Amelia était une femme dévouée dont l'un des buts principaux dans la vie était de faire plaisir. Alors rien n'allait l'en empêcher, et surtout pas la date sur son calendrier : samedi 17 novembre 2018. Noël était une affaire sérieuse qui se traitait avec tout le temps et la gravité nécessaires. Naturellement, la pâtissière avait commencé l'élaboration des menus le premier octobre et l'achat des cadeaux dès la semaine suivante.
La quadra s'estimait en avance sur son planning cadeaux. Mais il y avait des personnes, qu'elle avait beau aimer de tout son cœur et plus encore, pour qui l'inspiration avait tardé à venir - en venant cependant avant décembre, ce dont elle se félicitait. Faith n'allait pas être déçue. Amelia avait repéré cette adorable boutique - salon de thé et n'avait qu'une hâte : la découvrir. Faith allait adorer, c'en était sûr. Faith était, après tout, la femme la plus élégante qu'Amelia connaissait. Elle possédait un goût raffiné et sobre, une élégance naturelle qu'Amelia n'avait absolument pas et qu'elle lui avait parfois envié. Cette élégance ne pourrait être que sublimer par une jolie pièce de porcelaine. Amelia en était persuadée.
Et c'est avec entrain qu'elle s'y rendit en ce début d'après-midi, laissant la boutique aux mains joviales et gourmandes de Cassie, sa nouvelle partenaire depuis le printemps. La pâtissière poussa la porte énergiquement et c'est probablement là que se trouva le problème, ce qui déclencha ce rp, dont Licia n'a pas encore totalement connaissance du contenu (mais bon porcelaine + Amelia, elle peut se douter, quand même). Bref.
Il était difficile pour elle de déterminer s'il s'agissait d'une marche ou d'une bordure, simplement de la malchance, de ses chaussures glissantes ou d'un autre facteur, extérieur ou intérieur. La seule chose dont elle était certaine, c'était du résultat, à savoir que sa petite personne venait de percuter de plein fouet un présentoir de porcelaine. Le résultat, autant vous l'annoncer maintenant, n'était pas des plus resplendissant. Ni le bruit, tonitruant, qui l'avait précédé.
Tu sais soigner tes entrées, se rabroua-t-elle mentalement en reprenant l'équilibre.
Amelia replaça une mèche derrière son oreille et adressa une moue contrite et rougie à la femme qui arrivait vers elle et qui était probablement la propriétaire.
- Je suis vraiment, VRAIMENT désolée, je… j'ai pas compris ce qui s'est passé, juste que j'ai perdu l'équilibre et que… bah voilà, en fait. Comme moi vous avez des yeux pour voir, constata tristement la pâtissière en observant les dégâts. Je… vous prenez les chèques ?
Il était évident qu'Amelia allait lui rembourser les dégâts.

De rouge, parce qu'elle avait encore cassé quelque chose, Amelia devint subitement pâle, très pâle, presque autant que la porcelaine éparpillée au sol. On ne plaisantait pas avec la propriétaire de la boutique et, ma foi, elle ne pouvait pas réellement lui en voulait. Elle aussi, en tant que professionnelle de la pâtisserie, prenait ses affaires très à cœur - avec une autre approche, plus souriante, certes, mais quand même.
Dans tous les cas, elle osait espérait que "couper la tête" n'était qu'une métaphore destinée à la faire flipper - ce qui marchait, d'ailleurs. La gentille Amelia ne pouvait concevoir un endroit où de pareilles pratiques étaient en vigueur. De toute façon, elle était bien trop confuse pour demander ou pour plaisanter avec cette dame élégante.
Telle une écolière prise en faute, Amelia avait les mains jointes et la tête basse. Elle écoutait le sermon de la propriétaire, craignant pour son compte en banque. Même si affaires étaient florissantes, elle était loin d'être Crésus. Et jamais, ô grand jamais, elle n'irait demander l'aumône à sa famille, surtout pas pour de la casse. Elle ne se résoudrait jamais non plus à piocher dans le compte en banque de Wyatt, même s'il était dans le coma. C'était totalement amoral de faire un truc pareil.
Amelia aurait été plus que ravie d'accomplir des travaux d'intérêt généraux pour cette femme. Non pas qu'elle ait particulièrement le temps, mais, de son point de vue, il fallait toujours réparer ses erreurs et en accepter le prix. Ou le trouver, comme dans le cas présent.
La pâtissière grimaça, contrite. Elle était vraiment embêtée que la jeune femme ne sache pas comment obtenir réparation. Et puis soudain, il se produisit quelque chose qui arrivait parfois : Amelia eut ce qu'on appelle un éclair de génie. Un lueur d'espoir illumina son regard puis tout son visage qui en oublia même de blêmir.
- Je sais ! s'écria-t-elle un peu bruyamment avant de tout de suite se racler la gorge, gênée par son trop plein d'enthousiasme. Que diriez-vous d'avoir des pâtisseries gratuites pendant la durée que vous jugerez nécessaire pour réparer ma maladresse ? Je possède la pâtisserie Amelia's qui est un peu plus loin par là-bas, indiqua la jeune femme en montrant le lien d'un ample geste de la main qui, heureusement, n'abima rien dans la boutique. Je peux faire du vegan, sans gluten, vegan et sans gluten, allégé, pas allégé, personnalisé, standard, traiteur à domicile, mariages, anniversaires, communions, baptêmes, confirmations… Bref, je fais tout et aussi les fêtes du calendrier. Vous allez voir, vous serez pas déçue.
Pendant qu'Amelia s'emballait et que sa joueuse se disait qu'elle allait encore se faire avoir comme une débile tout en s'étonnant d'arriver à jouer une chose pareille aussi facilement, elle en oubliait le principal : sa victime était-elle contente de pareil arrangement ?
Comme son cerveau fit la connexion, elle demanda, un peu timidement :
- Du coup… ça vous irait un truc comme ça ?

La propriétaire avait totalement raison : il ne fallait jamais se fier uniquement à ce que vous disaient ls gens. Faith l'avait répété à Amelia un nombre incalculable de fois et ce dans le but de faire en sorte que la troisième sœur ne se fasse pas avoir toute sa vie. Amelia appliquait alors ce judicieux conseil aussi souvent que possible et était bien contente, en fait, de voir que sa victime du jour faisait de même. C'était une preuve supplémentaire de son intelligente.
- Vous avez totalement raison, approuva la pâtissière avait véhémence. Je pourrais très bien essayer de vous rouler mais pas de panique je vous promets que ce n'est pas dans mes attentions et je compte bien vous le prouver.
En principe, c'était Amelia qui se faisait rouler dans la farine, ce qui était plutôt ironique quand on en considération son métier. Bien sûr, même si Faith avait tenté de forger son caractère et sa méfiance, Amelia demeurait une bonne pâte particulièrement malléable. Elle tenait tellement à être gentille en continu qu'elle ne voyait souvent pas le mal et la mesquinerie alentours.
D'ailleurs, Jack Sparrow pouvait en témoigner.
Non content d'avoir démoli son toit, il n'avait pas payé, avait réussi à l'effrayer et s'en était bien entendu sorti en abusant de sa bonté. Amelia s'était jurée de ne plus se faire avoir et le pirate était devenu la personne qu'elle trouvait la plus méchante en ville mais, évidemment, elle ne se rendait pas bien compte qu'elle était en passe de vivre une situation similaire.
Au lieu de ça, elle suivit avec entrain la femme élégante dans une cuisine qui était à son image.
Amelia ne put retenir un sifflement admiratif. Pour une non professionnelle (même si elle vendait des assiettes en porcelaine, c'était certain qu'elle n'était pas commis en cuisine), elle était effectivement bien équipée.
- Waouh ! commenta-t-elle en tournant à 360 degrés pour observer les lieux. Vous n'avez pas menti… Non pas que j'ai cru que vous soyez une menteuse, hein ! ajouta-t-elle rapidement pour dissiper tout potentiel malentendu. Dites moi tout ! Qu'est-ce qui pourrait vous faire plaisir ?

Bon, la chaîne au pied, c'était un peu surprenant. Amelia l'observa sans rien dire parce que… franchement, que pouvait-on dire face à cela ? C'était peu commun, c'était certain, mais enfoncer une porte ouverte ce n'était pas forcément très pertinent - surtout avec cette femme pleine d'assurance qui ne se laissait pas perturber par grand chose. Elle devait avoir la colère froide et ça devait être très flippant.
Amelia nota toutefois que la chaine ne devrait pas la déranger dans ses mouvements et c'était ce qui comptait.
- Vous savez, je n'allais pas m'enfuir ! assura-t-elle en modulant sa voix aussi bien que possible. Ca ne me serait pas venu à l'esprit, j'adore cuisiner pour les gens et de façon je suis très très mauvaise en sport.
La pâtissière se mordit la lèvre, avec l'étrange impression d'agacer un peu son hôte. C'est pourquoi elle ne rechigna pas à lui confier son sac à main, en silence, pour une fois. De toute façon, ce n'était pas comme s'il allait lui servir pendant qu'elle cuisinait ! Amelia aimait beaucoup ce sac et n'aurait pas pris le risque de l'enfariner par mégarde.
La suite se corsa légèrement. En fait, elle se corsa carrément, mais Amelia préférait rester positive et se dire que la jeune femme assurée en face d'elle n'était pas une tueuse en série. Ou qu'elle avait un sens de l'humour bien à elle. Amelia décida de rester souriante, bien qu'elle sentit la pression de sa mâchoire augmenter sensiblement. Ce n'était pas très bon de stresser un artiste avant qu'il entre en scène. Car on pouvait penser ce qu'on voulait : la cuisine et la pâtisserie étaient des arts, au même titre que la peinture et le chant. Cette fois, d'ailleurs, Amelia comptait bien ne pas s'y adonner - au chant - comme cela lui arrivait souvent. Il s'agissait purement d'une mesure de précaution, destinée à ne pas énerver davantage la propriétaire des lieux et à potentiellement sauver sa peau si besoin était.
- Oh mais je suis parfaitement à la hauteur ! se récria l'ancienne lionne, un peu outrée qu'on mette ses talents en doute (ce n'était certes pas malin de s'en outrer là, maintenant, tout de suite, mais c'était ainsi). Je n'ai qu'une envie, là, maintenant, tout de suite, précisément à cet instant c'est de vous satisfaire avec ma pâtisserie. Vous me dites ce que vous voulez que je prépare et je le ferai. J'ai tout ce qu'il faut autour de moi, vous avez vraiment une cuisine d'enfer. Je suis à votre entière disposition pour ce test, assura Amelia, tout en se disant qu'enfer était peut-être un terme particulièrement bien choisi.
Cette femme l'effrayait encore plus qu'Aloysius, qui n'était pourtant pas un enfant de chœur. Et qui avait déjà tué au moins une personne, ce qui en disait long.

Les gens n'avaient pas toujours été sympas avec Amelia. En fait, certains avaient été, et étaient encore, carrément méchants avec elle. Méprisants, aussi. Elle s'y était plus ou moins fait mais détester toujours autant qu'on la prenne de haut en se pensant soi-disant plus intelligent qu'elle. Etre gentille ne faisait pas d'elle une personne plus idiote qu'une autre.
- Je ne suis pas stupide, assura-t-elle avec détermination. A trop avoir des préjugés comme ça sur tout le monde, vous pourriez finir par vous faire avoir. En attendant… qu'est-ce que je gagnerai à m'insurger d'avoir un boulet au pied ? Vous ne l'enlèverez pas parce que je m'insurge parce que si vous me faisiez confiance pour respecter ma part du marché vous ne me l'auriez pas mis de prime abord. C'est tout. Mais si c'est une coutume de chez vous ou une petite manie, soit, je respecte, j'ai aussi les miennes - elles sont pas du même genre mais si ça peut vous rassurez, c'est avec grand plaisir.
La pâtissière n'avait pas aussi le ton. Elle s'était contentée d'énoncer calmement et doucement ce qu'elle pensait de tout cela et n'aurait pas pris un ton différent si on lui avait demandé de parler de la météo. Et manifestement, cette femme, pourtant si sûre d'elle, avait aussi des soucis de confiance en elle si elle avait besoin d'un boulet pour garder à l'œil ceux qui lui en devaient une. Mais ça, Amelia ne jugeait pas - elle aussi avait des soucis à ce niveau-là, de toute façon.
La cuisine était à elle et la consigne était donnée : quelque chose de rouge. C'était vague et c'était bien. Amelia avait une imagination fertile qui n'aimait pas les carcans. Elle travaillait mieux quand elle pouvait divaguer. En trois heures de temps, elle ne doutait pas de pouvoir surprendre son hôte et apprécia de la voir partir. Amelia aurait moins bien travaillé si elle avait été là. Elle lui trouvait un regard perçant très déstabilisant car il donnait l'impression de juger les gens en permanence (ce qu'elle faisait peut-être, d'ailleurs) et Amelia n'était jamais à l'aise face à ce genre de personne.
La pâtissière mit son plan de travail en place et s'attela à son affaire, heureuse d'être tombée dans une cuisine aussi bien équipée.
Les trois heures passèrent vite - parce que le temps passe toujours vite quand on s'amuse et on s'amuse toujours en pâtisserie. Amelia n'avait pas regardé sa montre une seule fois et savait que Cassie gérerait très bien sa boutique seule - car Cassie aussi était une passionnée talentueuse. Néanmoins, elle sursauta en entendant le son claquant de la voix de la propriétaire de retour pour inspecter son travail.
Amelia se tournant, confiante, vers cette dernière, prenant soin d'être devant la création [en plus rouge dans le rp] encore quelques instants afin de ménager son effet.
- Alors ma douceur n'attend que vous ! annonça fièrement l'artisan. Tadaaaaaaaaaam ! s'écria-t-elle en s'écartant brusquement pour révéler les douze pâtissières individuelles qu'elle avait réalisé et disposé de sorte à former un cœur, l'élément rouge le plus mignon à symboliser, selon elle.
Amelia laissa tout le soin à son hôte de s'approcher pour observer le travail et commenta son œuvre:
- Vous m'avez l'air extrêmement raffinée alors j'ai essayé de m'en inspirer pour créer un dessert à votre image : le macaron est à la rose rouge afin de contrebalancer l'acidité de la framboise que vous retrouvez à la fois en fruit mais aussi dans la mousse où elle est accompagnée de litchi. J'ai enfin glacé des pétales de roses - parfaitement comestibles - pour décorer le haut de chacune des pâtisseries. Je venais d'en acheter, je me suis dit que c'était parfait pour l'occasion. Et… je vous laisse déguster, je me tais, conclus la jeune femme.