Le deuxième essai d'Evelyn s'était montré plus concluante. Elle était, et de loin, ma meilleure élève. Mais ce n'était pas réellement un compliment quand on voyait la concurrence qu'elle avait... Entre une princesse givrée, un peureux compulsif et une dépressive congénitale, Evelyn, qui était bien plus saine d'esprit, ne pouvait que faire mieux. Et ça, je n'avais pas besoin d'avoir fait Maths Sup' pour le savoir.
Mon pincement de lèvre s'était transformé en un sourire encourageant, à défaut d'être totalement satisfait. Elle et moi pourrions sans doute faire de grandes choses car elle était intelligente en plus d'être jolie. J'acceptai de poursuivre nos efforts, consciente de son fort potentiel.
Mais il lui restait des choses à apprendre, notamment, peut-être, ce qui se faisait en société ou pas. J'avais certes eu vent des coutumes pour le moins aberrantes de certaines sociétés pseudo-civilisées mais aucune d'elles ne tolérait qu'on rendit une carte de visite, qui plus est de cette façon brutale. Même si cela m'en faisait gagner une et bien qu'elle l'ait mémorisé. Nous aurions cependant l'occasion d'en reparler. Plus tard.
Evelyn était une femme occupée et je le comprenais parfaitement. Moi aussi je faisais partie de cette catégorie supérieure d'êtres qui ne peuvent pas se permettre de s'étendre en longueur une fois que l'essentiel a été vu. J'inclinai sobrement la tête et la laissai filer, me rasseyait confortablement - si tant est que cela soit possible - sur le semblant de fauteuil prévu à mon effet.
Travis ne tarda pas à faire son entrée, d'un pas gauche et mal assuré.
Pour faire bonne mesure, je le détaillai ostensiblement de la tête aux pieds, la bouche pincée de mépris et ajoutai :
- Travis. Vous m'aviez tellement manqué, si vous saviez... Mais je vous en prie, prenez place. Je n'ai pas toute la journée, vous savez.
Le jeune homme obtempéra sous mon regard narquois et je replaçai mon équipement en donnant l'impression (presque vraie) que je savais exactement ce que je faisais. Tout est une question d'apparence dans ce monde. Certains (comme Travis) mettaient simplement plus de temps à le comprendre.
Une fois parée à la poursuite de cette étude sur ma grandeur, je croisai les mains sur mes genoux et daignai lui accorder un regard :
- Avant que je ne décide à quelle sauce vous manger, vous pourriez, je crois, reprendre votre petit questionnaire palpitant. Sans vouloir vous commander. Mais nous avons une étude à terminer et je suis une personne occupée, contrairement à d'autres...

Fin