« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
Les coquillages, ça faisait mal. Très mal. Sebastian se passa une main sur le ventre pour le masser, se débarrassant des quelques coquilles qui restaient agrippées à son manteau turquoise. Le vaisseau était penché, dangereusement penché, mais pas encore complètement en train de chuter ou de tourner. Cela n’annonçait absolument rien de bon, c’était certain, mais la catastrophe n’était pas encore complètement installée. Pas encore déclenchée. Pas tout à fait. Peut-être ne lui manquait-il qu’un petit coup de pouce ou quelque chose de ce genre, mais ce n’était pas lui qui allait rendre le coup de grâce. Se redressant légèrement, s’appuyant contre l’un des murs du salon pour ne pas glisser davantage, ses yeux se portèrent sur les lumières en train de grésiller dangereusement. Leur vivacité s’éteignait au fil des secondes, s’égrainait dans un silence grinçant qui n’avait rien de très rassurant. Vaciller. S’éteindre puis revenir encore plus faiblement. C’était comme un mauvais film. Les flashs de lumières contrant l’obscurité qui cherchait à s’installer… Qui avait dit qu’il y avait des lumières dans l’espace ?
Les plombs sautèrent définitivement, plongeant le salon dans une obscurité partielle. Le gardien tourna vivement la tête en voyant réapparaître Judah – ne connaissait-il décidément pas la définition d’un habit ? – non loin de lui. Ce dernier le repéra et se précipita dans sa direction, tous bras tendus comme s’il cherchait à l’attraper à nouveau. Il se crispa en serrant les dents, s’attendant à un choc qui ne vint pas lorsque le dieu s’évapora dans le noir avant d’y parvenir. Un battement de cil. Un clignement d’yeux et se furent les murs qui se mouvèrent, près à lui tomber dessus comme on le ferait d’un meuble très lourd. Sab leva les bras pour se protéger, son sable s’activant autour de lui, et ferma les yeux. Les murs chutèrent et le traversèrent pourtant sans dommage, comme s’ils n’avaient jamais été que des fantômes de l’inconscient, avant de se fondre à nouveau dans le décor. Ecartant ses mains devant lui, le marchand de sable tenta de reprendre son souffle et équilibre. Ne pas chuter. Te pas tomber. Ne pas paniquer… Ce ne serait pas digne. Pas acceptable.
Il s’attendait à ce que les illusions s’arrêtent là, à ce que les deux « peurs » qu’il avait du affronter ne soient que les seules… Mais ce ne fut pas le cas lorsqu’il vit apparaître Louise. Encore. A nouveau. Fière sur ses jambes, pourvu de ce pull ridicule qu’elle affectionnait pourtant porter en période hivernal. Il lui tenait chaud, assurait-elle. Lui faisant face, la jeune femme tenait quelque chose à la main qu’elle lui lança en plein visage avec hargne et mépris : un chapeau.
« Tout est de ta faute, Sebastian ! »
Son regard était furieux. Glacial tant elle semblait blessé par quelque chose. Ou quelqu’un. Lui ? Pourquoi lui ? Ca n’était ni logique ni compréhensible. Ils s’étaient revus. Rencontrés à nouveau. Avaient continués… Les traits tirés de Louise s’étirèrent jusqu’à ce qu’elle ne change d’apparence pour devenir cette autre femme rousse : Hope. La raison de leur dispute silencieuse. La princesse ne l’inquiétait pas spécialement d’ordinaire, sauf peut-être sa manière qu’elle avait eut de lui sauter dessus n’importe où pour prendre des photos… En tout cas, en la découvrant en train de se dévêtir à son tour pour lui proposer d’apprendre « deux ou trois trucs », Sebastian déglutit en n’étant pas très sûr de la réponse à lui donner. Supporterait-elle un non ? Ou bien le prendrait-elle pour une invitation supplémentaire ? Aïe…
Hope fut soudain frappée d’un étrange mal lorsque des traits noirs apparurent sur sa peau et se propagèrent à toute allure jusqu’à sa gorge, ses bras, ses mains et ses jambes. Elle leva la tête comme pour respirer, hoquetant quand l’aura obscure s’empara de ses joues, ternissant sa chair, effritant sa peau pour la faire soudain exploser en un million de cendres. Le silence. Encore. Toujours. Des cheveux bruns couvrant un petit cœur recroquevillé, des bras passés autour de deux genoux blessés. Une petite fille qui aurait sans doute couru un peu trop dans la cour… Il la reconnu lorsqu’elle releva le menton dans sa direction, reniflant et cherchant à essuyer les larmes qui coulaient sur ses joues. Une petite tenue sage et des grands yeux bruns, un visage qu’il avait déjà vu et reconnu à peine ses sanglots s’étaient-ils faits entendre : Lily. Petite Lily, exactement.
« Pourquoi ? » Couina-t-elle. « Pourquoi… Est-ce qu’il… a tué ma ma… Ma maman… ? »
L’éléphant. Dumbo. La maman de Dumbo… Explosée dans son esprit par Pitch quand ce dernier avait voulu en chasser Phobos. Sab secoua la tête, entrouvrant la bouche pour essayer de répondre mais Lily ne sembla pas l’écouter outre mesure. Une grimace barra sa bouche, un cri déchirant tandis qu’elle se penchait en avant.
« Tu l’as laissé faire… Tu l’as laissé… Tuer… Ma maman… ! »
Il voulu bouger. Plonger en avant pour lui expliquer que tout ceci n’était pas vrai. Pas réel. Que c’était un cauchemar. Que ce n’était qu’un mauvais rêve mais il n’eut pas le temps de le faire. A peine avait-il esquissé un geste dans sa direction qu’un liquide noir s’échappa de sa bouche, se déversant dans une mare atroce à leurs pieds. Du noir. Beaucoup de noir. Trop de noir. Un liquide pâteux qui glissa dans une lenteur décidée, faisant peu à peu disparaître le corps de la fillette. Quand Sab se pencha pour essayer de la retrouver, de fouiller dans le liquide sombre, il ne rencontra que le sol métallique. Les tapis s’imbibèrent inlassablement. L’encre couvrit ses doigts, grimpa sur son manteau et badigeonna ses genoux de sa couleur vide. Néant. Son souffle rapide. Ses yeux cherchant à droite et à gauche sans comprendre.
La flaque fut comme aspirée peu à peu, révélant un livre ouvert aux pages blanches. Il les effleura, faisant tomber quelques gouttes d’encre qui se dépêchèrent d’en tacher le papier et se répandre. Une main frappa la sienne, mécontente et vive, alors qu’il rencontrait le visage d’une femme près du sien. Des yeux aciers. Une mâchoire carrée. Une cascade blonde tombant sur ses épaules, se noyant dans la robe bleu nuit qu’elle portait. Evangeline. Comment pouvait-elle être là ? Comme pouvait-elle… Apparaître ici ? Les sourcils froncés, la jeune femme retira vivement le livre loin de lui pour l’observer de plus près. Un soupir, narquois. Un ricanement de sa part avant qu’elle ne secoue la tête et n’arrache une page, puis la suivante.
Les feuilles tombèrent. Une après l’autre. Dès qu’elles touchèrent le tapis, un dessin y apparu. Un texte. Une esquisse. Des visages, ceux d’enfants croisés ou déjà vus. De face. De profil. Et puis une mention qui les barrait de grosses lettres rouges : décédé. Une petite fille. Un garçon. Un autre aux cheveux roux. Tant d’enfants. D’adolescents. Parfois des adultes qui glissaient à toute allure.
« Ils croient tous… Si idiots. Comme si croire en toi allait les sauver de quoi que ce soit. Pathétique. »
Evangeline n’était pas méchante. Jamais méchante. Alors pourquoi… L’image grésilla. Changea. Se perturba. Revint mais s’effaça aussi rapidement qu’elle était venue. Sab remarqua alors qu’il avait cessé de respirer, sous le choc des scènes qui venaient d’apparaître et de se délier devant ses yeux. Les mains tremblantes, de nouveau claires comme de l’eau de roche et lavées de toutes noirceur, il se força à les chasser. A les oublier. Elles n’étaient pas réelles. Elles n’existaient pas. Elles n’étaient que le fruit de cauchemars, comme tout un chacun. Le sable se glissa dans sa nuque, chaud et doucereux, et il plaqua sa paume contre lui. Contre cet ami. Cet allié. Ce pouvoir qui pouvait réchauffer les cœurs et chasser les mauvais songes. Confiance. Apaisement. Gratitude. Sûreté… Tant de mots et de définitions pour n’en former plus qu’une : croire. Espérer que tout s’arrangerait. Ce n’étaient que des peurs. Des adversaires dont il fallait se dépêtrer pour avancer. Il était le gardien des beaux rêves et de l’espoir, ce n’était pas à lui qu’il faudrait apprendre à les reconnaître. A les déceler.
Pourquoi cela faisait-il si mal, pourtant ? … Une dague en plein cœur. Louise lui manquait. Jack lui manquait, ainsi que les autres gardiens. Arthur. Hope aussi, il l’appréciait quand même. Ellie. Lily. Des visages. Des connaissances. Des gens en qui il croyait malgré tout et pour lesquels il refusait d’abandonner. Pas comme ça. Pas de cette manière. Sûrement jamais un cauchemar ne parviendrait à avoir raison de lui !
Un bruit profond résonna tout à coup. Le Nautilus vibra, trembla, et parti de côté brutalement… Chutant irrémédiablement au point d’en faire décoller les pieds du gardien et ceux des autres. Le sable doré se matérialisa autour de lui, lui permettant d’éviter une nouvelle chute d’objets incongrus, et il se raccrocha à ce dernier pour ne pas basculer. D’instinct il rattrapa Sally pour ne pas qu’elle se blesse, mais aussi Diane qui papillonnait du regard et Neil en même temps. Jules Verne fut retenu in extremis au-dessus de la vitre, soulevé en même temps que Robyn avant qu’elle ne percute la baie vitrée désormais sous leurs pieds. Un monde flottant. En suspens.
Et à travers la paroi, l’image d’une PLANETE en train de se rapprocher dangereusement d’eux. Gigantesque. Gazeuse. Colorée, comme jamais l’imagination ne pouvait le faire. Où étaient-ils ? Il y eut un second à-coup et la sensation brutale de se faire comme happer en avant. Sebastian serra les dents pour essayer de retenir tout le monde, concentré comme il le pouvait alors que la voix de Jules résonnait sur un ton d’épouvante :
« Nous sommes pris dans le champ de gravité de la planète ! »
C’était… Probable. Possible. Sab n’était pas astronome ni astronaute, voilà bien une question à laquelle il ne savait pas répondre. A vrai dire, la seule qui aurait pu leur apporter des précisions se trouvait inconsciente dans les bras de Diane ; la seule qui sache comment fonctionnait le tableau de commande ou l’explication sur la situation. L’écrivain avait dit ne jamais avoir vu cela jusque là. Ne jamais avoir été percuté ou même… n’être jamais été aussi loin. Des siècles. C’était très long seul dans un sous-marin, aussi bien aménagé soit-il. Pourquoi l’avoir enfermé là-dedans, à part pour des histoires ? Des rêves ? Une imagination débordante prête à coucher sur papiers des aventures plus folles les unes que les autres. Ce ne pouvait être par hasard. Tout ne pouvait pas arriver par pure coïncidence.
Il avait été récupéré pour une bonne raison, indéniablement. Leur propre venue était peut-être une erreur mais lui sûrement pas. Choisi. Demandé. Comme ces enfants autour de lui, scène transparente qui avait défilée devant leurs yeux quelques instants plus tôt. Un être parmi tant d’autres. Un choix. Mais pourquoi ? Pour.. Qui ? Et pour où ? Il tourna son regard vers la planète qui grossissait à mesure qu’ils tombaient vers elle. Grossissait. Englobait désormais toute la baie vitrée. Etait-ce leur destination ? Etait-ce l’endroit où cet appareil se rendait dès le départ, sans qu’ils ne puissent le savoir ? Mais pour avoir des réponses, encore fallait-il survivre à la chute vertigineuse qu’ils étaient en train d’effectuer.
Réfléchir… Passer des uns aux autres. Il n’y avait ni matelas ni bouée de sauvetage forcément. Et puis, cela aurait-il vraiment été utile dans l’espace ? En cas de crash aérien, les chances de s’en sortir étaient faibles. Mourir ? Sûrement pas. Il balaya cette optique d’un revers de la main, secouant la tête en continuant d’observer les autres participants. Une déesse. Une Neil… Deux humaines et un écrivain suspendu au fil de la vie. Une enfant inconnue. Et lui. Ca faisait du monde à supporter et faire graviter, même si certains d’entre eux se révélaient plus immortels qu’ils n’en avaient l’air. Le sable gronda, il l’entendait résonner dans son crâne à mesure qu’il s’étendait dans une expansion rapide. Efficace. Jack lui avait montré un film une fois, avec un arbre qui grossissait pour englober tout les participants dans une sphère pour les protéger… Peut-être que c’était ce qu’il fallait faire ? C’était en tout cas le seul moyen qu’il voyait pour éviter qu’ils n’explosent tous.
Sa paume contre la paroi se crispa, avisant du sable en train de ruisseler tout autour de lui. D’eux. Les grains dorés s’emparèrent à toute allure de ce décor créé de toute pièce, recouvrant les murs d’une couche épaisse dans un bruissement singulier. Régulier. Bientôt, toutes les surfaces à l’exception de la vitre ne furent plus qu’un bouclier ensablé qui se rapprocha peu à peu des gens sans les toucher. Tension. Crispation. Voilà longtemps qu’il n’avait pas manipulé autant son pouvoir dans un endroit aussi petit et clos. D’ordinaire il pouvait faire apparaître des dinosaures et autres créatures partout dans le monde, mais là, le stress n’aidait pas vraiment à être au meilleur de sa forme… Si Pitch le voyait, il se moquerait sûrement du temps qu’il avait mis à réagir. Un bouclier. De quoi pallier au crash éventuel du vaisseau dans lequel ils se trouvaient et espérer les maintenir en vie.
Le Marchand de Sable déglutit, les yeux rivés vers cette planète qui s'approchaient encore et encore. Découvrant en même temps que les autres le sort qui cellerait peut-être leurs existences…
Ou pas.
Sebastian : 85%
Robyn W. Candy
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PANIQUEZ PAS J'VIENS JUSTE CHERCHER UN TRUC DANS MA BOITE MP
(Et ouais du coup j'en profite pour faire un tour et mâter les profils, z'allez faire quoi pour m'en empêcher hein ?)
| Conte : Les mondes de Ralph. | Dans le monde des contes, je suis : : Vanellope Von Schweetz, ou la princesse d'un royaume de sucreries qui préfère conduire des voitures en gâteaux.
J'avais les yeux fermés pour ne plus voir ce qui se passait. Pour m'engueuler à voix basse. Pour me concentrer. Bordel. À quoi ça servait d'avoir un espèce de pouvoir à la con si c'était pour qu'il serve jamais au bon moment ? J'avais besoin de lui, là. J'avais besoin qu'il fasse grésiller ma peau de particules bleues, avant de m'emporter ailleurs, en sécurité. Avec les autres au passage, ça serait encore mieux. C'était une anomalie, un espèce de virus qui m'avait rongé pendant des années, pendant que sa Sucrerie essayait de me buter en me faisant disparaître de mon jeu. Et pourtant ça m'avait permis de survivre. Parfois, ça avait l'air d'un mécanisme de défense. La plupart du temps, c'était juste qu'une connerie de plus.
- Active toi allez... Putain s'te plaît, j'ai besoin de toi... Sers à quelque chose pour une fois... Allez bordel de merde. Robyn, allez !
Un cri de frustration m'avait échappé et mes paupières s'étaient brusquement soulevées. Mauvaise idée, maintenant j'étais face au vide et à cette foutue planète qui paraissait de plus en plus grosse pendant qu'on se rapprochait d'elle. J'avais rien sentie, même pas une caresse rapide pareille à un frôlement contre ma peau. Rien. Nada. Que dalle ! Mais quel pouvoir de merde ! Je servais vraiment à rien ! J'étais limitée. Coincée là, à attendre que ça passe. Putain. Quelle merde.
À quatre pattes sur la vitre, je pouvais pas détourner le regard de la planète. C'était ça où le verre entrain de craqueler sous mes doigts. Valait mieux que je me focalise sur autre chose que le vide qui allait m'accueillir si tout lâchait. Y avait bien du sable doré qui m'entourait, comme une sorte de protection, mais j'étais pas sûre que ça serve vraiment à quelque chose si jamais ça pétait.
Je sursautais quand une craquelure s’agrandit dans un grincement tout sauf rassurant, zigzaguant vers Jules qui avait lui aussi eu la chance d'être au premier rang pour assister au grand final. Pa réflexe, j'avais tendu la main pour lui agripper le poignet, le cœur battant. Putain, j'avais crû pendant deux secondes qu'il allait faire le grand plongeon ! La vitre tenait toujours bon, mais si jamais une fissure s'élargissait... on allait vraiment, mais alors vraiment, être mal barrés. Encore plus que là quoi. Et y avait toujours le problème de la planète. Enfaîte peu importe ce qui se passait, on était foutu.
Y avait encore rien, mais ça allait pas tarder. Je pouvais à peine bouger, de peur que tout foute le camp sous nos pieds. Et personne avait l'air de pouvoir essayer d'activer un truc dans le sous-marin. Ou vaisseau. Au final, c'était quoi ce truc ? Question conne, on s'en foutait sévère. J'avais les yeux rivés devant moi, le cœur battant la chamade et la main s'accrochant toujours à Jules, même si la fissure avait pas continué sa route le long de la vitre. On savait jamais. Et puis j'avais besoin de sentir que j'étais pas toute seule. Parce que je commençais à sérieusement me rendre compte que cette fois, peut être, y aurait pas de sauvetage. Alors si je devais y passer... je préférai que ça soit pas avec ce sentiment d'abandon qui avait toujours eu une importance dévorante dans ma pauvre vie d'anomalie maltraitée. Je voulais pas finir comme ça.
Tout à coup, il y eu un nouveau choc. Le Nautilus se tourna sur le côté, revenant dans une position un peu plus... normale. Retrouvant le contact bizarrement rassurant du sol, je lâchais l'écrivain, en observant sans comprendre la vue depuis la vitrine qui nous montrait la planète s'éloignant à une vitesse complètement dingue. C'était quoi encore ce bordel ? Une bonne nouvelle ? C'était fini ? Enfaîte on avait gagné ?
- Le vaisseau est dévié...
La gamine avait ouvert les yeux et murmuré d'une voix faible, comme si ce qui venait de se passer l'avait réveillé. Quand un second coup plus puissant frappa de nouveau, elle se mit à trembler dans les bras de Diane, les yeux écarquillés. Comme si elle avait vraiment peur. Putain. Elle avait un regard tellement paniqué...
- Le... le cœur du vaisseau vient... de mourir...
Sa respiration se fit plus sifflante, plus difficile. Elle était entrain d'y passer ? Comme le vaisseau ? Le plafond et les parois étaient entrain de craqueler autour de nous, se dégradant alors que la vitesse était toujours lancée à toute allure.
À genoux, je lançais un regard aux autres. J'avais l'impression de les voir, mais pourtant leurs silhouettes étaient floues et indistinctes. La bouche entrouverte, les mains posées sur les cuisses, je me rendais compte de ce qui se passait. Ce qui se passait vraiment. J'avais attendu que tout s'arrange. Qu'on rentre chez nous. C'était toujours comme ça, non ? C'était censé être comme ça, en tout cas. Mais là... pas cette fois. On fonçait à toute vitesse dans l'espace, dans un putain de vaisseau entrain de se désintégrer. Et on pouvait même pas se téléporter. Ça voulait tout dire. Y aurait pas de prochaine fois. C'était la fin de chez fin. Le vaisseau était entrain de mourir, et nous avec. Y avait pas de survie, pas de chance de s'en sortir. On avait juste à attendre.
- On va pas crever ! C'est pas vrai ! C'est pas possible ! C'est pas... je veux pas ! Je peux pas ! Je suis pas prête !
Mes cris désespérés étaient sortis tout seuls. J'avais même pas pu les en empêcher. Je jetai un regard perdu tout autour de moi. Bordel. J'étais vraiment pas prête. À mourir. Pas cette fois. Putain. Pitié. Pas maintenant. Je pouvais pas. M'en aller comme ça. Crever. C'était pas possible. Je commençais à entrevoir de l'espoir, depuis quelques temps. Je le savais déjà, même si j'osais pas me l'avouer. J'avais été heureuse, même si y avait encore eu de la souffrance, pour pas changer. J'avais réussi à être plus que cette pauvre conne perpétuellement enragée, incapable de ressentir autre chose que de la colère et de la haine. J'étais entrain d'apprendre bien plus. Et c'était pas pour finir ma vie là, réduite en compote dans l'espace.
Je passais le dos de mes mains sur mes joues trempées. Je m'étais même pas rendue compte que les larmes s'étaient mises à couler. Je m'en rendais jamais compte. Et pourtant elles étaient bien là, à trahir tout ce que je ressentais. Cette foutue peur qui me poussait à me relever pour essayer de fuir, de trouver un échappatoire. Mais j'avais beau essayer de me redresser, je retombais toujours. Tout allait trop vite, j'arrivai pas à garder l'équilibre. J'essayais quatre fois, avant de m'avouer vaincue. J'allais mourir comme une victime, comme une putain de faible. C'était ça que je méritais, alors ?
- Donne moi la main.
Je relevais la tête vers Neil, qui me tendait sa main. Diane avait attrapé celle de quelqu'un d'autre, créant une espèce de chaîne de l'amitié. On se tenait tous par la main, et on attendait, du coup ? Qu'on explose tous ensemble ?
Du bout des doigts, je passais une main sur le bord de l'armure de Neil, qui apparaissait à peine de sous mon débardeur. J'avais presque oublié qu'elle était encore là, sur moi. Elle m'avait protégé quand le bureau m'avait foncé dessus tout à l'heure, ce qui faisait que j'avais juste pris un gros coup dans les jambes, qui m'avait à peine fait grimacer. Si jamais on s'écrasait, y avait une mini chance pour que l'armure absorbe l'impact. Une chance ridiculement minuscule. Même pas un pour cent de chance quoi. J'étais pas sûre. Mais quand même. Peut être qu'elle pourrait me sauver. Moi ou quelqu'un d'autre. Sally, en l'occurrence j'avais retiré l'armure pour le lui donner.
- Mets ça. T'es toute jeune, toute innocente. Sûrement que t'as jamais rien fais de mal de toute ta vie. Tu mérites pas de mourir. Si ça peut te sauver... alors faut en profiter. T'as toute la vie devant toi, rappelle toi.
Je l'avais à peine regardé en disant ça, la tête légèrement baissée. Je voulais pas mourir mais je méritais pas non plus de survivre. J'étais pas comme elle. Pas gentille. J'étais une putain de peste avec un sacré palmarès de conneries. J'étais pas celle qui devait rester. Neil et Diane pouvaient se régénérer. Sebastian avait des pouvoirs, donc bon, peut être que ça pourrait le sauver. Et Jules... il était mort, déjà. Mais ça m'empêcha pas de lui tendre la main pour la lui prendre, pendant que j’agrippais aussi celle de Neil.
Quelques secondes après, la vitre qui cette fois se trouvait au plafond explosa. Des bouts de verre ricochèrent au sol, qui lui même ne tenait plus le coup. Les parois craquelaient encore, se dégradant au point que des débris furent projeter vers nous. J'allais lever le bras pour essayer de me protéger le visage, mais les morceaux se contentèrent de me traverser, sans faire de dégâts. Ça faisait pareil aux autres. Tout le vaisseau était entrain de désintégrer, mais ça nous atteignait pas. Et c'était pas normal.
Il y eu tout à coup un grand silence. Comme si on venait d'appuyer sur la touche « muet » d'une télécommande. Y avait plus de son. Et surtout plus rien. Dans le sens que le vaisseau n'était plus là. Y avait pas de débris non plus. Le sol abîmé et métallique était désormais remplacé par une terre rocailleuse et grise. Face à nous, un temple grec avec colonnes blanches brillait presque sous le ciel étoilé. La planète qu'on avait failli percuter était visible d'ici, si on tournait juste un peu la tête. Le type devant nous était juste bien placé pour la regarder. Au pied du temple, le grand type dans une imposante armure dorée, deux cornes surplombant son casque, nous fixait. Il me disait quelque chose. J'étais sûre de l'avoir déjà vu quelque part. C'était lui le gardien du paradis du coup ? Il avait aussi un bâton entre les mains, dont semblait résonner un son profond et puissant. Le même qu'on avait entendu par deux fois quand on était encore à bord.
- On se connaît, non ? Eh mais tu serais pas Heimdall, le mec qui s'occupe des portails ou d'un truc du genre sur l'Olympe ?
Toujours à genoux, encore entrain de tenir Neil et Jules, je plissais les yeux, la tête penchée, pour observer le type. J'avais mal à la gorge, la voix tremblante et l'impression d'être totalement vidée. J'étais pas morte. Ou peut être que si. Mais j'avais l'impression que non. Et on venait de tomber sur quelqu'un connaissant les dieux. Ça devait être bon signe. C'était obligé. Là, il le fallait. Ou alors ça voulait dire qu'on y avait vraiment passé. Je faisais la maligne, mais en réalité, j'étais toujours aussi terrifiée, le cœur au bord des lèvres. Bordel... se préparer à mourir, c'était une sensation terrible. Robyn: 75%
Jules Verne
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Nous étions... vivants. Je n'en étais pas certain. Je n'avais plus aucun repère. J'avais l'impression que mon coeur allait s'échapper de ma cage thoracique. Il battait si fort, si vite, qu'il me faisait presque mal.
Je respirais l'air d'une autre planète. Pourtant, il ne semblait pas y avoir d'atmosphère. Aucun nuage dans le ciel, rien hormis la voûte étoilée. Le sol était de pierre grise, semblable à celui que j'imaginais sur la lune.
"On se connaît, non ? Eh mais tu serais pas Heimdall, le mec qui s'occupe des portails ou d'un truc du genre sur l'Olympe ?"
La voix de Robyn était quelque peu chevrotante mais au moins, elle avait le mérite de parvenir à parler. J'avais la sensation d'avoir avalé ma langue. Tout mon corps me donnait l'impression d'avoir été tordu dans tous les sens.
Heimdall... Olympe... Portails... Ces mots dansaient dans mon esprit en désordre. Tout ramenait toujours à la mythologie avec ces gens.
Le souffle court, je dévisageai l'homme noir qui nous toisait, au pied d'un temple d'inspiration grec. Il tenait un bâton élégamment ciselé dans sa main droite, et son corps robuste était vêtu d'une armure étincelante. Son regard sombre semblait sonder plus loin que mon âme. Je clignai des yeux et penchai la tête vers le sol. J'étais à genoux, dans la position où je me trouvais à bord du Nautilus. Mon cher sous-marin de l'espace... il n'en restait plus rien. Il s'était désagrégé autour de nous en plein vol. Il est curieux comme on développe une forme d'attachement à sa propre prison. Le sol rocailleux avait écorché mes mains dès l'instant où j'étais entré en contact avec ce nouveau monde. La douleur enflammait mes phalanges mais j'y restais sourd. Lentement, je décrispai ma main autour de celle de Robyn.
Ahuri, je pris une grande inspiration et redressai la tête. Sans me relever tout à fait, je me précipitai bon gré mal gré vers Diane qui serrait toujours Iota contre elle. L'enfant était si pâle qu'un frisson me parcourut. Ses lèvres bleutées remuaient à peine tandis qu'elle murmurait quelque chose. J'approchai mon oreille mais n'entendis rien.
"Donnez-la moi."
Sans attendre, je pris la fillette à demi consciente dans mes bras. Sa tête dodelina un peu et ses paupières papillonnèrent. Soucieux, j'observai son visage traversé par la sérénité qui précède la mort. Pourquoi les souvenirs se refusaient-ils à moi ? J'étais persuadé de parvenir à l'aider si seulement je pouvais me rappeler...! Elle était assurément une proche. Mon coeur le sentait.
La petite fille abandonnée dans mes bras, je me tournai vers Neil.
"Je veux savoir." ordonnai-je d'un ton sans réplique.
A bord du Nautilus, elle avait avancé sa main vers ma tempe, mais avant de pouvoir agir, elle avait fait quelque chose à l'esprit de Diane. Elle en avait été très ému. Par conséquent, j'en concluais qu'elle était capable de bousculer l'inconscient. Je me moquais des dégâts éventuels qu'elle pourrait y causer. N'étais-je pas déjà mort ? Tout ce que je souhaitais, c'était porter secours à une enfant malade.
La jeune femme me regarda puis baissa les yeux vers Iota. Subitement, je sentis un contact sur ma joue. Aussi léger qu'une plume. Je baissai la tête et vis la fillette, la main levée vers mon visage. Elle avait à peine la force d'accomplir ce geste. Cela me ramena plus de cent ans en arrière, lorsque j'étais cloué dans un lit, au chapitre de ma mort.
Ma main se posa contre la sienne, si petite, et l'entoura, l'aidant à garder le contact sur ma joue. Ses yeux couleur de pluie rencontrèrent les miens et je basculai dans l'eau limpide des souvenirs. Ses souvenirs, pas les miens. Cependant, je m'aperçus très vite qu'ils faisaient partie du même océan.
Tout commença par la visite de Phileas Fogg sur mon lit de mort. La force et la jeunesse qu'il me rendit. L'arrivée à bord du Nautilus alors que j'étais inconscient. Neuf enfants étaient rassemblés autour de moi tandis que je dormais, m'observant d'un air à la fois sage et impatient. Phileas Fogg avait la main posée sur mon torse. Il décocha un regard malicieux aux enfants.
"C'est bien lui..." murmura un petit garçon, m'observant d'un air profondément respectueux.
Peu à peu, Phileas Fogg rapetissa. Ses cheveux s'allongèrent, prirent une teinte brune, son costume disparut au profit d'une robe blanche avec un ruban vert à la taille. Iota enleva la main de mon torse, avec un léger sourire apaisé.
"Il a besoin de se reposer. Il n'est pas comme nous."
"J'espère qu'il ne va pas faire ça trop souvent." dit un autre petit garçon d'un ton bougon. "Ce n'est pas très intéressant."
Iota croisa les bras et lui jeta un regard sévère.
"Epsilon, sois un peu plus gentil !"
Le garnement lui tira la langue alors qu'une petite fille blonde toute petite se hissait sur la table sur laquelle j'étais toujours allongé.
"Il est tout bizarre." commenta-t-elle en tirant sur une mèche de mes cheveux. "Je ne le voyais pas aussi grand !"
Iota plissa des yeux et fit le tour de la table pour faire descendre l'autre fillette. Après quoi, elle mit les mains sur ses hanches et déclara :
"J'espère que vous aurez un comportement irréprochable lorsqu'il se réveillera. Si personne n'est sage, il ne voudra sûrement pas raconter d'histoires."
Les neuf paires d'yeux s'écarquillèrent en même temps alors que Iota arborait un air satisfait.
Il y eut ensuite une série d'autres souvenirs, dans lesquels je me replongeais avec plaisir maintenant que j'avais le loisir de m'en rappeler. Ma première année à bord, entouré de cette bande d'enfants adorables. Certains étaient un peu bagarreurs, mais ils se calmaient dès que je menaçais d'occire leur héros préféré à la prochaine page. Quel auteur n'aurait pas rêvé de finir ses jours entouré d'admirateurs, même s'ils n'étaient pas en âge de se raser ?
Les jours s'écoulaient, chacun plus passionnant que le précédent. Je redécouvrais avec un plaisir immense les recoins les plus inattendus du Nautilus, tel que je l'avais imaginé. Puis, la peur avait commencé à se manifester. L'angoisse de ne plus jamais revoir la lumière du jour, la solitude qui pèse de tout son poids sur les épaules d'un homme enfermé depuis trop longtemps dans un espace confiné... Le vaisseau l'avait traduite par mes peurs enfouies qu'il avait vomis sans relâche...
Peu de temps, après, je fus tué d'une balle de revolver, tirée par l'apparition de mon neveu fou. Cela arriva alors que je lisais une histoire aux enfants, tous bien calés sur les coussins du salon. Les cris surpris et apeurés résonnèrent à mes oreilles, l'écho du souvenir se faisant plus pesant que les autres. Il était si étrange de me voir de l'extérieur me vider de mon sang, comme le spectateur impuissant d'une scène dramatique de théâtre.
Je revins à la vie, enfermé dans un scaphandre, avec tous les enfants qui m'observaient, anxieux. Le vaisseau s'était si bien adapté à moi qu'il avait trouvé un moyen de me garder en vie.
Il y eut d'autres morts, d'autres retours à la vie, mais la plus terrible fut celle du premier enfant. Il fut atteint d'une maladie inconnue qui contamina tous les autres, peu à peu. Une forte fièvre suivie d'une perte de conscience. Le vaisseau chercha à le régénérer, comme il l'avait fait pour moi, mais une fois dans le scaphandre, l'enfant devint... vide. Il ne semblait plus avoir de conscience. Il agissait comme un automate. Jusqu'à tomber en cendres.
Je me souviens, à présent... Je me souviens d'avoir cherché des solutions, en vain. Je n'étais pas médecin, je n'avais aucune notion en la matière. Je semblais être le seul immunisé contre ce mal dévastateur. Nous perdîmes d'autres enfants. Je vis Iota parler à son frère, Thêta, qui avait été réanimé par un scaphandre. Je me rappelai l'avoir entendue pleurer tout en murmurant qu'elle resterait toujours auprès de lui. Son frère, devenu vide, avait répondu par des citations de Vingt Mille Lieues sous les Mers. Les scaphandres n'étaient plus que des échos d'histoires que je leur avais contées. Ils n'étaient plus personne. Ironiquement, cruellement, ils étaient devenus... Nemo.
Toujours plus de morts, toujours plus de peurs... Nous étions pris dans un engrenage infernal. Soudain, j'entendis la voix de Iota alors qu'elle parlait à deux enfants survivants :
"Si nous lui faisons oublier, il ne se fera plus de mal."
Avec effroi, je m'aperçus qu'elle tenait le carnet de mes tentatives de suicide dans sa petite main fébrile. Elle l'avait donc trouvé et l'avait lu. Ses yeux étaient encore écarquillés des malheurs inscrits dessus.
"Il est malheureux ici." dit Dzêta d'un ton larmoyant.
"C'est à nous de le rendre heureux comme avant." serina Iota d'un ton déterminé. "Il ne doit pas se souvenir de ce que nous fait subir le vaisseau. Il ne doit pas savoir que c'est à cause de lui. Jamais."
"Tu... tu crois que c'est vrai ?" balbutia la toute petite Dzêta. "Tu crois que c'est lui qui a provoqué ça ?"
"Sans le vouloir." dit Iota avec une moue peinée. "Il agit comme un virus sur nous. Le vaisseau nous protège, Elle nous l'a dit. Il s'est reconfiguré pour Jules quand il est arrivé à bord, au détriment de nous. C'est pour ça que l'on tombe malade et qu'on meurt. Quelque chose est détraqué."
Un frisson me parcourut. Elle venait d'établir une vérité avec une voix calme et posée absolument terrifiante.
Un autre souvenir se matérialisa alors. Je vis Iota à genoux sur le sol métallique, dans la pièce secrète contenant les scaphandres. Reniflant courageusement, elle était occupée à ramasser les cendres éparses pour les réunir dans une petite boîte en fer. Les cendres que j'avais négligemment renversées du scaphandre avant de l'enfiler. Les restes des enfants défunts. Puis, elle se releva, essuya sa joue et s'éloigna, serrant étroitement la boîte dans ses bras, comme s'il s'agissait d'un bien infiniment précieux.
Un vertige me saisit. Clignant des yeux, je retrouvai le bleu humide de ceux de Iota. J'étais de nouveau dans l'instant présent. Peu de temps avait dû s'écouler, malgré le ressac des souvenirs. Sa main venait de quitter ma joue. Je tentai de la retenir, mais elle était molle et lourde. Tout son corps pesait dans mes bras. Sa peau, d'ordinaire si chaude, était presque glacée. Ses paupières papillonnèrent avant de se fermer.
Dérouté, perdu, je remarquai que l'homme noir en armure s'avançait vers nous. Il semblait émaner de lui une certaine forme d'autorité et de charisme. Dans le futur, les hommes de couleur étaient donc employés à de hautes taches ? Balayant mes futiles questions, je n'en posai qu'une seule, d'un ton presque suppliant :
"Pouvez-vous faire quelque chose ?"
Le dénommé Heimdall leva la main au-dessus du visage de Iota et déclara d'une voix grave et profonde, après un petit silence :
"Il est trop tard pour cela."
Ma main attrapa brusquement son poignet, se crispant dessus comme pour le défier d'achever son geste, même si j'ignorais ce qu'il comptait faire.
"Je refuse." dis-je, catégorique.
La rage, l'impuissance, la colère, la culpabilité m'écrasaient. Je ne pouvais tout simplement pas laisser cette enfant s'éteindre. J'avais déjà la mort de neuf autres enfants sur la conscience. Pas une de plus. Mon âme ne pourrait le supporter.
L'homme noir me fixa intensément, et je soutins son regard sans ciller. Brusquement, je sentis une lourdeur envahir tout mon bras, si bien que je fus contraint de lâcher son poignet par peur d'être paralysé tout entier. Une force écrasante émanait de lui. Etait-il en famille avec Neil ?
Lentement, sa main dériva à quelques centimètres du corps inerte de Iota. La fillette exhala un dernier soupir et disparut. Mes bras ne serraient plus que du vide. J'entrouvris la bouche, incapable d'articuler le moindre son. On me l'avait arrachée. Cette enfant, cette survivante. Cette exploratrice de l'imaginaire... Mon amie.
Une lueur bleutée s'anima alors dans les airs, juste au-dessus de mes bras. S'agissait-il d'elle ? La lueur murmura quelque chose que je ne compris pas, avant de se changer en cendres. Quelques grains volatiles caressèrent mes doigts et rejoignirent le sol rocailleux. Je déglutis avec peine, restant hébété quelques secondes à fixer les pierres.
Au bout d'un petit moment, je trouvai la force de redresser la tête pour planter un regard féroce et brouillé de larmes dans celui de l'homme noir.
"Vous... vous n'aviez aucun droit sur elle !" m'écriai-je, fou de rage et de douleur.
L'homme demeura impassible, tenant son bâton en main. Je me dirigeai vers lui, prêt à me battre pour venger celle qui n'était plus. Peu importait s'il me changeait en lueur vacillante puis en cendres. Quel prix avait donc ma vie ? J'avais causé la mort de dix innocents, dix rêveurs qui avaient seulement voulu des histoires... Je ne pouvais pas le supporter. Je songeai que Iota, dans son étonnante clairvoyance, avait eu raison de tout me cacher. Vivre avec un tel fardeau, c'était impossible.
crackle bones
Diane Moon
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
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“I love you to the moon and back”
| Conte : Hercule | Dans le monde des contes, je suis : : Artémis la déesse de la chasse et de la lune herself (même si je viens du monde réel)
Les souvenirs sont joies, peines parfois, mais toujours expérience
J'étais resté muette, me contentant de fixer avec stupeur le corps de Iota disparaître pour ne devenir que de la poussière. La boule dans ma gorge augmenta à nouveau, et je sentis mon cœur se serrer. Je m'étais réellement attaché à cette fillette, je ne comprenais pas ce qu'il se passait, pourquoi Heimdall faisait-il cela ? Mais, mes questions furent bien vite relégué au second plan, lorsque je vie Jules fou de rage prêt à s'élancer pour se battre avec Heimdall. Immédiatement je réagis, et m'interposais, de manière à l'empêcher d'avancer, bien qu'aveuglé par la rage il essaya tout de même de le faire. Je pouvais la ressentir, exactement comme si elle était mienne. Mon empathie ne captait que cela. Cette rage bouillonnante, et cette douleur infinie. Finalement, l'écrivain sembla se rendre compte qu'il s'agissait de moi, et se calma un peu. Même si je pouvais toujours sentir qu'il bouillonnait. Et, je ne pouvais pas lui en vouloir. J'admettais avoir des sentiments similaire. Je savais, juste mieux les contrôler sans doute.
"Il l'a changée en cendres. Elle...Elle ne méritait pas ça."
Le ton écœuré et triste qu'il employa augmenta d'avantage si c'est possible la boule dans ma gorge. Il tituba, et se passa une main sur ses yeux. Il pleurait mais refusait de le montrer. D'ordinaire j'aurais sans doute fait un commentaire sur le fait que pleurer n'est pas une faiblesse même pour un homme, mais aujourd'hui je n'en avais ni l'envie ni la force. De toute façon je faisais moi aussi tout pour retenir mes larmes. Je n'aimais pas montrer mes sentiments devant les autres. Parce que je ne voulais pas que l'on me perce à jour. Tout du moins, quelqu'un d'autres qu'Apollon. A lui, je n'hésitais pas une seconde à laisser tomber le masque. A hurler s'il le fallait, à pleurer de tout mon soûl quand j'en avais besoin....Mais devant les autres, j'avais toujours cet automatisme de rester forte et d'inverser les rôles. De devenir justement, cette épaule sur laquelle pleurer si besoin. Aussi, hésitais-je sur l'attitude à avoir avec Jules. Ne rien dire ? Utiliser mon pouvoir d'apaisement ? Ou au contraire lui proposer une étreinte pour montrer que je comprenais et partageais sa peine ? Ignorant laquelle de ces solutions était la bonne, je choisis de parler :
- Elle ne le méritait pas nous sommes d'accord. Mais s'il vous plaît ne faites rien d'insensés. Ne tentez rien contre Heimdall
Tout comme j'avais supplié Neil tout à l'heure, je le suppliais à son tour. Heimdall était bien plus puissant que lui. Et il y avait déjà eu la perte de Iota aujourd'hui. Je ne voulais pas voir quelqu'un d'autres s'en aller de cette manière
"Je n'ai pas peur de lui" répliqua-t-il les dents serres. "Il ne m'impressionne pas. Pourquoi devrais-je faire preuve de respect à un homme qui balaye les restes d'une enfant ?"
Je me mordillais la lèvre inférieur, hésitant sur la réponse à donner. Il me fallait lui faire comprendre qu'il ne faisait pas le poids face à Heimdall tout en évitant de le vexer ou de blesser son ego. Ce n'était nullement le moment pour cela, et ce n'était pas Apollon avec qui je pouvais me permettre un bon coup de couteau dans l'ego sans aucun scrupule. Doucement, je posais ma main sur le bras de Jules, ancrant mon regard dans le sien, afin d'essayer au plus de lui faire comprendre le message, tout en restant diplomate comme je l'avais toujours été
- Parce que ce serait pure folie de vous en prendre à lui. Laissez moi essayer de lui parler, de comprendre son geste. Parfois les mots valent mieux que la violence.
Je retirais doucement, ma main de son bras et attendis. Il finit par hocher la tête après un petit temps. Hochement que je lui rendit avec une pâle imitation de sourire et tandis-qu'il croisait ses bras, attendant. Je me tournais pour ma part en direction d'Heimdall, inspirant un grand coup afin de me donner du courage
- Heimdall s'il vous plait, nous avons besoin de réponses. Iota qui est-elle ? Et pourquoi l'avoir réduite en cendres ? Pourquoi ce geste ?
Cela faisait beaucoup de pourquoi je l'admettais, mais Jules avait besoin de comprendre, j'avais besoin de comprendre, nous avions besoin de comprendre. Déglutissant nerveusement, tandis-qu'il me fixait, j'attendis sa réponse
"Elle était l'une des votres" dit-il finalement. "L'une des premières." Son regard dévia vers Jules, et il poursuivit "Son esprit s'en était allé." Il marqua une pause avant de reprendre "C'était sa volonté."
Ainsi, j'avais vu juste. En retrouvant ce flot de souvenirs, et en pensant à la vision que j'avais eu lorsque je m'étais retrouvé inconsciente, le doute avait commencé à s'insinuer en moi. C'était pour cela que j'avais supplié Neil de me dire que ce n'était pas ce que je pensais. Qu'elle n'était pas l'une des nôtres. Mais en cet instant précis, j'avais besoin de savoir. Il me fallait en découvrir plus, sur son identité. Car une information, qu'elle nous avait donné, me taraudait. Tant pis, si cela me bouleversait encore plus que je ne l'étais déjà. J'étais forte, je me relèverais Parce que je me relève toujours. Peu importe ce qui nous arrive. Je me dois de rester solide comme un roc car si je flanche, Apollon flanche avec moi, et si Apollon flanche c'est l'Olympe entière qui flanche. Et ça, c'était hors de question
- Elle avait un frère dis-je finalement d'une voix tremblotante que je ne cherchais même pas à maîtriser est-ce que...
Les mots se coincèrent dans ma gorge, mais mon regard parlait pour moi «Est-ce qu'ils étaient comme Apollon et moi ? ». Voilà, la question qui m'obsédait. Voilà, l'information que je désirais plus que tout connaître. Mais Heimdall se contenta de me regarder, et de pencher la tête. Le message était clair, il ne pouvait pas répondre à cette question. Mes épaules s'affaissèrent et un soupire résigné s'échappa de mes lèvres
- Je vois...Dis-je simplement
J'avais l'habitude après tout. Les réponses n'étaient jamais clair, l'on nous donnait des fragments, des morceaux, comme un puzzle qu'il nous fallait assembler. Mais s'il fallait attendre, alors j'attendrais. Voilà de nombreux mois déjà, que j'avais cessé de courir après la vérité et d'essayer d'assembler les morceaux de notre passé. Les choses avaient une certaine tendance à me tomber dessus au moment, où je m'y attendais et le souhaitais le mien. Alors, je suppose que pour cela aussi, tout n'était qu'une question de temps. Je restais silencieuse un moment, pour digérer déjà tout ce que je venais d'apprendre avant de poser une ultime question
- Une dernière question si vous le permettez : Il y a-t-il un moyen de rentrer chez nous ?
Il leva la tête comme pour observer le ciel avant de répondre
"Plus rien ne vous retiens"
Et effectivement, je pouvais le sentir et Neil de son côté également. Nous pouvions à nouveau nous téléporter si nous le désirions. Sentant une main prendre la mienne je relevais la tête pour me rendre compte qu'il s'agissait de celle de Jules. Alors, je me mit doucement à la serrer, parce que je sentais qu'on avait besoin de ce soutien là tous les deux. La pilule était dur à digérer. Au bout d'un moment, je détachais ma main de la sienne, lui adressant un léger sourire d'excuse. Neil ne semblait pas aller très bien non plus, et je voulais également discuter avec elle. Il semblerait d'ailleurs que nous ayons eu la même idée puisque nous nous avancions chacune dans la direction de l'autre. Je finit par la laisser venir, essayant de réfléchir à ce que je pourrais dire. Ma nièce jeta un regard dans la direction de Jules avant de le reporter sur moi
« Ils étaient là avant vous... » Murmura-t-elle « Je n'étais pas au courant. Aucun d'entre nous le savait... » Neil se mordit les lèvres, hésitante avant de me regarder et poursuivre « C'était... » Elle regarda autour comme pour observer le vaisseau qui nous entourait précédemment « C'était surement un refuge, une cachette ou... une prison. Quelque chose pour... survivre. On ne pouvait rien faire de plus pour eux. »
Elle décroisa ses bras et s'avança vers moi hésitante. Je me contentais pour ma part de déglutir péniblement, les yeux humides. Je refusais de me laisser aller aux larmes. J'étais triste, en colère, révulsé mais à vrai dire tout ceci était bien plus dirigé contre moi que contre quelqu'un d'autres. J'allais devoir faire un bout de chemin vers l'acceptation, et je pense que j'allais devoir le faire seule.
- J'ai l'impression d'avoir usurpé une vie. Et j'ignore si c'est normal de ressentir ce genre de choses en cet instant précis Avouais-je finalement
« Tu n'as rien fait de tel. Personne peut prétendre prendre la place d'une autre. On est tous unique, on a tous notre propre raison d'exister. »
Elle me prit finalement dans ses bras, et j'acceptais l'étreinte sans rechigner. De toute façon, ça nous faisait du bien à toutes les deux. Il s'agissait là d'une manière de se soutenir en quelque sorte. Toute cette histoire nous avait encore une fois, tous touché et chacun d'une manière différente. Neil se mit à pouffer au bout de quelques instants avant de sourire
« Apollon voulait un chien... Je pense qu'il y a un chat que tu devrais aller voir prochainement... »
- Socrate ? Je suis sûr qu'il sera ravis de ma présence dans sa bibliothèque il a peur de moi
Cela pouvait d'ailleurs s'avérer extrêmement utile lorsque nous avions besoin de quelque chose. Généralement, il suffisait que j'entre en scène, et Socrate se mettait subitement à obéir sans faire d'histoire.
« Ou dans la tienne... »
La Bibliothèque de la lune faillis-je rectifier. Je ne la considérais pas réellement comme m'appartenant. Phobos était venu avant moi, et s'était assuré que le contenue des livres ne soit lisible de personne. Socrate l'avait lui même remarqué, quand il nous avait rejoint à la fin. Ils étaient vides. Néanmoins, peut-être devrais-je suivre son conseil. Elle me regarda toujours en souriant faiblement avant de soupirer et de tourner sa tête en direction de Jules
« Il faut qu'on fasse un truc de lui... On ne peut pas le laisser vagabonder tout seul à Storybrooke et on ne peut pas non plus le laisser ici à prendre l'air devant le temple d'Athéna. »
Ce fût à mon tour de pouffer, sans doute parce que j'étais en train d'imaginer la tête de ma sœur, si on le laissait justement en train de prendre l'air devant son temple. Je n'étais pas certaine qu'elle soit ravis, mais l'image mentale avait de quoi être divertissante il fallait bien l'admettre
- Et on ne peut pas le ramener à son époque une fois de plus étant donné qu'il y est mort Complétais-je Je vais retourner à la coloc, enfin chez Apollon et moi plutôt on va dire, ma décision est prise et non négociable. S'il y a besoin d'un endroit où le mettre le temps de prendre une décision fixe concernant ce qu'on fait de lui, on a quatre chambres de libre et je ne pense pas que ça dérange mon frère quelque chose me dit qu'ils seraient capable de s'entendre
Je ne pu m'empêcher de grimacer à cette idée. A vrai dire, envisager Apollon et Jules Verne s'entendant comme larron en foire ne me tentait pas trop. Et au vu de la grimace de Neil quelque chose m'affirmait que elle non plus n'était pas trop séduite par cette perspective. Là au moins, nous étions toutes les deux d'accord.
« Je pense que... » Elle soupira « Y'a peut être quelqu'un qui pourrait l'aider à... Enfin... » Nouveau soupire de sa part, bizarrement quelque chose me disait que l'idée n'allait pas me plaire « Il va avoir besoin de s'acclimater à Storybrooke et je pense que Ellie pourrait l'y aider. »
- Je ne sais pas trop. D'un côté l'idée me paraît la plus adapté pour ce que tu viens de dire et de l'autre ça me donne plus ou moins l'effet d'une bombe à retardement et d'une tonne d'ennuis en perspective avouais-je pensive
Pourquoi diable rien ne pouvait être simple dans cette famille ? Là aussi, vaste sujet qui pourrait regrouper plusieurs ouvrages méritant leur place dans la bibliothèque de la cité
« M'en parle même pas... Mais c'est son idée et... » elle s'interrompit et choisit de faire comme si de rien n'était « Je veux dire que ça pourrait être une bonne idée. Quoi qu'il en soit, voilà. On a une solution ! Reste plus qu'à rentrer. »
Je levais les mains en signe de réédition préférant néanmoins y ajouter un commentaire
- Je ne veux rien savoir de plus. Vous gérez Jules Verne comme vous l'entendez j'estime qu'une fois qu'on sera à Storybrooke ce n'est plus mon problème "Didi ? Je sais pas si j'ai bien fait mais...Olympe ne me répond plus. C'est comme si je n'étais plus le Maître. Depuis un moment. Et Hera est humaine. Où l'était ? Je sais pas. Je l'ai laissé récupéré ses pouvoirs. J'ai bien fait, non ? Je pouvais pas la laisser... Je suis désolé."
Je parlais de problème à l'instant. En voilà un de taille. J'oscillais entre l'exaspération et la colère. Quoi qu'il en soit, Apollon n'allait certainement pas s'en tirer à si bon compte. J'étais pas réellement en forme pour lui hurler mentalement dessus comme je l'aurais normalement fait, mais il n'empêchait que dès que je l'aurais face à moi, il se prendrait un savon de taille. Où est-ce qu'il était passé le « je te promet qu'il n'y aura aucune cachotterie ». C'était aux dernières nouvelles lui qui était venu me demander de cumuler un second manda en tant que bras droit. Soit disant car j'étais la personne en qui il avait le plus confiance
- Oh et dès qu'on sera rentré dis-je à l'adresse de ma nièce, rappelle moi de tuer Apollon
« Il y a quoi ? » Me demanda-t-elle en me regardant sans trop comprendre
- Il y a qu'Olympe ne réponds plus et qu'il a jugé bon de ne me prévenir qu'au dernier moment. Des fois je me demande si je sers réellement à quelque chose, ou bien si la fonction de bras droit consiste à faire plante verte annonçais-je contenant difficilement mon exaspération
Neil resta bouché bée quelque instant avant de se mettre à marmonner
- C'était ça ok... je comprend mieux... Je viendrai le butter avec toi si tu ne vois pas d'inconvénients. Ou mieux, je vais le bouder.
Oh ça ne lui ferait pas de mal, et de toute façon c'était de son niveau.
This is the end, hold your breath and count to ten
Elle était morte. La jolie princesse. La petite fille aux grands yeux bleus venait d'écouler tout son temps. Et nous, nous étions là. Muets. Incapables de trouver un mot pour qualifier toute l'horreur qui traversait nos regards perdus. J'avais à peine eu le temps de la rencontrer qu'on nous la retirait. Les enfants, je les adorais. Secrètement, comme toujours. J'aimais leur façon d'être, leur spontanéité, leur sourire. J'aimais les enfants pour l'espoir qu'ils représentaient, un avenir pourtant incertain qui à leurs yeux ne seraient qu'un amas gigantesque de féeries et de magie. J'aimais à y croire. J'aurais voulu tenter ma chance avec Iota, lui parler, l'aider, la serrer une dernière fois dans mes pauvres bras vides, mais j'en avais été incapable. Le temps avait filé, et la vie était devenue un fil de couture dont j'avais égaré les ciseaux. Ce que nous tissions venait d'être déchiré, l'ouvrage brisé en mille morceaux, et Iota réduite à des cendres. Ca faisait mal, ça piquait le coeur et je sentais ma gorge se nouer. La seule chose que pouvait s'échapper de mes lèvres n'aurait été qu'un hurlement. Triste, lourd et pesant. Nous n'en avions besoin, je préférais m'abandonner au silence, et supporter la perte de la petite fille par les dires incertains d'un Jules emparé par la colère. Je restais dans mon coin, le regard vide de toute expression, perdu dans les méandres de l'Olympe. Ce qui aurait dû me paraître surréaliste ne m'affectait même plus. Nous venions de perdre une enfant, et à tout nos coeurs venaient d'être arrachés une part d'innocence.
Un contact me fit lâcher un hoquet de surprise. Neil, accompagnée d'un sourire encourageant, venait glisser ses doigts contre les miens. A nous tous, nous formions une chaîne. Une jolie chaîne, vraiment. Une chaîne endeuillée qui devait trouver son réconfort dans son chez soi. Mon chez moi, je l'avais perdu. Je pensais l'avoir trouvé, ou du moins même si ça ne l'était pas, je tentais de m'en convaincre. Mais les idées reçues s'étaient toutes évaporées à partir du moment où nous étions entrés dans ce sous-marin. Tout semblait danger, mort, et fatalité. Quand la vraie vie nous frappa de plein fouet, je ne pouvais pourtant m'empêcher de penser que ma vie était meilleure là haut. A affronter des peurs. Des illusions qui ici, devenaient réalité. J'en frissonnai déjà. Le vent frais vint finalement balancer mes mèches rousses au gré d'une météo fougueuse. Une certaine fanfare faisait tambouriner mon coeur à un rythme régulier. Une journée était passée en ce qui semblait être une éternité. Je jetai un coup d'oeil aux étoiles. Iota venait de les rejoindre, et sous la lueur claire de sa joie, nous étions à la maison. Sous le sourire fait d'astres, je me sentais chez moi. Je me tournai vers Jules, le nez relevé vers la voûte céleste. Une ride soucieuse se formait alors sur son front, et son regard pensif se perdait dans chaque point de lumière.
"Et dire que nous étions tout là-haut, quelques instants plus tôt... Je ne m'y ferais sans doute jamais."
Nous étions là-haut. C'était invraisemblable. Et je peinais même à y croire alors que ces événements prenaient lieu un instant plus tôt. Aucun de nous ne s'y ferait certainement. J'hochai de la tête, pour approuver ses propos. J'observai les étoiles qui envoûtaient nos prunelles brillantes. C'était le temps des adieux, sûrement. Je ne voulais pas, et je réprimai une grimace à la violence qui frappait ma poitrine. Je n'allais plus les revoir, ou que par le fruit d'un hasard tout aussi dangereux. C'était triste à admettre, mais je devais m'y résigner. Et trouver un chez moi. J'étais partie sans avenir, je revenais vide de plans. Mais pleine d'espoirs. L'espoir faisait vivre, comme nous l'avait bien appris l'auteur. Je sentis alors le visage de Jules croiser mon regard égaré. Il affichait une mine navrée, quoique tendre. Il semblait néanmoins dépassé, et fatigué par toutes ces émotions. J'aurais voulu le prendre dans mes bras, le rassurer, mais j'en avais moi-même perdu la force. C'était un type de réconfort que je n'étais pas apte à lui donner à ce moment. Et sûrement jamais. Je laissai nos regards se croiser. Il y avait quelque chose d'intense. De sincère, en tout cas. De son air toujours désolé, il finit par affirmer:
« Je suis désolé que vous ayez eu à subir tout cela. Vous avez été très courageuse. Nous serons peut-être amenés à nous revoir. L'avenir est bien souvent incertain. - C'était un vrai plaisir de vous rencontrer, Jules... Je-je. Vous m'avez fait croire en l'avenir. »
Je croyais ce en quoi je lui disais. Je redonnais confiance aux mots, aux belles tournures, aux métaphores et surtout aux rêves oubliés. A l'imaginaire. Un imaginaire que j'avais préféré balayer pendant trop longtemps. Un imaginaire qui pouvait malgré tout nous sauver de la réalité, comme l'avait prouvé Iota. D'un air exténué et attristé, il frottait sa main sur son front. Il souriait, mais cela semblait être un effort qui l'épuisait. Je préférais contraindre mes envies câlines à un simple rictus compatissant. C'était une aventure qui allait nous marquer. Tous. Dans cette ombre de sourire, il articula d'un ton dépassé:
« Ayez une belle vie, mademoiselle. Elle passe si vite... il ne faut en perdre aucune minute. - Toute la vie, il faut apprendre à vivre. Comme dirait un écrivain qui m'est très cher. »
Il levait sa main pour saisir mon épaule qui paraissait alors si frêle, et fragile. Il l'étreignit d'une force chaleureuse, avant de relâcher prise, et de lâcher un semblant de soupir. C'était bien un adieu. Un adieu qui me brisait le coeur. Je vins rapidement déposer mes lèvres sur sa joue. Ce n'était sûrement pas d'époque, mais il m'avait compris. Ou, je l'espérais. C'était une bise légère presque imperceptible, qui j'espérais laisserait une trace indélébile sur sa joue. Celle d'une nouvelle rencontre. Inoubliable pour ma part. Il restait le trio féminin, étrangement d'aucune d'elles je ne m'étais vraiment rapprochée. Trop timide, peut-être. Je lâchai un sourire presque gêné à Diane et Neil, en les remerciant d'un bref hochement de tête. Le problème était tel que je ne savais point comment me comporter à leur côté. Neil parlait franchement, tandis que Diane s'éclipsait dans un silence pesant. Je n'osais m'exprimer ni avec l'une, ni avec l'autre, peinant à trouver un équilibre parfait pour leur paraître sympathique. Je ne me permettais pas de les toucher, et leur offris un simple remerciement. Bref, et court. Robyn était à côté d'elles, j'allais la rejoindre. Je triturais nerveusement une mèche, en la regardant avec mes yeux grands ouverts. D'admiration, sûrement.
« Merci pour toute à l'heure, Robyn. Tu sais... Je te trouve vraiment incroyable. Je veux dire, je sais que ce n'est sûrement pas le genre de choses que t'aimes entendre, mais t'es quelqu'un de bien. C'était super gentil de ta part de me passer l'armure. Je la méritais pas plus que toi. T'es quelqu'un de formidable, j'en suis sûre. »
Je me dandinais, et tanguais à chacun de mes dires. Comme si tout était une évidence. Je haussai mollement les épaules, en penchant la tête, avant de partir encore une fois. C'était un maigre au revoir, mais il était honnête. Si je ne l'avais tout d'abord pas apprécié pour ses perpétuelles insultes, j'y voyais désormais toute la poésie. Et il restait Sebastian. Le plus difficile à quitter certainement. Je m'avançais vers lui d'un pas indécis, me préparant mentalement à quitter le doux muet. La moitié d'un mètre nous séparait encore. Et après quelques instants d'hésitations, je me décidais à fondre contre lui, le serrant dans mes bras le moins brusquement possible. Les lèvres collées contre son épaule, j'arrivais néanmoins à marmonner près de son oreille:
« Merci pour tout. Pour l'espoir. »
Il se crispa aussitôt, esquissant un sourire gêné face à ce contact trop soudain. Je m'en voulais aussitôt. Mais, il semblait accepter chacun de mes propos hochant la tête soigneusement à chacun de mes mots. Une forte envie sangloter sur son doux manteau me prit, mais je retins tout cela. Même les petites larmes qui voulaient s'immiscer dans mes cils. Non, j'avais déjà assez pleuré pour aujourd'hui et hier. Chassant mes doutes, les lettres dorées de Sebastian me tirèrent hors de ma rêverie:
« Fais attention...
- Oui, toi aussi. Tu vas me manquer, Sebastian. »
Il allait me manquer, c'était vrai. Là, j'aurais dû partir. Mais je ne pouvais point. Mes pieds ne voulaient s'y résoudre. Et lentement, je me baissai après cette chaleureuse étreinte. Je faufilai mes doigts dans l'intérieur presque duveteux de ma bottine, et en cachai un butin. Mon butin de chaque jour. Je saisis sans réfléchir la main du jeune gardien, et déposai dans le creux de sa main du fil et une aiguille. Des éléments qui ne quittaient habituellement jamais ma chaussure. Cette fois, je les lui donnai. Le temps pour lui de comprendre de quoi il s'agissait, j'expliquai un tel cadeau:
« Pour coudre les coeurs des poupées cassées. »
Comme il avait recousu le mien avec des lettres en or, je lui offrais ma méthode. Il semblait touché, ça se lisait. C'était le genre d'expression qui promettait une émotion. Regardant les deux objets si liés avec une attention toute particulière, j'étais amusée par la nouvelle teinte rouge qui couvrait ses joues. Il serra ma main et la ramena précieusement vers lui en hochant vivement de la tête. J'aurais voulu vivre cet instant éternellement. Une paume sur son coeur, puis dans ma direction, il inscrit dans l'air de simples signes:
« Merci»
J'aurais voulu rétorquer que c'était à moi de le remercier, mais je me tus. Et la mort dans l'âme, je retirais mes doigts de cette étreinte. La candeur du beau Sebastian allait me manquer, mais chaque moment passé à ses côtés rendait les adieux d'autant plus difficiles. Avec chacun d'entre eux. Je ne savais pas où aller. Je n'avais nulle part où aller. Mais, ce n'était plus un problème car j'étais allée dans le meilleur endroit du monde. Un endroit fabuleux. Je laissai les pas me guider, et le hasard décider. J'affronterais les obstacles. Mais toujours, je sentirais sur moi l'oeil tendre d'une pauvre Iota. Une poupée de sable d'or sur ma paume. La poigne virile de Jules sur mon épaule. Je ne pouvais oublier ce moment. Et si, je le devais, les mots m'aideraient à m'en rappeler.
C'en était fini de la belle aventure. Désormais, la lune scintillante guidait mes pas.
Neil Sandman
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...ça m'évitera de tuer un type qui se croit drôle ! »
Quelques instants plus tôt, nous étions au delà des étoiles. Jules avait bien résumé la situation. Sebastian était à proximité de Sally qui venait de lui faire un gros câlin. Il avait une fois encore assuré et réussi à rester zen en toute circonstance. Et puis, il avait de la force dans les bras pour retenir une jeune femme qui sursautait au moindre bruit dans un vaisseau. Je lui en étais reconnaissante. Quand à Robyn, elle cherchait sans doute un moyen de fuir pour ne pas se prendre en pleine face le compliment que lui avait dit la jeune femme. En tout cas, Sally avait raison. C'était quelqu'un de bien et elle était toujours là quand on avait besoin d'elle.
Je sentais encore le doux câlin de Diane quelques instants plus tôt. Je savais que pour elle tout finirait par aller mieux. Elle se remettait de tout. Quelques jours de vacances et elle surmonterait ça. Jules était... tellement Jules. Il m'exaspérait. Je me demandais comment la suite allait se passer. On allait sans doute prévenir Ellie et il passerait quelques temps chez maman et papa. Mais que lui réservait l'avenir ? Est ce qu'il allait vieillir à nouveau, mais plus rapidement pour rattraper le retard ? Je n'avais aucune certitude. La seule chose que je savais, c'était qu'avant de la voir totalement disparaître, je devais récupérer un truc auprès de Sally.
D'un geste de la main, mon armure était revenue sur moi, avant de disparaître. Quand Sally m'avait observée, je lui avais adressé un petit sourire et un clin d'oeil. Je pourrai toujours lui prêter à nouveau quand le besoin s'en fera sentir. Mais en attendant, c'était mon armure. Et Robyn n'avait pas le droit de la donner à qui elle voulait. Je n'allais pas faire de caprice, mais ce qui était à moi était à moi. D'ailleurs, elle ne l'avait pas utilisé pour me protéger, préférant protéger Sally. Je ne pouvais pas lui en vouloir. Mais comment pouvait-elle savoir que je n'aurai pas besoin de protection ? Elle aurait au moins pu me poser la question.
Ce dont j'avais besoin maintenant, c'était d'une bonne nuit de sommeil, même si il m'était impossible de dormir. Mais un ami m'avait appris à me reposer l'esprit en m'allongeant simplement sur un lit, et en m'efforçant à me concentrer sur un paysage vaste et reposant. Il était souvent question d'une île. Il lui arrivait de m'y rendre visite et parfois de tenter de me faire lire un ouvrage. Mais sur toute bonne plage, il y avait toujours un Closer à porté de main, même si ça l'énervait que je préfère les photos et ragots aux proses. En tout cas, jamais j'y apporterai le moindre Jules Verne. Je ne voulais plus entendre parler de cet auteur. C'était pas contre lui, mais cette aventure m'avait un chouilla fait perdre mon sang froid à plusieurs reprises. Je n'aimais pas quand j'étais dans une situation où je ne pouvais pas tout contrôler.
D'ailleurs qui allait le ramener à la maison ? C'était convenu qu'il soit chez Lily et Elliot, du moins pour la soirée, histoire de trouver quoi faire de lui ensuite. Je n'étais pas fan de l'idée de mon ami, qui consistait à le faire rester chez mes parents. Pourquoi j'en étais pas fan ? Parce que c'était là bas où je vivais et passer le restant de mes jours dans la même maison que Jules Verne, c'était tout simplement impossible ! Encore, si pour compenser Apollon aménageait avec, ça aurait pu le faire, mais là... Et d'ailleurs pourquoi il ne donnait plus de nouvelles mon Apollon ? Il était bien trop occupé à s'amuser à la soirée ? J'avais hésité à me rendre près de lui pour lui faire la morale, voir simplement le prendre dans mes bras, mais j'avais une toute autre envie en cet instant.
Aussi tôt pensé, j'avais disparu et je m'étais retrouvé dans une cuisine. Je savais que la personne qui vivait ici ne dormait pas encore. C'était une soirée peu ordinaire, celle d'Halloween et comme toutes les fêtes, elle adorait les fêter à fond. Avant trois à quatre heures du matin, ça aurait été un véritable miracle de la voir au dodo. Et puis, j'avais faim et c'était la cuisine la plus remplie que je connaissais. Les armoires étaient pleins de boites à biscuits. Le frigo regorgeait de choses plus succulentes les unes que les autres, même si très peu étaient du fait maison. Dès que j'ouvrais une armoire ou le frigo, j'avais envie de tout prendre. Même si ce que je préférai, à savoir des Curly, avait été bannis de cette demeure après l'arrivée d'Apolline.
« Bonjour, petite maman. »
J'étais petite de taille, mais Lily l'était encore plus. Elle se trouvait justement devant le frigo, avec un verre de lait en main, le regard perdu dans le vide. Quand elle avait remarqué ma présence, elle s'était tournée dans ma direction, l'air ahuris.
« Oula... papa t'as encore laissé faire trompette à la fête ? » lui dis-je avec un petit sourire.
« Non. Non, non. C'est que du lait ! Avant c'était autre chose, mais depuis qu'on est rentré c'est que du lait. »
Elle m'avait montré le verre, avant de s'approcher de moi. A distance, j'avais fermé le frigo. Je me demandais depuis combien de temps elle était postée devant avec son verre de lait.
« Il y a quelque chose que tu dois savoir sur moi ! »
« Qu'il t'arrive de boire un peu trop ? Et que tu as généralement l'alcool heureux ? » dis-je avec un petit sourire. « Parce que ça, je le savais déjà. »
Elle fit une moue.
« C'est pas gentil. Tu viens de demain, du coup tu sais qu'aujourd'hui c'est comme ça. »
Étrangement, j'avais compris ce qu'elle venait de dire. Je venais du futur, et je savais plus de choses sur elle, qu'elle même. Peut-être même des choses que j'aurai préféré ne pas savoir.
« Mais c'est pas ça. » dit-elle en chassant une mouche invisible de devant elle, ce qui avait eu pour effet de me faire rire.
Elle avait une nouvelle fois la moue.
« Tu n'as pas le droit de te moquer de ta maman. J'ai beaucoup contribué à ta naissance, jeune fille ! »
J'avais hochée la tête d'un air entendu. On pouvait dire que oui, elle avait beaucoup contribué à ma naissance. D'un côté, c'était plutôt rassurant de savoir que ma mère avait fait le plus gros du travail, n'est ce pas ? Bien que j'étais venu rapidement au monde et qu'elle n'avait pas eu besoin de me porter très longtemps.
« Je disais que... » débuta t-elle avant de me fixer un petit moment et de me sourire. « Je disais quelque chose ? »
« Je crois que tu disais qu'il était temps d'aller au lit. Et si je t'aidais à monter ? »
« Ca serait plus raisonnable. Mais le jour où ta maman ne pourra plus marcher n'est pas encore arrivé. C'est pas un petit... deux petits... une bouteille de whisky ou de je ne sais plus quoi qui va me faire perdre mes moyens ! »
Ca m'étonnait qu'elle ait bu une bouteille entière. A dire vrai, elle était du genre à être pompette, ou trompette comme elle aimait si bien le dire, dès qu'elle entamait son premier verre. Si il y avait bien quelque chose qu'elle ne supportait pas, c'était l'alcool. Et quel qu'il soit !
« On va aller faire un gros dodo. » lui dis-je en la serrant dans mes bras et en nous faisons apparaître devant son lit.
Elle m'avait sourie, avant de me faire pencher la tête pour me faire un bisou sur le front. Puis, elle avait retiré le grand drap de sur son lit, et elle s'était faufilé dessous. Il ne restait plus qu'à la border. Parfois je me demandais qui était la maman dans tout ça. Elle était si adorable. Et puis vue tout ce qu'elle avait fait pour moi sans même le savoir, je pouvais bien lui rendre la pareil. Une fois bordée, elle m'avait observée avec un petit sourire, tandis que je lui avais rendu.
« J'ai beaucoup de chances de t'avoir. »
« A fond ! Et tu n'as encore rien vue ! » répondis-je avec un très grand sourire, fière de moi.
Car oui, on allait vivre encore beaucoup d'aventures, bien plus spectaculaires que celle où je la bordais, et qui lui montrerait à quel point elle pouvait être fière de moi. Du moins j'espérais qu'elle le serait. Je lui avais fait un bisou sur le front à mon tour, avant de m'apprêter à partir.
« Je serai toujours là... quoi qu'il arrive. » me dit-elle, ce qui me fit tourner la tête dans sa direction.
Pendant un moment, une pensée ou plutôt un souvenir m'avait effleuré l'esprit. J'avais cligné des yeux plusieurs fois pour les empêcher de s’embrunir, avant de sourire à Lily. Je savais qu'elle serait toujours là pour moi. Du moins le temps qu'elle le pourra...
« Bonne nuit. » lui dis-je dans un murmure avant de quitter la chambre et de fermer la porte.
Une fois dos à cette dernière, j'avais vue Anatole en haut des marches. Il m'observait avec un petit regard compatissant, les traits du visage tirés. J'étais restée quelques secondes à le regarder, hésitant à m'avancer vers lui pour le serrer dans mes bras. C'était une distribution de câlins aujourd'hui !
« Ellie est en bas. » me dit-il dans un murmure.
Je m'étais approchée de lui et il avait attendu un petit moment avant de me tendre la main. Je n'avais pas hésité une seule seconde à la prendre. Je ne savais pas ce qu'il avait entendu, mais j'avais bien besoin d'un peu de réconfort et il était la personne idéale.
« Ca va mieux. Beaucoup mieux. » lui assurai-je, tandis qu'il m'avait souri.
On avait descendu les marches en direction du salon. Ellie devait déjà s'y trouver. Il allait falloir la préparer au choc qu'elle aurait en voyant Jules débarquer dans la maison. Il allait falloir le préparer lui aussi. J'avais serré un peu plus fort la main d'Anatole, me demandant si c'était la bonne décision. Jules Verne dans notre maison, à notre époque. Jules Verne dans la même demeure qu'Ellie, aujourd'hui. Et demain ? Qu'en serait-il pour demain ?
Diane Moon
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“I love you to the moon and back”
| Conte : Hercule | Dans le monde des contes, je suis : : Artémis la déesse de la chasse et de la lune herself (même si je viens du monde réel)
But she stronger than you know a heart of steel start to grow...
Retour sur terre. Je, ne me sentais pas pour autant mieux et avait choisit de m'enfermer dans le silence comme je savais si bien le faire. Seule une profonde lassitude se lisait sur mes traits, n'ayant pas la force de laisser mon masque en place plus longtemps. Heimdall n'avait pas clairement répondu à ma question. Mais parfois, les silences veulent dire bien plus de chose que les paroles. Sally venait de nous quitter, et mon regard se porta droit sur la lune qui venait de percer à travers les nuages comme pour saluer mon retour. J'allais suivre le conseil de Neil. Mais probablement pas aujourd'hui. J'étais trop lasse, et trop éprouvée. J'avais besoin de rentrer chez moi, de me faire couler un bon bain chaud et d'une bonne nuit de sommeil. Demain, je rapatriais mes affaires et irait chercher ma Golden Retriever ainsi que sa portée chez Pitch. Au final, je ne m'y sentais pas vraiment chez moi. Et retourner à l'ancienne coloc, ne pouvait me faire que du bien. Ça serait Apollon et moi, comme au bon vieux temps.
- Bien, c'est ici que nos chemins se séparent. Même si quelque chose me dit qu'ils seront sans doute amené à se rencontrer à nouveau dis-je à l'adresse des personnes restante tout en remettant une mèche devenue argenté au contact de la lumière de mon astre d'un geste nerveux derrière mon oreil.
Je n'avais jamais été extrêmement douée pour les adieux, et nous n'étions après tout pas spécialement proche, même si je les appréciais chacun d'une manière différentes. Je pense qu'Apollon devait avoir sentie notre présence, et je pense que j'allais me diriger vers la fête. Je, n'avais pas le cœur à m'amuser, et j'avais beau être furieuse contre mon jumeau, plus que tout c'était de sa présence uniquement dont j'avais besoin en cet instant. J'avais besoin de lui montrer tout ce qu'il c'était passé, et j'avais besoin de lui parler de Iota.
- Je suis désolée pour le comportement de Neil dis-je tout de même à l'adresse de l'écrivain. Je pense que quelqu'un viendra vous chercher. Contente de vous avoir revus, même si j'aurais souhaité d'autres circonstances.
Hésitante, je finit par lui serrer la main doucement une dernière fois, comme pour lui assurer mon soutiens en quelque sorte. Puis, j'adressais un dernier sourire à tout le monde et me détournait avant de me téléporter. J'avais sentie la présence de mon frère, et il n'était pas sur Olympe. Je supposais que la fête avait dût être déplacé au vu des circonstances. Lorsque j'arrivais, il y avait encore du monde, mais seule une personne m'importait à l'heure actuel. Apo passait difficilement, inaperçu au vu de sa grande taille, et sans doute avait-il sentit que j'étais là, puisque son regard se porta dans ma direction. Accélérant, le pas mes talons claquant furieusement sur le sol je pointais un indexe accusateur dans sa direction
- Toi ! Sache que je suis absolument furieuse ! Je peux savoir pourquoi tu ne m'as rien dit ? Je suis ton bras droit Apollon pour l'amour de Gaïa ! Ma fonction, c'est de t'aider, de t'épauler. Et non pas de faire la potiche ou la plante verte ! J'ai une furieuse envie de t'étrangler et sache que je t'en veux pour au moins les cent prochaines années. Mais d'abord, je crois que j'ai vraiment besoin d'un câlin
Je chassais une larme traîtresses, même si je savais que je n'avais pas à faire semblant devant lui. Il me comprenait mieux que quiconque. C'est sans doute pour cela, qu'il passa son bras dans mon dos, avant de me serrer contre lui. Je laissais mon menton, se poser contre son épaule, fermant les yeux quelques instants, pour laisser mes larmes que j'avais trop retenue couler, avant de renifler et d'annoncer d'une petite voix histoire qu'il n'y ai pas de malentendu
- Sache que je suis toujours fâché
Un rire accueillit, ma réponse. On le savait tous les deux, que ce n'était pas totalement vrai. J'allais le bouder pendant deux jours, après quoi, nous serions plus unis que jamais. Le message était clair je pense. Qu'il ne s'avise plus jamais de me cacher quoi que ce soit. Je n'avais pas besoin d'être ménagé. Nous, nous en prenions tous à chaque fois plein dans la figure, et nous finissions toujours par nous relever. Je ne faisais pas exception à la règle.
Doucement, je posais ma main sur sa joue et rencontrait deux yeux exactement de la même nuance de bleu que les miens, il savait que j'avais quelque d'important à lui dire :
- Il s'est passé pas mal de choses de mon côté également. Je vais retourner à la maison, mais ce n'est pas la chose la plus importante que j'ai à te dire.
Je sentis son esprit entrer en contact avec le mien, alors que je lui laissais libre accès aux souvenirs de ce qu'il s'était déroulé plus tôt. Et quand je sentis qu'il eu finit, je pris une grande inspiration pour me donner du courage
- Elle s’appelait Iota. C'était l'une des nôtres
Il n'y avait pas besoin d'en dire plus. Je savais qu'il avait compris.
- Je n'ai pas trop le cœur à faire la fête, je suis désolée m'excusais-je pour autant je n'ai pas non plus envie de rentrer tout de suite et d'être toute seule. Ça ne te dérange pas, si je reste un peu ? Je peux fournir l'éclairage naturel plaisantais-je en désignant la lune qui n'avait pas cessé de briller.
J'avais un long chemin à faire vers l'acceptation et je savais qu'il prendrait plusieurs mois. Le temps, que je digère l'information, et qu'elle serve à me rendre plus forte. Je n'avais besoin ni d'être cajolé ni d'être rassuré. Ce que je ressentais, c'était de la colère, et cette colère j'allais devoir apprendre à la maîtriser seule afin d'avancer. D'autres épreuves nous attendait encore, et je comptais bien les surmonter....
made by pandora.
Jules Verne
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« L'avenir est une porte, le passé en est la clé. »
l'Odyssée - Alexandre Desplat
Etais-je un objet encombrant ? Je me souvenais des paroles de Neil et Diane à mon sujet, lorsqu'il était question de m'héberger. Je pouvais concevoir que j'étais une source d'ennui. J'aurais souhaité n'en causer à personne. J'avais la désagréable sensation d'être un assisté. Si j'en avais eu les moyens, je me serais débrouillé par moi-même. D'ailleurs, c'était ce que je comptais faire dès que la possibilité se présenterait.
Juste avant le départ de Sally, la demoiselle piqua un baiser sur ma joue. J'accueillis ce contact avec une expression étonnée. Puis elle s'éloigna, laissant flotter autour de moi la citation de Sénèque qu'elle avait prononcée. Neil la terrible s'en alla à son tour et Diane se sentit obligée de s'excuser pour son impolitesse. Il est vrai que je ne comprenais pas son départ puisqu'elle avait proposé de me faire passer la nuit chez elle, ou plutôt chez ses parents. Avait-elle changé d'avis ? Nullement inquiet, je faillis demander à la sélénite si je pouvais partir en sa compagnie. Après tout, elle avait parlé de m'emmener chez elle, également. Cependant, mon orgueil m'obligea à rester silencieux. Je ne pouvais décemment pas demander une telle requête. Je pourrais très bien chercher asile à l'église auprès du prêtre et ainsi loger pour la nuit dans le presbytère.
Diane sembla hésiter avant de me serrer la main. Je fus surpris par ce salut tout masculin. Décidément, les manières du futur me désarçonnaient. Tout me semblait embrouillé. Comment les gens s'y retrouvaient-ils ? Une révérence aurait été trop étrange, je le concevais. En revanche, un baise-main ou juste un baiser comme l'avait fait mademoiselle Pumpkin, voilà qui aurait été courtois et en somme, logique. La charmante sélénite disparut à son tour. Il ne restait désormais que Robyn et Sebastian, dans cette rue vaguement chahutée par l'écho d'une musique étrange.
En redécouvrant les reliefs de la ville de Storybrooke, mon coeur s'éveilla comme depuis un long sommeil. Tout ce qui était mort battrait à jamais en moi, aussi lourd que la pierre, mais j'avais la sensation de retrouver une existence autre que la mienne. Les Amériques au XXIème siècle... Cela sonnait comme le début d'une aventure extraordinairement prometteuse. Allait-on me laisser découvrir tous les secrets de ce futur mystérieux, cette fois-ci ? Je me souvenais des trois jours merveilleux que j'avais passés en 2016, avant qu'Elliot ne me ramène à mon époque. Elliot... ce cher ami que j'avais à peine connu. J'allais le revoir. Ainsi que sa charmante femme Lily. Une tierce personne s'imposait à moi, quelqu'un que je n'avais jamais oublié malgré la distance temporelle.
"Ellie..." murmurai-je avec l'ombre d'un sourire.
Mon regard se perdit dans le vide quelques instants et je me tournai vers Sebastian. Il semblait connaître la jeune femme, lui aussi. A présent que les demoiselles divines étaient parties, je pouvais converser en toute tranquillité avec lui à ce sujet. Aussi m'avançai-je vers lui, et déclarai sans détour :
"Je pense avoir compris pour quelle raison les enfants m'ont fait venir à bord de leur... vaisseau. Pourquoi moi et pas quelqu'un d'autre, ni même un autre auteur. Dans les souvenirs que Iota m'a rendus, il y a ce moment où elle me confie que tous entendaient la même voix que moi, par moments. Une voix à l'intérieur de nos têtes. Quelqu'un qui lisait mes romans. C'était celle d'Ellie. J'en suis persuadé. Je... je la reconnaitrais entre mille. Elle est de ces femmes qui laissent son prénom gravé dans notre âme."
Je lançai un regard de connivence à Sebastian, car il partageait forcément cet attachement particulier qui me liait à elle. Ellie était si fascinante... Comme je m'y attendais, il me dévisagea, puis son regard surpris laissa place à une expression intriguée. Un sourire doux apparut sur ses lèvres.
"J'ignore en raison de quelle fantaisie nous entendions sa voix, perdus dans l'univers comme nous l'étions." poursuivis-je, pensif. "En tous les cas, elle me rendait fou par instants. Je pense que ce sont mes histoires racontées par Ellie qui ont poussé les enfants à... venir me chercher."
Cela m'était pénible à évoquer. Pourtant, je ne voulais oublier aucun d'entre eux. Ni Iota, ni Dzêta, ni le bagarreur Upsilon... Ils continueraient de vivre à travers ma mémoire. D'ailleurs, j'avais pour ambition de coucher notre aventure sur papier. Cela serait une sorte d'hommage pour ces dix rêveurs qui dormaient à jamais dans les étoiles.
"Elle vous a... En quelque sorte sauvé la vie."
Les arabesques dorées dansèrent devant mes yeux avant de se désagréger. Je fronçai les sourcils, peu convaincu par ce qu'il avançait.
"Il s'agit d'une sorte de condamnation plutôt que d'un sauvetage, si vous voulez mon avis..."
"Ne lui en voulez pas. Elle n'est pas de ceux qui font volontairement du mal aux autres."
Sebastian était sincèrement persuadé que cette jeune femme n'avait voulu me causer aucun tort, et pour une raison qui m'échappait, j'avais envie d'y croire. J'avais besoin qu'Ellie reste un doux rêve sans aucune noirceur. Malgré tout, j'esquissai une moue sceptique avant de reprendre :
"Je n'ai pas souhaité parler de ceci en présence de Diane et de Neil de peur qu'elles fassent venir Ellie à bord du Nautilus. Pour rien au monde je n'aurais voulu qu'elle soit piégée comme nous l'étions."
En l'espace d'une seconde, je sentis le monde vaciller autour de moi tandis qu'une poigne de fer agrippait mon bras. Je clignai des yeux et chancelai légèrement. Je m'aperçus que le décor avait changé. Je me trouvais désormais à l'intérieur d'une maison moderne. Je pivotai vers le dénommé Heimdall qui venait de me faire apparaître en cet endroit.
"Il faut cesser de faire cela !" lançai-je, agacé d'être bringuebalé tel un paquet encombrant.
L'homme noir en armure se contenta de me fixer de son regard doré très perturbant, puis lâcha mon bras et disparut. Je remis correctement ma veste ainsi que mon gilet puis me tournai vers l'intérieur du salon dans lequel je me trouvais. Je reconnus aussitôt Anatole Cassini, qui ne m'avait nullement manqué durant toutes ces années. Je lui fis un rapide signe de tête, un peu rigide mais poli malgré tout auquel il ne répondit pas. A côté de lui se tenait Neil qui me semblait tendue. Un peu plus loin, pelotonnée sur un fauteuil, un livre sur les genoux, se trouvait Ellie. Son vêtement était négligé mais il émanait une telle lumière de sa personne que je m'attardais pas sur le reste de son apparence. Une légère exclamation lui échappa. Elle plaqua une main contre sa bouche. Mon regard captura le sien et je retins mon souffle. J'aurais souhaité des retrouvailles mieux orchestrées. Il fallait en blâmer cet esclave noir qui ne maîtrisait pas ses apparitions.
Après quelques secondes à nous observer sans mot dire, j'esquissai quelques pas, les mains dans le dos. Je jetai un coup d'oeil vers Neil, me demandant si elle avait annoncé ma venue à la demoiselle. A en croire son expression bouleversée et étonnée, je jugeais que non. Passant la langue sur mes lèvres, je choisis mes mots avec soin.
"Il semblerait que... le passé ne veuille plus de moi." déclarai-je finalement avec l'ombre d'une grimace embarrassée. "J'espère que ma présence ne vous sera pas trop pénible."
J'entendis une petite quinte de toux dans mon dos mais ne relevai pas ; sans doute qu'Anatole ou Neil cherchait à indiquer leur mauvaise humeur. Ellie n'avait pas détaché son regard du mien tandis que j'approchais. Lentement, elle se leva pour me faire face, m'observant comme si elle ne pouvait croire ce que ses yeux lui montraient. Soudain, elle bascula en avant et passa ses bras autour de moi, posant sa joue contre mon torse pour me serrer avec une chaleur si inattendue que j'en perdis tous mes mots. Je l'étreignis à mon tour, un peu hésitant, trop heureux de me sentir accueilli de cette manière. Quelqu'un était véritablement content de ma présence. Cela me réchauffait le coeur, dans ce futur incertain et inconnu. Par-dessus sa tête, je lançai un regard à Neil et Anatole qui nous fixaient, l'une méfiante, l'autre impassible. Le jeune homme me semblait un peu trop détendu étant donné les circonstances. Quoi qu'il en soit, après toutes les récentes péripéties et difficultés, je savourais le plaisir un peu égoïste et orgueilleux de serrer dans mes bras la femme qu'il convoitait.
Après quelques instants, j'interrompis l'étreinte, m'éloignant d'Ellie à regret. Un sourire tremblant illuminait son visage. Elle garda la tête penchée et passa une main contre ses yeux.
"Je... je peine à y croire." balbutia-t-elle. "Neil avait commencé à me raconter ce qui était arrivé, mais jamais je n'aurais pensé que... que vous seriez ici !"
Elle sourit de plus belle tout en me regardant. J'aurais aimé partager son allégresse, mais mon coeur était encore bien trop lourd.
"Je reviendrai très vite auprès de vous, mais je dois tout d'abord m'entretenir en privé avec Neil." dis-je, mon regard s'assombrissant. "Je suis certain que monsieur Anatole sera ravi de vous tenir compagnie."
Je m'inclinai brièvement devant la demoiselle qui me répondit tout naturellement par une révérence, comme si les années ne nous avaient pas cruellement séparés. Puis je me tournai vers Neil qui nous fixait d'un air atterré.
"Par ici, si vous le voulez bien." dis-je, agacé par son expression faciale.
Je lui indiquai la porte d'un bref signe de tête et m'y engageai. Une fois dans le couloir, je la fermai et me tournai vers elle. J'enfouis les mains dans les poches de mon pantalon et sentis le contact à la fois de la pierre de mémoire et du carnet de mes tentatives. Un léger frisson parcourut mon échine. Les seuls vestiges de cette vie à la fois merveilleuse et abominable à bord du Nautilus.
"De combien de temps puis-je disposer ?" demandai-je sans détour, l'observant d'un oeil altier pour masquer mon anxiété.
Pour toute réponse, elle plissa des yeux avant de hausser un sourcil.
"Si ça ne tenait qu'à moi, on ne débuterait même pas cette conversation." dit-elle, exaspérée.
Je restai de marbre, serrant les poings dans mes poches. J'étais un peu trop épuisé pour supporter ce genre de remarque acerbe. Malgré tout, je pris sur moi pour déclarer :
"La dernière fois, j'ai eu le loisir de rester trois jours à votre époque. J'estime avoir le droit de connaître la durée de ce second voyage. Je ne suis pas un simple d'esprit : j'ai compris que je n'ai plus ma place nulle part, et il me semble logique que ce soit vous qui mettiez un terme à mon existence. J'aimerais donc savoir de combien de temps je dispose."
"Vous voulez une réponse en minutes ? En heures ?"
Elle posa son index contre mon torse, avec un air malicieux.
"Si ça se trouve, je vous ai déjà tué et vous n'en êtes même pas conscient."
Je fronçai les sourcils, plus lassé qu'angoissé. Elle leva les yeux au ciel et soupira :
"Allez on se détend. Inutile de parler de sacrifice humain aujourd'hui. Là ce qu'il faudrait de toute urgence, c'est une douche, ou un bain, parce que ça cocotte. Je comprends même pas comment Ellie a pu vous prendre dans ses bras !"
Elle se recula de quelques pas en fronçant le nez et je lui renvoyai un regard indigné. Il était tout à fait normal de ne pas sentir le jasmin ou la rose après une journée aussi abracadabrante !
"Je ne vous permets pas !"
"Y a que la vérité qui blesse !" répliqua-t-elle du tac au tac. "Allez Juliette, on passe sous la douche et on ne fait pas de manières."
Je plissai des yeux en entendant la déformation de mon prénom. La cohabitation allait très mal se dérouler si elle me provoquait de la sorte. Puis je déclarai d'un ton dédaigneux :
"Venant d'une femme qui porte un prénom ridicule, ce genre de moqueries n'est guère plus qu'une caresse. La salle de bains est à l'étage, je présume ?"
"Cassandre." articula-t-elle. "Qu'y a-t-il de ridicule à ça ?"
"Pourquoi vous faites-vous appeler Neil, dans ce cas ?" fis-je sans comprendre.
"Ca s'appelle un diminutif. Mon second prénom est Héléne, d'où Neil. On m'appelle aussi Cassie, ou Petit Bébé, ça dépend. Et d'ailleurs pour vous, désormais, ça sera mademoiselle Sandman."
Je levai les yeux au ciel et entrepris de monter l'escalier, sans lui répondre.
"Les femmes sont d'un naturel compliqué, je l'avais presque oublié." soupirai-je.
Je gravis les marches d'un pas lent, pensant à cette journée ainsi qu'aux précédentes. Je me perdis au premier étage mais finis par trouver la fameuse salle de bains dans laquelle je m'enfermai. En croisant mon reflet dans le miroir, j'eus un sursaut. J'avais une mine affreuse. Mes cheveux s'agitaient en boucles désordonnées sur mon crâne, mes yeux cernés étaient injectés de sang, mon visage avait un teint cireux. Je fis couler l'eau -bataillant quelque peu avec les robinets- et m'allongeai ensuite dans la baignoire. Je fermai les yeux puis basculai dans un sommeil de plomb, terrassé par la fatigue.
Dans un songe, j'aperçus les contours d'une imposante bibliothèque, mais avant même de pouvoir m'y promener...
Je me réveillai en sursauts, à demi étranglé par l'eau qui était entrée dans mes narines et ma bouche. Décidément, rien n'était jamais de tout repos, quelle que soit l'époque !
crackle bones
Sebastian Dust
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From Gold to Grave Who's making the Sandmandream ?
| Conte : Les 5 Légendes. | Dans le monde des contes, je suis : : Le Mαrchαnd de Sαble ϟ Archeron.
C’était à nouveau la fin d’une histoire. D’un récit relaté à plusieurs, vécu avec différentes paires d’yeux pour en explorer tous les angles de vues et pourtant ne pas tous aboutir au même scénario. C’était le côté grisant, étrange du libre arbitre humain et de sa manière de penser. Sebastian en revenait avec un sentiment doux amer, la perception d’avoir vécu quelque chose hors du temps et de l’espace, mais en même temps de bien réel. De familier. C’était comme être dans un rêve, on reconnaissait des éléments et on se persuadait de les avoir déjà vu, ça rassurait même si on savait que ce n’était pas tout à fait la vérité. Pas tout à fait la réalité. Ils avaient manqué de s’écraser sur une planète. Ils avaient assisté à la disparition de la dernière enfant d’un vaisseau perdu dans l’espace. Ils avaient subis leurs peurs avant de rencontrer un grand homme à la peau sombre ; le gardien se rappelait de lui, il était dans la Grande Vallée quand il s’y était rendu la première fois. Observant de loin comme un gardien, sans doute était-ce la personne qui avait pris la place à Hyperion pour protéger les enfants dieux ? En tout cas, ils lui devaient la vie sauve. Encore.
Ses yeux grisés observèrent en silence disparaître les unes après les autres ces jeunes femmes avec qui il avait partagé quelques heures… D’abord Sally, adorable Sally, petite poupée inquiète et triste qui avait trouvé un peu de courage pour affronter cette aventure. Des larmes mais aussi des sourires, quelques regards et des doutes qui avaient manqués d’avoir raison de ses convictions. Sab espérait, en un sens, que ce qu’il s’était passé l’avait remise un peu sur le chemin de l’espoir dont elle avait si peur. Comment une jeune femme pouvait-elle craindre à ce point de s’accrocher à ses rêves et souhaits ? Qui fuyait-elle pour ne même pas oser aller de l’avant ? S’appuyer sur une base solide, taper du pied sur le sol et s’élancer, peu importaient les conséquences ? Elle était gentille pourtant. Très douce. Et le cadeau qu’elle lui fit le toucha plus qu’il ne saurait vraiment l’exprimer. Du fil, une aiguille, le son d’une machine à coudre et un pas en avant vers la découverte. Le marchand de sable se contenta pourtant d’un sourire troublé, se promettant intérieurement de la revoir à l’occasion. De lui laisser le temps de digérer, songer, croire… Et peut-être la croiserait-il au détour d’un rêve ? Il avait en tout cas hâte de parler à Louise de l’adorable personne qu’il venait de rencontrer. Storybrooke recelait d’habitants tous plus surprenants les uns que les autres.
Neil s’en était allé avec un petit sourire entendu, rempli de secrets et de non-dits qu’il faudrait percer. Un jour peut-être, le temps ne pressait pas. Le temps ne pressait jamais quand on avait un sentiment d’éternité naviguant en soi… Mais ils se connaissaient. Lui l’avait croisé dans les songes de Lily mais elle semblait le connaître au-delà de ça. Au delà de tout. Peut-être un jour aurait-il l’occasion de discuter un peu avec elle ? D’en apprendre plus ? Il faudrait qu’il demande à Ellie de la rencontrer. Mais pas ce soir, puisque ce soir visiblement elle allait retrouver un vieil ami. Un bon ami. Un ami qui disparu après la déesse Artémis, quasiment en même temps que Robyn, le laissant désormais seul en pleine rue.
Il poussa un soupir, levant le nez vers la voûte céleste au-dessus de leurs têtes. Sebastian entendait encore les échos des fêtes régissant un peu partout dans la ville, les cris des uns et les rires des autres. Halloween… Une bien étrange fête quand on y pensait. Une fête de l’horreur et de la décadence. Une fête de cauchemars et de frayeurs. Il croisa des adolescents déguisés un peu plus loin, visiblement bien éméchés, portant fausses dents de vampire et autres accoutrements singuliers. Penchant la tête sur le côté, il essaya de comprendre pourquoi la fille portait un pompon en bas des reins… La mode des plus jeunes lui échappait complètement parfois. Haussant les épaules, il prit son envol à son tour pour voguer à travers la ville. Juste un peu. De toute façon, Arthur devait sans doute dormir à l’heure qu’il était ; pourvu qu’il ne s’inquiète pas de son absence ! C’était un garçon débrouillard, un peu décalé mais pas méchant pour un sou ; il ne lui en voudrait pas de prendre encore quelques minutes à l’extérieur ?
Son souffle laissait échapper un peu de vapeur, ses grands bras posés sur ses genoux, occupé à observer le sable doré qui allait et venait dans des formes animales ou indéfinies. Il parcourait les rues dans des volutes tendres, discrets et silencieux, pour une fois. Une unique fois dans l’année. Un accord tacite qui s’était pris il y a bien longtemps, parfois Sab s’en mordait les doigts mais il n’avait pu le refuser. Pour Halloween, les cauchemars étaient autorisés. Acceptés jusqu’à une certaine heure avant d’être remplacé par les rêves tranquilles et radoucis auprès des enfants. C’était donc particulièrement normal de voir les chevaux de sable noir voguer sur les derniers toits, emportant avec eux monstrueux songes ou peurs irraisonnées ; déconcertant et malsain, mais néanmoins normal. Ou presque. Une araignée sombre tenta de grimper jusqu’à lui et il suffit d’un regard du Marchand de Sable pour qu’elle ne soit aplatie par une tapette à mouche géante et dorée ; elle se prenait pour qui celle-là ?
Un claquement entre deux paumes suivi d’un ricanement. Sebastian tourna vivement la tête pour apercevoir Pitch, visiblement guilleret, qui s’avança dans sa direction d’un pas tranquille. Assuré. Il déglutit à son approche mais ne bougea pas de sa position, n’ayant normalement rien à craindre…
« Alors, Sandy, comment se passe cette nuit au combien… Cauchemardesque ? »
La voix suave le fit lever les yeux au ciel, détournant le regard pour regarder le reste de la ville. Il ne comprendrait jamais pourquoi Pitch préférait le mal, les larmes et les cris à toute la joie immense procurée par l’espoir. L’amour. La passion… Des sentiments forts, bénéfiques, dans lesquels il puisait sans jamais faillir depuis tout ce temps. La mort contre la vie. Le Ying et le Yang. Le bon et le mauvais. Des opposés. Etaient-ils donc voués à se détester l’un et l’autre éternellement ? Sab était rancunier, sans doute un peu trop, mais comment pardonner à quelqu’un qui vous avait presque tué ? En soit, ils étaient quittes désormais. Involontairement, mais réellement.
La faux passa à quelques centimètres de son visage, le faisant bondir en arrière sous la surprise ! Qu’est-ce que… La seconde attaque le frappa au niveau du torse, le faisant basculer hors du toit tandis que son pouvoir s’activait à toute allure pour se défendre. Contre-attaquer. Rétorquer. Des fouets lumineux apparurent dans chacune de ses mains, frappant le croque-mitaines aléatoirement pour parer les attaques de son arme mortelle. Ile gardien se stabilisa dans les airs, essoufflé soudain, laissant un instant passer avant d’attaquer à son tour Qu’est-ce qu’il lui prenait ? Que faisait Pitch ?! Pourquoi n’était-il pas…
La flèche lui perfora le dos et traversa son torse à une vitesse fulgurante.
Sebastian hoqueta de surprise sous la vive douleur, fixant avec des yeux surpris, ébahis, la pointe s’extirpant de son corps. Une impression de déjà-vu. De retour en arrière. De… Le sable doré se mit à se contracter et trembler pendant que l’aura du sable noir s’emparait de ses sens. Parcourait sa peau et sa chair. Grimpait jusqu’à son cou, recouvrant ses membres et ses vêtements. Il entendit le rire de Pitch, le vit s’élever dans le ciel tandis que des centaines de chevaux cauchemars le rejoignaient. Il sentit son corps basculer dans le vide, incapable de bouger. Incapable de lutter. Son cœur ralentit à même ses tempes, filant. Diminuant. Régressant. Jusqu’à s’arrêter dans un souffle coupé.
Le choc. L’impact sur le trottoir…
… Et ses yeux qui s’ouvrirent brutalement sur les toits paisibles de Storybrooke. Haletant, Sebastian se redressa à toute allure en se rendant compte de la main de Pitch glissée dans ses cheveux. Qu’est-ce que… Il avait osé ?! Il avait osé lui imposer un cauchemar ?! Le plonger dans un songe pour lui faire croire à… Comment avait-il réussi à… ?! Le marchand de Sable était littéralement furieux. Effaré, mais en colère alors que Pitch s’esclaffait dans un rire sonore, hilare de son mauvais tour. A s’en tenir les cotes tellement il semblait satisfait ! Il passa une main dans ses cheveux pour les ébouriffer, chasser le contact dégoutant du croque-mitaine au cas où il ferait une réaction allergique. Puis il croisa les bras sur son torse, tapotant du pied sur les tuiles en attendant des excuses évidentes. Qui ne vinrent pas. Ô non, elles ne se décidèrent pas à franchir les lèvres de son alter ego.
Une boule de sable dorée apparue dans la main de Sab, n’attendant que d’être jetée à la figure de Pitch. Ce dernier se redressa rapidement en sentant la répartie arriver, secouant la tête sans se défaire de son sourire narquois. Au moment où il lui l’expédiait dessus, le lâche s’évapora dans un nuage obscur pour réapparaitre à quelques mètres de là. Il n’allait pas s’en tirer comme ça ! Foi de Marchand de Sable. Un claquement de doigts et plusieurs lianes se ruèrent sur Pitch pour l’attraper, parvenant à le saisir par la cheville pour le ramener, suspendu la tête en bas, face à Sebastian. Il avait toujours l’air contrarié et l’autre, toujours amusé malgré sa mauvaise posture
« C’est tout ce dont tu es capable ? » Souffla Pitch en pure provocation.
Des lianes qui se coupent. Du noir et de l’or. De l’encre et de l’espoir. Des cauchemars et des rêves, éparpillés, expédiés, matérialisés puis évaporés. Aux enfants encore éveillés à une heure pareille, il ne restait que les yeux surpris pour surprendre l’étrange course-poursuite qui se dessina sur la lumière des réverbères. Eternelle. Enfantine. Libératrice, à sa manière… Des attaques qui éclataient en millions de confettis. Des arabesques au milieu d’avions et dirigeables, des chevaux côtoyant des diplodocus, une raie manta éclairant le ciel pour chasser l’ombre d’un requin. Voguer. Voler. Vaincre. Triompher de l’ombre. Couvrir de douceur et de joie la moindre parcelle de doute… Allégresse. Rêve. Tendresse. Emerveillement. Jeu. Liberté.
Et au fond de soi, rester un enfant éternel. En mémoire de ceux qui, ce soir, avaient trépassé au nom de l’Espoir.
Jules Verne
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« Les livres anciens ont le parfum des mots oubliés. »
l'Odyssée - Alexandre Desplat
La même nuit, quelques heures plus tard...
Je marchais dans l'allée d'une imposante bibliothèque. Les rayonnages semblaient ne pas avoir de fin, et leur hauteur était vertigineuse. A travers le plafond vitré, d'innombrables étoiles illuminaient un ciel couleur d'encre.
Je savais que j'étais en train de rêver. Il est étrange comme parfois nous sommes conscients de dormir et d'avoir laissé notre corps derrière nous, en bas, dans le monde matériel.
Ne pouvant résister plus longtemps à la tentation, je me saisis d'un livre au hasard et l'ouvrit. Les pages étaient vierges. Aucune écriture, nul chapitre, aucun mot. Fronçant les sourcils, je le reposai sur l'étagère et il sembla se décaler de lui-même de quelques centimètres, alors que les autres ouvrages se rapprochaient de lui afin de l'étreindre convenablement. Profondément étonné par la tournure de mon rêve, je pris un autre livre. Tout comme le précédent, il était entièrement vide, privé de mots. J'hésitai quelques instants avant de faire un pas de côté pour le ranger sur un autre rayonnage. Sous mes yeux stupéfaits, l'ouvrage disparut dans l'étagère, comme happé par les autres volumes et reparut à la place exacte à laquelle je l'avais pris. Les ouvrages de cette bibliothèque avaient un classement particulier mais surtout une volonté propre. Je pris pour parti de ne plus les contrarier.
Je repris donc mon chemin, ne me sentant nullement perdu. Il est facile de se laisser gagner par l'angoisse mais ayant pleinement conscience de rêver, je n'avais aucune crainte. Il était aisé de me réveiller si la situation devenait périlleuse. Je mis donc les mains dans mes poches de pantalon et marchai plusieurs minutes, jusqu'à trouver une sorte de salle par laquelle toutes les allées semblaient se ramifier. Il s'y trouvait plusieurs tables rondes d'aspect ancien. Non loin de l'une d'entre elles, un vieil homme était occupé à lire un ouvrage. Il se tenait debout, ses lunettes à grosses montures noires descendant sur le bout de son nez, une ride soucieuse barrant son front.
M'approchant d'une démarche audacieuse qui est propre à celle des rêves, je lui demandai d'un ton désinvolte :
"Est-ce intéressant ?"
Le vieil homme leva les yeux de son ouvrage pour me regarder, remontant les lunettes sur son nez.
"Dois-je vraiment vous répondre ?"
Il redressa la couverture du livre dans ses mains et je pus constater qu'il y était écrit mon nom. Cet homme n'avait pas l'air d'apprécier l'une de mes histoires. Je haussai les épaules, faussement navré pour lui. Je n'allais pas m'en formaliser : j'avais fait rêver des milliers d'autres personnes.
"Je suis désolé de vous apprendre que j'en suis l'auteur." dis-je m'avançant pour lui tendre la main. "A qui ai-je l'honneur, monsieur ?"
Le vieil homme caressa un court instant son menton de sa main droite avant de la tendre et de serrer la mienne.
"Un ami." répondit-il. "Pas un admirateur, mais un ami."
Je souris à cette petite plaisanterie, puis un silence s'installa. Je levai les yeux pour observer les hauts rayonnages qui se découpaient en grande étoile autour de nous, et demandai, sincèrement intrigué :
"Pourquoi est-ce le seul livre dont j'ai pu lire la couverture ? Tous les autres sont vierges. C'est incroyablement frustrant."
Mon "ami" baissa les yeux sur l'ouvrage qu'il avait en main avant de les relever vers moi.
"Je ne vois pas de quoi vous parlez." dit-il, profondément étonné en retournant le livre qui arborait mon nom en lettres dorées.
Je lui décochai un regard à la fois méfiant et de plus en plus intrigué.
"Etes-vous le seul à être capable de lire ces livres entreposés ici ?" songeai-je à haute voix. "Qu'avez-vous de spécial ? Etes-vous un bibliothécaire nanti d'un pouvoir quelconque ? Aspirez-vous les mots après les avoir lus ?"
Je me pris à la fantaisie d'imaginer la panse de ce vieil homme emplie de lettres et de phrases. Mes pensées partant en vrille, je posai les yeux sur son ventre avant de secouer la tête, amusé malgré tout par cette idée.
Mon interlocuteur laissa échapper un rire avant de répliquer :
"Me voyez-vous donc comme un ogre ?"
"Loin de moi cette idée ; j'aime simplement comprendre ce qui m'échappe." répondis-je avec un aimable sourire. "Il est amusant d'essayer de capturer l'essence des rêves."
"Qui dit que les songes ne sont pas la réalité ?"
Sa question rhétorique me prit au dépourvu. Que cherchait-il à expliquer ? Il pivota sur lui-même pour ranger le livre dans un rayonnage. L'ouvrage traversa aussitôt l'étagère tout du long pour disparaître dans les aléas de la bibliothèque.
"Si vous souhaitez tellement comprendre ce qui vous échappe, pourquoi ne pas chercher la réponse dans vos rêves ?" demanda le vieil homme en se tournant de nouveau vers moi. "Après tout, un homme passe plus de temps à rêver qu'à être réveillé."
Je fronçai les sourcils, réfléchissant, essayant de suivre son raisonnement.
"Les rêves n'ont aucune logique. Il serait insensé d'y chercher une réponse. Par où devrait-on commencer ?"
Ma voix était assurée. Je posai sur l'homme un regard sceptique. Il m'était apparu comme un sage mais voilà qu'il devenait un peu fou. Les deux n'étaient jamais loin l'un de l'autre.
Mon "ami" regarda autour de lui.
"Ici, c'est un bon début." dit-il d'un ton enjoué.
"Cela ne m'aide en rien." rétorquai-je, un peu agacé.
"Comment expliquez-vous que vous l'entendiez ?"
Je plissai des yeux, indécis, même si j'avais la sensation de comprendre de qui il parlait.
"Les rêves sont le reflet de nos âmes. Ils sont parfois si forts et si puissants qu'ils peuvent voyager d'un être à un autre. Il leur arrive même de dépasser les limites du temps."
C'était donc de cette façon que la voix d'Ellie s'était imposée à moi, à bord du Nautilus. A partir d'un rêve ? Je peinais à le croire. Tout cela me semblait bien trop saugrenu.
"La véritable question qu'il faut vous poser pour tout comprendre est..."
Il me fixa intensément à travers les verres de ses lunettes. Curieusement, je me sentis frémir. Il possédait une sorte de magnétisme étrange. Allait-il achever sa phrase ? Il semblait aimer jouer avec mes nerfs.
"Est-ce que le rêve et la réalité sont si éloignés l'un de l'autre ?"
Son regard pétilla tandis que je cogitais sur sa question.
"Trouvez le bon ouvrage, et vous obtiendrez votre réponse."
Il se tourna pour partir.
"Comment puis-je trouver duquel il s'agit si je ne peux en lire aucun ?" m'écriai-je, profondément frustré.
Cet imbécile ne s'arrêta pas. Il me tournait résolument le dos en marchant.
"Revenez !"
Je n'allais certainement pas lui courir après. Une rage impuissante s'empara de moi et je me tournai vers un rayonnage au hasard, les mains levées sans trop savoir qu'en faire. Il se disait mon ami et il m'abandonnait ainsi, face à une infinité de livres interdits ?
Je desserrai quelque peu le foulard à mon cou et jetai un coup d'oeil furibond à une étagère. A ma grande surprise, je m'aperçus au bout de quelques secondes que j'étais capable de lire les titres sur la tranche. Ils apparaissaient les uns après les autres, tous plus énigmatiques à chaque fois. Le souffle coupé, je pivotai vers un autre rayonnage, puis un autre. C'était comme si toute cette fabuleuse littérature s'offrait à moi.
"Qu'avez-vous fait ?" articula une voix d'homme dans mon dos.
Je me retournai pour voir un asiatique qui s'approcha d'une étagère, fixant les livres d'un air aussi perplexe que moi.
"Rien du tout." me défendis-je en songeant que l'heure d'ouverture de la bibliothèque avait eu lieu.
"Si, vous avez fait quelque chose !" fit le chinois en me désignant d'un doigt accusateur.
"Ne me pointez pas de cette façon." répliquai-je d'un ton pincé en donnant une tape sur son index.
L'homme en face de moi poussa un son étrange, qui ressemblait à un feulement. Je reculai d'un pas avec une grimace indécise.
"Ces livres !" siffla-t-il entre ses dents. "Il y a des mots dessus ! Ca fait des mois que j'attends ce moment ! Et vous, avec vos manières et votre gilet, vous m'avez volé ce moment ! Moi aussi, je porte un gilet !"
D'un air important, il tira sur son fameux gilet brodé. Je songeai qu'il avait un léger problème.
"Je n'y suis pour rien." dis-je avec toute la politesse dont j'étais capable.
"Taisez-vous !" coupa-t-il avant de bondir en quelques pas vers une étagère.
Là, il voulut se saisir d'un livre mais sa main passa au travers. Il essaya plusieurs fois, s'acharnant avant de pousser un "Nooon !" déchirant, presque un miaulement. Je pris une grande inspiration et attendis qu'il se tourne vers moi pour m'avancer à mon tour vers la-dite étagère et lever une main d'un geste théâtral. Mon "ami" m'avait fait don de cette bibliothèque, après tout. Par conséquent, j'en étais le maître.
Quelle ne fut donc pas ma déconfiture en m'apercevant que ma main passait également au travers. Je me sentis profondément touché par cette injustice. Le vieil homme m'empêchait de me saisir des ouvrages maintenant que j'étais capable de les lire ! Quel vieux chnoque !
Le petit asiatique émit un ronronnement satisfait quand soudain, son regard se stoppa net. Il observait quelque chose ou quelqu'un derrière moi. J'entendis alors distinctement le bruit d'un livre qui glisse hors d'une étagère.
Je me retournai, découvrant une petite fille brune qui au bout du rayonnage, tenait un livre ouvert dans ses mains. Elle était vêtue d'une jolie robe vert pâle ornée d'un ruban couleur émeraude autour de la taille. Les multiples jupons donnaient une allure bouffante à sa jupe et ses bottines blanches claquaient joliment sur le sol de la bibliothèque.
Je savais que j'étais en train de rêver, mais les paroles de mon "ami" me revinrent en tête. Les frontières du rêve et de la réalité sont parfois très minces, au point de se confondre. Je n'étais plus certain d'être véritablement occupé à dormir. Tout me semblait trop concret.
Délaissant l'asiatique, je m'approchai de la fillette qui ne m'entendit pas, trop absorbée dans sa lecture. Plus j'avançais, et plus je me sentais ému par toute sa personne. C'était vraiment elle. Par quel miracle pouvait-elle se trouver ici ?
"Iota..." murmurai-je tout à côté d'elle.
Je m'agenouillai afin d'être à sa hauteur. Elle tourna la tête vers moi et me sourit, gardant le livre ouvert devant elle.
"Jules." dit-elle comme si nous n'avions été séparé que quelques instants. "Il y a tant d'histoires dans cet endroit !"
Elle était émerveillée, impatiente de se replonger dans l'ouvrage. Baissant les yeux vers ce dernier, je constatai que je pouvais le lire. Mais toujours pas le toucher.
"Je te les lirai avec plaisir, si tu acceptes d'en tourner les pages." déclarai-je avec un sourire humide.
Afin de me persuader qu'elle était vraiment là, je tendis la main et saisis la sienne, toute petite. Elle était chaude mais pas brûlante. Elle allait mieux.
"Le vieux monsieur m'a dit que je pouvais rester ici, avec toutes les histoires. Je ne peux pas aller ailleurs, mais j'en suis heureuse."
L'homme était donc bel et bien un ami, il n'avait pas menti. J'ignorais l'étendue de son pouvoir, mais il était certes titanesque.
Un son caquetant résonna bientôt derrière moi et je soupirai.
"Elle peut toucher les livres ! Bien, dans ce cas, elle peut rester. Elle pourra me tourner les pages ?" demanda l'asiatique d'un ton à la fois pincé et implorant.
Gardant la main de Iota dans la mienne, je me redressai, toisant le petit homme de toute ma hauteur.
"Ca sera moi qui vous ferais la lecture. Vous resterez à plusieurs mètres de nous et ne nous importunerez pas. Est-ce bien clair ?"
Le chinois poussa un nouveau grognement courroucé avant de détendre les muscles de sa nuque.
"Je ne puis supporter ces conditions plus longtemps ! J'irai me plaindre au maître d'Olympe."
"Faites donc." dis-je d'un ton désinvolte en me tournant vers Iota. "Allons nous asseoir. Il me tarde de débuter la lecture."
Le sourire de la fillette se fit plus large et elle m'entraîna à travers le rayonnage, serrant l'épais volume contre elle comme un trésor.