« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
« A quoi ça sert l'amour ? On raconte toujours des histoires insensées. A quoi ça sert d'aimer ? »
...
Je le savais. Je redoutais ce moment où Anatole allait me rendre la monnaie de ma pièce, encouragé par Dédé. Fort heureusement, j'avais prévu de quoi contenter tout le monde le cas échéant. J'avais eu plusieurs minutes pour y réfléchir, bien que la chanson du jeune homme ait remué des émotions insoupçonnées dans mon âme : un mélange d'agacement, d'exaspération et de... gaieté. Tout ceci était très étrange et embrouillé. Il me faudrait un certain temps pour tout analyser en détails. Pour le moment, je mis cette expérience dans un coin de mon esprit, me focalisant sur le moment présent.
Je me levai de ma chaise, lissai ma jupe et montai les marches menant à l'estrade. A mesure que j'approchais du micro, je sentais tous mes muscles se raidir. Je détestais les apparitions publiques. Parler devant une assemblée ou me montrer, tout simplement. Je faisais une piètre "ministre", malgré tout ce que Dédé pouvait penser. Ce dernier m'adressa un clin d'oeil avant de soulever son béret pour me saluer et retourna à sa place, à table.
Eblouie par les lumières de la scène, je plissai des yeux en grimaçant. Je jetai un bref coup d'oeil au piano qu'Anatole venait de quitter.
"Ma représentation sera nettement moins élégante, je le crains." déclarai-je timidement. "Je ne chanterai pas. Désolée de vous décevoir."
"A poils !" beugla un ivrogne dans le fond de la salle.
"Pardon ?" fis-je, abasourdie.
Dédé se leva d'un bond et se précipita vers lui.
"Toi mon gars, tu sors !"
Il l'attrapa par le col de sa veste et l'emmena hors du bar.
"On ne parle pas comme ça à Madame la Ministre !"
Il revint quelques secondes plus tard et s'installa lourdement à côté d'Anatole.
"Poursuivez Madame, je vous en prie."
Il attrapa son verre et en bus plusieurs gorgées sans respirer. J'écarquillai les yeux avant de secouer la tête. Puis je décrispai les muscles de ma nuque en fermant brièvement les yeux.
"Je... je vais vous raconter... une histoire." dis-je d'un ton incertain.
J'hésitai à réciter un conte pour enfants mais comme cela était inapproprié, je décidai de rester sur ma première idée.
"Euh... est-ce qu'il y a des garçons dans la salle ?" demandai-je en m'approchant du micro.
Aucune réaction. Je passai la langue sur mes lèvres et insistai, de plus en plus mal à l'aise :
"Ca fait partie du... sketch. Y a-t-il des garçons dans la salle ?"
Les rares clients crièrent un grand "oui !" et j'enchaînai avec la phrase :
"J'aime pas les garçons."
Un petit éclat de rire parcourut la salle. Encouragée, je repris d'un ton légèrement plus aigu, rentrant dans la peau de mon personnage :
"C'est nul. Non c'est tout pourri, j'aime pas. Ca sent mauvais."
J'avais inventé ce sketch durant les quelques minutes passées à table, et je le créais au feu et à mesure que je parlais. C'était bien la première fois que j'étais aussi éloquente. Ma principale source d'inspiration était Elliot. Pour avoir vécu avec lui, je savais de quoi je parlais. Par moments, je prenais une grosse voix afin de singer les garçons, me moquant gentiment de mon frère avec un sourire mutin. Plus les minutes passaient, plus je prenais d'assurance.
"Quand tu demandes qu'est-ce que ça veut manger les garçons, ça veut toujours la même chose : la viande et les patates."
Dédé était hilare. Il se tenait le ventre et de temps à autre, il attrapait son verre pour boire plusieurs gorgées avant de tout rendre par le nez. C'était écoeurant.
"C'est nul, les garçons. Ca fait croire que ça travaille, c'est pas vrai. Ca passe ses journées à jouer à la Play Station."
Je m'esclaffai en songeant à Elliot qui était capable de passer une semaine entière sans se lever du canapé, afin de finir un jeu vidéo. Je secouai la tête, prenant un air fataliste.
"Et puis les garçons, ça veut être musclé aussi."
Je levai les bras pour les bander, imitant mon frère qui avait redoublé d'efforts pour être bodybuildé, sans aucun résultat concluant. Mes expressions faciales devaient être convaincantes car les gens rirent de plus belle. Je ne savais pas que j'avais des talents d'humoriste, dis donc ! Sans doute qu'ils étaient trop avinés pour apprécier un spectacle convenable.
J'achevai mon sketch avec la phrase d'accroche :
"Heureusement, il y a des filles dans la salle !"
Une seule dame leva vaguement la main, au niveau du comptoir, avant de poser de nouveau son regard vitreux sur le fond de son verre.
"J'aime pas les filles, mais c'est une autre histoire." conclus-je d'un ton malicieux.
Je retournai m'asseoir en vitesse sous les applaudissements, la tête penchée, retrouvant ma réserve habituelle. Comme si tout mon embarras me rattrapait, je sentis les joues me brûler. Je n'osai croiser le regard d'Anatole. Avait-il apprécié ? Pourquoi plaçais-je tant d'importance quant à son avis ? En tous les cas, Dédé semblait comblé. Il se tenait les côtes.
"Madame la Ministre, vous devriez vous produire sur scène plus souvent ! Je loue celle-là pour vous tous les vendredis soirs, c'est décidé !"
Je n'osai pas le contredire et me contentai de lui sourire.
"Tous les hommes ne sont pas comme ça !" précisa Dédé en me désignant Anatole du bout du menton.
Prenant un air effarouché, je préférais me concentrer sur le thé que le serveur venait de m'apporter. Puis j'orientai la conversation sur une pente moins dangereuse :
"Peut-être devrions-nous rejoindre Jules ?" suggérai-je à voix basse à Anatole.
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Anatole Cassini
« Maîïîtreuuuh !!! »
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« Il existe 175.000
espèces de papillons... »
« Le papillon ne compte pas
les mois, mais les moments.
Ce qui lui confère suffisamment
de Temps pour vivre, ressentir, aimer. »
| Conte : ➹ Intrigue Divine | Dans le monde des contes, je suis : : ✲ Le Titan Hyperion, un papillon étoilé.
Il ne faut jamais perdre espoir, car on ne sait jamais ce que demain peut nous apporter. J'avais cette citation en tête en me levant ce matin. J'étais seul dans ma chambre, car Jules était déjà descendu pour prendre le petit déjeuner. Ellie devait l'avoir rejoins et je me faisais une joie de me joindre à eux. La nuit avait été magique, bien au-delà de toutes mes espérances. J'en avais la certitude désormais. Pour être heureux, il suffisait que la personne qu'on aime nous sourie et que l'un de nos amis soit avec nous pour pouvoir en témoigner. A quoi pouvait bien servir l'Amour, si ce n'était qu'on puisse raconter cette histoire insensée à qui rêvait de simplement aimer ?
« Tu es rayonnant. » entendis-je d'une voix amicale qui se trouvait dans l’embrasure de la porte.
Je m'étais tourné pour observer Cassandre qui se tenait là, les bras croisées, appuyée contre le bois de la porte, et m'observant avec un incroyable sourire, que je lui rendis immédiatement.
« Il n'y a pas de plus belles raisons d'être heureux de bon matin, que celle d'être surpris par une aussi magnifique jeune femme. » lui dis-je, sachant très bien qu'elle adorait les compliments.
Elle était venue vers moi, décroisant les bras et les passant autour de moi pour un gros câlin. J'adorais ces moments intimes que l'on partageait très souvent. Une fois fait, elle s'était reculée et elle m'avait regardée de bas en haut, admirant la tenue décontractée que j'avais enfilé. D'ordinaire je portais des tenues classe, mais là je m'étais laissé tenté par un t-shirt bleu, une chemise à carreaux bleu également et un pantalon gris. La chemise était grande ouverte. C'était pas le plus glamour que je voulais faire, mais pour se promener dans Paris et y passer ma seconde journée, je voulais un truc qui changeait. En tout cas, vue le sourire de la belle, ça semblait bien m'aller.
« C'est pour Jules cette tenue, c'est ça ? » me demanda t'elle d'un ton espiègle, tandis que je secouais la tête de gauche à droite.
« Tu viens déjeuner avec nous ? » dis-je dans le but de changer de conversation.
Elle me tira la langue.
« Évidemment ! Je ne fais pas du babysitting sans avoir pris le temps de déjeuner avant. On descend ? »
C'était une bonne idée et je l'avais suivie dans l'escalier afin de descendre les marches et de retrouver Ellie et Jules sur la terrasse.
« Dit moi... je ne serai pas forcée d'être avec lui toute la journée ? Je veux dire que j'accepte de te rendre ce service, mais faut pas pousser non plus. Qui plus est, j'avais pas mal de choses à faire aujourd'hui. »
Je lui adressais mon regard qui voulait tout dire. Celui qui signifiait en gros, que je savais très bien que sa journée allait se résumer à s'habiller, faire du shopping, se promener en ville, penser à Apollon et aller voir un bon film.
« Bon ok, je n'ai pas grand chose à faire aujourd'hui, mais je pense que pour une telle responsabilité, il me faudrait compensation. »
« Responsabilité ? »
« Ben oui ! C'est pas facile de s'occuper d'un Jules. Faut le sortir, lui faire faire pipi, le nourrir et l'écouter parler. T'imagines même pas tout le travail que ça demande. »
J'avais avancé ma main tout en marchant, au dessus de sa tête, afin de lui grattouiller les cheveux. Elle n'aimait pas ça et je le savais.
« Tu vas voir, ça sera une véritable partie de plaisir. Et au pire si tu ne le supportes plus, tu pourras le jeter dans la seine. »
« C'est vrai ? » me demanda t'elle sur un ton un peu trop excité, tandis que je la regardais en plissant des yeux.
« Je plaisante, Cassie. »
Elle sembla rougir, avant de m'adresser un sourire gêné.
« Cassie ? »
Je l'avais appelée ainsi ? Ca m'avait échapper. D'ordinaire je l'appelais toujours par son véritable prénom, sans employer le moindre diminutif et surtout pas en tant que Neil. Je ne comprenais pas pourquoi elle avait gardé ce surnom là et que tout le monde l'appelait ainsi. C'était bien plus jolie, Cassandre.
« Ma langue a fourchée. » précisai-je.
« Elle devrait fourcher plus souvent. » ajouta t'elle en me prenant la main, avant d'arriver devant la table où se trouvait Jules et Ellie.
C'était une belle journée ensoleillée qui s'ouvrait à nous. Elle ne me lâcha la main que pour s'asseoir sur sa chaise, juste à côté d'Ellie, me laissant la place aux côtés de Jules.
« Coucou ma meilleure amie ! » dit-elle en serrant Ellie dans ses bras, qui n'eu pas le temps de se lever et en lui déposant un bisou sur la joue.
Quant à moi, je m'étais assis, avant d'observer Jules, d'un air hésitant. Je sentais qu'il n'était pas très tranquille. Se demandait-il si j'allais agir de même ?
« Nous nous sommes déjà vue dans la chambre, sinon vous auriez le droit au même bonjour. » lui dis-je d'un air très sérieux, avant de lui adresser un grand sourire.
Neil avait pris un croissant sur la table, jetant un oeil à Jules, avant de me regarder et de lever les yeux au ciel. Ils étaient adorables tous les deux. J'avais porté mon attention sur Ellie, lui adressant un petit sourire et un signe de la tête pour lui faire comprendre que je lui souhaitais le bon jour. Puis, je pris un croissant à mon tour.
« Oh mon dieu que c'est divin ! » m'exclamai-je en le trempant dans un chocolat chaud qui se trouvait devant moi et en prenant un bout.
Le mélange des deux était merveilleux. Et ces croissants étaient bien meilleurs que ceux du pays voisin. Généralement je mangeais uniquement des pâtisseries chez Robyn. Une fois qu'on en gouttait chez elle, on pouvait difficilement trouver mieux ailleurs. Bien qu'ici... c'était pas mal du tout.
« Vous allez vous rendre où pendant que j'emmènerai Jules faire sa promenade ? »
Je failli m'étouffer en entendant le tact légendaire de Cassandre. J'avais pris ma serviette pour m'essuyer les lèvres, avant d'adresser un regard à Ellie, car elle ne savait pas encore pourquoi Cassandre nous avais rejoins.
« J'ai demandé à Cassandre si elle pouvait nous rejoindre pour la journée. Je pensais t'emmener quelque part ce matin et qu'on irait tous manger ensemble à la Tour Eiffel ce midi. Est-ce que ça te convient ? Si bien entendu cela ne vous dérange pas, Jules. » ajoutai-je en regardant le vieil jeune homme.
Jules Verne
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
Elle est née d'aujourdhui dans le coeur d'un garçon.
Je me sentais encore quelque peu nauséeux de la nuit dernière. L'atmosphère du Moulin Rouge avait eu raison de moi. J'ignorais même de quelle façon j'étais revenu jusqu'à l'hôtel. Je m'étais réveillé le lendemain matin dans le lit, à côté de celui d'Anatole, tout courbaturé et alangui. Mon sommeil avait été de plomb et je n'avais pas eu la sensation de réellement me reposer. Je rejetais la faute sur les multiples cocktails que j'avais ingurgités : sans doute que leur composition était trop douteuse et que le mélange avait occasionné une lourdeur dans mon estomac. En tous les cas, on ne me reprendrait plus à m'encanailler dans un cabaret parisien. Il me fallait le reconnaître : j'étais trop âgé pour ce genre de divertissements. Cela étant, jamais je ne l'avouerai à haute voix. J'aurais perdu par ce biais toute dignité masculine.
Etant habitué à me lever de bonne heure, j'avais ouvert les yeux aux alentours de six heures du matin. Le temps de me préparer et de m'habiller, je m'étais ensuite rendu jusqu'à la salle de petit-déjeuner. J'avais accueilli le café comme un ami bienvenu et réconfortant. J'en étais à ma troisième tasse lorsqu'Ellie me rejoignit. Elle était vêtue d'une robe élégante de coupe modeste qui ne faisait qu'accentuer sa taille fine et son maintien de reine. Si je n'avais craint de l'embarrasser, j'aurais aussitôt fait un compliment fort joli sur sa personne, mais je savais qu'elle n'était pas femme à aimer les flatteries. Aussi je m'en abstins, me contentant de me lever quand elle parut. Elle eut un sourire amusé et déclara :
"Voyons, voyons... ça ne se fait plus, de nos jours. Tu le sais bien."
Elle baissa ingénument les yeux et s'installa à côté de moi. J'attendis qu'elle eut dépliée sa serviette et l'eut posée sur ses genoux pour m'asseoir à mon tour.
"Je n'ignore pas que les marques de politesse sont passées de mode. Est-ce donc se montrer moderne que d'être un goujat en toutes circonstances ?" dis-je d'un ton contrarié, alors qu'un sourire flottait sur mes lèvres.
Elle croisa mon regard complice avant de lever les yeux au ciel.
"Tu peux te montrer poli sans pour autant te comporter comme un Monsieur. J'essaie de te rendre service en te conseillant d'adopter plus de réserve."
"Je ferais ce que tu voudras le jour où tu observeras davantage de frivolité."
Ma réplique fusa si vite qu'Ellie me dévisagea, surprise par mon franc-parler. Ses joues se teintèrent de rose vif alors qu'elle se focalisait sur la théière devant elle. Tout en se servant une tasse de thé, elle demanda sans me regarder :
"Me trouves-tu... trop terne ?"
Le ton de sa voix avait une nuance si anxieuse que je ressentis aussitôt le besoin de la rassurer. Loin de moi l'idée de vouloir la déstabiliser ou la dérouter. Ce n'était qu'un jeu. Hélas, j'oubliais souvent que mademoiselle Sandman était légèrement trop susceptible. Le principal défaut des femmes, à travers le temps.
"Tu bénéficies de toutes les couleurs dont un artiste puisse rêver. Tu es une toile de maître." déclarai-je en toute sincérité. "Ma remarque n'était nullement méchante. Ce n'était qu'une taquinerie. Je tiens beaucoup trop à toi pour te blesser ou te dénigrer. Je tiens à ce que nous soyons de véritables amis. En ce sens, accepte quelques boutades de temps à autre, et j'accepterai les tiennes."
Je lui adressai un regard de franche complicité, auquel elle me répondit avant de sourire, rayonnante. Elle venait de boire une gorgée de cette infâme mixture qu'elle affectionnait tant, et cela était du meilleur effet sur son tempérament. Pour ma part, je trempai de nouveau mes lèvres dans le café.
"As-tu lu Loin de la Foule Déchaînée ?" demanda-t-elle après qu'un petit silence se soit installé, seulement troublé par le tintement clair des cuillères contre la porcelaine.
"Il me semble, oui." dis-je en attrapant un croissant encore chaud sur le présentoir.
"Si j'étais Barbara Everdeene, je pense que tu serais Gabriel Oak." poursuivit-elle d'un ton rêveur. "Mon ami et mon... soutien."
Elle avait hésité sur le dernier mot.
"Et Anatole ? Qui serait-il dans le roman de ta vie ?" demandai-je avec désinvolture tout en rompant mon croissant en deux parties égales. "Le sergent Troy ou le fermier Boldwood ?"
Je soupesai les deux morceaux du croissant comme s'il s'agissait des deux protagonistes. Après quoi, je jetai un coup d'oeil en direction d'Ellie qui essayait tant bien que mal de se cacher derrière sa tasse levée devant elle.
"Je... n'ai pas encore achevé ma lecture." répondit-elle finalement d'un ton évasif, les joues en feu.
Mon sourire s'accentua tandis que je mordais dans le croissant. J'espérais pour lui qu'Anatole n'avait rien du sergent Troy, car pour rien au monde je ne le laisserais détruire la gaieté et la farouche ténacité qui habitaient le corps et l'âme d'Ellie Sandman. L'histoire était loin d'être finie, et il me tardait d'en tourner les pages.
"Tu as tout ton temps. Le roman de la vie est une aventure palpitante. J'en sais quelque chose." lui dis-je avec une intonation plus triste que je ne l'aurais voulu. "Ah tiens, quand on parle d'Anatole Boldwood..."
J'avais prononcé ma seconde phrase d'un ton guilleret et taquin alors que le jeune homme approchait, accompagné par... Vertuchou, pas elle ! La terrible Neil était là ; elle salua Ellie d'une façon cavalière et pivotant vers Anatole, je craignis qu'il m'inflige le même traitement. Fort heureusement, il n'en fit rien.
"Nous nous sommes déjà vue dans la chambre, sinon vous auriez le droit au même bonjour."
"Certes, nous avons passé la nuit ensemble." observai-je. "Cela aurait été idiot de me montrer plus d'affection que nécessaire."
Neil étouffa un rire et je plissai des yeux dans sa direction. Sans doute avais-je dit une plaisanterie qui m'échappait. Elle s'empressa de s'emparer d'un croissant, ce qui m'indigna davantage. Que diable faisait-elle ici ? Ne pouvait-on jamais avoir la paix ?
"Vous allez vous rendre où pendant que j'emmènerai Jules faire sa promenade ?"
Anatole s'étouffa avec son chocolat chaud et je ne manquai pas de fixer la jeune femme d'un oeil incendiaire. Ma promenade ? Sacrebleu, je n'étais pas un chien ou un animal domestique !
J'écoutai poliment les paroles d'Anatole. Lorsqu'il eut terminé, je déclarai d'un ton mécanique :
"Si je comprends bien, vous me condamnez à une matinée entière avec Neil avec pour tout dénouement un restaurant ?"
"Celui au pied de la Tour Eiffel s'appelle le Jules Verne." précisa Ellie.
"Vraiment ?" fis-je en tournant un regard agréablement surpris vers elle. "Va-t-elle souffrir de manger dans un lieu qui porte mon nom ?" lui soufflai-je à l'oreille.
"Un petit effort, Jules." m'intima-t-elle. "Je suis persuadée qu'elle en fera aussi."
J'eus un rire sans joie avant de croiser le regard ô combien peu inspirant de la terrible demoiselle. Néanmoins, je pris le parti de me comporter convenablement afin de ne pas gâcher la journée qu'Anatole avait prévu pour Ellie. Cela aurait été si peu gentleman de ma part.
C'est ainsi que je me retrouvais une demi-heure plus tard à marcher sur les quais de la Seine en compagnie de la demoiselle ingrate. Un silence pesant se pressait entre nous. D'ordinaire, je me montrais éloquent et agréable, mais en sa présence, je craignais toujours qu'une parole mal interprétée ne soit à l'origine d'un caprice ou d'une colère de sa part. Jamais encore nous n'avions été seule à seul. Je me sentais à la fois anxieux et démuni. Qu'allait-il nous arriver ? Comment aimait-elle se divertir ? Je m'aperçus que je n'avais jamais réfléchi à ce qu'elle aimait faire, sans doute parce qu'elle ne s'était jamais intéressée à moi non plus. Je faillis lui poser la question mais préférant éviter une source de discorde éventuelle, je proposai d'un ton tendu :
"Le temps est venu de les rencontrer, je crois. Je suis venu pour cela et je crains fort que le courage ne finisse par totalement m'abandonner."
Je m'étais rendu compte que je ne pouvais affronter cette épreuve en compagnie d'Ellie, ou même d'Anatole. Je n'aurais pu supporter leur compassion si tous mes efforts se révélaient vains. En revanche, le regard de Neil me laisserait entièrement indifférent, quelle que soit l'échéance, car elle montrait tant de mépris pour moi constamment. Elle était donc la personne la mieux choisie, que le destin avait de surcroit placé sur mon chemin.
"Je suis venu dans la capitale pour retrouver mes descendants. Souhaitez-vous m'accompagner dans cette tache ? J'ignore ce que je leur dirai car... je ne suis qu'un étranger, en fin de compte, mais je sens qu'il est important que je les rencontre."
J'enfouis les mains dans les poches de mon pantalon et fixai Neil avec une expression à la fois soucieuse et intense. Elle risquait de refuser. Sans doute préférait-elle s'encanailler dans Paris, flâner dans les rues et dévaliser les boutiques de vêtements. En tous les cas, j'aurais essayé une approche. Cela était mieux que de demeurer vaincu, le coeur gonflé de regrets.
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Neil Sandman
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« Le Temps n'efface pas tout. »
| Conte : ➹ Hercule | Dans le monde des contes, je suis : : ✲ La fille de Dumbo & Elliot *-*
Anatole m'avait demandée d'être gentille avec Jules, de lui faire passer un bon moment - précisant qu'il parlait en tout bien tout honneur... et de m'occuper de lui pour la matinée. Ce n'était pas compliqué. J'avais déjà prévu de l'emmener marcher au bord de la Seine et de nourrir les canards, voir de le plonger dedans si il ouvrait la bouche. Ca me laisserait le temps pour lire le dernier Closer tranquillement, assise sur un banc. Il paraît que Capucine Anav était à nouveau en couple avec Louis Sarkozy. Depuis la dernière émission en date que François avait diffusé et qui s'était passé à Tokyo, j'étais totalement devenue accroc à cette équipe de malade. Et bon sang... Qu'est-ce qu'il était canon le Emmet sous la douche...
« Le temps est venu de les rencontrer, je crois. Je suis venu pour cela et je crains fort que le courage ne finisse par totalement m'abandonner. »
« Ils ne voudraient pas de vous. Faut faire de l'audience, l'ami. » dis-je en me moquant légèrement de lui.
Comme si Hanouna et sa bande avaient besoin de lui. Qui plus est, j'avais aucune idée de si leur studios étaient à Paris ou non.
« Je suis venu dans la capitale pour retrouver mes descendants. Souhaitez-vous m'accompagner dans cette tache ? J'ignore ce que je leur dirai car... je ne suis qu'un étranger, en fin de compte, mais je sens qu'il est important que je les rencontre. »
Je n'avais pas pu m'empêcher de rire, avant de me rendre qu'il était sérieux. Je pensais qu'il avait en tête une émission de télé où il partirait à la recherche de son passé, voir un truc de ce genre. J'avais pas imaginé une seule seconde qu'il était sérieux. Du coup, je m'étais arrêtée de rire, toussotant et prenant un air un peu plus... solennel.
« Vos descendants ? Ici ? A Paris ? »
Pourquoi à Paris, pensai-je.
« Eh bien par un heureux hasard, il se trouve que les derniers encore en vie, habitent la capitale. »
De quoi ? Pensai-je à nouveau, avant de me rappeler que oui, Paris était la capitale de la France. J'avais levé les yeux au ciel sans trop me faire remarquer, avant de mettre mes mains dans mes poches... un peu comme lui d'ailleurs.
« Mouais... Mais euh... Ca ne serait pas mieux avec des gens comme euh... Ellie ? Ou Anatole ? Enfin, des... hum... »
Vieux ? Pensai-je. Les réunions de famille, ce n'était pas trop mon truc. Surtout que ses descendants devaient être vieux aujourd'hui. Et avoir de gros smack sur les joues fait par de vieilles mémés, ça ne me tentait pas plus que ça.
« Je crains qu'ils ne cherchent à trop me préserver... Alors qu'avec vous, je ne peux m'attendre qu'à de la brutalité. Ce qu'il me faut présentement. »
« Ellie adore les vieux biscuits secs. » répondis-je sans entendre tout ce qu'il avait dit. « Je veux dire par là que ça ne les dérangerait vraiment pas d'être entouré d'un club de 3ème âge avec vous. »
« M'avez vous seulement écouté ? »
« Hum hum... » dis-je en haussant la tête pour approuver.
Il me considéra d'un air peu convaincu et secoua la tête.
« Oubliez tout ceci, je vous libère de votre engagement. Faites ce que bon vous semble de votre côté, j'irai du miens. Nous nous rejoindrons à midi comme convenu. » dit-il d'un ton las, tandis que je rigolais à nouveau.
« Bien Aragorn ! Je vous remercie de me laisser reposer en paix. »
C'était pas une réplique du Seigneur des Anneaux ? Quand il disait qu'il libérait l'armée des morts de ses engagements ? Jules cligna des yeux en m'observant d'un air déconcerté. Il semblait me regarder comme si il considérait que j'étais la bêtise incarnée, alors que j'avais simplement de la culture. Je levais les yeux au ciel, avant de m'approcher de Jules et de lui tapoter l'épaule. Il frémit.
« Je serai très tentée d'accepter. Mais si y'a bien quelqu'un que je ne cherche jamais à décevoir, c'est Anatole. Je lui ai promis, je tiendrai parole. Alors on va marcher vers votre passé et retrouver votre futur. Enfin, votre présent. Mais pitié... vous leur faites une bise et on repart. Et si un seul d'entre eux me pince les joues, je tue tous vos descendants. »
Je passai ma main sous son bras, pour le lui prendre et me mettre à marcher avec lui sur le chemin de brisques grises.
« Allez Dorothy, marchons droit devant nous. »
« Je suppose qu'il s'agit encore d'une de vos références à laquelle je n'entend rien ? »
« La prochaine fois, on se fera un ciné, ça vous sera bien plus utile. Ou alors faudra songer à venir plus souvent m'embêter le soir quand je suis devant la télé. »
Il tourna la tête vers moi, sincèrement surpris.
« Souhaiteriez vous que je vous importune le soir ? »
« Mais Jules... Vous pouvez venir quand vous voulez. Sur mon canapé, dans mon lit. Vous êtes toujours le bienvenue. »
Il m'observa d'un air méfiant, tandis que je lui faisais un petit sourire taquin.
« Là je sais que vous vous moquez de moi. »
« Je vous jure que non, mon amour. » dis-je en caressant son bras et en lui faisant les yeux doux.
Jules Verne
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
Elle est née d'aujourdhui dans le coeur d'un garçon.
Cela avait été un quatre août, en l'année 1861, que mon unique fils Michel était venu au monde. Je n'avais pas été présent le jour de sa naissance puisque j'étais parti en voyage sur la mer de Norvège. En ce temps-là déjà, j'avais la passion des aventures et des expéditions audacieuses. Je ne fus de retour que cinq jours plus tard. Il est certains souvenirs qui demeurent gravés à jamais dans la mémoire d'un homme. Le premier regard que mon fils posa sur moi en fait partie. Jamais je ne pourrais oublier le poids qu'il pesait dans mes bras, emmailloté dans ses langes, ses yeux levés d'un air à la fois sérieux et étonné, ni sa main minuscule qu'il me tendit maladroitement, comme pour me saluer. Je l'avais observé avec un mélange de fierté et d'appréhension, anxieux des responsabilités qui m'attendaient, alors que l'émotion m'avait saisi. Il fallait que je sois à la hauteur, que je sois meilleur père que le mien avait été. Etre à la fois sévère mais juste, droit et léger de temps à autre. J'avais lamentablement échoué. Je n'aimais pas me plonger dans les méandres de mes erreurs passées. Je préférais dépeindre mon existence telle que la racontaient les biographies à mon sujet (je n'en avais parcouru que quelques unes, je n'étais pas si imbu de moi-même).
La volonté de retrouver mes descendants était une façon bien hasardeuse et pathétique de corriger mes échecs paternels. Espérais-je une quelconque absolution pour mes péchés ? De la reconnaissance ?
J'aurais souhaité me confier en cet instant, mais en présence de Neil, autant garder le silence sur mes interrogations qui ne seraient que prétexte à moqueries.
La jeune femme m'avait pris le bras pour marcher à mes côtés, le long des quais. Je m'aperçus avec lassitude qu'un rien suffisait à déclencher un sarcasme de sa part. Etais-je en faute si je n'entendais rien à la majorité des références cinématographiques ? En cet instant, ses piques effleuraient à peine mon intérêt.
D'un geste exaspéré, je sortis un papier de la poche intérieure de mon manteau, que j'avais placé juste à côté de l'étui à cigares. Je le dépliai et déclarai à la jeune femme d'un ton guindé :
"Emmenez-moi à la première adresse figurant sur cette feuille, je vous prie."
Ainsi, nous pourrions débuter les recherches et remonter la piste jusqu'à mes descendants. J'avais noté tous les noms susceptibles d'appartenir à une branche de ma famille. Hélas, j'appris bientôt à mes dépens que l'Internet était loin d'être une source de renseignement fiable. Les cinq premières adresses étaient erronées, les trois suivantes abritaient désormais d'autres gens. Quant à la dernière, on nous apprit que le dénommé Jean Verne, mon arrière petit-fils, celui pour lequel je nourrissais le plus d'attente et d'appréhension, avait été hospitalisé suite à une crise cardiaque, la veille. Il n'avait pas cinquante ans.
Désemparé, la mâchoire contractée, j'avais tendu le bras à Neil afin qu'elle nous téléporte jusqu'à ce fameux hôpital. J'avais desserré les dents juste assez pour demander le numéro de la chambre de mon descendant.
"Je regrette monsieur, mais seule la famille proche est autorisée à le visiter. Il est extrêmement faible. Il n'a toujours pas repris connaissance." expliqua la secrétaire.
Je déglutis avec peine tout en la fixant. Seulement deux générations nous séparaient. Sans doute était-ce déjà trop. De toutes façons, je ne pouvais prétendre à rien, mais autant tenter le tout pour le tout.
"Je suis son frère." déclarai-je d'un ton étrangement éteint.
La secrétaire consulta quelque chose sur son ordinateur et me considéra d'un air suspicieux.
"Le dossier de monsieur Verne stipule qu'il est enfant unique."
Je tapai du plat de la main sur le comptoir ; la femme sursauta et me dévisagea, indignée par mon impolitesse. Je me moquais de paraître gentleman en cet instant. J'en avais assez de cette époque qui informatisait tout et qui empêchait les contacts humains avec des mots ridicules.
Je serrai les poings et me tournai vers Neil.
"Conduisez-moi à lui. Vous connaissez le numéro de la chambre. S'il vous plaît." glissai-je à son oreille.
Sans doute allait-elle savourer le ton légèrement implorant que j'avais employé. Libre à elle. En cet instant, plus rien d'autre ne comptait. Il me fallait le voir, tisser ce lien précieux et générationnel entre nous.
La jeune femme se mordit les lèvres, regarda vers la secrétaire avant de m'observer, hésitante.
"Vous êtes sûr que cela soit prudent ?"
"Je dois le voir."
Elle hocha la tête en se mordant de nouveau les lèvres.
"Vous devez voir une personne qui vient de faire un arrêt cardiaque pour lui annoncer que vous venez de faire un voyage dans le temps, que vous êtes son arrière grand-père et que vous vous posez la question 'est-ce que j'ai encore un ancêtre vivant? Du coup, me voilà !' "
Elle étendit les bras, puis les baissa pour mettre les mains sur ses hanches.
"C'est vraiment ça, votre plan ?"
Sans préambule, je l'attrapai par le bras et l'emmenai quelques mètres plus loin, car la secrétaire nous observait d'un oeil méfiant. Je l'entraînai jusqu'à une sorte de placard dans lequel étaient rangés des balais et des seaux. C'était extrêmement exigu et inconfortable, mais au moins, nous pouvions converser en toute tranquillité.
"Il n'a pas repris connaissance." articulai-je à voix basse. "Je ne souhaite pas lui parler. Je veux seulement le voir. C'est tout ce que je demande."
Elle plissa des yeux.
"Je ne veux pas que vous fassiez la moindre bêtise une fois sur place." dit-elle, catégorique.
Me considérait-elle vraiment comme un imbécile ? Je levai les yeux au ciel et attendis qu'elle fasse son oeuvre.
Le décor changea et je me retrouvai dans une chambre épurée, aux murs immaculés. Un lit trônait en son centre, dans lequel un homme entre deux âges était allongé. Il semblait dormir, bien que sa respiration soit aidée par un tuyau. Plusieurs fils le reliaient à des machines qui bipaient de temps à autre. Cette vision me serra le coeur. J'avais cru embrasser mon futur. Au lieu d'un message d'espoir, je découvrais le chagrin réduit à un simple corps inerte dans une chambre terne, avec la mort penchée au-dessus de lui.
Je m'avançai d'un pas lent, plein d'appréhension et me stoppai à côté du lit. L'homme était brun, avec une chevelure un peu folle et bouclée, bien qu'il ait une coupe courte. Les rides dessinaient son visage d'une façon à la fois sérieuse et prononcée. La forme de sa bouche m'évoquait celle d'Honorine, mon épouse. A moins que l'émotion ne transfigure la réalité ? Un sourire passa brièvement dans mes yeux alors que je remarquai un détail bouleversant.
"Il a mes oreilles, ne trouvez-vous pas ?" lançai-je dans un murmure à Neil, qui était restée à l'écart (ce respect inattendu de sa part me toucha).
Je lui accordai un bref regard et remarquai qu'elle semblait troublée. Elle m'adressa un faible sourire. Je songeai que la douceur arrondissait son visage et la rendait très belle.
Je m'approchai davantage de Jean qui ne remuait pas. Un instant, je posai ma main sur la sienne, à peine tiède, et frissonnai. Je me doutais qu'il allait bientôt partir. Il ne me restait donc rien. Aucune famille. Mon arrière petit-fils n'avait aucun enfant, je m'étais renseigné. Il était le dernier Verne de son époque.
Je serrai sa main, m'imprégnant de ce contact. La chair de ma chair.
"J'ai eu un fils, qui a eu un fils, qui en a eu un." déclarai-je en fermant les yeux, m'adressant à la jeune femme. "Un jour, j'espère que vous connaîtrez ce bonheur. Il n'est rien de supérieur au monde."
Et il n'est rien de plus terrible que d'assister à la fin de sa propre lignée. achevai-je mentalement, dévasté.
Puis, soulevant les paupières, je me détournai. Dans un état second, je déchirai la feuille d'un magazine sur la desserte et confectionnai un bateau en origami avec application. Lorsque Michel était petit, je lui avais appris cet art, un jour où je me sentais d'humeur à m'amuser avec le petit garçon -ce qui avait été bien trop rare, et je le regrettais à présent. Je me souvenais de façon floue de ce moment privilégié. Ses éclats de rire résonnaient dans ma tête, colorés et joyeux.
Une fois mes pliages achevés, je posai le bateau en papier sur la table de chevet. Une trace de mon passage. Une preuve d'amour qui, je l'espérais, traverserait le temps.
Puis, je revins vers Neil. Qu'avais-je bâti, en fin de compte ? Quel était le sens de la vie puisque tout devenait poussière ? J'avais trop vécu, j'en avais trop vu. Nul ne devrait assister à une telle défaite.
Je levai le menton d'un air volontaire, ravalant mes larmes douloureuses. Le sang battait à mes tempes, mais je m'efforçai d'esquisser un sourire enjoué à la jeune femme.
"Laissons tout ceci derrière nous. L'heure est bien avancée. Ne soyons pas en retard pour le déjeuner !"
Je lui tendis la main, impatient de quitter cette chambre et tout ce qu'elle représentait. J'avais le coeur bien trop lourd pour supporter ce décor une seconde de plus.
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Anatole Cassini
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« Il existe 175.000
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les mois, mais les moments.
Ce qui lui confère suffisamment
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« Il va être insupportable. » me sentis-je obligé de préciser à la jeune femme qui m'accompagnait, tout en levant les yeux vers la Tour Eiffel.
Pourquoi j'avais proposé de manger dans un restaurant qui s'appelait "le Jules Verne" ? Surtout, en compagnie de ce fameux... "Jules Verne".
« Tu ne peux t'en prendre qu'à toi même. » répliqua Ellie d'un ton malicieux.
On revenait du musée Grevin, où j'avais proposé à la jeune femme de faire des Selfie avec les plus grandes stars. Qui plus est, ça avait permis de lui présenter Charlie Chaplin, Louis Armstrong, Pablo Picasso et même un dénommé Geoge Clooney que je trouvais irrésistible dans les publicités qu'il faisait. Ellie avait insisté pour être prise en photo à côté de Victor Hugo. On avait de quoi se faire un magnifique album de voyage.
« J'ai été agréablement surpris, qu'il n'y ait pas Jules Verne au musée. » dis-je avec un petit sourire taquin.
« Son mannequin est en haut de la Tour Eiffel. » m'informa Ellie.
« Oui je sais. Il est dans le dernier étage, avec plein de monde, n'est ce pas ? »
Et un nouveau petit sourire taquin se dessina aux coins de mes lèvres. Jules n'aurait pas réussi à attirer les foules en étant tout seul au sommet de la Tour.
« Ne t'en fais pas, je ne lui en dirai rien. Sinon, il va vouloir y aller. »
« T'es sûr que c'est bon pour son coeur ? A son âge... c'est quand même haut, même en ascenseur. »
Elle me donna une petite tape sur les cotes, tandis que Cassandre et Jules arrivèrent main dans la main. o_O
« Yo ! On a fait du shopping les gars. » dit-elle en me tendant un petit sac remplis de macarons.
Avant d'en prendre un, j'ouvris le paquet et le tendis à Ellie.
« Juste avant de manger ? Ca risque de nous couper l'appétit. » jugea t'elle.
« Oh juste cette fois s'il te plaît, maman... » la supplia Neil, tandis que je retenais un petit rire.
Ellie quand à elle, lui lança un regard noir. En guise de réponse et de soutiens... je pris un macaron et commençai à le manger. Jules m’imita bientôt, arborant une expression de défi. Ellie leva les yeux au ciel, d'un même élan que moi.
« Bon, je pense qu'on pourrait visiter la Tour et ensuite aller manger, en espérant ne pas se faire empoisonner vue le nom du restaurant... Vous savez cuisiner Jules ? Ou les femmes le faisaient pour vous ? »
Je reçu un nouveau coup de coude de la part d'Ellie. Pourtant, c'était vrai. Il le disait souvent que les besognes c'était pour "le sexe inférieur".
« Je saurais me débrouiller si la situation l'exige. » dit-il en levant fièrement la tête.
Je secouais la mienne, tout en m'approchant de Jules et en posant une de mes mains dans son dos, afin de le faire avancer.
« Allez, laissons ces demoiselles discuter entre elles et passons devant mon ami. »
« Depuis quand sommes nous amis ? »
« Je tente de gagner des points avec Ellie, alors chuuut. » précisai-je avec un petit sourire.
« Combien penses tu en avoir gagné jusqu'à maintenant ? »
Je n'avais pas pu m'empêcher de rire, en tournant la tête vers la demoiselle. Puis, j'avais fait mine de réfléchir.
« Je dirai suffisamment. »
« Suffisamment ? »
« Oui. Suffisamment pour vous tendre la main, attendre que vous la preniez et vous faire entrer la première dans l'ascenseur ? »
Je fis mine de lui tendre la main une fois arrivé devant l'ascenseur. Rien que pour me provoquer, elle me passa devant, et posa sa main sur celle de Jules, qu'il venait de tendre. Ce dernier m'adressa un grand sourire. Je pris un air faussement choqué, avant de me tourner vers Cassandre et de lui tendre la main à son tour.
« Oh Anatole... » dit-elle en s'approchant de moi avec un air tellement... énamouré.
Elle me passa devant au dernier moment, puis pris la seconde main de Jules.
« Je ne suis pas un second choix. »
« Effectivement, mais c'est sa seconde main. » lui fis-je remarquer.
Elle bouda et entra dans l'ascenseur. Je les suivis de près, avant d'attendre qu'il se mette à monter, juste après la fermeture des portes.
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« La seule amitié qui vaille
est celle qui naît sans raison. »
« A quoi ça sert l'amour ? On raconte toujours des histoires insensées. A quoi ça sert d'aimer ? »
...
C'était amusant d'enquiquiner Anatole, surtout en le prenant à son propre jeu. Jules semblait flatté d'avoir deux jeunes femmes à ses bras. J'adressai un regard amusé à Neil qui leva les yeux au ciel en tapotant la main de Jules. J'avais l'impression qu'ils s'entendaient de mieux en mieux. Comme quoi, Anatole avait eu raison de les laisser tous les deux pendant une matinée entière. Je n'imaginais pas Jules se divertir en faisant du shopping mais rien n'était impossible, après tout. Pendant que l'ascenseur montait, je levai les yeux vers lui et remarquai quelques nuages assombrir son regard. Il fixait le vide devant lui avec une expression pensive, presque bouleversée. Curieusement, il n'observait pas le paysage à travers les vitres transparentes. Il était résolument tourné vers la paroi opaque.
"Tout va bien ?" demandai-je en posant ma main libre sur son bras.
Il battit des cils et baissa la tête vers moi, avant qu'un sourire ne fasse tressauter les rides naissantes au coin de ses yeux.
"Bien entendu. Pourquoi irais-je mal ? J'ai à mon bras deux demoiselles fort à leur avantage, un galant jaloux juste à côté, et nous faisons une ascension spectaculaire jusqu'au sommet de la Tour de 300 mètres ! Que faudrait-il de plus ?"
Je n'étais pas dupe. Malgré sa gaieté apparente, je le connaissais suffisamment pour remarquer une douleur silencieuse au fond de son regard. Respectant sa décision de ne pas en parler, je me contentai de lui sourire en retour.
"Nous sommes drôlement haut !" commentai-je, impressionnée.
"Ayez la délicatesse de ne pas en parler." dit-il d'un ton contracté.
Avec un petit sursaut, l'ascenseur s'immobilisa et les portes s'ouvrirent dans un grincement. Je lâchai le bras de Jules et Neil fit de même. Il nous laissa galamment passer les premières avant de sortir devant Anatole. J'attendis ce dernier pour marcher à ses côtés. Puis je tournai la tête vers le paysage urbain qui s'étalait sous nos yeux. Vue d'ici, tout semblait minuscule. Ridicule. Terne et gris. Heureusement, le ciel bleu donnait davantage d'éclat à Paris.
Alors que je m'appuyai contre la rambarde, je perçus la conversation de Jules et Neil. Je n'aurais pas dû écouter et je ne pouvais rejeter la faute sur mon ouïe fine, car j'étais capable de rester sourde selon mes envies. Hélas, ma curiosité l'emporta :
"... je vous suis extrêmement reconnaissant de ne pas avoir mentionné notre passage à l'hôpital. Je préfère que cela reste un secret entre nous. J'étais loin de m'imaginer que vous étiez quelqu'un... sur qui l'on peut compter. Je vous prie de m'excuser de vous avoir mal considérée. Vous êtes une grande dame."
J'en fus si abasourdie que je tournai légèrement la tête vers eux. Jules lui parlait sur le ton de la confidence, penché vers elle, les mains dans le dos. Il se tourna ensuite vers la rambarde et vint se placer devant, juste à côté de moi. J'étais si embarrassée d'avoir écouté la discussion que gardai la tête penchée. Il hésita quelques secondes avant d'enrouler ses doigts autour de la barre métallique, et d'inspirer profondément.
"Je souffre de vertige." m'avoua-t-il, tout en osant braver l'attraction du paysage en contrebas.
"Vraiment ?" m'étonnai-je. "Tu as le vertige, toi ? Alors que tu as imaginé tant de romans avec des montgolfières ? Je ne te crois pas."
Il eut un sourire amusé.
"Penses-tu que je fasse ce genre de confidence dans le but de t'attendrir ?"
"Peut-être." supposai-je en plissant des yeux. "Si c'est le cas, c'est très mal. Tu devrais avoir honte."
Je lui fis un regard réprobateur avant de rouler des yeux. Il ne fit aucun commentaire et se dirigea ensuite vers l'une des longues vues qui étaient placées le long de la rambarde. Il se pencha pour y regarder et étouffa une exclamation émerveillée.
"Allons voir la pièce au sommet." proposai-je. "Il paraît qu'il y a le mannequin d'Edison et... de quelqu'un d'autre."
Je lançai un regard complice à Anatole et laissai Jules entrer le premier dans la pièce dite secrète de la tour. Gustave Eiffel avait fait construire cette garçonnière qui était longtemps restée fermer au public. Le décor et les meubles étaient très XIXème siècle. Au centre, deux hommes étaient assis sur des chaises : Thomas Edison et Gustave Eiffel. En regardant bien sur la gauche, on voyait un autre homme, barbu et aussi âgé que les deux autres, qui se tenait debout et les observait. Jules les regarda avec enthousiasme avant de s'en éloigner. Je me tournai vers Anatole :
"Il ne s'est pas reconnu !" chuchotai-je. "Doit-on lui dire ?"
J'étais sceptique. Peut-être que cela ne lui ferait pas plaisir, ou au contraire, cela risquait de le rendre trop imbu de lui-même. Mieux valait donc garder le silence.
J'observai l'appartement de Gustave Eiffel avec curiosité, avant de remarquer une feuille pliée sous l'un des fauteuils. Appartenait-elle au décor ? Je la ramassai, la dépliai et lus le mot écrit dessus, en lettres élégantes :
PLANETARIUM
"C'est... étrange. On dirait mon écriture." dis-je en montrant le mot à mes amis. "Pourtant, je ne suis jamais venue ici."
"Je reconnaitrais ton écriture entre mille grâce aux nombreuses lettres que nous nous sommes envoyés en 1848." intervint Jules affectueusement. "C'est bien la tienne."
Je levai les yeux vers lui, nullement rassurée. Ma main était crispée sur la feuille. Etait-ce un message de mon moi futur ? Dans quel but ? Je n'aimais pas que ce voyage prenne des proportions intrigantes. Nous étions ici dans le seul souci de nous divertir. Je ne souhaitais pas gâcher leur bonheur.
"Nous pouvons ignorer ce message, ou nous rendre au planétarium après manger. C'est à vous de décider." déclarai-je, presque embarrassée de leur imposer ce choix.
"Qu'est-ce qu'un planétarium ?" demanda Jules d'un ton intéressé. "Je trouve que le mot invite au rêve."
Je pris quelques secondes, le temps de trouver une explication convenable.
"C'est un endroit où l'on s'installe pour observer les reproductions de l'univers et les constellations. Le ciel est simulé sur un écran hémisphérique. Je suppose que ça doit être... divertissant."
Les yeux de Jules s'étaient ouverts graduellement à mesure que je parlais, de plus en plus fasciné comme un enfant découvrant le monde.
"Et tu demandes si nous avons envie de nous y rendre ? Je puis répondre unanimement sans hésitation : OUI !"
Un sourire jusqu'aux oreilles, il se tourna vers Anatole et Neil avant de pivoter de nouveau vers moi. Au moins, cela avait eu le mérite de le rendre heureux.
"Ca ne sera pas aussi magnifique que la voûte céleste véritable, mais je suis curieux de découvrir les merveilles de la science actuelle !"
Malgré tout, j'attendis la réponse d'Anatole et Neil, pliant la feuille pour la ranger dans ma poche. Je ne savais pas si je devais être sur mes gardes ou rassurée que mon potentiel moi futur nous propose une occupation pour l'après-midi. Rien n'arrive jamais par hasard. Etait-ce une bonne ou une mauvaise chose ?
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Neil Sandman
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« Fait voir. » demandai-je à Ellie, tout en passant devant Jules, afin de voir si c'était bel et bien l'écriture de la jeune femme.
C'était assez curieux de se laisser un mot à soi même. Et puis, Ellie ne voyageait jamais dans le Temps pour rien. Tout en observant le papier qu'elle tenait en main, j'avais levée la tête vers Anatole pour lui demander à distance, d'une mine interogatrice, si il avait une idée de quoi il était question. Il s'était contenté d'un non de la tête, tandis que Ellie rangeait le papier dans sa poche.
« Y'a pas de doute possible, c'est bien ton écriture. Et l'encre est sèche, du coup ça remonte à quelque temps. Le papier n'est pas tout jeune non plus. Un peu comme Jules. »
Sans lui laisser le temps de riposter quoi que ce soit, Ellie avait expliqué à Jules ce qu'était le Planétarium. Pour un explorateur qui avait passé beaucoup de temps à écrire, il ne savait pas grand chose. Ca devait exister même à son époque, n'est ce pas ? Pendant que le vieux s’excitait, j'avais observé la pièce dans laquelle on se trouvait. Il n'y avait rien d'intéressant à y faire. Et elle était principalement peuplée de diverses statues d'hommes célèbres, ou plutôt des mannequins.
« Pourquoi elle s'enverrait une lettre à elle même ? Et pourquoi pas à toi si c'était vraiment quelque chose d'important ? » demandai-je à Anatole.
« Je n'en ai pas la moindre idée, Cassandre. Mais on verra bien. D'ailleurs Ellie... on est d'accord pour le Planétarium. Et puis ça semble faire plaisir à Jules de s'y rendre. »
Et blablabla... Pourquoi fallait toujours faire plaisir à Jules ? Dès qu'on lui prenait la main, il prenait la grosse tête, et dès qu'il complimentait quelqu'un, quelque temps après, il se comportait comme un gamin surexcité par un simple Planétarium.
« Bonjour monsieur Edison. Je suis Cassandre Sandman. Vous ne devez pas vous souvenir de moi, vue qu'on ne s'est jamais croisé, mais au cas où vous vous posez la question, oui, ce vieux type là bas n'a jamais vue les étoiles dans le ciel, ni d'autres planètes, du coup il s'émerveille pour un rien. »
« Cassandre... »
« Quoi ? Je plaisante. J'ai bien le droit de taquiner monsieur Jules, n'est ce pas ? C'est pas parce que tu passes la nuit dans le même lit que lui que tu dois systématiquement prendre sa défense. »
Je lui fis un petit sourire, tandis qu'il secoua la tête totalement sous le choc de ce que je venais d'insinuer.
« Si tu y tiens temps, on peut changer de chambre ce soir. Ca ne me dérange pas du tout. »
« Absolument... pas question ! Non mais ça ne va pas la tête ? Je suis déjà bien gentille de rester alors qu'en réalité on sait tous très bien que ce qu'il y a de mieux à faire à Paris, c'est du shopping. Ellie en meurt d'envie d'ailleurs. »
Je lui avais adressé un petit regard amusé, avant de croiser celui de Jules. Il ne semblait pas être pour le shopping... pourtant il aurait bien besoin d'un relooking. D'ailleurs, j'avais croisé les bras et je l'avais observé de bas en haut.
« Je pense qu'avec une coupe de cheveux qui ferait moins mouton et des habits plus teenager, ça vous irait beaucoup mieux, Jules. Voir une nouvelle couleur. Du vert pourquoi pas. Et un chapeau ! Histoire de garder le côté vieillot. »
J'avais observé Edison, qui n'avait pas bronché, ainsi que Eiffel. Quand à l'autre mannequin debout, on pouvait dire ce qu'il voulait, mais pour un mannequin il avait la classe. Je m'étais approché de lui, en passant un bras autour de ses épaules.
« Ca c'est un look ! Je suis sûr que quand il était jeune, il devait être très beau gosse. Comme Edison. Même si peut-être que... mouais... »
J'affichais un grand sourire, satisfaite de moi, tandis que Anatole ne pouvait pas s'empêcher de rire. Qu'est-ce que j'avais encore dit ? Je le voyais lancer un regard toujours aussi amusé à l'intention de Ellie.
« Tu trouves vraiment que cette personne devait être très... beau gosse quand il était jeune ? »
Pourquoi j'avais la sensation que ça sentait l'embrouille ? Qu'est-ce que j'avais encore dit ?
« Mouais... pourquoi ? »
Et c'était quoi cette mine réjouie sur le visage de Jules ?
« Disons que... tu viens de faire un magnifique compliment à monsieur Jules Verne. » dit-il tout en indiquant du doigt une petite affiche pas loin du mannequin où était très clairement noté :
« Jules Gabriel Verne Romancier 8 février 1828 - 24 mars 1905 »
Je m'étais éloigné rapidement de la statue, avant de regarder Jules avec un air plein de mépris. Puis, tout à coup, un sourire se dessina sur mon visage.
« Ah ben tiens, il est bientôt mort ! Un Verne en moins sur Terre ! »
Ok, c'était peut-être méchant et je m'en voulais déjà, mais il m'avait un peu poussé à bout à jouer les mannequins sans que je sois au courant...
« Planétarium ? » demandai-je à Ellie comme si de rien était, tandis que je prononçais un discret "désolé" à Jules par le pensée.
Jules Verne
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
Elle est née d'aujourdhui dans le coeur d'un garçon.
La terrible Neil prenait une dimension beaucoup plus sympathique, surtout depuis qu'elle avait ouvertement dit que mon mannequin était séduisant. Il était étrange de se voir ainsi reproduit en statue de cire. Je redécouvrais l'homme que j'avais été dans la seconde moitié de ma vie, avec la barbe broussailleuse, les favoris et les cheveux blancs. C'était saisissant, comme un souvenir qui vous saute au visage.
"Ah ben tiens, il est bientôt mort ! Un Verne en moins sur Terre !"
Un léger frisson avait parcouru mon échine en entendant les paroles de la jeune femme. J'avais gardé les yeux fixés au sol, de sorte à ce que personne ne puisse remarquer le trouble qui saisissait mon coeur. Toutes mes pensées allaient à Jean, mon arrière petit-fils qui luttait entre la vie et la mort dans une chambre d'hôpital, à l'autre bout de la capitale. Je ne parvenais pas à oublier son visage paisible. Avait-il déjà capitulé ?
Désolée...
Ce mot surgit au milieu de mes réflexions chaotiques. Je n'avais pas l'habitude que l'on entre ainsi dans ma tête, et Neil le faisait avec le sans-gêne désarmant d'une personne qui se croit chez elle. A la fois blessé par sa phrase précédente, mais touché par ses excuses, je croisai son regard et hochai la tête pour lui signifier que je les acceptais. Elle faisait des efforts envers moi, et j'avais l'impression de fournir les mêmes à son encontre. Inutile de tout détruire sur une maladresse.
Avant de nous rendre au Planétarium, il fut convenu de nous sustenter au restaurant de la Tour Eiffel, nommé très sobrement le Jules Verne. Je nourrissais évidemment beaucoup d'attentes au sujet de cette enseigne. Allait-il y avoir tous mes plats préférés ? J'imaginais un décor rappelant mes Voyages Extraordinaires. Peut-être un ballon serait-il suspendu au plafond, des rouages évoquant les nombreuses machines inventées dans mes oeuvres, ainsi que le Nautilus miniature exposé quelque part ? Dorénavant, voir ou évoquer le submersible provoquait une anxiété désagréable en moi. Cela était dû à ma longue captivité entre ses murs.
Nous étions de retour sur la terre ferme, ou plutôt sur le béton juste en dessous de la Tour de 300 mètres. Renversant la tête en arrière, j'admirai une nouvelle fois cette imposante construction. Puis, je me dirigeai vers la tonnelle sombre sur laquelle était écrit le nom du restaurant en lettres épurées. A côté de la porte d'entrée, un écriteau en argent indiquait :
"Le Jules Verne a pour seule ambition d'être lui-même : le plus bel endroit de Paris pour savourer le plaisir d'une cuisine française contemporaine." Alain Ducasse
Comme le précisait la plaque, il s'agissait d'un des chefs cuisiniers les plus éminents de sa génération. Autrement dit, nous allions fort bien nous restaurer. Je me retins de me frotter le ventre avec conviction et me tournai vers Ellie afin de lui offrir mon bras. Nous passâmes la porte vitrée. Un petit ascenseur permettait d'accéder au second étage, là où se trouvait le restaurant. En chemin, nous entendimes des protestations polies dans notre dos. Je pivotai sur mes pieds pour découvrir qu'Anatole avait été retenu à l'entrée par un employé.
"Je suis navré monsieur, mais une tenue correcte est exigée dans cet établissement."
Il devait sans doute faire allusion au tee-shirt que le jeune homme portait. Ellie rejoignit Anatole sans tarder et le poussa vers la sortie, en lançant par-dessus son épaule :
"Allez-y, nous vous rejoignons dans peu de temps !"
Elle allait sans doute lui procurer des vêtements plus élégants, à l'abri des regards indiscrets. Amusé par cette idée, je me tournai vers Neil et repris ma route vers l'ascenseur dans lequel nous attendait une sorte de groom.
"L'on pourrait imaginer qu'ils s'absentent dans une autre intention, vu la façon un peu brusque avec laquelle elle l'a poussé vers la sortie." lui glissai-je avec un petit rire.
Cela n'était pas du tout envisageable lorsqu'on connaissait bien Ellie, il n'empêche que cette idée me mettait de bonne humeur. Une fois arrivés en haut, les portes s'ouvrirent sur une salle au décor épuré, entièrement vitrée. La vue sur Paris était impressionnante. Le parc du Champ-de-Mars s'étendait en contrebas, même si la végétation semblait étouffée par l'urbanisme prononcé. Quelques reliefs de la Tour Eiffel se découpaient autour des vitres, formes de métal imposantes, comme pour rappeler où nous nous trouvions. En dehors de cette facilité visuelle offerte par la hauteur du restaurant, l'intérieur était vulgairement terne et décevant. Les nappes d'une teinte crème, les fauteuils couleur taupe. Etait-ce ainsi que l'on me percevait, en ce siècle ? J'attendais des rouages, des ballons, des submersibles, des inventions suspendues au plafond. Rien.
La déconvenue se lisait sûrement sur mon visage. Malgré tout, je suivis Neil jusqu'à une table de quatre personnes, aussi triste que le reste de l'établissement. Pensant être en accord avec le niveau d'excellence du lieu, je me plaçai derrière le fauteuil de Neil et attendis qu'elle s'assoit afin de faire de même. Elle me jeta un drôle de regard, ce à quoi je répondis par un léger soupir pincé.
Le serveur venait de nous apporter les menus quand Ellie et Anatole apparurent. Le jeune homme portait à présent une veste de costume ainsi qu'une chemise, mais avait gardé son pantalon jean. Le mariage des deux styles était certes surprenant, néanmoins plutôt réussi. Il fallait que je m'en souvienne à l'avenir.
Je me demandais pour quelle raison l'employé de l'entrée avait causé des ennuis au jeune homme mais n'avait pas réprimandé Neil, qui était loin d'arborer l'élégance et la grâce d'Ellie. Sa tenue laissait fortement à désirer, même si elle mettait en valeur des arguments qui avaient dû suffire à convaincre l'homme de l'entrée.
Nous décidâmes d'opter pour le menu découverte de six plats, pour la modique somme de deux cent trente euros par personne (service inclus, s'il vous plaît). Comme j'étais le mieux placé pour sélectionner le vin qui accompagnerait nos plats, je m'entretins un moment avec le chef sommelier, avant de finalement... le laisser décider. J'étais bien obligé d'admettre que je ne connaissais pas les différences entre un vin blanc de 2015 et un vin rouge de 2006.
En premier lieu, on nous servit un foie gras de canard poêlé, accompagné de petits pois et de laitue. C'était absolument succulent. Ellie fit la grimace en goûtant le sien et se contenta de manger les légumes verts. Je m'empressai de finir son assiette, car les portions étaient ridicules. En tournant la tête, je remarquai que Neil venait de prendre le foie gras dans l'assiette d'Anatole, que lui non plus ne finissait pas. Nos regards se croisèrent alors que nous mastiquions, avant de décider de nous ignorer d'un commun accord. Cette ressemblance était un peu trop frappante pour être appréciable.
Le serveur apporta ensuite le canon d'agneau rôti à la moutarde violette. Je le retins aussitôt en remarquant un détail alarmant.
"Il me semble qu'il y ait une erreur. Il manque les carottes avec l'agneau."
Ce plat me rappelait celui que j'affectionnais particulièrement et que mon épouse cuisinait à chaque dimanche de Pâques. Hélas, il y manquait un ingrédient indispensable.
"D'après les verniens, Jules Verne n'appréciait pas les carottes. Par égard pour sa mémoire, le menu n'en comporte pas." déclara aimablement le serveur.
J'avais l'impression qu'il se moquait de moi, et que tout ce restaurant était un attrape-nigaud. Y avait-il la moindre trace de Jules Verne dans la gastronomie ou la décoration intérieure ? Laissez-moi rire...
"Par contre, la présence de bergamote ne vous pose aucun problème." répliquai-je d'un ton sec en me souvenant de ce que j'avais lu dans le menu. "Les verniens vous garantiront qu'il déteste... détestait le thé !"
Le serveur me contredit avec une politesse de surface :
"Au contraire, il avait une collection de thé très conséquente chez lui, à Amiens et..."
"C'est celle de sa femme !" m'emportai-je, abasourdi de me faire attaquer sur ce terrain.
La main d'Ellie se posa sur la mienne et m'arracha un frisson.
"Calme-toi, ce n'est pas grave. Je mangerai ta daurade citron-bergamote si tu veux." proposa-t-elle, diplomate.
Le serveur, choqué par mon comportement exagéré, en profita pour s'éclipser. Mieux valait pour lui qu'il ne revienne pas. J'arborai un regard bougon les minutes qui suivirent. Je n'aimais pas la décoration épurée, les vitres trop nombreuses qui se découpaient jusqu'au sol et me donnaient encore plus le vertige. Et j'appréciais encore moins ces plats trop contemporains qui même s'ils étaient délicieux, n'étaient pas aussi bons qu'à l'époque. En pénétrant dans ce restaurant, j'avais eu l'attente ridicule de retourner chez moi, de manger comme autrefois.
"Le passé est mort." déclarai-je tout en faisant tourner la fourchette en argent dans ma main.
Il fallait aller de l'avant, nous rendre au Planétarium, par exemple. En espérant qu'il ne soit pas une exception de plus...
Levant les yeux, je croisai le regard d'Ellie. Elle m'observait d'un air soucieux. Qu'avait-elle ? Se faisait-elle du souci pour moi ? Se sentait-elle responsable de mon chagrin ? Indirectement, elle était la raison de ma présence en ce siècle, mais elle ne devait pas éprouver de la culpabilité. La majorité du temps, j'allais bien. J'étais jeune, libre et en bonne santé. Qu'espérer de plus ? Rien n'est constant si ce n'est le changement. Il faut danser avec la vie aussi longtemps qu'elle vous réclame comme cavalier.
crackle bones
Ellie Sandman
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
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« La seule amitié qui vaille
est celle qui naît sans raison. »
Le repas terminé, nous nous mîmes en route jusqu'au planétarium situé à la Cité des Sciences et de l'Industrie, n'ayant pas d'autre indication que le seul mot sur le bout de papier. Autant se rendre dans l'un de ceux les plus éminents de France. Jules approuva totalement cette idée, d'autant plus lorsqu'il lut les publicités dans le hall d'entrée d'un ton exalté :
"Nouveau système de projection Laser Haute Définition en 8K. J'ignore ce qu'est le 8K, mais c'est assurément un procédé révolutionnaire ! Le planétarium de la Cité des sciences et de l'industrie est la 2ème salle dans le monde dotée de cet équipement de pointe, après celui de Houston (USA). Oh mon dieu, vous rendez-vous compte ? Films immersifs ou voûte étoilée, le détail illimité du simulateur astronomique vous donnera une sensation de profondeur, d’immensité et rendra l’expérience impressionnante... Laissez-vous surprendre! Pour (re)découvrir l’astronomie, plusieurs spectacles sont proposés : des films immersifs qui vous plongent dans une image à 360° ou des spectacles 360° commentés par un médiateur scientifique. Par lequel commençons-nous ?"
Il ne marchait plus, il faisait presque des bonds. Le voir ainsi était un véritable bonheur. Pendant qu'il continuait de s'extasier sur le programme proposé, j'en profitai pour me tourner vers Neil et lui demander à voix basse :
"Jules a-t-il un problème de santé ? Je n'aurais pas dû mais... j'ai écouté votre conversation en haut de la Tour Eiffel. J'ai entendu parler d'hôpital. Du coup, je m'inquiète et..."
Je me tus, me contentant de regarder Neil avec anxiété. Je pouvais comprendre qu'elle ne veuille rien m'en dire, même si cela me mettrait au supplice, car je m'inquiétais énormément pour lui. Je me sentais responsable. Avant même qu'elle ne puisse répondre, Jules accourut jusqu'à nous et nous colla le dépliant du programme sous les yeux en pointant une séance du doigt.
"Entre Terre et ciel... la lune. C'est tout désigné, voici mon prochain voyage." annonça-t-il. "Anatole a déjà dit oui."
Pensait-il nous convaincre en précisant ce dernier point ? J'esquissai un sourire tout en soupirant légèrement devant son enthousiasme communicatif.
"Passons d'abord au paiement. Ensuite, nous allons à la séance que tu veux."
Je me dirigeai au guichet et demandai cinq places pour le "spectacle 360° commenté". La vendeuse demanda mon nom comme simple formalité. Je le lui donnai. Juste avant de me tendre les tickets, elle vérifia quelque chose sur son ordinateur.
"Votre nom indique une réservation pour la séance privée de quinze heures, soit dans dix minutes." déclara-t-elle. "Vous êtes bien Ellie Sandman ?"
"Oui." répondis-je, sur la défensive.
La vendeuse agrandit la réservation afin de me la montrer. Il était stipulé que la salle deux était entièrement réservée pour une projection privée, en la présence strictement exclusive d'Anatole Cassini et de moi-même.
"C'est une plaisanterie ?" fis-je, de plus en plus anxieuse.
Mes joues se mirent à chauffer alors que je m'appliquai à ne pas regarder Anatole. Pour rien au monde je ne souhaitais le voir jubiler.
"Non, cela arrive souvent. Des gens réservent des projections privées avec certains ajouts, pour des évènements particuliers." expliqua la guichetière. "Voici vos tickets. Je vous donne les cinq autres pour le spectacle sur la lune, puisque vous les avez déjà réglés. Ils ne sont ni repris, ni échangés."
"Nous en ferons bon usage !" dit Jules en s'en emparant avec convoitise.
Prestement, il attrapa la main de Neil et l'entraîna vers la salle indiquée sur les tickets.
"Nous nous retrouvons à la fin de la séance !" lança-t-il avant de se détourner, marchant à grands pas enthousiastes.
Merci beaucoup de me laisser seule face à une telle situation. songeai-je, agacée.
Les joues me brûlaient tellement que je devais avoir l'air ridicule. Sans oser croiser le regard d'Anatole, je pris les deux tickets, lui en tendis un et me dirigeai rapidement jusqu'à la salle indiquée. J'aurais pu refuser d'y entrer, mais après tout, nous n'avions pas fait tout ce chemin pour faire demi-tour.
"Je ne veux pas t'entendre." grommelai-je, le visage fermé, au cas où le jeune homme aurait envie faire une plaisanterie sur la situation actuelle. "De toutes façons, rien ne dit que le mot ait été laissé par moi, même s'il s'agit de mon écriture."
Préférant ne pas m'enfoncer davantage dans des hypothèses douteuses, je passai la porte de la salle et me retrouvai plongée dans la pénombre. La salle circulaire possédait un plafond en coupole extrêmement haut et large. Des sièges confortables et inclinés étaient disposés tout autour de la paroi. Bien entendu, les lieux étaient déserts, projection privée oblige. Je choisis un fauteuil au hasard et m'y installai si brusquement que je manquai de basculer en arrière. Je me rétablis de justesse et levai le nez en l'air, ignorant toujours superbement Anatole.
Pour tout avouer, j'angoissais énormément sur le choix du film. Mon moi futur me mettrait-il à la torture jusqu'au bout ?
Les lumières s'éteignirent tout à fait, nous plongeant dans l'obscurité la plus totale. Le simulateur au milieu de la salle projeta une image en transparence, qui devint de plus en plus nette et vertigineuse à mesure que ma vue s'accoutumait : il s'agissait d'un corps céleste, peut-être d'une nébuleuse aux couleurs dorées et roses. Peu à peu s'affichèrent les phrases suivantes, sur fond d'une musique douce au piano :
"Destructrices, les collisions sont aussi souvent créatrices. La lune est le résultat d’une collision, et c’est grâce à un autre choc cosmique que la terre est peuplée de mammifères et non de dinosaures. Notre galaxie, la voie lactée, est aussi le produit de plusieurs collisions de petites galaxies, et dans l’avenir, d’autres collisions auront lieu."
Quelque chose se produisit à l'écran, si bien que l'on eut l'impression de tomber dans l'espace, et d'y flotter. On passa près des anneaux de Saturne, on eut l'impression de chevaucher une comète durant quelques secondes... Je devais admettre que c'était de toute beauté. Jules allait en avoir pleins les yeux, lui qui n'envisageait encore qu'un dixième ce que pouvait lui offrir l'univers.
Le film se poursuivit sur les différentes collisions entre les corps célestes, agrémenté de temps à autre par des phrases qui se noyaient ensuite dans le vide intersidéral.
"La naissance d'une étoile est infiniment précieuse, car à elle se greffe tout un système planétaire. Selon l'intensité de ses rayons, elle brûle ou irradie. L'on pourrait comparer son rayonnement à celui d'un sentiment pur et sincère. Elle n'a d'autre raison que de briller... Elle n'est jamais seule car peu importe sa forme, qu'elle soit géante rouge, nébuleuse planétaire ou naine blanche, elle aura toujours d'autres astres autour d'elle."
Les images se succédaient, l'espace semblait à portée de main. L'immersion était totale.
"Parfois, il arrive en de rares cas que des étoiles soient jumelles. Elles se tiennent l'une à côté de l'autre, brûlent et se consument ensemble, jusqu'à se fondre et disparaître. Mais l'intensité de leur lien les garde visible à travers le ciel."
Curieusement, voir ces deux astres côte à côte provoqua une émotion étrange en moi. La salle sembla trembler alors que la lumière se faisait plus forte, nous montrant l'union des deux étoiles au crépuscule de leurs vies...
Je me mordis les lèvres et observai le spectacle sans ciller, captivée.
Peut-être... que mon moi futur avait simplement souhaité me faire un très beau cadeau, et me délivrer un message optimiste : tu n'es pas seule. A tâtons, je voulus chercher la main d'Anatole mais me ravisai au dernier instant, en me rendant compte de ce que cela pourrait représenter pour lui, alors que ce n'était pas du tout le message que je souhaitais lui faire passer.
L'ultime image était celle d'une nébuleuse planétaire dont le contour doré et le centre bleuté évoquait un oeil nous observant avec curiosité. L'univers était si... magique.