« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
Maison d’Athéna, il y a environ un mois. « Je suis désolé. »
Ca avait été les derniers mots de Wallace pour Athéna. Ce n’était pas grand-chose au final. Juste trois, mis bout à bout. Mais ils avaient été terriblement puissants. Terriblement mauvais. On appelait cela le pouvoir des mots. Tournant les talons, il n’y eut même pas de colère, de bagarre, non. Rien. Le silence. C’était ce qui avait suivi la rupture. Sans un mot, le coeur lourd et déchiré, Hermès tourna la poignée de la porte, sans se retourner. Refermant cette dernière avec soin, il avança. Bien évidemment. La pluie battait à tout rompre. Comme dans les films. Soupirant, il avança d’un pas, laissant la pluie envahir son corps comme jugement. Au moins, ses larmes n’étaient plus visible grâce aux gouttes qui ruisselaient sur son visage. Combien de Temps était-il resté là ? A fixer la lumière du réverbère en face de lui ? Hermès n’en savait rien. Et il s’en moquait. Il se moquait du Temps. Il lui avait tout pris. Baissant la tête, il fixa ses baskettes. Deux petites ailes apparurent. Dans son dos, les autres se déployèrent. Prenant son envol, il disparut dans la nuit. Cabinet du Détective Sherlock Holmes, il y a environ une semaine.
Son plus beau costume usé, des cernes sous les yeux, Hermès était assis dans le canapé du 221B Baker Street. Dans une posture neutre, ses mains sur les genoux, son regard se portait sur le décor. Tout ici, était à l’image du célèbre détective. Bordélique, mais ordonné, ancien, mais moderne à la fois. Chaotique. En face de lui, Sherlock était en pantalon de costume, une chemise longue, les manches retroussées, il faisait les cents pas, jouant avec une espèce de balle. A ses pieds, un cocker le suivait, de manière énergique. Ses yeux étaient plissés sur la petite balle que Sherlock avait dans la main. « Pourquoi vous êtes venu me voir moi ? Je ne suis pas psychologue. Je suis Docteur en Chimie Organique et en Médecine générale. De plus, je n’exerce plus. »
Hermès regardait Sherlock qui faisait les cents pas sans le voir. Il avait encore Athéna à l’esprit. Il avait encore même beaucoup de chose à l’esprit. C’était très embrumé. Grattant une barbe naissante qui venait d’apparaître, il répondit simplement d’une voix rauque, celle de ceux qui n’avaient parlé à personne depuis des jours. « J’espérai juste un point de vu neutre, et surtout, voir si j’ai bien agi. »
Sherlock se stoppa, saisissant l’archer du violon sur sa droite, il le fit glisser sur sa chemise blanche, formant une légère tâche sur cette dernière. « Je ne suis pas doué en relation sociale, et encore moins en relation amoureuse. Je ne peux rien pour vous Monsieur McFly. »
Il avait dit ça sur le ton de la conversation d’un ton complètement détaché. On voyait que son regard était accaparé par un espèce de vieux casque chinois datant certainement de la construction de la muraille de chine. Ca ressemblait à un rumiscube, mais avec beaucoup plus de face, et à la place des couleurs, il y avait des symboles. « Ah… Mais vous, qu’auriez vous fait à ma place, c’est ça que je veux savoir. Vous êtes certainement l’esprit le plus affûté du monde des contes. »
A ses mots, Sherlock cassa son archer. Pour la première fois, leurs regards se croisèrent, grommelant une phrase incompréhensible, il mit plusieurs fois à répondre. « Je ne suis pas l’esprit le plus affûté du monde des contes, seulement le plus entraîné. Et… J’aurai fait comme vous. »
Hermès ne répondit rien à cela. Il se contenta de serrer un petit peu plus les poings sur son pantalon. Son regard se porta à son tour sur le casse-tête. Sherlock l’avait dans les mains et semblait le tourner dans tous les sens. « La vie, est comme ce casse tête. Chaotique, hasardeuse, dominée par des éléments qui ne sont pas quantifiables. Qu’on ne peut anticiper. Parfois, on pense avoir fait les bons choix… Et en réalité, on s’est trompé. D’autres fois, on pense avoir fait une erreur, mais la vérité, c’est que nous étions dans le droit chemin. Je ne puis dire si la décision que vous avez prise est la bonne. Tout ce que je sais, c’est qu’elle est prise, et que maintenant, il faut avancer. »
Il marqua une pause, sembla trouver la réponse au casse-tête. Un éclair de génie passa dans ses yeux… Mais il baissa les bras et reposa le casse tête en pierre ancienne sur la table. « C’est tout ce que je peux pour vous. Ca vous fera 54 dollars, mais je réduis à 30. Vous êtes un ami d’Apollon. »
Hermès se leva. Sortant son portefeuille, il fit apparaître la somme à l’intérieure, pour ne pas brusquer le rationaliste qu’était Sherlock Holmes. Lui posant sur la table basse, il posa sa main sur le casse tête et le prit dans ses doigts. En trois coups, il le termina et le reposa sur la table. Il y eut un petit « clic » et le casse-tête s’ouvrit en deux. Un petit parchemin apparut. Hermès ne le toucha pas, salua Holmes et se dirigea vers la sortie. « Monsieur Holmes, à une prochaine fois... »
Tournant la poignée de la porte, il entendit derrière lui le détective se saisir de son téléphone portable et taper un numéro. Refermant la porte, il allait foncer tête baissée vers l’extérieur quand il manqua de percutée une jeune femme blonde, plutôt jolie et à son goût. Son portable était dans ses mains, et elle fixait Hermès. Haussant les sourcils de surprise, son regard resta en suspens pendant de longues secondes sur son visage. Lui faisant un très léger clin d’oeil, imperceptible, il se contenta d’un simple : « Bonjour Mademoiselle. »
Et hop, il se téléporta. Olympe, Salle du Trône. Aujourd’hui.
Hermès s’était revêtu de son costume neuf. Les mains dans les poches, il était dans la salle du trône, qui était vide. Son regard était subjugué par l’objet en question. Cet objet… Pour lui, il signifiait beaucoup. La folie de son frère. La destruction de son monde. Le renouveau, ici. Sa première tentative pour se former une nouvelle vie. Athéna. Le Temps. Sa blessure. On prétendait que ce dernier pouvait vous rendre votre partie divine. Qu’il suffisait de s’asseoir dessus, et tout revenait. Depuis combien de Temps était-il là, à l’observer ? Il n’en savait absolument rien. Alors que les lumières se réverbèrent sur ce dernier, Hermès revit plusieurs passages de sa vie défiler devant ses yeux. Son Monde, Olympe, Zeus, Dolos, la guerre. Le Nuage, la Mort, le désespoir. La venu des Autres, son départ pour ici. Athéna. Ses rêves depuis son retour du Palais des Songes. Hermès tendit la main, prêt à toucher le trône. Alors que ses doigts s’approchaient, il entendit un rire. Le rire d’un jeune homme, celui qu’il avait été. Enfantin, insouciant, innocent. Il résonnait de plus en plus, au fur et à mesure que ses doigts s’approchaient de l’objet. Mais il ne le toucha jamais. Le fauteuil s’était étrangement mis à scintiller un peu plus fort, et des lumières supplémentaires étaient apparues. Ainsi qu’une Aura. Apollon. Sa main se baissa, et retourna dans sa poche. Mais il ne bougea pas d’un pouce… Fixant toujours le trône, il se contenta de dire d’un ton détaché.
« C’est bizarre, la vie non ? Quand on croit être au plus bas, on peut arriver très vite au plus haut. Et quand on arrive au plus haut, on redescend vite au plus bas. Même si on a des ailes. »
Et, essuyant une larme rapidement d’un revers de la manche, Hermès pivota pour faire face à son frère.