« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
« Remplis ma tête d'autres horizons, d'autres mots. »
Le prochain voyage sera le plus beau !
Depuis bientôt un quart d'heure, je supportais les questions interminables du marin d'eau douce dont je convoitais le bâtiment.
"Vous avez déjà navigué sur un voilier ?" demanda l'homme face à moi, sceptique.
Je n'aimais pas la façon dont il me toisait. Etait-ce parce que je portais un pantalon à pinces qu'il me soupçonnait de ne pas être compétent dans le maniement des voiles ?
"Monsieur, je possédais trois goélettes et j'ai effectué de nombreuses croisières en Norvège, en Ecosse ainsi qu'autour de l'Angleterre. Une fois, je suis également allé jusqu'aux Etats Unis d'Amérique quelques années après la guerre civile qui fit rage sur leurs contrées. L'océan n'a aucun secret pour moi. Je puis vous assurer que je vous rendrai votre navire en l'état."
"Ah ouais, terrible cette guerre." commenta l'homme en hochant la tête. "Le World Trade Center, le Pentagone... On parle pas du quatrième avion qui s'est crashé, mais ça a fait des dégâts aussi."
Je fronçai les sourcils sans comprendre. World Trade...? Quelle était cette chose ? Assurément, nous ne parlions pas de la même guerre. Vivement intrigué, je voulus lui demander des détails sur le sujet. Malgré mes lectures assidues et les visionnages intensifs de documentaire, mes notions en Histoire demeuraient incomplètes. J'en savais beaucoup sur les deux énormes guerres qui avaient bouleversé le monde, mais je possédais de nombreuses lacunes dans d'autres domaines et époques.
Le marin ne me laissa pas le temps pour les questions. Il fixa un prix pour la location de son voilier et s'empressa de partir changer les dollars en boissons dans le troquet le plus proche. Il semblait avoir un sérieux penchant pour l'alcool. Quel homme digne de ce nom aurait accepté de laisser son voilier toute une journée à un parfait inconnu ? Fort heureusement, son goût prononcé pour la boisson faisait ma chance.
Je levai les yeux vers le voilier qui mouillait dans les eaux du port. En cette heure très matinale, cet endroit était désert. J'avais préparé un sac à dos empli de nourriture et de livres afin de poursuivre les leçons de lecture de Vaiana.
Lorsque je lui avais proposée la balade en bateau, la jeune femme m'avait annoncé qu'elle amènerait avec elle deux fidèles compagnons de voyage avec lesquels elle avait appris à naviguer. La perspective de rencontrer ses amis m'enchantait, même si j'aurais préféré que nous effectuions notre odyssée tous les deux. Après tout, plus on est de fous, plus on rit ! De ce fait, j'avais loué un voilier qui mesurait à peu près neuf mètres de longueur. De ce fait, nous ne serions pas trop à l'étroit.
Je sortis les mains de mes poches en voyant la demoiselle arriver sur la plage. Elle portait un coq à l'air idiot sous le bras et un petit cochon trottinait dans le sable à côté d'elle. Pour quelle raison avait-elle emmené une ménagerie ? Avait-elle l'intention de faire rôtir un coq et un cochon à bord ? J'avais prévu de quoi nous sustenter lors de notre voyage mais sa débrouillardise me surprenait agréablement. Cependant, tandis qu'elle se rapprochait, je sentis mon enthousiasme diminuer sensiblement. Elle tenait le coq contre elle avec beaucoup trop de tendresse. Quant au petit cochon, il me disait quelque chose. Il ressemblait à celui que Tara Duncan avait défendu bec et ongles lors de notre voyage dans le monde des contes. Même si je n'étais pas très physionomiste des porcs, j'avais la désagréable impression qu'il s'agissait de cette bestiole.
"Deux fidèles compagnons de voyage. Bien sûr." déclarai-je avec une moue en comprenant subitement ses paroles.
Je levai brièvement les yeux au ciel avant de lui adresser un sourire. En réalité, sa spontanéité et son audace m'amusaient. On pardonne tout à une amie.
Je m'approchai d'elle et une fois juste devant, restai hésitant quelques instants. La bienséance m'imposait de lui faire un baise-main mais je la soupçonnais de me rire au nez si j'effectuais un tel geste. Une poignée de main aurait été incongru : elle n'était pas un homme. En tous les cas, je ne pouvais rester de marbre et lui manquer ainsi de respect. La politesse contemporaine suggérait une bise sur chaque joue mais je trouvais ce principe étrange. Tout compte fait, j'inclinai brièvement la tête vers elle, en signe de salutation. Jamais je ne pourrais omettre une révérence devant une femme que je respecte.
Puis je tournai la tête pour lui indiquer le voilier qui nous attendait, quelques mètres plus loin.
"Cela est-il à ton goût ? Le gréement m'a semblé tout à fait correct. Le vent nous est favorable. Tous les éléments sont réunis pour que nous passions une excellente journée. En plus, admire."
D'un geste théâtral, j'étendis les bras afin qu'elle remarque mon retour à l'âge adulte, bien qu'elle s'en soit sûrement déjà rendue compte. Un sourire amusé au coin des lèvres, j'ajoutai, faussement modeste :
"Tu as le privilège d'effectuer la traversée avec le 'grand' Jules Verne, non plus sa version miniature."
Et sans doute lui viendrait-il rapidement l'envie de me jeter par-dessus bord, mais j'étais bien trop soulagé d'avoir retrouvé mon apparence adulte. Cela s'était produit au cours de la nuit précédente. Je m'étais couché enfant et au réveil, je mesurais de nouveau un mètre quatre-vingt cinq et absolument tout était de nouveau à sa place. J'avais fêté ce juste retour des choses avec un bon cigare.
Je posai un regard soucieux sur Vaiana avant de masquer cette expression derrière un sourire sympathique. J'étais rassuré de constater qu'elle allait mieux, même si je n'osais m'enquérir de son état de vive voix, afin d'éviter de gâter son enthousiasme.
"Voulons-nous visiter ?" proposai-je en lui tendant la main.
Le coq qu'elle tenait contre elle confondit mes doigts avec de la nourriture et chercha à me pincer. Je m'éloignai en vitesse tout en fronçant les sourcils, agacé.
"Il serait plus prudent pour les animaux de rester sur la terre ferme." estimai-je sans grand espoir d'approbation. "Je doute qu'ils aient le pied marin, malgré ce que tu prétends..."
Comme si le porc avait compris le sens de mes paroles et qu'il cherchait à me provoquer, il ne trouva rien de mieux à faire que de trottiner sur l'embarcadère et de monter à bord du voilier. Au moins, les cartes étaient jetées. Je laissai échapper un soupir et indiquai l'accès au bateau à Vaiana. Puis je rehaussai le sac à dos sur mon épaule. Heureusement que j'avais emporté une boussole dans mes affaires, car le voyage promettait d'être mouvementé. Plus d'une fois, je risquais de perdre le nord.
crackle bones
Vaiana De Motunui*
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
| Avatar : Shay Mitchell :tombe:
Me regarde pas comme ça, un peu de sport ne te ferais pas de mal. Ca te réussis pas franchement de fricoter avec une pâtissière, enfin... Je dis ça, je dis rien...
Don't let little stupid things break your happiness
| Conte : Vaiana, la légende du bout du monde | Dans le monde des contes, je suis : : Vaiana
« Si je pars j'irais plus loin et toujours plus haut ! »
Avant de rejoindre Jules aujourd’hui, comme prévu, j’étais passée chez Tara pour récupérer Pua. Lorsque l’homme, ou le jeune garçon, selon son apparence, m’avait proposé une petite excursion en mer, j’avais tout de suite sauté sur l’occasion. Récemment sortie de l’hôpital, le mystère de ce qu’il s’était passé à la colocation restait encore entier. Aucunes nouvelles d’Hypérion, ni d’Elliot, ni de personne d’autre. Seuls Jules et Kida étaient passés me voir suite à l’incident. Pour l’un, comme pour l’autre, leur inquiétude m’avait touché, même si je ne leur avais pas montré. Et d’après ce que j’avais pu comprendre, personne n’avait de nouvelles de Louise et Anatole non plus, ce qui me torturait l‘esprit.
J’avais cruellement besoin de me changer les idées. De me vider l’esprit de toutes ces questions concernant ces derniers jours. De profiter d’un ou plusieurs instants où je ne m’inquiéterais pas pour ce qu’il s’était passé. Et surtout, d’essayer d’oublier les morts de ces derniers jours. Un changement d’air, et pour cela, retourner en mer me semblait être la meilleure idée qui soit. L’air marin ainsi que la houle de la mer me raviverait des souvenirs bien plus plaisant que ceux qui tournait en ce moment.
Et pour cela, quoi de mieux qu’un bon équipage ? « Bon » était peut être à nuancer. Du moins, je m’en rendais compte lorsque je baissais les yeux vers Hei hei qui tentait de picorer le béton, bien trop proche des escarpins d’une jeune femme qui aurait sans doute fait un esclandre si le coq l’avait touché. Rapidement, je ramassais Hei hei juste avant que son bec ne se pose à l’endroit fatidique. M’éloignant du centre ville, je jetais un œil par dessus mon épaule pour vérifier que Pua me suivait toujours. Ce dernier trottinait sagement derrière moi, résistant à la tentation de rentrer dans les boutiques dont émanait un doux parfum de nourriture.
Une fois rappelé à l’ordre, le cochon accéléra la cadence pour trottiner devant moi, résistant tant bien que mal à la tentation. Ce dernier connaissait très bien le chemin de la plage et nous y guida sans embuche. Hei hei, toujours dans mes bras, picorait l’air, après avoir vu une mouche passer devant ses yeux. Je l’avais gardé dans mes bras par prudence. Le connaissant, il aurait vite fait eu de rentrer chez quelqu’un, ou de disparaître de Storybrook en deux temps trois mouvements.
Rapidement, nous nous sommes rapproché du port, où je discernais déjà Jules, en train de nous attendre. Apparemment, ce dernier avait enfin retrouvé sa forme adulte, et bizarrement, je trouvais son apparence moins familière que sa version enfant. Surement dû au temps qu’il avait passé avec celle là. Je l’avais presque connu plus longtemps enfant qu’adulte.
A mesure que je me rapprochais, je vis son visage se décomposer lorsqu’il baissa les yeux vers Hei hei et Pua. Tara m’avait raconté comment elle avait retrouvé le cochon. Et d’après ce que j’avais compris, Jules avait un passif avec lui. Ce qui, bien évidemment, m’avait d’autant plus encouragé à l’apporter. Toujours amené une bonne distraction en partant en mer. Parfois, les voyages peuvent être long, et quelques peu ennuyant. Avec ça, j’étais presque sûre de ne pas y passer.
Il hésita quelques secondes en s’approchant de moi, finissant par faire une petite révérence, correspondant parfaitement à l’image adulte que j’avais de lui. Un petit sourire amusé passa sur mes lèvres, jusqu’à ce que je lève les yeux vers le.. La chose ? Qu’il me désignait. Cette fois-ci, ce fut à mon tour de déchanter.
- Qu’est-ce que c’est ?
La réponse était évidente, pourtant, j’avais du mal à y croire. Etait-ce réellement un bateau qu’il me montrait là ? Sur quoi avait-il appris à naviguer ? Je m’approchais de quelques mètres pour cogner légèrement contre la coque. Je relevais les yeux vers lui, toujours dubitative.
- C’est du plastique ? Vous construisez des bateaux avec du... Plastique ? Et...
Je levais les yeux vers les mâts, bien vide.
- Je ne sais pas comment vous avancez chez vous, mais nous, on préfère les voiles. Ca ressemble à une grande barque. Je préfère ne pas imaginer les rames qui l’accompagnent.
J’avais déjà vu ce genre de bateau naviguer sur l’eau. De loin, et cela m’avait amplement suffit. Rien n’était logique pour moi. Pas une once de bois sur ce bateau. Des fils à foison. Pas de voile. Sans compter toutes les décorations. Nous aimions décorer nos pirogues, mais les Storybookiens remportaient la palme d’or. Tous ces fils, ces barrières, ces choses.. Le bateau ressemblait à une énigme de ma grand mère. Aussi compliqué qu’incohérent et inutile. Pas besoin de tous ces artifices pour savoir naviguer. Les gens de nos jours étaient assistés pour tout. Même pour naviguer.
Tentant de faire abstraction de cette chose que certains osent appelé bateau, je me retournais vers Jules, apparemment fier de son apparence. Sa remarque m’arrache un sourire amusé que je réprimais en lui lançant :
- T’étais plus mignon enfant en tout cas.
Je retins difficilement un rire, avant de me retourner face au bateau. Il allait falloir que je me refasse à sa version adulte. Elle me semblait bien plus étrange que sa version enfant, mais cette impression s’estomperait surement d’ici la fin de journée.
Hei hei, toujours dans mes bras, commençait à s’impatienter. Ses pattes commençaient à mouliner dans le vide, alors que sa tête fixait l’eau d’un air méfiant. Gardons encore l’amour du poulet pour l’eau secrète, Jules risquerait de vouloir le laisser sur le pont s’il apprenait que ce dernier avait presque horreur de ça. Lorsque Jules me proposa sa main, le poulet se précipita sur ses doigts, visiblement intéressé par une nouvelle chose à picorer. Téméraire, Jules retira sa main aussi rapidement qu’il l’avait avancé.
- C’est signe qu’il t’apprécie, tu devrais faire connaissance avec lui, tiens. Tu verras, il est unique, et attachant.
Voilà de bien joli mot pour décrire le poulet. Il fallait bien lui accorder un peu de poésie, sinon, sa couverture risquait d’être grillée encore plus rapidement qu’à la normal. Sur ces mots, je lui déposais le poulet dans les bras, m’éloignant pour monter dans le bateau.
- Allons voir ça de plus près alors...
J’allais justement commencer mon ascension lorsque Jules m’interrompit en me doutant de la pertinence de mes deux acolytes sur le bateau. Il n’avait peut être pas tort, enfin surtout pour Hei hei. Mais avec sa réaction, je ne les aurais laissé sur le quai pour rien au monde.
- Contrairement à ce que tu peux penser, c’est avec Pua que j’ai appris à naviguer. Et c’est Hei hei qui m’a ensuite accompagné.. Par surprise.. Pour mon plus long périple en mer. Et le plus dangereux aussi. Tu serais étonné de les voir à l’œuvre.
Etonné, c’est le mot. J’évitais évidemment de préciser dans quel sens du terme. Pua me devança d’ailleurs en passant entre mes jambes pour passer l’embarcadère, remuant ses fesses sous le nez de Jules pour le narguer. Je du me mordre furieusement la lèvre pour ne pas éclater de rire.
- Tu vois, il est déjà impatient de te montrer ses talents.
Si pour l’instant, je réussissais à garder mon sérieux, il n’en était pas moins sûr pour le reste du voyage. Suivant Pua, je pris l’embarcadère derrière lui pour accéder au bateau. Et là, grande surprise. Des planches de bois pour le sol, génial. Mais rien de plus. Tout le reste du bateau était recouvert de plastique.
- Dites, vous êtes en manque de bois pour faire un bateau entièrement en plastique ?
J’inspectais le reste du bout de plastique géant, d’un œil critique. Un bateau de cette taille, et pourtant, avec si peu de place pour marcher. Il était tellement rempli de... Choses en tout genre, que la circulation à deux était déjà compliquée.
- C’est très... Spécial. Vous avez vraiment besoin d’autant de choses pour naviguer ? C’est pourtant pas bien compliqué normalement. Une coque, un balancier, un mât, une voile, une barre, pour les moins bons à la voile, une ou deux rames, et c’est réglé.
Le seul souci qui demeurait, outre leur bateau étrange, était que je ne connaissais absolument rien à leur technique de navigation. A voir tout cela, j’espérais au moins que le bateau se conduisait seul. Sinon, j’allais avoir du mal à comprendre pourquoi toutes ces choses alors qu’il existait beaucoup plus simple. Ne voulant pas avoir une remarque déplacée, je tentais de lui glisser, l’air de rien.
- Je travaille sur la construction d’une depuis que je suis arrivée sur Storybrook. Elle est beaucoup moins grande, mais surement tout aussi efficace.
PS : Je t'ai piqué ton crackship le temps d'en faire, il était trop beau !
Jules Verne
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
« Remplis ma tête d'autres horizons, d'autres mots. »
Le prochain voyage sera le plus beau !
Mademoiselle Vaiana ne semblait pas transportée outre mesure par le voilier que j'avais loué pour la journée. J'avais prévu cette réaction de sa part. Je connaissais sa passion pour les bateaux en bois car je la partageais. Hélas, je n'avais trouvé aucun navire digne de nos attentes dans le port de Storybrooke, et j'avais donc été contraint de me rabattre sur celui-là. Je lui désignai les voiles repliées avant de réprimer un sourire en l'entendant parler de rames. Heureusement, nous n'aurions pas besoin de ramer comme des forçats. Les moteurs le feraient pour nous.
"T’étais plus mignon enfant en tout cas."
Toutes mes pensées relatives au gréement des voiles et des cordages se volatilisèrent de mon esprit alors que lui adressais un regard sincèrement surpris. Je me sentais flatté par sa remarque, même si elle soulevait une toute autre question : cela signifiait donc qu'elle me trouvait séduisant sous mon apparence adulte ? Certes, un peu moins, mais tout de même suffisamment. Cette légèreté de propos m'enorgueillit et j'esquissai un sourire, qui s'estompa bien vite alors que mon regard tombait de nouveau sur le coq stupide que la jeune femme venait de me mettre dans les bras.
"Hum... Vaiana ?" fis-je alors que le satané poulet s'animait brusquement, sans doute dérangé par mon étreinte maladroite.
Comme elle me tournait le dos, j'hésitai à jeter le coq dans le sable et à la rejoindre, mais soupçonnant une querelle dont je me serais bien passé, je m'en abstins. Le poulet se démenait tellement que je n'eus bientôt pas d'autre choix que de le saisir par la gorge et à le tenir éloigné de moi. Ses pattes battaient dans le vide à vive allure alors qu'il poussait des piaillements suraigus. Je m'empressai de monter à bord du voilier pour lâcher l'animal de malheur qui se mit à avancer en zigzag avant de se planter au pied d'un mât et de commencer à le picorer avec acharnement. Quant au porc, il était assis sur son arrière train et humait l'air marin avec emphase, ses oreilles remuant dans la brise. Je clignai des yeux face à ce spectacle déroutant. Pendant ce temps, Vaiana expliquait à quel point ces deux-là étaient précieux et chers à son coeur. Je me contentai d'une moue polie. Mieux valait que je retienne les remarques qui auraient sans doute provoqué un esclandre. Ne jamais sous-estimer les colères féminines. Elles débutent fréquemment sur des malentendus ou des idioties, et se terminent par des bouderies puériles. Cependant, il s'avéra difficile de rester muet alors que le cochon avait quitté sa place pour venir renifler mes souliers.
Tout en lui jetant un coup d'oeil méfiant, j'enlevai mon sac à dos de mes épaules pour le poser au sol et l'ouvrir avec un genou à terre. Vaiana venait de refaire allusion au plastique, le matériau dans lequel avait été principalement fabriqué le voilier, et il était temps pour moi de faire part d'une information essentielle.
"Je partage ta préférence pour les navires en bois. J'en ai possédé plusieurs dans mon autre vie."
Joignant le geste à la parole, je sortis un livre de mon sac que j'ouvris. Après avoir parcouru quelques pages, je lui montrai une photographie illustrant mon navire perdu depuis longtemps. Un bateau en bois à la silhouette élégante, qui n'était pas sans rappeler celle sur laquelle naviguaient les corsaires et les pirates, autrefois. Un autre cliché plus petit le montrait sous forme de maquette.
"Un yacht à vapeur de trente et un mètres, doté d'un gréement de goélette et une machine à double cylindre." annonçai-je fièrement, même si je doutais qu'elle comprenne ce langage technique. "Il fallait un équipage de neuf hommes pour manoeuvrer le Saint Michel III. Chacun de mes bateaux portait le nom de mon fils. Au final, j'ai été contraint de les revendre afin de l'aider financièrement. Triste revers de médaille. Rien n'est jamais acquis en ce monde."
Une ride soucieuse barra mon front alors que j'observais les reliefs de mon cher bateau. Où était-il, à présent ? Démembré, abandonné dans un cimetière d'épaves ? Ou au contraire, m'avait-il survécu au fil des siècles ? Avait-il tout vu alors que j'avais tout manqué ?
Je laissai échapper un soupir gonflé de nostalgie alors que mes doigts caressaient la surface du papier glacé. J'avais vécu tant d'aventures à bord de ce yacht ! Je me revoyais encore, allongé sur le pont à recouvrir des carnets de notes qui me serviraient à mes futurs ouvrages. Tant de croisières jusqu'à Edimbourg ou Copenhague, puis ce merveilleux tour de Méditerranée en 1883 ou 1884 ! Les années se confondaient dans mon esprit, mais les souvenirs, les impressions y demeuraient intacts.
Levant les yeux vers Vaiana, je remarquai son expression alors qu'elle observait elle aussi la photographie. Un détail me revint et j'ajoutai avec un sourire contrit :
"Ah, oui, un cliché de moi a été placé en superposition au bateau, en bas à gauche de l'image. Ainsi tu sais à quoi je ressemblerai quand je redeviendrai vieux. Tu connais désormais tous mes visages."
Je refermai le livre qui avait pour titre "Les bateaux à travers le temps" et le rangeai dans mon sac.
"Nous aurons l'occasion de le parcourir en cours de journée." lui promis-je, car je me doutais que ce genre de lecture lui serait beaucoup plus agréable qu'un roman d'Emile Zola. "Tu en apprendras beaucoup plus sur le maniement des navires. Moi-même, j'ai été surpris en bien des points."
Je lui adressai un sourire alors qu'elle me confiait qu'elle était occupée à la fabrication d'une pirogue, en ce moment.
"Il faudra me la montrer. J'aimerais beaucoup la voir. En attendant, laisse-toi éblouir par les merveilles du modernisme !" lançai-je en m'élançant vers la cabine de pilotage.
Il fallait enclencher la mise en marche des moteurs, et comme nous étions à bord d'un navire récent, nul besoin de descendre allumer une fournaise de tous les diables dans la salle des machines, dans la soute. La science était fort utile pour éviter de se salir les mains.
Cependant, une fois face aux commandes, je demeurais indécis. Une console d'un mètre de longueur s'étalait sous mes yeux, parsemée d'une myriade de boutons de taille identique. Pourquoi existait-il un bouton qui s'intitulait "essuie glace" ? Quelle vitre devait-elle essuyée dans un voilier ? Je décidai d'enclencher le petit levier s'appelant "général". Ainsi, tout allait entrer en fonction, non ? Avec soulagement, j'entendis bientôt un vrombissement sous nos pieds, signe que les moteurs étaient en marche.
J'esquissai plusieurs gestes hésitants avant de me tourner vers un second panneau de commandes sur la gauche. Je passai pensivement la main sur mon menton avant de hausser les épaules. Celui-là ne semblait pas des plus importants pour le moment. Nous y reviendrons plus tard.
Fier d'avoir réussi ce tour de force, je me plaçai face au gouvernail et observai l'horizon. Brusquement, je me souvins d'un détail alarmant.
"Nous n'avons pas enlevé les cordages qui entravent le voilier dans le port." dis-je en contenant mon angoisse, car je sentais le bateau résister à l'assaut des vagues, ce qui risquait de devenir très vite problématique.
Jetant un bref coup d'oeil à Vaiana, je retournai sur le pont et manquai de piétiner le coq de malheur alors que je me précipitai vers un cordage qui retenait le voilier.
"Il y en a un autre de l'autre côté du pont !" m'écriai-je à l'adresse de la jeune femme.
Quelques minutes plus tard, le voilier glissait sur l'onde et entamait une course folle à travers l'océan. Direction : l'horizon ! Je soupirai d'aise, transporté par les promesses de ce voyage. Puis, mon attention fut attirée par un coffre en plastique -matériau indissociable du XXIème siècle- qui trônait non loin d'un siège, au niveau du gaillard d'avant. Le cochon reniflait le coffre avec curiosité. Soulevant le couvercle, je remarquai plusieurs bocaux en verre contenant...
"De la terrine de porc." déclarai-je en prenant un bocal en main. "En veux-tu ?"
J'en soulevai le couvercle avant de poser le récipient au sol, juste à côté du cochon qui s'assit sur son arrière-train. Il observa le bocal d'un air affligé, puis leva de grands yeux traumatisés dans ma direction. Je lui adressai un regard désinvolte avant de tirer sur mon pantalon à pinces pour me baisser face au coffre ouvert. Il y avait d'autres bocaux contenant des choses suspectes, ainsi que divers outils de jardinage, dont la présence à bord était des plus curieuses.
"Es-tu plus râteau ou pelle ?" demandai-je à Vaiana.
Cette question m'avait semblé pertinente sur l'instant, mais à présent que je m'étais entendu la prononcer, je la trouvais étrange et inappropriée, à la limite de l'impolitesse. Malgré tout, je levai la tête dans sa direction avec un sourire intrigué, car j'étais toujours accroupi et elle debout.
crackle bones
Vaiana De Motunui*
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
| Avatar : Shay Mitchell :tombe:
Me regarde pas comme ça, un peu de sport ne te ferais pas de mal. Ca te réussis pas franchement de fricoter avec une pâtissière, enfin... Je dis ça, je dis rien...
Don't let little stupid things break your happiness
| Conte : Vaiana, la légende du bout du monde | Dans le monde des contes, je suis : : Vaiana
« Si je pars j'irais plus loin et toujours plus haut ! »
Je ne pouvais m’empêcher de me demander ce qu’il passait parfois par la tête de Jules. Son expression avait changé à ma petite taquinerie sur son apparence enfant. J’avais entendu beaucoup de clicher sur les femmes, mais ils semblaient être partagés par Jules. Est-ce qu’il se faisait réellement des films sur mes paroles ? Cette idée me tira un sourire amusé. Il en entendrait certainement parler plus tard. Comme d’autres choses que j’avais gardé en tête depuis l’Australie, mais que je n’avais pas eu l’occasion de lui rappelé.
En attendant, la découverte du bateau avait quelque peu ébranlé mes espoirs de croisières sur pirogue. Je n’avais pas pu m’empêcher de m’extasier sur l’incroyable capacité des hommes de cette ville à complexifier un bateau. La navigation n’était pourtant pas si compliquée. Elle n’était, certes, pas donné à tous, mais au lieu de s’entêter en créant de véritable casse tête, il valait mieux se laisser aller à d’autres activités moins physiques.
Après m’être remise de mes émotions et de tout ce.. Plastique, j’avais rejoins Jules, m’asseyant à ses côté sur une petite excroissance, en plastique, bien sur. Il venait de poser son sac à dos à terre pour en sortir une photo. J’y avais jeté un coup d’œil par dessus son épaule, alors qu’il joignait les paroles à son geste.
- Ca me semble toujours bien compliqué. Une pirogue reste bien plus agréable, de mon avis. Et qu’est-ce que c’est que cet espèce de cylindre au milieux du bateau ? Rajouter un poids pareil dessus ne doit l’aider à naviguer rapidement.
Après m’être focalisée sur le bateau, j’avais bien évidemment dévié mon regard vers le visage qui revenait sur les deux photos. Mais je n’eus pas le temps de m’y attarder, puisque l’homme aborda un sujet plus sensible et sérieux qu’une petite moquerie pour le taquiner. Je me redressais alors, levant les yeux vers l’eau en haussant simplement les épaules.
- C’est un bel hommage. Le nom du bateau certes, mais le geste encore plus. Il y a parfois plus important. Moins agréable, mais plus important...
Je baissais de nouveau les yeux vers Jules en lui souriant. J’étais encore loin de toutes ces stratégies et catastrophes financières. Je n’en comprenais que très peu l’intérêt et encore moins le principe. Il fallait dire que tout ce monde de richesse n’existait pas sur mon île. Chacun avait le droit de vivre comme tous les autres. Et chacun oeuvrait pour l’île comme tous les autres. Mais j’avais entendu beaucoup de récit funestes et bien effrayant par rapport à cela. Manquer de leur monnaie signifiait vivre dans un monde bien différent de celui dans lequel j’avais vécu et je vivais. Manquer d’argent, c’était mettre en péril, sa santé, ses amis, ses passions, sa famille... Sa vie. Pour une simple monnaie.
L’ambiance était devenue plus lourde. Evoquer de tel chose ne devait pas enchanter Jules, et cela devait le ramener à des souvenirs bien moins agréables. Je reposais alors mes yeux sur la photographie, un fin sourire en coin sur les lèvres alors que mon regard se dirigeait cette fois ci sur le curieux visage. Inutile de réfléchir énormément pour l’associer à Jules.
- J’ai l’impression de t’avoir vu du début jusqu’à la fin de ta vie maintenant. C’était la mode la moustache associée à une barbe digne du bonhomme rouge distribuant des cadeaux sur un traineau à noël ?
Le taquinais-je en levant les yeux vers son menton. Bien loin de l’épaisse barbe de la photo, j’aurais presque pu croire que le Jules que j’avais en face de moi était imberbe. Les poils venaient certainement avec l’âge et la virilité. Mes yeux s’élevèrent un petit peu plus vers le haut de ses cheveux. Je n’avais pas manqué de remarquer le manque de cheveux sur la partie avancée de son crâne sur les clichés. Sans plus de commentaire, je lui renvoyais un sourire mutin en me relevant.
Jules rangea le livre dans son sac en reprenant la parole de plus belle. Son idée était plutôt tentante, je devais l’avouer. Même si, si vite sortie de l’hôpital, je n’étais pas emballée par l’idée de recommencer des cours de lecture, le faire sur un livre retraçant l’histoire des bateaux ou les différents types existant était plutôt agréable.
- Je n’en doute pas une seconde.. Ils sont tellement différents de tout ce que j’ai connu. J’espère qu’il y a un chapitre réservé aux pirogues.
Lui glissais-je avec un clin d’œil. Malgré mon petit sous entendu de naviguer sur une pirogue, Jules ne saisit pas l’occasion, visiblement décidé à l’idée de partir en mer avec ce.. Voilier, si j’avais bien tout compris. Prenant le côté positif de la chose, j’imaginais que ce bateau se conduisait au moins tout seul et que nous aurions le temps de profiter de la mer. En plus de cela, je découvrirais surement une nouvelle technique de navigation.
- Avec grand plaisir. Voyons voir ça alors..
Je m’approchais à ses côtés pour découvrir un tableau de bord, rempli de bouton. C’est ça, le modernisme ? En plus, les explications sont écrites, me laissant quelques secondes d’hésitation sur chaque mot. Je n’étais pas encore convaincue par ce... Modernisme.
- Si avec ça, le bateau ne se conduit pas tout seul, en nous menant à un cap que nous lui aurons demandé, tout en traversant toutes les pires tempêtes de manière parfaitement confortable, je ne comprendrais pas comment on peut mettre autant de boutons pour un bateau.
Mes yeux parcouraient lentement chaque mot, s’écarquillant toujours plus. Essuie-glace ? Toilette ? GPS ?! Avec ça, la navigation peut être accessible à un enfant de cinq ans. Cela enlevait une grande partie du plaisir. Mais... Attendez..
- Hi-Fi/TV ? On peut regarder la télé sur un bateau en plein milieu de la mer ? Mais pourquoi ?
La question était sortie, d’une sincérité presque déprimante. Parce que quand vous partez sur un bateau, vous, vous regardez la télé ? Le paysage, la navigation, ça passe par dessus ? A quoi bon naviguer si c’est pour regarder la télé ?
Point positif, Jules avait l’air de s’y connaître. Ce qui m’impressionnait légèrement. Enfin jusqu’au moment où il passa de la théorie à la pratique. La pratique qui était plutôt bien partie s’il n’avait pas omis un détail très important. Alors que le bateau semblait prêt à s’élancer sur l’eau, à une vitesse très modérée, une résistance troubla la quiétude qui s’était installée.
Jules sauta au dessus de Hei Hei qui le regarda passé d’un de ses œil. Apparemment, le mouvement avait du le stimuler puisqu’il avait décidé de picorer la corde sur laquelle s’afférait Jules. Je gardais un œil sur lui, histoire qu’il n’en profite pas pour le laisser à quais, ou barboter dans l’eau. Je rejoignis rapidement l’autre côté du bateau pour m’occuper du nœud, pas bien compliqué à délier. Une fois fait, je pris une grosse partie de la corde pour la jeter sur le pont, histoire qu’elle ne soit pas sous l’eau à notre retour. Je me retournais vers Jules, les points sur les hanches, un sourire moqueur sur le visage.
- Eblouie.. C’est le mot, je suis éblouie.
Alors que Jules retournait auprès de Pua, qui cherchait visiblement quelque chose à se mettre sous la dent, je rattrapais Hei Hei au vol, qui se dirigeait vers l’arrière du bateau, près à plonger dans l’eau. Je le tournais de l’autre côté, le laissant marcher dans la direction opposée pour picorer le plastique du bateau.
Lorsque je retournais auprès de Jules, je vis Pua le regarder avec de grands yeux tristes. Fronçant les sourcils, je me demandais ce que l’homme avait encore fait. Mais, étant donné que Pua a un caractère déjà bien trempé pour son statut, je n’avais aucune inquiétude sur le fait qu’il saurait se défendre.
Le nez dans coffre, Jules releva les yeux vers moi avec une question des plus... Etrange. L’étonnement passé, j’avais ravalé un sourire amusé en haussant les épaule et en me rapprochant de lui.
- Ca dépend qui me le propose.
Laissant quelques secondes de blanc, j’avais levé les yeux vers la mer, l’air pensif.
- Si la personne est assez costaud et musclée, je lui offre volontiers une pelle, comme soulever la terre est surement plus physique Mais si la personne est assez gringalette, je lui offre un râteau. Ratisser, c’est à la hauteur de tout le monde.
Conclus-je avec un léger sourire amusé. Mais je n’allais pas oublier la première règle de cordialité dans une conversation. Jules était toujours très distingué, je me devais de me hausser à son niveau. Penchant légèrement ma tête sur le côté, je lui retournais la question.
- Et toi ?
Attendant sa réponse, je relevais mes yeux vers Pua qui semblait s’agiter, dans le dos de Jules. Ce dernier n’aurait pas osé oublier son sac par terre après avoir fait une crasse au pauvre petit cochon ? Apparemment si. Et ce dernier semblait décidé à se venger. Je n’avais pas besoin d’intervenir pour le défendre, puisque malgré sa petite taille, l’animal savait parfaitement y faire.
Pua avait attraper dans sa gueule l’une des lannières du sac à dos et le trainait vers l’arrière du bateau, seul endroit accessible par lequel il comptait très certainement faire passer le sac. Il faisait d’ailleurs aussi rouler le petit bocal en s’arrêtant tous les mètres pour lui donner des coups de museau. A mesure qu’il tirait, certains objets s’échappaient du sac, m’offrant un spectacle plutôt comique.
- Dis moi Jules, hormis le livre sur les bateaux, tu n’aurais pas aussi apporté... Une boussole ? Et... Deux autres livres ?
Dont un où des gens... Attendez, c’est quoi ce livre ?! Je m’approchais en plissant les yeux. Je n’avais peut être pas des facilités en lecture, mais pour un mot en quatre lettres avec seulement trois différentes, je visualisais parfaitement la chose.
- Tu as pris avec toi un livre sur le sexe ?! Avec une dédicace en plus ?
Il y avait un petit texte griffonné que je n’eus pas le temps de lire sur la première page, qui venait de s’ouvrir à cause du vent, je relevais les yeux vers Jules, perçant.
- J’avoue que je m’attendais à beaucoup de choses... Mais pas à...
Le temps que je finisse ma phrase, un énorme « plouf » venait de retentir, alertant l’homme. Un sourire mutin glissa sur mes lèvres alors que je voyais Pua cavaler jusqu’à la porte menant à l’intérieur du bateau. Ce dernier s’offrit même le luxe de s’arrêter dans l’embrasure de la porte, dos à nous, pour remuer des fesses en narguant Jules. Mordant furieusement ma lèvre inférieure, je retins un fou rire qui montait peu à peu en moi.
Je laissais les deux enfants régler leur compte, gardant quand même une oreille sur l’affaire pour que Jules n’ait pas des envies de meurtre ou de noyade de cochon. Escaladant la petite cabine, je m’avançais tant bien que mal pour arriver sur le devant du bateau. Il était bien plus spacieux et le soleil tapait, réchauffant légèrement l’atmosphère. Attendant que Jules me rejoigne, je m’assis sur une surface plane, levant le nez pour regarder la position du soleil ainsi que le sens du vent. Je me demandais à quel endroit nous pourrions bien aller. Lorsque j’aperçu Jules, je me retournais vers lui.
- Quel est le cap, capitaine ?
Je me relevais en jetant un coup d’œil à l’eau turquoise. Passant ma main à travers les barrières, je m’agenouillais pour toucher l’eau du bout des doigts. Elle semblait à une température parfaite. Ou tout du moins, de quoi nous rafraîchir.
- Si on arrive à trouver un endroit sympathique, on pourra toujours gouter l’eau. Elle a l’air parfaite ! Une crique par exemple.
Il fallait être fou pour rater une si belle occasion, l’eau était à une température parfaite. Et j’avais passé les seuls moments de baignade en bord de plage bondé, ce qui était plutôt frustrant.
Jules Verne
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
Vaiana posait quantité de questions intéressantes concernant le gréement et l'utilité de certains appareils à bord des bateaux modernes. J'aurais tout le temps de lui enseigner l'importance de chaque chose le moment voulu, aidé par mon précieux ouvrage sur les navires, car je n'avais pas la prétention de tout connaître sur les récents appareils. D'ailleurs, sa question sur la télévision était des plus pertinentes. Je n'en connaissais évidemment pas la réponse, bien que je partageais son avis : il n'y avait aucun intérêt à avoir les yeux rivés sur un écran quand on avait l'immensité de l'océan qui nous tendait les bras. Les hommes d'aujourd'hui se complaisaient dans de futiles plaisirs au détriment de la beauté naturelle des choses.
Alors que Vaiana réfléchissait à ma question concernant les pelles et les râteaux, je passai une main sur mon menton, repensant avec un sourire à sa réplique sur la moustache et la barbe. Sur le moment, je n'avais rien trouvé à dire, mais j'aurais aimé préciser que j'avais compris son allusion au père noël. J'étais très fier d'avoir saisi cette référence. A présent, le moment était passé, et cela aurait paru étrange de remettre ce sujet sur le tapis. De toutes les façons, la jeune femme venait de répondre concernant les outils de jardinage. Je hochai la tête, trouvant son explication satisfaisante, bien que je ne saisisse toujours pas l'origine d'une telle interrogation de ma part. Par moments, j'étais bien trop dans la lune.
"Moi ?" fis-je en sursautant, surpris qu'elle me retourne la question. "Eh bien..."
Je m'accordai quelques secondes de réflexion, me grattant légèrement l'arête du nez d'un air impliqué.
"Je n'ai pas pour habitude de jardiner, aussi il est difficile de répondre, mais... il me semble que la pelle est plus agréable à utiliser que le râteau. On peut trouver des trésors en creusant le sol, alors qu'en râtissant, on remue seulement la surface de la terre. Je suis quelqu'un qui aime aller au coeur des choses donc, sans hésiter : la pelle !"
Je lui adressai un sourire tout en plaçant les mains dans mon dos. Tout compte fait, ma question ouvrait la voie à une discussion étonnante mais intéressante. Si cela continuait ainsi, nous allions bientôt parler chiffons ensemble ! Cela dit, cette idée ne m'enchantait guère, car je n'étais pas une femme et je craignais que mes connaissances en matière de tissu ne soient désuettes. Qui portait encore des jupes en mousseline ou des soieries, de nos jours ? C'était un bien triste siècle vestimentairement parlant. A mon époque, j'aimais me tenir informé de ce que portaient les dames car de cette manière, je parvenais à les séduire en conversant de choses qui les intéressaient. Venait ensuite la fatale exclamation féminine : "Par tous les saints, êtes-vous Jules Verne ?" un battement troublé d'éventail, un sourire en coin de ma part, et... la suite n'avait aucun besoin d'être mentionnée. A leurs yeux, j'étais l'homme le plus accompli de toute la France, voire du monde entier (je devais en remercier Phileas Fogg et mes autres personnages qui m'avaient rendu célèbre).
Le voile de mes souvenirs se leva brusquement alors que j'entendais les propos de Vaiana. Elle observait un livre sur le sol dont je n'avais pas connaissance. Avant que je comprenne ce qui arrivait, j'aperçus ma boussole rouler sur le pont, avant d'être stoppée par Les Contemplations de Victor Hugo. S'ensuivit un grand "Plouf !" qui me fit lever la tête vers le cochon. Il cavala vers la cabine à vive allure.
"Vertuchou !" m'écriai-je, révolté, en saisissant enfin ce que cette sale bête venait d'accomplir.
Il avait jeté mon sac et l'ensemble de son contenu par-dessus bord ! Une rage sourde s'empara de moi alors que je me précipitai vers le bastingage. Je jetai un coup d'oeil en contrebas, observant mon regretté sac dériver au gré des flots, déjà hors de portée. Inutile de tenter de le repêcher. Ce qu'il contenait était déjà probablement fichu. Songeant avec tristesse au saucisson, au pain et à la confiture de framboises que je ne pourrais jamais manger, je ramassai les objets rescapés de cet acte odieux. Il ne me restait plus que ma boussole -que je rangeai dans ma poche de pantalon- un recueil de poèmes de Hugo et un ouvrage sur le... sexe. Mon sang ne fit qu'un tour dans mes veines. Désormais, j'étais doublement énervé ! Je jetai un coup d'oeil oblique en direction de la cabine dans laquelle s'était réfugié le cochon. Ma vengeance serait terrible. Il m'avait privé de déjeuner. De toutes les façons, il finirait bien par sortir.
Aussi je me dirigeai vers la proue du voilier pour rejoindre Vaiana qui était tranquillement assise, le nez en l'air. Elle évoqua le cap à suivre, et j'aurais pu m'enorgueillir de l'appelation "capitaine" si je n'avais pas les yeux rivés sur la première page du fameux livre intitulé "Le Sexe pour les Nuls", alors que j'avais coincé les poèmes de Hugo sous mon bras.
"Merci d'avoir pris soin de moi. Maintenant, prenez soin de vous, monsieur Verne. C'est signé Cassie." je lus, révolté. "Quel toupet ! Après tout ce que j'ai fait pour elle, me remercier de cette façon ! C'est vraiment, vraiment..."
Les mots me manquaient. J'étais suffoqué par une telle grossièreté. J'étais allé lui rendre visite à l'hôpital par simple courtoisie et gentillesse, et je le regrettais amèrement. Qu'allait donc s'imaginer Vaiana à mon sujet, à présent ?
Je feuilletai rapidement l'ouvrage d'un geste rageur, cependant mes yeux s'attardèrent sur quelques croquis qui se révélaient être intéressants, tout compte fait.
"Oh... je dérange peut-être ?" fit une voix douce et mélodieuse.
Je refermai aussitôt le livre dans un claquement sec et découvris, perplexe, Aryana à seulement quelques mètres. Elle venait d'apparaître, ravissante comme à l'accoutumée dans une robe élégante et vaporeuse qui dévoilait ses jambes. Elle baissa les yeux sur la couverture de l'ouvrage que je m'empressai de jeter le plus loin possible avant de reprendre les Contemplations de Victor Hugo, faussement désinvolte. Elle masqua un sourire amusé puis s'éclaircit posément la gorge.
"Je ne pensais pas que tes goûts étaient devenus... exotiques." reprit-elle tout en coulant un regard en direction de Vaiana. "Aryana, je suis la maman d'Elliot. On s'est vue en Australie."
Elle se présenta en lui adressant un charmant sourire dénué de jalousie -car elle n'avait aucune raison de l'être, puis elle fronça les sourcils et je remarquai qu'elle tenait un animal en laisse. jusqu'à maintenant, en raison de sa qualité de déesse, sa présence avait occulté tout le reste durant quelques secondes mais à présent, je pouvais voir la grande salamandre disgracieuse qui tirait sur une laisse à laquelle elle était attachée, tout en poussant de légers feulements. Je la reconnus aussitôt. Dans tout le règne animal, il n'en existait un seul d'aussi laid.
"Johanna ?" fis-je, abasourdi. "Que diable...?"
"Je te la confie." coupa Aryana tout en ramenant une mèche derrière son oreille, ennuyée. "Cette bestiole est impossible ! Si ça continue, je la transforme en sac à main !"
Je considérai la déesse avec un mélange d'embarras et d'appréhension.
"Que veux-tu que j'en fasse ?"
"Jette-la à l'eau ! Peu importe !" fit-elle avec un geste désinvolte.
Cette perspective me semblait envisageable mais je me demandais pour quelle raison elle ne s'en était pas occupée elle-même.
"Comment se fait-il que tu aies Johanna ?" demandai-je, indécis.
"Je suis retournée en Australie afin d'enquêter encore un peu. Elle était maigre comme un lacet. Je pensais qu'elle ferait un beau cadeau pour Deborah comme elle est verte et que c'est sa couleur, mais... je n'en peux plus. Elle ne fait que gémir et en plus elle sent mauvais."
Tout en parlant, elle attacha le bout de la laisse au mât du voilier, avant de se frotter les mains, soulagée de se débarrasser de l'animal. Johanna s'empressa d'attaquer la corde avec ses dents puis coinça on-ne-sait-comment l'une de ses pattes avant dans le collier en strass qu'elle avait autour du cou. Consternant.
"Je n'en veux pas. Tu peux la repren... Aryana ?"
Elle venait de disparaître en plein milieu de ma phrase. Comme c'était grossier ! Etait-ce toute la considération que je méritais après ce que nous avions vécu ensemble ?
"Quelle ingratitude !" laissai-je échapper à haute voix.
Johanna continuait de mâchonner la laisse avec acharnement tout en bavant. Cette vision me ramena plusieurs jours en arrière, lorsque j'étais redevenu un petit garçon. Je restai perdu quelques instants dans les méandres de mes pensées, jusqu'à cligner des yeux et plaquer une main contre ma bouche.
"Mon carnet !" dis-je dans un souffle.
J'avais été si brusque que Johanna cessa brièvement de se débattre dans ses entraves, me fixant de ses yeux globuleux.
"Mon carnet, avec toutes mes notes ! Englouti par l'océan !"
Je passai les mains dans mes cheveux, en proie à une terreur presque paralysante. Je pivotai vers Vaiana et la dévisageai.
"Il s'agit d'un carnet que j'emporte partout avec moi ! J'y retranscris mes impressions, mes idées, j'y dessine des croquis... Le début de mon nouveau roman était à l'intérieur."
La terrible vision de mon précieux livre de notes dérivant à plusieurs centaines de lieues sous les mers m'arracha un frisson douloureux. A cet instant, comme un coup du sort supplémentaire, le vilain petit cochon montra le bout de son museau. Craintif, il longea la rambarde dans le but de se rapprocher de Vaiana.
Dès qu'elle le vit, Johanna tira sur la laisse, griffant le sol du bateau de toutes ses forces, la langue pendante et une expression affamée déformant ses traits. Il est vrai qu'elle ne mangeait pas que des oeufs, je m'en souvenais, à présent... La pauvre, elle avait l'air d'avoir si faim.
"De quoi parlions-nous avant d'être interrompus ?" fis-je tout en posant un genou à terre près de Johanna afin de refaire mon lacet. "Oh, tu proposais une baignade, c'est bien cela ? Je n'ai pas de cap, je pensais nous laisser porter par le courant. Cependant, il me semble qu'il y ait un îlot de terre par là-bas, à moins que je ne m'abuse ? Ce serait tout indiqué pour l'activité que tu as énoncée."
Du menton, je désignai un endroit derrière Vaiana, de sorte à ce qu'elle se retourne pour regarder. Le temps qu'elle soit occupée à observer ce que j'indiquais, j'en profitai pour détacher la laisse de Johanna autour du mât. Discrètement. La bestiole dérapa sur le sol, y laissant une sacrée empreinte de griffes, avant de se précipiter vers le cochon, tous crocs dehors. Ce dernier se retourna, poussa un cri aigu et terrorisé avant de courir à travers le bateau, la salamandre deux fois plus grosse que lui le talonnant de près.
"Oh, misère..." dis-je en me redressant d'un bond.
Je lançai un regard profondément innocent et désemparé à Vaiana. Mieux valait que j'essaye de séparer les deux animaux avant que le pire ne se produise, même si j'espérais secrètement que Johanna se sustente. Elle était bien plus agréable lorsqu'elle était rassasiée. Vaiana devait s'en souvenir elle aussi, non ? Ce n'était qu'un petit sacrifice pour une plus grande cause.
J'en étais là de mes réflexions quand le cochon courut vers moi avant de bifurquer. Hélas, Johanna qui était plus balourde calcula mal sa trajectoire et me percuta de plein fouet. Pourquoi, ô grands dieux pourquoi étais-je si près du bastingage à cet instant précis ? Je perdis l'équilibre et basculai par-dessus bord.
La chute fut brutale, l'eau plus glacée que je ne l'aurais voulu. Je remontai à la surface, crachant mes poumons puis nageai vers le voilier qui s'éloignait déjà à une allure étonnante, indifférent à mon malheur.
"Va... Vaiana !" appelai-je en buvant la tasse. "Réduis... la... voilure !"
Elle n'allait pas me laisser au beau milieu de l'océan, tout de même ?
crackle bones
Vaiana De Motunui*
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
| Avatar : Shay Mitchell :tombe:
Me regarde pas comme ça, un peu de sport ne te ferais pas de mal. Ca te réussis pas franchement de fricoter avec une pâtissière, enfin... Je dis ça, je dis rien...
Don't let little stupid things break your happiness
| Conte : Vaiana, la légende du bout du monde | Dans le monde des contes, je suis : : Vaiana
« Si je pars j'irais plus loin et toujours plus haut ! »
La pelle, donc, selon Jules. Bizarrement je me serais imaginé quelque chose d’autre. Plus proche du râteau, si j’en croyais ma première discussion avec Diane. Mais Jules semblait ambitieux, après tout, c’était ce qu’il fallait pour réussir. Ou au moins, tenter quelque chose. Il préfère donc aller au cœur des choses, et non en surface. Je glissais un regard amusé à l’homme qui semblait parler innocemment de jardinage. Réellement ? Pourtant, d’ordinaire, j’aurais certainement pensé le contraire, mais j’admettais lui laisser le bénéfice du doute pour cette fois.
La discussion s’était malheureusement stoppée rapidement lorsque j’avais aperçu Pua s’attaquer au sac de Jules. Loin de me faire du souci pour ce dernier, j’admirais le spectacle avec un large sourire sur les lèvres. Jusqu’à découvrir quelque chose de plus... Etonnant. Un livre. Dédié à une matière qui ressemblait bien plus au Jules dont j’entendais parlé contrairement à notre précédente discussion sur le jardinage. Le juron qu’il laissa échapper m’arracha un éclat de rire.
- Vertu... Chou ? Sérieusement ?
L’idée de charrier Jules sur son juron était très tentante, mais le livre m’avait légèrement perturbé. Très bien, je savais que Jules pouvait être un peu forceur... Mais à ce point ? Je fis signe à Pua de rester quelques minutes dans la cabine, puisqu’il valait mieux, pour la survie du cochon, qu’il ne tente pas de sortir. Le temps que l’homme se remette de ses émotions, j’étais partie profiter de la vue qui s’offrait à nous.
Jules me rejoignit quelques minutes plus tard, le fameux livre en main. Il n’avait pas l’air de vouloir s’en séparer. Bizarrement, les cours de lecture me paraissaient tout de suite plus orientés. Je me redressais pour regarder par dessus son épaule alors qu’il lisait tout haut le petit autographe que j’avais discerné sans n’avoir pu le déchiffrer.
- Eh bien... Il semblerait que Cassie ait apprécié ta compagnie. Par contre, sans vouloir briser votre relation certainement bien engagée, je ne suis pas sûre que t’offrir ce genre de livre en cadeau soit de bonne augure. Les pratiques sont certainement différentes d’un siècle à l’autre, elle t’offre la possibilité de te mettre à la page...
Laissais-je sous entendre en jetant vers lui un regard innocent. J’étais presque assez habituée à Neil pour ne pas être plus étonnée qui ça par son cadeau. En revanche, leur relation semblait avoir franchit un cap depuis notre retour. Alors que Jules, vexé, continuait de râler, le visage virant légèrement au pourpre, je retenais un sourire amusé.
- Ne t’inquiète pas, elle connaît très certainement le machisme des hommes de ce côté là. Tu n’es peut être pas aussi pire qu’elle le sous entend. Avec ça, tu pourras t’améliorer et lui en mettre plein la vue la prochaine fois.
Néanmoins, cette nouvelle semblait avoir totalement perturbé Jules. Décidément, les hommes et leur fierté, c’était toujours la même rengaine, quelque soit l’époque. En tout cas, Neil avait touché en plein dans le mile, je ne manquerais pas de lui en faire part à notre prochaine rencontre.
Pour la suite, je devais admettre que, deux personnes penchées sur un livre clairement explicite ne devait par paraître innocent pour une personne débarquant. Mais l’idée que l’on soit en pleine mer me laissait sous entendre que nous ne serions pas dérangé. Et pourtant... Aryana, si je ne me trompais pas, venait de débarquer tout sourire, un air angélique. Jules, très à l’aise et discret, referma le livre d’un coup sec et releva vivement la tête. Tout pour paraître suspect.
- Pas le moins du monde. Jules se renseigne simplement.
Laissais-je filer entre mes lèvres en lui envoyant un regard espiègle. La seconde remarque de la déesse me fit relever les yeux. Un retour dans le passé, peut être ? C’était à peu de choses près la même remarque qu’avait faite Elliot lorsqu’il nous avait croisé pour la première fois avec Jules.
- J’aurais pu m’en douter. Les mêmes opinions familiales, apparemment.
Quant à sa deuxième remarque, malgré le goût amer que faisait remonter ce souvenir, j’hochais la tête, approuvant. Je me souvenais de l’apparition de la déesse lorsque les choses avaient commencées à tourner au vinaigre. Un voile assombrit mon regard alors que le souvenir du corps inanimé de Eagle me revenait en mémoire. Ce simple souvenir suffisait à me soulever l’estomac et à m’enserrer la poitrine.
La tournure des évènements me sortie de ces pensées peu agréables... Pour d’autres révélations encore moins agréable. Une joute verbale s’était engagée entre Aryana et Jules, et apparemment, Jules venait de la perdre. La déesse s’était de nouveau téléporté, nous laissant seul en compagnie de... Johanna. Malgré les évènements, je ne supportais toujours pas la salamandre.
Je relevais les yeux vers Jules qui avait été pris d’un désespoir soudain. Son carnet ? Une moue désolée s’installa quelques secondes sur mon visage. Bien que le geste de Pua m’ait bien plus amusé que désolé, l’idée qu’il ait pu perdre ce carnet précieux ne me laissait pas de marbre. J’avais moi même ce genre de carnet, néanmoins, ce dernier restait bien sagement rangé dans une petite cabane au bord de l’eau que j’avais réaménagé peu avant notre départ pour l’Australie.
- Tu devrais penser aux ordinateurs. Une fois retranscrit dessus, tu peux l’enregistrer en ligne pour ne rien perdre. Et malgré que je ne comprenne pas grand chose et que je n’apprécie pas plus que ça l’utilisation de ces derniers, ils sont très pratiques lorsque tu ne veux surtout pas perdre un document. Je t’aiderais à notre retour, si tu veux.
Un sourire désolé passa l’ombre d’un instant sur mon visage. Jusqu’à ce que l’épisode du pâté de porc ne me revienne en mémoire. A la place, je me relevais, jaugeant Jules d’un regard rempli de sous entendus.
- Apparemment, Pua n’est pas si inoffensif que ça. Un cochon a plus de ressources que ce que tu ne penses..
Lui confiais-je avec un sourire amusé. A ce moment là, Pua pointa le bout de son nez, toujours légèrement inquiet, le regard tourné vers Jules. Néanmoins, l’idée de fanfaronner devant Jules semblait être beaucoup trop tentante pour qu’il ne nous rejoigne pas. Grossière erreur. Johanna, visiblement affamé, tenta de se jeter sur le petit cochon, rassemblant toutes ses forces pour tirer sur sa laisse tout en plantant ses griffes dans le plastique du bateau. Pua couina en se ruant sur moi, sautant dans mes bras.
Je lui caressais distraitement la tête, lançant un regard mauvais au reptile avant de relever les yeux vers Jules. La baignade me semblait être une excellente idée jusqu’à l’arrivée de Aryana. Maintenant, laisser Pua et Johanna seuls sur un bateau ne m’enchantait qu’à moitié. Mais je trouverais bien un moyen de les séparer. Je me tournais dans la direction que Jules désignait, relâchant Pua pour qu’il retourne vaquer à ses occupations.
- Effectivement, nous y serons dans un rien de temps. Il doit bien y avoir un coin où poser l’ancre. L’eau à l’air excellente qui plus ait...
Un hurlement strident ainsi que des bruits de griffes sur le plastique me firent me retourner brutalement. Johanna venait de se libérer et coursait Pua, les crocs dehors. Je relevais un regard accusateur et noir vers Jules. Pile quand je me retournais, Johanna se libérait ? Alors qu’il était à côté d’elle. Le fusillant du regard, je lui fis comprendre en toute poésie qu’il avait intérêt à bouger ses fesses pour récupérer Johanna avant qu’un geste mal calculé ne le...
Ironie de sort, la salamandre percuta de plein fouet Jules qui bascula par dessus bord et plongea dans la mer. Profitant de la seconde d’hébétement de Johanna, je me ruais sur Pua pour l’attraper au vol avant de me rapproche de l’endroit vers lequel Jules avait basculé. Lorsqu’il ressortit la tête de l’eau, je lui renvoyais un regard associé à un sourire satisfait.
- Le karma. T’y penseras à deux fois avant de recommencer. J’y vais ! Mais avant... Rend moi un petit service...
Alors que la salamandre reprenait ses esprits et s’apprêtait à s’élancer de nouveau sur moi dans le but de gober Pua, je positionnais ce dernier par terre, tout en gardant mes mains autour de son ventre, entre deux rambardes. Johanna fonça de nouveau sur Pua que je relevais une seconde avant de les crocs de la salamandre ne se referme sur le cochon qui hurlait à plein poumon.
La salamandre passa elle aussi par dessus bord, rejoignant Jules dans sa baignade improvisé. Je passais de nouveau la tête par dessus la rambarde pour observer les deux se débattre, un grand sourire sur les lèvres.
- Elle me gênait, je te laisse la garder.
Ne voulant pas que les deux se noient, je pris, par ma grande bonté d’âme, une bouée qui trainais, accroché en cas d’accident comme ce dernier, avant de leur envoyer juste avant que le bateau les dépasse. Il serait certainement temps de réduire la vitesse si je ne voulais pas perdre définitivement Jules. Serait-ce mal d’avouer que l’idée m’a traversé l’esprit ?
Je me précipitais vers les cordages, avant de me rendre compte que le tout était toujours mécanique. Légèrement moins confiante, je tentais de donner du moue à la voile pour que cette dernière laisse le vent filer, mais impossible. Je retournais à l’arrière du bateau, mon cœur s’accélérant légèrement en voyant Jules s’éloigner petit à petit, en compagnie de Johanna qui paniquait, et de la seule bouée que je leur avais lancé. Repérant une nouvelle bouée, cette fois-ci accroché au bateau par une corde, je la pris pour leur lancer de toutes mes forces.
- TRACTEZ VOUS AVEC CA PENDANT QUE J’ARRÊTE LE BATEAU !
Ou que je tente. A peine eurent-ils touchés la bouée, que le bateau se mit à accéléré de plus belle. Attendez, quoi ?! Je me précipitais dans la cabine alors que les essuies glaces se mettaient en route, tout comme la chaine HI-FI. L’éclairage de la cabine clignota, tout comme les feux du bateau.
- Hei hei ! Viens ici tout de suite !
Je l’attrapais à la volée, l’empêchant de picorer plus longtemps le tableau de bord. Les propulseurs qu’il venait d’activer envoyaient quantité d’eau sur Jules et Johanna, toujours tracté par la bouée. Est-ce que l’idée de les laisser m’a traversé l’esprit ? Oui. Mais à la place, j’éteignis totalement la console, préférant ne rien risquer. Le poulet venait de monter une nouvelle fois sur les consoles, mais cette fois-ci, lorsqu’il picora un bouton, les voiles se relâchèrent brutalement, faisant ralentir progressivement le bateau qui ne subissait plus de pression sur ses voiles.
L’adrénaline redescendit progressivement alors que je sortais de la cabine pour rejoindre Jules qui parcourait les derniers mètres le séparant du bateau. J’attrapais Pua pour l’enfermer dans la cabine, avant qu’il ne se fasse poursuivre de nouveau. Bien que la frayeur semblait avoir largement calmé Johanna, qui allait surement dormir pour les trois prochains jours. J’attrapais également Hei Hei au vol qui s’apprêtait à picorer le crâne de Jules, alors que se dernier s’approchait du bord. L’éloignant légèrement, je le fis rentrer dans la cabine avant de refermer la porte.
Je m’avançais pour aider Jules à remonter, ainsi que Johanna, malgré le peu de sympathie que je ressentais envers elle. Pendant que l’homme se remettait de ses émotions, je m’accoudais au bateau en croisant les bras, le jaugeant du regard, un sourire ironique sur les lèvres.
- Décidément, quel accident terrible... C’est vraiment dommage que la laisse de Johanna ait lâché... On ferait surement plus attention à l’avenir, n’est-ce pas ?
Je me relevais en jetant un coup d’œil à notre cap. Avec tout cela, nous nous étions grandement rapproché de l’endroit vers lequel nous voulions nous arrêter pour profiter un peu de l’eau. Cette fois-ci, la nage serait certainement moins sportive.
- Maintenant que tu as goûté l’eau, que dirais-tu d’y retourner, cette fois un peu plus calmement ? Je m’occupe d’aller attacher Johanna, tu peux amarrer le bateau ? Il y a Pua et Hei hei dans la cabine, je les ai enfermé dans la chambre, ils y seront très bien jusqu’à ce qu’on trouve quoi faire de...
Mon regard se baissa vers Johanna, qui crachait encore ses poumons. Quoi ? Ne plus avoir confiance en Jules maintenant ? Mais non. Je me méfie simplement. Sait-on jamais qu’il ait apprécié l’expérience et qu’il veuille la réitérer, je préférais rester sur mes gardes.
J’attrapais la laisse de la salamandre pour la trainer jusqu’au mât le plus résistant du bateau. Une fois devant, j’attachais d’un nœud solide la laisse à ce dernier, gardant ensuite du moue pour faire un nouveau nœud marin sur les cordages du bateau. Avec ça, même si le premier lâchait, la salamandre ne pourrait certainement pas rivaliser avec le poids d’une voile et d’un mât sans au moins attirer notre attention.
Une fois sûre de mes nœuds, je redescendis jusqu’à la cabine pour rejoindre Jules. Le bateau semblait en bonne position et assez prêt des côtes pour que nous puissions nous baigner autour de cette magnifique île. Cerise sur le gâteau, en revenant vers la cabine, j’avais cru distinguer une petite crique un peu plus loin. Il y avait donc largement de quoi faire.
- Je prend la cabine chambre pour me changer.
Déclairais-je machinalement en refermant la porte de la cabine derrière moi. Pendant que Heihei picorait le tapis de la chambre, Pua ronflait bruyamment, allongé sur le lit. Le petit cochon semblait se remettre difficilement de ses émotions. Je levais les yeux au ciel, un sourire sur les lèvres. J’enlevais mes habits, gardant simplement le maillot de bain deux pièces que j’avais enfilé au préalable sous mes affaires. Rangeant cette dernière dans un tiroir libre, je fis une dernière caresse à Pua avant de prendre Hei hei pour le mettre dans un coin sûr, puis je sortis de la cabine pour rejoindre Jules sur le pont.
Mon regard s’arrêta sur son accoutrement, complètement inadapté à la situation, selon moi. Les yeux légèrement écarquillés, je le détaillais de haut en bas, avant de froncer les sourcils et de lui demander.
- J’ai bien précisé qu’on allait dans la mer ? Se baigner ? Pas dans une barque pour partir à la pêche aux huitres ?
Apparemment, le quiproquos était complet puisque Jules me regardait, tout aussi perturbé. C’était le premier qu’il passait ici ? Ou il n’était encore jamais allé à la plage ? Amusée par sa réaction, je pouffais discrètement en le taquinant.
- Tu sais que tu as aussi les oreilles qui rougissent quand tu es mal à l’aise ? T’as pas mal appris d’Elliot on dirait... Même si ce n’est pas une valeur de référence.
Commentais-je en le regardant avec une lueur espiègle.
Jules Verne
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
« Quand on part à l'aventure, on rencontre des ennemis inattendus ! »
Le prochain voyage sera le plus beau !
Je dérivais au gré des vagues malgré mon acharnement à nager vers le voilier. Hélas, le vent contraire me ralentissait alors que le navire s'éloignait à vive allure. Etait-il utile de mentionner la salamandre qui avait chaviré à son tour et qui se cramponnait désespérément à moi afin de ne pas se noyer ? Ses griffes lacéraient ma chemise tandis qu'elle me grimpait dessus en poussant des couinements terrorisés. Je tentai de la repousser, sans succès. Inexplicablement, elle parvint à se hisser sur mon crâne et à y demeurer dans un équilibre précaire.
"Cela suffit ! Je n'ai pas besoin d'un couvre-chef en peau de reptile !" m'écriai-je avoir de boire la tasse.
Une vague taquine s'abattit sur nous, dégageant Johanna par la même occasion. Je me sentis malmené par le courant marin et ne tentai pas de lutter. Cela était inutile, de toutes façons. Je crus basculer dans une inconscience douloureuse alors que mes poumons étaient agressés par l'intrusion de l'eau salée, mais un objet plutôt conséquent et rond tomba non loin de moi. Une bouée de sauvetage ! Je m'élançai vers cette dernière et m'y cramponnai. Hélas, mon soulagement fut de courte durée car je constatai dans la confusion la plus totale que cette bouée dérivait elle aussi au milieu de l'océan. Heureusement, Vaiana eut la bonne idée d'en lancer une seconde, rattachée cette fois au voilier. Johanna s'était déjà précipitée dessus et dans son affolement, planta ses griffes dans le caoutchouc qui émit un "pschiiit !" de mauvais augure, à l'instant exact où j'attrapai la bouée.
"Non ! Stupide animal, ne... AAAAAH !"
Le voilier nous entraîna dans son sillage. Je fermai les yeux et retins mon souffle, même si l'eau salée toujours présente dans ma trachée m'obligea à tousser de nouveau. Je bus tellement de tasses que je parvins pas à maintenir le décompte. Je priai mentalement pour que ce supplice prenne fin au plus vite, me cramponnant si fort à la bouée que je sentis les muscles de mes bras gémir. J'entendais vaguement Vaiana crier quelque chose, mais avec le tumulte des vagues, je ne comprenais de quoi il s'agissait.
Au bout d'un instant qui me parut interminable, la vitesse diminua enfin. Avec le manque de courant, la bouée dégonflée commença à couler mais Johanna continuait toujours d'y rester cramponnée, dans un état proche de la catatonie. Machinalement, j'attrapai la salamandre par la queue et la jetai vers le voilier. A présent, c'était à elle de s'en sortir toute seule. Je rassemblai mes forces pour remonter à bord, aidé par Vaiana, puis je me laissai tomber sur le pont, crachant mes poumons. Ma gorge et mes yeux me brûlaient. Dans un état second, je hochai la tête aux paroles de la jeune femme. Ainsi, elle avait compris que la laisse de Johanna n'avait pas cédé toute seule. A l'avenir, il faudrait que j'apprenne à être plus discret...
Je me redressai puis me relevai en rassemblant le peu de dignité qu'il me restait. Je ruisselais des pieds à la tête. Le souffle court, j'observai le paysage et constatai que nous étions arrivés jusqu'au petit îlot de terre inhabitée, dotée d'une crique à l'aspect chaleureux. En raison des récents évènements, je n'avais pas spécialement envie de me baigner pour le moment mais m'étendre sur la plage me ferait le plus grand bien. Tandis que Vaiana se démenait à attacher Johanna, je me rendis jusqu'à la cabine. La demoiselle occupa la petite chambre qui la jouxtait afin de se changer. Je me mis en quête d'un vêtement plus adapté à la situation, tout en laissant des flaques d'eau sur le sol à chaque pas. Je fouillai dans les coffres et finis par trouver ce qui se rapprochait d'un costume de bain, sauf qu'il était dans une matière souple et élastique. Je l'observai d'un oeil sceptique avant d'abandonner mes vêtements mouillés pour l'enfiler. Grands dieux ! C'était extrêmement moulant ! Je ne pouvais décemment pas me promener dans un tel accoutrement, ce n'était pas convenable ! J'en étais là de mes réflexions quand Vaiana me surprit.
- J’ai bien précisé qu’on allait dans la mer ? Se baigner ? Pas dans une barque pour partir à la pêche aux huitres ?
Je relevai la tête et me sentis aussitôt incroyablement... partagé entre plusieurs pensées. Je restai hébété face à Vaiana qui se dévoilait dans des atours parfaitement... inappropriés à la situation. Elle portait la même tenue que celles que j'avais pu contempler dans le magazine de lingerie de Lily. La jeune femme pouffa de rire et me taquina davantage en mentionnant mes oreilles qui rougissaient. Anxieux, j'y portai les mains même si je ne pouvais en vérifier leur couleur par ce biais. Je clignai des yeux et soutins son regard -uniquement son regard- pour répliquer d'un ton hautain :
"Et toi, as-tu compris que nous allions justement nous baigner et non faire un défilé de mode ? Ta tenue est si inconvenante que j'en ai honte pour toi. Si tes ancêtres te voyaient, que penseraient-ils ?"
Oui, je la réprimandais, mais il me semblait être la seule figure d'autorité à des kilomètres à la ronde. Je m'étais promis de prendre soin d'elle et le fait qu'elle se comporte comme une gourgandine me déplaisait. Peut-être étais-je trop sévère, mais c'était pour son bien que je le faisais. Je tenais à elle et à ce que son innocence soit préservée.
"Où est ton costume de bain ? Ces morceaux de tissus indécents ne te couvrent pas suffisamment. C'est affreusement vulgaire."
Fronçant les soucils pour me composer une expression encore plus sévère, j'attrapai une serviette de bain pour la passer autour de ses épaules.
"Fais-moi le plaisir d'aller t'habiller, jeune fille." achevai-je d'un ton ferme.
Avait-elle voulu me montrer ses charmes suite à ce qu'elle avait supposé sur Neil et moi ? Pensait-elle qu'elle était une rivale ? Me voyait-elle autrement que comme un ami ? Je n'étais pas prêt à avoir ce genre de conversations avec elle. Si tel était le cas, cela finirait dans les larmes et je ne supporterais pas de la voir pleurer. Autant être radical avec elle pour réfréner son inclination éventuelle pour ma personne.
"Lorsque tu auras passé une tenue plus décente, tu me rejoindras à terre et nous poursuivrons les cours de lecture. La baignade peut attendre."
J'avais l'impression d'être face à mon fils Michel que je grondais peut-être trop fréquemment. Cette comparaison me fit serrer les dents et piqua un éclat de verre dans mon coeur. Après un dernier regard mi-navré, mi-intransigeant en direction de Vaiana, je me rendis vers l'îlot. En chemin, je ramassai Les Contemplations de Victor Hugo ainsi que le livre sur les bateaux. Quant à celui offert par Neil, je lui donnai un léger coup de pied.
J'allai m'asseoir au bord de la plage et posai les livres dans le sable. Sur le voilier, Johanna restait recroquevillée à côté du mât, toujours traumatisée de sa baignade improvisée. Je me dandinai, mal à l'aise dans mon costume de bain trop serré. C'était inconfortable au possible ! Comment les gens de ce siècle faisaient-ils ? Il n'y avait clairement pas assez de place à un endroit précis du vêtement. Le réchauffement climatique et la pollution ambiante avaient-ils fait muter les hommes et rétrécir leur...?
Je m'interrompis résolument dans mes pensées pour me relever et retourner vers le bateau. Je préférais retrouver mes habits mouillés plutôt que d'endurer plus longtemps pareil compression. Je me changeai de nouveau -enfilant mon pantalon trempé avec difficulté- et remis ma chemise.
De retour sur la plage, je constatai que Vaiana n'était toujours pas là. Boudait-elle ? Roulant des yeux, j'allais faire demi-tour pour la troisième fois quand un détail attira mon attention : Les Contemplations s'éloignait lentement sur le sable. Je clignai des yeux, croyant halluciner mais non : le livre bougeait bel et bien.
"Qu'est-ce que...?"
Je me mis à le suivre d'un pas indécis, remarquant de petites pattes qui s'agitaient sous la couverture. Je penchai la tête, sourcils froncés.
"Un crabe cherche à me voler Hugo !" m'écriai-je sans réfléchir.
Mon cri fit paniquer le crustacé qui accéléra l'allure. Comment un crabe pouvait-il vivre dans le Maine ? Mettant cette interrogation de côté, je le poursuivis à travers la plage, mes pieds nus soulevant des volées de sable dans mon sillage. Si je n'avais pas passé plusieurs mois à Storybrooke, j'aurais vécu cette aventure avec difficulté. Cependant depuis, j'avais appris à laisser le côté rationnel de côté. Un crabe cherchait à me voler et je n'allais certainement pas le laisser faire !
Comment faisait-il pour aller si vite ? A mesure que je le coursais, il me distançait. C'était inouï ! Essoufflé, je me stoppai et jetai un coup d'oeil en direction du voilier. Une idée venait de me traverser l'esprit. Comme s'il se rendait compte qu'il n'était plus poursuivi, le crabe ralentit quelque peu l'allure, ce qui me donna le temps de courir en sens inverse jusqu'au bateau afin de récupérer l'infâme livre de Neil. Je sautai de plus belle sur la plage et rattrapai le crustacé tout en restant à une bonne dizaine de mètres de lui. Je levai mon bras pour viser, établir une trajectoire correcte, puis lançai le livre. Il traversa la distance en quelques secondes et percuta Les Contemplations, faisant voler le crabe et des gerbes de sable. Le temps que l'animal se remette sur ses pattes, je le rejoignis rapidement. Ce dernier semblait désormais hésiter entre les deux volumes qui gisaient sur le sable. Profitant de son indécision, je me saisis des poèmes de Hugo mais le lâchai aussitôt en laissant échapper un cri de douleur et de surprise : un autre crabe, plus petit, avait refermé sa pince autour de mon index. Ils étaient deux !
"Sapristi ! Lâche-moi ! Lâche-moi, misérable fruit de mer !" fis-je en le secouant dans tous les sens.
Hélas, le crabe tenait bon et mon doigt m'élançait de plus en plus. Pendant ce temps, l'autre crustacé commença à s'éloigner en soulevant de nouveau les Contemplations. J'aurais eu besoin d'aide, mais je n'avais aucune envie que Vaiana me surprenne à livrer ce combat des plus... ridicules.