les plus grandes conceptions de magie blanche.

Il murmura une nouvelle formule, d'une langue connue dans tous les grimoires de révocation de démons, pour le renvoyer d'où il venait. Et la terre commença à trembler, des étincelles commençaient à jaillir tout autour d'eux dans un magnifique mais terrible spectacle. Les douze sorciers ici, qui répétaient l'incantation, pouvaient alors être optimistes et considérer que cette histoire bien minime était sur le point de se terminer. Mais le démon habillé de noir eut un sourire malsain. En sachant parfaitement ce qu'il faisait il tendit les mains, paumes baissées vers le sol, et y invoquaient du datura, de l'aconit napel, de la mandragore, de l'hellébore, de la morelle noire, de la jusquiame, du ricin, et du pavot somnifère, pour se charger d'énergie noire. Theseus avait reconnu là les ingrédients fétiches de quiconque voulait s’adonner à de la magie noire. Les Spellman devaient sans doute être familiers avec cela, sachant en faire avec maîtrise et raison. Mais Theseus ne s'en approchait pas.

Et le démon bien plus puissants qu'ils n'aient pu le considérer fut bien armé pour rendre la tâche difficile à Theseus. Un nouveau combat se déclencha alors. En tendant les bras enroulés de ses plantes empoisonnées, il jeta une gerbe de flammes bleues en direction du mage, qui se protégea derrière le bâton, emmagasinant de la force pour la rejeter sur le démon. Mage et créature s'élancèrent l'un sur l'autre pour affaiblir l'adversaire, mais la force égale des deux côtés ne mena nul part.

Mais très vite, les deux côtés cessèrent d'être de force égale.

Les MacKenzie et les Spellman pouvaient le sentir, mais surtout l'entendre tout autour d'eux. Les arbres frémissaient, les feuilles s'agitaient, les branches craquaient. Ils étaient entourés de présences nombreuses, un peu partout. Ce démon en avait appelé d'autres, commandant de son armée pour les affronter.

Renvoyer le démon était une chose bien plus difficile qu’il ne pouvait y paraître, surtout dans des circonstances comme celles-ci. Nous maintenions comme nous pouvions le sortilège de confinement mais très vite, mes tantes vinrent à reconnaître ce qu’avait fait apparaître ce fichu démon. Il mettait les pieds dans la magie noire et connaissant ma tante Hilda, tout ce qui est plante est son domaine, et elle n’aime pas des masses qu’on marche sur ses plates bandes. Je voyais au regard de ma tante Zi’ qu’elle n’appréciait guère la puissance de la magie bénéfique mais pour le coup, il fallait agir avec et avoir en notre camp, Merlin de Camelot, c’était plutôt une bonne chose non ?

Les mains de mes tantes lâchèrent les miennes tandis que nous brisions le sort de confinement car il ne servait plus. Le démon prenait trop de puissance Le combat commençait à s’intensifier et nos regards dérivèrent bien rapidement sur les alentours qui sentaient le démoniaque à plein nez.

« Sabrina, derrière moi ! Immédiatement ! » m’ordonna Zelda.

De nombreux démons vinrent à nous entourer bien plus rapidement que je ne l’imaginais. Zelda atteinte d’un instinct maternel si on peut dire vint à passer son bras devant moi, se tenant ainsi en « bouclier » tout comme le fit bien vite Tante Hilda.

« Merlin, il appelle ses adeptes, plus il y en aura, plus il sera puissant et moins nous serons aptes à l’arrêter, encore plus avec l’impact de ce monde sur la magie. Vous êtes adepte de magie blanche mais ce démon marche sur nos plates bandes. Il est temps que les Spellman entrent véritablement en jeu. » « Zelda, tu penses que c’est le moment d’utiliser la formule d’emprisonnement démoniaque ? » « Notre cher frère était fier de la réussite de cette formule. Si nous réussissons à emprisonner et aspirer l’énergie démoniaque de son armée, il se retrouvera seul et il sera plus facile à atteindre. »

Tante Zelda se tourne vers moi.

« Il faut qu’on la récite toutes les trois ensembles. »

Je saisis la main de Zelda et celle d’Hilda de mon autre main avant de lever le regard vers les autres ainsi que tous les démons absolument dégoutants qui venaient d’apparaître.

« Merlin, couvrez-nous. »

Un halo de lumière obscure nous entoura soudainement alors que nous récitions la fameuse formule en latin. Rapidement, un vent puissant nous traversa, traversant également nos accolytes. Les démons commençaient à geindre et supplier. La formule était en train de fonctionner.

« Spell….man ! » hurla soudainement le démon.

Nous nous épuisions à utiliser cette formule mais la seconde d’après, le démon s’en trouva privé. Son énergie avait perdu en intensité. Cependant, nous n’avions pas imaginé que les plus malins viendraient à surgir de l’ombre.