“Quand on veut quelque chose, on le prend.”

Précédemment...

Hermès ferma les yeux. Ca faisait mal. Très mal. Au final, il le savait, il aurait clairement préféré prendre un coup de poing. Même enflammé. La douleur interne se serait associé à la douleur physique, lui donnant alors un véritable sens. Mais non. Au lieu de ça, elle s’était contenté du pire. Trancher avec les mots, frapper au coeur avec les phrases.
Quand un animal était blessé, si vous appuyez sur la blessure, il vous mordait. Et c’était exactement ce qui s’était passé. Par réflexe, Hermès leva quand même la devant les yeux quand elle s’illumina. Puis, il attendit que l’orage passe. La fenêtre vola en éclats, ainsi qu’une partie du mur. Ce n’était pas grave, c’était matériel. Le plus dur dans tout ça, c’était la symbolique. L’observant partir sans un mot, il attendit qu’elle ne soit plus qu’un point invisible. Une fois cela fait, Hermès sentit une boule naître dans son estomac, et ses mains se posèrent sur son visage pour le cacher. Une larme coula en dessous. Il avait encore fait dérailler le train prématurément, par peur. Pourquoi fuyait-il encore comme ça ? Il avait déjà fait dans son monde, et voilà qu’il recommençait.
Attrapant sa lampe de chevet, il l’a jeta de toutes ses forces par la fenêtre.

Quelques jours plus tard.

Hermès faisait les cents pas dans sa chambre. Le mur et la fenêtre avait été réparé en un éclair, mais les traces étaient encore visible. Chaque soir, chaque matin, chaque jour, les fissures lui rappelait l’événement qui s’était déroulé ici. Et il faut dire qu’elle avait plutôt bien marquer le coup. Il n’avait pas réussi à l’oublier. Il voyait encore ses cheveux contre les siens, et son sourire si proche quand elle l’avait embrasser dans ce même lit. C’était insupportable. Et lui, qu’avait-il fait ? Tout gâcher. Tout détruit. Il avait simplement manquer de courage. Hermès était comme ça, quand il arrivait dans un avenir incertain, il préférait tout briser et s’isoler. Seulement… Il avait fait cela avec son monde, et il avait disparu. Il avait également fait ça avec Athéna, et il l’avait tout perdu. N’apprenait-il donc jamais ?
S’appuyant contre la vitre (comme la grenouille qui regarde sur la vitre ruisselante), il fixa l’horizon. Il s’y était mal pris. Mais en même temps, il s’était aussi protégé. Il avait eu raison, elle ne voulait pas d’une relation, mais d’une simple histoire. Et comme toutes histoires simples, elles étaient courtes et s’étaient arrêté prématurément. Et… Il l’avait laissé partir. Acceptant de souffrir, et acceptant ses paroles comme des coups.
Mais il était Temps de changer. Il était Temps de grandir. Il était Temps, de prendre des risques.
Décollant son avant bras de la vitre, Hermès inspira, puis, sentant l’aura de Galatée au Rabbit Hole, il s’y téléporta instantanément.
Apparaissant au milieu de la piste de danse, personne ne fit attention à lui. Hormis les créatures des enfers, qui n’eurent pas du mal à l’identifier. Mais personne n’osa s’interposer à son apparition. En même temps, il était un dieu. Il allait où il voulait. Y compris dans le bar de son frère.
Poussant doucement plusieurs danseurs et s’échappant à une ou deux danseuses un peu racoleuse, il avança sans chahut. Elle se trouvait au bar.
Le dieu messager avait connu des guerres, des dangers, et surtout la perte d’être chers. Mais jamais il n’avait eu autant d’appréhension. Comment allait-elle apprécier son arrivée ? Allait-elle l’engueuler ? L’ignorer ? L’écouter ? Le frapper ? Tous les scénarios étaient envisageables. Et bizarrement, un poids tomba au fond de son estomac. Ses pas se firent de plus en plus petits, et finalement, il s’arrêta à plusieurs mètres. Et s’il échouait ? S’il se plantait ? Accepterait-il une nouvelle déception supplémentaire ?
Un instant, il hésita à se téléporter au dessus d’Olympe, dans le domaine qu’il avait construit rien que pour lui, et où personne ne pouvait le rejoindre. Mais… C’était encore fuir.
Finalement, prenant son courage à deux mains, Hermès avança vers la blonde qui était accoudé au comptoir, et qui semblait discuté avec animation avec une des serveuses. A ses côtés, un homme était appuyé et écouter la conversation. L’ignorant, Hermès attrapa doucement le coude de Galatée, assez délicatement pour qu’elle ne voit pas ça comme une agression, et pour éviter de se retrouver carboniser au milieu du Rabbit Hole.

« Galatée ... »

Alors ? Déception ? Colère ? Affront ?
La vie, c’était des surprises. Et comme d’habitude, Hermès en eut une nouvelle. Aucun des scénarios qu’il avait envisagé. Car ce fut pas elle, mais l’homme qui était à sa gauche qui intervint en premier.

« Hé tu fais quoi conna** ? »

Sa main s’était refermé avec force et fermeté sur son poignet. D’abord Hermès l’avait regardé d’un air assez surpris. Puis, il avait enlevé son poignet et s’était retourné vers l’homme. D’une voix diplomate, il déclara simplement :

« J’aimerai parlé à...une amie. »

L’homme vacilla un peu, visiblement alcoolisé. Sa main était toujours serrée autour de son poignée, et Hermès comprit à cet instant que tout allait dégénérer.

« Et, tu vas t’faire foutre, elle est avec moi. Dégage ou j’te défonce débile. »

Il lâcha son poignet et le poussa. Hermès recula simplement d’un pas. Pas du tout sous la force du coup, mais sous l’effet de surprise. Ca faisait très longtemps qu’il n’avait pas été agressé. A vrai dire, ça n’était jamais arrivé. Dans son monde, les dieux étaient crains. Et jamais quelqu’un ne se serait permis ce genre de geste par simple peur. Mais ici, c’était différent. Les dieux n’étaient pas connus, et son visage n’était familier à personne. Un peu surpris, Hermès regarda son torse, là où l’homme l’avait touché.

« Je… Désolé. »

Clignant des yeux, Hermès mit un court instant à percuter. Une minute ? Il faisait quoi là ? Il n’était pas n’importe qui. C’était un Dieu. Et quand bien même, même s’il avait été un homme, il méritait un peu plus de respect. Dans ses yeux, une colère ancienne refit surface. Celle de la guerre, de la destruction. Jamais plus, personne ne lèverait comme ça la main sur lui. Jamais.

« En fait, je vais m’imposer. »

Les paroles d’Hermès étaient simple, sans émotions. Seule la colère de ses yeux étaient visible. L’homme faillit éclater de rire, et commença à se lever pour se battre. Mais Hermès était déjà sur lui. Il fit un simple pas en avant, et posa sa main sur lui. L’instant suivant, l’homme et lui avait disparu. La seconde d’après, Hermès réapparut, mais seul. Ses cheveux très légèrement mouillés et sentant la Mer. S’époussetant avec classe, son costume assez beau, il releva les yeux vers Galatée, une légère lueur malicieuse dans les yeux.

« Excuse moi si j’ai fait raté ton rencard, mais… Je n’aime pas tellement qu’on me manque de respect. Ni à toi d’ailleurs. Il te considérait comme sa chose, et tu n’es à personne non ? »

Outch. C’était mal parti. Ca sonnait… Comme le début d’un reproche. Il fallait impérativement qu’il redresse la barre, sinon, le bateau coulerait à jamais. Prenant la place de l’homme, Hermès s’accouda à son tour au comptoir, avec six ou sept fois plus de classe et de prestance.

« Tu sais… J’ai pas arrêté de penser à toi, et à notre dernière conversation ces derniers temps. »

Tendant le bras, la serveuse lui apporta un cocktail qu’il avait l’habitude de prendre quand il venait. Prenant le liquide vert fluo, avec toujours autant de prestance, il aspira et fit une pause pour marquer le coup. 

« Au départ, j’men suis voulu. J’avais cassé le truc prématurément, parce que je savais que ça n’allait aboutir à rien dans l’immédiat et que ce n’était pas ce que je voulais. J’ai fait ça par… Peur. Et aussi pour me protéger. Alors je me suis morfondu, et j’ai eu du mal à trouver le sommeil. »

Oui, il faisait parti des dieux qui dormaient de temps en temps depuis son aventure dans le Palais du Sommeil.

« Puis j’ai eu un flash, et je me suis endormi comme un bébé. »

Posant avec douceur son cocktail, Hermès s’appuya sur le comptoir, mais resta vigilant, car il savait que ce qu’il allait dire pouvait l’énerver.

« En réalité, ça t’a arrangé. Que tout se termine comme ça. Parce que je n’étais pas le seul à avoir la trouille ce soir là. Oh, je te parle pas de peur réelle. Celle là, tu ne la ressens pas beaucoup. Non, de quelque chose de plus profond, de plus enfoui. »

Reprenant le verre pour se donner un peu de contenance, il termina :

« Celle de te lancer dans quelque chose qui t’échappe, que tu ne maîtrise pas. Toute ta vie s’est résumé à ça : tout maîtriser, tout contrôler. Tu peux te donner l’image d’un Capitaine qui garde toujours le cap, ça prend pas avec moi. L’autre soir, c’était la tempête. Tu ne contrôlais rien et je suis sur que ça t’as un peu effrayé. »

Finissant son cocktail, Hermès ne grimaça pas au goût de l’alcool. Même si ça ne lui faisait rien, c’était quand même grisant que le goût puissant du rhum qui s’en dégageait. Finalement, de temps en temps, il appréciait ce genre de chose.

« Alors deux possibilités. Soit j’ai effectivement raison, et on peut avoir une discussion entre adulte… Soit… J’ai tort, et dans ce cas précis, je ne demande qu’à t’écouter. Pour mieux comprendre. Car je déteste, moi aussi, que certains éléments m’échappent. On peut devenir bons amis. On peut aussi se faire la guerre et ne plus jamais se parler comme tu l’entendais… Mais... »

Tendant ses bras, Hermès fit alors apparaître une bouteille de rhum, d’une excellente cuvée, datant de très longtemps et extrêmement bien conservé. C’était mieux que des fleurs, comme présent.

« Y’a un truc que je sais. Tu me plais. Beaucoup. Et je laisserai personne m’empêcher de te voir, de m’excuser, et de te dire ce que j’avais sur le coeur. Toi, une armée de Pirate, ou même mon plus grand ennemi, moi. Personne m’en empêchera jamais. C’est un adage Pirate. Quand on veut quelque chose... »

Hermès posa alors la bouteille de rhum sur le bar, et lui déposa un baiser sur la joue. Léger, simple, comme une légère bise de bonjour.

« On le prend. »

WELL... THIS IS AWKWARD.

“Quand on veut quelque chose, on le prend.”

« Ah ah ah. »

Le premier Ah était sincère, drôle, il riait avec elle. Le deuxième était un peu plus moue, et montrait un doute concernant la drôlerie de la situation. Quand au dernier Ah, il était cynique et mauvais, montrant clairement qu’il n’aimait pas tellement qu’on se moque de lui. Hermès lâcha le bar sur lequel il était appuyé et perdit pied quand à la suite de ces paroles. Passant une main las sur son visage, il soupira.

« Ecoute... »

Se penchant également pour murmurer ses paroles, on aurait vraiment dit deux vrais amants vu de l’extérieur. Mais ce qu’ils avaient à se dire n’y ressemblait pas vraiment. Ils en étaient même assez loin, à vrai dire.

« Je m’excuse aussi, comme ça, on dira que les torts sont partagés. Je comprends aussi totalement le fait que tu ne veuilles pas t’engager, et je respecte ça. Mais... »

Tout ce qu’il y avait avant Mais n’était pas à prendre en compte. Tout le monde savait ça. D’ailleurs, c’était un automatisme, et il s’en rendit compte. Ce n’était pas ce dont il avait envie. Il le savait, lui, voulait tenter le coup. Il voulait franchir le cap, aller vers l’inconnu, se lancer corps et âme dans une relation qu’il ne maîtrisait pas du tout. En fait, c’était presque du masochisme mais toutes ses relations avaient été ainsi. Pourquoi voulait-il absolument continuer ? Etait-ce ça qu’il aimait chez les femmes ? C’était Aphrodite, dans son monde qui avait commencé, et Hermès savait qu’elle avait laissé des traces permanentes dans son coeur.

« Je pensais qu’on pourrait quand même tenter le coup. »

Sa main lâcha son poignet et attrapa un verre de bière qui venait d’apparaître à ses côtés. Ses joues rosirent légèrement car ça lui en avait coûter de dire ça. D’ailleurs, il avait plus rougi par la stupidité de ses propos. Il savait que ce n’était pas du tout ce qu’elle voulait et il s’était plongé dedans comme une andouille. Non, il fallait absolument qu’il change de cap.

« Crois moi, dans mon monde, j’ai connu bien pire. »

Ca c’était la vérité. Et d’ailleurs, ça le conforta un peu. Tellement qu’il vida sa bière d’un trait. Même s’il ne subissait pas les dommages de l’alcool, vider une bière d’un trait, avec le nombre de bulles que ça comportait, ne vous laissez jamais sans dommage. Hors là, Hermès ne broncha pas, prouvant que ce n’était pas la première fois qu’il faisait ça. Posant le verre sur le bar, il le repoussa vers le serveur dans un mouvement simple, signifiant qu’il en avait plus ou moins terminé. Ils étaient dans une impasse, et chacun ne bougerait pas de ses positions. Analysant ses propos, il resta un léger moment sans bouger, remettant tout dans l’ordre. Il lui plaisait physiquement. Ok.  Elle ne voulait pas de relation car elle ne le connaissait pas. D’accord. Mais elle n’était pas contre le fait d’avoir un ami. Avec qui partager des moments intimes.
Tout le monde savait que ça n’existait pas. Dans toutes les comédies romantiques, ils finissaient par se marier. Par être heureux, après avoir vécu une merveilleuse histoire complexe. Et Hermès savait que c’était le bon modèle. Que c’était la solution. De toute manière, il n’avait pas le choix. Remplissant sa bière comme par enchantement, il l’attira à lui sous les yeux médusés du barman.

« Mais tu as raison. On ne se connaît pas du tout. Nous ne sommes même pas amis. Mais je veux bien essayer. Et je prends les « plus », comme tu dis. »

Hermès rebut à nouveau sa bière cul-sec, prouvant qu’il était définitivement convaincu par ses propres propos. Alors, comme si la bière avait eu un effet, celui de lui donner du courage, Hermès lui posa tout doucement une main sur la cuisse de manière amicale, et il lui murmura à l’oreille avec tendresse :

« Et on va commencer tout de suite, ma p’tite. Je t’emmène dans un endroit que tu ne connais certainement pas. C’est là où vont les gens vont pour s’éclater. On se dit, demain matin, 10h, là bas ? »

Attrapant sa veste en jean levis moumoutée, il la revêtit avec beaucoup de classe. Sur la cuisse de Galatée, là où il avait laissé sa main, un billet éclatant et brillant était apparu, avec marqué « DisneyWorld Pass » dessus. Hermès termina de mettre sa veste, lui fit un petit clin d’oeil ravageur et finalement revint vers elle.

« Et pour ce qui est de la fenêtre, c’est vraiment rien, mais j’accepte tes excuses. Je vais même te faire un p’tit bisous. Sur la joue, comme les amis. Parce que c’est vraiment chou qu’une personne qui n’a pas l’habitude de s’excuser fasse ça. J’adore. »

Avançant vers elle, Hermès lui fit un bisou sur la joue. Tendre et chaud, et… Juste aux coins des lèvres, sans vraiment les toucher.

« A demain ! »

Ricanant comme un enfant, tel qu’il était selon sa véritable Nature, il disparut. Espérant qu’elle viendrait quand même tenter le coup.