La maison est derrière, le monde est devant.

Après un petit câlin avec ma belle petite Cassie, je lui avais demandée pourquoi elle était venue. Elle m'avait répondue qu'elle était là depuis le début, quand elle m'avait sentie quitter la ville et qu'elle avait laissée faire, tout en nous surveillant. Elle pensait que la situation était étrange et qu'elle aurait dû tout stopper de suite, mais comme je n'en avais pas émis le souhait, elle n'avait rien fait.

« La prochaine fois qu'elle te parle comme ça, que tu le veuilles ou non, je lui fais avaler sa queue de poisson. »

J'avais hochée la tête d'un air entendu. Elle avait raison. On ne devait pas me parler ainsi. Surtout pas quand on était mon amie, ma future colocataire et ma partenaire de soirée entre filles. J'avais déjà toute une liste de films à regarder ensemble et de magasins à fréquenter. Qu'est ce qui lui irait bien comme vêtements ? Son look était pas mal du tout, mais un peu vieillot avec le temps. Porter toujours la même chose, ne vous rajeunissait pas.

« Elliot est là ? On entend du bruit dehors. » dis-je surprise. On sortie toutes les deux et on retrouva Elliot en grande conversation avec ma sirène.

« Tu es déjà au courant ? » lui demandai-je surprise. « Ca va être géant, tu vas voir. Elle sera à l'étage, juste à côté de la chambre de Cassie et on se fera des soirées entre filles. »

« De quoi tu parles ? »

« Ouais ! De quoi elle parle ? »

« Ben de la proposition. Tu vas habiter chez nous, n'est ce pas ? »

Je vis Cassie passer une main sur son front, avant de regarder son père et de lui faire un sourire rassurant. Ca signifiait qu'elle était d'accord. Je connaissais bien mon petit bébé.

« Non mais attendez, je vous explique. Je préférerai me faire dévorer vivante par une murène plutôt que d'habiter avec vous. »

« De toute façon c'est ce que j'aurai fait si tu avais accepté. » répondit Elliot du tac au tac, tandis que je levais les yeux au ciel en voyant les deux jeunes gens se disputer comme si ils étaient frères et soeurs. C'était mignon. Ils allaient finir par s'entendre, c'était évident. Ohhh faudra que je lui présente Astrid !

« Espèce de tortureuse de Delorean ! »

« Oh mais lâche nous avec ta caisse, tu gonfles ! »

J'avais fait les pas qui me séparaient de mon homme et j'avais posée une main sur son torse en faisant mes tous petits yeux.

« Elliot chéri ? Tu sais ce qui me ferait vraiment plaisir ? C'est que tu sois gentil avec elle et qu'elle habite avec nous. Et que tu arrêtes de soupirer. Parce que si tu fais ça pour moi, je pourrai me montrer très très gentille avec toi. » lui dis-je avec un petit sourire coquin.

« Pitié... maman... »

« Non, mais c'est pas ce que tu crois Cassie. » lui répondis-je rapidement, tout en retirant ma main du torse d'Elliot pour la descendre et chercher sa main. « Là c'est juste pour euh... enfin c'est pas ce que tu crois. »

Comment voulez vous être convaincante quand votre mec sursaute au moment où votre main trouve sa fesse, plutôt que sa main. Quel boulet ce type. Mais il est tellement choupi comme ça.

« Non non, Lily. On va arrêter les trucs dangereux. Elle ne peut pas habiter avec nous, parce qu'on a la responsabilité de plein de gens. Si on la laisse se promener en liberté, on ne sait pas ce qui va se passer. »

« C'est pas un chien. T'es pas obligé de parler d'elle comme ça. » s'exclama Cassie avant de se raviser comme si elle avait fait une boulette.

« Non, mais laisse le, ça reflète juste sa nature profonde. » dit Melody d'un ton acide.

« Bon les enfants, on va se comporter en adulte. »

« Oui, je me comporte en adulte ! Je la téléporte dans la prison d'Olympe et ensuite on va manger une glace. »

L'idée était tentante... du moins pour la glace.

« Pas question. Ecoute, elle m'a kidnappée. Elle est venue chez moi, elle avait tout préméditée. Elle aurait pu me tuer. Elle m'a empêchée de manger des frittes qu'un beau garçon m'a servis. Elle s'est montrée désagréable. »

« Sympa, de prendre ma défense, vraiment... » répondit Melody ironiquement.

« Non mais je veux dire par là que tu aurais pu te montrer très mauvaise. Très très. Bien plus que tu l'as été. Enfin, tu ne l'as pas été vraiment, mais ça aurait pu être le cas. » ajoutai-je en m'enfonçant d'avantage. « Bref, Judah m'a offert la maison, elle est à mon nom, elle est à moi et elle est un lieu de immunité diplomatique. Du coup comme elle sera dedans, tu ne peux pas l'amener à Olympe. » J'étais fière d'avoir trouver ça toute seule. « Maintenant si tu viens nous téléporter à la maison tous les quatre, on a surement encore un gâteau à la ca... enfin un truc dans le frigo ou dans l'armoire. » dis-je d'une plus petite voix.

« No place like home. »

La Melody se la jouait un peu trop poisson de haut vol alors que dans la chaîne alimentaire, elle avoisinnait plutôt le plancton. Si j'étais elle, j'aurais fermé ma bouche depuis longtemps mais visiblement, l'arrogance était de famille. Chez les divins, on était tous un peu grande gueule, inutile de se voiler la face.

Cassie m'avait demandé d'y aller mollo avec elle, donc de ne pas la changer en sushi, mais il avait été plutôt ardu de résister à la pulsion quand j'avais vu ma Delorean défigurée. Ca plus le kidnapping de Lily, c'était un peu beaucoup. Elle allait couler des jours heureux à la prison d'Olympe, c'était garanti !

Lily et ma fille venaient d'apparaître auprès de nous. Ma bien-aimée semblait ravie que la sirène habite chez nous. Keukoi ? J'écarquillai les yeux de surprise alors que ma fille passait une main sur son front et esquissai un sourire qui se voulait rassurant, dans ma direction. J'avais loupé un épisode ou quoi ? La sirène traduisit ce qu'on pensait tous les trois. Hors de question. No way. Est-ce qu'elle avait fait prendre de la drogue à ma Lily ? Quand elle s'approcha de moi, j'en profitai pour détailler ses pupilles. Elles n'étaient pas dilatées. Tout semblait parfaitement normal. Alors dans ce cas, que lui arrivait-il ? Elle ne pouvait décemment PAS vouloir que Melody la folle dangereuse emménage chez nous !

Hélas, je ne pouvais refuser sa demande. Elle avait raison : Judah lui avait offert la maison, elle était bel et bien un lieu de d'immunité diplomatique, comme les eaux internationales. Roh, la galère...

Je passai une main dans mes cheveux ébouriffés, cherchant une faille par laquelle nous sortir de ce mauvais pas. Je croisai le regard de Cassie et brusquement, une idée sournoise germa dans mon esprit. J'esquissai un sourire canaille et répliquai à Lily :

"Très bien. Je nous emmène à la maison."

J'attrapai les deux femmes de ma vie et les téléportai chez moi. Après quoi, je réapparus pour choper la sirène qui dut croire une brève seconde qu'elle était libre. Dans tes rêves, poiscaille.

Je ne la lâchai pas tout le temps où nous étions sous terre, tous les deux. Elle étouffa un cri et se protégea la tête de ses mains alors que des cailloux et de la poussière nous tombait dessus. Elle pensait sûrement que j'allais l'enterrer vivante, voire pire, mais qu'elle soit tranquille... elle allait vivre.

Je resserrai mes bras autour d'elle même si elle me rouait de coups. Je vis ses yeux s'agrandir d'effroi et de stupéfaction alors qu'en quelques secondes, des murs et un plafond avait jailli de nulle part, se créant à partir de moi et repoussant la terre qui nous oppressait. Effectivement, c'était assez impressionnant.

"J'ai fait plus fort que ça." dis-je sans aucune modestie.

Elle en profita pour me coller un coup de pied dans le tibia. J'étouffai un grognement et tombai par terre alors qu'elle s'éloignait d'un bond en poussant un cri enragé.

"Je suis où bordel ? Où tu m'as emmenée ?"

"Tu es à la maison. Enfin... sous le jardin." dis-je avec un sourire faussement aimable.

Je me relevai en réprimant une grimace de douleur et lui désignai le lit une place, la chaise et la table qui composaient l'unique mobilier de la pièce de dix mètres carrés à tout casser. Les murs étaient gris et nus et ça sentait la terre humide.

"Je viens de créer un bunker rien que pour toi. Qu'est-ce qu'on dit ?"

"Connard."

Je m'attendais à un autre mot, mais sans doute était-ce trop lui demander. Elle aurait tout de même pu me remercier de ne pas l'avoir envoyée dans une cellule d'Olympe, mais bon, j'avais fait une promesse à Lily. C'était sacré.

"Je vais te laisser aménager la pièce comme tu le souhaites." dis-je, ironique. "Si tu as besoin d'un truc, il suffit d'appeler." ajoutai-je en tapotant de l'index sur ma tempe.

"Va te faire, espèce de sale...!"

Pas besoin de rester, j'avais compris l'idée. Elle se rua sur moi dans l'intention de me transformer en sole meunière, mais je fus plus rapide et disparus. Inutile de créer une porte pour accéder au bunker. De cette façon, seuls les divins pouvaient venir rendre visite à la petite sirène. C'était une sécurité de plus.

Sifflotant, j'apparus dans le salon où se trouvaient Lily et Cassandre.

"Voilà, la sardine est dans sa boîte ! Notre hôte est en train de s'installer. J'ai créé un bunker spécialement pour elle, sur le sol de notre propriété, comme tu le voulais." soulignai-je à l'adresse de Lily. "Ne me remerciez pas."

Tout fier de moi, je me dirigeai jusqu'au frigo et en sortis une bouteille de Tropico. Il fallait fêter ça dignement.

"On se mate un film ? Je suis même partant pour un film de filles, si vous voulez ! Genre Bridget Jones ou Love Actually !" demandai-je d'un ton enjoué.

J'avais envie de passer du temps avec elles maintenant que toute menace était écartée pour le moment.

.

La maison est derrière, le monde est devant.

« C'est inné chez lui ! Il arrive à m'énerver comme personne d'autre ! Et en plus il le fait bien ! »

Je ne comprend pas trop ce que je veux dire par là, si ce n'est qu'Elliot est la seule personne sur Terre capable de me rendre dingue, même quand il fait ce que je lui demande. C'était pourtant quelque chose de facile à accepter, que de faire venir Melody chez nous, pour que je puisse prendre soin d'elle. D'accord elle m'avait kidnappée, elle m'avait emmenée avec elle en dehors des frontières de la ville, et ensuite ? Elle s'était peut-être comportée d'une manière peu agréable, mais elle n'avait absolument rien fait d'irréversible. Et puis c'était pas comme si j'avais été seule durant tout le long du voyage. Ma tendre Cassie était là du début à la fin, attendant de voir jusqu'où tout cela nous mènerait.

« Le pire dans tout ça, c'est que dès qu'il est avec, il fait absolument tout pour me protéger, pour me préserver du moindre danger, mais il ne pense pas au fait que quand il n'est pas là et qu'il part explorer d'autres univers, je suis toute seule. »

Voyant le regard de ma fille qui me faisait face, je m'étais mordue les lèvres. Elliot n'était pas le seul à veiller sur moi et j'étais jamais réellement seule.

« Tu sais bien ce que je veux dire par là. Si je considère que Melody est quelqu'un de fiable, à qui on peut laisser une seconde chance, c'est que tel est le cas. Ou du moins que je suis prête à en prendre le risque. Je ne suis pas une poupée de porcelaine qu'il faut garder précieusement dans une vitrine pour pas qu'elle se prise à la moindre occasion. Je suis une grande fille. Femme. Mère. Et puis dans la logique des choses ça devrait être à moi de te protéger. »

« Je croyais qu'on remettait en cause le fait que papa te surprotège. »

« C'est exact, mais toi aussi. J'ai croisé le jeune homme qui ne parle pas et qui vient dans ma chambre le soir pour contempler mes rêves. Je sais que c'est toi qui lui a dit de faire ça ? »

Du moins j'en étais persuadée, mais en voyant les yeux de ma fille s'ouvrir en grand et prendre un air des plus surpris, voilà que je me mettais à en douter.

« Sebastian vient ici chaque nuit ? »

Pourquoi j'avais dit cela ?

« Oui. Enfin, pas toutes les nuits, mais quelque fois. Il m'arrive même de lui mettre des cookies et du lait frais, même si il en mange rarement. Au début je croyais que c'était le Père Noël ou quelqu'un de ce genre là, mais il s'avère que ce n'est pas le cas. Tu l'as déjà croisé ? Il est vraiment adorable. »

Une nouvelle fois, en voyant le regard de ma fille, je devrai mieux changer de conversation. Et puis après tout ce n'était pas la seule personne à venir me rendre visite sans qu'Elliot ou Cassie le sache. Ce n'était pas si grave d'avoir ses petits secrets, n'est ce pas ?

« Tout ça pour dire que tu as bien fait de tenir tête à mes côtés face à Elliot. Melody est installée dans la chambre d'ami et c'est bien mieux pour elle que dans cette chose que mon homme a jugé bon de construire sous la maison. Qu'est ce qui lui a pris ? Si encore il y avait un moyen de s'y rendre sans s'y téléporter, on pourrait y stocker des choses, mais là c'est simplement inutile. »

« Je crois que je vais te laisser régler les détails avec lui et y aller. »

Je ne l'avais pas retenue. Elle avait passée une journée entière et toute une nuit à me suivre, elle devait être fatiguée. Étrangement, j'étais en pleine forme. Je devrais faire plus souvent ce genre d'escapades avec ma sirène. Quoi qu'il en soit, est ce que j'allais vraiment faire ce que j'avais dit ? C'est à dire de ne pas passer la soirée avec Elliot et de dormir dans une autre de nos chambres d'amis ? Est ce qu'il m'attendait ? En passant à proximité de ma chambre, je pouvais y entendre du bruit derrière la porte. Je ne savais pas ce qu'il faisait à l'intérieur, mais ça devait être sans doute quelque chose ressemblant à du rangement. En dehors du fait qu'il était capable de m'énerver comme personne, il était aussi capable de me surprendre. Ce type me rendait dingue, totalement dingue. C'était la dernière pensée que j'eu avant d'ouvrir la porte de la chambre et de trouver monsieur le têtu avec les cheveux en bataille, un spray pour les meubles en main, un chiffon dans l'autre et un véritable... bordel dans la chambre. Pourtant, je n'avais pas pu m'empêcher de lui sourire.

« Melody restera ici. » dis-je catégorique en soupirant et en retirant un bouton de mon chemisier. « C'est non négociable. » Un second bouton. « Et tu seras gentil avec elle. » Troisième. « Elliot ? » dis-je en me stoppant et en le fixant droit dans les yeux. « Je suis vraiment obligée de tout déboutonner moi même ? » achevai-je en souriant.