« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
Ne jamais sauter aucun chapitre et continuer de tourner les pages. Tôt ou tard, on comprendra pourquoi chaque paragraphe était nécessaire.
J'avais peu dormi la nuit précédente. Mon esprit avait été accaparé par une succession d'idées nouvelles et je m'étais levé aux aurores afin de les coucher sur papier. J'étais toujours surexcité quand une nouvelle histoire se dessinait dans ma tête. J'imaginais les rouages de mon cerveau s'activer comme ceux d'une machine fabuleuse. J'avais passé des heures à écrire, sans voir le temps passer. Je m'étais juste accordé une pause le temps de prendre un petit déjeuner, puis j'avais continué ma besogne. J'avais noirci des pages et des pages de mon écriture frénétique, assis à la table qui jouxtait mon lit quand je levai les yeux de mon travail pour regarder l'horloge posée à côté de l'encrier. Elle indiquait onze heures. Je pris le temps d'ajouter une annotation qui venait de me traverser l'esprit, avant de lâcher ma plume. Puis je décrispai ma main qui était sujette à une crampe, d'être restée dans la même position pendant plusieurs heures. Je grimaçai légèrement et massai la petite bosse sur le côté de mon majeur.
Après quoi, je me levai. Il était grand temps de se préparer pour le rendez-vous avec Robyn. Depuis j'étais le Gardien de la bibliothèque d'Olympe, je n'avais pas manqué de le préciser à mon entourage, et je tenais tout particulièrement à montrer mon lieu de travail à la jeune femme, étant donné que j'avais postulé dans sa pâtisserie près d'un mois plus tôt. Cela me semblait tout naturel de lui montrer que j'avais réussi à trouver un emploi satisfaisant. Bien entendu, j'avais omis de mentionner la situation d'intérimaire. Je m'étais renseigné sur la définition de ce mot et cela ne me plaisait pas. Non, j'étais le Gardien. Socrate m'avait confié la clé. Inutile de revenir là-dessus.
Je terminai de m'habiller -pantalon, chemise et veston habituels- et nouai un foulard de couleur pourpre autour de mon cou, comme une cravate. Malgré tous mes efforts, je ne pouvais abandonner l'élégance des siècles passés. J'étais attaché à certaines valeurs, et la distinction en faisait partie.
Une fois prêt, j'attrapai mon chapeau de haute forme, le posai sur mon crâne et enfilai mon long manteau.
J'avais donné rendez-vous à la demoiselle sur la grande place, qui se situait à mi-chemin de nos deux demeures. Cela m'avait semblé un excellent compromis afin d'éviter un trop grand embarras de sa part. J'avais prévu de demander à Ellie de nous téléporter à la bibliothèque le moment venu, en espérant qu'elle soit disponible. Si jamais elle ne répondait pas, je pouvais toujours solliciter Elliot.
Robyn était à l'heure, elle attendait juste à côté de la fontaine. Je lui adressai un sourire et une fois devant elle, la saluai en ôtant mon chapeau et en inclinant brièvement la tête. Ne pas faire de révérence ni de baise-main à une dame que j'appréciais me donnait toujours une impression étrange, comme si je la dénigrais, mais il fallait vivre avec son temps. Cela ne m'empêchait pas de l'honorer d'une autre manière.
"Vous êtes ravissante." déclarai-je sans me départir de mon sourire.
En passant devant le fleuriste, j'avais hésité à acheter une rose, mais j'avais renoncé : ce genre de démonstration d'affection n'aurait fait qu'angoisser la jeune femme. Je commençais à la connaître. De nombreuses fois, je m'étais rendu à sa pâtisserie plus pour la voir et lui parler que pour faire l'acquisition de gâteaux, mais mon stratagème semblait fonctionner car elle avait été plutôt prompte à accepter la visite de la bibliothèque.
Un homme brun plutôt petit apparut subitement entre nous. Il décocha à Robyn un regard incendiaire en la menaçant de l'index sans rien dire, puis pivota vers moi et... éclata de rire. Je fronçai les sourcils et plaçai les mains dans mon dos, agacé par son comportement. Il se moquait ouvertement de moi. Son fou-rire dura quelques instants avant qu'il ne plaque une main devant sa bouche pour essayer de retrouver son sérieux. Dans ses yeux brillait une lueur malsaine.
"Vous deux ensemble ? Le guignol et... bref. Je veux pas savoir."
Il m'attrapa brusquement par la manche et nous téléporta devant la bibliothèque, à Olympe. Nul doute possible, cet énergumène était un dieu. Je m'interrogeai sur son attribution.
"Vous avez le droit d'être là ?" demanda-t-il en nous lâchant pour croiser les bras d'un air soupçonneux.
"Je suis le Gardien." dis-je d'un ton hautain, car cet individu me déplaisait fortement.
"Ouais c'est ça. Montre ta queue."
Soufflé par cette réplique, je restai bouche bée, les yeux écarquillés. Je me tournai vers Robyn avant de pivoter de nouveau vers le dieu. Avais-je bien entendu... ce que j'avais entendu ? Pour la première fois depuis longtemps, je sentis une chaleur enflammer mes joues.
"Allez montre ! T'as bien un truc poilu, non ?" insista-t-il.
"Je ne vous permets pas...!" m'insurgeai-je en déglutissant avec peine. "Vous... vous êtes un grossier personnage et..."
"Le Gardien est un chat." coupa-t-il. "Si tu es le Gardien, tu as forcément une queue."
Je clignai des yeux, le considérant d'un air outré. Je n'étais pas dupe : je savais très bien que le double-sens de ses propos était voulu. Ce dieu me semblait très porté sur la chose.
"Sauf votre respect, vous êtes mal renseigné pour quelqu'un de votre acabit : Socrate a rendu l'âme et m'a confié la bibliothèque."
Sans invitation, il posa un doigt contre ma bouche pour me faire taire, comme l'on ferait à un enfant dissipé. Je le repoussai brutalement en lui décochant un regard sévère. Peut-être était-il un dieu, peut-être allais-je trop loin, mais je ne pouvais me laisser traiter de la sorte. La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres.
L'individu eut un air étonné avant d'émettre un petit rire crispé. Il m'attrapa par les épaules pour se placer à côté de moi. Je cherchai à me débattre mais il avait une poigne d'enfer.
"Tu ne lui as pas dit qui je suis hein ?" fit-il à l'adresse de Robyn, un sourire toujours plaqué sur son visage. "Hadès, le dieu des enfers. D'ailleurs, t'es déjà mort. Je reconnais cette odeur. Oh, on en a fait des choses, toi et moi !"
Il me pinça la joue avec emphase et j'en profitai pour m'écarter de lui.
"Voyons, monsieur !"
"On va devenir potes !" décida-t-il. "T'es mon nouveau Pascal ! Manque plus que tu pécho Aphrodite et tu seras vraiment lui !"
Je n'avais aucune idée de qui était ce fameux Pascal et je m'en moquais comme d'une guigne. En revanche, je faillis préciser que je connaissais Aphrodite bibliquement -peut-être que cela allait-il l'inciter à me traiter en respect ?- mais il esquissa un geste qui me désarma totalement : il leva le bras et ouvrit la main dans ma direction. Je restai indécis à fixer sa paume d'un air anxieux. Que s'apprêtait-il à faire, exactement ?
"Ah mais oui c'est vrai tu viens d'une autre époque ! On va le faire à l'ancienne alors !"
Sans prévenir, il se précipita vers moi, m'embrassa furtivement et me relâcha, si bien que je chancelais, pataugeant dans l'horreur absolue.
"Ouais, je fais souvent cet effet-là." admit-il avec un sourire canaille. "Robyn, quand tu t'habilleras comme une vraie femme, un jour tu verras !"
Il lui adressa un clin d'oeil puis disparut. Je restai immobile plusieurs secondes d'affilée, les yeux fixant le vide avec une expression stupéfiée. Puis, au bout d'un moment qui me parut interminable, je battis des paupières pour me ressaisir.
"Il... ne s'est rien passé." articulai-je en tirant sur les pans de mon veston. "Rien de... rien !"
La bouche d'un autre homme -d'un dieu !- ne s'était pas posée sur la mienne. Non. J'aurais été capable de le nier devant un tribunal.
Je titubai légèrement en esquissant quelques pas. Je souhaitais mettre le plus de distance possible entre cet instant et la suite de mon existence. J'avais l'impression d'avoir été agressé jusque dans les fondements de mon être.
"Vous êtes amie avec cet individu ?" demandai-je en tournant brusquement la tête vers Robyn d'un air atterré.
Non, je ne voulais vraiment pas savoir. Pourvu qu'elle ne réponde pas à cette question ! Elle avait été très éloquente concernant l'amitié homme-femme et il allait de soi qu'elle en avait une définition inquiétante.
Un peu vivement, je posai une main dans son dos pour l'inciter à avancer. Je l'entraînai jusqu'aux portes de la bibliothèque qui s'ouvrirent à notre passage. J'avais imaginé notre arrivée d'une façon beaucoup plus spectaculaire. J'avais espérer impressionner la jeune femme lorsque les portes de ce lieu se seraient ouvertes sur nous, en reconnaissant le Gardien. Hélas, mon esprit était trop accaparé par la récente agression dont j'avais été victime. Je relevai résolument la tête, marchant d'un pas assuré dans l'allée principale. A mesure que j'avançais, je me sentais plus détendu. Après tout, j'étais chez moi.
"Etes-vous déjà venue ici ?" m'enquis-je tout en jetant un coup d'oeil vers la jeune femme.
Je m'écartai d'elle pour placer les mains dans mon dos, continuant mon chemin à ses côtés.
"Je vais vous montrer mon endroit préféré." ajoutai-je dans un chuchotement complice.
A un embranchement, nous bifurquâmes sur la droite pour arriver dans une allée plutôt large qui s'achevait par un mini-bar, une table autour de laquelle était disposée des fauteuils moelleux. Un sofa en velours bleu nuit sur lequel était posé un roman intitulé "La machine à explorer le Temps".
"C'est là que j'aime travailler plus particulièrement. Il s'agit du rayon science-fiction." déclarai-je d'un ton extatique. "Savez-vous que ce genre littéraire a été inventé suite à des auteurs tels que moi, qui sont considérés comme des précurseurs en ce domaine ?" « Remember that Jules Verne was a sort of Shakespeare in science fiction. » avait écrit un journaliste dans un magazine datant de 1927 que j'avais trouvé dans ce rayonnage, mais le montrer à Robyn aurait pu passer pour une vantardise, ce que je ne souhaitais pas. Il n'empêche que ce genre de compliment écrit par un inconnu remontait fortement le moral en période de nostalgie.
"Tout est possible, dans cette allée. L'imaginaire s'émerveille et les merveilles s'imaginent."
Je laissai échapper un soupir rêveur avant de me diriger vers le mini-bar.
"Vous prendrez bien un verre pour fêter mon nouvel emploi ?" proposai-je galamment. "De plus, j'ai exactement ce qu'il vous faut. J'ai pensé à vous."
Je me penchai par-dessus le comptoir afin d'attraper deux verres et une bouteille emplie d'un liquide rose. Je la servis tout en expliquant :
"Il s'agit d'un cocktail alcoolisé au sirop de barbapapa. Je connais votre passion pour tout ce qui est sucré."
Il était composé de vodka, de sucre de canne et du fameux sirop. Quant à moi, qui aimais les choses simples, je me servis un verre de whisky. J'ouvris la porte du mini-frigo intégré dans le comptoir et pris quatre glaçons que je disposais équitablement dans les deux récipients à l'aide d'une pince. Après quoi, je tendis le verre à Robyn avec un sourire irrésistible.
"A notre amitié." déclarai-je tout en heurtant brièvement mon verre avec le sien.
Un son cristallin retentit, suivi par un faible miaulement plaintif. Baissant les yeux, je constatai qu'un chaton au pelage noir était à nos pieds et nous fixait d'un air interrogateur.
"Je vous présente mon assistant." dis-je dans un petit rire. "Il est apparu un jour alors que je prenais mes marques. Je l'ai appelé Satellite, car il gravite sans cesse autour de moi. C'en est même agaçant, parfois."
Surtout que j'appréciais modérément la présence des chats. Je préférais de loin celle des chiens, mais je n'avais pu choisir mon compagnon en ces lieux. Une puissance supérieure en avait décidée tout autrement. Le chaton m'observa d'un oeil impérieux avant de se lécher la patte avant et de la passer derrière son oreille. Puis il se détourna de nous pour disparaître derrière un rayonnage.
"Si je l'occupe avec une pelote de laine, il ne nous importunera pas." dis-je à Robyn.
Je savourais le fait d'être seul en compagnie de la jeune femme, dans un lieu qui m'appartenait plus ou moins. Je ne l'avais pas lâchée des yeux depuis que nous étions dans cette allée. Je portai le verre à mes lèvres et sentis le whisky me brûler la gorge. Si on omettait l'intervention d'Hadès, tout était absolument... délicieux.
crackle bones
Robyn W. Candy
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
| Avatar : Jennifer Lawrence.
PANIQUEZ PAS J'VIENS JUSTE CHERCHER UN TRUC DANS MA BOITE MP
(Et ouais du coup j'en profite pour faire un tour et mâter les profils, z'allez faire quoi pour m'en empêcher hein ?)
| Conte : Les mondes de Ralph. | Dans le monde des contes, je suis : : Vanellope Von Schweetz, ou la princesse d'un royaume de sucreries qui préfère conduire des voitures en gâteaux.
J'avais pleins de choses à faire. Des tas et des tas de commandes à préparer. C'était quasi impossible de travailler tranquille sans que le téléphone se mette à sonner toutes les cinq minutes. J'étais à deux doigts de le foutre dans le mixeur et d'appuyer sur le bouton « on ». Mes oreilles vrillaient à force d'entendre cette merde brailler comme si quelqu'un le maltraitait. Mais je pouvais pas arracher la prise ou fracasser le combiner à coup de Lucille. Sinon des clients en furie allaient débarquer directement à la pâtisserie pour me hurler dessus et pointer un doigt vers moi d'un geste menaçant. Et là, ça partirait en vrille. J'insulterai ces gros cons, jetterai sûrement une pièce montée par terre et claquerai la porte tellement fort derrière leurs gros culs que la vitre se briserait. Encore. C'était toujours comme ça, à l'approche de l'été. Avec les grandes vacances qui arrivaient, tout le monde faisait des réunions de familles et des barbecues. Du coup, tout le monde voulait aussi un bon gros fraisier pour quinze personnes. Nan mais vraiment. Tous ils voulaient bouffer du fraisier. À croire que c'était le gâteau pour célébrer le retour des coups de soleil et le thermomètre affichant au moins trente cinq degrés. Et putain. Que ce que je me faisais chier. À savoir que j'allais devoir préparer encore et toujours le même gâteau. Que personne était original. Que la seule variante serait la tarte aux fraises. Que des connasses allaient me commander des tartes aux fraises sans sucre et sans crème pâtissière, ni supplément chantilly. Ça arrivait beaucoup trop souvent. Assez en tout cas que je pense à donner les clés de la pâtisserie à Nora et que je foute le camp de cette ville de merde et sans saveur.
C'était sûrement pour ça, que j'avais pas hésité à débrancher le téléphone, à laisser des pâtes sablées refroidir sur le plan de travail et à fermer à clé derrière moi alors que c'était pas du tout l'heure de fuir. J'avais rendez-vous avec monsieur Jules Verne. Et même si une boule de stress était coincée dans ma poitrine, j'étais arrivée en avance sur la grande place, savourant la brise qui faisait s'agiter mes cheveux lâchés et la fraîcheur de l'air qui me changeait des fours toujours en marche. J'aimais mon boulot plus que tout, mais y avait quand même des fois où je devais faire des pauses. Surtout que ça faisait quelques mois maintenant que j'arrêtais pas. C'était pas bien, je le savais. J'avais une sale gueule, le cerveau qui tournait au ralenti et un mal de cœur à force de pas dormir assez. Je testais mes limites, et je commençais à les atteindre.
- Salut !
J'adressais à Jules, qui venait d'arriver, un petit sourire. J'étais en train de m'habituer à lui. Il venait super souvent à la pâtisserie, et j'étais toujours beaucoup trop contente de voir que c'était lui qui venait d'entrer plutôt qu'un connard de hipster demandant si les fraises ont été traité avec respect. Que ce que j'en avais à foutre, de savoir si les fruits étaient maltraités ? Elles étaient bios et jouissives pour les papilles, que demander de plus ?
Mon sourire se figea légèrement quand Jules me sorti que j'étais, je cite, « ravissante ». Il pouvait pas arrêter de sortir des phrases du genre ? Sûrement qu'il sortait ça à toutes les gonzesses avec qui il avait rendez-vous, mais quand même. En plus là c'était obligé qu'il mente. J'étais habillée en noir et mon visage était marqué par de trop nombreuses nuits d'insomnie. Le summum de l'élégance. Je ressemblais plus à une gothique qu'autre chose.
J'allais dire quelques mots pour bien montrer que cette fois j'allais pas me contenter de rougir dans un coin et de quasiment m'évanouir comme une princesse Disney, mais Hadès débarqua avant. Tant mieux ? Est-ce que c'était vraiment une bonne chose, finalement, qu'il se ramène et surtout nous emmène ? J'avais gagné un pari à la con contre lui. Il me devait un service. Et ça me faisait carrément plaisir de le voir jouer les taxis. Même si j'aurai dû lui demander qu'il y mette un peu plus de bonne volonté. Là j'avais l'impression que Jules allait faire une crise cardiaque. J'étais pas sûre de savoir faire un massage cardiaque, et encore moins un bouche-à-bouche.
Je me mordis très fort l'intérieur des joues, pendant que le dieu dégageait enfin. J'avais rien dis, me contentant juste d'observer Jules en train de rougir pendant que Hadès sortait des répliques plus merdiques les unes que les autres. Ça m'étonnait pas qu'il soit le père d'Elliot, putain. Ils avaient clairement un problème tout les deux. Je comprenais mieux maintenant de qui le Girafon. J'étais contente de l'avoir rencontré, en tout cas. Désormais j'étais certaine que Aryana avait pas une double personnalité et que c'était pas sa faute si son fils avait une génétique de merde.
- Désolée...
Je répondis à Jules avec une grimace, pas vraiment certaine de savoir comment excuser le comportement d'un dieu à la con. Il était vraiment obligé d'embrasser l'écrivain ? Genre y avait que cette option là de disponible ? Il l'avait tout perturbé, bravo ! Au point qu'il pensait... Que j'étais amie avec un connard pareil ? Ah bah merci ! J'avais pas beaucoup d'amis, mais quand même ! Je les choisissais mieux que ça ! Il avait quoi comme image de moi ? Celle d'une pauvre fille désespérée au point de faire de copiner avec un type à l'esprit mal placé et qui avait sûrement été bercé trop prêt du mur quand il était gosse ? J'étais déjà traumatisée quand Monsieur se montrait un poil trop entreprenant à mon goût. Là, si Hadès avait continué à nous faire chier, j'aurai pas hésité à lui foutre mon genou entre les jambes. Il était insupportable, je préférai encore être enfermée un an dans un bunker avec Elliot qu'avec lui.
- Je suis jamais venue, non. Enfin je crois pas. J'ai visité pas mal de coins divins, j'ai peut être tendance à les mélanger.
Et sûrement qu'une bibliothèque géante, ça serait pas le premier lieu dont je me serai souvenue. Je préférai une armée d'ewoks perdus dans une forêt flippante que des rangées de bouquins. J'étais toujours pas une lectrice assidue. Même si fallait bien avouer que c'était assez impressionnant. Et tellement plus adapté à Jules que ma pâtisserie. Je savais qu'il était pas fait pour vendre des gâteaux. Quand il m'avait dit qu'il avait trouvé un travail, il avait l'air tellement fier que ça voulait tout dire. Il devait être dans son élément, ici. Alors que moi... j'avais pas l'impression d'être à ma place. Je me sentais mal à l'aise. Parce que j'étais pas une tête pensante. Et que non, je savais pas qu'un genre littéraire avait été inventé suite à ses écrits. Je lisais jamais. Tout ça, ça me parlait pas.
- Attends... tu veux me saouler ou quoi ? Depuis quand on boit de l'alcool pour fêter une embauche ? Perso j'ai toujours fêté ça avec une bouteille de Champomy ou de jus de pommes. Voir même une tasse de chocolat chaud.
J'étais pas hyper tentée de boire un coup. Je buvais très, très, mais alors très rarement. Pour les occasions vraiment spéciales. Ou parce que j'avais pas le choix. Mais j'aimais pas l'alcool. Le goût était beaucoup trop dégueulasse, et surtout à chaque fois j'avais l'impression que des choses bizarres se passaient après. C'était peut être juste moi qui était parano. Mais le cocktail au barbapapa m'inspirait pas trop confiance.
Le verre se retrouva pourtant dans ma main. Je pouvais pas refuser. Il avait choisi quelque chose de sucré spécialement pour moi. C'était sympa. Et ça prouvait qu'il commençait à bien me connaître. Comme quoi, ça avait valu le coup, de lui proposer la trêve de l'amitié. Il avait pas menti, quand il m'avait laissé ce petit mot dans mon salon avant de partir. On était bien parti pour être amis. On se voyait assez régulièrement en tout cas pour que j'arrête de rougir et de repenser à ce qu'il m'avait dit un soir où il avait sûrement pas toute sa tête.
J'allais tremper mes lèvres dans le liquide rose vif, mais un invité surprise se ramena. Mes doigts se crispèrent autour de mon verre. J'étais pas super contente de voir Satellite venir graviter autour de nous.
- Il est... mignon.
Hochement de tête et petit sourire en coin poli, voilà. C'était un chaton. C'était supposé être mignon. Sûrement que j'aurai dû me mettre à genoux et lui parler en roucoulant à moitié tout en lui grattant la tête. Mais je le trouvais pas mignon. Un bébé éléphant, oui, c'était mignon. Mais un chat... Tout ce que je voyais, c'était un cousin éloigné de la bête maléfique que mon ancienne voisine, quand je vivais encore toute seule en appartement, laissait traîner dans l'immeuble. Ce foutu animal foutre des souris mortes sur mon paillasson ou miauler comme si on était en train de le torturer derrière la porte d'entrée. Saloperie de chat. Il m'avait griffé un nombre incalculable de fois. Et pourtant j'avais même pas essayé de le caresser !
Mais là, je me voyais mal dire à Jules que son animal de compagnie était sûrement un suppôt de Satan. Si il avait osé me dire que Candy était un monstre, je lui en aurai foutu une et je me serai cassée direct.
- Alors ? Comment ça se passe le boulot ? Ça te plaît ? Y a beaucoup de choses à faire ou tu t'ennuies vite ?
Je pivotais lentement sur moi-même, pour observer les rangées de livres qui me paraissaient peu accueillantes. J'aurai pas aimé rester toute seule ici. Ça avait l'air trop lugubre. Ça m'aurait même pas étonné qu'un fantôme apparaisse tout à coup. Mais pas un spectre comme Sir Simon. Plutôt un qui vient hanter pour de vrai les gens, avec les chaînes qui s'entrechoquent et les hurlements lugubres.
Après une hésitation, je fini enfin par boire une gorgée de mon cocktail. Je m'attendais à ce que je recrache tout en m'étouffant à moitié, mais à la place, mes yeux s'écarquillèrent de surprise. Putain. C'était bon !
- Mais c'est trop bon ce machin ! C'est comme boire de la barbapapa liquide ! C'est dingue !
Je portais de nouveau mon verre à mes lèvres, mais cette fois j'avalais tout le reste du contenu d'une traite. Je passais ma langue sur mes lèvres, en louchant déjà sur la bouteille de cocktail posée sur le mini bar. Est-ce que c'était mal de se resservir ? J'avais le droit au moins ?
- C'est vraiment une tuerie. T'as vraiment choisi la boisson parfaite ! Bravo !
Lui adressant un grand sourire ravi, je m'approchais du mini bar, attrapais la bouteille et versais l'alcool rose dans mon verre, par dessus les glaçons qui n'avaient même pas encore eu le temps de fondre. Une fois encore, en une gorgée ce fut vidé. Un frisson brûlant me parcouru de la tête aux pieds. Je posais une main sur ma joue, qui me paraissait bien chaude sous ma paume alors que j'étais certaine de ne pas être en train de rougir. La bibliothèque n'était sûrement pas assez aérée. Il faudrait peut être ouvrir une fenêtre... ou une porte. N'importe quoi pour qu'un peu d'air frais s'engouffre dans le lieu trop sombre et trop moite.
Mais je ne pensais plus à ça, alors que je me resservais un nouveau verre. Je le remplis un peu plus, celui là. Après avoir trempé mes lèvres dedans pour en boire une gorgée, je m'approchais de Jules et le lui tendis.
- Tu devrais goûter. Ça a pas du tout le goût de l'alcool, c'est comme une grenadine. Une grenadine à la barbapapa !
Un petit rire m'échappa. Je plaquais aussitôt ma main contre ma bouche, en adressant au nouveau Gardien un regard mi-surpris, mi amusé. Il commençait à vraiment faire chaud. Je pouvais sentir la chaleur m'envelopper, alors que je déposais mon verre dans la main de Jules, et que je m'appuyais contre le mini bar, en croisant les bras.
- C'était déjà là ça, avant que tu obtiennes le job ? Ou tu l'as fais construire après pour pouvoir inviter du monde à boire un verre ?
Je tapotais du plat de la main le bar derrière moi, avant d'attraper la bouteille de whisky encore débouchée pour renifler le goulot. Je plissais le nez et la reposais quasi aussitôt, en grimaçant à cause de l'odeur trop forte. Comment il faisait pour boire ça aussi facilement ? Ça devait lui arracher la gorge !
- ça a l'air dégueulasse ! Autant que le rhum ! Et en plus, tu peux pas faire des crêpes avec. C'est quoi l'intérêt de boire un truc pareil, alors ?
Du bout des doigts, je caressais la bouteille de cocktail. Je l'observais du coin de l'oeil, en me demandant si j'avais le droit de me servir un autre verre. J'en avais déjà pris trois... Il fallait peut être que j'en laisse pour quelqu'un d'autre ? Il avait une autre accro au sucre qui devait venir ?
- Mais sinon, tu voulais que je vienne pour me montrer autre chose ? Ou qu'on fasse autre chose ?
Je m'écartais du mini bar pour me rapprocher de Jules, ne m'arrêtant qu'à quelques centimètres de lui, la tête levée pour lui adresser un regard interrogateur. À l'aveuglette, ma main alla chercher le verre que je lui avais laissé. Mes doigts entourèrent le pied du verre et, sans m'en rendre compte, se posèrent au passage sur sa main. J'attendais juste qu'il lâche mon cocktail.Il voyait pas qu'il le tenait toujours ou quoi ? J'allais pas le lui laisser, hein. ça me gênait pas d'attendre.
Jules Verne
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
« On ne se connait pas tant qu'on n'a pas bu ensemble. »
Qui vide son verre vide son coeur. (Victor Hugo)
Etait-ce une impression ou Robyn n'appréciait pas non plus les chats ? Elle s'était contentée d'un sourire poli en voyant Satellite, sans essayer de le caresser alors que d'ordinaire, les femmes perdaient tout leur bon sens face à une boule de poils attendrissante. J'estimai donc que nous avions un autre point commun, ce qui était loin de me déplaire.
"Ce travail est véritablement ardu mais j'en retire un plaisir indéniable." répondis-je à sa question tout en arborant une expression humble. "Il est extrêmement valorisant de donner de sa personne dans une entreprise divine. Et quand je ne classe pas les ouvrages, j'ai le temps de coucher quelques idées d'histoires sur papier."
J'omis volontairement de préciser que mon emploi n'était pas rémunéré, malgré la demande verbale que j'avais formulée auprès du maître d'Olympe. Il était difficile de retrouver l'indépendance à laquelle j'aspirais tant sans rentrée d'argent régulière. Il me faudrait trouver un autre emploi très prochainement, car ma dette s'accumulait et je ne souffrirais pas de ne jamais rembourser mon ami Elliot. Il avait beau répéter que l'argent ne signifiait rien pour lui, je ne pouvais décemment pas vivre à ses dépens indéfiniment. Mon honneur me l'interdisait.
Pendant que Robyn trempait ses lèvres dans son verre, j'étais occupé à siroter mon whisky. Un sourire fendit mon visage en entendant sa réaction plus que positive. J'étais persuadé que le cocktail lui plairait. Cela avait le fruit de longues recherches, mais elle n'était pas obligée de le savoir. Elle aurait pu se sentir effrayée par une telle attention.
Elle finit son verre cul-sec et le remplit aussitôt pour l'engloutir sans respirer. J'écarquillai les yeux, préoccupé par son enthousiasme démesuré. Il était dangereux d'enchaîner les verres d'alcool sans manger un peu en même temps, surtout qu'elle ne semblait pas y être habituée.
Au troisième verre, elle s'approcha de moi pour me le tendre en m'invitant à y goûter. Je le refusai poliment. Elle semblait si guillerette que je ne pus m'empêcher de l'observer avec un sourire attendri. Un rire lui échappa et elle me lança un regard adorable, comme si elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Assurément, mademoiselle Candy ne tenait pas l'alcool.
"Sans façon. Je vous laisse le loisir de boire votre cocktail." déclarai-je. "Je n'apprécie pas ces alcools trafiqués dont le goût est gâté par le sucre et les arômes artificiels. Je préfère de loin les choses simples comme le whisky."
Je levai légèrement mon verre à demi vide avec un air entendu. Brusquement, la demoiselle fut saisie d'une faiblesse qui l'obligea à s'appuyer contre le comptoir après m'avoir confié son verre.
"Ce bar est un présent d'un ami." répondis-je évasivement. "Ce qui est une excellente idée car il est toujours plus agréable de converser autour d'un verre que de parler en ayant la gorge sèche."
Robyn décria si violemment le whisky après avoir reniflé la bouteille qu'une ride contrariée barra mon front. Je n'aimais pas que l'on critique mon alcool préféré. Elle caressa ensuite la bouteille de son cher cocktail, presque délicatement. Je retins un sourire face à son petit manège peu subtil, de plus en plus attendri par ses manières enfantines.
"C'est une boisson d'homme, il est logique que vous la trouviez trop forte." dis-je en portant ensuite le verre à mes lèvres afin de le terminer.
Je tenais toujours son verre à elle dans ma main. D'ailleurs, elle se rapprocha pour le récupérer, si près que j'en fus surpris et quelque peu dérouté, mais plus encore par sa question qui allait et venait dans mon esprit. Faire quelque chose... d'autre ? Je repoussai les idées grivoises pour me concentrer à une tache respectable et audacieuse, comme partager la lecture d'un roman. Cependant, je n'étais pas certain que cette activité l'intéresse.
Je baissai les yeux vers la jeune femme, qui se plantèrent, interrogateurs, dans les miens. Ses doigts s'étaient posés sur ma main qui enserrait son verre. Elle cherchait à le récupérer. Il n'y avait aucun autre motif qui l'animait à s'être approchée ainsi. Vraiment ?
Non, vraiment.
"Je ne peux pas vous laisser terminer ce verre, mademoiselle. Vous risquez un coma éthylique." déclarai-je doucement en effleurant légèrement le bout de son nez avec mon index libre.
Jamais je ne me serai permis une telle familiarité si elle avait été sobre, bien que j'avais souvent rêvé de caresser sa peau. Je tapotai l'arête de son nez et elle tituba en clignant des yeux. Amusé, j'enlevai ensuite ses doigts un à un qui enserrait le verre, puis le levai au-dessus de ma tête. Au début, elle eut le réflexe de vouloir l'attraper mais comme elle était beaucoup plus petite que moi, son entreprise s'avéra vaine, d'autant plus qu'elle perdit l'équilibre en quelques secondes à peine.
Prestement, je posai le verre sur le comptoir pour ensuite retenir la jeune femme qui titubait sérieusement.
"La tête vous tourne, très chère ? Si j'avais su, je vous aurais donné le fameux Champomy que vous avez mentionné."
J'ignorais de quoi il s'agissait mais je supposais que c'était une boisson non alcoolisée.
Je gardai la demoiselle contre moi quelques instants. Elle était blottie dans mes bras et, chose surprenante, elle ne tentait pas se libérer. Pour la forme, je levai les yeux au ciel avant de passer une main dans son dos, l'autre sous ses cuisses, puis la fis basculer en douceur pour la soulever. Je la portai ensuite jusqu'au canapé sur lequel je l'installai.
"De cette façon, le sol ne tanguera plus sous vos pieds." dis-je pour justifier mon action.
Elle ne s'était pas plainte, bien au contraire. Je baissai les yeux sur sa main qui se cramponnait mollement à ma manche. Je voulus la faire lâcher prise mais elle tenait bon, curieusement. Prenant cela comme une invitation à rester près d'elle, je m'assis au bord du sofa et plongeai mon regard dans le sien, qui était vitreux au possible. Si j'avais su, jamais je ne lui aurais proposée un verre.
"Je me sens coupable, vous savez." déclarai-je à voix basse. "Votre fougue me manque. Je vous préfère lorsque vous êtes plus vive et audacieuse."
Je souris faiblement, alors que mes doigts s'enroulaient dans une boucle de ses cheveux. A quel moment avais-je levé ma main vers elle ? Je ne m'en souvenais plus. J'aurais pu profiter de la situation -beaucoup d'hommes l'auraient fait- mais je ne souhaitais pas agir de façon aussi vile. Quel mérite y avait-il dans tout ceci ? A présent, il suffisait d'attendre quelques heures que les effets de l'alcool se dissipent, et j'étais décidé ne pas la quitter une seconde. En état d'ébrité, qui sait ce qu'elle pouvait faire ? Les réactions variaient d'un individu à l'autre. Le mieux était qu'elle reste allongée.
"Lily m'a racontée que vous étiez une sorte de princesse dans votre monde." dis-je tout en me redressant quelque peu, car ma position au bord du canapé était vraiment inconfortable. "Une princesse moderne qui n'a nul besoin de prince charmant. Ce qui est tout à votre honneur. Il semble de rigueur pour une femme d'être indépendante et affirmée, de nos jours."
Cette notion toute contemporaine me laissait quelque peu indécis, même si je me familiarisais bon gré mal gré avec les différentes "avancées" de la nature humaine. Inutile que je partage mon avis à ce sujet : Robyn était d'un calme surprenant et ce genre de discussion risquait de l'enflammer beaucoup trop. Je n'étais pas contre le fait que les femmes s'émancipent, mais je n'appréciais pas certains points. Cela me semblait voué à l'échec sur du long terme.
"D'ailleurs à ce propos, j'aimerais..."
Je fus coupé net par plusieurs objets qui heurtèrent mon dos. Sous le choc et la surprise, je basculai vers Robyn mais me retins à temps par la force de mes bras avant de lui tomber dessus. Le souffle court, une grimace douloureuse sur le visage, je tournai la tête vers le sol pour constater que je venais de me faire agresser par Le Sixième Sommeil et Le Papillon des Etoiles de Bernard Werber, ainsi que La Planète des Singes de Pierre Boulle. Trois ouvrages qui pesaient bien lourd, surtout que mes lombaires étaient toujours relativement fragiles depuis ma promenade dans le labyrinthe d'Olympe. Les livres sans doute mal équilibrés dans une étagère avaient chuté sur moi.
Je tournai de nouveau les yeux vers Robyn et constatai que nos visages étaient très près l'un de l'autre, par cet heureux (?) concours de circonstances. Décidément, il arrivait toujours un moment où il était question de proximité entre nous. Etait-ce un coup du destin ?
Son souffle exhalait un parfum sucré et alcoolisé. A demi enivré, je baissai les paupières. Etait-ce si mal de succomber à la tentation ? Si la gourmandise était un péché, alors nous étions tous deux condamnés à l'enfer.
Soudain, un miaulement plaintif retentit au-dessus de ma tête, me sortant de ma rêverie. Je me redressai juste assez pour voir Satellite perché sur une étagère, juste à côté de quelques livres en désordre. Sacrebleu, c'était lui qui avait fait tomber les ouvrages ! Il nous fixait d'un oeil réprobateur. Sans doute que Monsieur estimait que nous ne lui accordions pas suffisamment d'importance. Je secouai la tête en plissant les yeux avant de me désintéresser de lui. Les chats et leur ego, quelle suffisance !
Me focalisant de nouveau sur Robyn, j'esquissai un franc sourire qui s'évanouit bien vite sous l'incrédulité. Ma vision était-elle défaillante en raison du whisky ou... la jeune femme avait-elle calé un coussin sous sa tête afin d'être encore plus proche ? Je clignai des yeux, quelque peu hébété et dérouté. De façon peu subtile, je tentai d'estimer la distance précédente du coussin avec mes mains qui étaient posées juste de chaque côté de son visage. Sans succès. Il était impossible de savoir si c'était elle qui avait agi, ou moi qui divaguais.
Son regard avait capturé le mien et je n'avais pas envie de m'en libérer. Ses yeux étaient sublimés par un étrange éclat, celui de l'alcool mais également d'autre chose.
Parbleu, je devais devenir fou...
Je pris une grande inspiration en me mordant les lèvres. Mon regard dériva vers sa bouche, délicatement entrouverte, dont le souffle me parvenait, de plus en plus enivrant...
"C'est... une torture." murmurai-je en fermant de nouveau les yeux.
Ne plus voir était une chose, mais je sentais toujours la chaleur de son corps près du mien, son haleine contre ma peau, ses cheveux entrelacés dans mes doigts. La bienséance aurait voulu que je m'éloigne d'elle, mais c'était bien trop demandé à un homme dont les vapeurs de l'alcool menaçaient de briser les résistances.
Assurément, il fallait que je me ressaisisse.
"Est-ce pure folie que d'espérer un signe quelconque de votre part ?"
Peut-être n'avait-elle pas compris le sens de ma question. Moi-même, j'avais des doutes sur la teneur de mes propos. D'ordinaire, l'alcool ne me faisait pas tourner la tête à ce point, surtout une si petite quantité. Que m'arrivait-il donc ? Cela était-ce dû à l'émotion intense qui me saisissait ?
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Robyn W. Candy
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(Et ouais du coup j'en profite pour faire un tour et mâter les profils, z'allez faire quoi pour m'en empêcher hein ?)
| Conte : Les mondes de Ralph. | Dans le monde des contes, je suis : : Vanellope Von Schweetz, ou la princesse d'un royaume de sucreries qui préfère conduire des voitures en gâteaux.
Je me sentais bien. Vraiment très bien. Comme si j'étais entourée de barbapapa parfumée et cotonneuse. J'avais envie de me lover dedans et de fermer les yeux, pour profiter de ce bien-être que je ressentais beaucoup trop rarement. Pourquoi je me contentais que du Champomy ? Ça me faisait jamais cet effet là, le jus de pomme avec des bulles. Alors qu'après quelques verres de cocktail... j'avais un peu chaud, mais c'était pas désagréable. Ça avait même un petit quelque chose de délicieux. Un peu comme quand j'ouvrais un paquet d'oréos ou que je faisais cuire une tarte au chocolat. J'avais envie de céder à la gourmandise, d'en savourer le goût. Même si ça faisait tourner le monde.
- Je risque pas de tomber dans le coma, je m'appelle pas Blanche-Neige !
Je fis une moue boudeuse, alors que Jules m'empêchait de récupérer mon verre. Je lui avais donné pour qu'il me le rende après. Pas pour qu'il me l'agite sous le nez comme une cacahuète qu'on agite devant la trombe de Candy. Surtout que j'avais beau sautiller sur place, les bras en l'air, impossible de le reprendre. Il était bien trop grand. Tellement grand. Je m'en étais jamais vraiment rendue compte avant. Mais je devais me dévisser la tête rien que pour le regarder dans les yeux. Alors le verre qu'il tenait à la main et au dessus de sa tête... J'aurai presque au besoin d'un escabeau.
- Ça tourne oui. Ça tourne vraiment beaucoup même. J'ai l'impression d'avoir fait un tour de manège.
Une main posé sur mon front brûlant, j'avais du mal à rester bien droite. La bibliothèque et le bar s'étaient mis à tanguer autour de nous. Tout se balançait dans un tourbillon qui sentait le bonbon à plein nez. J'avais à la fois la nausée et une folle envie de m'agripper au mini-bar comme si j'étais la rescapée d'un naufrage sur une mer de Dr Pepper déchaînée.
- Me lâche pas s'il te plaît.
J'avais murmuré tout bas, peut être qu'il m'avait même pas entendu. Mais quand il m'avait retenu, je m'étais agrippée à lui. Je sentais que mes jambes tremblaient. J'avais peur de tomber. Et si j'arrivais pas à me relever, après ? Que je m'enfonçais dans le brouillard de barbapapa qui me paraissait de plus en plus collant et chaud ?
Sans même que je m'en rende compte, je m'étais retrouvée allongée sur un canapé. J'avais fermé les yeux tout du long, en luttant contre cette impression poisseuse et suffocante qui m'enveloppait. Comment ça avait pu passer de quelque chose de tout doux à... ça ? Cet écœurement ? Rien que penser au cocktail rose me donnait envie de vomir. Un peu comme la fois où j'avais mangé trop de fraises Tagada. Beurk. Non, il valait mieux que je pense à ça non plus. Surtout que le décor avait arrêté de tourner. Il me paraissait un peu opaque et flou, mais c'était déjà un bon début. Ça s'était arrangé parce que j'étais allongée ?
J'avais envie de refermer les yeux. Et de dormir. Juste pour me reposer un petit peu. Le canapé était vraiment très confortable. Tout moelleux. Juste comme il fallait... J'aurai dérivé vers le sommeil, à rêver d'un monde de sucrerie familier, si Jules ne m'avait pas parlé. Il avait une voix rassurante. Et agréable à écouter. J'avais envie qu'il continue à parler juste pour entendre sa voix. Même si j'aurai préféré qu'il soit agaçant. J'aurai eu une bonne raison de râler. Parce que j'étais certaine que j'étais censée me plaindre. Lui dire quelque chose de pas gentil. Mais j'arrivais pas à savoir pourquoi. J'arrivais plus. Tout ce que je savais là maintenant, c'est que cette voix vibrait à mes oreilles d'une manière qui lui faisait avoir mon attention.
Il aurait aimé quelque chose. Mais je pouvais pas savoir quoi. Parce qu'il s'était fait agresser par des livres à cause du vilain petit Satellite. Chat méchant. Il avait coupé la parole à Monsieur Verne. J'aurai pas dû rire... mais je pouvais pas m'en empêcher. Un tout petit peu. C'était un peu drôle. J'étais toute drôle. Le sourire que j'avais aux lèvres était drôle, lui aussi. Pas dans le sens où il était censé être amusant. Mais plutôt parce que je me souvenais pas que mes lèvres s'étaient un jour étirés en un sourire pareil.
J'avais mal au cou, même si le canapé était confortable. J'étais peut être pas si bien installée que ça. Les sens et les muscles engourdis, j'attrapais un oreiller et le passais derrière ma tête, pour essayer d'être un peu plus à mon aise. Je me retrouvais aussi légèrement surélevée, ce qui était pas une si mauvaise chose. J'avais l'impression d'être un petit peu moins minuscule comparée à Jules.
- Un... signe ? Tu veux un signe ?
Je comprenais pas vraiment. J'arrivais pas à comprendre. Mon cerveau marchait au ralenti, comme pris dans une pâte à cookie trop collante. Il avait l'air perturbé. Ça je m'en rendais bien compte. Il parlait même de torture. Ça voulait dire qu'il avait mal ? La chute des livres avait été bien plus grave que ça en avait eu l'air ? J'avais vraiment osé rire alors qu'il s'était peut être abîmé un muscle ou un os ?
- C'est vrai. J'étais une princesse avant. Princesse Vanellope Von Schweetz. Je portais des robes roses bonbons et à froufrous. C'était l'horreur absolue, j'avais envie de crâmer ces foutues robes. J'avais même des gants blancs ! C'est complètement stupide de porter des gants blancs ! Déjà que la couronne, c'était une torture... Je crois que c'est pour ça que j'ai décidé de plus être princesse. Et de devenir Présidente. Ça sonnait mieux avec mon horrible nom de chocolat suisse.
Un petit rire m'échappa. Moins amusé, celui là. Mais j'avais quand même un sourire nostalgique au coin des lèvres. Ça remontait, ça. Je m'en souvenais à peine. J'avais pas vraiment pu profiter à fond de mon temps en tant que princesse.
- De toute façon, même si j'en étais restée une, j'aurai jamais eu de prince. Je crois pas aux princes. Je crois pas à l'amour en général. Enfin si, quand même un peu. Je connais des gens qui vivent heureux pour toujours et ont beaucoup d'enfants. Mais c'est pas pour moi, ça. Je pense qu'un prince charmant, ça m'aurait ennuyé, de toute façon. Et puis il aurait sûrement voulu me ramener dans mon château, gardé par un crocodile géant en gélatine, parce que j'aurai fini par bien le gonfler juste comme il faut.
Je parlais. Je parlais beaucoup. Ça sortait tout seul. Je voulais changer les idées de Jules. Je voulais pas qu'il soit tout perturbé. Je savais ce que ça faisait. Et c'était pas absolument pas agréable. Manquerait plus qu'il fasse comme moi et qu'il rougisse comme une écrevisse passée à la casserole.
- Toi, t'as pas l'air d'un prince charmant. Sans vouloir te vexer ni rien hein. C'est tant mieux je trouve ! Les princes sont chiants. Vaut mieux être un gardien de bibliothèque divine. Ça fait tout de suite carrément plus classe. Et puis t'es bien plus beau qu'un prince. Sérieux. J'ai jamais trouvé un seul mec beau. Alors que toi... je te regarde et je te trouve vraiment beau, en fait. En plus t'es super grand. Tu dois avoir beaucoup plus de succès qu'un prince charmant. Je comprends mieux maintenant.
Nouveau sourire. Encore un que j'avais jamais eu. Je pourrais même pas dire ce qu'il était censé vouloir dire. Même moi j'arrivais pas à savoir. Je le regardais, en tout cas. Je l'observais. En prenant en compte ce que je lui avais dis. Ça m'était jamais vraiment venu à l'esprit. Mais ouais. Il avait quelque chose qui me faisait sentir toute bizarre.
- Je parle pas autant en général, désolée. Je devais avoir besoin de parler. Ça me faisait trop. Sérieux. Désolée.
Je me mordis la lèvre, en lui adressant un regard tout aussi désolé, façon petit chien battu. J'avais pleins de choses à dire. J'avais envie de dire pleins de choses. Et de faire quelque chose, aussi. Ça me démangeait. Comme un courant chaud qui passait dans mes veines, un frisson d’adrénaline.Une envie toute bête, mais à laquelle je pouvais pas résister.
Je levais une main, qui se figea en l'air, hésitante. C'était pas trop ? Trop... trop ? Oh et puis merde hein. Ça me démangeait trop. Et puis si il était pas content, il avait qu'à me laisser me faire maltraiter par son chat.
Finalement, ma main se posa sur sa joue. C'était un contact timide, légèrement tremblant, mais le frisson qui me remonta le long du bras était bien plus puissant. C'était... électrisant. Particulier. Ma paume me brûlait presque, mais ça faisait pas mal. Bien au contraire. Mon pouce se mit à bouger lentement, caressant délicatement sa peau.
- Désolée...
Ma voix n'était plus qu'un souffle. Ma gorge était trop serrée. Pas comme si j'allais pleurer. Plutôt comme si tout mon corps était dans un état... étrange. J'étais à la fois détendue et pas du tout détendue. J'avais chaud, très chaud. Et quelque chose était compressé dans ma poitrine. Mais ça faisait pas mal. Quoi qu'en même temps... ça faisait un peu mal, si. Mais pas dans un mauvais sens. Y avait rien de mauvais là, j'avais l'impression.
- Je vais poser une question débile au possible. Est-ce que je peux t'embrasser ? Je sais pas pourquoi, mais là je suis complètement hypnotisée par tes lèvres. Sérieusement. J'arrive pas à détourner les yeux.
Je souriais comme si c'était plutôt marrant, mais là je plaisantais pas. J'arrivais vraiment pas à regarder ailleurs. Mon regard avait dévié sur sa bouche. Et maintenant c'était mes lèvres qui me brûlaient. Ma main était toujours sur sa joue, mais bizarrement, quand ça concernait un baiser, j'osais moins. Je voulais forcer personne.
Jules Verne
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« On ne se connait pas tant qu'on n'a pas bu ensemble. »
Qui vide son verre vide son coeur. (Victor Hugo)
Au moins, les paroles de Robyn avaient eu l'avantage de me détendre. Elle m'avait raconté son autre vie à laquelle je n'entendais pas grand-chose. Dans cet autre monde où elle portait le nom étrange et surprenant de Vanellope Von Schweetz, la princesse des sucreries et des voitures de course. Le mélange des deux était pour le moins inhabituel. Je l'écoutais, me laissant transporté dans cet univers par la simple force de ses mots. Ma compréhension se heurta à certains d'entre eux, comme le saugrenu "crocodile en gélatine" car j'ignorais de quoi il s'agissait, mais je ne l'interrompis pas pour autant. Il était si rare qu'elle s'ouvre ainsi à moi, qu'elle parle si ouvertement. J'aimais en apprendre davantage sur elle. J'aurais aimé tout savoir de sa personne, mais je craignais de l'ennuyer en lui posant trop de questions. Aussi je préférais la laisser s'exprimer en me contentant de la regarder. A mesure qu'elle racontait son histoire, je voyais ses yeux briller d'un nouvel éclat.
Puis, elle précisa que je n'avais rien d'un prince charmant. Je laissai échapper un petit rire à cette remarque, amusé par la façon dont elle cherchait des explications qui me flattaient, je devais bien l'avouer. Je n'avais pas la prétention de penser qu'elle le faisait exprès. Au contraire, l'alcool éveillait en elle tout ce qu'elle gardait enfoui et caché. Rien de ce qu'elle prononçait ne semblait calculé. Elle parlait spontanément, et c'était un véritable délice à écouter. Bientôt, elle se mordit la lèvre en me renvoyant un regard navré.
"Vous n'avez pas à vous excuser." dis-je sans me départir de mon sourire attendri. "Au contraire, j'aime votre sincérité. Et puis, soyons honnête, aucun homme ne vous en voudra si vous lui dites qu'il est agréable à regarder."
Je marquai une pause avant d'ajouter, une ride à demi soucieuse barrant mon front :
"Bien entendu, ceci n'est pas une invitation pour dire à un autre homme que vous le trouvez avenant. En aucun cas vous..."
Le reste de ma phrase mourut dans ma gorge alors que la demoiselle levait la main vers mon visage, hésitante. Troublé, je restai immobile, toujours penché vers elle. Il me sembla qu'une éternité entière s'écoula avant que sa paume n'effleure ma joue. Puis, son pouce commença à caresser ma peau, délicatement. Je me sentais profondément désorienté. Où était donc passé la Robyn un peu brutale qui glissait un juron dans chaque phrase ? Ce changement radical me désarçonnait complètement.
Sa question termina de m'étonner tout à fait. Tiens donc, elle demandait la permission pour m'embrasser ? Je faillis lui rappeler qu'elle ne m'avait pas demandé mon avis lors du réveillon de Noël, mais je n'en fis rien. Tout ceci risquait de gâcher la magie du moment et à présent qu'elle m'avait donné bien plus qu'un signe, j'aurais été bien sot de me montrer désobligeant. La façon qu'elle avait eu de poser sa question m'arracha un nouveau sourire attendri et amusé.
"Je crains que notre amitié en pâtisse, mais assurément, vous pouvez." dis-je dans un souffle.
Je plongeai mon regard dans le sien avant de fermer les yeux, alors qu'elle se redressait pour s'approcher davantage. Sa main s'était figée sur ma joue. J'étais prêt à cueillir ses lèvres d'un baiser quand quelque chose me tomba de nouveau dessus, dans un miaulement étranglé.
L'instant d'après, le satané chat, qui avait sauté de la bibliothèque puis sur moi, atterrit sur le sol en miaulant de plus belle d'un air réprobateur.
"Il suffit, Satellite !" le grondai-je, agacé.
Le chaton fit le gros dos, nous toisant l'un après l'autre d'un oeil sévère plutôt surprenant, avant de s'éloigner, la queue dressée et l'air important. Bon débarras ! J'espérais qu'il allait nous laisser en paix, dorénavant.
Je me redressai au bord du canapé, le temps de me ressaisir. Le retour à la réalité avait été légèrement brutal. Il me faudrait quelques minutes pour m'en remettre totalement. Peut-être était-ce mieux ainsi ? Je ne pouvais omettre que la jeune femme n'était pas en pleine possession de ses moyens et qu'une insistance de ma part aurait été malvenue. Je ne voulais en aucun cas compromettre son honneur. D'ailleurs, je lui fis part de mes observations. Cela me permettrait par ce biais de retrouver la tête froide.
"Je suis fort satisfait que Satellite nous ait interrompus dans nos... ébats." déclarai-je d'un ton incertain. "Cela n'aurait pas été correct. J'aurais craint de vous compromettre en agissant de la sorte."
Je m'éclaircis la gorge et repris d'une voix plus enjouée, même si je ne me sentais toujours pas détendu :
"Nous reparlerons de tout ceci quand vous serez dégrisée."
Sans la regarder, je tapotai sa jambe en toute amitié. Le mieux à faire était sans doute de me lever et de m'éloigner de la jeune femme, afin d'éviter toute tentation supplémentaire. Je posai donc les mains sur mes cuisses pour me donner l'impulsion nécessaire et voulus me mettre sur mes pieds, quand je sentis Robyn agripper mon bras. Interdit, je tournai la tête vers elle. Son visage n'était qu'à quelques centimètres du mien. A cet instant, elle posa ses lèvres contre les miennes, alors qu'elle s'était redressée juste assez pour s'approcher. Tout d'abord, j'écarquillai les yeux puis les fermai en me laissant emporter par cet instant de volupté profonde. Sa bouche était sucrée avec une connotation de barbapapa... En une seconde, j'oubliai toutes mes interrogations sur le bien et le mal de cette situation. Il est curieux de constater que l'esprit de l'homme se laisse aisément corrompre dès qu'il est sujet aux plaisirs charnels...
Son baiser était très différent de celui qu'elle m'avait donné lors des fêtes de Noël. Cette fois, il fut plus doux et quelque peu hésitant.
Ce fut à mon tour de poser un revers de main contre la joue de la demoiselle, l'effleurant juste assez pour la faire frémir, avant de la cueillir dans ma paume, doucement. Puis, mes doigts se promenèrent jusqu'à sa nuque. Je pivotai tout à fait vers elle avant de me pencher, l'invitant à s'allonger de nouveau. Là, j'interrompis notre baiser pour plonger mon regard dans le sien. Dans ses yeux brûlait une lueur aussi vive que déroutante. J'aurais aimé m'adresser à la véritable Robyn, mais après tout, la jeune femme qui se tenait tout à côté de moi était la même personne. Jamais encore je n'avais vu quelqu'un changer à ce point sous les effets de l'alcool. Etait-ce possible que la demoiselle cache sa nature profonde constamment ? Avait-elle honte de la jeune femme douce et amusante qu'elle me montrait actuellement ?
"Vous êtes une véritable énigme, mademoiselle." déclarai-je tout en effleurant l'arête de son nez du bout de mon doigt. "Incompréhensible. Surprenante. Parfaite."
Je ponctuai le dernier mot d'un sourire avant de pencher la tête pour déposer quelques baisers sur le haut de son décolleté puis sur son cou, remontant peu à peu jusqu'à son oreille. Sa peau toute entière avait un parfum sucré de friandise. Ca me rendait fou. J'embrassai sa joue avant de revenir à ses lèvres, les capturant passionnément. Ma main libre quitta alors sa nuque pour se promener le long de son bras, dérivant sans réellement le vouloir vers son débardeur. Au moment de le soulever, j'hésitai et finalement tapotai le tissu en tout bien tout honneur, tout en continuant de l'embrasser. Je peinais encore à y croire donc je préférais ne pas aller trop vite en besogne. Qui plus est, je me sentais intimidé, d'une certaine façon, sans que j'en comprenne la raison.
Je m'éloignai d'elle juste assez pour murmurer tout en contemplant son visage :
"L'amour, c'est la fumée qu'exhalent les soupirs, Attisé, c'est le feu dans les yeux des amants, Contrarié, c'est la mer que viennent grossir leurs larmes. Et quoi encor ? La folie la plus sage Le fiel qui nous étouffe, la douceur qui nous sauve."
Une mèche de cheveux blond doré était revenue s'entortiller tout naturellement entre mes doigts tandis que je parlais. La jeune femme m'avait inspirée une citation. J'avais cru comprendre que faire la cour n'était plus d'usage de nos jours mais certaines habitudes demeuraient tenaces. Je lui adressai un petit sourire tout en précisant :
"C'est de Shakespeare. Je n'ai pas la prétention de savoir parler d'amour, mais donnez-moi un submersible ou un dirigeable et vous aurez deux cent pages sur le sujet le mois suivant."
Mon sourire s'élargit. Je n'espérais pas la troubler outre mesure en citant le plus grand dramaturge de tous les temps. Roméo et Juliette... n'y avait-il pas de plus bel éloge la concernant ? Si l'on omettait la fin tragique des deux amants, leur histoire était absolument sublime et inégalable. Nous avions donc un éminent défi à relever, mais ce n'était pas effrayant. Au contraire, cela en était même... grisant.
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Ainsi fait l'Amour, et l'on n'y peut rien ! ★ ROBYN