Comme tous les jours depuis l'accident, Amelia quittait sa boutique entre midi et deux pour se rendre à l'hôpital. A présent, elle pouvait presque faire le trajet les yeux bandés et quand on connait sa propension à la maladresse et la malchance, cela veut tout dire.
La pâtissière était pour ainsi dire devenue une habituée des lieux, d'ailleurs, les infirmières et parfois certains médecins avaient retenu son prénom, ce qu'elle trouvait absolument adorable. La pâtissière ne manquait pas, en échange, de leur rapporter quelques douceurs, qu'elles acceptaient toujours volontiers. L'ancienne lionne avait parfaitement conscience de la dureté de leur travail. Chaque jour, le personnel médical voyait des choses horribles et faisait un travail héroïques en sauvant des vies. De son point de vue, cela méritait au moins quelques éclairs gratuits.
Amelia avait aussi eu l'occasion de discuter avec une jeune femme blonde en fauteuil roulant, même celle-ci n'était plus à l'hôpital. Mis à part ses jambes qui ne répondaient plus à aucun stimuli, elle se remettait merveilleusement bien et Amelia, elle-même une éternelle optimiste, admirait celui de la jeune fille. Honey. Décidément, son prénom la prédestinait à la douceur et à la bonté ! C'est ce qu'elle avait dû lui dire quand elle l'avait vue à sa boutique, quelques temps après avoir embauché la toute aussi délicieuse Cassie qui s'avérait la connaitre. Amelia était toujours sidérée de voir à quel point le monde, pourtant si grand, était, au final, très petit.
Paradoxalement, l'hôpital lui avait paru immense, dans les premiers. Plus maintenant car elle ne s'y perdait plus. Mais au début, la jeune femme avait visité de nombreuses chambres. C'était comme ça qu'elle avait connu Honey, d'ailleurs. Puis la jeune femme lui avait indiqué où se trouvait statistiquement le numéro de chambre de son mari.
Et, en effet, il était là. Jour après jour. Sa situation n'évoluait pas, ce qu'Amelia voulait prendre pour une bonne chose : l'évolution, elle le savait, aurait aussi pu être négative.
- Bonjour chéri ! claironna-t-elle en entrant d'un pas énergique dans la chambre silencieuse.
Amelia posa ses affaires sur la table près de la fenêtre, ouvrit les stores puis se tourna vers Wyatt.
- Oho, on dirait que quelqu'un a besoin d'être rasé ! constata Amelia en sortant le nécessaire.
Elle avait appris exprès à raser les barbes pour s'occuper de son mari autant que possible. Amelia y tenait.
- Détends toi mon amour, ça piquera sans doute moins que la dernière fois. On dirait pas comme ça mais je progresse ! Allez, aujourd'hui on va écouter la BO de Titanic, ça faisait au moins depuis la semaine dernière, je suis sûre que ça t'a manqué !
S'il avait pu parler, Wyatt aurait dit que non. Mais Amelia espérait qu'il l'entende et qu'un jour le son de sa voix suffirait à le ramener. En attendant, elle essayait de le faire tout beau car son mari avait toujours pris soin de lui et, paradoxalement, l'humaine qu'elle était n'était pas fana de barbe.
Amelia avait rasé la première joue qu'elle n'avait entaillée que deux fois et chantonnait gaiement quand un mouvement inattendu la fit sursauter.
- Finalement, je t'ai entaillé trois fois mais la bonne nouvelle c'est que d'après les médecins tu ne le sens pas, souffla Amelia en l'embrassant sur le nez.
Puis elle tourna la tête vers le mouvement qui s'avérait être une connaissance qu'elle adorait.
- NALA ! Ca me fait tellement plaisir de te voir ! Et à Wyatt aussi, même s'il ne le montre pas là tout de suite, précisa la quadra en étreignant la jeune femme. C'est tellement gentil de venir lui rendre visite ! Si j'avais su je l'aurais rasé plus vite. Mais j'ai déjà fait la moitié, ce sera plus long. Je t'en prie, assied toi. J'ai ramené des éclairs et… oh je vais éteindre Céline. On dirait que quelqu'un a de la chance, nota Amelia en lançant un regard lourd de sens vers son mari.

Diku, alias Amelia Peters. Dans le genre, "j'ai morflé, mais je garde la tête", ma tante est pas mal à ce niveau-là. Elle se paye le luxe d'avoir une vie pourrie sous la malédiction, et d'avoir en plus de ça un mari dans le coma. A côté, mes soucis avec Simba, c'est vraiment rien. Ca faisait vraiment longtemps que je n'étais pas venue la voir (est-ce qu'être séquestrée par des jumeaux psychopathes ça compte ?), donc je me suis dit il y a quelques jours que ce serait pas bête d'aller la voir, elle et son mari. Tante Diku, je l'aime bien. Elle est maladroite, mais j'aime beaucoup sa persévérance. Elle est... pétillante. Oui c'est ça le mot. En un sens, je m'en veux de ne pas l'avoir vue depuis si longtemps alors qu'elle doit souffrir.

Un bouquet en main, je me suis rendu à l'hôpital et j'ai demandé la chambre du mari de Diku. A peine j'ai dit le nom qu'il savait déjà où m'emmener. A croire que ma tante passe sa vie à l'hosto. "Vous êtes de la famille ? Madame Peters ne m'en avait pas parlée."

Je jette un oeil à l'infirmière avant de lui répondre le plus sincèrement du monde : "C'est ma tante. Et je ne savais pas pour son mari." L'infirmière parut convaincue et m'a aidé à trouver la chambre, puis m'a laissée seule. J'entendais une voix à l'intérieur.

- Détends toi mon amour, ça piquera sans doute moins que la dernière fois. On dirait pas comme ça mais je progresse ! Allez, aujourd'hui on va écouter la BO de Titanic, ça faisait au moins depuis la semaine dernière, je suis sûre que ça t'a manqué !

Ok. Elle a perdu la tête. J'avoue que je serais comme ça si l'amour de ma vie se retrouverait quasiment mort et sur un lit d'hôpital mais là... Bah ça fait vraiment flipper. Je dirais pas qu'elle est gâteuse mais bon. C'est vraiment triste pour elle. Bref, vaut mieux que j'entre sinon, je vais encore me faire des films.

- NALA ! Ca me fait tellement plaisir de te voir ! Et à Wyatt aussi, même s'il ne le montre pas là tout de suite. C'est tellement gentil de venir lui rendre visite ! Si j'avais su je l'aurais rasé plus vite. Mais j'ai déjà fait la moitié, ce sera plus long. Je t'en prie, assied toi. J'ai ramené des éclairs et… oh je vais éteindre Céline. On dirait que quelqu'un a de la chance.

Non, en fait j'ai compris. Elle tente d'aller de l'avant malgré tout. Ce qui semble bizarre au premier abord -et surtout flippant-, mais qui est totalement courageux de sa part. Je dépose le bouquet sur une table près du lit, et m'assoit sur une chaise. Je la regarde avec des yeux surprit s'affairer à raser Wyatt avec attention.

"Tu ne veux pas que je t'aide ?" demandais-je en m'approchant d'elle. "Et sinon, ça va Tante Diku ? Ca faisait longtemps que je t'avais pas vu. J'ai voulu passer te voir avec Wyatt."

Even s'assit sur l'autre fauteuil disponible dans le chambre, celui plus près de la fenêtre et de la moitié de visage déjà rasée de Wyatt. Elle pouvait admirer les morceaux de coton dispatchés sur les petites entailles qu'elle avait faites sans le vouloir. A un moment, (accroche toi pour la phrase que tu vas lire) elle avait pensé à utiliser plutôt son épilateur mais elle y avait renoncé, des fois qu'il ressente la douleur (c'est basé sur une anecdote réelle similaire mais pas de moi). La peau des joues étaient probablement aussi sensible que celles des aisselles, voire plus.
Amelia était contente de voir la jeune fille. Elle ne l'avait pas croisée depuis des mois, mais cela ne l'étonnait pas : les jeunes avaient mieux à faire, Amelia le comprenait totalement. Elle se contentait très bien des occasions qui s'offraient à elle pour voir ce qu'elle appelait sa famille élargie. Car Even et elle n'avaient aucun lien de parenté - pas tant qu'elle n'aurait pas épousé Simba, du moins. Et pourtant, Amelia lui portait une affection sincère et comparable à celle qu'elle avait pour ses neveux et nièces - dont le fameux Simba, justement.
- Tu es vraiment adorable, commenta Amelia après qu'Even ait offert son aide. Je craignais un peu que tu trouves la situation bizarre mais je préfère que ce soit moi qui m'en occupe et pas une infirmière. Je suis sûre que Wyatt sent la différence - littéralement et métaphoriquement, je veux dire, crut-elle bon de préciser avec un sourire lourd de sens.
La pâtissière avait totalement conscience de sa maladresse une fois la porte de la cuisine franchie.
- Et puis, maintenant que c'est un homme je le préfère imberbe. C'est marrant, non ?
A ces mots, Amelia releva la tête pour croiser le regard d'Even et se rappela qu'elle avait proposé de l'aider.
- Si tu y tiens tu peux me tenir le sachet de cotons que j'utilise pour les coupures. Ca me fera moins de chemin à faire. Je pense que la deuxième joue ne va pas y échapper, malheureusement… Mais je suis sûre qu'au fond il est content que je le fasse, assura Amelia. Il préférerait juste que je n'écoute pas Céline en même temps mais j'ai un plan très étudié : je me dis que s'il entend tous les jours quelque chose qu'il ne supporte pas mais qui lui rappelle que j'existe il aura envie de se réveiller au moins pour éteindre la radio. Tu comprends, n'est-ce pas ? Et tu ne trouves pas ça bête, pas vrai ? Parce que je vais aussi bien qu'on puisse aller, je m'occupe, j'ai une affaire à faire tourner, il y a les enfants, aussi et je sais que le mental peut faire des miracles dans ce genre de situation. Mais si tu me dis que c'est stupide de faire tout ça, là je vais peut-être songer à aller un peu mal.
Amelia marqua une pause pour se concentrer. Elle retira une ligne de mousse à raser, emmenant dans son sillage les poils qui allaient avec et secouer le tout dans sa petite bassine, posée sur ses genoux.
- Je parle bien sûr pour deux mais nous sommes ravis que tu sois passée. Mais parle moi plutôt de ta vie en ce moment. Wyatt n'a pas grand chose à dire et moi je viens de le faire.

Tante Diku est vraiment en train d'aller de l'avant. Même si elle a une façon assez bizarre de le faire. Je me retiens de lui dire vraiment ce que j'en pense. Ce serait vraiment déplacé, et c'est rien comparé à ce que j'ai eu dans ce foutu manoir. J'espère juste qu'elle voit pas mon côté interloqué. Si c'est sa manière de faire, je juges pas. Au contraire, je sens une grande admiration en moi. Au moins, elle est pas dans son lit en train de se plaindre. Ouais, à la réflexion, je la préfère comme ça.

Elle s'affaire à le raser, et j'ai mal pour son mari en voyant dans quel état est sa joue. Je vois que sa maladresse légendaire n'est pas une si grande légende. Je souris en songeant à ça. Rien ne change finalement. Et je suis vraiment contente de voir Diku, même si la situation doit être assez éprouvante.

""Je suis passée en M1. J'ai eu ma licence haut la main." dis-je avec une certaine fierté. Il me reste encore deux ans avant de pouvoir ENFIN, faire le job que je veux. "Ca n'avance pas des masses avec Simba et... Bah, maman et le gamin vont bien. Ce dernier peut-être vachement gentil quand il veut."

Bon, est-ce que je dois préciser mon escapade dans une maison hantée, et le retour de mes instincts de prédateur ? Non parce que ça doit être l'une des plus grosses nouvelles dans ma vie depuis des lustres (mon passage en maîtrise compte pas, je savais que j'allais passer). Je la regarde un instant. Elle m'écoute patiemment.

"Bon, il y a eu aussi un tout petit passage à la maison hantée, et j'ai littéralement flippé. Mais rien de grave."

Il me revient le moment où j'ai failli mordre l'autre, tellement j'étais effrayée et que j'avais envie de le buter.

- Oh bravo Nala, je suis vraiment fière de toi ! s'écria Amelia, ravie de constater que les gens n'hésitaient pas à lui annoncer de bonnes nouvelles.
Au contraire, même si sa vie n'était pas parfaite en ce moment, Amelia carburait aux bonnes nouvelles et à l'optimisme. A tant d'optimisme qu'elle aurait presque pu entailler la joue de son mari encore plus profondément si elle n'avait pas arrêté son geste de bonheur à temps. La pâtissière lui adressa un sourire désolé. Quand elle voyait ce qu'il subissait par sa faute, Amelia se disait des fois que c'était aussi bien s'il n'en avait pas conscience. Et paradoxalement elle était certaine qu'il l'entendait, ce qui impliquait d'avoir conscience de quelque chose.
- Sarafina doit être tellement fière de toi ! poursuivit Amelia comme si de rien n'était. Enfin, c'est ta maman, elle est fière de toi quoi qu'il se passe, de toute façon et tu es de toute façon une jeune femme très intelligente. Mais au fait, tu étudies quoi déjà ? Pas la pâtisserie, ça je suis sûre parce que moi j'ai pas de master ! Mais je maitrise pourtant très bien cet art délicat, avec Amelia non sans fierté.
Elle venait de donner le dernier coup de rasoir et essuya le visage de son mari avant de déposer un baiser sur son front. Maintenant qu'Even évoquait son petit frère, elle repensait à ses propres enfants, quand ils étaient encore des bébés avides de câlins et de gâteaux. Des fois, ça lui manquait. Mais en même temps, Amelia était extrêmement fiers de voir les personnes brillantes et belles que Declan et Velma étaient devenus.
Ces agréables pensées furent brutalement stoppées par l'air un peu étrange qu'Even eut soudain, suivi par sa révélation toute aussi surprenante : un passage dans une maison hantée ! Amelia ouvrit grands les yeux. Elle n'aimait pas les films d'horreur et appréciait que ce ne soit, justement, que des films. De fait, elle trouvait cela perturbant, pour ne pas dire totalement flippant, qu'il y ait une vraie maison hantée dans le coin.
Pourtant, la pâtissière garda son sang froid et demanda :
- Ah oui ? Il y a une maison hantée à Storybrooke ? Est-ce que tu veux bien me dire où ? Comme ça je n'irai jamais. Qu'est-ce qui t'ait arrivé ma chérie ? Est-ce que tu veux un câlin ou un morceau de gâteau ? Moi je pense que ça apaise toujours dans ces cas là.

Le côté spontané de Tante Diku est tellement rafraichissant. Je regrette de ne pas avoir pu discuter avec elle plus souvent ces derniers temps. Je ne lui en veux pas de ne pas avoir retenu mon cursus, car bon... c'est surtout connu en Grande-Bretagne quoi. Et en France, il y a juste une ville qui la propose. Autant dire que ce n'est pas l'idéal pour faire découvrir le tout à ses proches. Je souris à ses félicitations et et je la remercie d'un hochement de la tête. Maman avait fêté mon admission en maîtrise avec le gamin, et je dois dire que j'étais heureuse de passer enfin à l'étape supérieure.

"J'ai fait une Licence Etudes Culturelles. Ca vient de Grande Bretagne. On étudie la culture en règle générale, dans tous types d'arts. Et on réfléchit dessus. Là, je fais une maîtrise pour être prof."

Puis est venu le sujet de la maison hantée. Et honnêtement, je ne sais si je serais capable d'en parler. Je manque de m'écorcher la langue en disant : "Eh bien... j'ai voulu m'abriter près d'un manoir. Là, il y a eu deux personnes qui ont tentées de me faire peur."

Je me souviens parfaitement du moment où je suis passée de la peur au moment où j'avais sérieusement envie de les buter. Mais heureusement pour eux (et pour moi), j'ai été assez intelligente pour retenir mes instincts carnassiers. Mais c'est leur présence qui m'a fait flippé.

"Tu te souviens des lions qui sont arrivés il y a quelques années. Ben, je commence à les comprendre. Je me suis retrouvé avec mes instincts de lionne, et je crois que j'aurais bien pu les bouffer. Et le pire, c'est qu'ils sont encore présents."

- Oh, professeur de culture ! s'écria Amelia avec admiration. Ca a l'air passionnant et fait pour les gens plus intelligents que moi. Mais si tu as besoin d'aide sur la culture culinaire - j'insiste sur le fait que la cuisine EST un art - précisa la pâtissière avec l'air sérieux, tu sauras où me trouver. Je ne connais pas toutes les cultures culinaires mais j'en connais un grand nombre. Française, italienne, américaine, bien sûr… Rien que d'y penser.
Amelia se pourlécha les babines, ce qui valait plus que mille mots pour exprimer son insatiabilité.
Elle réalisa trop tard qu'elle aurait mieux fait de s'en tenir à la culture - culinaire, tant qu'à faire, plutôt que de faire sa curieuse et en demander plus sur la maison hantée - ou quelle que soit sa nature. Maintenant qu'Even commençait à donner des détails, elle voyait bien que la jeune fille n'était pas rassurée ni à l'aise. Instinctivement, la pâtissière vint lui presser affectueusement l'épaule, ne préférant pas imposer de gros câlins - même si, elle, n'avait rien contre, au contraire !
- Ca va aller, lui assura la quadragénaire en restant juste à côté d'elle, ce qui, dans une chambre individuelle d'hôpital, n'est pas bien difficile.
Amelia réfléchit un instant sur ces instincts animaux qui revenaient plus ou moins durablement chez les différents membres de la tribu.
- Je vais te raconter une histoire, décréta-t-elle finalement en s'asseyant au bord du lit de son mari. Tu te rappelles peut-être que j'étais une très mauvaise chasseuse eh bien c'est probablement pour cette raison que je suis devenue une personne maladroite dans ce monde. Le sort noir a quand même bien fait les choses - dans un sens. Mes instincts ne sont revenus qu'il y a quelques mois… peut-être un an. Un jour, à la boutique, un pirate a cassé le toit de mon arrière boutique et m'a roulée dans la farine trois fois de suite - métaphoriquement, je veux dire, bien qu'il aurait aussi pu le faire de manière littérale mais ça aurait été étrange. Ce jour-là j'ai ressenti une colère à laquelle je ne suis pas habituée, quelque chose de très animal, bien que je ne sois pas certaine d'avoir éprouvé cette sensation sur la Terre des Lions. Et là, comme par magie, mes griffes sont revenues et… J'ai vraiment flippé, je me rappelais pas comment les rentrer, j'avais peur de faire du mal à quelqu'un voire à moi-même. Le pirate n'était plus là donc heureusement, même si je n'aime vraiment pas ce monsieur, il ne risquait rien. Pour April, qui a toujours été plus forte, ou encore pour ta maman, les instincts sont revenus plus tôt. Quant à Krystal c'est encore une autre histoire, elle est arrivée ici sans la période de transition qu'a été le sort noir, en fait.
La pâtissière marqua une pause et réfléchit.
- Pourquoi je disais tout ça moi déjà ? Ah oui. Ca y est, ça me revient. C'est normal que tu la comprennes : tu es comme elle, tu es une lionne au fond de toi. Et une plus crédible que moi, avec ça ! Je fais une meilleure humaine, je crois...
Amelia laissa cette idée se perdre dans le silence et reprit, encore une fois :
- Je pense que nos instincts reviennent essentiellement quand nous sommes en danger ou que nous avons peur parce que c'est à ça que l'instinct sert : se protéger. Les humains - ceux qui l'ont toujours été - aussi ont un instinct. C'est quelque chose que la Nature a mis en place pour nous donner une chance de survivre. Mais nous ne vivons plus dans la jungle alors la plupart du temps nous n'avons pas besoin de cet aspect sauvage en nous - idem pour les Hommes. Il ne faut pas que tu aies peur de ton instinct : si ces deux personnes t'ont fait peur, c'est normal que ça l'ait réveillé. Par contre, il faut maitriser nos pulsions les plus noires parce que ce n'est pas légal de manger des humains. Tu comprends ?

J'écoute Tante Diku. Malgré sa maladresse, elle arrive parfaitement à se montrer rassurante. Je viens d'être enfin adulte. Par contre, Diku possède quelque chose que je ne possède pas encore : de l'expérience. Dans l'échec, dans le drama, et aussi dans la réussite. Malgré le fait qu'elle soit maladroite, je la respecte pour toute l'expérience qu'elle possède, qui la rends si rassurante, et bienveillante. Les griffes ne me sont pas encore revenues. Juste l'instinct, et l'envie de... tuer. Le fait qu'elle me dise clairement que ce ne sont que des pulsions à contrôler, ça me permet de dédramatiser un peu la situation. De me dire que j'ai juste quelques efforts à fournir.

"Eh bien, tu sais, il n'y a pas que du négatif. J'ai tendance à être un peu plus maternelle en ce moment. Surtout envers le gamin ou d'autres. Mais bon, je ne sais pas si ça a un rapport. Pour l'instant, je n'ai pas encore récupérée mes griffes. Mais si ce que tu dis est vrai, je sens que ça ne vas pas tarder."

Au moins, si Simba me cherche des crosses, je saurais me défendre face à sa... bouletitude.

- Je suis positivement certaine que tu vas vivre retrouver tes griffes, assura Amelia en posant une main amicale sur l'épaule d'Even. Si même la moins crédible des lionnes de l'univers - je parle de moi, là - en est capable, une lionne aussi forte que toi y arrivera. Mais… Je ne pense pas que ça se produira pendant que tu feras la vaisselle, hein ! Ca se produira sans doute dans une situation plus lionesque, qui réveillera ce qu'il y a d'animal en toi...
Amelia marqua une pause et repensa au retour de ses griffes. Puis elle se repassa mentalement les propos qu'elle venait de tenir et jugea mieux d'apporter une précision :
- Evidemment, cela ne veut pas dire que je t'encourage à devenir un animal sauvage ! C'est pas ce qu'on a été donc c'est pas ce qu'on doit être, c'est logique. Je pense que pour les griffes c'est comme pour toi : il faut laisser faire les choses. On est pas tous prêts en même temps et c'est pas forcément mal. Mais… rassure moi… tu es heureuse d'être humaine, pas vrai ?
Juste au cas où, elle préférait demander. Krystal n'avait pas eu l'air d'apprécier particulièrement cette condition et même si la malédiction était levée depuis des années, il valait mieux prévenir que guérir. Ou que poser trop de questions sur la relation assez compliquée entre Samuel et Even - même si Amelia raffolait des potins sentimentaux. Ce n'était pas pour rien qu'elle jouait les entremetteuses, d'ailleurs !

Je la regarde avec de gros yeux. Bien sûr que oui ! J'aurais répondu ça avec un grand cri, mais je me suis souvenu que nous étions dans un hopital. La tranquillité, tout ça tout ça. Bref, je retiens de crier un bon coup et lui adresse un petit. Pas du genre moqueur, je sais me tenir quand même. Faut que je me détende, je suis sûrement un peu trop fatiguée.

"Oh non, il neigera au Sahara le jour où je serais comme Krystal. L'avantage pour moi, ce sont les chocolats. Je peux au moins baffrer comme je veux quand ça va pas."

On ne rigole pas dans le fond, ça arrive plus souvent qu'on ne le croit. J'ai déjà mangé la moitié d'un pot de nutella une fois, véridique. Après, il y a un tas d'avantage à être humain, on va pas se mentir. Pour les interactions sociales par exemple. Même si je fais partie d'un dessin animé où les animaux se parlent et se bouffent entre eux. Que c'est beau le cycle de la vie.

"Ce qui est drôle, c'est que par moment, j'ai l'impression d'être dans une histoire sous le contrôle de scénaristes aimant BEAUCOUP le drama."

A croire que la happy ending du film d'où je viens leur suffisait pas. Je vous rassure, je suis sûre que ce sont surtout mes choix qui influencent ma vie. Mais franchement, les histoires avec Simba, et maintenant le Manoir Hanté. On peut aussi ajouter Tante Diku et son mari, Sarabi et Mufasa etc etc... En fait, toutes les lionnes sont, semble-t-il, condamnées à être célibataire alors qu'elles avaient trouvé la bonne personne. Si c'est vraiment pas de bol ça ?