Cet homme était aussi chaleureux qu'une porte de prison, ce qui devait probablement s'avérer utile par fortes chaleurs. Même moi, j'étais plus cordiale. Et puis délicate avec les cartes de visite que l'on me tendait ! Sans. Déconner. Il ne l'avait même pas lue. J'aurais pu être Calamity Jane, la tueuse la plus recherchée du pays, que ça ne lui aurait absolument rien fait. Le pire étant que j'étais bien plus classe que Calamity Jane et qu'il aurait sans doute eu besoin de mes services - même s'il se passerait encore 100 ans avant qu'il ne se l'avoue à lui-même.
J'étais surprise, à vrai dire, de constater qu'il avait somme toute un cœur. A l'entendre parler d'Anna, sa partenaire, cela devenait évident. C'était comme écouter Colère parler de Riley, à la différence près que le chocolatier ne tenait de journal et que je ne me souciais pas réellement d'Anna. Je me fichais encore plus de sa frangine pour qui "cela ne tournait pas très rond" et notait simplement de tâcher de ne pas la rencontrer. J'avais assez de cas sociaux dans mon entourage, merci bien. Néanmoins, la remarque m'avait fait sourire.
Puis je songeais à cette Anna. Probablement une jeune fille, quoique plus âgée que Riley ne l'avait été, le travail des mineurs étant, à ma connaissance, toujours illégal en Amérique. Elle devait être sa protégée comme Riley avait été la nôtre. Il ne fallait probablement pas chercher de poux à cette Anna si on ne voulait pas se mettre son gardien ronchon à dos. Tout comme il ne fallait pas m'en chercher - notamment parce que j'ai toujours les cheveux propres - au sujet de Riley.
Nous avions plus en commun qu'aucun de nous ne pourrait l'admettre.
- De toute façon, vous pourrez juger par vous même, c'est elle qui s'occupera de la livraison, conclut-il abruptement.
Dieu merci, il parlait d'Anna, la "saine d'esprit", pas de l'autre, la folle. Je pouvais largement traiter avec une personne normale.
Je hochai la tête pour manifester le fait que mes synapses s'étaient correctement connectées et que j'avais enregistré l'information.
- Ne vous inquiétez pas pour ça, juger, c'est ma spécialité. Vous c'est le chocolat, moi c'est ça. Chacun son domaine, pas vrai ? demandai-je de façon purement rhétorique en battant des cils. Byyyyyyyyyyyyyyyyyyyyye ! m'écriai-je finalement en tournant les talons, la tête haute, avec le sentiment du travail bien fait.
Même si je ne l'avais pas rendu plus sociable. Je n'étais pas venue pour ça, de toute façon. Et s'il n'y mettait pas un peu du sien, je pourrais remuer ciel et terre que ça ne changerait rien.