Il y avait des journées, comme ça, où tout semblait se dérouler dans une espèce d’univers parallèle à la réalité. Où les heures défilaient à l’envers et où un scénariste semblait avoir pris possession du karma pour vous faire vivre des trucs peu orthodoxes… Si Cyan était friand de l’imprévu et des situations aléatoires, il restait toujours intrigué lorsque ce genre de sensations apparaissait à Storybrooke.
Être l’auteur de sa propre existence était excitant et suffisamment grisant pour qu’il ne fasse pas que suivre le courant, mais quand le jeu et le défi prenaient part à la vie quotidienne il n’était pas question de tout laisser passer sans réagir. Au contraire, la simple perspective d’une joute silencieuse entre lui et ce beau blond qui lui servait de patron était plus qu’une carotte au bout d’une corde : le rouquin avait mis à peine deux secondes à se prendre au jeu et il ne comptait pas le laisser gagner aussi facilement. Pilib avait osé parier qu’il cèderait avant lui à la tentation de l’autre ? Défi relevé et, plutôt deux fois qu’une, Cyan savait à peu près exactement comment le faire perdre à plate couture. Ils jouaient dans la cours des grands, tous les coups étaient permis.
La chaleur estivale était désormais bien installée, tout comme le rythme du ranch que Brooke semblait avoir dans la peau. Ayant déjà travaillé dans des fermes au bout du monde aidait sans doute à s’adapter aux rythmes, mais il prenait réellement un certain plaisir à venir tous les jours s’occuper des bêtes, de la ferme et des nombreuses visites qui rendaient l’endroit encore plus vivant qu’il n’y paraissait. Surtout des enfants mais quelques adolescents et adultes venaient partager leur amour des chevaux et le quotidien difficile des uns avec les encouragements des autres. Tous connaissaient Pilib de réputation ou depuis longtemps et il y en avait même que Cyan reconnaissait, surpris par la présence du fils Brooke plus de quelques jours au même endroit. Si l’évasion lui manquait ? Cruellement.
Mais pour l’heure, il se contentait de repenser aux lèvres charnues de Pilib en train de dévorer les siennes quelques instants plus tôt… Et de résister à l’envie de lui sauter dessus rien qu’à apercevoir les bords de son chapeau de cowboy dans son champ de vision. Cyan avait l’esprit joueur, ses yeux glissaient allègrement sur ce corps et ce galbe qui lui passait sous le nez mais il n’avait pas dit son dernier mot : il ne perdrait pas ce pari. Et lorsqu’une jeune femme s’approcha de lui, il su exactement comment faire.
«
Madame Parrish, je peux vous aider ? »
Demanda-t-il, se redressant tranquillement pour s’appuyer ensuite sur le manche de la fourche qu’il tenait. La chaleur lui faisait vivre un peu de misère et il avait rattaché ses cheveux roux en arrière pour ne pas souffrir de trop, pourtant ce n’était pas vraiment ce que regardait son interlocutrice : elle s’arrêta plutôt sur son tee-shirt trempé avant d’esquisser un sourire de convenance.
«
Oh, Cyan je vous en prie, appelez-moi Amelia ! »
Elle avait cette manière si singulière de papillonner du regard…
«
… Amelia ? » RAppela-t-il en voyant qu’elel n’ajoutait rien.
«
Pardon. Nous aurions besoin d’aide pour aider les petits à monter sur leurs poneys ! Peut-être pourriez-vous… ? »
«
Volontiers ! »
Un sourire apparu sur le visage de Cyan et il délaissa sa tâche pour l’accompagner à l’extérieur de l’écurie. Certaines heures permettaient à des groupes plus restreints et plus jeunes de découvrir les joies de l’équitation ; d’ordinaire, Pilib s’en occupait mais il semblait avoir disparu de la circulation et Aaron travaillait bien plus loin dans les alentours… Veillez à la sécurité de chacun n’était pas une plaisanterie et Brooke avait à cœur de faire tourner le ranch de son amant dans la meilleure ambiance et réputation possible. Cet endroit était un petit havre de paix à préserver par-dessus tout ! Le seul qui lui donnait envie de rester plutôt que repartir d’ailleurs…
Ils s’approchèrent rapidement du paddock où plusieurs mamans s’affairaient à aider leurs rejetons à installer le matériel sur les poneys, dans une ambiance plutôt bruyante qui n’avait absolument pas l’air de déranger les animaux : ils se tenaient paisiblement sur leurs quatre jambes en attendant, habitués aux bruits et brusqueries des plus petits depuis longtemps. Lorsque Cyan apparu près d’eux, certaines poussèrent des exclamations soulagées et quasi tous tentèrent d’être le premier à réclamer son aide. Pour un oui, pour un non, pour une broutille ou pour quelque chose de plus compliqué… Le grand roux ne trouva aucun prétexte mauvais et s’attela à sa nouvelle tâche avec son éternel engouement, sourire aux lèvres et gestes assurés comme s’il avait fait cela toute sa vie.
Après un long moment et quand enfin tous furent installés sur le dos des poneys, Cyan releva son tee-shirt pour essuyer son visage dégoulinant et ne remarqua pas complètement les gloussements que ça provoqua.
«
Et si vous restiez pour organiser les jeux ? » Proposa Amelia, ce que plusieurs autres femmes validèrent immédiatement. «
Les enfants sont trop dissipés pour se concentrer dans une leçon… Peut-être auriez-vous quelques idées ? »
Cyan soutint le regard insistant de cette maman tirée à quatre épingles et pourtant pas gênée de mettre de la boue sur ses tennis impeccables, réfléchissant momentanément au travail qui lui restait à écouler pour le ranch… Il s’apprêtait à passer son tour lorsqu’Amelia posa une main sur son avant-bras.
«
S’il vous plait ! » Tout sourire.
Les yeux clairs du Brooke parcoururent brièvement les alentours… Et aperçurent enfin Pilib qui sortait tout juste de la grange. Ce dernier s’arrêta en les voyant et Cyan su qu’il tenait un excellent moyen supplémentaire pour le faire céder en premier. Passant sa langue sur ses lèvres, il reporta son attention sur Amelia et hocha la tête.
«
Pourquoi pas. Il fait chaud, les poneys et enfants n’aurons rien contre quelques jeux d’eau. »
«
Oh oui, avec de l’eau ! Dites nous ce que nous pouvons faire pour vous aider. »
«
Venez. »
Il tapota l’épaule de la jeune femme et se dirigea vers les tuyaux d’arrosage repliés non loin. Il faisait une chaleur à mourir et quoi de mieux qu’un peu de jeux mouillés pour se rafraichir ! Les poneys ne s’en plaindraient pas, bien au contraire. Rapidement, il remplis deux énormes tonneaux d’eau et ils commencèrent à se répartir dans des petits jeux d’équipe simples et rapides. Les rires fusèrent bien plus vite qu’escomptés et tous s’emballèrent même un peu trop, se prenant au jeu tout en apprenant à respecter les rythmes de leurs poneys et agir avec eux. Saisir des balles dans l’eau, alterner des zig zag sur le sol, ramener au trot des sauts pour remplir un autre tonneau… Tout était prétexte à éclabousser tout le monde et bien vite, Cyan se retrouva trempé.
D’autant plus lorsque sur un arrêt mal maitrisé, une des petites renversa son saut droit sur lui en le fixant avec de grands yeux impressionnés et désolés. Il y eu une espèce de flottement, les bras de Cyan écartés de son corps, avant qu’il ne souffle l’eau contenue dans sa bouche et n’éclate de rire avec tous les autres. Mieux valait s’amuser de ces situations que de se vexer ! La fillette se mit à sourire en s’excusant, ceux à quoi Brooke répondit simplement qu’elle perdait du temps pour son équipe… Aussitôt elle fila reprendre le cours de la partie, laissant Cyan sur place.
Ce dernier saisit le bord de son tee-shirt et, d’un geste souple, le passa par-dessus ses épaules et vint le poser rapidement sur l’une des barrières en bois qui entouraient le paddock. Il ignora les regards insistants posés sur lui et retourna s’amuser au milieu des plus jeunes comme s’il avait fait ça toute sa vie. Ce qui n’était pas complètement faux à bien y songer… Même si ici, ils ne craignaient pas une bombe imminente ou ne vivaient pas dans une ville désertée par la guerre. Ils étaient justes heureux de partager de bons moments et c’était ce qui comptait.
Comme de découvrir la tête de Pilib une fois les jeux terminés, l’équipe gagnante félicité et la perdante aussi, tandis que la plupart retiraient le matériel et prenaient soin des poneys pour s’être montrés irréprochables durant toute la séance.
Cyan ne put s’empêcher un sourire malicieux et un clin d’œil à son attention, n’écoutant déjà plus ce qu’Amelia et une autre maman lui disaient. C’était dingue à quel point ce type l’empêchait de se concentrer… Mais apparemment, cette fois, c’était Pilib qui avait du mal à se souvenir de ce qu’il était en train de faire. Œil pour œil… !
black pumpkin