Il semblerait que les écuries aient la côte en ce moment. Morgan avait vu plein de gens venir avec les beaux jours. C’était toujours très surprenant qu’à cette période de l’année les habitants de Storybrooke viennent en masse alors qu’ils oubliaient l’existence même des écuries dès que l’automne et pire l’hiver faisait son retour… En tout cas, avec ses nouvelles responsabilités, c’était devenu assez compliqué de tout faire en même temps.

Il se massait la nuque après une réunion plus que fatiguante quand il remarqua qu’une jeune femme était là, à observer les lieux et surtout les chevaux. Morgan se fit immédiatement méfiant, parce qu’il n’avait pas l’habitude de voir les gens être aussi curieux envers l’écurie alors même qu’elle était là depuis le sort noir et que certaines en avaient déjà profités.

- Bonjour Mademoiselle, je peux vous renseigner ? Demanda-t-il en s’approchant de la jeune femme.

Morgan n’aimait pas voir des inconnus flâner près des chevaux, on ne pouvait jamais savoir les intentions des gens. Et même si la jeune femme ne lui semblait pas plus suspecte que cela, Morgan préférait faire très attention, question de prévention. On ne savait jamais, c’était un peu son mantra. Vigilance constante aurait pu lui convenir également.

Il arrivait toujours un moment dans la vie où on allait de surprise en surprise. Après la femme élastique qui faisait de l’équitation comme personne, Morgan avait retrouvé assez par hasard Clarabelle, aujourd’hui nommée Carmen. Une rencontre qui avait été loin d’être joyeuse, même si l’instructeur avait apprécié de revoir la seule femme qu’il ait jamais aimé. Elle, il n’était pas certain qu’elle avait été ravie, mais à part en parole, elle n’avait pas tenté de l’assassiner, ce qui était donc une petite victoire.

Quoi qu’il en soit, après ces aventures assez diversifiées, Morgan avait cru qu’il aurait la paix un moment. Mais à Storybrooke, les choses ne restaient jamais calmes bien longtemps. Le palefrenier avait donc eu la surprise de voir une jeune femme débarquer aux écuries, regardant tout comme si elle enregistrait chaque chose présente dans l’allée. Non qu’il y en ait beaucoup, le brun avait appris aux gamins ce qu’ils encouraient quand ils ne remettaient pas les selles ou les licols à leur place dans la sellerie…

Gardant tout de même en tête qu’il était là pour s’occuper autant des gens que des clients à cause de sa fonction de palefrenier en chef, Morgan prit donc le temps d’écouter la jeune femme qui lui expliqua n’être pas là pour elle mais pour prendre des renseignements afin que l’une de ses amies puisse comprendre que les chevaux étaient bien traités ici. Tout était assez farfelu, mais le brun avait compris depuis longtemps que c’était le cas de la plupart des gens à Storybrooke et que c’était une chose qui ne pourrait changer…

- C’est bien la première fois depuis que je suis à Storybrooke que j’entends quelqu’un prendre de façon aussi extrême la défense des chevaux. Avoua-t-il, assez étonné. Bien sûr que je répondrais à vos questions, si vous répondez à la mienne. Ajouta-t-il avec un sourire. Pourquoi votre amie n’est pas venue voir par elle-même ? Demanda-t-il.

C’était assez curieux non qu’une personne se portant ainsi au combat contre les ravages faits à la nature ne vienne pas en personne pour voir ce qu’il en était des centres équestres non ? En tout cas, pour Morgan, c’était curieux. Et lui, quand il était curieux, il aimait bien en apprendre plus. Pas tout forcément, mais au moins le minimum pour comprendre la situation, parce que là, entre ce que lui disait la jeune femme et l’idée qu’il se faisait d’une écologiste en puissance, il y avait plus qu’un simple fossé !

Ah. Les gens bornés… Morgan pouvait se targuer de ne pas avoir trop ce défaut-là. Il en avait d’autres, bien évidemment, mais il était rarement borné. La seule fois où il l’avait été, ça avait été pour rompre avec Carmen. Vu qu’il estimait faire la chose la plus juste qui soit pour elle, le palefrenier n’avait pas voulu en démordre et lui avait rendu sa liberté. Quoi qu’il en soit, il commença à mieux comprendre quand son interlocutrice lui expliqua que son amie n’était autre que Pocahontas. Oh, ça avait été lâché comme ça, mais il l’avait entendu.

Et ça expliquait pas mal de trucs. Déjà que ça soit son amie qui soit devant lui. Et ensuite pourquoi elle était persuadée que les écuries étaient une prison à chevaux. Dans son monde aussi il y avait eu des indiens qui laissaient leurs chevaux libres. Morgan avait beau suivre les enfants, il n’avait pas loupé ces choses quand il les avait vu, étant à l’époque un cheval lui aussi !

- Le meilleur moyen de lui montrer qu’elle a tort, ça serait encore que vous la poussiez à venir vous savez. Dit-il en souriant légèrement. En tout cas, j’espère pouvoir vous aider.

Parce qu’il comprenait assez la philosophie de l’incrédule Pocahontas, Morgan pouvait se montrer bien plus amical à présent. Quand les gens débarquaient avec ce genre de questions, il avait toujours tendance à se tendre en se demandant ce qui allait lui tomber dessus, parce qu’on ne l’interroge de la sorte que très rarement et peu souvent pour des choses aussi normales que de rassurer une protectrice des animaux.

- Ne vous en faites pas, je comprends, j’ai été l’ami d’un enfant, il était indien et sa tribu aussi laissait les chevaux libres. Cela m’avait surpris à l’époque, mais ça ne me surprend pas aujourd’hui de rencontrer des gens d’un autre monde ayant vécu de la même façon. La rassura-t-il. Je comprends mieux la situation. Qu’est-ce que vous avez besoin de savoir exactement pour parvenir à calmer votre amie ? Il faudra que vous lui précisiez qu’elle est libre de venir aussi, sait-on jamais, ça pourrait lui plaire ! Plaisanta-t-il avec un sourire chaleureux.

Et puis en venant voir par elle-même, Pocahontas se rendrait peut-être compte de tout ce qui était mis en place ici pour le confort des chevaux. Ce n’était pas partout qu’on prenait autant soin d’eux !

Cette jeune femme était rusée. Morgan appréciait. En tout cas, il était certain que non seulement la nouvelle venue défendrait bec et ongles son amie, mais qu’en plus elle ne se voilait pas la face sur les défauts de celle-ci. C’était rare cette loyauté pleine de bon sens. Et le palefrenier avait assez côtoyé de gens dans sa vie pour savoir que c’était aussi rare et précieux.

- Malin… Salua-t-il d’un sourire avant de balayer ses remerciements d’un geste. Je suis un palefrenier, j’adore les chevaux et vous voulez que je parle de mon sujet favori. Je crois que c’est plutôt moi qui devrais vous remercier non ? Plaisanta-t-il.

Pourquoi le remercier pour quelque chose d’aussi banal ? Enfin… Peut-être ne l’était-ce pas vraiment. Ce fut du moins ce qu’il se dit en voyant le matériel qu’elle avait apporté. Lui qui avait cru qu’il s’agirait juste d’une conversation, il la voyait sortir de quoi l’enregistrer. Quand on était pas prévenu, c’était surprenant ! Ceci dit, Morgan ne voyait pas vraiment d’inconvénient à tout ceci, vu que la méthode employée était tout de même la meilleure pour transmettre en intégralité un message. Ou une conversation en l’occurrence.

- Ça ne me gêne pas… Assura-t-il. Ceci dit, avant de commencer, j’aimerais juste vous proposer de nous appeler par nos prénoms, parce que ça fait un peu trop protocolaire là. Sourit-il. Pour vos questions, c’est quand vous le souhaitez. Dit-il avant de la voir allumer son enregistreur. Je m’appelle Morgan donc, je suis le palefrenier en chef. Et ici, la première règle est de respecter les chevaux. Le premier que je vois maltraitant l’un de nos animaux, il est viré s’il s’agit d’un enfant ou bien viré, poursuivit en justice et en général il finit dans le foin. Le dernier qui s’est amusé de la sorte, je l’ai envoyé faire un vol plané dans la paille. Raconta-t-il en haussant les épaules. Ici, les chevaux sont des amis que l’on se doit de respecter. Quelles sont vos questions ?

Mieux valait qu’elle mène l’entretien. Mais Morgan n’avait pas pu s’empêcher de donner cette première règle qu’il n’hésitait jamais à mettre en application. Après tout, quand ils venaient ici, les gens en étaient tout de suite informé, c’était normal pour le brun de faire la même chose, même si c’était face à un dictaphone plutôt que face à un humain. Rien ne changeait la constante de toute façon.

Répondre à des questions ne le dérangeait pas. Être enregistré non plus. Ceci dit, Morgan avait l’habitude des conversations moins formelles. Pour lui, appeler quelqu’un par son prénom n’était pas forcément synonyme d’un manque de respect dans le temps. Or il savait que pour certains cette crainte était bien présente. Mais lui, tout ceci ne lui convenait pas. Aussi demanda-t-il à la jeune femme de l’appeler par son prénom plutôt que de rester aussi formelle. Quand elle accepta, il lui fit un grand sourire.

- Avec plaisir Ava. Répondit-il.

Ava le prévint qu’elle allait mettre les choses en route et il eut la surprise de la voir changer de comportement. Alors qu’elle avait été assez accessible jusque-là, soudainement elle se fit beaucoup plus sérieuse. Est-ce qu’il ressemblait à ça quand il passait en mode travail ? Sans doute que oui… Il ne savait pas ce qu’elle faisait comme job, mais Morgan savait que le concernant, il prenait son métier très à cœur et qu’il avait beau sourire ou plaisanter, il n’en oubliait jamais l’important. Manifestement, Ava avait aussi un système similaire pour se plonger dans son travail.

- Bonjour Ava. C’est exact, je suis même le palefrenier en chef des écuries. En gros, c’est moi qui supervise tous ceux qui donnent des soins aux chevaux. Et je donne des cours aussi. Expliqua-t-il rapidement. Eh bien, il y a un peu de tout. Un cheval sera toujours attribué selon le niveau des gens. Nous avons un étalon, Éclair, qui est très fougueux. Il serait complètement irresponsable que de le confier à un débutant. Aussi nous faisons toujours attention aux caractères de nos chevaux et aux niveaux des gens avant de choisir les paires. Ensuite rentre en compte les liens. Nous avons une jeune fille qui est venue régulièrement avec sa classe et qui a développé un grand lien avec Coquin, l’un des hongres. Ils forment une équipe très soudée mais la semaine dernière, nous avons dû les séparer parce que Coquin devait passer par le maréchal-ferrant. Je peux vous dire que l’énergie et la joie de ce duo nous a manqué durant la leçon. Nous avions mis l’enfant avec un autre cheval, mais ils ne s’épanouissaient pas autant ensemble que lorsqu’elle est avec Coquin. Du coup, pour les prochaines fois, nous savons qu’il ne faudra pas les séparer, pour qu’ils puissent continuer d’apprendre ensemble tout en s’amusant. Raconta-t-il, passionné. Le dernier cas arrive plus rarement. Déjà parce qu’avec un groupe, c’est le moniteur qui associe le cheval et son cavalier. Les demandes sont rarement prises en compte. Il n’y a que pendant les leçons particulières que cela peut être pris en compte et il faut que ça soit totalement justifié pour que le moniteur accepte d’accéder à une demande. Les chevaux qui sont ici sont à tout le monde et nous n’acceptons pas que l’un des chevaux soit monopolisé pour un simple caprice.

La dernière fois que c’était arrivé, Morgan s’était fait une joie que d’envoyer paître la jeune fille. La gamine était pourrie gâtée par ses parents et pensait que tout lui était dû. Le brun lui avait refusé de monter un cheval parce qu’elle n’avait pas du tout l’expérience nécessaire et quand elle avait piqué sa crise, il l’avait envoyé bouler. Quand ses parents étaient venus, le palefrenier leur avait fait comprendre que les règles ici étaient simples : c’était les moniteurs et lui qui décidaient, personne d’autre. La gamine n’était pas revenue depuis, mais les parents n’avaient pas appelé non plus pour dire qu’ils la désinscrivait des cours, donc la situation était toujours à voir.