« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
Réunion d'Outre-Tombe, ma toute dernière mission commencée depuis peu, est une mission qui a une forte signification pour moi : elle est en quelques sortes la réécriture d'histoires locales (locales de chez moi, pas chez vous, si vous avez pas encore compris, je vis sur l'ile de la Réunion ).
Et il a été établi qu'il serait très intéressant si je vous racontais les histoires, ou tout du moins certaines histoires, qui ont inspiré cette mission Voici quelques courts récits qui ont bercé mon enfances, et d'où est née Réunion d'Outre-Tombe
Grand-Mère Kalle
... ou Grand-Mère Kal. Cette bonne petite mamie est connue de toute l'île, au moins vaguement. On connait tous son nom, pas forcément tous son histoire. Et pour cause ! Cette réelle icone des contes réunionnais possède vraiment beaucoup d'histoires différentes.
Les enfants (commençons par là puisque c'est comme ça que j'ai appris à connaitre ce mythe) apprennent à découvrir Grand-Mère Kal dans un jeu dont je n'ai que quelques souvenirs flous. Mais même si je ne me souviens que très mal du principe, l'histoire de ce jeu était simple : il fallait poser la question "Quelle heure est-il ?" ( Kel heure i lé ? dans notre si beau créole) et lorsque venait minuit, la voilà libre de vous tuer.
Ce n'est pas la mamie la plus sympa, comme vous l'aurez compris. Mais d'où vient cette bonne femme ?
Les histoires varient mais on trouve des points communs sur lesquels les conteurs semblent tous d'accord : Grand-Mère n'a jamais été une petite mamie très agréable. Propriétaire d'esclaves dans certains récits, elle serait une odieuse femme envers eux, adepte de la cruauté et des punitions sans qu'il n'y ait de raisons particulières à de tels excès de violence. Dans d'autres récits, on dit qu'elle avait, enfermés chez elle, des "condamnés" qu'elle enverrait pour dérober aux voyageurs leur fortune avant de les tuer.
Si bien qu'à force de faire commettre des crimes ou de torturer selon la version, son âme fut damnée à sa mort. "Envolée par le toit de sa maison" pouvons-nous lire parfois. Souvent assassinée, parfois par empoisonnement par un esclave, dans la plupart des versions, le fait est qu'à sa mort, Grand-Mère Kal soit devenue une sorcière (certains conteurs disent même qu'elle n'avait pas de tête !). Elle roderait la nuit près des maisons, et lorsque son ricanement résonne à minuit, c'est un présage malheureux : elle annonçait la mort ainsi, dans la lugubre musique de son rire nocturne. On dit cependant que lorsque vous l'entendez pleurer cependant, c'est un bon signe : vous vous portez bien.
Ecoutez bien, à minuit, les bruits sous votre fenêtre
Certains cependant décrivent "Kalla" comme une esclave qui aurait été victime durant sa vie de différents malheurs. Parfois reprochée par d'autres esclaves d'être confortablement installée, parfois pointée du doigt à cause d'une histoire d'amour et/ou d'enfant, cette esclave finit suicidée ou tuée, et son âme trouvera le chemin de Grandyab, le diable des récits réunionnais, à qui elle serait mariée.
Grandyab
Grand Diable, si vous n'avez pas compris la contraction créole qui lui vaudra son nom. La figure de Grandyab est presque aussi connue que la sorcière Kal : c'est simplement le diable de l'ile, réputé pour sa fierté. Evidemment, si c'est un diable, on se doute qu'il ne doit pas être le personnage le plus doux des récits de l'île.
A son sujet, il existe un conte qui est très sympa. L'histoire de Ti Jean :
Le jour de sa naissance, Ti Jean saute du ventre de sa mère, se pose à terre sur ses petites jambes courbées de nouveau-né et s'en va vivre sa vie. Après quelques jours de marche, il s'arrête devant une pancarte sur laquelle était écrit : « Moi, Grandyab, je ne me fâche jamais ».
Il pénètre dans le domaine de Grandyab, ce que l'on appelle dans le langage courant son "Habitation", le salue et lui propose de s'occuper de ses bêtes et de son jardin. Grandyab se tord de rire en considérant la petitesse de l'être humain qui lui propose ses services, puis tombe sur lui à bras raccourcis et le bat tant et si bien qu'il en a mal au poignet. Ti Jean, lui, ne crie ni ne fait une grimace de douleur. Il se contente de sucer son pouce, indifférent.
Grandyab, décide alors de l'engager car il lui semble particulièrement courageux. - Merci monsieur Grandyab, dit Ti Jean, j'accepte vos conditions sans les connaître, mais de mon côté je vous propose un pari : si je réussis à vous mettre en colère, vous me donnerez toute votre fortune y compris votre femme que l'on dit très jolie. Dans le cas contraire, dans quinze jours, vous me mangerez. - J'accepte, dit Grandyab. Commence par nettoyer mon jardin qui est envahi de mauvaises herbes. Dix hommes courageux n'arriveraient pas à le faire en une journée. Si en fin de journée tu n'as pas terminé, tu n'auras rien à manger.
À la brume du soir, Grandyab se rend au jardin et constate que Ti Jean a arraché toutes les plantes cultivées et a laissé les mauvaises herbes. Il se garde de se fâcher pour ne pas perdre son pari. - Demain, tu soigneras les bêtes et nettoieras l'écurie, le poulailler et le parc à bestiaux. Et cela en une journée, sinon rien à manger. Ti Jean tue toutes les bêtes et, à la brume du soir, Grandyab est bien forcé de garder le sourire pour ne pas perdre son pari.
Pour se débarrasser de celui qui va le ruiner, il demande à sa mère, Lagrandyabless, de prendre la voix du Bondieu, de grimper dans un arbre et d'ordonner à Ti Jean de retourner chez ses parents sans tarder. Lorsque Ti Jean passe sous l'arbre, il reconnaît la voix de la Grandyabless et l'abat d'un coup de fusil. La vieille tombe de l'arbre comme une mangue mûre. - Tu as tué ma mère, s'écrie Grandyab en s'arrachant les cheveux de douleur. - Non répond Ti Jean, c'est le Bondieu que j'ai tué.
Grandyab avale la pilule et toujours pour faire semblant de ne pas se fâcher il propose à Ti Jean d'accompagner sa femme au bal. Ti Jean met son habit de soirée, son haut de forme, ses souliers cirés. Il danse, courtise et séduit Madame Grandyab qui ne fait que minauder, sourire et roucouler.
À minuit, prétextant, comme Cendrillon, qu'il a perdu son soulier, il interrompt la soirée au grand dam de sa cavalière et quitte le bal. Sur le chemin du retour un énorme crabe, qui lui semble avoir la voix de sa propre mère, le menace et lui ordonne de rentrer chez ses parents. Il hurle de terreur, prend ses jambes à son cou et avoue à Grandyab qu'il n'a jamais eu autant peur devant cet énorme crabe qui parlait comme un chrétien vivant. - Quoi ! Tu n'as pas eu peur de moi et tu as peur d'un crabe, s'écrie Grandyab fou de rage. Tiens, deux paires de claques ! - J'ai gagné le pari, tu t'es mis en colère, ta fortune est à moi, mais garde ta femme, je n'en veux pas, elle n'est pas fut' fut'.
Depuis que Grandyab a perdu tous ses sous, il erre sur les routes où il ne fait pas bon le rencontrer car il ne décolère pas. Il se venge de sa déconvenue sur sa femme et sur les voyageurs sans défense.
Un personnage plein de fierté, disions nous
La Vierge Noire
La culture mythique de l'ile tient sa beauté de nombreux contes cultes, mais aussi d'une histoire passionnante qui remplit les légendes que l'on a aujourd'hui. Et le plus grand aspect historique que la Réunion possède, c'est la période de l'esclavage, qui nourrit donc beaucoup d'histoires.
Dans l'histoire des esclaves, on appelait les esclaves "marrons" les esclaves qui fuyaient illégalement leurs maîtres pour se cacher et vivre en liberté. Une condition difficile car il était dur de fuir, de crapahuter dans les montagnes sans se faire retrouver, parfois même de quitter l’île en bateau pour hélas mourir en mer. Une minorité de "marrons" pouvaient jouir d'une bonne situation de vie.
Au nord de l'ile, on raconte qu'il existait un esclave marron du nom de Mario qui vivait paisiblement près d'une rivière. Pendant près de trois ans, on ne l'avait plus retrouvé, l'ancien esclave alors vivant tranquillement sans le soucis de sa vie passée... jusqu'au jour où des chasseurs l'avaient retrouvé. Surtout, l'un d'eux l'avait reconnu.
La course poursuite avait été aussi intense que dangereuse, l'ascension de Mario le blessait de nombreuses fois, et surtout, avait menacé sa vie. Mario tenait bon cependant dans sa fuite. Mais alors que les chasseurs étaient sur le point de le rattraper, les branches d'un arbre se mirent soudainement et à bouger pour attaquer les assaillants, et permettre à Mario de garder sa liberté retrouvée il y a si longtemps.
Pour remercier les cieux de l'avoir sauvé, il vénéra une petite vierge sculptée dans du bois d'ébène, entièrement noire, à laquelle il vint apporter des fleurs chaque jour. Bien des années plus tard, on retrouva le corps de Mario, qui avait trouvé la mort dans la plus belle des quiétudes, au dessous de la Vierge Noire.
Aujourd'hui, à Saint-Denis, on peut retrouver cet arbre miraculeux aux côtés d'une plus grande statuette de la Vierge.
La Vierge au Parasol
Là, nous ne parlons pas de fiction, mais bien d'une histoire vraie, qui participe au merveilleux univers culturel de la Réunion.
La légende de la Vierge au Parasol date du début du XXe siècle, Monsieur Leroux, propriétaire à Bois-Blanc sur la commune de Sainte-Rose la place dans ses champs pour protéger ses récoltes. Un jour, une coulée de lave traverse ses terres et brûle ses champs mais la statue elle, reste miraculeusement en place. La lave l'a épargnée.
Là où elle était, à la portée des plus grosses coulées de lave du Piton de la Fournaise, on lui évita une nouvelle menace, et fut ainsi de nombreuses fois déplacée pour finalement se retrouver à côté de l'Église Notre-Dame-des-Laves, une église de la commune de Sainte-Rose elle-même menacée par les laves, mais épargnée de justesse, en 1977. C'est miraculeux : on peut encore aller voir cette église aujourd'hui, et voir le chemin des laves qui ont littéralement contourné l'église, certainement protégée par la Vierge au Parasol.
Cette histoire fabuleuse a été toutefois ruinée par une génération aux mentalités beaucoup moins intellectuelles pour garder des termes polis : la statue a été décapitée en 2014. Sa réplique en résine a été vandalisée l'année suivante, en 2015.
La Buse
Voici encore une histoire vraie, qui possèdes des origines de pirates des Caraibes. Classe, n'est-ce pas ? Le trésor de la Buse est également un des plus grands récits de l'ile de la Réunion.
Olivier Levasseur, dit La Buse était un pirate qui vient de loin, connu par de nombreux crimes, vandalismes, vols et j'en passe. Son chemin l'emmène jusqu'à la Réunion, où il vole un navire important : La Vierge du Cap, qui a été renommé Le Victorieux à sa prise, possédait un trésor si grand que cette prise a été recensée comme la plus grosse prise de l'histoire de la piraterie : "rivières de diamants, bijoux, perles, barres d’or et d’argent, meubles, tissu, vases sacrés et autres objets de cultes précieux, un trésor que les historiens estiment au maximum à cinq milliards d'euros."
Mais le pirate change par la suite totalement de destinée : La Buse décide de s'installer à Madagascar. Le Roi de France et le Gouverneur de Bourbon offrent une amnistie aux flibustiers qui renonceraient à la piraterie et qui s'installeraient à Bourbon, le premier nom de l'ile de la Réunion. Il ne commet plus d'acte de piraterie.
Vers 1729, la Buse exerce le métier de pilote dans la baie d'Antongil, à Madagascar, il offre ses services aux navires européens de passage. Manque de chance, alors qu'il est sur le point d'embarquer sur un navire, un capitaine le reconnait et le fait arrêter pour ses actes passés.
Le procès est rapide, il est condamné à la pendaison. Ses derniers mots seraient « Avec ce que j'ai caché ici, je pourrais acheter toute l'île. »
Si la Buse possède une tombe que nous pouvons tous voir à la Réunion, personne ne sait, après tous ces siècles, où est ce trésor. La seule piste que nous avons, c'est un cryptogramme qu'il a laissé derrière lui, qui pourrait localiser le trésor.
Va-t-on le trouver un jour ?
Anastasia Romanov
« Men are such babies »
| Avatar : Ashley Clements
| Conte : Anastasia | Dans le monde des contes, je suis : : Anastasia Romanov
C'était passionnant à lire ! C'est marrant parce que la Réunion c'est français mais très différent d'un point de vue culturel, vous avez l'air beaucoup plus superstitieux que nous. Enfin c'est mon ressenti. Je trouve qu'en métropole on a plus vraiment ces légendes qui nous baignent.
Anya c'est ça ! Je pense (c'est mon avis d'antropologue débutant ) que ça vient du choc des cultures et des religions. On en a pleeeein donc ça augmente les superstitions qu'on peut y trouver. J'aime bien cet aspect là
Lola je l’appellerai pour toi, je lui donnerai ton adresse, il viendra dans la nuit :panda:
Seb Vierge Religieuse, comme la Vierge Marie, on a pas le droit de penser de travers
Merciiiiiii à vous j'suis content que ça vous plaise et donne envie