« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
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Quelques jours avant Noël, dans la Maison à la Tour...
Il avait été convenu qu'Elliot et Lily viennent passer la soirée chez moi. Mon ami avait mentionné une émission diffusée ce samedi-là tout en gardant le mystère sur le sujet traité. Comme je ne rechignais jamais à passer un bon moment avec ces personnes qui étaient devenues comme une seconde famille, je les avais accueillies à bras ouverts. Cependant, au bout de seulement quinze minutes de diffusion, Ellie, qui était également présente, manifesta sa désapprobation :
"C'est un culte de la bêtise et de l'apparence ! C'est navrant qu'à notre époque, on en soit encore à encenser des femmes uniquement pour leur aspect physique !"
"Hm hm..." appuyai-je évasivement sans parvenir à détacher mon regard de l'écran.
J'étais assis dans mon fauteuil, Ellie dans le sien. Quant à Elliot et Lily, ils étaient étroitement enlacés sur le sofa. Le jeune homme était allongé nonchalamment, sa tête reposant sur les genoux de son épouse.
"T'es jalouse parce que t'es pas gaulée comme ces nanas." lança-t-il, moqueur.
Aussitôt, je jetai un coup d'oeil anxieux vers Ellie. Il n'était guère prudent de la provoquer à ce point, mais entre frère et soeur, l'affrontement est inévitable. Je crus que la jeune femme allait lui lancer au visage le livre dont elle venait de se saisir. Le regard oblique, elle répliqua :
"Je constate qu'il est inutile que je parle à deux individus dans leur stade le plus primaire !"
Pourquoi me comptait-elle dans l'équation ? Je n'avais rien fait de répréhensible. L'émission des Miss France était captivante. C'était un fait. Ellie finit par disparaître et Elliot répéta :
"Elle est jalouse !"
A cet instant, le dénommé Matthias revint dans le salon avec un pack de bières en main, qu'il posa sur la table de basse.
"C'est toujours la pub ?" demanda-t-il avec son petit accent belge.
"Non, ça a repris." l'informa Lily qui n'avait fait que commenter la beauté des différentes miss depuis le début.
Gentiment, il lui tendit un verre de lait et elle eut un sourire jusqu'aux oreilles.
"C'est vraiment un homme génial !"
Répondant à son sourire, Matthias alla s'installer à la place d'Ellie.
"Moi aussi je te donne du lait dès que tu en veux !" précisa Elliot, se sentant aussitôt en danger.
"Oui, mais Matthias me l'apporte dans un verre de bière, histoire que je fasse partie de la bande."
Tandis qu'ils continuaient leur querelle de couple, j'attrapai la télécommande afin d'augmenter le volume. Toutes les miss paradaient en bikini et c'était un moment à ne surtout pas râter.
Le soir du vingt-quatre décembre...
Cette émission avait été l'une de mes meilleures expériences télévisuelles, en incluant le Seigneur des Anneaux. J'en avais gardé un souvenir impérissable, et j'étais tombé sous le charme de la nouvelle Miss France, Vaimalama Chaves.
D'ailleurs, avant de me rendre à la fête du Réveillon organisée par Diane, j'avais décidé de congratuler l'heureuse gagnante par le biais d'une lettre. Je venais d'y mettre un point final quand j'entendis un claquement lourd et sonore depuis le jardin d'hiver. Indécis, je levai la tête et ma plume.
"Qui est là ?"
Etait-ce Bernadette qui était tombée en voulant dépoussiérer la porcelaine de Chine exposée dans la-dite pièce ? Pourtant, Ellie l'avait plus ou moins contrainte à prendre congé pendant les fêtes. Par conséquent, ce ne pouvait être elle. Anatole et Ellie passaient Noël ailleurs. J'étais donc seul face à l'inconnu.
Une once d'anxiété me traversa, que je repoussai bien vite. Après tout, n'avais-je pas tenu tête à un titan, affronté bon nombre de périlleux dangers ? Cela aurait été absurde d'être angoissé à l'idée de se rendre dans une pièce de sa propre demeure ! Je me composai une expression posée et désinvolte tandis que je quittai la salle à manger pour traverser le salon de musique et ouvrir la porte du jardin d'hiver.
Mon expression détachée fut vite remplacée par la stupéfaction alors que je découvrais un immense paquet cadeau rouge brillant de forme rectangulaire, posé sur les dalles de marbre blanches et noires. Je clignai des yeux et le contournai pour observer à travers les vitres, mais personne ne semblait à l'origine de ce présent. Je me retournai donc et l'observai avec davantage de précision. Il était surmonté d'un beau ruban argenté auquel était accroché un petit mot :
"Pour Mr. Jules Verne, j'espère que vous profiterez bien de vos cadeaux ;)"
L'écriture ne m'évoquait personne en particulier. En tous cas, quelqu'un s'était donné du mal pour téléporter ceci jusqu'ici (j'en étais venu à cette conclusion).
La taille du paquet était si imposante qu'on aurait pu y placer quelqu'un à l'intérieur. C'était à la fois étrange et diablement intrigant ! Devais-je l'ouvrir immédiatement ? Non, mieux valait attendre minuit. Je me mordis les doigts tout en l'observant sous tous les angles, dévoré par l'envie et la curiosité, à l'image d'un petit garçon. J'avais de la patience pour beaucoup de choses, mais pas en ce qui concernait les cadeaux. De plus, je ne pouvais emmener ce dernier chez Diane. Il prendrait trop de place. Par conséquent, je ne pourrais l'ouvrir qu'à mon retour. Autant le faire immédiatement, dans ce cas ? Je bataillais avec ma conscience quand je lus la précision écrite au dos du mot :
ATTENTION : FRAGILE
Aussitôt, je tressaillis et me crispai instinctivement. Cette mention faisait écho au souvenir offert par Octave Templeton après mon séjour à Magrathéa. Un aquarium opaque dont je n'avais pas encore osé me servir. Il prenait la poussière dans un coin du salon de musique.
S'agissait-il d'un autre cadeau des aliens ? A cette perspective, mon engouement retomba comme un soufflé. Je n'étais plus si pressé de l'ouvrir, désormais.
J'eus un nouveau sursaut en entendant un coup à l'intérieur. Dérouté, j'hésitai quelques secondes avant de toquer tout contre la boîte. Miséricorde... était-ce vivant ? On me répondit par plusieurs coups précipités et extrêmement violents.
Je me reculai d'un bond, en proie au doute et à l'angoisse. Que fallait-il faire ? Qui sait ce que contenait ce paquet ? On ne cessait de frapper à l'intérieur, d'une manière de plus en plus frénétique. Paniquée. Brusquement, je me rendis compte que la chose dans la boîte avait peut-être besoin d'aide.
Dans le cas où il s'agirait d'un ennemi, j'allai chercher le taser qu'Elliot m'avait confié il y avait fort longtemps de cela. Je ne m'en étais jamais servi. Il faut une première fois à tout. Je le posai au sol, tout près de moi, et mis un genou à terre pour défaire le ruban et arracher le papier cadeau. Après quoi, je soulevai le couvercle en bois -la boîte ressemblait plus que jamais à un cercueil- et manquai de recevoir un coup au visage. Je me servis du couvercle comme bouclier, basculant en arrière et me rétablissant de justesse. Gardant le couvercle en équilibre dans une main, je me saisis du taser que je brandis dans la direction de la "surprise".
Je restai à demi-caché derrière mon bouclier de fortune, prêt à en découdre, quand je reconnus la personne au fond de la boîte.
"Mary ?" fis-je, perplexe.
Elle portait une robe rouge plutôt décolletée, dont la jupe légèrement relevée dévoilait de hautes bottes argentées. A moins qu'il ne s'agisse de chaussettes ? La matière semblait douce et malléable mais loin de moi l'impolitesse de vérifier. Je fronçai les sourcils sur ce détail, mais plus encore sur le noeud rouge passé dans ses cheveux. Elle était maquillée et poudrée. Des paillettes scintillaient sur ses pommettes, d'autres plus dorées sur ses paupières. C'était la première fois que je la voyais aussi avenante. Une véritable poupée de porcelaine. Si on omettait un détail : son regard terrifié.
"Es-tu allée à Magrathéa, toi aussi ? T'a-t-on kidnappée ?" m'enquis-je tout en la dévisageant, profondément soucieux.
Je ne m'attendais pas à la découvrir, elle ! Qui avait eu l'idée saugrenue de... me l'offrir en cadeau ? Il s'agissait forcément d'une lubie des aliens. Ils n'avaient décidément pas le sens commun.
La pauvre demoiselle paraissait en état de choc. Me rendant compte que je tenais toujours le couvercle et le taser, je les posai brusquement au sol pour me redresser et enlever mon pull afin de le passer autour de ses épaules. Elle grelottait. Je tentai de la rassurer de mon mieux :
"Tout va bien. C'est fini, maintenant."
Pourtant, rien n'était moins sûr.
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Mary Bates
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Où était-elle ? Comment était-elle arrivée ici ? Pourquoi ?
Ces questions qu'elle se posait s'étaient répétés inlassablement dès l'instant où sa conscience s'était réveillée. Elle ne voyait rien. Parce qu'il n'y avait... rien. Simplement l'obscurité qui était encore une fois son unique compagnie. Elle se conforta d'abord dans le déni, ce mécanisme extrêmement intelligent que mettait en place le cerveau humain pour ne pas reconnaître la réalité, puis fut envahie par la peur. Primaire. Angoissante. Etouffante. Sa respiration s'était accélérée en à peine quelques secondes jusqu'à lui donner l'impression qu'elle manquait d'air, sans qu'aucun cri ne parvienne à s'échapper de sa gorge serrée.
Ce n'est qu'un cauchemar, cherchait-elle à se convaincre tandis que le moindre petit mouvement lui faisait prendre conscience de l'espace restreint qu'elle occupait. Elle tenta de distraire son esprit par des pensées futiles pour ne pas être submergée par la panique, mais c'était déjà trop tard. Son esprit avait beau continuer de vouloir le nier, son corps réagissait de lui-même à cette scène qu'il connaissait déjà. Le souvenir de ses hurlements passés se mit à résonner dans sa tête, au point de l'en rendre sourde. Il lui semblait pourtant percevoir du bruit venant de... l'extérieur, non ? Avant même de comprendre ce qu'elle faisait, elle frappa cette surface qui semblait la surplomber.
Ses paumes devinrent rapidement douloureuses mais elle ne s'arrêta pas. Chaque nouvelle inspiration était plus insupportable que la précédente et chaque nouveau battement de son cœur l'oppressait un peu plus. Elle avait l'impression que les secondes duraient des heures. Combien de Temps encore devrait-elle subir ce supplice ? Qui viendrait l'aider ? Son souffle se coupa tandis qu'elle se redressait vivement. Elle ne réalisa pas même immédiatement qu'elle n'était plus prise au piège.
Si Mary entendit qu'on était en train de lui parler, elle était incapable de discerner les mots qui étaient prononcés, tout comme elle ne parvenait à voir précisément ce qui l'entourait. Elle demeurait figée en ressentant chacun de ses muscles frémir d'effroi, alors que son corps lui semblait contracté, presque courbaturé. Ses poings serrés vers ses jambes, ce ne fut que lorsqu'elle perçut un frôlement près de ses épaules qu'elle se dégagea avec brutalité, ses genoux heurtant la boîte dans laquelle elle était toujours installée.
« Ne me touche pas. » prononça-t-elle dans un souffle à peine audible, la tête baissée, sans jeter un regard à son interlocuteur. « Ne m'approche pas. »
Sans parvenir à se redresser, elle s'extirpa avec une difficulté certaine de cet endroit où elle avait été enfermée. Ses mains tremblaient lorsqu'elle y prenait appui et elle resta à même le sol pour s'en écarter une fois entièrement libérée.
« Je n'ai rien fais... Je n'ai rien fais pour mériter ça... » chuchotait la jeune femme alors que son cœur battait encore la chamade.
Une de ses mains passa sur ses yeux qu'elle frotta négligemment pour en faire disparaître l'humidité naissante. Elle examina ses doigts, indécise, en les voyant briller suite à ce simple geste. Ces paillettes n'avaient rien à faire là. Avec anxiété, elle étudia le reste de sa tenue, dont les longues chaussettes ne lui disaient rien. Elle se souvenait de cette robe, par contre, c'était bien la sienne et celle qu'elle portait... avant. Avant quoi ?
Sa crainte, toujours vive, était néanmoins quelque peu atténuée par une vague de doux soulagement à l'idée d'avoir retrouver l'air libre, par lequel elle se laissait volontiers traverser. C'était terminé, n'était-ce pas ce qu'il avait dit ? Quel ''il'' ? Elle releva doucement sa tête pour dévisager l'homme en question, ses yeux le scrutant avec attention et curiosité. Le Thanatonaute. Elle ne put empêcher un air surpris de se peindre sur son visage.
« Qu'est-ce que tu fais là ? »
Sa voix était teintée d'irritation tandis que ses interrogations qu'elle avait laissé de côté revenaient la frapper : où était-elle ? Elle serra ses bras contre son ventre avant de prêter davantage d'attention à l'endroit où elle se trouvait. Sa question envers l'écrivain était déplacée, maintenant qu'elle le reconnaissait. Il était chez lui.
« Qu'est-ce que je fais là... » rectifia-t-elle donc immédiatement dans un murmure.
Mary adopta alors, dans un automatisme, l'air de la suffisance qu'elle arborait habituellement. Elle ne pouvait se permettre de paraître misérable alors qu'elle n'était pas seule, et qui plus est en présence de ce Monsieur Verne. Qu'avait-il dit, déjà ? Il avait parlé de kidnapping ? Elle jeta un regard mauvais, les lèvres pincées, en direction de la boîte au sol qui avait à priori était soigneusement emballée. Elle sentit sa mâchoire se contracter tandis qu'elle se redressait, époussetant négligemment sa robe en contrôlant les tremblements qui l'animaient encore.
Elle n'attendit aucune invitation, puisqu'elle avait été... déposée ici contre son gré, elle estimait pouvoir se permettre de voguer dans le reste de la demeure sans qu'on ne lui en fasse le reproche. Etre entre quatre murs ne l'aidait pourtant pas à se sentir mieux, mais il lui fallait un repère dans tout cet espace. Quelque chose qu'elle connaissait.
« Sympa, la décoration. » lâcha la jeune femme, amère, en voyant enfin le piano qu'elle affectionnait gâché par ce sapin tout près de lui.
Elle ne supportait pas les festivités. C'était un étalage de bons sentiments, de fausses bonnes intentions, de mensonges envers les gamins qui pensaient qu'un vieux barbu venaient les couvrir de cadeaux en tout genre. Certains imaginaient même pouvoir se racheter de toutes les mauvaises choses qu'ils avaient fait en offrant une boîte de chocolats à la femme trompée, ou à la grand-mère laissée seule à la maison de retraite pendant les 364 autres jours de l'année. Toutes ces célébrations de décembre lui donnaient la nausée.
« C'est un coup monté avec un de tes amis ? » accusa-t-elle soudainement, pleine de méfiance. « Si tu désirais me voir tu n'avais pas à te donner autant de peine avec cette mise en scène sordide, tu aurai pu te contenter de m'appeler devant un miroir. C'est pour te venger de notre dernière soirée ensemble que tu as choisir d'agir ainsi ? »
Sans le désirer, elle se faisait plus virulente mais surtout... elle était blessée. Dans son orgueil et dans sa fierté, alors que son assurance naturelle était ébranlée. Elle tituba et se rattrapa de justesse à une petite table proche d'elle, tout en maudissant intérieurement son corps d'être aussi sensible et encore chamboulé par ce qu'il avait subit... sans arriver à se rappeler précisément des étapes qu'il avait traversé. Elle cherchait, en vain, à remettre en place les événements de sa journée. Elle avait passé une partie de sa journée à travailler, avant de faire ce passage automatique au bar et été déçue de n'y voir que des ivrognes inintéressants avant de rentrer chez elle. C'était banal. Il n'y avait rien eu de plus.
« Tu es trop... gentil pour être derrière tout ça. » estima-t-elle finalement dans un soupir sans attendre de réponse de sa part.
C'était une évidence. Jamais Jules ne tenterait de réveiller ses traumatismes ou d'en faire usage. Il n'avait pas le potentiel machiavélique nécessaire pour une telle manigance. Non. Il le pouvait très bien, tout le monde en était capable. Pourquoi pas lui ? Elle porta sa main à son front, presque rendu fiévreux par l'angoisse. Elle se détacha finalement du meuble dont elle avait failli faire tomber l'aquarium étrange et ses pas la menèrent jusqu'au sofa dans lequel elle s'installa.
« Je n'ai pas apporté de cadeau. » prononça-t-elle avec un certain sarcasme, tout en passant négligemment sa main dans ses cheveux lâchés. « Même si, apparemment, c'est moi ton fabuleux présent. Tu as beaucoup de chance. »
Elle lâcha en soupir en attrapa le nœud accroché sur sa tête, qu'elle agrippa nerveusement pour s'en défaire avec maladresse avant de le froisser entre ses doigts crispés. Elle était survoltée à l'idée que quelqu'un ait pu pénétrer dans son appartement et se servir d'elle comme d'un vulgaire pantin. Elle n'était pas un jouet qu'on pouvait emballer et offrir à qui que ce soit.
« J'ai besoin d'un verre. »
Ce n'était pas une demande, ni un ordre. Simplement une constatation qu'elle avait jugé nécessaire de faire à haute voix.
« Et si tu as quelque chose à manger, je ne suis pas contre non plus. Je crois que j'ai été droguée. » énonça-t-elle avec tout le naturel dont elle était capable à cet instant.
Elle reconnaissait les symptômes du retour brutal à la réalité et le contre-coup de la consommation de certaines substances. Des somnifères lui avaient été administrés d'une manière ou d'une autre. Cela expliquait l'origine de son inconscience tout comme le fait qu'elle n'avait que de vagues réminiscences des instants ayant certainement précédés sa... mise en boîte.
« J'imagine que tu avais d'autres plans pour ce soir ? C'est dommage. Maintenant que je suis là, je compte rester. Et tu ne me laissera pas seule pour le réveillon, n'est-ce pas ? »
Un sourire désabusé étira ses lèvres. Il était bien trop prévenant, alors que ça ne l'aurait pourtant pas dérangée. Elle était habituée après tout. Elle n'avait absolument rien de prévu, si ce n'était peut-être de sortir à un moment en espérant croiser la cannibale du quartier pour discuter. Cela dit, les conversations avec Jules étaient plus intéressantes, c'était un fait. Et il devait forcément y avoir une raison pour qu'elle ait été jugée être son ''cadeau'' idéal par un individu dont l'identité restait encore un mystère... A moins que cette personne soit juste extrêmement dérangée pour avoir jugé que la mettre sous le sapin était une bonne idée.
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Jules Verne
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Mon instinct de protection m'incitait à la réconforter, mais il me fallait respecter son choix et rester loin d'elle pour le moment. Je pouvais aisément comprendre son affolement : personne n'aime être enfermé dans une boîte. Il faudrait que j'en réfère à Hypérion, car les Magrathéens commençaient à se permettre beaucoup trop de libertés avec les Terriens.
Mon regard tomba sur la boîte que la jeune femme avait quittée, et j'y découvris un carton tout au fond, qu'elle n'avait heureusement pas écrasé. Il s'agissait d'une boîte à pâtisseries. J'enlevai le morceau de scotch et soulevai le couvercle pour me retrouver nez à nez avec un macaron de la taille d'une tarte, avec mon visage dessiné dessus par le biais d'un pochoir qu'on avait sûrement recouvert de chocolat noir. Mon visage actuel. Pas celui que tout le monde connaissait, avec la barbe blanche et les favoris. Je fronçai les sourcils, à la fois touché, décontenancé et plus que jamais dérouté par cette attention, car ce macaron était originaire d'Amiens. Il en avait la texture et l'odeur, mélange de miel, d'amande amère et de gelée d'abricot. J'aurais pu en reconnaître les arômes entre mille. Les aliens poussaient le bouchon extrêmement loin.
Préférant ne pas laisser Mary seule trop longtemps puisqu'elle était souffrante, je me relevai et me rendis jusqu'au salon de musique. A peine entré, elle m'accusa d'avoir fomenté sa mise en boîte. J'ouvris la bouche, offusqué qu'elle me pense capable d'une telle bassesse. Je posai le macaron sur la table basse et plaçai mes poings sur mes hanches tout en l'observant. Elle s'était appuyée contre le meuble de l'aquarium pour finalement s'en éloigner, chancelante, et s'assit sur le sofa. Pendant ce laps de temps, elle était arrivée toute seule à la conclusion que je n'étais pas l'auteur de l'abus dont elle avait fait l'objet. C'était heureux. J'aurais fort mal apprécié de devoir me justifier pour quelque chose que je n'avais pas commis.
Elle demanda à rester et un silence indécis lui répondit tout d'abord. Evidemment que j'avais d'autres projets. J'étais attendu chez Diane et mon absence risquait de se faire remarquer. Un instant, j'hésitai à proposer à Mary de m'accompagner, mais son teint pâle et son corps frissonnant m'incitèrent au contraire. Même si elle tentait de garder une contenance en arborant son habituelle expression méprisante, je lisais l'angoisse tapie au fond de ses yeux clairs. Je ne pouvais décemment pas lui imposer un dîner auprès de la "famille" Olympienne. Elle n'était pas en état de faire la fête.
"Je n'avais rien de prévu." mentis-je avec un sourire forcé. "Si tu veux bien m'excuser, je vais chercher de quoi boire et manger."
Cinq bonnes minutes plus tard, je revins avec un plateau chargé de boissons différentes, de deux flûtes et de biscuits apéritifs. J'avais été si long en raison d'un sms que j'avais eu beaucoup de difficultés à composer. Au final, j'avais appelé Diane depuis la cuisine, en chuchotant pour que Mary n'entende pas que j'avais d'autres projets pour la soirée.
"Les aliens exagèrent." déclarai-je, contrarié, tout en posant le plateau sur la table basse, près du macaron. "Tu n'es pas un cadeau ! Enfin... je veux dire que tu en es un, tu pourrais l'être, mais pas au sens propre du terme ! On ne met pas les gens en boîte, c'est d'une impolitesse ! Si je connaissais le numéro de monsieur Templeton, je l’appellerais sur-le-champ afin de montrer mon mécontentement !"
Je réalisai que la jeune femme n'avait dû rien comprendre à mon court monologue, aussi je tirai sur les pans de ma chemise, quelque peu nerveux et me penchai afin de lui montrer les différentes boissons à disposition.
"J'ai fait une sélection de rafraîchissements non alcoolisées, étant donné que tu as été potentiellement drogué. Mieux vaut ne pas faire de mélanges qui risqueraient de faire empirer ton état. J'ai de la citronnade, du thé glacé (j'esquissai une grimace en voyant les feuilles et autres résidus floraux flotter au coeur de la bouteille -Ellie buvait vraiment de drôles de choses), et Elliot a oublié du Coca-Cola quand il est venu, la dernière fois. Que préfères-tu ?"
Je me doutais que Mary préfèrerait de l'alcool, mais il faudrait qu'elle me passe sur le corps pour que je la laisse en boire. Cette réflexion plutôt imagée me fit cligner des yeux comme un épileptique et je m'éclaircis la gorge tandis que je me saisissais brusquement de la bouteille de citronnade.
"C'est la meilleure alternative pour le moment." décidai-je en versant le liquide dans la flûte à champagne.
Je fis de même dans mon propre verre avant de reposer la bouteille et de m'approcher de la sombre demoiselle. Je pris place à ses côtés pour poser ma paume contre son front. Il était assez chaud, ce qui n'était guère engageant puisque d'ordinaire, sa peau était froide. J'avais pu m'en apercevoir à plusieurs reprises.
"Tu as de la fièvre." estimai-je en écartant ma main. "Tu devrais te reposer. Pendant ce temps, je vais commander quelque chose pour le dîner. Ma domestique n'est pas là mais nous allons réussir à nous débrouiller."
J'étais confiant. Après tout, ce n'était pas compliqué d'appeler un traiteur le vingt-quatre décembre au soir.
Après dix minutes de coups de téléphone divers et variés...
J'étais assis au bord de mon fauteuil, la tête dans les mains, les coudes sur les genoux. Mon regard restait fixé dans le vide. Je voyais à peine le sapin lumineux, encore moins les flammes danser dans la cheminée. Je venais d'appeler tous les traiteurs et restaurants à domicile de la ville. Plus aucun ne livrait à cette heure avancée de la soirée. Et je ne pouvais décemment pas déranger mes amis pour leur demander de faire apparaître un repas, ce serait déplacé.
"C'est fâcheux." articulai-je finalement. "Il semblerait que le destin nous oblige à endurer le Carême à Noël, cette année."
Ma plaisanterie n'était pas drôle. Je sentais mon estomac vide protester.
"Nous avons toujours le macaron."
Je désignai la boîte à pâtisseries sur la table basse avec un sourire résigné, même si j'aurais préféré éviter de le manger. Après tout, s'il provenait véritablement de Magrathéa, il y aurait forcément des effets secondaires que je n'avais nulle envie d'expérimenter.
"Peut-être y a-t-il de bonnes choses dans les placards de la cuisine ?" suggérai-je, incertain. "Je ne peux rien garantir : je m'y rends rarement."
D'ordinaire, les repas étaient assurés par Bernadette, et supervisés par Ellie quand la domestique prenait trop de libertés avec la nourriture -comme faire des mélanges douteux avec l'eau de Javel.
J'adressai une moue dubitative à Mary. A peu de choses près, cela risquait d'être le pire réveillon de Noël de toute notre vie.
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Sa flute de limonade dans la main, elle s'était enfoncée dans le sofa pour l'observer passer ses nombreux appels infructueux. C'était affligeant, toute cette naïveté qui se dégageait de cette illustre personnalité. Comment pouvait-il avoir espéré l'espace d'une seconde que quiconque livrerait à la dernière minute en ce jour de l'année ? Bien qu'elle ne s'intéressait pourtant pas même de loin à ses festivités, elle avait pleinement conscience de la stupidité d'une telle idée. Même les alternatives moins engageantes dont sa pizzeria ''préféré''e avaient fermé plus tôt pour permettre à tout le monde de célébrer en famille. C'était au moins une raison de plus pour ne pas apprécier cette date que tout le monde traitait de façon si particulière.
Mary se redressa légèrement, la bouche pincée, à la recherche d'une raison qui justifierait les égards de cet écrivain. Il pouvait prétendre ce qu'il voulait, il était forcément attendu ailleurs. Il avait des amis. Des proches. Un entourage. Et si il avait déjà prouvé qu'il débordait d'une gentillesse extrême presque écoeurante, elle s'était attendue à davantage de protestations de sa part. C'était presque décevant. Elle n'allait pas s'en plaindre pour autant... bien qu'elle aurait pu.
« Je t'ai connu meilleur hôte que ça... » lâcha-t-elle d'un ton amusé tout en vidant son verre d'un trait.
Elle ne put s'empêcher de lâcher un grimace. C'était trop gazeux et acide à son goût. Si il savait à quel point elle avait déjà habitué son corps aux mélanges divers et variés depuis des années, il ne craindrait pas que cela ait le moindre effet néfaste sur sa personne. C'était même sans doute le seul moyen pour elle de retrouver la forme.
« Le macaron fera l'affaire. Je suppose que tu n'as aucun talent en cuisine et je ne veux pas prendre le risque de finir empoisonnée. » poursuivit-elle en se penchant vers la boîte.
Elle était peu incline à préparer elle-même quoi que ce soit d'à peu près satisfaisant à déguster. Ce n'était pas un domaine dans lequel elle excellait et si Jules se montrait constamment serviable, ce n'était pas son cas. Elle n'était pas là pour remplacer sa domestique. Quoi qu'elle ne savait même pas ce qu'elle faisait ici.
Elle ouvrit de grands yeux alors qu'elle venait de soulever le couvercle en carton et sa bouche s'ouvrit pour laisser échapper un faible rire spontané.
« Ça aussi, ça vient des aliens ? »» interrogea la jeune femme, clairement moqueuse, en observant avec attention le moindre détail sous ses yeux. « On peut maintenant affirmer que tu es plutôt appétissant peu importe la forme sous laquelle tu te présentes. »
Le portrait était réussi, c'était un fait. Un peu trop même. Elle tourna à peine la tête pour dévisager son hôte, un sourire en coin aux lèvres, sachant qu'elle n'aurait aucune explication de sa part concernant ce présent étrange. Il ne devait pas comprendre mieux qu'elle ce qui se passait.
« J'imaginais que qui que ce soit ayant organisé tout ça me détestait profondément ou voulait au moins gâcher ta soirée. A l'évidence, je me suis trompée, ça a l'air de partir d'une bonne attention. » estima-t-elle alors qu'elle s'emparait de la boîte pour la poser sur ses genoux. « Mais pourquoi est-ce que des petits hommes d'une autre planète auraient prit le temps de m'emballer avec ce magnifique gâteau ? Pour gonfler ton égo ou pour te faire plaisir, peut-être ? »
Elle exprimait pour une fois davantage de réelle curiosité que du dédain. Elle ne niait pas la possible existence d'autres espèces dans l'univers, ça aurait été bien idiot de sa part alors qu'ils venaient tous d'autres contrées très lointaines et que la personne près d'elle était un écrivain supposé mort depuis des décennies. Si la magie était de ce monde, tout était envisageable. Ce qui l'intéressait davantage, en réalité, était ce qu'elle venait dans cette histoire.
« Est-ce que ça te fait vraiment plaisir de me voir au moins, ou est-ce qu'ils se sont trompés sur toute la ligne ? »
Une moue faussement chagrinée prit place sur ses traits tandis qu'elle faisait battre ses cils de la manière la plus adorable possible. Elle ne parvint à maintenir l'illusion très longtemps et finit par lever les yeux au ciel. Elle n'arrivait toujours pas à définir si elle était satisfaite de la tournure des événements. Elle était encore trop agacée et plus perturbée qu'elle ne se l'avouait par la manière dont les choses s'étaient produites.
Sans attendre d'approbation particulière, elle cassa délicatement un tout petit morceau de la coque supérieure et le porta à ses lèvres. Elle arbora une mine sceptique tandis qu'elle le mâchait lentement, restant immobile de longues secondes avant de hausser ses épaules.
« C'est réussi. Ils ne se sont pas moqué de toi sur la qualité. »
C'était passable en tout cas. Elle ne prenait jamais un grand plaisir à manger, peu importe de quoi il s'agissait, c'est bien pour ça qu'elle se contentait du minimum. Repoussant la boîte sur la table, elle frotta légèrement ses mains l'une contre l'autre avant d'ajouter :
« Mais ça me ferait trop de peine d'abîmer un si joli visage et ce serait terriblement cruel de ma part. Je te laisse l'honneur de te découper. »
Exagérément flatteuse, elle se releva en lissant les pans de sa robe. Elle ne supportait pas de rester assise, cela la faisait paraître faible, il l'avait bien fait remarquer. Même si le moindre mouvement suscitait des vertiges, elle pouvait les supporter et les contrôler si cela lui permettait de faire bonne figure.
« Qu'est-ce qui t'est arrivé ? » questionna-t-elle finalement, ses doigts allant glisser le long du piano avec douceur. « Je veux tout savoir sur Magrathéa, peu importe ce que ça peut être. Ou sur cet homme à qui tu voulais te plaindre. N'omets aucun détail. »
Sa tête se pencha quelque peu tandis qu'elle pivotait dans sa direction. Elle n'avait aucune intention de jouer. Pas ce soir, pas maintenant. Elle n'était pas d'humeur. Elle préférait l'écouter parler pour l'instant. Elle avait l'impression qu'à chaque fois qu'elle le croisait de nouveau, il avait une nouvelle aventure à son palmarès. Pour qu'il soit si obnubilé au sujet des aliens, il devait avoir quelques anecdotes à partager. Après avoir survécu à un Titan, quelle autre histoire avait-il bien pu vivre cette fois ? Avait-il été aussi décadent qu'il avait promit de le devenir pendant cette dernière ? Elle se surprenait à vouloir le savoir. Pas par intérêt, mais comme pour en ressentir l'expérience... par procuration. Il était à l'opposé de toute la morosité et la fadeur qu'elle ressentait dans sa propre existence.
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Jules Verne
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un pianiste est un homme déguisé en croque-mort, avec en face de lui, constamment, son piano qui ressemble à un corbillard.
Cette citronnade était immonde. Rien à voir avec celle que j'avais eue le plaisir de siroter dans mon jardin, à mon époque. Celle-ci avait un arrière-goût désagréable, preuve de son empreinte industrielle. Peut-être était-ce en raison de son conditionnement ? Le plastique est connu pour être un contenant qui détériore l'identité d'un aliment, tout comme le métal. Il faudrait que j'en touche un mot à Bernadette, afin qu'elle n'achète que des bouteilles en verre, désormais. Une fois encore, je subis un désenchantement, qui fut heureusement passager puisque Mary m'adressa un compliment fort bien tourné.
On peut maintenant affirmer que tu es plutôt appétissant peu importe la forme sous laquelle tu te présentes.
Elle avait prononcé ces mots tout en observant le macaron sur lequel était représenté mon visage. J'affichai une moue faussement modeste, alors que je sentais mes oreilles s'échauffer. C'est que je n'avais plus l'habitude aux flatteries. J'esquissai un sourire qui se dissipa très vite quand elle posa cette question :
Est-ce que ça te fait vraiment plaisir de me voir au moins, ou est-ce qu'ils se sont trompés sur toute la ligne ?
A cet instant, j'écarquillai les yeux et entrouvris la bouche, le souffle coupé. Comment répondre à une telle chose ? Montre-toi éloquent, Jules. Fais honneur à ta réputation. Le souci étant que je n'avais jamais été un grand orateur, encore moins lorsqu'il s'agissait du chapitre très délicat concernant le beau sexe. Les nombreuses gifles mentales que j'avais prises m'enjoignaient à la prudence, cette fois. Bien trop souvent, j'avais ouvert mon coeur à la mauvaise personne. Bien trop souvent, on avait piétiné mes sentiments ou jeté mes poèmes au feu comme de vulgaires journaux (sur ce dernier point, je n'en voulais à personne, car mes écrits en ce domaine étaient médiocres). De plus, je n'envisageais pas Mary de cette manière. J'ignorais de quelle façon la considérer, à dire vrai. Elle n'était pas une amie, mais elle n'était pas non plus une amante. Presque pas.
Une nouvelle fois, je me sentis embarrassé et reposai mon verre. Son roulement d'yeux termina de me conforter dans l'idée qu'elle ne pourrait jamais prétendre à davantage. Son attitude était si méprisante !
Je frémis en entendant un craquement à la fois sec et discret. Elle venait de casser un morceau du chocolat sur le dessus du macaron. Je la fixai, médusé, alors qu'elle le portait à ses lèvres. Cet instant me parut infiniment étrange. Elle était en train de... me manger. Comment devais-je réagir ? C'était à la fois incroyablement insolent et audacieux. Grisant, également, d'une certaine façon. Un étrange fourmillement s'empara de moi et je secouai la tête pour me ressaisir.
Anxieux, j'attendis qu'elle développe des effets secondaires, mais visiblement, le macaron était des plus normaux. Le comportement de la jeune femme demeurait inchangé. A présent qu'elle avait goûté la pâtisserie en précisant qu'elle était très bonne, je jetai des coups d'oeil frénétiques à la boîte entrouverte, résistant tant bien que mal à l'envie de la manger. Je craignais toujours la fourberie des Magrathéens. Je risquais d'y réagir différemment. Dans le doute, mieux valait être raisonnable.
A contrecoeur, je détournai donc mon attention du macaron pour poser les yeux sur la sombre demoiselle qui caressait les touches du piano sans les enfoncer. Elle semblait presque songeuse. Repensait-elle à la nuit de notre rencontre, quand nous avions joué à quatre mains ?
Cela faisait partie de mes meilleurs souvenirs, malgré la crainte qu'elle m'avait inspirée en apparaissant ensanglantée dans le reflet du miroir. Ellie préférait les partitions en solitaire et je ne pouvais la forcer à m'accompagner. En dehors de ces deux personnes, nul à ma connaissance ne savait jouer du piano. C'était un talent qui tombait en désuétude, dans ce XXIème siècle décadent. J'en étais toujours surpris, en réalité, car à mon époque, toute jeune fille accomplie savait jouer d'un instrument de musique.
Mary réclamait une histoire, mon aventure parmi les aliens, et son dédain habituel était voilé par un soupçon de curiosité qui égayait ses jolis yeux. Elle aurait pu être ravissante si elle ne faisait pas la tête sans arrêt. Cette réflexion me laissa tout aussi pensif qu'elle, mais pour une toute autre raison.
Sommes-nous responsables de notre malheur ? Le bâtissons-nous comme d'autres érigent leur bonheur qui devient si détestable pour ceux qui n'y ont pas accès ? Ou qui se le refusent ? Tout ceci m'incita à emprunter une toute autre direction dans la conversation.
"Et si, à la place de Magrathéa, je te racontais une histoire bien plus attrayante ?" proposai-je tout en me levant du fauteuil.
Je m'avançai de quelques pas tout en restant à une distance convenable.
"Notre morceau à quatre mains a été un grand moment pour moi. Avant toi, je n'avais plus trouvé d'osmose particulière au piano avec qui que ce soit, et je ne pensais pas en retrouver un jour. Tu joues avec une mélancolie douloureuse qui a fait écho à la mienne, je pense." dis-je tout en posant la main contre mon torse sans vraiment réfléchir à l'impact de mes gestes ou de mes paroles. "J'ai connu une autre Marie qui jouait avec beaucoup plus d'allégresse que nous, avant que la vie ne ternisse ses idéaux de jeunesse. Il s'agissait de ma plus jeune soeur, ma petite préférée."
Je la revoyais encore, assise face au piano dans une maison similaire mais située à Amiens, animée par la musique qui naissait de ses doigts. Après le dîner, nous étions alors tous suspendus à ses mélodies... jusqu'à ce qu'elle ouvre la bouche et qu'elle se mette à chanter. La magie s'interrompait instantanément, car si ma plus jeune soeur était douée au solfège, ses cordes vocales étaient incapables de produire des sons justes. Hélas, il fallait à chaque fois qu'elle chante. A cette pensée, un bref sourire nostalgique m'échappa.
"Elle était une piètre chanteuse, et elle s'acharnait à s'y employer malgré tout. Son obstination était remarquable, à défaut de ses vocalises."
Pendant que je parlais, je m'étais encore rapproché. Désormais, je me tenais tout près de Mary, et mes doigts effleuraient les touches à leur tour.
"Ceci n'est pas une déclaration." précisai-je brusquement en plissant des yeux, car la sournoiserie en matière de séduction était plutôt prononcée chez la jeune femme (et je préférais m'en méfier). "Je n'utiliserais pas ma regrettée soeur à de pareilles fins. Je trouvais seulement opportun de faire remarquer le parallèle entre les deux Mary. Ainsi que de mettre en lumière que ce soir-là, nous avons créé quelque chose de substantiel, toi et moi. Quelque chose qui compte."
Je laissai flotter un petit silence puis j'ajoutai tout en fixant la sombre demoiselle avec assurance et une once de sévérité :
"Quand on joue d'un instrument, on ne peut mentir. Ce que l'on transmet à travers la musique est vrai. J'ai aimé ce que j'ai perçu à travers toi, cette fameuse nuit. Ce que tu n'as montré que cette fois-là."
Afin de briser le sérieux de cet instant, j'enfonçai quelques touches avec hardiesse et rapidité, de sorte à jouer un air de Mozart, avant d'esquisser un sourire légèrement suffisant. J'étais plutôt satisfait de mon petit monologue, car je le savais fondé. Et elle aussi, j'en étais persuadé.
C'est alors qu'une idée me traversa l'esprit avec la violence d'un boulet de canon.
"Nom d'un petit bonhomme !" m'écriai-je subitement en plaquant la main contre mon front.
Je lançai un regard dérouté à Mary avant de m'éloigner en vitesse. Alors que je me dirigeai vers le jardin d'hiver, je me retournai brusquement.
"Ne bouge pas ! Je reviens ! Je dois consulter un livre de toute urgence !"
Je montai l'escalier de la Tour quatre à quatre, allai récupérer un ouvrage dans la bibliothèque attenant à mon cabinet d'écriture -fort heureusement, je n'eus aucun mal à le trouver puisque je l'avais encore consulté la veille- et redescendis aussi sec.
"Voilà !" lançai-je tout en rejoignant Mary d'un pas énergique.
Il était curieux comme par moments je n'avais plus aucun élancement à la cheville. Je ne boîtais plus et ne ressentais plus aucune douleur. Il y avait des jours avec, et des jours sans, comme on dit. Ellie supposait que cela venait du fait que ma blessure fantôme soit une anomalie qui résonnait à travers le Temps et l'espace. Elliot théorisait d'une façon beaucoup plus basique : pour lui, tout était dans ma tête. J'aurais volontiers prêté ma souffrance lorsque je l'éprouvais, afin qu'il puisse juger par lui-même à quel point elle était "imaginaire".
Je chassai ces pensées parasites pour tendre le livre à Mary, et lus la couverture à haute voix en même temps qu'elle la découvrait :
"Tout savoir sur l'hypnose, par Messmer. J'ignore si tu as déjà entendu parler de lui, mais c'est une pointure en la matière. Bien que je sois plutôt sceptique concernant le paranormal, force est de constater que le bizarre existe. Tu en es la preuve vivante, ainsi que bon nombre d'habitants de cette ville. Mon ami Elliot m'a offert cet ouvrage et je l'ai étudié ces derniers jours. Il est expliqué comment hypnotiser quelqu'un en plusieurs étapes."
J'affichai une moue faussement modeste. J'étais autodidacte. Dans de nombreux domaines, j'apprenais extrêmement vite. Depuis toujours, il s'agissait de l'une de mes principales qualités.
"Pour l'instant, la seule personne sur laquelle je me sois entraînée est Bernadette, ma domestique, mais le résultat a été concluant... je crois."
Je re-songeai à nos séances, plutôt sceptique. La créature avait tout d'abord fixé la bougie, très concentrée, puis au bout d'un moment, j'avais cru qu'elle était sous hypnose, jusqu'à ce que j'entende un ronflement continu. La pauvre s'était endormie sur sa chaise ! A chaque fois, il en avait été ainsi.
Mary n'était pas obligée de connaître tous les détails. Je me sentais capable de le faire et c'était tout ce qui comptait !
"Ne veux-tu pas savoir qui t'a mise en boîte ? Grâce à l'hypnose, je pourrais te ramener à un stade antérieur de ta conscience. Nous obtiendrons toutes les réponses ! Et nous pourrons enfin obtenir justice !"
Peut-être étais-je un peu trop exalté ? Calme-toi, Jules. Le but n'est pas de l'effrayer. Je m'efforçais de paraître plus pondéré même si mes yeux pétillaient d'impatience.
Laissant le livre entre les mains de la jeune femme, je me dirigeai vers la cheminée afin de récupérer plusieurs chandelles que je disposais sur la table de la salle à manger.
"Ici, nous serons mieux installés." proposai-je.
J'espérais de tout coeur qu'elle allait accepter cette petite séance improvisée. Ce n'était que dans le but de lui rendre service, bien entendu. Et également celui de me perfectionner. Je n'y pouvais rien si je trouvais l'hypnose extrêmement intéressante, tout compte fait ! Je me demandais si je parviendrais un jour à endormir une personne d'un claquement de doigts ou à conditionner son esprit à agir en temps voulu à un stimuli extérieur. D'une certaine façon, les hypnotiseurs étaient des chefs d'orchestre. Ils donnaient la cadence aux hommes-instruments.
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Mary Bates
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half-savage and hardy, and free.”
| Conte : Folklore | Dans le monde des contes, je suis : : Bloody Mary
What if I let you and you don't like what you see ?
These walls are super high so don't even try to get any closer.
Il l'agaçait profondément dans des moments comme celui-là. Quand il se plaisait à partager des anecdotes qu'elle n'avait pas demandé, quand il lui exposait un récit dont elle se fichait en esquivant les faits qu'elle avait réclamé à connaître. Etait-ce volontaire de sa part dans le but de la contrarier à sa manière, ou était-il simplement trop passionné par son passé dans lequel il semblait se perdre parfois ? Mary arborait une moue désappointée alors que ses yeux fixaient encore le piano duquel il s'était déjà éloigné. Elle n'avait certainement rien à voir avec sa sœur. Il n'y avait pas de parallèle à faire. Pas de déclaration non plus, en effet. Qu'il la considère talentueuse n'était pas quelque chose qui la surprenait, qu'il s'imagine que ce qui c'était passé puisse ''compter'' la faisait néanmoins s'interroger.
« Moi aussi, j'ai aimé. » chuchota la jeune femme dans un soupir las.
Elle évitait la plupart du temps de se remémorer cette soirée, ou du moins cet instant particulier. Son avidité l'avait poussé à rester, à tenter de le prolonger, à s'attarder toute une nuit pour s'accrocher à la sérénité passagère que cela lui avait procuré. Mais le souvenir était teinté d'amertume, puisque retrouver sa langueur quotidienne avait été encore plus pénible. Elle avait abusé du plaisir et ne s'en sentait que plus vide. Ça n'avait été qu'un soulagement bref et futile. Insignifiant. Décevant, comme toujours.
Elle était consciente que ses mots n'étaient entendus que par elle, puisqu'il s'était volatilisé pour... un livre. Elle ne cherchait pas à comprendre ce qui avait bien pu lui passer par la tête, sachant qu'elle ne tarderait pas à le découvrir. Il n'avait pas à s'inquiéter qu'elle cherche à s'en aller, elle ne comptait pas rentrer à pied dans cette tenue et subir le froid de la saison. Et elle ne se sentait pas si mal dans cette grande maison.
Mary fut quelque peu prise de court par le dynamisme qu'il dégageait lorsqu'il revint dans la pièce. Elle le jugea du regard en attrapant le bouquin tendu, se retenant de lui rappeler qu'elle ne supportait pas de s'imposer la moindre lecture. Au moins, ce n'était pas un roman. Mais elle était loin de partager l'engouement de l'écrivain et la perplexité qu'affichait ses traits devait être une expression suffisante de sa méfiance.
Evidemment qu'elle connaissait le principe de l'hypnose, même si le nom de cette ''pointure'' ne lui disait absolument rien. Elle n'avait pas grand chose à faire de cet homme. Elle supposait qu'il pouvait tout aussi bien s'agir d'un charlatan du monde réel ayant profité de la crédulité de la race humaine pour se faire une célébrité sur du vent.
« On est loin du rite du miroir ou du mythe des fantômes... Tu me trouves vraiment bizarre ? »
Elle releva la tête dans sa direction, un sourcil haussé et un sourire en coin dessiné sur ses lèvres. C'était bien le terme dont il avait usé. Elle ne le prenait ni comme un reproche, ni comme un compliment. Elle aurait pu se décrire ainsi elle-même. Elle ne s'expliquait plus vraiment sa nature depuis qu'elle avait retrouvé ses souvenirs. Elle avait été vivante, morte, une entité parmi tant d'autres. Elle ne devrait pas être de ce monde. Cela dit, avoir retrouvé la mortalité était moins déplaisant qu'on pourrait le penser. Au moins, son existence la menait forcément vers un but, même si c'était celui de la mort.
« Ça n'a rien de paranormal comme pratique. Ce n'est que de la suggestion, de la manipulation de l'esprit. » prononça-t-elle en tournant distraitement les pages de l'ouvrage. « C'est un mécanisme pour atteindre un état de conscience modifiée, plutôt qu'un stade antérieur. Il y a une nuance. »
Elle ne voyait pas cette pratique comme étant correcte. Elle estimait que briser les limites de la conscience, que de vouloir atteindre quelque chose qui ne l'était pas, ne pouvait rien apporter de positif. Si des barrières existaient, ce devait être pour une raison. Quelle idée de vouloir les dépasser, découvrir ce qui se trouvait au-delà ? Elle savait également l'utilité que cela pouvait avoir. Dans les luttes contre les addictions. Dans les méditations. Dans la gestion des traumatismes.
« J'ai suivi des cours à ce sujet, en médecine. C'était une option du programme. » poursuivit-elle dans un haussement d'épaules, tout en laissant le livre près des chandelles qu'il avait disposé.
Chacune de leur rencontre lui semblait devoir être marquée d'une façon ou d'une autre par une touche de mystique, et cette constatation lui fit légèrement secouer la tête. Peut-être imposait-t-elle inconsciemment cette atmosphère par sa propre présence.
« Cela dit, il ne s'agit que des souvenirs d'une fausse existence qui a été implantée dans ma mémoire par le biais du Sort Noir. Un autre niveau d'hypnose, dans un sens. Si on voit les choses sous cet angle, Regina Mills est bien plus talentueuse que ce Messmer dans ce domaine. »
Sans développer davantage son point de vue, elle sortit de la pièce pour rejoindre un instant le salon de musique, simplement pour récupérer la boîte de pâtisserie qu'ils y avaient laissé. Elle revint rapidement pour délicatement la poser sur la table et resta hésitante quelques secondes, portant son regard tout autour d'elle.
« Ne bouge pas. Je reviens. » lança-t-elle évasivement, en écho à la manière dont il s'était lui-même éclipsé juste avant.
Si Mary n'avait pas encore eu l'occasion de visiter l'entièreté de la demeure, ayant surtout enregistré l'emplacement de la chambre de l'écrivain, elle supposait qu'il ne lui serait pas difficile de trouver la cuisine dans laquelle il ne se rendait jamais. Elle ne s'attardait pas de toute manière, peu curieuse de découvrir le moindre recoin et se focalisant sur ce qu'elle désirait trouver. Le plus long fut d'ouvrir chaque tiroir une fois qu'elle se retrouva dans la bonne pièce, jusqu'à tomber sur un couteau assez aiguisé à son goût.
« J'ai trouvé ce que je voulais. » annonça-t-elle en présentant avec adresse l'objet dans sa main, tout en revenant se placer juste à côté de lui.
Dans un geste appliqué, elle fit glisser la boîte dans leur direction. Après un moment de léger flottement et de réflexion, elle se décida finalement à enfoncer lentement la lame dans le macaron.
« Pourquoi j'accepterai d'être ton cobaye ? » l'interrogea-t-elle alors, presque défiante, alors même qu'elle découpait son visage. « Des réponses ne m'apporteront rien, si seulement on parvient à en avoir, puisque tu ne me laissera pas obtenir ''justice'' comme je l'entends. Je suis une adepte de la vengeance radicale, ce n'est pas ton cas. Ça fait partie de nos nombreuses différences. »
Elle ne le sermonnerait pas. Si elle ne comprenait pas la stupidité de la race humaine, elle admettait que chacun possédait sa propre perception des choses. A vrai dire elle ne pensait pas vraiment à quelque chose de sanglant non plus. Elle s'imaginait davantage trouver la phobie la plus extrême de l'individu coupable pour la lui faire subir indéfiniment. C'était un plan qui lui paraissait plus satisfaisant qu'ôter la vie et qui serait équitable, d'une certaine façon : on lui avait fait vivre sa plus grande peur, elle ne ferait que rendre la pareille.
Sa tête se pencha tandis qu'elle taillait avec application la pâtisserie, ayant déchiré les bords de la boîte en carton pour pouvoir le faire avec plus d'aisance. Se concentrer de la sorte sur une tâche aussi simple la détendait étrangement.
« Ce n'est pas grave, c'est ce qui te rend intéressant. Mais cela signifie aussi que je n'ai aucune bonne raison d'accepter. »
Elle posa le couteau à plat sur la table, une fois sa besogne achevée, plutôt satisfaite de sa dextérité. C'était néanmoins du gâchis de déformer ainsi un si beau portrait. Elle pivota vers lui, préférant porter son regard vers la version originale plutôt qu'une pâle copie.
« Tu n'en veux pas ? » interrogea-t-elle, d'un ton quelque peu caressant. « Non pas que ça me dérange d'être la seule à te dévorer. Je suis affamée. »
Sa main s'était naturellement portée à hauteur du col de l'écrivain, tandis qu'elle le détaillait sans vergogne. Ses doigts glissèrent vers son torse contre le tissu de son vêtement, alors que son regard restait planté dans le sien. C'était toujours aussi plaisant de tester les limites de cet homme. Parfois, il lui rappelait James. Du moins, le James qu'elle pensait connaître, celui qui était irréprochable en tout point. Elle attendait simplement que la façade se brise comme c'était toujours le cas.
« J'accepte. » susurra-t-elle, sans se départir de son demi-sourire amusé. « Rien que pour te faire plaisir. Sans aucune autre forme de compensation. »
Elle était véritablement sincère. Pourtant, l'altruisme était loin de faire partie des qualificatifs pouvant lui coller à la peau. Elle n'était pas non plus égoïste pour autant. Elle-même peinait à cerner son propre fonctionnement et se contentait d'agir de la manière qui lui paraissait la plus satisfaisante sur le moment. Elle estimait ne pas prendre de grands risques dans cette situation précise.
« Je ne te promets pas que ça fonctionnera. J'ai développé une certaine résistance mentale au fil des années. » le prévint-elle. « Mais disons que tenter le coup est une façon de me montrer... optimiste ? Ça compte, non ? »
Si c'était le cas, elle s'estimait largement gagnante dans le défi qu'il avait lui-même lancé. Pour être honnête elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'il attendait réellement et ne cherchait pas vraiment à le savoir. Ce n'était pas comme si elle considérait qu'elle lui devrait réellement quelque chose si il finissait par l'emporter. Elle ne donnait que lorsqu'elle le désirait.
Cessant le contact de sa main contre lui après qu'elle se soit quelque peu attardée en bas de sa chemise, elle écarta l'une des chaises de la table et s'y installa nonchalamment en prenant un morceau du macaron géant. Il manquait toujours une bouteille pour compléter ce tableau. Ce n'était pas parfait. Mais après tout, elle était habituée, ça ne l'était jamais.
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Jules Verne
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Observe attentivement la bougie en respirant calmement.
J'appréciais d'entendre le mot "optimiste" dans la bouche de la sombre demoiselle. Il s'agissait d'un net progrès. Ainsi, elle n'avait pas oublié le petit défi que je nous avais lancés. L'avait-elle tenu avec rigueur ou s'en était-elle souvenu qu'en ma présence ? Peu importait, dans le fond. J'étais heureux qu'elle y fasse allusion.
"Evidemment, cela compte." dis-je avec l'ombre d'un sourire espiègle.
Elle n'avait pu s'empêcher d'effectuer un certain rapprochement tout en me parlant, ce dont je n'avais aucune envie de la blâmer. C'était toujours agréable d'être sollicité par une jolie jeune femme. Qui plus est, ses doigts que j'avais deviné froids m'avaient fait frissonné sous ma chemise. Quelque peu électrisé par ses propos concernant le macaron et ses récents contacts, je me décidai à prendre une part de gâteau et la dégustai tandis que Mary prenait place sur une chaise. La pâtisserie avait le goût d'autrefois. Les ingrédients étaient assurément de la meilleure qualité. J'en fermai béatement les yeux un court instant, savourant ce délice venu d'une autre époque. Les aliens étaient-ils véritablement capables de produire cette perfection ? Je commençais à envisager l'éventualité que le macaron était un cadeau de quelqu'un d'autre. Cependant, je ne parvenais pas à imaginer qu'un de mes proches puisse songer à m'offrir Mary. C'était si absurde et insensé ! Même Elliot ne serait pas inconscient à ce point !
J'avalai la dernière bouchée en réprimant difficilement un soupir d'extase, puis époussetai mes doigts afin d'en chasser les miettes, pour disposer ensuite la chandelle au milieu de la table. Je me saisis des autres candélabres afin de les placer aux quatre points cardinaux de la salle à manger. Il y en avait plus d'une dizaine.
"Risquons-nous à garder un peu de lumière. J'ai cru comprendre que tu as un différend avec l'obscurité." déclarai-je d'un ton entendu.
La pièce devait baigner dans le clair-obscur afin que l'hypnose soit la plus efficace possible. Je fermai la porte menant au salon afin que l'éclat du sapin et du lustre ne nous dérangent pas. Après quoi, j'allai prendre place à table, juste en face de la sombre demoiselle. Elle ressemblait à une statue de cire, sa peau pâle reflétant curieusement, de façon presque irréelle, les lumières des chandelles. Je m'éclaircis la gorge, réalisant que l'exercice allait se révéler bien plus déroutant qu'avec Bernadette.
"Nous allons commencer. Concentre-toi sur la chandelle devant toi et vide ton esprit. Ne pense plus à rien. Ecoute seulement le son de ma voix."
J'attendis quelques secondes puis ajoutai :
"Respire profondément. Prends tout ton temps. De longues inspirations et expirations."
Une sonnerie électronique assez lointaine me fit subitement sursauter. Vertuchou ! J'aurais dû débrancher tous les téléphones. Il était impossible de rester concentré avec ce bruit intempestif.
"Je reviens." maugréai-je, contrarié, tout en me levant.
Je me rendis jusqu'au salon et récupérai le téléphone portable qu'Elliot m'avait offert deux ans plus tôt. J'aurais souhaité l'éteindre, mais par un obscur procédé, le maudit appareil accepta la communication. De surcroît, l'appel était en visiophone. C'était stipulé juste en dessous de l'image animée représentant monsieur Roberto Begnini. Je fronçai les sourcils sans comprendre, et écarquillai les yeux en entendant l'italien s'exclamer tout en souriant :
"Joules ! Buongiorno ! Et sourtout buon Natale ! Alors tou fêtes bien ?"
Je clignai des yeux, indécis, avant d'approcher le téléphone de mon oreille.
"Bonsoir Roberto. Merci, joyeux Noël à toi aussi. Mais par quel...?"
"Eloigne lé portable dé ta tête ! Jé té vois pas !" coupa-t-il en éclatant de rire. "Voilà c'est mieux commé ça ! Nicoletta mi amor ! Viens dire bonjour à mon ami Joules !"
Décontenancé, je vis une femme apparaître dans le champ de vision. Elle m'adressa un sourire sympathique auquel je répondis par un salut de la main incertain.
"C'est lé bonheur !" reprit Roberto aussitôt. "On est avec touté la familia ! Les bambino, la mama, la nonna ! Et toi ? Tou m'a l'air tout crispé ! Tou fais une soirée aux chandelles ?"
Il bougeait la tête de gauche à droite comme pour mieux voir ce qui se trouvait derrière moi. Je réalisai alors que j'avais laissé la porte menant à la salle à manger entrouverte. Il avait donc aperçu les nombreuses chandelles et probablement Mary, car bientôt, il haussa les sourcils d'un air aguicheur.
"Oh, je vois. N'en dis pas plous ! Je té laisse, amico mio. Mes hommages, chère madame !" lança-t-il plus fort à l'adresse de la jeune femme.
Je passai une main sur mon front tout en retournant vers la salle à manger.
"La bellissima principessa n'est pas avec toi ?" demanda-t-il soudain.
"Non, Cassandre est ailleurs." soupirai-je en sachant aussitôt de qui il parlait. "Je ne passe pas ma vie avec elle !"
Ma dernière phrase était peut-être un peu sèche. J'en pris conscience après l'avoir prononcée.
"Ok. Et rappelle-moi. Jé souis en Amérique la sémaine prochaine. On pourrait aller au resto tous ensemblé. En attendant roucoulez bien ! Arrivederci ! Baci baci !"
Il mima des baisers du bout des lèvres et raccrocha. Je m'empressai d'éteindre l'appareil mais restai méfiant à l'observer quelques secondes encore. Après tout, les nouvelles technologies étaient très fourbes. Finalement, j'allai le poser sur le buffet et revins m'asseoir à table.
"Je te prie de m'excuser pour cette interruption. Cela ne se produira plus." assurai-je tout en tirant sur les pans de ma chemise. "Reprenons. Observe attentivement la bougie en respirant calmement. Et vide ton esprit."
Je posai mes mains jointes sur la table et fis rouler les muscles de mes épaules et de ma nuque afin de les détendre. L'hypnotiseur devait avoir une position confortable, tout autant que l'hypnotisé. Je fermai brièvement les yeux puis les rouvrant, je fixai la jeune femme par-dessus la flamme vacillante de la bougie. Il était important que j'établisse un contact visuel avec le sujet. J'attendis quelques instants, écoutant le doux reflux de sa respiration qui devenait de plus en plus profonde et paisible, puis choisis de prendre de nouveau la parole d'une voix calme et posée :
"A présent, j'aimerais que tu visualises un escalier. Il descend très bas, mais tu n'as aucune peur de l'emprunter car il est stable. Les marches sont solides. Elles accompagnent tes pas. A chaque nouvelle marche, tu es de plus en plus détendue. Et tout en descendant, répète-toi ceci : je m'enfonce de plus en plus profondément dans un état d'hypnose."
Je marquai une pause, laissant espacer quelques secondes.
"La chandelle te guide. En bas de l'escalier, j'aimerais que tu imagines une porte. Attention, cette porte est très importante, car aussitôt après l'avoir franchie, tu trouveras l'endroit ou la période de ton passé où tu souhaites retourner. Pour l'instant, elle est close."
Il s'agissait d'une invitation. Je dévorai la jeune femme des yeux, à la fois intrigué, impatient et exalté. Son regard était absent, ses pupilles dilatées. Avais-je véritablement réussi ? Je me savais talentueux en de nombreux domaines, mais il était toujours agréable de se découvrir un nouveau don. Je réprimai mon enthousiasme de mon mieux afin qu'il ne soit pas perceptible dans ma voix, car cela risquait de l'éveiller de sa transe.
"Ca y est : la porte est ouverte. Tu peux parler, maintenant. Raconte-moi comment tu t'es retrouvée dans une boîte."
Il faudrait ensuite se montrer suffisamment persuasif, à son réveil, pour qu'elle ne se venge pas sur la personne à l'origine de son malheur. J'avais foi en elle. Elle était capable d'être plus forte que ses mauvais travers.
"Je me suis allongée dedans."
Sa voix était incroyablement placide, preuve que son état d'hypnose était avancé. Sans un bruit, je me plaçai au bord de ma chaise, suspendu à ses lèvres.
''J'ai accepté de le faire volontairement contre un Chivas de 21 d'âge exceptionnel. C'est Holmes qui m'a proposé ce marché. C'est toujours de la faute de Holmes.''
Un mince sourire arqua ma bouche à ces paroles. Ce détective semblait être au coeur de bon nombre d'intrigues plus ou moins orthodoxes, ce qui était plutôt cohérent avec le personnage. Cela me rappela le souvenir de sa soeur que j'avais connue à Magrathéa et mon sourire se fit plus large avant de disparaître totalement. Ne perdons pas de vue notre sujet initial.
''J'ai dis oui parce que je voulais te voir."
Vraiment ? Je me retins de poser la question. Il ne fallait surtout pas brusquer la transe. Les conséquences auraient pu être catastrophiques. Malgré tout, cette phrase me surprenait. N'avait-elle pas d'autres prétextes ou mises en scène plus aisées pour me revoir ? Cela me paraissait alambiqué. Certainement qu'elle avait abusé de la bouteille de Chivas avant de débuter ce pari ridicule. Ceci expliquait cela.
"Et on m'avait promit qu'il y aurait de la lumière à l'intérieur et que je pourrais sortir quand je le voulais. Mais on m'a menti. J'ai eu très peur.''
J'aurais pu douter de la véracité de ses paroles si de grosses larmes n'avaient pas commencé à déborder de ses yeux. Elles roulèrent sur ses joues pâles alors que ses épaules se secouaient de sanglots silencieux. Malgré tout, elle fixait toujours la bougie d'un regard absent.
J'hésitai à interrompre la séance. Je ne voulais pas la bouleverser plus avant. Mais était-ce judicieux de ne pas tout savoir de cette affaire ? Je devais combattre ma part gentleman qui m'intimait de lui tendre un mouchoir. Pour le moment, du moins. Elle comprendrait, j'en étais certain. Elle serait soulagé quand tout serait terminé.
"Il n'y a absolument aucune crainte à avoir. Tu n'es plus dans cette boîte. Dis-moi... pourquoi monsieur Holmes voulait-il te porter jusqu'à moi sous la forme d'un cadeau ? Et pourquoi as-tu accepté, sachant que tu peux venir me rendre visite quand tu le souhaites ?"
Deux questions étaient peut-être beaucoup pour un esprit sous hypnose, mais je cherchais à écourter au maximum car la voir aussi accablée m'affligeait profondément. J'aurais voulu tendre le bras afin de poser ma main sur la sienne, mais aucun contact n'était toléré durant la séance. Cela risquait de perturber l'esprit hypnotisé, un peu comme ces gens qui étaient victimes de somnambulisme. Il fallait donc prendre sur soi, même si c'était une terrible punition pour ma hardiesse.
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Mary Bates
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and its funny what you hear when you don't say a word.
Elle n'aimait pas le goût salé qui se déposait sur ses lèvres lorsque les larmes qu'elle laissait s'écouler venaient s'y cogner. Elle n'appréciait pas non plus la sensation visqueuse et humide qu'elles provoquaient contre ses joues. Et les paillettes qui avaient été disposés sur son visages commençaient à tomber sur ces cils et à la démanger. Mais elle devait bien y mettre du sien pour rendre le tableau aussi convaincant que possible.
Comment pouvait-il être aussi crédule ? Elle avait improvisé sur l'instant une histoire rocambolesque qui n'avait pas la moindre logique. Si elle ne devait pas s'appliquer à conserver un air impassible, elle aurait pu rire elle-même de ses propres propos incohérents. Elle aurait très bien pu se contenter de se taire plutôt que de chercher à lui faire croire que cette séance portait en effet ces fruits, mais elle avait ressentit cette envie de se divertir en testant ses limites en matière de naïveté. L'hypothèse qu'il n'en possède aucune se confirmait de plus en plus. Il ne laissa transparaître aucun doutes lorsqu'il reprit la parole. Etait-il trop sentimental et touché par les pleurs qu'elle feignait ? Fort probablement.
Mary n'avait pas anticipé ses questions. Aucun scénario n'était construit dans son esprit pour y répondre. Elle n'avait pas son talent pour fabriquer naturellement une histoire, encore moins pour la raconter. Elle devait bien admettre être prise de court par le fait qu'il la croit si aisément... Est-ce qu'il cherchait même à la rassurer ? Ça avait quelque chose d'attendrissant. De navrant, surtout.
« Holmes souhaitait simplement que tu passes une agréable fin d'année et que tu te détendes enfin. » poursuivit-elle néanmoins après un léger silence en cessant de simuler l'emprise de spasmes sur son corps. « Tu te retiens de te jeter sur moi par principe. Mais c'est évident que tu en as envie. »
Elle ressentait une certaine frustration à devoir garder son regard rivé sur cette flamme vacillante et à ne pas pouvoir voir l'expression de son visage. Elle estimait que l'observer aurait pu être un spectacle satisfaisant, mais l'effet de ses paroles en aurait évidemment été gâché. Elle n'éprouvait aucune difficulté à garder un ton d'un calme désarmant, tandis que sa respiration demeurait stable et tranquille. Afficher une façade était une seconde nature. Elle jouait agilement le jeu, sans que ça ne lui fasse ressentir la moindre culpabilité. Elle n'allait pas s'en vouloir de chercher à rendre le moment plus intéressant.
« Et je ne savais pas. »
Elle avait cessé de pleurer et pourtant son regard demeurait troublé par les larmes. Elle cligna vivement des yeux et réalisa seulement à cet instant à quel point ses paupières étaient légères. En réalité, elle n'avait même plus l'impression de ressentir leurs mouvements, même si elle savait qu'elle les bougeait. C'était... étrange. Elle n'arrivait pas à définir si elle trouvait ce phénomène agréable ou contrariant. Elle n'y réfléchissait pas vraiment.
« Je ne savais pas que je pouvais venir quand je le souhaitais. »
Les intonations de sa propre voix qui arrivaient jusqu'à ses oreilles lui paraissaient subtilement plus relâchées. Une partie de son esprit restait focalisée sur son pouls qu'elle avait senti ralentir à l'extrême et sur sa température corporelle qui avait de nouveau atteint des degrés plus bas que la plupart des individus. C'était une réponse physiologique à son état. Elle le savait. Elle avait connaissance de ces signaux. Elle laissait simplement le savoir qu'elle stockait de côté.
« Je n'ai pas... »
La moindre syllabe lui demandait un effort considérable. Ce n'était pas tant physiquement qu'il lui était ardu d'ouvrir la bouche, mais comme si son corps ne réclamait que le repos et aspirait à rester ainsi paisible sans être dérangé. Mary s'interrompit et déglutit faiblement, les contours moins nets de la bougie qu'elle ne cessait d'admirer la laissant presque émerveillée. Elle adorait la lumière sous toutes ses formes. Le soleil, la lune, les étoiles, les lampadaires dans les rues, les brasiers de cheminées. Elle se sentait presque happée par la lueur qu'elle dégageait constamment. Elle avait quelque de fascinant, de tranquille, de rassurant.
« Je n'ai pas l'habitude d'être la bienvenue où que ce soit. » articula-t-elle finalement, dénuée de toute gène ou ironie.
Si ses mains restaient posées contre la table, elles ne montraient plus aucune signe de contraction. La chaise sur laquelle elle était installée n'était plus si inconfortable. Elle ne se tenait plus droite, son dos reposant mollement sur le dossier comme s'il s'agissait d'une assise extrêmement agréables, tel un duvet dans lequel son corps s'enfonçait avec plaisir.
« Je ne veux pas te rendre visite. Ce serait te montrer que tu m'apportes quelque chose. » estima-t-elle en peinant à donner une ampleur suffisamment distincte et audible à ses mots. « Ce n'est que temporaire de toute façon. Un jour j'en aurai assez de ta compagnie et de tes histoires, tu me lassera ou tu me décevra, et nous poursuivrons chacun notre vie de notre côté sans plus se soucier de l'autre. »
Elle déglutit à nouveau et ses inspirations plus lentes rendaient presque sa diction délicate. Les possibilités étaient nombreuses mais il y avait toujours une échéance. C'était inévitable. Une fatalité qu'elle s'imposait. Elle ne tentait de construire aucune entente, aucune sorte d'attachement durable. Elle gardait quelques connaissances constantes dans son entourage, bien vitales pour ne pas perdre la tête, mais, si elle se sentait certes plus proches de certaines, elle se persuadait que ça ne représentait rien. C'était plus facile ainsi.
« Je veux juste profiter de ces brefs instants imprévus, ceux qui... ceux qui comptent. Quand ils ne seront plus suffisants pour combler le vide un instant, ce sera la fin. Mais je ne veux pas y penser. Je déteste les fins. Elles sont trop pénibles à supporter. »
Elle cligna des yeux plus brutalement et son cœur s'accéléra un instant. Si elle ne cachait pas son détachement constant, elle n'exprimait pas que ça lui importait. L'admettre serait une maladresse. Elle s'en fichait. Elle était bien mieux ainsi avec ce ''vide''. Elle sentit les muscles de son visage se tendre et ses sourcils se froncer, pendant une seconde extrêmement désagréable. Elle luttait contre les réflexions qu'elle s'imposait.
Une part d'elle-même voulait tout arrêter. Se lever, rallumer toutes les lumières, s'allonger quelque part et lui demander de jouer un morceau. L'autre s'accrochait vainement. C'était un duel qui la tiraillait de l'intérieur à rendre chacune de ses pensées douloureuses à ajuster. Elle perdait cette sensation aérienne qui s'était emparée de son esprit, elle sentait son corps peser lourdement contre la chaise tandis que ses yeux papillonnaient vivement.
« Holmes n'est pas responsable et je n'ai rien accepté. » articula-t-elle plus abruptement. « J'ai menti. »
Tout avait été trop flou et trop rapide pour qu'elle se rappelle de détail précis. Elle devait être dans un état proche de l'inconscience lorsqu'elle avait entraperçu la silhouette féminine en plein milieu de son appartement un peu plus tôt. Cela la ramenait fatalement à d'autres moments. Le visage incliné au-dessus d'elle après les reproches et les coups provoquant dégoût et affolement. Les cheveux d'une petite fille qui venaient frôler sa joue dans une étreinte. Le contact gelé des mains de son père lorsqu'il l'avait traîné jusqu'à son cercueil. Les images se mélangeaient et son mal-être grandissait. Le répit avait été bien bref. Comme à chaque fois.
« J'ai reçu une bouteille, mais je ne sais pas de la part de qui. Je n'avais rien à perdre à la déguster. » indiqua-t-elle en se souvenant vaguement du colis, emballé au pied de sa porte, qu'elle avait retrouvé en rentrant de son travail. « Une jeune femme est venue. Brune, je crois. Des cheveux foncés. A peu près ma taille. »
Elle enchaînait les syllabes d'un souffle haché. Pendant quelques minutes de renoncement, elle avait vu cette porte dont il avait parlé. Elle l'avait frôlé. Peut-être même l'avait-t-elle passé, sans s'en rendre compte. Mais sa conscience se révoltait avec férocité pour la ramener en arrière et mettre fin à cette épreuve.
« Elle était forte. Elle s'est téléportée chez moi et elle m'a mise dans cette... boîte. » laissa-t-elle échapper, hésitante, secouant la tête et fermant ses paupières sans prendre la peine de terminer sa phrase.
Ses dents étaient serrées, sa mâchoire contractée. Sa voix avait récupéré cette nuance d'agacement et de condescendance naturels et ses mains s'étaient accrochées à la table qu'elle relâcha dans la seconde qui suivit.
« C'est tout ce dont je me souviens. »
Des haut-le-cœur s'emparaient de sa poitrine, qu'elle contrôla aussi expressément que possible. Elle ne pouvait même pas lui faire le moindre reproche. Elle était la seule responsable de son état. Il y avait toujours une part de consentement dans l'hypnose. C'était un fait.
« C'était peut-être ta bellissima principessa ? C'est l'une de tes descendantes ou... une amie plus si affinités ? »
Mary ne parvint pas même à esquisser l'ombre d'un sourire. Elle avait davantage grimacé. Elle posa une main sur son front, dont elle sentait de nouveau la chaleur montante, et soupira avant de la faire passer dans ses cheveux.
« Je peux avoir un verre, maintenant ? » l'interrogea-t-elle sèchement, son regard courroucé se posant sur l'écrivain. « Je l'ai mérité. »
Si il le lui refusait, elle se permettrait d'aller se servir elle-même. Elle savait au moins qu'il existait une réserve dans sa chambre et elle en retrouverait sans difficulté le chemin. Elle ne faisait que l'effort d'être polie pour conserver les apparences. A quoi bon ? C'était elle la plus crédule d'entre eux à cet instant. Elle était trop... gentille avec lui, trop conciliante. Elle chercha à se redresser de sa chaise, mais se ravisa en réalisant que son équilibre n'était pas au point après une telle expérience. Il n'y avait définitivement jamais pire confrontation que celle qu'elle menait face à son propre esprit.
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Miroir. Surface vitreuse sur laquelle est reflétée une image fugitive pour la grande désillusion de l'homme.
Le mystère s'épaississait, en même temps que mon indignation. Aux indices que Mary me donnaient s'ajoutait l'agacement d'avoir été dupé. Elle avait menti. Elle s'était jouée de moi par pur plaisir déplacé, au point de se faire pleurer. Souhaitait-elle prouver que j'étais un piètre hypnotiseur ?
Je l'observais sans ciller, mettant de côté mon ressentiment afin d'analyser les informations qu'elle m'avait transmises. Une jeune femme. Brune. Plutôt petite. Dotée d'une force conséquente et d'un don de téléportation. Une bouteille. Contenant sans doute un somnifère. Puis, la boîte. Le reste, je le connaissais. S'agissait-il d'autres mensonges ? Désormais, je n'avais plus aucune confiance en Mary, mais son absence de réaction sur les dernières instants ne trompaient pas : elle avait été bel et bien hypnotisé. Ravalant mon orgueil, je claquai des doigts afin d'interrompre sa transe.
Ces indices m'évoquaient forcément Cassandre et ses lubies de vouloir à tout prix me faire passer du bon temps. Aurait-elle poussé le vice jusqu'à porter une perruque afin de brouiller les pistes ? Tout était possible venant d'elle. Chassant ces pensées d'un froncement de sourcils, je me concentrai sur la sombre demoiselle qui réclamait un verre d'alcool. Elle considérait qu'elle l'avait mérité.
"Non." déclarai-je, cassant.
Mes yeux se plissèrent alors que je la fixais avec davantage d'acuité.
"Tu as seulement mérité de perdre ma confiance." poursuivis-je d'un ton sévère. "J'étais sur le point d'interrompre la séance en te voyant si éplorée. Je t'aurais volontiers offert mon mouchoir, mais voilà que j'apprends que c'était des larmes de crocodile. Félicitations, tu es une grande actrice."
Je tiquai tout en continuant de l'observer avec un mélange de reproche et d'amertume. Se rendait-elle compte du mal qu'elle venait de me causer ? J'étais perdu à cette époque, et bien que je m'adaptais de mon mieux, j'étais conscient d'être une cible facile pour les individus aux mauvaises intentions. Bien souvent, je refusais de voir le mal chez les autres, préférant privilégier leur lumière. Cependant, chez certains, il n'y en avait aucune. Un sourire désabusé passa sur mon visage. Cent quatre-vingt dix ans pour admettre cette vérité évidente. Mon pauvre Jules, tu es vraiment dépassé.
Je me levai et me penchai pour attraper la chandelle qui se consumait au centre de la table. Je soufflai dessus, privant Mary d'un peu de clarté. Il restait toujours les autres candélabres dans la pièce, mais je cherchais à la déstabiliser légèrement. Ce n'était rien comparé à ce qu'elle venait de briser à jamais.
"Tu n'es plus la bienvenue ici. Je retire toute invitation future. S'il y a bien une chose que j'exècre, c'est le mensonge."
Dans la faible et lointaine lumière vacillante des bougies, je lui lançai un regard oblique. Depuis combien de temps se jouait-elle de moi ? N'étais-je qu'une distraction pour combler le vide et tromper l'ennui, comme elle l'avait sous-entendu quelques instants plus tôt ? Je voulais croire qu'elle avait été sincère la fois où nous avions joué du piano, mais je commençais à douter. Et si tout n'avait été qu'une manipulation depuis le début ? Après tout, les femmes sont si douées pour broder de belles promesses...
"En tous cas, tu as eu tort dans la jolie fable que tu t'es écrite : ce n'est pas moi qui t'ait déçu, c'est l'inverse qui vient de se produire." précisai-je durement. "Pars, s'il te plaît."
Ma dernière phrase s'acheva dans un soupir. J'étais épuisé. Epuisé de me débattre avec des faux-semblants et des chimères. Pourquoi rien ne pouvait être authentique ? Pourquoi tout était perpétuellement biaisé ? Je n'avais même plus la motivation de trouver qui avait voulu "m'offrir" Mary. J'avais seulement envie de rester seul. De me reposer. De mettre de la distance avec toutes mes déceptions. Aussi je m'éloignai de la jeune femme.
"Une dernière chose." dis-je brusquement tout en me retournant. "Je voulais taire ce que je vais t'apprendre car je ne souhaitais pas blesser ton orgueil, mais tu as tant mortifié le mien que je ne vois pas pourquoi je prendrais des pincettes. Pour reprendre tes propos, je n'ai aucune "envie de me jeter sur toi". Ce ne sont pas mes principes qui m'en empêchent, c'est plutôt quelque chose qui te manque."
Je me tus juste le temps de baisser brièvement les yeux vers sa poitrine, tout en affichant un regard éloquent et dédaigneux à la fois. J'aurais pu m'en repentir si je n'étais pas aussi offensé et furibond.
"L'autre soir, j'étais grisé par l'alcool. J'ai jeté mon dévolu sur toi parce que tu étais là, mais toi ou une autre... Cette nuit ne voulait absolument rien dire. Tu ne m'attires pas, Mary. Je ne nie pas que tu sois séduisante, mais ce n'est pas la seule chose à prendre en compte. Je ne veux pas qu'un corps. J'aspire à davantage. Pourtant, je réalise que je devrais me contenter du minimum, puisque l'humanité n'a pas l'air désireuse de m'apporter beaucoup plus..."
Pensif, je finis par secouer la tête. Pas d'apitoiement, pas de résignation. Mary ne me convertirait pas au pessimisme. Il y avait encore des raisons de rire et de s'émerveiller. Le monde entier n'était pas noir. Il me restait des amis sur qui compter.
Mon regard tomba alors sur la lettre que j'avais rédigée à Vaimalama Chaves. Elle était toujours sur la table, près de ma chaise. Dans ma hâte de faire la séance d'hypnose, je l'avais oubliée. Mieux valait que je ne l'envoie pas. J'y réfléchirai demain.
J'ouvris la porte menant au Jardin d'hiver et posai les yeux sur Mary. Toute douceur avait quitté mes pupilles.
"Nous n'avons plus rien à nous dire, Mademoiselle."
Et le ton glacial de ma voix n'incitait à aucune réplique.
"Je saurai me montrer décadent sans toi."
Restait à savoir si elle continuerait de faire des efforts à être optimiste. Elle venait de montrer l'exemple contraire en agissant d'une manière aussi vile. Je ne faisais pas grand cas de son avenir. Même si, en réalité, j'avais trop bon fond pour me sentir totalement détaché.
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Elle s'attendait à ce qu'un tel moment finisse par se produire. Elle l'avait dit elle-même : c'était inévitable. Et si les circonstances n'étaient certes pas exactement celles qu'elle avait supposé, comme il s'était plu à le faire remarquer, elle ne retenait que le fait qu'elle en restait malgré tout la cause. Le déclencheur. L'élément perturbateur.
Mary avait écouté en silence chacune de ses observations et le moindre de ses reproches. Elle avait même esquissé un rictus lorsque son physique avait été remis en cause, comprenant bien que ce n'était pas que là que quelque chose ''lui manquait''. Elle n'était pas vexée, pas même irritée. Elle ne doutait pas non plus de sa capacité à pouvoir se débrouiller sans elle. Elle n'était pas indispensable et ne cherchait jamais à l'être. Tout le monde pouvait être remplacé. L'orgueil était une de ces choses qu'elle avait finit par mettre de côté. Comme le reste. Rien n'importait finalement. Ni ce qu'il disait, ni ce qu'il pensait, ni ce qui était en train d'arriver.
C'était une fin comme elle en avait vécu tant d'autres, la clôture d'une fréquentation passagère et insignifiante, une conclusion qui n'aurait pas dû lui déplaire. Pourtant, si elle ressentait un semblant de satisfaction face à la tournure des événements, elle en était tout autant dérangée. Elle ne se l'expliquait pas vraiment. Sans doute était-ce parce qu'elle ne l'avait pas choisit, n'ayant pas agit volontairement dans le but précis qu'il se décide à la congédier. Elle ne s'y était pas préparée. Elle n'en avait pas eu le contrôle. Elle l'avait... sous-estimé.
Elle cligna lentement des yeux, n'ayant cessé de le fixer le temps de sa courte méditation intérieure, avant de se redresser avec nonchalance – et un brin d'hésitation.
« Si je rentre chez moi à pied, je risque un malaise au bout de cinq minutes de marche. Je te rappelle que j'ai quand même été droguée. » daigna-t-elle enfin prononcer d'une voix qu'elle souhaitait détachée, avec une moue faussement froissée. « Tu pourrais au moins proposer de m'appeler un taxi. »
N'avait-elle pas déjà assez abusé de sa naïveté et de sa gentillesse jusqu'ici ? Bien évidemment que si. C'était ce qui l'intriguait. C'était ce qu'elle désirait casser. C'était ce qu'elle jalousait. C'était ce qui lui manquait.
Je ne m'excuserai pas. pensa-t-elle alors furtivement, fronçant les sourcils à sa propre réflexion. Elle n'aurait même pas dû l'effleurer. Il ne pouvait blâmer que lui d'avoir accorder sa confiance à quelqu'un qui ne la méritait pas dans un premier temps. Elle ne lui avait jamais demandé quoi que ce soit, alors pourquoi lui faire porter le poids de sa désillusion ? Il savait à quoi s'attendre. Elle n'avait jamais prétendu être une bonne personne ou quoi que ce soit s'en rapprochant. Il s'était fait des idées. Il était le seul responsable de sa déception. A moins qu'elle ne fasse que se chercher des prétextes pour ne pas se rendre compte à quel point l'image qu'il lui renvoyait d'elle-même la dégoûtait.
Mary se mordit fugacement les lèvres et jeta un coup d'oeil vers la porte grande ouverte qu'il attendait qu'elle franchisse. Elle s'étonnait à ne pas en avoir envie. Non pas que ça l'embêtait de le laisser en ce soir de réveillon, ça la laissait relativement indifférente, c'était plutôt... qu'elle ne voulait pas être seule dans l'immédiat.
« Je crois que c'est le moment d'admettre ma défaite. » énonça-t-elle sans se départir de son assurance habituelle. « Notre ''pacte'' n'aura plus de sens une fois que je serai partie. Je ne le tiendrai pas. Autant y mettre un terme dès maintenant, je n'aime pas laisser les choses en suspens. »
L'optimisme n'était plus son domaine. Elle n'y parvenait pas et ne savait pas comment s'y prendre. Elle ne l'avouerait jamais dans ces termes et prétendrait ne pas le vouloir, mais c'était quelque chose contre lequel elle ne pouvait rien faire. Elle avait oublié comment cela fonctionnait. Au mieux, elle parviendrait à faire semblant, comme pour cette séance d'hypnose. Ça ne valait pas grand chose. Ce n'était que du vent. Des faux-semblants qu'elle exécrait tant et que pourtant elle mettait en pratique. Elle était en colère, mais pas contre lui, plutôt contre elle-même.
Et elle réalisait en même temps qu'elle s'était probablement trompée à son sujet. Si il n'était qu'un manipulateur se cachant derrière des bonnes manières et une image irréprochable, il n'aurait pas agit de la sorte. Il n'aurait pas admit en avoir été touché, il l'aurait retourné contre elle. Elle peinait à admettre qu'elle pouvait avoir eu tord en le pensant soit trop stupide à l'image de ce qu'elle avait été un jour, soit trop machiavélique comme celui qui l'avait forgé comme elle était à présent. Tout ne pouvait pas toujours être noir ou blanc. Les nuances restaient incomprises à ses yeux. Elle ne connaissait que les extrêmes.
« Tu as gagné. » poursuivit la jeune femme dans un haussement d'épaules.
Après tout, il était celui qui avait le plus d'efforts dans cette histoire. Même ses aveux étaient une preuve de changement. Il ne se cachait plus derrière une extrême amabilité de crainte de la blesser ou de la froisser. Il faisait preuve d'honnêteté. Elle n'allait pas le lui reprocher, elle voulait même l'en féliciter. Il y avait du progrès.
« Tu as le droit une récompense. » enchaîna-t-elle, croisant ses bras tandis que le manque de luminosité commençait de nouveau à l'agiter. « J'ai accepté le défi, je te la dois. Je ne vais pas manquer à cette obligation. Tu... la mérites, je suppose. »
Ses mots lui brûlaient presque la gorge. Son départ serait à l'évidence un cadeau qu'il accepterait volontiers. Ce serait trop facile. Quitte à ce qu'elle lui offre quelque chose, elle éviterait à sa place de gâcher cette occasion de cette façon. Ça ne se représenterait pas. Elle ne referait pas l'erreur de relaisser place à une quelconque faille après cette soirée.
« Je ne ferai usage d'aucune manigances, peu importe ce que tu demandes. J'ai des principes. Même si tu peux penser le contraire. »
Elle n'essayait pas d'obtenir son pardon, encore moins de lui montrer qu'elle était différente de ce qu'il se figurait à présent. Ce n'était pas vraiment le cas. Elle était peut-être pire que ce qu'il s'imaginait. Pire que ce qu'elle-même pensait. Elle ne voulait pas rester sur un acte fourbe. Si elle haïssait les fins, elle les préférait au moins honnêtes. A quoi bon autrement ?
« Ne te contente pas de me demander le minimum, mais n'exige pas non plus l'impossible. » articula-t-elle en levant les yeux au ciel, un rictus sur les lèvres.
Le parallèle avec ces désirs en terme de relation était aisé à faire même si le sujet était bien différent. C'était un romantique, un rêveur, ou quelque chose qui s'y apparentait, si elle se fiait à ce qu'elle avait comprit de ce discours digne de conte de fée. Elle en avait déduit qu'il avait besoin d'un certain attachement. Elle ne voyait pas pire mal à s'imposer mais c'était un sujet sur lequel elle ne souhaitait pas débattre. Il pouvait bien espérer et se faire souffrir autant qu'il le souhaitait, ça ne la concernait pas.
« Un morceau. » estima-t-elle soudainement.
Distraitement, Mary passa sa main sur les plis que sa robe faisaient le long de ses manches. Elle sentait de nouveau sa peau frissonner sous le tissu. Dans un soupir, elle pivota légèrement en direction de la porte fermée du salon, sa tête se penchant quelque peu.
« Je te laisse le temps d'un morceau pour y réfléchir. Et si tu ne t'es toujours pas décidé sur ce que tu veux... alors dans ce cas, je partirais. Pour de bon. C'est aussi simple que ça. »
Elle lui lança un dernier coup d’œil, s'imaginant qu'il n'accepterait pas qu'elle continue de s'imposer sans s'en sentir gênée pour autant, avant de se diriger vers la pièce qui avait tout son intérêt.
Si elle ne supportait toujours pas les décorations qui ornaient le sapin, la guirlande lumineuse avait le mérite d'éclairer le décor d'une façon qu'elle appréciait profondément. Elle n'y prêta pas attention longtemps, préférant prendre place face au piano avec la plus grande des délicatesses. Elle ne pouvait s'éloigner de cet endroit sans s'accorder ce plaisir aussi bref qu'insupportable. Sans doute s'agissait-il d'une façon de se faire autant de mal qu'elle avait pu lui en causer, comme pour les laisser sur un pied d'égalité. Elle préférait ne pas y réfléchir tout en débutant la nocturne d'un toucher expert, qui lui procurait autant de légèreté qu'elle se l'était imaginée. Il avait raison : la musique ne mentait pas. Et c'était peut-être finalement la meilleure récompense qu'elle pouvait lui offrir à cet instant.